COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mercredi 30 octobre 2013
La séance est ouverte à seize heures quinze.
(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)
La Commission des affaires culturelles et de l'éducation examine, pour avis, les crédits pour 2014 de la mission « Culture » sur le rapport de M. Hervé Féron (Création ; transmission des savoirs et démocratisation de la culture) et de M. Christian Kert (Patrimoines).
Nous examinons cet après-midi le projet de budget 2014 de la mission « Culture ».
Monsieur le président, je souhaiterais formuler une remarque liminaire quant à l'organisation de nos travaux. Si je sais à quel point elle est complexe à définir en période budgétaire, il est néanmoins singulier que nous examinions dès aujourd'hui les crédits des programmes « Création », « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » et « Patrimoines » alors que nous n'en voterons les crédits que lundi prochain en commission élargie. Il eût été préférable d'inverser l'ordre des choses, comme nous l'avons notamment fait pour les crédits de l'Enseignement supérieur.
Je note votre remarque tout à fait pertinente. Mais je ne fais néanmoins qu'exécuter un ordre du jour établi collectivement par le bureau de notre commission. J'aurais certes préféré que notre réunion de ce jour ait lieu la semaine prochaine, après l'examen du budget de la mission « Culture » en commission élargie le lundi 4 novembre, mais nous serons alors en séance publique pour débattre d'autres missions déjà examinées en commission.
Comme vous venez de le rappeler, Mme la ministre de la Culture sera présente lors de la réunion de cette commission élargie. C'est alors que nous voterons les crédits de la mission « Culture », au même moment que nos collègues de la commission des finances. Nous allons cependant écouter dès à présent nos deux rapporteurs pour avis : Hervé Féron, sur le programme 131 « Création » et le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » ; et Christian Kert, que je remercie d'avoir bien voulu remplacer François de Mazières comme rapporteur pour avis sur le programme 175 relatif aux « Patrimoines ». Je cède dès à présent la parole à Hervé Féron qui, outre l'analyse des crédits des programmes dont il a la responsabilité, a choisi de s'intéresser au dispositif du « 1 % artistique » ayant permis, depuis son instauration en 1951, la création de plus de 12 000 oeuvres d'art lors de la construction ou de la rénovation de bâtiments publics.
La Commission examine les crédits des programmes 131 « Création » et 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture »,
Avant d'aborder le thème de mon avis budgétaire de cette année, le « 1 % artistique », je vous présenterai très brièvement une analyse des crédits des programmes 131 « Création » et 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », dont les dotations s'élèvent respectivement à 746 millions et à 1,08 milliard d'euros, soit environ 70,5 % des crédits de la mission « Culture ». La contribution de cette dernière à l'effort de redressement des comptes publics est principalement portée par une diminution des crédits d'investissement liés à la fin des grands projets arrivant à leur terme et par un effort d'économie sur les opérateurs qui verront leurs subventions baisser par rapport à 2013.
Néanmoins, dans un contexte budgétaire difficile, les crédits en faveur de la création, de la transmission des savoirs et de la démocratisation de la culture bénéficient des priorités établies par le ministère. La jeunesse est la première de ces priorités : le ministère souhaite ainsi développer un plan national en faveur de l'éducation artistique et culturelle, doté de 5 millions d'euros de crédits, mais aussi conforter les moyens de l'enseignement supérieur culturel, qui forme 35 000 étudiants chaque année. Les crédits alloués à l'enseignement supérieur augmentent ainsi de 7 %. En outre, le budget préserve les crédits en faveur de la création dans le spectacle vivant et les arts plastiques en région. Les crédits d'intervention augmentent de 7,6 millions d'euros, un effort particulier étant consenti dans le domaine des arts plastiques, dont les crédits augmentent de 7 %. Cette hausse doit permettre de soutenir un secteur fragile souffrant parfois du sentiment d'être le « parent pauvre » des politiques de soutien à la création.
J'en viens à présent à la partie thématique de mon avis budgétaire, que j'ai consacrée au « 1 % artistique », c'est-à-dire à l'obligation de dédier 1 % du coût des constructions publiques à la réalisation d'une oeuvre d'art dans leur enceinte ou à leurs abords. Je me suis attaché à identifier les moyens d'améliorer un dispositif dont l'existence est très appréciée mais dont la mise en application est très critiquée. Ainsi conviendrait-il notamment de mieux mettre en valeur les réalisations issues du « 1 % » dans le cadre du grand chantier de l'éducation artistique et culturelle.
Initialement réservée aux constructions du ministère de l'Éducation nationale, cette procédure spécifique de commande d'oeuvres d'art créée en 1951 a vu son champ d'application s'élargir progressivement à la plupart des constructions de l'État et des collectivités territoriales. Instrument de soutien à la création artistique, tout autant que de mise en contact du public avec l'art contemporain en dehors des institutions spécialisées, ce mécanisme a permis en soixante ans la constitution d'un patrimoine exceptionnel de quelque 12 300 oeuvres réparties sur l'ensemble du territoire national et signées par 4 000 artistes. La procédure permettant la sélection de l'oeuvre réalisée dans le cadre du « 1 % » a, à plusieurs reprises, été qualifiée d'exemplaire, tant par la Direction générale de la création artistique que par les représentants des artistes. Exemplaire tout d'abord en ce que son inscription dans le code des marchés publics offre d'importantes garanties de publicité, de transparence et d'égalité d'accès des artistes à la commande publique. La procédure de sélection repose aussi sur un comité artistique, instance incluant notamment des représentants d'artistes, et au sein de laquelle s'exerce la concertation permettant aux maîtres d'ouvrage de choisir, au titre du « 1 % », une ou plusieurs oeuvres d'artistes vivants. Il s'agit donc d'une procédure formalisée obéissant à des règles précises, permettant une sélection des candidats dans des conditions de transparence et d'objectivité.
Toutefois, le « 1 % artistique » a souvent fait l'objet de critiques, à commencer par le fait que le non respect fréquent de cette obligation ne donne lieu à aucune sanction. En effet, certaines collectivités n'appliquent jamais ce principe, soit qu'elles ignorent leurs obligations, soit qu'elles soient réfractaires à s'y conformer. Qui plus est, de nombreux maîtres d'ouvrage demeurent réservés sur son utilité. Pour autant, il ne me semble pas opportun de prévoir des sanctions qui pourraient être perçues comme punitives alors même que les voies de la pédagogie et de la sensibilisation n'ont pas encore toutes été épuisées. Plutôt que de sanctionner, il convient donc d'informer et de valoriser les actions menées.
Il a par ailleurs souvent été reproché au dispositif d'être capté par des artistes non déclarés à qui l'on ne demande pas de preuve d'affiliation à la Sécurité sociale des artistes auteurs, ou encore de ne profiter qu'à un petit nombre d'artistes officiels.
Au-delà de ce phénomène « d'abonnement », il est nécessaire de restaurer les oeuvres vieillissantes ; or les collectivités ignorent bien souvent que les obligations relatives aux constructions publiques concernent également les opérations de réhabilitation. Et parfois, lorsque les oeuvres n'ont pas été recensées, les collectivités oublient qu'elles relèvent du « 1 % artistique ». De même, il arrive que des oeuvres soient délaissées voire disparaissent. La restauration des oeuvres reste donc insuffisamment anticipée. Enfin, pour les projets les plus importants, les sommes consacrées à la réalisation de l'oeuvre peuvent exercer un effet repoussoir sur le public.
À l'issue des nombreuses auditions d'artistes et de collectivités que nous avons menées, s'esquissent plusieurs pistes d'amélioration du dispositif, qui devraient nous permettre d'en faire un outil indispensable dans le cadre d'une éducation artistique et culturelle ambitieuse. Certains syndicats d'artistes ont ainsi réclamé une extension du champ d'application du « 1 % » aux collectivités autres que celles issues de la décentralisation, telles que les intercommunalités. En effet, n'entrent actuellement dans le champ d'application de la loi que les constructions relevant de l'État avant les lois de décentralisation, c'est-à-dire pour l'essentiel les établissements scolaires, les bibliothèques et les archives départementales. Cette préconisation me semble importante et positive : allant dans le sens d'une promotion de notre culture, elle offre des débouchés et permet aux territoires ruraux de ne plus être les parents pauvres de la politique culturelle.
L'extension pourrait d'autre part porter sur les hôpitaux et le logement social : je soutiendrais avec enthousiasme une telle proposition si la période était au faste budgétaire. Mais il est plus honnête d'affirmer qu'à court terme, ces préconisations semblent irréalisables. Il y a néanmoins certainement matière ici à informer et à sensibiliser les maîtres d'ouvrage sur la possibilité d'appliquer le « 1 % », même lorsque la procédure n'est pas obligatoire.
Ce sont à mon sens essentiellement les efforts de communication qu'il nous faut renforcer. Le ministère envisage par exemple de créer une journée du « 1 % » dans les établissements scolaires. Si le soixantième anniversaire du « 1 % artistique » a pu constituer pour le ministère de la culture l'occasion de mettre en valeur les réalisations les plus remarquables, notamment à travers l'ouvrage « Cent 1 % », on relève une lacune importante dans le recensement de l'ensemble des projets achevés à ce jour et de ceux dont la conception est à venir. La réalisation d'un inventaire général des oeuvres créées au titre du « 1 % » pourrait elle aussi contribuer à ces efforts de communication et de valorisation non seulement des oeuvres mais surtout du dispositif même. Le ministère pourrait ainsi consacrer une page aux oeuvres issues du « 1 % » sur Wikicommons – outil qui présente l'avantage d'être collaboratif. Il serait aussi souhaitable que les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) informent et sensibilisent plus efficacement les maîtres d'ouvrage. Mais il semblerait, à en croire certains artistes, que les conseillers artistiques de ces directions manquent parfois de moyens.
