La Commission entend Mme Stéphane Pallez, dont la nomination aux fonctions de président-directeur général de la Française des jeux est envisagée, puis, à l'issue de cette audition, vote sur cette proposition de nomination.
Par courrier daté du 17 octobre dernier, le Président de l'Assemblée nationale m'a fait savoir que le Premier ministre, par lettre en date du 15 octobre, l'avait informé qu'il était envisagé de procéder à la nomination de Mme Stéphane Pallez aux fonctions de président-directeur général de La Française des jeux et m'a demandé de lui faire connaître l'avis de notre Commission sur cette nomination.
En vertu de l'article 10 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public et de l'article 21 des statuts de La Française des jeux, le président-directeur général de cette entreprise publique est nommé par décret en Conseil des ministres parmi les membres du conseil d'administration et sur proposition de celui-ci.
En outre, ces fonctions figurent sur la liste des emplois et fonctions annexée à la loi organique du 23 juillet 2010, pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce dans les conditions fixées au dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution, qui requièrent un avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. L'article 1er de la loi ordinaire du même 23 juillet 2010 confie à la « commission compétente en matière de finances publiques » le soin d'émettre cet avis. Il dispose que cet avis est précédé d'une audition publique de la personne dont la nomination est envisagée.
Nous avons donc le plaisir d'accueillir ce matin Mme Stéphane Pallez qui, conformément à l'usage, a préparé un curriculum vitae mis à la disposition de nos collègues. Votre audition, madame, sera suivie d'un scrutin. En application du quatrième alinéa de l'article 29-1 du Règlement de notre Assemblée, ce scrutin est secret et il aura lieu hors votre présence. La commission des finances du Sénat se réunira aujourd'hui à 15 heures pour procéder à son tour à l'audition de Mme Pallez. Conformément aux dispositions de l'alinéa 5 du même article 29-1, le dépouillement du scrutin doit intervenir au même moment dans les deux commissions. Il y sera donc procédé dans la salle de la Commission à l'issue du vote de nos collègues du Sénat, qui devrait se tenir vers 16 heures 30.
En octobre 2009, notre Commission, préfigurant l'entrée en vigueur des dispositions organiques alors en discussion, avait entendu M. Christophe Blanchard-Dignac, dont le précédent mandat était venu à échéance. Bien sûr, cette audition n'avait pas donné lieu à un vote, mais mon prédécesseur, Didier Migaud, avait exprimé à l'issue de cette réunion sa certitude que si elle avait eu à se prononcer, la Commission aurait émis un vote favorable à la proposition de reconduction de son mandat.
C'est un grand honneur pour moi de vous présenter ma candidature au poste de président-directeur général de La Française des Jeux. L'entreprise est importante pour la commission des Finances et plus généralement pour le Parlement, étant donné les enjeux budgétaires très significatifs pour la trajectoire des finances publiques qui y sont attachés et les enjeux de société qui sous-tendent la régulation du jeu – il doit être un divertissement populaire sans devenir le support de comportements addictifs ou le canal de trafics criminels.
Pour vous permettre de porter un jugement sur ma candidature et sur les atouts que mon expérience professionnelle peut me donner pour prendre la tête de La Française des Jeux, défi dont je ne sous-estime pas l'ambition, je commencerai par décrire mon parcours.
Sans parler de l'héritage familial transmis par mon père, que certains parmi vous ont pu connaître, mon parcours professionnel est placé sous le sceau de l'intérêt général, avec comme marqueurs majeurs la compétence dans le domaine financier et l'entreprise. Cet attachement à l'intérêt général est évidemment à l'origine de mon orientation vers une carrière publique et pour commencer vers l'École nationale d'administration. Lorsque j'en suis sortie, j'ai fait le choix du ministère des Finances et en particulier de la direction du Trésor, à l'époque dirigée par M. Michel Camdessus, auquel M. Daniel Lebègue allait succéder rapidement.
Je sais que le ministère – notamment la direction du Trésor – peut être parfois perçu, y compris par les parlementaires, voire par les ministres, comme une « forteresse technocratique ». En ce qui me concerne, j'y ai appris des éléments essentiels qui ont contribué à forger ma capacité d'analyse et de décision, et renforcé mon goût pour l'action publique et mon souci de l'intérêt général. En atteste le fait que j'y suis restée vingt ans, non par obligation mais par choix. Je ne renie pas l'importance de cet apprentissage, mais j'espère que cette audition vous persuadera que je ne me résume pas à « une technocrate de Bercy ».
