La commission d'enquête a examiné le rapport au cours de sa séance du 10 juillet 2013.
Cette dernière réunion de notre commission d'enquête est consacrée à l'adoption du rapport, dont le projet vous a été communiqué. Il sera remis officiellement au président de l'Assemblée nationale et présenté à la presse mardi prochain.
Le rapporteur, Alain Bocquet, va vous rappeler les orientations majeures de ce document et les propositions sur lesquelles il conclut. Puis ceux d'entre vous qui le souhaitent pourront intervenir, après quoi nous passerons au vote.
Je ne reviendrai pas longuement sur ce rapport dont chacun a pu prendre connaissance et sur lequel nous avons déjà discuté la semaine dernière. Je me félicite du travail que nous avons collectivement accompli. Les rencontres, à l'Assemblée nationale ou sur le terrain, avec environ 150 personnes, dont de nombreux experts, et la visite de plusieurs sites industriels nous ont permis de réunir des éléments de réflexion forts riches. Le résultat est un bon point d'étape sur la sidérurgie et la métallurgie, incluant un rappel historique, un diagnostic sur leur situation et des réflexions sur leur avenir.
Nous affirmons clairement la nécessité de maintenir et de développer cette filière déterminante pour notre souveraineté industrielle et économique. Les vingt-six propositions présentées en annexe reprennent peu ou prou l'ensemble des idées avancées par les membres de la commission d'enquête, dans des termes qui devraient faire l'unanimité.
Ce rapport n'a pas la prétention de tout dire et de tout régler, mais il constitue un outil dont les pouvoirs publics, les industriels et le mouvement syndical pourront se saisir afin de défendre, tous ensemble, un élément important de la réindustrialisation de notre pays. Je vous invite à exprimer vos propres réflexions et à proposer, le cas échéant, des ajustements.
Le rapport final s'intitulera : « La sidérurgie et la métallurgie : un combat pour la souveraineté économique ». Il comprendra un avant-propos de notre président, Jean Grellier, les comptes rendus intégraux des auditions et, parmi les annexes, la contribution des commissaires appartenant au groupe de l'UMP, ainsi que la liste de toutes les personnes rencontrées. Il nous reste à décider si nous devons l'adopter.
Cette commission d'enquête nous a effectivement donné l'occasion de rencontrer quasiment toutes les personnes connaissant bien le sujet : nous pouvons donc presque prétendre à l'exhaustivité.
Je retiendrai en particulier ces propos d'Arnaud Montebourg, qui résument assez bien la situation actuelle : « Les Européens ont organisé eux-mêmes la destruction de leur propre industrie métallurgique, interdisant à leurs champions d'atteindre la taille critique qui les protégerait des prises de contrôle ».
L'évolution de la sidérurgie entre 1974 et 1995, marquée par la perte de 110 000 emplois, résultait d'une rationalisation en partie inévitable. La crise de 2008 s'y est ajoutée, entraînant à nouveau des surcapacités de production, notamment dans les pays de l'Est européen. Mais il est clair que nous avons atteint un plancher : il n'est pas question de réduire encore le nombre d'emplois, sauf à détruire définitivement notre industrie sidérurgique et métallurgique.
Il est donc nécessaire d'adopter une stratégie nationale, mais aussi européenne – d'où l'intérêt d'avoir rencontré M. Antonio Tajani, le Commissaire européen en charge de l'industrie. Je ne reviens pas sur les mesures concrètes proposées dans le rapport, qu'il s'agisse de l'évolution du cadre réglementaire en matière de stimulation de la demande d'acier, des conditions équitables d'accès aux marchés internationaux, ou des dispositions relatives à l'énergie, l'innovation ou la qualification. Elles concernent tant l'Union européenne que le gouvernement français.
À la différence de ce qui se passe en Allemagne ou en Italie, un problème de gouvernance se pose en France. Les syndicats n'y pèsent pas autant, l'État, pourtant centralisé, ne pèse pas autant que l'État fédéral allemand, ni les régions par rapport aux Länder. Incontestablement, le modèle économique actuel ne nous permet pas de maîtriser la situation. Il faudra donc inventer de nouvelles formes d'interventionnisme public pour éviter la disparition pure et simple de cette industrie.