Il nous paraît par ailleurs indispensable que les maîtres d'ouvrage se conforment à leur obligation de s'assurer que les artistes sélectionnés bénéficient d'une couverture sociale.
Il pourrait en outre être suggéré aux conseils généraux et régionaux de subordonner l'attribution de leurs aides à la construction à l'application effective du « 1 % », dès lors que les projets aidés entrent dans le champ de l'obligation prévue par la loi.
Autre proposition : les services chargés du patrimoine au sein des conseils généraux et régionaux pourraient recenser toutes les oeuvres issues du « 1 % », créer une signalétique et fournir à destination du public un descriptif de ces oeuvres ainsi qu'une biographie des artistes qui les ont réalisées, en utilisant par exemple un système de code QR. Ces services pourraient définir un plan pluriannuel d'entretien des oeuvres et le communiquer au public sur des plaques informatives. En lien avec les services pédagogiques, ils pourraient enfin sensibiliser les collégiens et les lycéens à ces oeuvres.
De telles initiatives sont indispensables à la valorisation du « 1 % », véritable musée à ciel ouvert reflétant à sa façon les tendances artistiques des soixante dernières années. L'État, les DRAC et les collectivités locales pourraient relancer le dispositif en améliorant l'information, en incitant les maîtres d'ouvrage à l'utiliser et en valorisant les oeuvres existantes. Ainsi le public pourrait-il se réapproprier cette démarche artistique.
Par ailleurs, les oeuvres issues du « 1 % » constituent un support particulièrement précieux dans le cadre de l'éducation artistique et culturelle. Car, comme le rappelle le projet annuel de performance pour 2014, « la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école fait désormais de l'éducation artistique et culturelle une composante fondamentale de la formation de tous les élèves. Elle instaure en outre un parcours d'éducation artistique et culturelle pour tous, que le ministère de la culture et de la communication souhaitent développer sur l'ensemble des temps de vie. Le parcours d'éducation artistique et culturelle doit venir concrétiser la conjonction de ces deux dynamiques afin de réduire les inégalités territoriales. Il s'inscrit dans une politique éducative et culturelle globale et partagée et doit se concevoir comme une construction d'apprentissage sur un territoire à destination des jeunes – à l'école et hors de l'école. Il entend favoriser la concertation entre les différents opérateurs d'un territoire afin de construire une offre éducative et culturelle cohérente en rapprochant l'éducation formelle et non formelle, en s'appuyant sur une dynamique territoriale partant des pratiques, des expériences et des ressources des territoires, dans un partenariat renouvelé avec les collectivités territoriales où il s'agit d'élaborer conjointement des réponses à des enjeux partagés à partir de territoires de projet. » Voilà un programme ambitieux, qui pourrait permettre de valoriser les oeuvres réalisées dans le cadre du « 1 % ».
Je tiens tout d'abord à féliciter notre rapporteur pour cet excellent travail. Les programmes de la mission « Culture » et plus largement du projet de loi de finances pour 2014 constituent la traduction budgétaire d'une vraie politique culturelle à la française. Les programmes 131 et 224, dont les dotations s'élèvent respectivement à 746 millions et à 1,08 milliard d'euros, représentent à eux seuls environ 70 % des crédits de la mission. Leur analyse nous permet de constater une réelle évolution des crédits en faveur de la création, de la transmission des savoirs et de la démocratisation culturelle. Ce budget soutient donc une ambition maintes fois réaffirmée par le Gouvernement : celle de préserver la diffusion de la culture à tous les niveaux et de favoriser grâce à elle l'inclusion sociale, tout en contribuant à l'effort global de redressement des comptes publics engagé par l'État.
Si le budget de la culture connaîtra en 2014 une baisse globale de 2%, conformément aux orientations générales du budget de l'État, les choix opérés pour y parvenir témoignent d'un grand discernement de la part du Gouvernement. La priorité accordée à la jeunesse et à l'enseignement, évoquée par le Président de la République lors de son discours d'investiture aux Tuileries, est ainsi clairement réaffirmée en 2014 : « l'école comme moyen d'émancipation, la connaissance, le goût d'apprendre, la jubilation de la découverte, le sens de la curiosité intellectuelle, sont des trésors auxquels l'école a pour vocation de préparer toutes les jeunes consciences, tous les enfants de la Nation », avait-il alors déclaré. Les moyens dédiés à l'éducation artistique et culturelle, qui augmentent de 15 % par rapport à 2013, concrétisent ainsi cette volonté présidentielle, en lien avec la mise en application du plan national d'éducation artistique et culturelle, qui est doté de 7,5 millions en 2014 contre 2,5 millions en 2013. Ces moyens constituent la traduction budgétaire de l'objectif de la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République – valoriser la notion de parcours d'éducation artistique et culturelle – et sont en adéquation avec la refonte des rythmes scolaires qui permettra aux élèves de s'ouvrir plus largement aux activités culturelles et artistiques dans le cadre du temps périscolaire.
L'effort budgétaire en faveur de l'éducation artistique et culturelle bénéficiera plus particulièrement aux territoires éloignés de la culture, tant sur le plan social que géographique – et notamment aux zones urbaines sensibles (ZUS) et aux territoires ruraux.
Les moyens de l'enseignement supérieur culturel sont également en hausse de 7,5 millions d'euros, soit plus de 5 % par rapport à 2013. La politique de recherche et d'enseignement supérieur, indispensable à la professionnalisation et à l'excellence des métiers de l'art et de la culture, fait également partie du socle commun aux politiques culturelles.
Les pôles d'enseignement consacrés au spectacle vivant bénéficieront de moyens renforcés, à l'instar des 101 établissements d'enseignement culturel comptant près de 35 000 étudiants sur l'ensemble de notre territoire. Il s'agit là d'un signe fort envoyé aux jeunes se formant à ces métiers, futurs acteurs de notre vie artistique et de notre rayonnement international.
Les crédits affectés aux bourses sur critères sociaux augmenteront de 9 % par rapport à 2013 : ces 2,6 millions d'euros supplémentaires permettront à un nombre croissant de boursiers de poursuivre leurs études dans de bonnes conditions.
Concernant le programme « Création » – qui permet de soutenir la diversité et le renouvellement de l'offre culturelle à toutes les étapes de la vie d'une oeuvre, de la commande à la création en passant par la production, le montage et la diffusion –, les politiques publiques de soutien dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques sont préservées et renforcées alors que ces secteurs particulièrement fragiles ont trop souvent été les grands oubliés des politiques culturelles précédentes. Ce programme bénéficiera principalement aux actions de soutien aux artistes et équipes artistiques, ainsi qu'aux institutions et aux lieux de création et de diffusion.
Dans le domaine des arts plastiques, nous constatons une augmentation de 4,5 % des crédits alloués : c'est ainsi près d'un million d'euros qui servira à financer un fonds de soutien en faveur des galeries d'art, véritables relais locaux de l'expression artistique, notamment dans les zones les moins pourvues en équipements culturels.
Par ailleurs, le PLF 2014 consacre un budget de souveraineté pour le secteur spécifique du cinéma. La mise à contribution du fonds de roulement du Centre national du cinéma (CNC) pour la seconde année consécutive permettra notamment une redistribution de ses fonds en faveur de l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC). Je rappelle que cette instance finance non seulement le cinéma et l'audiovisuel – domaines qui représentent les trois quarts de son activité – mais également la musique, le jeu vidéo, la presse ou encore le théâtre, et bénéficie donc largement aux industries culturelles dans leur ensemble.
Nous notons avec satisfaction l'abaissement de la TVA sur les entrées de cinéma de 7 à 5,5 %. Cette mesure, qui profite à l'ensemble du secteur, est d'autant plus nécessaire pour l'équilibre global du système que d'après les chiffres du CNC, la fréquentation des salles de cinéma a reculé de plus de 10 % en un an. À l'évidence, une hausse de la TVA dans ce secteur aurait eu un effet dévastateur. Je souhaiterais donc profiter de cette intervention pour remercier et féliciter notre président de commission, Patrick Bloche, pour son investissement et sa détermination sur ce dossier.
Dans la même veine, le relèvement du seuil du crédit d'impôt cinéma-audiovisuel de 10 à 20 millions d'euros permettra de favoriser les relocalisations de tournages en France et par conséquent de maintenir le volume de notre production cinématographique dans ce secteur. Cette mesure était une impérieuse nécessité pour sauver l'emploi et développer la production cinématographique de notre pays. Grâce au PLF 2014, c'est chose faite.
Enfin, nous ne pouvons que nous réjouir de l'extension de l'assiette de la taxe sur les services de télévision (TST) – qui permet à elle seule de financer à hauteur de 40 % le budget du CNC. Cette mesure en faveur du financement du service public de l'audiovisuel permettra ainsi de pérenniser un apport financier annuel d'environ 270 millions d'euros dont bénéficiera pleinement la création audiovisuelle et cinématographique. Les auteurs, réalisateurs et producteurs indépendants peuvent donc voir dans le nouveau calcul de l'assiette de la TST les prémices de l'acte 2 de notre politique d'exception culturelle ainsi qu'un terrain propice à la mise en application des préconisations de la Mission Lescure.