À la direction du Trésor, j'ai donc beaucoup appris, en exerçant principalement trois métiers : régulateur financier, actionnaire d'entreprises publiques, négociateur international.
J'ai exercé le métier de régulateur du secteur financier dans le secteur bancaire et dans celui de l'assurance. À ce titre, j'ai participé à la négociation de nombreux textes prudentiels majeurs tels que Bâle III, et aux prémices de l'élaboration de Solvabilité II.
Actionnaire d'entreprises publiques, je l'ai été à titre principal lorsque, entre 1998 et 2000, j'ai eu la responsabilité, au sein d'un service qui ne s'appelait pas encore l'Agence des participations de l'État, d'un portefeuille de participations publiques dans les secteurs des technologies, avec Bull et Thomson Multimedia, de l'énergie, avec Gaz de France et la COGEMA, et des transports, avec Air France, Réseau ferré de France et les autoroutes. Dans cette fonction, j'ai été chargée de l'ouverture partielle du capital d'entreprises détenues majoritairement par l'État comme Air France, dans un cadre politique déterminé par le gouvernement de M. Lionel Jospin et piloté par MM. Dominique Strauss-Kahn et Jean-Claude Gayssot.
Mon troisième métier fut la négociation internationale. Je l'ai exercé quand j'ai représenté la France à la Banque mondiale entre 1988 et 1991, puis quand j'ai été responsable de l'élaboration de nos positions au FMI et à l'OCDE – notamment à l'époque où l'OCDE s'occupait beaucoup de la lutte contre le blanchiment des capitaux et contre la corruption – et surtout quand j'ai dirigé, de 2000 à 2004, le service des affaires internationales de la direction du Trésor. Dans ces fonctions, j'ai préparé de nombreuses réunions internationales et j'y ai participé – en particulier les G7, G8 et G20 des ministres des finances. J'ai aussi été la « sherpa finances » lors de la préparation, en 2003, du Sommet des chefs d'État du G8 à Évian, qui s'est tenu sous la présidence de Jacques Chirac, pour qui je ne peux manquer d'avoir une pensée.
J'ai donc travaillé sous l'autorité de nombreux directeurs du Trésor et de nombreux ministres, dans la tradition de loyauté et de neutralité de la fonction publique « à la française » à laquelle je me rattache volontiers. Je tiens à dire combien, en particulier, j'ai été fière de travailler, comme très jeune conseillère technique, sous les ordres de Pierre Bérégovoy, qui a contribué à forger en moi une très haute idée de la politique.
La deuxième partie de mon parcours a eu lieu en entreprise, dans des entreprises ayant une forte dimension de missions de service public et d'intérêt général.
Dans la première – France Telecom à l'époque, Orange aujourd'hui –, j'ai exercé pendant sept ans les fonctions de directeur financier délégué, membre du comité exécutif, à une époque de transformation profonde de la concurrence et aussi de forte contrainte financière après la crise de liquidité due au surendettement de l'entreprise en 2002. Mes responsabilités étaient larges : elles couvraient la gestion des financements et de la trésorerie de l'entreprise, la fiscalité, l'audit, le contrôle interne et la lutte contre la fraude. Elles m'ont donné une connaissance approfondie de l'entreprise et de son secteur, d'autant plus nécessaire que j'étais responsable des relations avec les agences de notation et appelée à participer aux relations avec les investisseurs financiers, portant donc l'image de l'entreprise sur les marchés. Les problématiques dont j'ai eu à connaître – concurrence, évolution de l'activité de l'entreprise dans un cadre concurrentiel, pilotage des réseaux de distribution, du développement de la vente et de services en ligne à l'époque balbutiants – ont constitué une expérience que je pense précieuse aujourd'hui.
En 2011, Mme Christine Lagarde, alors ministre de l'Économie et des finances, a proposé ma nomination à la tête de la Caisse centrale de réassurance – CCR –, en raison de mon double parcours dans l'administration et dans l'entreprise, et de ma connaissance de CCR, dont j'avais été administratrice en tant que sous-directrice des assurances. J'ai eu l'occasion, la semaine dernière, de remercier Mme Lagarde de m'avoir fait confiance en me proposant de diriger cette entreprise passionnante.
