Dans le cadre de ses travaux sur la gestion des programmes d'investissement d'avenir relevant de la mission « Recherche et enseignement supérieur », la mission d'évaluation et de contrôle reçoit aujourd'hui M. Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat au ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Monsieur le directeur général, la filière nucléaire est l'une des trois filières – avec la filière spatiale et la filière aéronautique – à avoir été spécifiquement bénéficiaire des financements au titre des programmes d'investissement d'avenir : un milliard d'euros y a en effet été consacré.
Si l'opérateur de ces deux actions est le CEA, dont nous avons reçu l'administrateur général, M. Bernard Bigot, la direction générale de l'énergie et du climat en préside les comités de suivi.
Nos questions porteront donc sur le rôle de ces comités de suivi, et la place qu'y tient la DGEC.
Nous vous demanderons aussi le sentiment de la DGEC sur la mise en place du volet « valorisation » du PIA, et l'intérêt que ce volet peut présenter.
Nous nous interrogeons également sur l'après-PIA.
Je me dois enfin d'excuser l'absence du président Alain Claeys, retenu par la discussion du projet de réforme territoriale.
Dans le cadre du programme d'investissements d'avenir, les deux premières actions financées du programme « Nucléaire de demain » ont été le réacteur Jules Horowitz et le projet ASTRID. Le CEA, pour le premier, s'est vu allouer 250 millions d'euros et, pour le second, 675 millions d'euros qui sont devenus 650 millions, une partie de cette somme ayant été affectée, après la catastrophe de Fukushima, à un nouvel axe de recherche : la sûreté nucléaire et la radioprotection.
Ces deux subventions accordées au CEA visent à couvrir, pour le RJH, une partie des coûts de construction du réacteur, ainsi que des investissements complémentaires pour la production de radionucléides à usage médical et, pour le projet ASTRID, les investissements lourds pour mener les études de conception d'un prototype de réacteur à neutrons rapides, de quatrième génération, utilisant la technologie du sodium, jusqu'à l'avant-projet détaillé. En revanche, cette dotation ne couvre pas les coûts de personnel.
Un comité de suivi a été mis en place pour les deux conventions. Présidé par la direction générale de l'énergie et du climat, il compte des représentants du CEA, du CGI, du contrôle d'État et des administrations concernées, la direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI) pour le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS) pour le ministère de l'économie, du redressement productif et du numérique, la direction du budget. Ces comités suivent la conformité de la réalisation des programmes par rapport à leur objet et contrôlent l'utilisation concomitante des crédits. Ils émettent des avis et recommandations, notamment concernant les validations de versements, préparatoires à la décision des services du Premier ministre, en l'occurrence le CGI.
Nous avons émis un certain nombre d'alertes concernant les retards d'exécution pris par le projet de RJH et les surcoûts consécutifs. Au-delà des ajustements normaux des options de sûreté, ce projet innovant a dû être précisé au fur et à mesure de son avancement. À la suite d'une de nos propositions, une décision interministérielle a prévu d'instaurer une revue de projet associant AREVA – maître d'oeuvre –, et le CEA pour analyser les causes du retard et surtout les actions à engager pour le bon achèvement du projet. M. Bernard Dupraz – par ailleurs délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense –, à qui a été confiée la revue de projet, et qui s'est entouré d'experts d'AREVA et du CEA, vient de nous envoyer une étude très détaillée sur le projet, ses retards et ses surcoûts.
La situation du projet ASTRID – plus récent et situé plus en amont puisqu'il s'agit de concevoir un prototype – a fait l'objet en décembre 2012 d'une décision d'allongement de son calendrier, consistant en un lissage de deux ans des études d'avant-projet. Cette prorogation n'obéit pas à des considérations techniques de réalisation mais à une difficulté d'ordre budgétaire : malgré la subvention prévue par le PIA, nous ne parvenions pas à suivre en termes de ressources humaines – en effet les investissements d'avenir ne prennent pas les salaires en charge.
