Commission des affaires étrangères

Réunion du 28 octobre 2015 à 16h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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Audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense.

La séance est ouverte à seize heures quinze.

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Nous vous remercions, monsieur le ministre, d'être parmi nous cet après-midi. Nous souhaiterions que vous nous fassiez le point sur les engagements extérieurs de nos forces et sur l'efficacité du dispositif Sentinelle. Comment évolue le rapport de force en Irak et en Syrie ? L'armée irakienne a avancé, notamment à Baïji, mais la situation reste instable. Nous nous interrogeons sur l'apport respectif de la coalition internationale et des milices chiites dans ces derniers développements. Seul un tiers des missions de la coalition conduites en Irak aboutiraient à des frappes : est-ce bien le cas ? Pouvez-vous nous confirmer que les Russes ont décidé d'intervenir en Syrie car Damas était sur le point de tomber ? Est-ce exact que 80 % des frappes russes ne visent pas Daech ? Avons-nous obtenu des assurances de la part des Russes pour que leurs opérations n'atteignent pas l'Armée syrienne libre (ASL) ? Quelle est votre appréciation de l'engagement russe, notamment par rapport à celui de la coalition ? Est-il susceptible de changer l'issue de la guerre ? Selon la presse, la coalition contre Daech aurait marqué une pause dans ses frappes en Syrie depuis quelques jours, alors que les sorties russes se poursuivaient : ces informations sont-elles vraies ? Si elles le sont, comment devons-nous les interpréter ? Le 8 octobre dernier, une mission de la France a frappé un centre d'entraînement de combattants étrangers dans le sanctuaire syrien de Daech, près de Raqqa.

Pourriez-vous nous dresser un état des lieux de l'opération Barkhane ? Quel est son bilan ? Comment évolue la menace terroriste en Afrique subsaharienne ? Au Mali, la situation s'est améliorée, et les affrontements entre la plateforme pro-gouvernementale et la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA) se sont apaisés ; en outre, la mise en oeuvre de l'accord pour la paix et la réconciliation semble progresser. Quelle est votre appréciation de la situation actuelle et de la suite ? Depuis quelques mois, l'emprise de Boko Haram sur le terrain s'est réduite, essentiellement grâce au mécanisme de coordination mis en place pour que les Africains prennent le plus possible en charge leur sécurité. Les 9 et 10 novembre 2015, vous allez à nouveau réunir le Forum sur la paix et la sécurité avec vos homologues à Dakar : pouvons-nous espérer que les Africains acceptent d'assumer davantage de responsabilités ?

Monsieur le ministre, vous m'avez demandé de vous représenter dans un groupe de travail de haut niveau portant sur les programmes de recherche liés à la politique de défense européenne. Le conseil européen de décembre 2013 a lancé ce que le jargon bruxellois nomme une action préparatoire ; pour la première fois, la Commission européenne pourrait financer sur son propre budget des programmes de recherche destinés à la défense. Cette orientation me semble heureuse, car nous devons anticiper les évolutions technologiques pour préserver l'autonomie stratégique de nos industries de défense. Cela requiert la mobilisation d'une enveloppe importante – d'un montant de l'ordre de 100 millions d'euros –, qui pourrait financer deux ou trois grands programmes de recherche d'avenir en lien avec le remplacement des plateformes de combat au-delà de 2030. On se situe évidemment très en amont des développements industriels, à l'image du programme européen de drone de combat Neuron. Afin de compenser le déficit chronique d'investissements européens dans les technologies d'avenir, les industriels doivent utiliser efficacement ce nouvel outil de financement, sans altérer les investissements nationaux existants. Votre sentiment sur ce sujet nous serait précieux, monsieur le ministre.

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Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

La France a reçu en visite d'État le président malien Ibrahim Boubacar Keïta la semaine dernière ; les deux chefs d'État ont échangé sur l'évolution de la situation au Mali depuis le début de notre intervention en janvier 2013. Ce pays retrouve aujourd'hui la stabilité politique ; ainsi, le Premier ministre, M. Modibo Keïta, est une figure respectée de tous, les élections se sont déroulées normalement, et l'apaisement sécuritaire et social gagne du terrain. Nous espérons que la reprise économique se poursuivra.

Dans cette partie de la zone sahélo-sahélienne, les accords d'Alger ont généré un processus de stabilisation entre les groupes armés signataires que sont le Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA) d'El Hadj Ag Gamou et une partie du Mouvement arabe de l'Azawad (MAA) – qui appartiennent à la plateforme et qui sont favorables à Bamako, ce qui exclut bien entendu les groupes terroristes – et ceux qui soutiennent la CMA comme le Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA), le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) et l'autre partie du MAA. Les accords d'Alger, ratifiés à Bamako, ont fixé des orientations : décentralisation institutionnelle forte, équilibre du développement économique en aidant le Nord du pays et cessez-le-feu. À ce dernier sont associés le concept du désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) et la réforme du secteur de la sécurité (RSS). Ces accords, signés en juin dernier, s'appliquent parfois avec difficulté, mais ils produisent une stabilisation sécuritaire globale, puisque les organisations terroristes armées ne peuvent plus profiter des divisions et des tensions qui régnaient entre les groupes signataires.

Le Front de libération du Macina est apparu à la frontière du Burkina Faso ; constitué de trafiquants divers qui se retrouvent autour d'une référence ethnique et idéologique, ce groupe mène contre les forces maliennes des embuscades qui nous obligent à intervenir, même si je n'accorde pas pour l'instant une grande importance à cette nouvelle entité.