En conclusion, ce budget, qui semble préfigurer une future loi d'envergure sur la création artistique et culturelle, nous apparaît comme résolument tourné vers l'avenir, tout en prenant en compte les contraintes auxquelles nous sommes confrontés. C'est pourquoi le groupe socialiste, républicain et citoyen (SRC) le votera avec enthousiasme.
Je féliciterai tout d'abord notre collègue Hervé Féron pour son rapport très intéressant, en particulier dans sa seconde partie consacrée au bilan du « 1 % artistique ». Néanmoins, quels que soient son talent, ses efforts – les chants désespérés sont les chants les plus beaux – et sa loyauté vis-à-vis de la majorité et du Gouvernement, il ne saurait dissimuler le fait que le projet de budget de la culture pour 2014 aura un impact négatif pour la création dans notre pays. Si j'ai bien entendu à l'instant mon excellent collègue Michel Pouzol évoquer une « vraie politique culturelle à la française », le groupe UMP reste fort inquiet à ce sujet tant cette politique s'apparente à une véritable saignée à blanc des crédits, année après année. L'an dernier, ce fut un fait inédit dans l'histoire de la Ve République. Et cette année : bis repetita.
J'ai bien noté que le rapporteur mettait en exergue dans son rapport les quelques mesures positives de ce projet de budget en faveur de la jeunesse. Mais force est de constater – et aucun artifice ne peut le dissimuler – que les crédits en faveur de la création seront réduits de 4 %. Même si la réduction des budgets est moins forte pour la création que pour le patrimoine, l'impact des restrictions pour les créateurs et le spectacle vivant n'en est pas moins important. Il eût d'ailleurs été utile de disposer, sur le budget consacré à la création -comme cela a été fait dans le rapport sur le patrimoine–, d'un tableau retraçant l'évolution des crédits entre la loi de finances initiale 2012 et le projet de loi de finances pour 2014. Mais peut-être une trop grande transparence sur l'évolution des crédits n'était-elle pas souhaitable aux yeux de la majorité.
Car que traduit ce budget en matière de création ? Dès l'an prochain, une nouvelle mise à contribution d'opérateurs tels que la grande Halle de la Villette, la Cité de la Musique, l'Opéra national de Paris et le Centre national de la Danse, qui verront leurs crédits diminuer de façon substantielle. Certaines de ces institutions culturelles subiront aussi de nouveaux prélèvements sur leur fonds de roulement : déjà utilisée l'an dernier, cette pratique nous avait été présentée par la Ministre de la Culture comme devant rester exceptionnelle ! Bref, en matière de création comme pour la culture en général, l'année 2014 s'annonce difficile et périlleuse.
En matière de transmission des savoirs, les évolutions budgétaires sont un peu plus favorables, puisqu'un effort de cinq millions d'euros est notamment prévu en faveur de l'éducation artistique. C'est à peu près la seule note positive du budget consacré à la culture qui diminuera de plus de 50 millions d'euros. Cet effort de cinq millions d'euros doit accompagner la mise en application du plan d'éducation artistique et culturelle et de la circulaire commune aux deux ministères de l'éducation nationale et de la culture du 3 mai 2013. Certes, on ne peut que se féliciter de ce nouveau plan – mais j'allais dire : encore un nouveau plan sur un sujet dont on parle abondamment, parfois par incantation, sans qu'il se traduise vraiment de façon concrète. Et je reste perplexe quant au caractère opérationnel d'un plan dont la mise en application ressemble à une usine à gaz ! Car lorsque je lis qu'il s'appuiera sur la réforme des rythmes scolaires et sur les activités périscolaires organisées par les villes, je crains – au regard de ce que nous vivons depuis la rentrée dans les seuls 20 % de communes qui l'ont appliquée – que ne se creuse un gouffre entre les objectifs fixés par le plan du Gouvernement et la réalité à laquelle seront confrontés nos enfants dans les écoles. J'espère me tromper. Nous gardons cependant tous en mémoire la fameuse phrase de M. Peillon qui, répondant avec un certain dédain à nos questions, affirmait qu'il n'était pas le ministre du périscolaire ! Il me semble pourtant que le terme de « périscolaire » inclut celui de « scolaire ». Et comment lui serait-il possible de mettre en application avec la ministre de la culture un plan d'éducation artistique s'inscrivant dans le cadre des nouveaux rythmes scolaires tout en affirmant que le périscolaire ne relève en rien de sa responsabilité ?
Enfin, la soi-disant priorité accordée à la jeunesse dans le budget de la mission « Culture » est tout de même écornée par une autre réalité budgétaire : car si le Gouvernement augmente de cinq millions d'euros les crédits consacrés à l'éducation artistique, il supprime dans le même temps huit millions d'euros de crédits censés compenser la gratuité des musées pour les jeunes de moins de 26 ans. Voilà qui remet quelque peu en question l'ambition et la priorité affichées par le Gouvernement en la matière.
Le groupe UMP ne peut donc que s'opposer à l'évolution des crédits dédiés à la création comme d'ailleurs à celle de l'ensemble du budget de la culture. Et je me demande comment mes collègues de la majorité peuvent soutenir un projet de budget subissant pareille saignée à blanc, lorsque je me remémore les interventions qu'ils avaient faites alors qu'ils étaient dans l'opposition, c'est-à-dire à une époque où les crédits de la politique culturelle étaient en augmentation !
Je clorai mon propos par une question : Monsieur le rapporteur, vous vous dites réservé quant à l'instauration de sanctions vis-à-vis des collectivités qui ne respectent pas la règle du « 1 % artistique ». Dès lors, quelle mesure préconisez-vous pour en rendre l'application plus effective ?
Malgré la promesse, faite par le Gouvernement, de sanctuariser le budget de la culture, nous assistons pour la deuxième année consécutive à une diminution de celui-ci – portant sa baisse totale à 5 % sur deux ans. Tout comme l'an dernier, la ministre de la culture a cependant fait le choix de préserver l'éducation artistique et culturelle ainsi que le spectacle vivant. De plus, elle n'a pas relancé les grands projets pharaoniques qui grèvent nos finances. C'est pourquoi, bien que nous regrettions une telle rigueur budgétaire, nous soutenons ces arbitrages courageux. Mettre à contribution les grands opérateurs plutôt que les créateurs va également dans le bon sens. Nous avions cependant déjà signalé l'an dernier qu'il est indispensable de coupler cette rigueur budgétaire avec une redéfinition transparente et concertée des missions de ces créateurs – l'objectif étant de les aider à recentrer leurs compétences sur les activités les plus efficaces. Car laisser aux directions d'établissements l'entière responsabilité d'instaurer cette rigueur les contraint à choisir entre augmenter leurs tarifs, diminuer leur activité, réduire les emplois, ou encore un peu des trois. Or il est certainement possible de faire mieux en évitant des dépenses excessives. Encore faut-il s'en donner les moyens politiques.
Le budget de la culture devrait non pas s'inscrire dans le prolongement des années de vache maigre que l'on a connues sous les précédents gouvernements, mais préfigurer une nouvelle vision de la culture. En ce sens, le futur projet de loi d'orientation pour la création annoncé pour l'an prochain est très attendu de notre part. La démocratisation de la culture constituant un enjeu majeur pour le développement de nos territoires, je mentionnerai à titre d'exemple des associations, telles que « Le doigt dans l'oreille d'un chauve », qui, bien qu'accomplissant un travail remarquable, se heurtent à de réels problèmes financiers et doivent se battre pour assurer la transmission des savoirs en zone rurale. Car ce n'est pas en deux ou trois ans que les associations parviendront à faire accéder à la musique expérimentale ou aux musiques actuelles des jeunes qui n'en ont jamais entendu parler ou des parents qui n'osent franchir les portes d'un centre culturel ou d'une salle de spectacle. Il leur faut au moins cinq ou six ans pour se voir enfin reconnues, notamment par les établissements scolaires, et ainsi parvenir à démocratiser la culture sur ces territoires. Il serait donc regrettable de leur supprimer leurs subventions au bout de cinq ans, c'est-à-dire au moment précis où leur travail commence à porter ses fruits.
Ce n'est pas en nous contentant de faire des déclarations de principe à l'Assemblée nationale que nous réussirons à faire que la culture se répande dans toute la France ! Il nous faut donc définir sur le long terme un véritable projet de suivi et d'accompagnement de ces associations dans le cadre de cette future loi d'orientation, s'appuyant sur un partenariat entre l'État et les collectivités territoriales.
L'année 2013 restera dans les annales comme une année riche en concertations fructueuses – comme l'illustre notamment la mission Lescure. Ces échanges nous ayant permis de faire le point sur les orientations à prendre pour replacer la culture au premier plan de notre action, l'année 2014 sera celle de la concrétisation de ces engagements. La politique culturelle mérite en effet d'être redynamisée et l'on ne peut se contenter d'en évaluer la pertinence à l'aune des millions d'euros dépensés.