Pendant les presque quatre années où j'ai exercé mon mandat à la tête de CCR, je me suis attachée, avec le soutien des salariés de l'entreprise que je remercie chaleureusement, à remplir les objectifs qui m'ont été fixés par l'État actionnaire. L'entreprise a été recentrée sur ses missions d'intérêt général, en particulier la principale d'entre elles, qui est la gestion du régime des catastrophes naturelles pour le compte de l'État. La gestion de CCR a été modernisée et l'entreprise s'est ouverte sur des partenaires extérieurs pour améliorer la diffusion de l'information sur les risques en matière d'événements naturels et stimuler les politiques de prévention. La transformation accomplie pendant cette période me permet de dire qu'aujourd'hui, au-delà de sa solidité financière et de ses bons résultats, l'entreprise est reconnue comme un partenaire crédible et légitime au sein du secteur de l'assurance et de la réassurance, en France et à l'étranger. Elle a aussi noué des relations avec toutes les parties intéressées par la gestion et la prévention des risques en matière d'événements naturels, notamment les parlementaires et les élus locaux. Beaucoup reste à faire, mais je suis fière du parcours que j'ai accompli avec mes équipes pendant ces quatre années.
J'en viens à La Française des jeux – FDJ. Cette entreprise publique, que certains d'entre vous connaissent certainement mieux que moi, est constituée sous forme de société anonyme, dont les statuts sont approuvés par le ministre chargé du budget et le ministre de l'économie et des finances. L'État détient aujourd'hui 72 % de son capital ; 20 % sont détenus par les anciens émetteurs de billets de la Loterie nationale qui, créée en 1933, a été le terreau de l'entreprise, et 5 % par les salariés. La FDJ est le deuxième opérateur de loterie en Europe et le quatrième mondial. Avec un modèle de jeu extensif – beaucoup de joueurs misant de petites sommes – l'entreprise vise à proposer une offre de jeux de hasard et d'argent récréative et responsable au grand public – près de 27 millions de joueurs aujourd'hui, soit plus d'un Français sur deux en âge de jouer. En 2013, les jeux proposés ont généré plus de 12 milliards d'euros de mises ; près de 95 % sont redistribués, dont 23 % pour les finances publiques. Ce modèle garantit que les défis d'ordre et de sécurité publics liés à l'activité de l'entreprise peuvent être relevés.
Au-delà des chiffres, La Française des jeux, ce sont des femmes et des hommes à qui je veux rendre hommage pour le parcours remarquable accompli par cette magnifique entreprise au cours des dernières années. Le premier auquel je veux donner un coup de chapeau est M. Christophe Blanchard-Dignac, que je connais et que j'estime depuis longtemps et qui, en quatorze ans, a transformé et développé cette entreprise au bénéfice de tous, dans le respect des valeurs qui y sont attachées.
Je rappellerai brièvement le cadre de régulation dans lequel s'exerce l'activité de l'entreprise. Par décret du 9 novembre 1978, la FDJ exploite en monopole les jeux de loterie en point de vente et en ligne, et, depuis le 1er avril 1985, les paris sportifs en points de vente. Depuis la loi d'ouverture du marché des jeux en ligne du 12 mai 2010, son offre de paris sportifs sur Internet entre dans le cadre concurrentiel. L'entreprise est régulée par le ministre chargé du budget pour ses activités en monopole, soit 99,4 % de ses mises. Le ministre est conseillé pour ce faire par la Commission consultative des jeux et paris sous droits exclusifs, au sein de laquelle siègent deux parlementaires. Pour ses activités en concurrence, qui représentent 0,6 % des mises, l'entreprise est contrôlée par l'Autorité de régulation des jeux en ligne – ARJEL –, eu égard à ses responsabilités en matière de jeu responsable et de lutte contre la fraude et le blanchiment.
Par son histoire, son statut et sa culture d'entreprise, la FDJ est une entreprise très engagée au service de l'intérêt général. Sa politique de responsabilité sociétale est particulièrement développée ; elle est auditée chaque année, et la FDJ figure parmi les meilleures entreprises notées en la matière.