Nous resterons présents dans la durée au Mali, car, malgré les résultats qu'elles ont déjà engrangés, nos actions de contre-terrorisme doivent être poursuivies pour annihiler la résurgence de certains groupes. Nous sommes basés dans des postes avancés, à Madama, Faya Largeau, un peu Abéché et Tessalit au Mali, l'état-major étant situé à N'Djamena. Nous avons également des forces importantes à Gao et à Niamey. L'opération Barkhane rassemble de 3 500 à 3 900 hommes selon les périodes, et nous sommes très satisfaits de l'action de ces forces. C'est la première fois que nous lançons une telle opération généralisée, dans un espace très vaste presque aussi étendu que l'Europe, et nous obtenons des résultats sur ce que j'appelle la route des trafics. Nous parvenons à surprendre nos adversaires et à maintenir un rythme d'actions soutenu. Dans le Nord du Mali, une opération majeure, Vignemale, se déroule en ce moment pour empêcher la circulation des terroristes sur l'autoroute où se déroulent les trafics. Pour l'instant, cette opération se déploie dans de bonnes conditions, mesdames et messieurs les députés.

Tant que la situation globale, y compris en Libye, ne sera pas assainie, nous devrons rester sur place pour maintenir notre capacité de contre-terrorisme. Nous n'avons, en revanche, pas besoin de davantage de forces, car le format actuel se révèle très performant.

Nous poursuivons la réforme de l'armée malienne en renouvelant la mission d'entraînement de l'Union européenne (UE), EUTM Mali, qui a déjà permis la formation de six bataillons, l'instruction d'un septième étant en cours. Ils sont accompagnés au-delà du centre de formation de Koulikoro, dans lequel les militaires français représentent environ 10 % des formateurs. Je souhaite que le processus du DDR, prévu par les accords d'Alger, puisse être utilisé par l'EUTM, afin que les groupes armés signataires constituent une armée malienne plus large, plus intégrée et plus inclusive. La volonté de la France rejoint ici celle du président malien, et nous évoquerons cette question lors de la prochaine réunion des ministres de la défense de l'UE le 17 novembre 2015. Je pense obtenir satisfaction sur ce point.

Dans le domaine militaire, il y a lieu de renforcer l'état-major de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), qui a besoin d'être plus fortement structuré. J'en ai parlé avec le secrétaire-adjoint des Nations unies aux opérations de maintien de la paix, M. Hervé Ladsous, et nous pourrons compter sur l'arrivée d'officiers européens – belges et français, notamment – et canadiens. Les effectifs de la MINUSMA comprennent des soldats néerlandais, qui déploient leurs forces spéciales à Gao, suédois et allemands. Ces derniers nous ont fait savoir qu'ils envisageaient de renforcer leur présence.

En République centrafricaine (RCA), la situation est à peu près stabilisée, la MINUSCA, créée en septembre 2014, ayant enfin atteint sa pleine capacité opérationnelle le 28 avril dernier. Actuellement, 10 500 soldats et policiers sont déployés dans le cadre de cette mission dans ce pays. Néanmoins, la situation sécuritaire reste tendue, des violences entre miliciens armés ayant éclaté à plusieurs reprises à Bangui à la fin du mois de septembre. Le 10 octobre dernier, des affrontements se sont produits à Sibut, ville stratégique pour l'approche de Bangui où je me suis rendu à la fin du mois de juillet et où s'affrontent les anciens de la Séléka, menés par M. Noureddine Adam, et les milices anti-balaka. Face à la dégradation de la situation, nous avons pu compter sur une bonne articulation entre la MINUSCA et la force Sangaris, qui a dû intervenir de manière musclée avec nos hélicoptères Tigre pour éviter une pénétration de groupes liés à M. Noureddine Adam à Bangui. La récente radicalisation est liée à l'approche des élections ; 90 % des Centrafricains sont aujourd'hui recensés pour la constitution des listes électorales, ce taux s'avérant impressionnant par rapport à ce qu'il était il n'y a encore pas si longtemps. Nous nous inquiétions de la capacité des autorités centrafricaines à mettre en oeuvre à temps un processus électoral, qui nécessite un état civil et la distribution de cartes d'électeur. Tout laisse à penser que les élections auront bien lieu ; on a reporté de mois en mois la fin de la transition, mais, bien que certains acteurs préfèrent le chaos aux élections, on semble arriver au terme de cette politique dilatoire. M. Noureddine Adam et son parti, mais également les proches de l'ancien président François Bozizé autour des anti-balaka, souhaitent le désordre, l'affrontement de ces deux logiques se cristallisant dans la zone de Sibut. Devant la dégradation de la situation, nous avons temporairement mis un terme à la réduction de nos effectifs ; la MINUSCA étant efficace et bien structurée, nous avions décidé de ne conserver que 600 puis 400 des 2 500 hommes engagés au début de l'opération, mais nous avons finalement choisi de maintenir 900 militaires, postés autour de l'aéroport de M'Poko près de Bangui et à Sibut, jusqu'à la tenue des élections présidentielle et législatives. Grâce à l'action de la MINUSCA, l'axe de passage principal entre Bangui et le Cameroun se trouve sécurisé.