Le budget de la culture contribue en effet à l'effort de redressement budgétaire de l'État tout en permettant le financement de certaines priorités. Il constitue en outre un formidable exemple de coopération de l'État avec les collectivités territoriales qui, par le biais des DRAC, réaliseront des projets sur l'ensemble de notre territoire. Je salue également l'effort accompli en faveur de l'emploi : malgré les 148 millions d'euros d'économies nettes prévues sur l'ensemble de la mission, le ministère stabilise la masse salariale, ce qui permettra de conserver des moyens d'agir en proximité, condition nécessaire à la conduite d'une politique culturelle ambitieuse.
Le programme en faveur de la création, dont les crédits sont répartis entre le spectacle vivant et les arts plastiques, reste à un bon niveau. Des moyens sont notamment accordés aux structures de création et de diffusion tels que les labels, les réseaux, les jeunes artistes ainsi que plus de 1 200 équipes artistiques. L'allongement de la durée d'exploitation des oeuvres permettra d'en élargir l'accès au public. Enfin, dans un contexte de forte concurrence sur le marché de l'art, un fonds de soutien permettra de favoriser le maintien d'un réseau de galeries d'art indépendantes et donc la promotion d'une offre artistique diversifiée, tant en France que sur la scène internationale.
S'agissant du plan en faveur de l'éducation artistique et culturelle annoncé par la ministre de la culture le 16 septembre dernier, notre groupe, comme tous ceux de la majorité, y a beaucoup oeuvré dans le cadre des travaux préparatoires à la loi sur la refondation de l'école. Nous soutenons donc fortement cette politique interministérielle dont les crédits augmentent de cinq millions d'euros en 2014 et qui permettra d'élargir l'accès à la culture, de l'enfance au collège. Ces crédits sont d'ailleurs complétés par les moyens financiers inscrits dans le budget de l'éducation nationale pour soutenir les associations.
En conclusion, je tiens à remercier le rapporteur d'avoir attiré notre attention sur le « 1 % artistique ». En effet, ce dispositif est né sous l'impulsion de Jean Zay, ministre radical de gauche qui mériterait d'ailleurs d'être honoré par la République en entrant au Panthéon. Nous approuvons les pistes d'amélioration figurant dans le rapport de notre collègue, que nous souhaiterions compléter en proposant la possibilité d'aménager dans le temps le « 1 % » lors de la construction d'un bâtiment public dont le coût est supérieur à un seuil donné – qui pourrait par exemple s'élever à 50 millions d'euros. En effet, les collectivités territoriales sont aujourd'hui les principaux maîtres d'ouvrage impliqués dans des opérations menées au titre du « 1 % » – opérations qu'elles réalisent à 75 %. Accorder une certaine souplesse nous permettrait de faire en sorte que le « 1 % artistique » soit réellement utilisé. D'ailleurs, Monsieur le rapporteur, vous nous expliquez que l'absence de sanctions conduit certains maîtres d'ouvrage à ne pas appliquer du tout la règle du « 1 % » : quelles mesures concrètes proposez-vous pour éviter cet état de fait ?
Votre suggestion de faire entrer Jean Zay au Panthéon ne peut qu'emporter notre adhésion !
Dès 2011, les acteurs culturels nous ont très clairement fait savoir ce qu'ils attendaient du ministère de la culture. Ainsi, par exemple, le mouvement « Art et République » s'est-il mobilisé en faveur d'une politique culturelle décloisonnée et interdisciplinaire. La co-conception artistique et la création partagée permettent en effet de promouvoir la présence artistique sur nos territoires.
Le budget que nous examinons aujourd'hui est porteur de choix concrets en faveur de l'innovation. La hausse des crédits en faveur de la création et de l'éducation artistique et la stabilité des crédits en faveur des directions régionales illustrent les priorités du Gouvernement que sont le soutien aux artistes et la diffusion culturelle sur l'ensemble du territoire. Ces priorités me semblent répondre à l'ambition forte d'une action culturelle globale et d'une politique vivante et dynamique, sachant que l'on constate une disparité considérable entre les territoires – qu'il s'agisse non seulement de diffusion et de démocratisation de la culture mais aussi de création. Et les acteurs de la culture ne sont pas seuls à en subir les conséquences : ceux de nos concitoyens qui se trouvent les plus éloignés de la culture ont eux aussi été délaissés. Je me réjouis donc de la volonté du Gouvernement d'y mettre un terme dans le cadre du tant attendu projet de loi sur la création, dont les axes majeurs seront les arts plastiques, le spectacle vivant, la protection des artistes et la clarification du rôle des collectivités territoriales.
Sachant que l'Association des départements de France accomplit un travail considérable en faveur des « droits culturels pour tous » dans le cadre de la Déclaration de Fribourg, et que le Syndicat national des arts vivants réclame une concertation et l'élaboration d'un texte législatif sur le spectacle vivant, comment le Gouvernement associera-t-il l'ensemble des partenaires culturels et les collectivités territoriales à la préparation de son projet de loi ?
Sans doute serait-il préférable que vous adressiez directement votre question à Mme la ministre lors de la commission élargie de lundi prochain.
Je conçois volontiers qu'il soit nécessaire pour les collectivités d'assurer la maintenance et de valoriser les oeuvres réalisées dans le cadre du « 1 % ». Cela étant, si le rapporteur évoque dans son avis budgétaire la possibilité d'instaurer une journée du « 1 % » dans les établissements scolaires, ces oeuvres ne sont pas également réparties sur l'ensemble du territoire…
C'est toujours avec grand plaisir que j'entends s'exprimer notre collègue Michel Herbillon, surtout lorsqu'il s'offusque ici de la diminution des crédits consacrés à la culture mais, à quelques encablures de ce lieu, de ce que la maîtrise de la dépense publique soit insuffisante ! Nul doute que les propos tenus par Michel Pouzol le conduiront à rectifier les siens afin de prendre en considération l'augmentation de la dépense fiscale consentie en faveur de la culture.
Le même Michel Herbillon s'étonne également que le Gouvernement propose un nouveau plan en faveur de l'éducation artistique. Or, dans un rapport rédigé il y a quelques années sur le sujet, Marie-Odile Bouillé relevait à quel point la politique menée par la majorité précédente en la matière avait remis en cause la réalisation de projets artistiques dans les établissements scolaires. C'est pourquoi il est utile d'instituer ce nouveau plan et nous ne pouvons que remercier le Gouvernement, la ministre et le rapporteur de porter une attention toute particulière à ce thème.
J'ajoute que la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) de la commission des finances, dont j'étais membre sous la précédente législature, a un jour demandé à M. Loyrette, lorsqu'il était président du Louvre, s'il aurait jugé préférable d'utiliser autrement les onze millions d'euros que coûte la gratuité d'entrée dans ce musée pour les jeunes, par exemple pour mener des actions en faveur de la démocratisation de la culture. Sa réponse fut nette : au lieu d'accueillir 700 000 élèves par an, il aurait été prêt à en accueillir 2,4 millions en aménageant certaines salles du musée. Nous ne pouvons par conséquent qu'apprécier l'effort réalisé par le Gouvernement en faveur de l'éducation artistique. Je souhaiterais cependant interroger le rapporteur quant à la qualité des rapports entre la ministre de la culture et le ministre de l'éducation nationale, dont dépend notre capacité à diffuser cette politique.
Quant au « 1 % », il offre des débouchés à nos artistes, fait vivre l'art dans la ville et enrichit nos politiques architecturale et urbanistique. C'est grâce à lui que dès le début des années 1980, la ville de Rennes a engagé un conseiller artistique placé auprès de la Direction générale des services techniques, afin d'intervenir auprès des services d'urbanisme et des bâtiments communaux de la ville et de faire en sorte que les oeuvres réalisées au titre du « 1 % » dépassent le cadre des bâtiments au titre desquels elles ont été financées pour faire vivre l'art dans les quartiers de la ville.
Enfin, s'il est vrai qu'une partie du prélèvement effectué sur les recettes affectées au CNC abondera l'IFCIC pour lui permettre de participer au financement des industries culturelles aux côtés de la Banque publique d'investissement (BPI), il n'en demeure pas moins qu'un tel prélèvement détourne les taxes affectées de leur objet, fragilisant ainsi un dispositif qui est au fondement de l'exception culturelle. Par conséquent, si le Gouvernement et le législateur considèrent que le CNC doit disposer de recettes plafonnées à 700 millions d'euros, mieux vaudrait adapter l'assiette et le taux des taxes qui lui sont affectées.
Je remercie à mon tour Hervé Féron pour son travail, et en particulier pour son analyse thématique.
Malgré les talents d'orateur de nos collègues de la majorité, ce budget illustre bien à quel point la culture est loin de constituer la priorité de ce Gouvernement ! Sur la question de l'éducation artistique et culturelle, il nous a été indiqué à plusieurs reprises et à juste titre ce matin qu'il importait d'observer les faits sur le terrain. Or depuis quelques mois, les DRAC concentrent très nettement leurs actions en secteur urbain, et en priorité dans les grandes villes : négliger ainsi la promotion de l'art et de la culture en milieu rural me paraît dangereux.
Qui plus est, à la page 13 de son rapport, le rapporteur nous indique que « le ministère de la culture et de la communication contribue à relever les défis lancés par la loi pour la refondation de l'école, notamment dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires » et que « les collectivités territoriales, et plus particulièrement les villes, sont en première ligne pour organiser l'articulation entre les temps scolaire, périscolaire et extra-scolaire ».