Nous devons également être vigilants quant à l'application des mesures proposées. En particulier, il convient de suivre attentivement, et au quotidien, la mise en oeuvre de l'accord entre le Gouvernement et le groupe ArcelorMittal, dont on sait qu'il n'a pas pour habitude de respecter ses engagements. Dans l'hypothèse où l'accord ne serait pas respecté, nous ne devons rien nous interdire.
Personne ne nie que les sites de Dunkerque et de Fos-sur-Mer soient des piliers de la sidérurgie française. Ils représentent l'amont de la filière, si bien que l'on ne peut concevoir cette industrie sans eux. À cet égard, la Lorraine, comme la Bourgogne ou Rhône-Alpes, fait partie d'un ensemble. En tout état de cause, nous sommes à l'étiage : une des conclusions de nos travaux, c'est que notre modèle n'a pas bien résisté, en comparaison avec d'autres pays, qui produisent autant qu'autrefois.
Les préconisations du rapport devraient nous permettre d'acquérir une certaine distance par rapport à des événements qui, trop souvent, nous empêchent de nous projeter à long terme. Rien n'est gagné. L'Europe doit se montrer offensive : ainsi, en matière de protection de nos produits, par exemple, l'Union européenne n'a pas été très efficace, contrairement aux États-Unis. N'oublions pas, par ailleurs, que la Chine va nécessairement frapper à nos portes.
Les atouts, nous les avons : ce sont les hommes, les process, les centres de recherches, les clients. Il n'y a donc pas de raison que nous ne trouvions pas les solutions. Une partie d'entre elles sont d'ailleurs dans le rapport.
En mon nom personnel comme en celui des députés du groupe UMP, je me félicite de l'état d'esprit qui a présidé à nos travaux. C'est en effet dans une excellente ambiance que nous nous sommes donné l'ambition de défendre une politique industrielle active. Qu'il s'agisse des auditions comme des déplacements sur le terrain, nous aurons, globalement, travaillé dans le bon sens.
Le dossier de la sidérurgie et des activités métallurgiques comprend deux grandes entrées sectorielles – l'acier et l'aluminium – et deux entrées géographiques – la Lorraine, avec Florange, et la Savoie, s'agissant notamment de l'avenir des usines Rio Tinto Alcan de Saint-Jean-de-Maurienne et Carbone Savoie à Notre-Dame-de-Briançon. Mais nous avons su prendre le problème dans sa globalité en soulignant la nécessité d'une politique industrielle – mais aussi énergétique, les deux vont évidemment de pair – ambitieuse. J'espère que les constats et recommandations formulées dans le rapport permettront de satisfaire cette ambition, tant au niveau européen que national.
Le groupe UMP fera par ailleurs parvenir sa propre contribution, afin qu'elle puisse figurer dans le rapport définitif.
Je remercie le président et le rapporteur pour le professionnalisme dont ils ont fait preuve en conduisant ces travaux, car la question abordée n'est pas facile. Nous sommes tous conscients de la situation de la sidérurgie et de la métallurgie en France, et en particulier en Lorraine, une région sinistrée d'abord par la fin de l'exploitation de ses bassins houillers, et qui n'a pas bénéficié de la persistance d'une sidérurgie forte. Elle avait pourtant construit tout un patrimoine autour de ces secteurs, et accompli un travail d'accompagnement incluant des actions de formation. Mais la Lorraine, qui a fait vivre la France pendant des décennies, ne peut malheureusement plus compter que sur elle-même pour être sauvée.
Nous avons eu Gandrange, puis Florange : ces deux événements sont le produit d'une géographie, mais ils s'expliquent aussi parce que nous n'avons pas su nous tourner assez tôt vers les régions voisines du Luxembourg et de la Sarre pour travailler en symbiose. La situation actuelle réclame, de la part des industriels, mais aussi des pouvoirs publics, de l'attention, un accompagnement et une volonté de diversification. Mais surtout, nous devons, pour nous en sortir, travailler avec nos voisins immédiats.