Le pape se rendra le 29 novembre en RCA, événement dont on ne mesure pas encore les conséquences ; nous contribuerons à la sécurité de ce déplacement, en dépit des risques sur lesquels nous avons attiré l'attention. Plusieurs dignitaires religieux lanceront autour du pape François un appel pour la paix et la démocratie avant les élections.

Il importe de former les forces armées centrafricaines (FACA), qui n'existent aujourd'hui que sur le papier ; en effet, leurs hommes peuvent pointer dans une caserne le matin et participer aux activités militaires d'un autre groupe plus tard dans la journée. Il faut reconstruire l'armée centrafricaine. Nous faisons face au même défi qu'au Mali il y a un an et demi, et l'Europe est prête à participer à cette tâche. L'UE a déjà contribué à la mission EUFOR qui accompagnait la présence des Nations unies et qui a été remplacée par la mission de conseil militaire EUMAM pour la création de la nouvelle armée centrafricaine. J'espère obtenir un accord le 17 novembre prochain pour lancer la mission de l'UE de formation EUTM en Centrafrique. Le format sera plus restreint qu'au Mali, puisque la population centrafricaine est bien moins nombreuse.

Les groupes terroristes placés dans l'orbite de Boko Haram et de son leader M. Abubakar Shekau constituent toujours une menace pour la stabilité de la région s'étendant du Nigeria au Cameroun et du Niger au Tchad. Néanmoins, la situation s'est améliorée, notamment parce que les pays riverains se parlent enfin et coordonnent leur action. À la suite de la réunion convoquée par le président de la République le 17 mai dernier à Paris, ces quatre pays ont pris en compte l'ampleur de la menace et ont décidé de participer à une force multinationale mixte (FMM), dont le quartier général monte en puissance, car, situé à N'Djamena, il bénéficie de l'aide de l'état-major de Barkhane. Le PC tactique de la FMM se trouve quant à lui à Maïduguri. Le changement de président au Nigeria a eu une influence positive, et le nouvel élu, M. Muhammadu Buhari, que j'ai rencontré à Paris, se montre ferme à l'égard de ses propres forces armées. Nous mettons en place le dispositif militaire qui permettra d'empêcher Boko Haram de progresser. Ce groupe a changé de pratiques et effectue maintenant de nombreuses actions « coup de poing ». Il importe que les forces nigérianes montent en puissance et que le développement de la coordination entre les différents acteurs se poursuive. Nos renseignements, notre logistique et notre présence médicale soutiennent les actions de la FMM ; les Britanniques ont annoncé le renforcement de leur dispositif avec l'intégration de quelques éléments de forces spéciales à Maïduguri ; enfin, les Américains vont déployer des drones dans le Nord du Cameroun. Une cellule, située à N'Djamena, coordonne les opérations de nos forces et celles des Britanniques, des Américains et des pays de la zone. L'ensemble de ces moyens devrait nous permettre de riposter efficacement aux exactions de cet homme sanguinaire et de son groupe très dangereux. Le recul de Boko Haram nous place, malgré la persistance de tensions fortes, dans une position plutôt favorable.

Un forum portant sur la prise en compte par les Africains eux-mêmes de leur propre sécurité se tiendra, à mon initiative, les 9 et 10 novembre prochains à Dakar. La situation actuelle autour du lac Tchad illustre l'importance de cette question. Les présidents Idriss Déby, Denis Sassou-Nguesso et Ali Bongo sont dans une situation délicate, et le président nigérien se prépare à affronter des échéances électorales ; tout cela requiert une vigilance permanente, mais nous aurons l'occasion de dresser un état des lieux au forum de Dakar.

Au Moyen-Orient, Daech occupe la moitié de la Syrie et de l'Irak. Ayant mis en place ce qui ressemble à un État, il repose sur une armée terroriste constituée de quatre éléments : des anciens officiers du Baas sous Saddam Hussein qui ont passé des années en prison après l'intervention américaine et qui ne se sont pas retrouvés dans le pays gouverné par M. Nouri al-Maliki ; des tribus sunnites ralliées d'Irak ou de Syrie ; des combattants étrangers ; enfin, des idéologues et des fondamentalistes qui structurent la pensée de l'organisation. Daech collecte des impôts et son armée compte entre 30 000 et 40 000 combattants.

Daech peut compter jusqu'à 1015 000 combattants étrangers, effectif important dans lequel se côtoient de nombreuses nationalités, dont 500 Français, des Belges, 150 Australiens, des Tchétchènes, des Tunisiens, des Saoudiens, des Malaisiens. Mes homologues sont inquiets de voir des concitoyens rejoindre cette armée. Le responsable des opérations de Daech, M. Omar al-Chichani, Tchétchène de nationalité géorgienne, est expérimenté et se trouve à la tête d'une force très structurée. Cette armée terroriste forme également des hommes pour perpétrer des attentats dans les pays occidentaux ou arabes ; cela a conduit le président de la République à ordonner de frapper, en particulier, des lieux où s'entraînaient ces combattants.

Dans le cadre de la coalition, nous effectuons des frappes régulières en Irak qui ont permis une stabilisation de la ligne de front entre Daech d'une part, les Kurdes au Nord et les forces irakiennes dans le Sud du pays, d'autre part. Les frappes visent à accompagner l'action militaire conduite au sol notamment par les services du contre-terrorisme irakien, l'ICTS, et les peshmergas ; nos deux contingents de 100 hommes à Erbil et à Bagdad assurent d'ailleurs la formation de ces deux forces. Depuis quelques jours, Daech recule en Irak, notamment à Baïji.