Voilà qui revient encore une fois à privilégier les villes au détriment des communes situées en milieu rural dont les maires verront leurs difficultés accentuées par l'action du ministère. J'insiste donc sur la nécessité de rééquilibrer les politiques publiques en général, et la politique culturelle en particulier, tant l'accès à la culture et à l'éducation artistique ne saurait pas être l'apanage des habitants du milieu urbain.
En réponse au propos tenu par Michel Herbillon concernant les temps scolaire et périscolaire, je tiens à souligner que c'est la première fois que l'éducation artistique et culturelle est mentionnée dans une loi…
En outre, les ministres de la culture et de la communication et de l'éducation nationale se réunissent régulièrement. Ils ont donc véritablement la volonté de travailler ensemble – ce qui n'était pas le cas par le passé, quels que fussent les gouvernements en place.
Enfin, j'estime que c'est impérativement sur le temps scolaire que doit être dispensée l'éducation artistique et culturelle car c'est à ce moment-là que l'on peut atteindre tous les enfants. Ceux qui ont la chance d'aller au théâtre ou de voir une exposition en dehors du temps scolaire ne le peuvent que parce que leurs parents les y emmènent. Ce n'est pas le cas des enfants vivant en milieu rural ou dans les quartiers défavorisés.
Je salue le travail réalisé par notre rapporteur sur le « 1 % artistique ». Si nous venons d'en célébrer le soixantième anniversaire, nous fêtons également cette année les trente ans des Fonds régionaux d'art contemporain (FRAC). Or, puisqu'Hervé Féron mentionne en page 32 de son rapport le rôle que pourraient jouer les services de l'Inventaire, ne pourrait-on faire d'une pierre deux coups et créer des synergies entre les FRAC et les réalisations du « 1 % », afin de soutenir la création contemporaine ?
En ce concerne le budget de la culture, la majorité aura beau essayer de maquiller la situation, elle n'en est pas moins défavorable !
Je félicite tout d'abord Hervé Féron pour son rapport. Il y met notamment en exergue le fait – connu mais fréquemment oublié – que sans les collectivités territoriales, nous aurions de grandes difficultés à faire vivre la culture et l'éducation artistique et culturelle dans notre pays. À quelque niveau qu'elles se situent, ce sont bien elles qui rendent possible la découverte de la culture et des arts dans leur diversité. C'est donc dans la réaffirmation de cet objectif commun à l'éducation nationale et aux collectivités territoriales et dans leur nécessaire synergie que réside la nouveauté de la loi portée par Vincent Peillon. D'ou l'importance du projet éducatif territorial (PEDT).
Qu'un budget soit en hausse ou qu'il contribue au contraire plus que d'autres à la maîtrise des comptes publics, je constate avec une satisfaction ironique que nos collègues de l'UMP votent systématiquement contre. En effet, lorsque nous présentons un budget de l'enseignement scolaire en forte hausse – conformément à l'engagement du Président de la République –, le groupe UMP nous explique qu'il faut faire des économies budgétaires. Mais lorsque nous présentons des budgets dont la baisse contribue au redressement des comptes publics – et l'on sait dans quel état l'opposition actuelle les a laissés –, ce même groupe nous explique que ce n'est pas là qu'il faut faire des économies ! Eh bien, oui, nous opérons des choix politiques différents : assumons-les et cessez de nous donner systématiquement des leçons de bonne gestion alors que vous adoptez des comportements incohérents.
Enfin, chaque fois que nous nous retrouvons réunis en commission ou dans l'hémicycle, nous avons droit à l'antienne de la ruralité. Or, ce n'est pas nous qui avions programmé la diminution du réseau des élus et le remplacement des conseillers généraux et régionaux par des conseillers territoriaux, sorte d'ovni dont la création allait diminuer d'un tiers la représentation élective dans mon département… S'il existe une différence entre les paroles et les actes, vous êtes de véritables orfèvres en la matière !
Je vous remercie de l'intérêt que vous portez tous au thème traité dans mon rapport.
S'agissant du budget, Michel Pouzol a non seulement souligné tous les points positifs des programmes 131 et 224, mais il a également mis l'accent sur la baisse de la TVA sur les entrées de cinéma – mesure qui me paraît très efficace.
Je rassurerai également Michel Herbillon en lui indiquant que si je suis loin d'être désespéré, je le trouve néanmoins désespérant lorsqu'il utilise les termes totalement exagérés de « saignée à blanc des crédits ». Il est vrai que nous fournissons un effort de redressement des comptes publics – élément que je n'ai d'ailleurs pas masqué, contrairement à ce qui a été affirmé : cet effort doit en effet être partagé par l'ensemble des missions du budget de l'État. Mais les choix du Gouvernement à cet égard ont été opérés avec discernement. Michel Pouzol a ainsi souligné l'augmentation des crédits en faveur de l'éducation et de l'enseignement supérieur artistiques et culturels, des bourses, du soutien à la création dans le spectacle vivant et des arts plastiques. J'ajoute qu'en ce qui concerne le programme « Création », les crédits d'intervention en région atteignent 283 millions d'euros afin de financer les labels, les réseaux, les équipes artistiques et les scènes de musiques actuelles. Les crédits d'intervention en faveur des arts plastiques augmentent eux aussi, et parmi eux, 800 000 euros seront consacrés au plan de soutien aux galeries d'art. Quant à la diminution de 20 millions d'euros évoquée tout à l'heure, elle s'explique par l'achèvement du chantier de la Philharmonie de Paris. Cela étant, des opérateurs tels que l'Opéra comique et le Théâtre national de Chaillot voient leurs dotations augmenter. Vous reconnaissez également que nous fournissons un effort en faveur de la transmission des savoirs. C'est pourquoi il convient de ne pas noircir le tableau.
S'agissant de la réforme des rythmes scolaires, si 20 % des établissements l'ont mise en place, ce chiffre atteindra 100 % à la prochaine année. Une dynamique est enclenchée.
Pour répondre à Marcel Rogemont, ce ne sont pas les rapports entre la ministre de la culture et de la communication et celui de l'éducation nationale qui sont en cause mais la transversalité et la complémentarité des politiques publiques. Si le ministère de la culture et de la communication a l'ambition de développer l'éducation culturelle et artistique, le ministère de l'éducation nationale tient à la partager dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires. Mieux vaut donc soutenir ces évolutions que de perdre son temps à les critiquer systématiquement.
Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur le renforcement de l'effectivité de la règle du « 1 % artistique » : lors de mes auditions, à l'exception d'un seul syndicat d'artistes, qui nous a suggéré l'instauration de sanctions, la plupart des organismes entendus ont jugé qu'il n'était pas souhaitable d'en venir à une telle extrémité. Nous préconisons en revanche d'informer et de sensibiliser les acteurs et de valoriser les oeuvres réalisées. Je regrette d'ailleurs de n'avoir auditionné que de grands élus – vice-présidents de conseils régionaux et généraux, ou encore adjoints aux maires de grandes villes. Il reste que très souvent, les maîtres d'ouvrage potentiels sont insuffisamment informés de la réalité du « 1 % artistique » : beaucoup ignorent la procédure à suivre et dans quels cas elle est obligatoire. En la leur faisant découvrir, on leur permettra de s'apercevoir que loin d'être contraignante, cette procédure aide les maîtres d'ouvrages à opérer des choix pertinents.
Lors de son audition, l'une des vice-présidentes du conseil régional de Basse-Normandie nous a décrit le plan stratégique de la région, qui m'a paru très intéressant : leur service de l'Inventaire y a en effet accompli un travail de recensement des oeuvres réalisées au fil des ans ainsi que de leur entretien. Ce service a également oeuvré à améliorer la signalétique et a mis en place un code QR permettant aux administrés de lire sur leur smartphone toutes les explications disponibles sur les oeuvres exposées. Enfin, ce service travaille avec le service pédagogique de la région, lui-même en lien avec les lycées du territoire. Ces actions ne sont pas neutres car il existe dans les divers établissements un nombre importants d'oeuvres financées grâce au « 1 % » dont on ignore le nom des artistes et ce qu'elles représentent. Or, en fournissant ces éléments d'information, on valorise du même coup la procédure du « 1 % » et l'on incite à y recourir.
S'agissant de l'instauration d'une journée du « 1 % » en milieu scolaire, cette idée nous a été suggérée par un représentant du ministère de la culture et de la communication. S'il est vrai que le dispositif est très inégalement appliqué sur l'ensemble du territoire, y consacrer une journée par an à l'école permettra d'y sensibiliser tous les élèves et de les informer sur le sens et le but de la procédure. Il s'agira aussi de faire apprécier aux élèves dans leur région, leur ville ou leur quartier, les oeuvres produites au titre du « 1 % ».
En tout état de cause, pour l'ensemble des mesures préconisées dans mon rapport, il ne s'agit nullement d'ajouter de la contrainte mais de suggérer de nouvelles actions. Je propose par exemple que les conseils généraux et régionaux, qui ont toute liberté pour répartir les aides, conditionnent leur attribution à la mise en oeuvre du 1 %, lorsque celui-ci est obligatoire.
Je conviens, Madame Attard, qu'il faudra accompagner les opérateurs dans leur choix, car il n'est pas simple, quand un budget diminue, de ne pas en faire supporter les conséquences au public. Des propositions pourront intervenir dans le cadre de la loi d'orientation, mais n'oublions pas que l'accompagnement des opérateurs aura lui-même un coût.