En tout état de cause, les membres de cette commission d'enquête ont fait preuve d'une objectivité qui est l'apanage des vrais politiques.
Je suis très satisfaite du travail effectué. Le rapport n'est absolument pas rédigé en langue de bois : il dit les choses de façon précise, si bien que j'ai encore appris en le lisant. Il va même plus loin que ce qui résultait de nos auditions. J'espère donc qu'il recueillera l'audience qu'il mérite.
Ma seule question est désormais de savoir comment le rendre plus utile, comment lui donner un impact sur les décisions qui seront prises en très haut lieu ?
Je m'associe aux réflexions qui ont été exprimées sur la qualité des travaux de cette commission d'enquête.
La Bourgogne, où je suis élue, comprend des sites industriels, certes moins médiatisés que ceux qui viennent d'être évoqués. Pour autant, cette région est tout aussi concernée par l'avenir de l'industrie sidérurgique, avec toutefois des spécificités qu'il convient d'ailleurs de savoir préserver. Au cours de nos travaux, j'ai personnellement beaucoup appris sur ce que représente cette industrie, au plan national comme à l'échelle européenne.
Ce rapport contient un certain nombre de propositions que nous partageons. Ma préoccupation, désormais, est de savoir comment elles seront appliquées, et il convient, à cet égard, de faire preuve de vigilance. Est-il possible d'envisager un suivi des conclusions de la commission d'enquête, par exemple en se donnant rendez-vous dans un an pour examiner la façon dont elles ont été prises en considération ? Le travail accompli justifierait que l'on agisse ainsi.
De même, cette industrie mérite que l'on fasse d'autant plus preuve d'ambition à son sujet, qu'elle dispose d'atouts et de savoir-faire considérables. Après des décennies marquées par une évolution parfois dramatique, nous devons nous assurer qu'elle connaîtra un nouvel avenir.
Le Gouvernement a décidé de fermer la centrale nucléaire de Fessenheim, ce qui va entraîner la perte de plus de mille emplois après 2017. Or cette décision brutale risque de déstabiliser l'approvisionnement en électricité de la Haute-Alsace, déjà très tendu, puisque la centrale fournit également la région de Bâle. Elle pourrait aussi conduire Constellium à remettre en cause l'implantation de son usine à Kunheim – à seulement 15 kilomètres de Fessenheim –, qui se justifiait par la possibilité d'accéder à une électricité bon marché. Dans cette hypothèse, 1 300 nouveaux emplois pourraient disparaître.
ERDF réfléchit déjà à l'implantation de nouvelles lignes à haute tension pour approvisionner la Haute-Alsace. Ainsi qu'une décision prise un peu rapidement dans le contexte d'une campagne électorale aurait un impact fort sur toute une région, très industrialisée et qui connaît déjà les durs effets de la crise économique.
Je salue également le caractère toujours courtois et constructif de nos échanges. Cela, notamment en raison du champ très large par les de nos auditions. Elles nous ont permis de mettre en évidence les forces et les faiblesses de nos territoires mais aussi les capacités de développement de la filière. Nous pouvons d'ores et déjà nous féliciter de disposer d'infrastructures à très haut potentiel – je pense notamment au port de Dunkerque.
Nous considérons par ailleurs ce rapport comme une forme de contrat passé avec certains des « partenaires » auditionnés, comme avec M. Mittal, dont les promesses doivent nous inciter à faire preuve de vigilance.
Je remercie le groupe GDR et Alain Bocquet d'avoir pris l'initiative de demander la création de cette commission d'enquête, laquelle était nécessaire. Je remercie également Jean Grellier pour la courtoisie et la compétence dont il a fait preuve. Il aurait été dommage, sur un sujet aussi important, de ne pas recueillir l'unanimité, en dépit de la diversité de nos territoires. De ce point de vue, Dunkerque paraît en effet moins menacé en raison de la qualité de ses infrastructures. Mais ceux qui ont essayé d'opposer la Lorraine à Dunkerque, en dehors de notre commission, n'y sont pas parvenus.