En Syrie, l'arrivée des Russes n'a pas clarifié la situation, car environ 80 % de leurs frappes au moins touchent l'ASL, Jabhat al-Nosra ou les groupes hors Daech qui attaquent M. Bachar el-Assad. La Russie a décidé d'intervenir car M. Bachar el-Assad se trouvait en grande difficulté ; d'ailleurs, à Alep, l'ASL et les forces associées parviennent à résister à l'offensive des troupes loyalistes. Les Russes se sont engagés pour préserver leurs propres intérêts, notamment au port de Tartous, et pour aider M. Bachar el-Assad.

Dans la confusion actuelle, la solution politique s'avère indispensable, car l'action militaire ne stabilisera pas la zone. M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, a pris hier l'initiative de réunir nos partenaires avant la réunion qui se tiendra à Vienne vendredi. Nous pouvons espérer que le processus politique commence à se clarifier. Le Parlement sera bientôt saisi, puisque comme le début de l'intervention en Syrie datera bientôt de quatre mois, le Gouvernement devra demander au Parlement, aux termes de l'article 35 de la Constitution, l'autorisation de prolonger les opérations.

Bien que l'on en parle moins en ce moment, la situation en Libye me paraît tout aussi préoccupante que celle en Syrie. Le représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies pour la Libye, M. Bernardino León, a lancé une initiative pour trouver un compromis entre Tobrouk et Tripoli, mais le consensus n'est pas encore mûr et, pendant ce temps-là, Daech prospère. Il contrôle aujourd'hui 250 kilomètres de bande côtière avec des métastases qui se diffusent et un risque de progression vers le Sud du pays si aucune solution politique ne le fait refluer. Plusieurs milliers de combattants de Daech sont présents dans le pays. La mission de M. Bernardino León touche à sa fin, ce qui ne rend pas optimiste pour la conclusion à court terme d'un accord politique et laisse donc ce front dans une situation préoccupante.

Je me suis rendu il y a quelques jours en Tunisie pour apporter un soutien technique et financier qui bénéficiera aux forces spéciales et aux services de renseignement tunisiens. Un investissement de 20 millions d'euros permettra de renforcer l'armée de ce pays qui se montre inquiet de l'état de son voisin libyen. L'urgence est de réunir les Libyens, car tout ce qui les divise favorise Daech, mais des affrontements mettant aux prises différents groupes aux affiliations mouvantes se poursuivent. Le général Khalifa Haftar a lancé une opération en Cyrénaïque autour de Benghazi il y a un an, et les combats se poursuivent toujours aujourd'hui entre les nationalistes et les groupes extrémistes.

L'UE a déployé – de manière très rapide, fait notable pour une opération relevant de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) – EUNAVFOR MED, appelée plus simplement Sophia, qui vise à lutter contre les trafics de migrants en Méditerranée et dont l'état-major est situé à Rome. Dans une première phase, nous avons échangé nos renseignements et effectué des vols de surveillance maritime, et nous nous trouvons actuellement dans la deuxième phase où nous intervenons dans les eaux internationales. La frégate porte-hélicoptères Le Courbet est mobilisée, en compagnie de bâtiments britannique, allemand, espagnol et italien. L'objectif est de récupérer les migrants en détresse et, axe essentiel, de frapper les passeurs. Cela ne suffit pas, et il faut enclencher la troisième phase de l'opération Sophia, qui nous permettra de poursuivre notre action dans les eaux territoriales libyennes et éventuellement à terre, mais qui nécessite une demande d'un gouvernement libyen reconnu et une validation du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies (ONU). En l'absence d'une solution politique en Libye, la longueur du délai nous séparant de la mise en oeuvre de cette troisième phase m'inquiète, car Daech ne pourra qu'en profiter. S'il progresse dans le Sud du pays, il pourra rejoindre les autoroutes du trafic que j'ai évoquées au début de mon intervention.

Je fais preuve de pragmatisme en matière d'Europe de la défense et essaie de faire avancer les dossiers qui peuvent l'être ; pour les autres, nous attendons que la situation mûrisse. Cette politique aboutit à des résultats, comme le lancement de trois opérations de soutien militaire depuis 2013 – au Mali, en RCA et en Méditerranée. Nous élaborons également des projets capacitaires et mettons les questions d'Europe de la défense à l'ordre du jour des conseils européens, notamment à ceux des 19 et 20 décembre 2013 et des 25 et 26 juin derniers. Ce dernier conseil a pris des décisions qui se situent en deçà de nos attentes, mais il a permis de progresser sur quelques points sensibles, comme l'action préparatoire à laquelle vous avez fait allusion, madame la présidente. Il s'agit d'un événement important, dont l'accouchement fut difficile, car le budget de l'UE contribuera à des projets civils et militaires en matière de recherche dans les nouvelles technologies dont les répercussions pourraient être duales. Les premiers programmes concerneront probablement les drones à voilure tournante et les composants électroniques programmables. L'intégration de l'industrie de défense et de l'innovation future dans les programmes de recherche technologique constitue une avancée non négligeable.

Au cours de ce même conseil européen de juin dernier, il a également été décidé de mettre en oeuvre l'initiative « former et équiper » – ou « train and equip » –, dont l'objectif vise à contribuer à l'équipement non létal des forces armées formées dans le cadre des missions de la PSDC.