En milieu rural comme en ville, les associations bénéficient souvent d'aides incitatives, qui diminuent, voire disparaissent, une fois les actions lancées. Il faut apprendre à les soutenir dans la durée, particulièrement dans les zones moins favorisées. Sous la précédente législature, plusieurs d'entre nous se sont battus contre la concentration des grandes salles dans l'hyper-centre-ville. Il faut continuer. Nous devons combattre l'idée selon laquelle certains établissements offriraient une culture élitiste à un public choisi, alors que des associations ou des fédérations d'éducation populaire se contenteraient de diffuser la « culture du pauvre ».
Monsieur Braillard, je vous sais gré de reconnaître l'effort en faveur de l'emploi et de la stabilisation de la masse salariale. Je ne suis pas sûr d'avoir compris votre question sur le 1 %, mais je précise que les sommes susceptibles d'y être consacrées sont plafonnées à 2 millions d'euros. Monsieur Allossery, je vous engage à interroger directement la ministre. Enfin, monsieur Rogemont, je vous répondrai en citant le Document stratégique de performance du CNC : « Les principes fondamentaux du fonctionnement de cet établissement au coeur de la politique française de soutien au cinéma et à l'audiovisuel ont […] été préservés : le prélèvement ne remet en cause ni sa capacité d'intervention, maintenue à 700 millions d'euros, ni sa capacité à assurer une bonne maîtrise de son risque prudentiel qui lui permet d'honorer ses engagements à l'égard des professionnels. »
Les professionnels du cinéma que j'ai rencontrés, vendredi dernier, à Dijon, jugent qu'il vaut mieux prélever une somme lorsque la trésorerie est importante que raboter les trois taxes qui alimentent le compte de soutien. La taxe COSIP, que nous avons votée à l'unanimité, ayant rapporté plus que prévu, le projet stratégique du CNC n'est pas remis en cause.
Pourquoi ne pas déterminer le montant de la taxe en fonction des crédits qu'on veut allouer au CNC ? Si l'on veut le créditer de 700 millions, qu'on calcule la taxe en conséquence. On peut parfaitement jouer sur l'assiette ou sur le taux, sans ponctionner ses fonds propres ou le produit d'autres taxes !
Monsieur Hetzel, j'ai répondu sur l'inégalité culturelle des territoires, mais on ne peut que vous donner raison, quand vous insistez sur la nécessité de rééquilibrer les politiques publiques et ne pas négliger les territoires ruraux.
Monsieur Sturni, sur le 1 %, le ministère doit impulser une dynamique via les collectivités et les DRAC, dont M. Jean-Patrick Gille, dans son rapport d'information sur les conditions d'emploi dans les métiers artistiques, a souhaité qu'elles jouent un rôle plus incitatif à l'égard des collectivités, même si leurs conseillers artistiques manquent souvent de moyens. Les FRAC doivent également participer à la redynamisation du 1 %. Un document édité à l'occasion de leur trentième anniversaire rend hommage à leur action.
Enfin, je remercie Mme Bouillé et M. Bréhier d'avoir répondu par avance à certaines questions qui m'étaient posées.
La Commission en vient à l'examen des crédits du programme 175 « Patrimoines ».
Il est judicieux d'avoir confié l'examen de ces crédits à un membre de l'opposition, qui pourra dire sereinement et honnêtement ce que des parlementaires de la majorité n'auraient pas avoué volontiers. Je le ferai avec objectivité et sans esprit de polémique.
En 2014, le programme « Patrimoines » sera soumis à une extrême rigueur budgétaire. Le dossier de presse du ministère invoque le maintien de l'effort national et la stabilisation ou la consolidation des crédits ; il serait plus juste de parler d'une gestion de la pénurie. Les crédits en faveur des patrimoines enregistrent une diminution de 4 %, qui s'ajoute à celle de 10 % intervenue l'an dernier. Sur les deux premières années de la mandature, la baisse atteint 13 %. Les crédits dévolus au patrimoine monumental chutent de 12 % entre la loi de finances pour 2012 et le projet de loi de finances pour 2014. Ceux des patrimoines des musées de France diminuent de 10,3 % et ceux destinés aux acquisitions et à l'enrichissement des collections publiques, de 49,9 %. Le programme « Patrimoines », qui concentre à lui seul les deux tiers des diminutions de crédits, est celui qui paie le plus lourd tribut à l'effort général, alors qu'il représente à peine le tiers des crédits de la mission.
Le premier axe mis en avant par le ministère est la préservation des crédits en région, que nous approuvons sans réserve. Ainsi, les crédits consacrés aux monuments historiques n'appartenant pas à l'État mais aux collectivités territoriales ou à des propriétaires privés augmentent de 5,2 millions. La hausse porte sur les crédits de restauration, les crédits d'entretien restant stables. Elle intervient alors qu'il est difficile de boucler les opérations portant sur ces monuments. Depuis 2005, leur restauration n'incombe plus aux DRAC mais aux propriétaires, qui doivent réunir les financements, sélectionner une équipe de maîtrise d'oeuvre, conduire des appels d'offre, choisir des variantes de travaux et demander des subventions. Or les capacités d'administration des maîtres d'ouvrage, surtout quand il s'agit de petites communes, sont faibles. D'où la difficulté de prévoir la consommation des crédits de paiement, ce qui pose problème tant à l'État qu'aux régions et aux départements, partenaires de financements croisés.
Ces difficultés interviennent alors que le budget des collectivités est extrêmement contraint. Si les financements qu'elles accordent à l'entretien et à la restauration des monuments historiques ne font pas l'objet d'un recensement systématique, les réponses apportées au questionnaire budgétaire montrent que la plupart d'entre elles ont choisi de se concentrer sur leur domaine de compétence obligatoire. Des partenaires habituels comme les conseils généraux ont diminué significativement leur aide à la restauration des monuments historiques n'appartenant pas à l'État, ce qui compromet l'engagement de certaines opérations. Si des financements croisés sont toujours mis en oeuvre, les collectivités aident moins systématiquement les projets auxquels l'État accorde son concours. Le désengagement de celui-ci aurait eu des conséquences dramatiques, en particulier sur la survie des entreprises de restauration.
Cela dit, la hausse des crédits de restauration sur le patrimoine qui n'appartient pas à l'État s'effectue au détriment de celui qu'il possède. En la matière, les crédits d'entretien diminuent de 7,3 millions et portent essentiellement sur les crédits déconcentrés, c'est-à-dire sur les monuments en région, notamment les cathédrales. La dotation des crédits de restauration diminue de 5 millions.
Le Centre des monuments nationaux perd 8 millions correspondant à la fraction de la taxe sur les jeux en ligne qui lui était précédemment allouée. La subvention du ministère de la culture, qu'il reçoit en contrepartie, n'atteint que 5 millions. Dans ces conditions, la préservation des crédits en région, que le ministère met en avant, ne correspond pas tout à fait à la réalité. En fin d'année, lorsque le bilan quinquennal sur l'état sanitaire des monuments historiques sera remis au Parlement, nous aurons l'occasion d'apprécier l'impact des restrictions budgétaires sur notre patrimoine.
Le deuxième axe du budget est la mise à contribution des grands opérateurs, auquel le ministère demande un effort de plus de 32 millions. Dans un contexte de rigueur budgétaire, on peut comprendre que ces opérateurs, surtout les plus solides, soient mis à contribution, mais l'effort qui leur est demandé est inégalement réparti. Le musée du quai Branly, celui d'Orsay et de l'Orangerie sont les plus touchés par la diminution des subventions, respectivement de 5 % et 16 %. La subvention de fonctionnement du château de Fontainebleau est réduite de 13 %, alors que celui-ci est en plein développement. Le Louvre et le Centre Georges-Pompidou voient les leurs diminuer respectivement de 1 % et de 3 %. On ignore sur quels critères sont décidées ces baisses, qui semblent pour le moins aléatoires.
Cette année encore, les diminutions exceptionnelles non pérennes pourront se traduire par des prélèvements sur le fond de roulement des établissements. L'an dernier, cette pratique avait pourtant été présentée comme non reconductible. Elle risque en effet d'obérer la capacité d'investissement des établissements et de faire passer le fond de roulement sous le seuil critique de trente jours de fonctionnement.
Enfin, la compensation de la gratuité d'accès aux musées et monuments nationaux pour les jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans diminue d'un tiers. Cette baisse s'inscrit dans la perspective d'une sortie en sifflet, signe que les établissements devront prendre le dispositif en charge sans aucune aide du ministère. Pourtant, l'an passé, lors de l'examen en commission élargie des crédits de la mission « Culture », la ministre s'était félicitée de ce que, pour la première fois, la gratuité pour les jeunes serait compensée en loi de finances initiale, à hauteur de 18 millions.
La suppression de la mesure en 2014 pose une question de principe, car la gratuité s'inscrit dans le cadre d'une politique de démocratisation culturelle et de solidarité. Son coût n'a pas à être supporté par les autres usagers mais par les contribuables, par le biais d'une subvention.