Ces projets sont suivis de près, même si c'est le CEA, qui en est le responsable et qui doit les conduire à terme, à charge pour le comité de suivi d'en valider le bon avancement et d'autoriser les versements de crédits.
Comment les décisions sont-elles prises au sein du comité de suivi ? Quel y est le rôle de votre direction générale, étant entendu qu'y siègent également des représentants du CGI ainsi que du CEA ?
Je préside pour ma part le comité de pilotage traitant des investissements d'avenir relatifs à la transition énergétique. Pour le reste, ce sont mes services qui président. Nous exerçons la présidence en même temps que nous apportons, comme les autres ministères, notre connaissance du domaine, sachant que les éléments techniques et d'avancement du projet nous sont fournis par le CEA. Il revient par conséquent aux administrations d'interroger le CEA soit sur un plan strictement financier soit sur le déroulement des projets. Ainsi, à force de constater les retards et les difficultés entre AREVA, le maître d'ouvrage et d'autres importants fournisseurs, l'administration a mis en place une revue de projet et un cahier des charges, élaborés avec la DGRI, la tutelle la plus présente avec nous sur le plan technique – la direction du budget s'occupe davantage, pour sa part, de l'aspect financier.
Pouvez-vous revenir sur la manière de fonctionner du comité de suivi, par exemple quand l'opérateur vous signale une difficulté ou des retards ? Ces questions sont-elles prises en compte par le comité ?
En ce qui concerne le projet ASTRID, nous ne notons pas de retard technique. Nous discutons de la faisabilité budgétaire ; même si celle-ci n'est pas un problème majeur, nous éprouvons en effet quelque difficulté à suivre le programme en matière de ressources mobilisables au stade des études de conception.
C'est plutôt pour le RJH que nous avons constaté des retards, des difficultés de compréhension et des surcoûts – on pointe un écart de plusieurs centaines de millions d'euros par rapport aux estimations de 2005. Il est notamment apparu au comité qu'il fallait faire un point, d'une part, pour recaler les relations entre AREVA et le CEA pour finir le projet – un comité des sages a été institué à cet effet entre AREVA et le CEA – et, d'autre part, pour éclairer les administrations. C'est à cette fin qu'à l'issue de réunions interministérielles, il a été décidé, en janvier 2014, de créer une revue de projet afin d'évaluer la pertinence des actions proposées par le CEA et AREVA pour aboutir et d'établir les surcoûts à terminaison. Si le CEA et AREVA parviennent à un accord qui nous semble équitable sur la répartition du surcoût, l'affaire est tranchée. Sinon, l'État devra jouer un rôle médiateur ou bien y mettre de l'ordre. Nous ne sommes pas encore en mesure de savoir de quelle manière répartir ces surcoûts, sachant que les investissements d'avenir ont une autre destination.
Estimez-vous que ces comités de suivi fonctionnent bien ou des éléments vous paraissent-ils perfectibles ?
Concernant les investissements d'avenir, ce n'est pas forcément sur le programme relatif au « Nucléaire de demain » que nous rencontrons le plus de difficultés en termes de fonctionnement ; nous en éprouvons davantage – car les concepts sont plus complexes – dans d'autres domaines, comme le soutien à l'innovation.
Dans le cadre du PIA, votre direction générale participe à d'autres comités de suivi. Pouvez-vous nous préciser lesquels et quel rôle elle y joue plus spécifiquement ?
Deux programmes s'ajoutent au « Nucléaire de demain », l'un sur les déchets, avec l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), l'autre – j'y ai fait allusion – créé au lendemain de la catastrophe de Fukushima, sur la recherche en sûreté nucléaire et radioprotection. Ce dernier est doté de 50 millions d'euros par redéploiement du programme ASTRID et du programme « Déchets ». Son comité de pilotage est présidé par la DGRI et par la direction générale de la prévention des risques au ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie – par ailleurs chargée de la sûreté nucléaire. La DGEC, qui n'est pas ici concernée au premier chef, n'est qu'un simple membre du comité de suivi. Un appel à projets a été lancé en 2012, vingt et un projets ont été sélectionnés, qui sont aujourd'hui en phase de contractualisation. Nous en assurerons le suivi.