Nous avons élaboré, dans le cadre de la PSDC, un mandat pour établir, d'ici à juin 2016, une stratégie globale de politique étrangère et de sécurité, qui intégrera une modélisation européenne contre les menaces hybrides.

Les avancées les plus significatives concernent la coopération avec l'Allemagne et avec le Royaume-Uni. Nous fêterons la semaine prochaine le cinquième anniversaire des accords de Lancaster House, et je me rendrai à Londres pour l'occasion. Les relations avec le Royaume-Uni s'avèrent très pragmatiques : nous déployons la Force expéditionnaire interalliée et interarmées – ou Combined joint expeditionary force (CJEF) – et nous collaborons dans le nucléaire. Le bilan que nous dresserons de ces cinq années montrera que la coopération avec les Britanniques s'est améliorée.

Les derniers temps ont permis d'opérer un rapprochement significatif avec l'Allemagne, notamment dans le domaine capacitaire. Nos voisins ont décidé d'investir dans le programme du système multinational d'imagerie spatiale pour la surveillance, la reconnaissance et l'observation (MUSIS) comprenant les satellites de la composante spatiale optique (CSO), en construisant un troisième satellite après les deux premiers élaborés par la France. Ainsi, plutôt que de constituer une filière allemande dans l'observation optique, il a été décidé au printemps dernier, après de longues discussions, de renforcer la constellation MUSIS avec un troisième satellite. Cette coopération comprend un accord sur l'échange d'images radars dans la constellation SAR-Lupe allemande, compétence pour laquelle il n'existe pas de programme français. Nous avons également abouti sur le projet KANT de rapprochement des industries de défense terrestre, avec la fusion de l'armurier allemand Krauss-Maffei Wegmann (KMW) et du groupe français Nexter. Ce projet, critiqué hier lors de l'examen des crédits de la mission « Défense » en commission à l'Assemblée nationale, s'avérait indispensable pour sauver Nexter. Un leader mondial naîtra avant la fin de l'année, sans que ce processus ne perturbe les plans de charge des deux entreprises. On accorde peu d'importance à cette union car les blindés attirent moins que les avions et les bateaux, mais elle revêt une importance significative. Nous travaillons également avec l'Allemagne à la constitution d'un drone mâle européen qui devrait succéder au Reaper, et nous avançons dans cette tâche grâce à l'action des industriels et aux bonnes relations que j'entretiens avec mon homologue, Mme Ursula von der Leyen. La recherche d'un équilibrage de nos relations et des compétences de chacun m'a conduit à fortement soutenir l'initiative industrielle Airbus-Dassault-Finmeccanica sur un futur drone MALE européen. J'ai signé le 18 mai dernier avec mes homologues allemande et italienne une déclaration d'intention et me suis personnellement engagé sur ce projet, partie intégrante de la stratégie drones mise en place depuis 2012. Nous soutenons aujourd'hui un leadership allemand sur ce projet, l'Allemagne étant prête à assumer une part majeure du financement. Les études, qui seront contractualisées via l'OCCAR dans le courant du premier semestre 2016, seront conduites dans le cadre de l'OCCAR par une équipe multinationale sous une direction de programme allemande, à Bonn. Il s'agit là d'un sujet majeur pour notre souveraineté.

En 2014, les exportations françaises dans le domaine de défense ont atteint 8,2 milliards d'euros, niveau record, deux fois supérieur à celui de 2012 et en augmentation de 20 % par rapport à 2013. Cette année, nous doublerons le record, puisque nous avons déjà vendu pour 16 milliards d'euros depuis la conclusion, la semaine dernière, d'un contrat d'hélicoptères représentant 1 milliard d'euros. Ces succès peuvent susciter des débats, mais ils prouvent que nos matériels et notre technologie sont de grande qualité – autrement, nous ne vendrions pas autant dans un marché si concurrentiel. En outre, nous bénéficions du travail en commun de l'ensemble de l'équipe France ; nous avons mis en place un dispositif dans lequel les acteurs travaillent dans une grande transparence et en toute discrétion, et nous ne soutenons pas ceux qui refusent de le rejoindre. Cela fonctionne, y compris dans des secteurs où la compétition s'avère particulièrement rude comme celui des satellites. Nous forgeons des partenariats à l'intérieur desquels nous respectons le choix de l'autre partie. La vente d'un avion ou d'un bateau enclenche une collaboration de trente ans, du fait des obligations de formation et de maintien en condition opérationnelle, et nous développons donc des partenariats stratégiques de longue durée. Il n'est pas certain que nos exportations atteignent 16 milliards d'euros chaque année, mais il y a lieu de se féliciter d'un résultat comme celui-là. La force de nos industries de défense contribue au rayonnement de la France, à sa puissance et à sa présence dans le monde.

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La légitimité de l'objectif de notre intervention en Syrie, lutter contre Daech, ne fait aucun doute pour l'ensemble des femmes et des hommes de libre conscience. Il faut s'en donner les moyens et, comme en Afrique, les pays riverains doivent prendre une part importante dans cette mission. Nous n'avons pas le temps de nous attarder sur les raisons de la progression de Daech, mais cette question revêt une grande importance. Les excuses de M. Tony Blair ont été l'occasion de rappeler ce qu'il ne fallait pas faire, lui-même reconnaissant les dégâts causés par l'intervention américano-britannique en Irak dont l'émergence de Daech n'est pas le moindre.