À voir la liste des personnes auditionnées – du Commissaire européen à l'industrie jusqu'à Lakshmi Mittal, en passant par le ministre du redressement productif –, je crois que nous n'avons pas raté grand-chose ! En outre, les nombreux spécialistes que nous avons rencontrés se sont exprimés sans langue de bois.
Je suis par ailleurs heureux que la commission ait accepté d'aborder la question des installations portuaires qui, bien que ne contribuant pas directement à la production sidérurgique, y sont intimement liées.
Enfin, je suis d'accord avec l'idée d'assurer un suivi de nos travaux. Il est regrettable, par exemple, que les projets de développement du port de Dunkerque ne soient pas inscrits au Schéma national des infrastructures de transport – SNIT. Nous devons y remédier, sans quoi le groupe Mittal ne pourra pas décharger en France le minerai en provenance d'Alaska, et se tournera alors vers un port du Benelux ou vers la Pologne. Le SNIT, les investissements, l'industrie : tout cela est lié.
La commission d'enquête a adopté le rapport à l'unanimité.
L'ensemble des comptes rendus de nos auditions, y compris celles tenues à huis clos, sera également publié au titre des annexes.
Par ailleurs, le rapporteur et moi-même proposons qu'un débat soit organisé dans six mois pour examiner les suites données à nos propositions. Dès le mois de septembre, nous envisageons de rencontrer les ministres concernés – non seulement le ministre du redressement productif, mais aussi ceux chargés de l'emploi, des affaires sociales et de l'éducation nationale. Peut-être sera-t-il également nécessaire de recevoir à nouveau les commissaires européens concernés.
Après cette approbation unanime, je remercie les membres de la commission d'enquête pour l'état d'esprit très positif dont ils ont fait preuve – me facilitant ainsi la tâche en tant que président – et les services de l'Assemblée pour le travail accompli, notamment dans l'organisation des auditions. La présidente de Rio Tinto est la seule personne avec laquelle nous n'avons pas organisé une rencontre. De même, nous n'avons pu trouver aucun interlocuteur au sein du fonds d'investissement américain Apollo Global Management.
Nous devons maintenant réfléchir à la façon dont nos propositions pourront être reprises par d'autres instances du Parlement, comme la commission des affaires économiques. Au Conseil national de l'industrie, je représente le Parlement en compagnie d'un sénateur. Mais où nous ne sommes réunis qu'une fois par an, tout le travail étant accompli au niveau des filières stratégiques. Nous devrons donc veiller à mettre en oeuvre une coopération plus forte entre le Parlement et ces filières. En tant que rapporteur pour avis du budget de l'industrie, je serai sans doute amené à faire des propositions en ce domaine.
Je remercie enfin les collègues qui nous ont aidés dans la préparation de nos visites sur le terrain en Savoie, à Dunkerque, à Fos-sur-Mer et en Lorraine. Ils nous ont permis de rencontrer des acteurs essentiels du secteur.
J'espère que ce rapport ne restera pas dans un tiroir, mais qu'au contraire nous parviendrons à le faire vivre.
Membres présents ou excusés
Commission d'enquête sur la situation de la sidérurgie et de la métallurgie françaises et européennes dans la crise économique et financière et sur les conditions de leur sauvegarde et de leur développement
Réunion du mercredi 10 juillet 2013 à 11 heures
Présents. – M. Philippe Baumel, Mme Michèle Bonneton, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Jean-Pierre Decool, Mme Jeanine Dubié, M. Hervé Gaymard, M. Jean Grellier, Mme Edith Gueugneau, M. Christian Hutin, M. Christophe Léonard, M. Michel Liebgott, M. Alain Marty, M. Éric Straumann, Mme Clotilde Valter, Mme Marie-Jo Zimmermann
Excusés. – M. Gaby Charroux, Mme Anne Grommerch, M. Denis Jacquat, M. Jean-Yves Le Déaut