Au-delà de ses actions en faveur de la protection de l'ordre public et social, la FDJ se mobilise activement sur d'autres terrains : à travers sa fondation d'entreprise – dont le budget représente aujourd'hui près de 4 % de son résultat net, soit 18 millions d'euros sur cinq ans – pour soutenir le sport de haut niveau, la solidarité et le handicap. Premier partenaire du sport français, elle est un acteur engagé auprès de nombreuses fédérations sportives et auprès du Comité national olympique et sportif français, ainsi qu'avec son équipe cycliste, pour promouvoir et défendre les valeurs d'intégrité, de performance collective et de solidarité, contribuant ainsi au rayonnement du sport français. Héritière de l'Union des blessés de la face et de la tête – les Gueules cassées – et des associations d'anciens combattants, la FDJ est naturellement très active en matière de handicap et a une politique complète en ce domaine. Sa politique de ressources humaines se caractérise par un fort engagement en faveur de la diversité, du bien-être au travail et du développement des compétences. Ce profil d'entreprise atypique, fondé sur des valeurs très fortes que je partage, est une force pour contribuer, à l'échelle nationale et à l'échelle locale, à la prospérité économique et sociale de la France.
Je vous dirai en quelques mots ma vision de l'entreprise et des défis auxquelles elle doit faire face. Sa mission est claire : elle doit organiser, dans un circuit sûr et contrôlé, la demande de jeu du grand public et en prévenir les excès et les dérives pour faire respecter l'ordre public et l'ordre social.
Héritière, comme ses homologues dans le monde, d'une tradition multiséculaire, la FDJ fonde le développement de son activité sur un modèle responsable et durable. M. Blanchard-Dignac l'a engagée depuis 2006 dans une politique de jeu responsable, dont le très haut niveau d'exigence est connu. Cette politique a été construite avec des parties prenantes expertes de la société civile, et elle est partagée avec le réseau de distribution de l'entreprise. Mon intention, si vous m'accordez votre confiance, est de poursuivre cette dynamique.
La Française des jeux est aussi particulièrement impliquée dans la lutte contre la fraude, le blanchiment et la corruption sportive.
Le pilotage financier et opérationnel de l'entreprise suppose également un haut niveau d'exigence : il doit garantir le même niveau de contribution aux finances publiques dans le modèle de jeu responsable qui est celui de la FDJ, et maintenir une structure financière solide et saine dans une trajectoire maîtrisée des mises. Pour que ce modèle efficace soit pérenne, l'entreprise doit continuer d'investir pour moderniser son réseau de distribution et rendre toujours plus performants son système informatique et ses plateformes technologiques, dont la valeur est reconnue à l'international.
Je tiens à souligner l'importance de nos réseaux de distribution actuels, buralistes au premier chef et distributeurs de presse, dont je connais les difficultés économiques. Je compte les rencontrer dès ma prise de fonction, à l'issue de cette audition, si vous m'en jugez capable.
La Française des jeux a ainsi largement démontré, ces dernières années, sa capacité à concilier contribution économique et contribution sociétale, chacune des parties prenantes y trouvant son intérêt. Ces engagements sont pérennes ; ils participent de la stratégie de l'entreprise, et je compte poursuivre dans cette voie.
Quelques mots enfin sur les grands chantiers de demain. Certains ont déjà été lancés par M. Blanchard-Dignac, en particulier la réforme de la distribution, enjeu majeur. Il s'agit de développer le maillage des points de vente, dans le respect du réseau actuel, partenaire historique de l'entreprise, et en ayant en tête le rôle clé de ce réseau en termes de services de proximité dans nos territoires.
Le chantier de la digitalisation n'est pas moins important. Il s'agit de combiner la force du réseau physique actuel avec une politique d'innovation correspondant aux attentes de nos clients d'aujourd'hui et de demain, dans le respect des valeurs de l'entreprise.
À l'international, sujet plus débattu, la FDJ dispose d'atouts significatifs : son modèle de jeu, référence au niveau mondial ; ses savoir-faire, notamment technologiques ; la solidité de sa structure financière. La digitalisation de l'activité peut offrir de nouvelles opportunités qu'il conviendra d'étudier dans le cadre communautaire.
Au-delà de ces chantiers, ma priorité sera, si je suis nommée à la tête de l'entreprise, de continuer à construire, avec mes futurs collaborateurs et mes partenaires, une vision partagée de sa stratégie dans un secteur qui évolue très vite. Comprenez qu'il m'apparaisse nécessaire d'être au coeur de l'entreprise, de dialoguer avec l'ensemble de ses collaborateurs et de ses partenaires et d'aller sur le terrain avant de m'engager sur une stratégie.