En Irak, la Charte des Nations unies s'est appliquée – même si le Conseil de sécurité n'a pas donné de mandat – puisqu'un gouvernement légitime nous a appelés à l'aide. Pour la Syrie, je m'interroge sur la base légale de notre intervention, cette question pouvant être soulevée à l'occasion du prochain débat parlementaire auquel vous avez fait allusion.

Nos technologies sont performantes, mais nos exportations relèvent aussi de nos alliances, et ces dernières posent problème. On peut valoriser des ventes dans un domaine comme celui du satellite, mais s'associer à l'Arabie saoudite et au Koweït dont la duplicité est certaine suscite des interrogations. J'aimerais que l'on puisse en discuter un jour, car on ne peut pas se contenter de célébrer la signature de contrats. On doit veiller à conserver une politique étrangère lisible et fondée sur des repères qui nous rassemblent, sans pour autant imiter des pays comme la Suède qui a décidé de cesser toute coopération militaire avec l'Arabie saoudite.

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Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Quand nous sommes en possession d'éléments montrant que des groupes terroristes s'organisent pour frapper notre pays de façon imminente, les attaquer constitue une action de légitime défense. Nos frappes n'ont ciblé que des lieux d'entraînement de groupes armés dont la vocation était de nous atteindre sur le sol français. Même si nous n'avons plus subi d'attentats depuis janvier dernier, la menace contre notre pays perdure. Le président de la République a décidé d'effectuer des frappes en Syrie sur le fondement de preuves manifestes ; ces opérations ciblées ont porté, et nous en mènerons d'autres. En Irak, la situation diverge, car nous répondons à la demande du gouvernement irakien sur la base de l'article 51 de la Charte des Nations unies.

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Nous sommes quelques-uns à revenir du Liban où nous avons rencontré des responsables du détachement français ; à la suite de ces discussions, il me semble important de maintenir la mission de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL), mais ne pensez-vous pas que l'on pourrait réduire le contingent français ?

Les frappes françaises et américaines en Syrie et en Irak restent modestes et éparses : manquez-vous d'objectifs ? Vous avez indiqué qu'environ 200 hommes étaient déployés à Erbil et à Bagdad et qu'ils assuraient principalement des tâches de formation. Disposons-nous de troupes au sol dont la mission n'est pas de combattre, mais de désigner des objectifs ?

Je ne peux que vous féliciter des réussites de l'industrie de défense française et des contrats récemment signés avec l'Égypte, le Koweït, l'Inde et le Qatar. Vous avez su exploiter la situation globale grâce à une équipe de France qui travaille de manière soudée et à de bons partenariats qui permettent de produire localement. Vous avez également bénéficié du retrait des États-Unis de la région. La France exporte depuis environ 50 ans vers les pays du Golfe, et jamais nos équipements n'ont été mal utilisés. Vos succès se sont en revanche arrêtés à la frontière de l'Arabie saoudite. Seuls les contrats en cours nous permettent de vendre du matériel à ce pays, mais aucun nouvel accord n'a été signé. Que se passe-t-il avec ce pays, sachant que les Américains ne nous y concurrencent pas ? J'ai l'impression qu'une gêne – probablement liée à la situation syrienne – existe actuellement entre la France et l'Arabie saoudite. Pourriez-vous nous en dire plus sur ce sujet ?

Présidence de M. Jean-Louis Destans, secrétaire de la Commission

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Monsieur le ministre, vous avez pointé avec raison les problèmes de la MINUSMA, qui ne se limitent pas à l'état-major. La MINUSMA a très mauvaise presse au Mali, ce qui explique les problèmes que nous rencontrons à Kidal. Les élections locales devaient avoir lieu le 25 octobre et ont été repoussées au printemps prochain, ces consultations étant obligatoires pour l'application des accords d'Alger. Les évolutions de la MINUSMA nous permettront-elles d'améliorer nos relations avec les Maliens et d'assurer la sécurité à Kidal ? Je rappelle que les écoles ont rouvert la semaine dernière, mais que les autorités n'ont pas pu assister à cet événement.

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Monsieur le ministre, êtes-vous optimiste pour la vente d'avions Rafale aux Émirats arabes unis (EAU) ?

Nous avons importé une douzaine de drones Reaper, appareils de simple observation et non d'attaque. À quelle date la coopération avec les Allemands nous permettra-t-elle de bénéficier d'un nouveau drone ? Posséderons-nous un drone d'attaque ? Avons-nous les moyens d'en concevoir ? Disposons-nous d'une doctrine militaire d'emploi de drones d'attaque ? Serions-nous susceptibles de les utiliser pour nos frappes en Syrie et en Irak si nous les comptions déjà dans notre arsenal ? Cela permettrait de ne pas solliciter la force aérienne positionnée en Jordanie et aux EAU.

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Il y a moins d'un an, la base de Madama ne devait être que provisoire, mais le travail du génie militaire a permis de construire une base très utile. Combien d'hommes sont postés à Madama dans des conditions que l'on sait difficiles ? Quelle coopération pouvons-nous développer avec l'armée du Niger ? Qu'a apporté cette base avancée pour le contrôle de la route des trafics, distante d'une centaine de kilomètres de la Libye ? Quelles sont les autres forces européennes présentes dans l'opération Barkhane et dans cette base ?