D'autre part, si la réduction des subventions pour charges de service public joue un rôle vertueux quand elle incite les établissements à développer leurs ressources propres, la gratuité a l'effet inverse, puisqu'elle prive au contraire les établissements de leur première ressource propre, à savoir le prix du billet. Chaque année, à Fontainebleau, 200 000 visiteurs sur 452 000 entrent gratuitement. Baisser les subventions sans compenser les effets de la gratuité pose aux établissements un problème insoluble.
Les crédits d'acquisition des musées sont reconduits au même niveau que l'an dernier, alors qu'ils avaient diminué de 50 % entre 2012 et 2013. En tant que député du Sud, je me réjouis cependant de voir que ces réductions ne concernent pas le MUCEM. Les 4,4 millions d'euros qu'il conserve lui permettront d'achever le chantier de ses collections.
Un amendement du rapporteur général de la Commission des finances et de M. Muet a permis de maintenir à 5,5 % le taux de TVA applicable aux importations d'oeuvres d'art, qui devait s'élever à 10 %, à partir du 1er janvier 2014. Une telle augmentation aurait dissuadé les collectionneurs français d'acquérir des oeuvres à l'étranger, alors qu'ils sont les premiers à enrichir les collections publiques, le plus souvent par le biais de dons et de legs. Je vous renvoie sur ce point au film La Ruée vers l'art, sorti récemment.
La part de la culture dans le budget de l'État est passée de 1,08 % en 2011 à 0,87 % en 2014, chutant ainsi sous le seuil mythique de 1 %. Dès lors que la politique patrimoniale est réduite à une variable d'ajustement budgétaire, on voit mal comment le projet de loi sur les patrimoines, en cours de préparation, pourra ne pas acter le désengagement de l'État et l'abandon d'une politique ambitieuse de transmission et de valorisation du patrimoine.
À l'issue de la Commission élargie du 4 novembre, je vous inviterai à ne pas voter les crédits de la mission, afin de tirer un signal d'alarme.
Je vous remercie de cette analyse que je partage en partie. Sur l'importation des oeuvres d'art, le rapporteur général et M. Muet ont effectivement joué un rôle décisif en soutenant l'amendement d'un de leur collègue…
Je salue le travail du rapporteur pour avis, marqué par la sérénité, l'honnêteté et l'objectivité. Dans le cadre de la politique qu'il mène pour redresser les finances publiques, le Gouvernement a légèrement réduit le budget de la culture. Les crédits de paiement vont passer de 776 millions en 2013 à 746 en 2014 et les autorisations d'engagements de 770 à 761 millions.
Mme la ministre a porté les crédits déconcentrés au tiers des crédits totaux, ce qui bénéficie notamment aux monuments historiques, à la protection des espaces, à l'architecture, aux musées, aux archives, ainsi qu'aux patrimoines linguistiques et archéologiques. Dans un contexte économique difficile, le soutien à la politique territoriale est réaffirmé comme une priorité et consolidé à un niveau qui reste élevé.
Le financement des équipements qui ont marqué les précédents exercices étant achevé, les efforts sont redéployés en faveur d'une nouvelle génération de projets tournés vers l'accueil des publics et l'éducation artistique et culturelle. Cependant, le programme soutient aussi la conservation du patrimoine, qui doit être transmis aux générations futures et contribue à l'attractivité économique du territoire. La gratuité de l'accès des moins de vingt-six ans aux collections permanentes des musées et aux monuments nationaux est pérennisée. Des crédits sont orientés vers des projets de taille raisonnée, construits en partenariat avec les collectivités et répartis sur l'ensemble du territoire. Citons, parmi eux, la rénovation de l'accueil au musée de Cluny, à Paris, le pôle de recherche interdisciplinaire archéologique mosellan, à Metz, le musée des cultures guyanaises, à Cayenne, et le centre international d'art pariétal (Lascaux IV). Ces projets innovants seront lancés et financés en 2014, en même temps que le projet d'archivage électronique des Archives nationales de France, baptisé VITAM.
Comme en 2013, un effort particulier est demandé aux établissements publics. Il se traduit par une baisse de subvention pour charges de service public et par un effort exceptionnel et non reconductible, calculé en fonction de leurs capacités. Les crédits d'acquisition sont maintenus à leur niveau de 2013, et la montée en charge des équipements récemment ouverts est actualisée et pérennisée. Le programme apporte donc de nouveaux moyens budgétaires à la politique de schéma directeur pour les musées nationaux installés dans de grands monuments historiques du domaine national.
Nous examinerons bientôt un nouveau projet de loi visant à mieux protéger les patrimoines et à faire davantage circuler les collections, afin de démocratiser l'accès à la culture.
Il va de soi que les députés SRC voteront les crédits du programme « Patrimoines ».
Je remercie M. Kert pour son rapport très objectif. Je ne sais pas si le président de notre commission, qui a approuvé son propos, ratifiera sa conclusion en refusant de voter les crédits de la mission…
Aux yeux du Gouvernement, la culture n'est plus une priorité, ce que nous ne pouvons que regretter. Si tous les secteurs de la mission subissent des restrictions, le patrimoine est le premier à souffrir du désengagement de l'État. Sur les deux derniers exercices budgétaires, ses crédits ont baissé de plus de plus de 13 %, ce qui représente une diminution de 115 millions en crédits de paiement. Si nous continuons à ce rythme, que restera-t-il, à la fin du quinquennat, de la politique patrimoniale de l'État ? La situation est d'autant plus grave qu'on nous annonce de nouvelles coupes dans le budget pour 2015.
La préservation des monuments historiques de l'État a toujours été difficile, mais, depuis deux ans, la diminution des crédits est drastique. Pour certains établissements – le musée du quai Branly, le musée d'Orsay, le Louvre, le centre Georges-Pompidou et le château de Fontainebleau –, la baisse des crédits s'accompagne d'importants prélèvements sur les fonds de roulement. La situation est particulièrement préoccupante pour Fontainebleau, qui a engagé une politique dynamique d'accès aux collections. La mise à contribution des grands opérateurs, qui induit l'abandon de certains projets, risque de réduire l'intérêt du grand public.
Je me réjouis que le taux de TVA qui s'applique à l'importation des oeuvres d'art soit maintenu à 5,5 %. Nous sommes effectivement nombreux à avoir agi en ce sens.
La relocalisation des réserves du Louvre étant nécessaire et l'abandon, l'an dernier, pour des raisons budgétaires, de leur transfert vers Cergy-Pontoise a conduit à programmer leur installation dans le Nord-Pas-de-Calais, près du Louvre-Lens. Mais est-il pertinent d'installer les réserves si loin du musée ? Qu'en pensent les conservateurs ? Les a-t-on seulement consultés ?
Le désengagement de l'État est encore plus flagrant pour les crédits dédiés à l'enrichissement des collections publiques, qui ont été divisés par deux en deux ans. Dans le même temps, la dépense fiscale correspondant à la réduction d'impôt pour les entreprises qui achètent des biens culturels considérés comme trésors nationaux est tombée de 16 à 6 millions.
Le groupe UMP ne peut pas cautionner le fait que l'État réduise ainsi son effort en faveur de la culture. Nous regrettons particulièrement que deux tiers de la baisse des crédits de la mission Culture portent sur le patrimoine, ce qui nous inspire les plus vives inquiétudes sur le projet de loi qui nous a été annoncé.
La situation actuelle est cependant moins alarmante que celle qui avait amené Dominique de Villepin, quand il était Premier ministre, à prévoir un plan d'urgence pour les monuments historiques.
Je déplore la diminution des crédits d'entretien et de restauration des monuments historiques appartenant à l'État, dont les 86 cathédrales, qui sont autant des lieux de culte que des pôles d'attraction touristique. Celle de Bayeux attire par exemple chaque année un million de visiteurs, ce qui est loin d'être négligeable pour une ville de 13 500 habitants.
L'entretien des églises, lui, est à la charge des communes. Comme à vous tous, on m'a souvent demandé de financer sur ma réserve parlementaire une partie de leur rénovation, en milieu rural et urbain. J'ai refusé, car ma circonscription recouvre 161 communes. Les 117 000 euros dont je dispose au titre de la réserve ne suffiraient pas à rénover leurs clochers, fort beaux, mais généralement en ruine. Il faudrait réfléchir, dans le cadre d'une commission ou d'une étude, au moyen de résoudre ce problème, qui incombe à l'État, puisque les communes n'ont pas les moyens d'entretenir le patrimoine rural, qu'il s'agisse d'établissements religieux ou non cultuels, comme les lavoirs.
Je me réjouis de l'abandon du projet pharaonique, chiffré à 254 millions, que représentait le transfert des réserves du musée du Louvre vers Cergy-Pontoise, mais je ne nie pas que la distance entre Paris et Lens pèsera sur la gestion des réserves. Une mission d'information sur le sujet des réserves muséales débutera la semaine prochaine, à laquelle je suis associée, ainsi que M. Herbillon, M. Rogemont et M. Piron. Dans le cas du Louvre, il importe de retirer les oeuvres d'une zone inondable. Ailleurs, il faut leur offrir des conditions de conservation adéquates, ce qui pose un réel problème.
Je reconnais à M. Kert une impartialité que je n'ai pas retrouvée dans les propos de M. Herbillon. Si la majorité précédente n'avait pas laissé le pays dans la situation financière que nous connaissons, le Gouvernement n'aurait pas besoin de dégager 15 milliards d'euros d'économie.