Je ne doute pas, cependant, que vous m'interrogerez sur l'ouverture du capital de la FDJ, largement évoquée par la presse. Ce ne peut être qu'une décision de l'actionnaire ; j'attendrai donc que l'État fixe mes objectifs sur ce point, ce que, à ma connaissance, il n'a pas fait à l'heure où je vous parle. Si le choix était d'étudier cette perspective, cela devrait s'inscrire dans le cadre de la stratégie de l'entreprise et des chantiers que je viens de décrire, comme un éventuel levier de mise en oeuvre de cette stratégie et en tenant compte des spécificités de la FDJ liées à ses missions d'intérêt général.
Je donne d'abord la parole à Jean-François Lamour, membre du Comité consultatif des jeux, qui fut le rapporteur de la loi du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.
Si j'en fus le rapporteur, Éric Woerth fut l'initiateur de ce texte qui suscita des débats très animés ; je me souviens de plusieurs séances de nuit au cours desquelles nous avons, ensemble, insisté sur le fait que, outre l'ouverture du marché, c'est sa régulation qui nous importait. Cette ouverture à la concurrence particulièrement maîtrisée a suscité, à l'époque, de très vives critiques, en particulier de l'actuelle majorité ; elles se sont si bien tues que le Comité consultatif des jeux ne se réunit plus, ce qui montre qu'il n'y a plus vraiment de problème. Je regrette d'ailleurs que le Conseil ne se réunisse plus, car nous y débattions de questions graves telles que la préservation de l'éthique du jeu et de la protection des joueurs ainsi que de la loyauté des compétitions sportives au regard des paris sportifs, question qui appelle une vigilance constante. La FDJ a ainsi eu à connaître d'une affaire dans laquelle des sportifs d'une certaine discipline auraient participé à des paris relatifs à une compétition à laquelle ils étaient partie, ce que la charte éthique leur interdit, ainsi qu'à leurs proches. Cette loi de régulation était un texte fondateur et je rends hommage à Éric Woerth d'avoir proposé, au nom du gouvernement de l'époque, un texte particulièrement équilibré.
Trois secteurs des paris en ligne ont été ouverts à la concurrence. Si les paris hippiques et les paris sportifs se maintiennent, le poker en ligne s'est effondré, alors que l'on en avait fait l'étendard de l'ouverture et de la régulation. Quelle analyse faites-vous de cette situation, madame, et quels objectifs vous fixez-vous à ce sujet ?
D'autre part, quelle coopération envisagez-vous avec la FIFA, à la veille du championnat d'Europe de football masculin 2016, pour que les paris assis sur cet événement sportif majeur se déroulent au mieux ?
J'appelle votre attention, chers collègues, sur le fait que certains d'entre vous connaissent mieux ces sujets que Mme Stéphane Pallez ne les connaît pour l'instant. Nous l'excuserons donc si elle décline d'entrer dans les détails techniques qui ont retenu l'attention d'Aurélie Filipetti et de Jean-François Lamour, co-auteurs du rapport d'information déposé au nom de notre Commission, le 25 mai 2011, sur l'application de la loi du 12 mai 2010.
Ce premier bilan nous a conduits à formuler des propositions d'ordre éthique. Elles ont été reprises par l'ARJEL, qui a défini un remarquable dispositif de sécurité.
Quel rôle assignez-vous, madame, à la FDJ dans le développement des jeux en ligne, alors que le réseau physique de distribution, très majoritairement composé de buralistes, est en difficulté ? Élément-clef du maillage territorial, ce réseau joue un rôle essentiel, et des discussions sont en cours avec la FDJ sur le taux de la commission servie. Pour nous, face à une concurrence sauvage, la question était d'encadrer légalement les jeux en ligne par une régulation. Quelle est votre opinion sur l'ARJEL ? Enfin, considérez-vous qu'un travail commun possible avec le Pari mutuel urbain – PMU –, dont le nouveau président vient aussi d'être nommé ?
Jugez-vous que la FDJ, qui a considérablement accru ses savoir-faire, peut se développer à l'international ? Pensez-vous parvenir à un équilibre entre le réseau de distribution physique – dont le maintien est très important pour notre territoire – et le développement des jeux en ligne ?
Si vous êtes nommée à la présidence de la FDJ, l'entreprise continuera-t-elle de parrainer une équipe cycliste ?
La FDJ a-t-elle vocation à s'installer, au-delà du territoire national, dans l'espace francophone, comme le préconisent certains rapports ? Tablez-vous sur la croissance externe ?