Avant l'été, a été lancé, à la base aérienne 105 d'Evreux, le concept de base intelligente – ou smart base en anglais. Il vise à prolonger l'écosystème local et à s'ouvrir à l'environnement extérieur, notamment celui des nouvelles technologies. Après quelques mois, ce projet génère-t-il déjà des avancées intéressantes ?

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Au Proche et au Moyen-Orient, nous nous sommes mis en situation de dépendance vis-à-vis de l'Arabie saoudite qui paie l'ensemble de nos exportations dans les émirats, en Égypte, au Liban et ailleurs. Cette situation me semble dangereuse, car l'Arabie saoudite est un État extrêmement fragile, plein de frelons.

Les Allemands ne nous font aucun cadeau en matière d'exportations et en ont d'ailleurs bloqué certaines au prétexte qu'une partie des matériels étaient fabriqués dans leur pays. L'amitié franco-allemande passe après leurs intérêts commerciaux !

Je suis inquiet des 13 000 missiles livrés par l'Arabie saoudite en Irak et en Syrie, car ce pays joue parfois plusieurs jeux en même temps. Ils ne seront peut-être pas tous utilisés lors des combats actuels et on pourrait les voir atterrir dans des mains peu amicales. Ne parlons plus d'ASL, elle n'existe pas ! Tous les experts vous diront qu'il n'y a plus que Jabhat al-Nosra et Daech sur le terrain. Cela me gêne que vous restiez accroché à cette fiction, monsieur le ministre. D'après certains Égyptiens, la Turquie aurait armé Daech en Libye.

Maniez la notion de légitime défense préventive avec prudence, monsieur le ministre, car il s'agit, sans remonter à l'avant-guerre, de la théorie de M. George W. Bush. Tuer des Français membres d'Al-Qaïda ne me gêne pas à partir du moment où ils se sont placés hors la loi. Il suffit d'affirmer dans notre droit interne que tout Français ayant pris les armes en Syrie constitue une cible potentielle.

Que vaut l'armée irakienne ? J'ai eu des contacts avec des ayatollahs – je parle à tout le monde, monsieur le ministre – aux yeux desquels l'armée irakienne est nulle.

Quelles leçons tirez-vous de l'opération Barkhane en termes de besoins d'armement, sachant que nos forces devront faire face à une menace qui ne s'éteindra pas en quinze jours ?

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Mme la présidente a affirmé dans son exposé liminaire que l'intervention russe avait été déclenchée par crainte d'une chute imminente de Damas. Dans quelles mains la ville serait-elle tombée ? Disposez-vous d'informations, notamment militaires, sur cette éventuelle chute de Damas ? Je rejoins l'appréciation de mon collègue Jacques Myard sur l'ASL : ce sont les groupes terroristes qui mènent aujourd'hui l'offensive contre M. Bachar el-Assad.

La Turquie joue un jeu trouble, et le président Recep Erdogan a reconnu que son armée avait bombardé les Kurdes dans le Nord de la Syrie. Avez-vous des précisions sur ces frappes ? La France a-t-elle réagi ? Les Kurdes se battent magnifiquement et ont fait reculer Daech à Kobané, mais les Turcs préfèrent lutter contre eux que contre Daech.

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Monsieur le ministre, les militaires américains sont revenus au coeur de l'Afrique et sont présents à N'Djamena et dans le Nord du Cameroun. Combien d'hommes des forces spéciales, qui seront soutenus par des drones, les États-Unis vont-ils envoyer dans cette région ?

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Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Monsieur Poniatowski, nous maintenons pour l'instant le niveau de nos effectifs, qui s'élèvent à 700 hommes, au Liban. Dans le cadre de la mission des Nations unies, ils jouent le rôle important de force de réaction rapide, et l'on remettrait en cause l'équilibre du dispositif en les retirant.

Les frappes en Irak sont soit aléatoires, soit planifiées. Pour ces dernières, des règles strictes d'engagement s'imposent afin d'éviter les dégâts collatéraux. Il m'arrive parfois d'être irrité par ces obligations fixées par la coalition. L'opération a été lancée il y a un certain temps, et le nombre de cibles planifiées est devenu faible du fait des précautions que ces frappes exigent. La France jouit d'une totale autonomie et peut toujours refuser d'effectuer une frappe qu'on lui propose d'exécuter.

Daech s'est adapté à la nouvelle donne et se protège en utilisant la population civile, y compris des enfants, comme bouclier. Cela explique une certaine lenteur de notre action. Les frappes sont également conçues pour accompagner les actions militaires au sol, dont l'efficacité s'accroît.

En Irak, nos formateurs soutiennent l'ICTS et notent des progrès dans l'action de ce corps, qui regroupe les forces irakiennes les plus aguerries. En revanche, monsieur Myard, beaucoup de travail reste à accomplir pour l'armée irakienne dans son ensemble.

En ce qui concerne l'Arabie Saoudite et le Liban, DONAS signifie « don de l'Arabie saoudite » et nous ne pouvons pas répondre à l'heure actuelle à toutes les questions, le temps que nous soyons sûrs des intentions du Roi et du Prince héritier dans ce domaine qui est évidemment d'un intérêt majeur pour eux.