Le programme 175 tend à valoriser l'éducation artistique et culturelle. Cependant, même si certaines mesures sont reconduites, comme la gratuité permanente de l'accès aux collections permanentes des musées nationaux pour les jeunes de moins de vingt-six ans, je m'inquiète de voir baisser de 2,5 % le budget des musées, condamnés à assumer seuls le coût de la gratuité. Nous serons plusieurs à interroger la ministre lundi soir à ce sujet.
Les crédits dévolus à l'entretien et à l'accessibilité du patrimoine diminuent de manière importante. Pour autant, faut-il présenter ces postes comme des variables d'ajustement ? N'oublions pas que la ministre s'est battue pour conserver certains avantages liés au mécénat d'entreprise.
Elle entend également maintenir une homogénéité de l'offre culturelle sur le territoire, en reconduisant les crédits déconcentrés. La réalisation du Louvre-Lens ou du MUCEM, à Marseille, et le plan Musées en région, auxquels sont consacrés 15 millions d'euros, obéissent à cette logique. La préservation des crédits en région donnera un rôle important aux DRAC et aux DAC ultramarines.
Pour toutes ces raisons, le groupe RRDP votera les crédits de la mission.
À quel poste est désormais affectée la fraction de la taxe sur les jeux en ligne, précédemment allouée au Centre des monuments nationaux ? Par ailleurs, dès lors que sa compensation diminue, la gratuité de l'accès aux musées pour les moins de vingt-six ans n'est-elle pas menacée ? Notre commission devrait peut-être alerter la ministre sur les risques induits par son revirement.
La ministre met l'accent sur l'éducation artistique et culturelle, de même qu'elle soutient la politique territoriale. Je me réjouis que, dans un contexte difficile, elle privilégie les bons postes. Au reste, je trouve savoureux que nos collègues de l'opposition, qui, dans l'hémicycle, nous enjoignent constamment de maîtriser les déficits publics, réclament des crédits supplémentaires chaque fois que nous examinons un budget en commission !
Je regrette l'opacité qui entoure les dépenses de personnel. Celles-ci sont intégralement inscrites au programme 224, alors qu'aux termes de la LOLF, les postes devraient être ventilés par programme à l'intérieur d'une mission.
L'an dernier, quand nous l'avions auditionnée, la ministre nous avait indiqué que « pour la première fois, la gratuité accordée aux dix-huit-vingt-cinq ans serait compensée, en loi de finances initiale, à hauteur de 18 millions ». Elle avait ajouté que la mesure, jugée positive par l'inspection générale, n'était pas suffisante, et qu'elle encouragerait les musées à développer des actions en faveur des jeunes. Force est de constater que nos craintes sur l'avenir de la compensation – mise en place par le Président Sarkozy – étaient fondées.
Aucun député ne se réjouit de voir diminuer les crédits ou filer la dépense publique. À partir de là, nous devons faire des choix. La compensation de la gratuité, décidée un peu vite, avait été évaluée à 31 millions, mais le problème financier n'est pas le seul obstacle à la démocratisation culturelle, qui est avant tout affaire d'éducation. C'est pourquoi les 5 millions supplémentaires alloués au programme 224 semblent essentiels. Cette voie me paraît plus intéressante que la gratuité des musées.
D'autre part, il était prévu que le montant de la redevance d'archéologie préventive (RAP), évalué à 122 millions d'euros, couvre les besoins de l'Institut de recherches archéologiques préventives (INRAP). Cette somme a-t-elle effectivement été prélevée et affectée à l'INRAP ?
Enfin, pour préparer le texte annoncé, je souligne que la création d'une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager ou d'une aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine est une procédure lourde. Il faudrait prévoir des dispositions plus légères pour les petites communes, comme celles que rassemble l'association des petites cités de caractère, dont la population est comprise entre 1 000 et 5 000 habitants.
Après la baisse historique des crédits de la mission en 2013, l'évolution prévue pour 2014 laisse sceptique. M. Kert a pointé une stabilisation en trompe-l'oeil et la réduction du patrimoine à une variable d'ajustement, au sein d'une mission en régression. En entendant M. Bréhier ou M. Ménard, on sent la gêne des députés de la majorité. La culture était jadis l'étendard de la gauche. Celle-ci, en privilégiant l'éducation, la police et la justice, s'est condamnée à des renoncements douloureux.
En ce qui concerne le patrimoine, il faut préserver, restaurer, sécuriser les sites et les rendre plus accessibles, ce qui est loin d'être aisé. Je m'inquiète de voir baisser les crédits alloués aux musées et aux monuments historiques appartenant à l'État. L'entretien des châteaux forts a été transféré vers les collectivités et les associations en termes non seulement de finances mais de responsabilités, ce qui est pour le moins préoccupant. Je salue toutefois l'engagement de la Fondation du patrimoine, qui, par le biais de conseils, d'aides fiscales et de subventions, favorise la restauration du patrimoine régional.
Je regrette, comme M. Hetzel, que les dépenses de personnel ne soient pas présentées plus clairement. Cela dit, dans un budget globalement décevant, je salue la priorité accordée aux actions territorialisées, car les collectivités sont des acteurs particulièrement motivés. Quand il s'agit de préserver le patrimoine, la proximité est un atout essentiel. Nous le vérifierons en examinant le pourcentage de consommation des crédits et l'état d'avancement des projets.
M. Herbillon s'est demandé ce qui demeurait à l'État pour mener sa politique patrimoniale. Je souhaite qu'il ne lui reste pas seulement les ABF ! À mon sens, ceux-ci devraient être transférés aux régions. Cette mesure irait dans le sens de la cohérence et de la simplification, puisqu'elles sont déjà responsables de l'Inventaire. Il s'agit non de faire moins, mais de faire mieux avec moins de moyens.
Enfin, Mme Attard a souligné avec raison le rôle des monuments en matière d'attractivité touristique. C'est pourquoi les régions sont les mieux placées – l'Alsace l'a montré – pour valoriser le patrimoine.
Nous aimerions tous que les crédits alloués aux patrimoines soient plus élevés, et divergeons seulement sur les raisons pour lesquels ils ne le sont pas. Les uns incriminent la détérioration des comptes publics ; d'autres, les choix du ministère. Lundi soir, en commission élargie, la discussion sera moins confortable. Nous siégerons avec des collègues de la commission des finances. Or certains d'entre eux, qui n'appartiennent pas à la majorité, jugent que la culture a bénéficié d'un traitement de faveur lors du vote de la première partie du projet de loi de finances.
Le taux de TVA à 5,5 % s'applique au livre, au spectacle vivant et au cinéma, au grand dam de collègues de tout bord, qui ont vainement tenté de présenter le bois de chauffage, la collecte des déchets ou les transports comme des biens ou services de première nécessité. Au crédit d'impôt cinéma, au crédit d'impôt musique, votés l'an dernier, s'ajoute, cette année, le relèvement de 10 à 20 millions du plafond du crédit d'impôt cinéma, destiné à rendre la France plus attractive pour les tournages internationaux. Enfin, j'ai soutenu un amendement visant à réduire le taux de TVA sur les oeuvres d'art importées, afin de protéger notre marché.
Les députés de la Commission des affaires culturelles sont toujours enclins à l'insatisfaction, mais, compte tenu du contexte général, ils devraient considérer qu'ils s'en sont bien sortis.
J'apprécie l'optimisme délibéré de Mme Langlade et remercie M. Herbillon de son soutien. Par ailleurs, monsieur le président, je vous sais gré d'avoir rappelé que M. de Villepin avait consenti un effort de 70 millions pour soutenir les entreprises de restauration en grande difficulté. Nous devons être attentifs à cet aspect économique de la défense du patrimoine.
Toutes nos circonscriptions ont, comme la vôtre, madame Attard, des églises en ruine. Par chance, la mienne ne comporte que cinq communes ! Lorsque j'ai rédigé mon rapport sur les techniques de restauration des oeuvres d'art et sur la protection du patrimoine, j'ai établi la liste des travaux à prévoir dans les quatre-vingt-six cathédrales. Tous étaient indispensables. Quand j'ai visité le chantier de restauration de la cathédrale de Strasbourg, qui durait depuis déjà dix ans, le restaurateur m'a avoué que, le jour où on enlèverait l'échafaudage d'un côté de l'édifice, il faudrait le remonter de l'autre, pour recommencer les travaux. Néanmoins, au-delà même de l'aspect touristique, nous ne pouvons renoncer à conserver ces témoignages d'une France séculaire.
M. Braillard a rappelé le soutien de la ministre au mécénat, mais celui-ci se déplace actuellement de la culture vers le sport, l'humanitaire ou le social.
Madame Nachury, la fraction de la taxe sur les jeux en ligne, précédemment allouée au Centre des monuments nationaux, a été reversée au budget de l'État. Elle n'est donc plus affectée. Comme vous, je trouverais judicieux d'ouvrir une réflexion sur la gratuité de l'accès aux musées et aux sites culturels.
M. Reiss a pointé le risque d'un désengagement de l'État. Je le rejoins sur ce point. Pour être bon, un budget n'a pas nécessairement à être en augmentation, mais nous devons rester particulièrement attentifs à la préservation de nos territoires.
Enfin, M. Rogemont, je vous indiquerai par écrit combien a rapporté la RAP. Dans le budget prévisionnel pour 2013, le total des ressources propres de l'INRAP – RAP et produit des fouilles – est évalué à 102,5 millions d'euros.
La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.