Quelle place concevez-vous pour la FDJ dans un marché français des jeux en baisse en France ? La FDJ pourra-t-elle se maintenir dans un cadre essentiellement national ? Quelle politique comptez-vous suivre pour lutter contre l'utilisation des jeux comme canal de blanchiment de l'argent sale ?
Mes remerciements vont à M. Christophe Blanchard-Dignac, remarquable serviteur de l'État qui, pendant les quatorze années passées à la tête de la FDJ, a en particulier fortement soutenu le sport. Outre que le budget du Centre national pour le développement du sport – CNDS –, opérateur de l'État, est alimenté à hauteur de 85 % par des ressources issues de la FDJ, l'entreprise a noué de multiples partenariats. 12 millions d'euros vont à l'équipe professionnelle cycliste La Française des jeux et des accords ont été conclus avec les équipes de France de hand-ball et de basket-ball. D'autres partenariats ont été noués dans le cadre de la Fondation de La Française des jeux. À cela s'ajoute le retour vers les fédérations du droit au pari sportif sur le volet intégré. Mettrez-vous vos pas dans ceux de votre prédécesseur pour préserver ce très fort engagement envers le monde sportif ?
Le jeu Rapido, accusé de provoquer l'addiction, a été abandonné par la FDJ ; une réflexion sera-t-elle menée pour éviter la commercialisation de jeux du même type à l'avenir ? D'autre part, j'ai été rapporteur de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, qui a en particulier élargi le champ de l'article L. 322-2 du code de la sécurité intérieure ; quelles sont, selon vous, les conséquences de cette modification pour les ouvertures de tables de poker en ligne ?
Je me félicite que vous ayez manifesté l'intention de rencontrer au plus tôt buralistes et distributeurs de presse ; il est très important que ces circuits de distribution, qui connaissent bien des difficultés, se maintiennent. D'autre part, avez-vous déjà une idée des moyens dont vous userez pour renforcer la lutte contre la fraude et le blanchiment ?
Ainsi que le président de votre Commission a eu l'obligeance de le rappeler, je n'exerce pas de responsabilité à La Française des jeux ; je ne pourrai donc vous donner qu'une première vision.
La première question de M. Lamour porte sur le poker en ligne. On anticipait, au moment de l'ouverture à la concurrence, un marché en très forte croissance, si bien que plusieurs opérateurs se sont lancés dans de coûteux investissements. La déception a été à la hauteur des attentes, les surinvestissements couplés à l'absence de demande ont conduit à la consolidation du secteur, et ce marché ne connaît toujours pas le développement initialement imaginé. La FDJ s'était lancée dans la compétition ; l'offre qu'elle a proposée n'ayant pas été un succès, elle a décidé d'un repli, si bien qu'aujourd'hui l'entreprise n'est pas impliquée sur ce marché, toujours moins développé qu'il avait été anticipé. Il ne s'agit pas d'un enjeu majeur pour l'entreprise. C'est l'un des éléments que je me propose d'évaluer mais, au contraire du réseau de distribution, cela ne me paraît pas être la première des priorités auxquelles je devrai me consacrer.
En matière de paris sportifs, l'année 2016 sera effectivement essentielle. La préparation se fait sur deux plans : stratégie commerciale d'une part, prévention de pratiques critiquables d'autre part. Le pari sportif suppose en effet le contrôle du niveau des mises, singulièrement en espèces, avec une rigueur particulière pour éviter toute dérive. Ce volet fera partie de mes priorités. Nous aurons défini, d'ici l'ouverture de l'Euro 2016, les moyens de profiter de cette opportunité commerciale essentielle pour l'entreprise en nous gardant des excès malheureusement parfois constatés.
M. Woerth s'est inquiété de l'articulation entre le développement des jeux en ligne et le maintien du réseau physique de distribution. Les 33 000 points de vente du réseau physique sont essentiels à la FDJ puisque son activité principale repose sur eux. Hier, à l'occasion de l'assemblée générale des actionnaires de la FDJ qui m'a nommée administratrice, j'ai rencontré pour la première fois M. Pascal Montredon, président de la Confédération des buralistes, et je lui ai dit que la première chose que je ferai après avoir pris mes fonctions, si le Parlement m'accordait sa confiance, serait de venir le voir. Ce maillage territorial, qui importe au premier chef à l'entreprise, s'atrophie en raison de difficultés économiques qui ne sont pas du fait de la FDJ. Cela étant, les clients de la FDJ sont pour beaucoup déjà équipés d'ordinateurs et ils ont de plus en plus l'habitude de consommer en ligne ; ils le seront encore davantage demain. Il convient donc, tout en préservant le réseau physique, de développer les pratiques « de bout en bout ». Sans opposer deux modes de consommation qui doivent être entendus comme complémentaires, il faudra définir des pratiques simplifiées dans le réseau physique. Aujourd'hui, 3 % seulement de l'activité de la FDJ se fait en ligne ; à la demande des clients, cette proportion est appelée à augmenter, mais les pratiques peuvent évoluer sans que cela porte atteinte au réseau de distribution physique, colonne vertébrale de la politique commerciale de l'entreprise.