Monsieur Chauveau, c'est vrai, dans le cours de la crise, la MINUSMA, a rencontré des problèmes de communication et de coopération avec les autorités maliennes, mais également avec les forces de l'opération Serval puis Barkhane. Les Nations unies se sont rendu compte des difficultés, et j'espère qu'elles y remédieront rapidement pour que la mission puisse remplir tout son rôle dans le contexte de l'application des accords d'Alger. Nous nous chargeons du contre-terrorisme, alors que la MINUSMA doit assurer la sécurisation du territoire.

Il n'y avait certes pas d'élu à Kidal quand l'école a rouvert après deux ans de fermeture, mais il s'agit tout de même d'un événement ! À Paris la semaine dernière, le président Keïta a arboré un grand sourire en évoquant ce symbole important. Une forte volonté politique reste toutefois nécessaire pour assurer la mise en oeuvre des accords d'Alger, de la décentralisation et du processus électoral.

Monsieur Marsaud,, le processus se déroule normalement pour les négociations dans le domaine aéronautique avec les Emirats et je rencontre régulièrement le prince Mohammed ben Zayed ben Sultan.

Le sujet des drones me passionne ; nous travaillons avec les Allemands et les Italiens pour élaborer un drone de surveillance mâle européen, appelé à succéder au Reaper. La question de savoir s'il sera équipé d'armes est posée, mais la discussion publique n'a pas encore eu lieu, et j'ignore ce que seront les réactions de l'opinion publique. S'agissant du drone de combat, dont nous pouvons également débattre, j'ai pris l'initiative d'engager avec les Britanniques un travail de fond, conduit par Dassault et British Aerospace Systems (BAE Systems), sur la définition de l'outil de combat sans pilote à partir des années 2030 ; les industriels nous feront un point sur l'avancée de leurs réflexions dans l'année qui vient.

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Peut-on mettre une arme sur le Reaper ?

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Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Oui, mais les Reaper que nous avons achetés n'en sont pas équipés.

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Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

C'est une autre question, que nous n'avons pas posée à ce jour.

Un débat public s'est tenu en Allemagne sur l'Euro Hawk et il s'est révélé très perturbant, même si ses conséquences ont été maîtrisées. Je ne suis pas certain qu'un débat de fond soit nécessaire, car un missile s'apparente à une arme sans pilote, alors qu'un drone est un système piloté par des militaires chevronnés qui se trouvent à terre.

Madame Fourneyron, environ 300 militaires sont postés à Madama, mais cet effectif peut varier en fonction des opérations. Les conditions sont sommaires, mais elles s'améliorent car nous resterons un certain temps. Nous conservons également une implantation à Tessalit et à Faya Largeau, points avancés permettant d'assurer, dans la durée, la sécurité des autoroutes utilisées pour les trafics. Nous avons noué d'excellentes relations de coopération avec le Niger, y compris à Badaba où des militaires nigériens, dont un officier, sont présents.

Je ne dispose pas d'éléments sur l'expérience de smart base à Evreux et ne sais donc pas si nous étendrons cette initiative à d'autres bases aériennes. Je préfère vous répondre par écrit.

Des difficultés ont existé pour exporter des matériels intégrant des composants allemands, notamment des blindés, mais nous avons toujours pu les surmonter. Dans le cadre de KANT – dont le nom changera –, ces difficultés seront levées, car des clauses de l'accord entre KMW et Nexter permettent de les éviter. La simultanéité de KANT et des projets de drone et de satellite montre que le climat est positif.

En Syrie, la France vise militairement Daech dans l'ensemble de ses composantes, et, lorsque nous frappons à Raqqa, nous ignorons la nationalité des combattants et ne ciblons pas les Français. Toute personne, quel que soit son pays, qui se bat dans les rangs de Daech est un ennemi. Nous frappons cette organisation partout où nous le pouvons.

Messieurs Asensi et Myard, l'ASL existe toujours, et nous avons rencontré ses représentants avant-hier à Paris. Leurs brigades à Lattaquié et à Alep combattent en ce moment même et résistent, mais elles subissent les attaques russes. M. Bachar el-Assad était mis en difficulté, notamment par l'ASL, à Alep au moment de l'engagement russe ; en outre, Daech risquait de pénétrer sur l'axe entre Homs et Damas. Nous pensons que la fragilité du régime de M. Bachar el-Assad, y compris interne, a motivé l'intervention russe.

Monsieur Terrot, nous avons demandé aux pays voisins du Tchad de se parler et de cesser de se méfier les uns des autres. Nous avons également incité le président Buhari à améliorer la structuration de l'armée nigériane pour qu'elle puisse intervenir au Nord, et avons indiqué aux Britanniques et aux Américains que la France n'était pas en situation de tout assumer dans cette zone. Nous n'avons ainsi pas l'intention de déployer des militaires dans la lutte contre Boko Haram, mais nous apportons le renseignement et le soutien logistique et médical – nous avons notamment soigné des combattants tchadiens et nigériens. Les Américains utiliseront des drones de renseignement non armés dans le Nord du Cameroun ; en effet, il faut disposer d'une bonne visibilité pour lutter contre Boko Haram, atout que personne ne dispose, nos propres drones ne pouvant être affectés sur ce terrain. Le traitement, par la cellule de coordination et de liaison (CCL) à laquelle nous participons, des éléments de renseignement recueillis aidera la FMM. Les Américains vont envoyer 300 militaires au Cameroun et les Britanniques contribueront également à l'accompagnement du dispositif.

La séance est levée à dix-huit heures.