Le programme concernant les déchets radioactifs était lui doté, initialement, de 100 millions d'euros. Après redéploiement, il l'est de 75 millions. La DGEC est ici présidente du comité de suivi dans lequel on retrouve le CGI, la direction du budget, la direction générale de la prévention des risques, la DGCIS et l'ANDRA. Nous avons procédé en plusieurs étapes. Un premier programme a été lancé pour une vingtaine de millions d'euros ; un appel à projets de R&D va être lancé à la fin de l'année, l'Agence nationale de la recherche (ANR) assurant la gestion des conventions. Ces programmes sont à la fois ciblés et assez modestes.
Pour ce qui est du programme de sûreté nucléaire et de radioprotection, nous abordons la phase de fin de contractualisation et de suivi. Je n'ai pas d'écho en la matière depuis ma participation au fonctionnement, compliqué, du comité de suivi. L'un des objectifs était d'élargir le programme de sûreté nucléaire au-delà des établissements de référence comme le CEA, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), l'ANDRA, etc…, d'où l'idée de lancer un appel à projets.
Par ailleurs, le PIA comporte un volet relatif à la transition énergétique, composé lui-même de programmes chapeautés par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et par l'ANR. La DGEC est particulièrement impliquée dans deux programmes : celui, d'une part, où sont regroupés tous les appels à manifestation d'intérêt (AMI) de l'ADEME sur les démonstrateurs industriels en termes d'énergie, d'efficacité énergétique, d'énergies renouvelables, de stockage et de réseaux intelligents ; et, d'autre part, le programme intitulé Instituts d'excellence en énergie décarbonnée, rebaptisés Instituts de la transition énergétique (ITE), équivalents dans le secteur énergétique des Instituts de recherche technologique. Nous sommes actifs au sein des deux comités de pilotage. Mes équipes sont en particulier mobilisées pour l'instruction des dossiers. Je préside le comité de pilotage des ITE qui se réunit deux ou trois fois par an, sans compter, bien sûr, les réunions préparatoires et le travail à distance par courriels – l'ANR organise des comités électroniques –, qui concernent surtout la validation des conventions ou l'examen du franchissement de certaines clauses contractuelles. Ces comités sont plutôt centrés sur l'aval. Pour ce qui est de l'amont, il y a eu une phase de sélection des ITE par un jury international. Et la contractualisation qui a suivi, en 2013-2014, a été marquée par plusieurs étapes : celle de la structuration de consortiums innovants, puisqu'il ne s'agit pas de projets ponctuels devant être réalisés par un maître d'ouvrage important, celle ensuite du montage du financement et de sa validation européenne, puisque l'État apporte son aide. Cela représente beaucoup de travail de rédaction et de notification pour les secrétariats de l'ANR et du CGI et nos services.
Les difficultés que nous avons rencontrées ne touchaient pas au fonctionnement. Pour les ITE, la nouveauté des actions s'est accompagnée d'un niveau d'exigence qui, s'il s'est révélé positif en matière de structuration, d'ambition économique, a pris un caractère un peu contradictoire, avec une demande de projets innovants mais dont on voulait être sûr qu'ils permettraient un bon retour sur investissement. Et si certains projets se sont caractérisés par la part de risque financier prise par des initiateurs bien préparés, d'autres projets ont souffert d'un sous-investissement industriel. La création de deux instituts a dû être abandonnée faute de combattants, ou d'une définition pertinente du projet. Le CGI a ainsi proposé l'abandon d'un institut, tout en réservant la possibilité que d'éventuels projets dans le domaine des sciences du sous-sol pour l'énergie puissent être réexaminés, et – sans qu'aucune garantie soit donnée – financés par d'éventuels redéploiement d'enveloppes.