Vous conviendrez certainement, monsieur Woerth, que je sortirais de mon rôle en portant un jugement sur l'ARJEL, autorité administrative indépendante. Je puis toutefois vous dire toute l'estime que je porte à son président, que j'ai côtoyé au cours de ma carrière administrative. Je sais que l'ARJEL relève le difficile défi que lui assigne la loi.
Le PMU est une entreprise avec laquelle la FDJ entretient des relations qui ne sont pas que de concurrence, certains de leurs points de vente étant communs. Son nouveau président, M. Xavier Hurstel, m'a déjà proposé de le rencontrer pour que nous étudiions ensemble, si vous me nommez à la présidence de la FDJ, l'éventualité de projets communs ; je me félicite de cette initiative.
L'internationalisation de la FDJ, objet de plusieurs questions de MM. Chartier, Terrasse et de Courson, existe déjà puisqu'elle a constitué un réseau de coopération avec ses homologues européennes par le biais d'un jeu commun – Euro Millions – et par la vente de systèmes techniques. Son excellence technologique donne à la FDJ une visibilité internationale qui n'a pas de traduction capitalistique. Faut-il aller au-delà ? La question est délicate : la FDJ détenant un monopole en France, dans quelle mesure et à quelles conditions pourrait-elle entrer en concurrence hors du territoire national ?
Permettez-moi une précision : je ne pensais pas au rachat de loteries étrangères mais à la possibilité pour la FDJ de devenir opérateur dans des pays qui n'ont pas l'expertise des jeux, en ligne ou physiques.
C'est le sens de mon propos : la FDJ peut déjà offrir des services de back office de qualité. Cet axe de développement naturel, fonction de la demande sur le marché européen, ne pose pas le problème de compatibilité avec la législation communautaire que poserait un développement international capitalistique. La digitalisation peut être un facteur de développement de l'offre technique de la FDJ, si elle est performante et reconnue comme telle. L'entreprise ne s'est pas développée en ligne aussi vite que son président le pensait en 2009 ; il faudra être plus volontariste sur ce point.
Le parrainage sportif, et notamment celui de l'équipe cycliste La Française des jeux, participe des valeurs de l'entreprise, monsieur Rodet. C'est manifestement l'un des facteurs qui donnent à la FDJ une image très populaire, très forte et très positive. Lors du dernier Tour de France, le niveau de performance de cette équipe cycliste a été très bon, et sa notoriété est excellente. Je n'ai pas l'intention de revenir sur une politique qui n'a que des avantages, qui correspond à la stratégie de l'entreprise et qui recoupe mes propres valeurs. J'examinerai ces questions en temps voulu, mais ce n'est pas un sujet d'inquiétude.
Tous les jeux ne sont pas en baisse, monsieur de Courson : le chiffre d'affaires des jeux de grattage a progressé, tout comme les mises, au point que les prévisions de croissance du chiffre d'affaires de la FDJ seront dépassées. C'est dire que l'entreprise a su s'adapter à un marché en forte évolution. Elle devra continuer de le faire en s'adaptant à sa clientèle, aux types de jeux demandés et aux vecteurs de consommation, en proposant des ventes en ligne plus attrayantes. Je n'ai pas le sentiment que le marché soit en baisse, mais il est nécessaire de proposer aux clients une offre continûment attractive.
La lutte contre le blanchiment est un sujet que je connais bien pour avoir participé à la négociation et à la discussion de certains textes à ce propos. Une vigilance extrême s'impose en permanence, sans jamais baisser la garde car les jeux sont l'un des vecteurs du blanchiment et nous trouvons face à nous des individus à l'affût de toute faiblesse. La FDJ mène à ce sujet une politique très rigoureuse d'identification des clients et de limitation du montant des mises en espèces. Je ne remettrai pas en cause cette politique, plus rigoureuse que celle de la majorité des opérateurs de ce marché. Il faudra définir comment préserver cet objectif lors du développement des jeux en ligne.