Les appels à manifestation d'intérêt de l'ADEME, quant à eux, étaient plus classiques puisqu'il s'agissait de projets de démonstrateurs. Cependant, la répartition en dotation en capital, en avances remboursables, en subventions était parfois un peu trop décalée par rapport aux prises de participation. De plus, dans certains secteurs, les projets souhaités étaient tellement innovants qu'il n'a pas été possible d'en sélectionner, alors qu'on aurait pu se contenter d'innovations incrémentales. Les appels à manifestation d'intérêt, notamment pour les démonstrateurs industriels, ont cependant vraiment permis le lancement de projets innovants, en matière d'énergies thermiques des mers, de fermes pilotes hydroliennes, d'éolien, de stockage d'énergie, mais aussi de véhicules du futur.
Nous allons continuer sur cette voie puisque l'an dernier, le Parlement a voté un PIA 2 qui sera opérationnel en 2015 et prévoit à nouveau une ligne d'AMI pour la transition énergétique qui sera gérée par l'ADEME. À l'inverse, la ligne concernant les ITE n'a pas été reconduite, considérant que nous disposions désormais d'acteurs à même de constituer d'importants consortiums de recherche. Les comités de pilotage ont donc été un foyer de réflexion pour l'élaboration du PIA 2 – dont nous allons bientôt préparer les appels d'offres.
Pourquoi l'action « Recherches en matière de traitement et de stockage des déchets radioactifs » a-t-elle été confiée à l'ANDRA et non au CEA ?
L'ANDRA a pour mission de gérer les déchets radioactifs, y compris ceux ne provenant pas d'installations nucléaires – on pense aux hôpitaux – et d'organiser les circuits de collecte. Elle dispose des installations de stockage nécessaires. Certes le CEA, établissement de recherche technologique et appliquée de haut niveau dans le domaine nucléaire, est susceptible, en tant que producteur et détenteur de déchets, de proposer des solutions. Mais c'est aussi le cas de groupes industriels comme AREVA. Il apparaît donc normal que l'ANDRA soit dépositaire de l'organisation de l'appel d'offres, auquel le CEA peut répondre. Nous nous sommes réunis avec M. Bernard Bigot, administrateur général du CEA, et Mme Marie-Claude Dupuis, directrice générale de l'ANDRA, pour ajuster les actions des uns et des autres. Des laboratoires mixtes ANDRA-CEA tendent désormais à ne plus dépendre que de l'ANDRA.
Au total, l'attribution de l'action « Recherches en matière de traitement et de stockage des déchets radioactifs » à l'ANDRA me paraît assez logique. Elle n'a pas suscité de controverse particulière.
Parmi les outils développés dans le cadre du PIA, on relève les Initiatives d'excellence (IDEX), les Laboratoires d'excellence (LABEX) ou encore les Équipements d'excellence (EQUIPEX). Le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a été très impliqué en la matière par le biais de la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle et de la direction générale de la recherche et de l'innovation. La DGEC s'est-elle intéressée de la même manière à ces projets ?
Elle s'y est intéressée, mais réellement dans une moindre mesure. Au moment de la constitution des investissements d'avenir, vers 2009-2010, l'énergie a été concernée par le programme Instituts d'excellence en énergie décarbonnée et celui consacré aux démonstrateurs industriels. Les autres programmes ne l'ont pas touchée. Nous savons que certains établissements publics dont nous avons la tutelle ont pu participer à quelques LABEX ou EQUIPEX, mais nous n'avons pas été fortement impliqués dans leur suivi.
Je vous propose d'en venir à la valorisation de la recherche et à l'innovation. Quelle appréciation portez-vous sur les consortiums de valorisation thématiques (CVT) ?
Le CVT que nous connaissons le mieux est le CVT ANCRE (Alliance nationale de coordination de la recherche pour l'énergie). Plusieurs établissements publics dont il relève sont sous notre tutelle. Nous avons jugé intéressant de renforcer les échanges et la coordination sur la recherche. Depuis le mois de février, l'Alliance nous invite à son comité de coordination, auquel nous participons. Nous avons ainsi pu prendre connaissance des actions du CVT, et notamment d'un certain nombre d'études qu'il a réalisées. Le CVT ANCRE tâche de mener une réflexion stratégique d'intelligence scientifique, technique et économique mutualisée. Identifier les grands déterminants technologiques et économiques de tel ou tel sujet, en termes d'analyse stratégique, apparaît intéressant pour des établissements comme l'Institut français du pétrole-énergies nouvelles (IFP-EN), le CEA, le CNRS, qui font déjà beaucoup de valorisation. Nous avons fait savoir que nous étions très preneurs d'une poursuite des discussions sur les études en cours, pour en connaître les résultats, et sur les futurs programmes d'études, pour lesquels nous envisageons aussi de faire des propositions.
Considérez-vous que, dans votre domaine, les sociétés d'accélération du transfert de technologie (SATT) jouent bien leur rôle ? Sinon quelles orientations suggérez-vous ?
La DGEC connaît surtout l'activité de valorisation des établissements avec lesquels elle travaille plus étroitement, l'action des ITE ou les plateformes régionales de transfert de technologies du CEA. Je ne saurai donc vous faire part d'un jugement pertinent sur les SATT.
L'articulation de ces structures régionales avec les structures de transfert mises en place par d'autres, dont les grands établissements, implique qu'au niveau local un grand établissement parvienne à faire dialoguer sa propre structure et la SATT. Il s'agit de tout un art d'exécution.
En ce qui concerne les ITE, nous nous tenons à l'objectif que nous avons affiché depuis plusieurs années : rapprocher de manière pérenne – sans toutefois créer des dinosaures administratifs – des consortiums industriels et le secteur public. L'ambition était grande et tous les ITE n'étaient pas prêts. Au bout d'un an de contractualisation, les premiers comités de suivi commencent à se tenir. L'essai reste donc à transformer et nous y veillons de près.
Les IRT, pour leur part, ne relèvent guère de notre domaine de compétences, à l'exception peut-être d'un ou deux comme l'IRT Jules-Verne où nous avons examiné la possibilité d'un lien avec les énergies marines.
Quant aux Instituts Carnot, ils sont le fruit d'une politique plus ancienne et différente visant à récompenser et soutenir les universités ou autres établissements publics qui réalisent de la recherche appliquée, en leur attribuant ce qu'on appelle des subventions de ressourcement. Au sein des écoles des mines, que je connais bien, le système des Instituts Carnot commence à se mettre en place. Il est apprécié et donne certains résultats. Il s'agit de bien montrer l'importance de la valorisation par rapport à d'autres critères d'évaluation des établissements de recherche comme les publications.
Pour vous, quels sont les points sur lesquels il convient de rester le plus attentif pour le lancement du PIA 2 ? En quoi le PIA 2 peut-il prolonger le PIA 1 et l'améliorer ? Comment optimiser les procédures et la gestion du temps ?
Dans la réalisation du PIA 1, on a pu déplorer une certaine lourdeur et une certaine lenteur des instructions – même pour dire « non ». Il y a deux mois, nous nous sommes réunis avec CGI et l'ADEME sur les AMI afin de simplifier le processus d'instruction sans pour autant diminuer le niveau d'exigence. Certaines questions peuvent ne pas être traitées en comité de pilotage mais par voie électronique, d'autres déléguées à l'ADEME.