Oui, monsieur Juanico, je m'inscrirai dans les pas de mon prédécesseur pour ce qui est des engagements de la FDJ dans le sport. Le fait que le mode de financement du CNDS soit fixé par le Parlement vous donne une sécurité supplémentaire.
Le jeu Rapido était un gros succès commercial, monsieur Hammadi, mais il s'est révélé addictif. C'est à l'honneur de la FDJ d'avoir cessé de le commercialiser – il est rare qu'une entreprise réduise volontairement son chiffre d'affaires, et il est remarquable que cela ait été fait. Ce jeu a été remplacé par un autre, Amigo, compatible avec les exigences en matière d'addiction. La régulation impose que tout nouveau jeu soit analysé avant sa commercialisation pour définir les risques d'addiction qu'il peut induire, puis qu'il soit évalué à cette aune une fois mis sur le marché.
J'avoue ne pouvoir encore me prononcer sur les conséquences de la loi relative à la consommation pour le poker en ligne ; je vous propose de reporter ma réponse à ma prochaine audition...
J'ai dit, madame Louwagie, l'importance fondamentale que j'accorde au maillage territorial du réseau de distribution physique et mon intention de dialoguer avec ses représentants. Par son action, et dans son propre intérêt puisqu'il se contracte, la FDJ soutient ce réseau. Cela ne signifie pas que l'on ne puisse songer à d'autres points de vente, complémentaires.
La lutte contre les dérives liées au jeu suppose, comme la lutte contre le blanchiment, une vigilance permanente. J'ai eu connaissance d'une émission de télévision qui traitait d'un cas particulier, et je sais que la FDJ a retiré l'agrément à un détaillant qui ne respectait pas la réglementation relative à l'interdiction du jeu à crédit. Des relations très étroites s'imposent entre la FDJ et le réseau de distribution pour s'assurer, dans l'intérêt de tous, de l'application de la réglementation.
Je vous remercie. J'invite les membres de la Commission à rester dans la salle pendant que je raccompagne Mme Pallez, afin que nous puissions procéder au vote.
Délibérant à huis clos, la Commission se prononce par un vote au scrutin secret, dans les conditions prévues à l'article 29-1 du Règlement, sur la nomination envisagée de Mme Stéphane Pallez aux fonctions de président-directeur général de La Française des jeux.
La Commission procède au dépouillement du scrutin, simultanément au dépouillement du scrutin sur cette nomination opéré par la commission des Finances du Sénat.
Les résultats du scrutin auquel il a été procédé sont les suivants :
Nombre de votants : 23
Bulletins blancs ou nuls : 1
Suffrages exprimés : 22
Avis favorables : 20
Avis défavorables : 2
La Commission a émis un avis favorable à la nomination de Mme Stéphane Pallez aux fonctions de président-directeur général de La Française des jeux.
Membres présents ou excusés
Commission des Finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 22 octobre 2014 à 9 h 30
Présents. - M. François André, M. Guillaume Bachelay, M. Laurent Baumel, M. Jean-Marie Beffara, Mme Karine Berger, M. Étienne Blanc, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. Gaby Charroux, M. Jérôme Chartier, M. Pascal Cherki, M. Romain Colas, M. Charles de Courson, M. Jean-Louis Dumont, M. Olivier Faure, Mme Aurélie Filippetti, M. Marc Francina, M. Yann Galut, M. Guillaume Garot, M. Claude Goasguen, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, M. Razzy Hammadi, M. Régis Juanico, M. Jérôme Lambert, M. Jean-François Lamour, M. Jean Launay, M. Dominique Lefebvre, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-François Mancel, M. Hervé Mariton, M. Pierre-Alain Muet, M. Patrick Ollier, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, M. Alain Rodet, M. Pascal Terrasse, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth
Excusés. - M. Dominique Baert, M. Alain Claeys, M. Olivier Dassault, M. Jean-Claude Fruteau, Mme Arlette Grosskost, M. Yves Jégo, M. Patrick Lebreton, M. Marc Le Fur, M. Victorin Lurel, M. Pierre Moscovici, Mme Valérie Pécresse, M. Thierry Robert, M. Camille de Rocca Serra, M. Michel Vergnier
Assistait également à la réunion. - M. Christophe Léonard