Les actions à financer par le PIA 2 ont été définies lors de l'élaboration du projet de loi de finances. L'enveloppe de 2,3 milliards d'euros consacrée à la transition énergétique est divisée en plusieurs programmes, qui en recouvrent tous les thèmes : rénovation urbaine, véhicules du futur, économie circulaire, santé et environnement, eau et biodiversité… Il va désormais falloir procéder à un calage financier au sein des différents programmes existants, et déterminer ceux qui doivent être arrêtés, ou encore identifier des programmes très innovants, éventuellement apparus depuis le lancement du PIA 1, qui valent qu'on lance un AMI, comme ce sera éventuellement le cas pour des fermes pilotes « éolien flottant ». Un comité de pilotage a commencé, en fonction de propositions de l'ADEME, à réfléchir aux priorités à soumettre aux ministres de l'écologie, de l'économie… et, in fine, au Premier ministre. Ainsi, dès cet automne, pourrons-nous enchaîner sur la préparation des nouveaux AMI.
Nous devons en outre examiner s'il n'est pas nécessaire d'assouplir quelque peu la distinction entre prise de participation, avance remboursable et subvention, notamment en cas d'intervention au profit de PME.
Au moment où le rapport Juppé-Rocard proposait de mettre en place le PIA, l'idée était qu'il devait rester ponctuel, destiné à créer en France un élan autour de grands projets en matière de recherche et d'innovation. Qu'en pensez-vous ? Considérez-vous qu'il s'agit bien d'un programme exceptionnel même si le PIA 1 a vocation à être suivi d'un PIA 2 ? Ou bien percevez-vous la nécessité d'une forme d'institutionnalisation de ce mode d'intervention ?
Votre question est multidimensionnelle : les PIA 1 et 2 couvrent de nombreux secteurs.
En matière de transition énergétique, le PIA a été l'occasion d'une formalisation et d'une accélération des ambitions en ne passant pas uniquement par les dotations budgétaires classiques des grands établissements spécialisés – le CEA, l'IFP-EN… – qui conservent évidemment toute leur importance. Le PIA a permis d'impulser des dynamiques, de rapprocher le public et le privé et de stimuler l'innovation industrielle à un moment où l'on sait le paysage très mouvant – tout ce qu'on entreprend ne fonctionnera pas même s'il reste des enjeux industriels et économiques en lesquels nous pouvons croire : nous ne sommes pas dénués d'atouts, notamment en matière d'énergies marines, qu'il s'agisse de l'énergie thermique des mers ou de l'énergie mécanique comme les hydroliennes. En outre, les marchés concernés sont mondiaux ; si nous développons les éoliennes flottantes, c'est aussi pour les vendre au Japon.
Le PIA a permis à la DGEC de tracer des feuilles de route sectorielles allant de l'innovation jusqu'au déploiement. Il est important que soit défini un second PIA visant, pour les trois ans à venir, à continuer de soutenir l'innovation.
Ensuite, il est vrai que, après qu'il ait été affirmé que le PIA ne se substituait pas au budget général, on peut constater que certains domaines, sans le PIA, se trouveraient dans une impasse. S'il n'a pas « arrosé » de façon uniforme tous les domaines de recherche, le PIA a pris une importance volumique qui n'était pas prévue. L'état d'esprit d'un programme exceptionnel n'en a pas été perdu pour autant, entre ciblages, accélérations, réorientations… Ainsi, quand on s'est rendu compte qu'il fallait « doper » les installations de banques de recherche pour les véhicules électriques, le PIA a lancé un AMI à cette fin. Le PIA n'a certes pas la même vocation que le plan de relance de 2009 ; il en a néanmoins, de facto, dans certains secteurs, quelques traits en matière de soutien de l'activité de recherche et d'innovation.
Je vous remercie pour votre franchise et pour la précision de vos réponses. Nous nous étions bien rendu compte de la tentation de substitution, ça et là, à laquelle vous venez de faire allusion. Ainsi, même un ministère comme celui de la défense lorgne du côté du PIA, pensant peut-être y trouver une partie du financement de sa recherche.