Nous recevons aujourd'hui M. Guillaume Mortelier, directeur de la stratégie et du développement de Bpifrance, accompagné de M. Laurent Arthaud, directeur du pôle Investissement Biotech et Écotech.
Cette audition doit nous permettre d'examiner les différents types de financements que Bpifrance mobilise, au titre des PIA, pour accompagner les entreprises de la transition écologique. Nous souhaitons savoir dans quelle mesure ces financements sont adaptés aux besoins des différents secteurs de la transition écologique, en fonction des catégories d'entreprises et des profils de risques des projets.
Je commencerai par rappeler que Bpifrance est une banque dont les deux actionnaires sont, à parité, l'État et la Caisse des dépôts et consignations. Son activité est centrée sur l'accompagnement des PME et des ETI, selon trois axes stratégiques majeurs : la croissance, la compétitivité et la construction d'un écosystème favorable à l'entrepreneuriat. Ses principaux métiers sont les suivants : le financement direct des entreprises ; la garantie des banques qui financent les entreprises ; le soutien à l'innovation, à travers des aides à l'innovation, des avances remboursables, des prêts et des investissements en capital-risque ; l'investissement dans les PME, les ETI et les grands groupes stratégiques ainsi que dans des fonds qui investissent eux-mêmes dans des entreprises. Enfin, Bpifrance travaille avec les régions, puisqu'elle possède un peu plus de quarante implantations régionales.
Parmi les orientations inscrites dans notre plan stratégique pour la période 2015-2018 figure l'accompagnement de deux transitions majeures pour l'économie française : la transition numérique et la transition énergétique. Nous souhaitons nous positionner comme la banque de la transition énergétique des PME et des ETI en France. À ce titre, nous nous sommes engagés à déployer 4 milliards d'euros dans le soutien aux entreprises, à la fois sur nos fonds propres et sur les dispositifs que nous sommes amenés à gérer pour le compte du programme d'investissements d'avenir.
Notre action en faveur de la transition énergétique se décline selon quatre grands axes. Premier axe : le soutien aux producteurs d'énergies renouvelables. Nous sommes déjà fortement présents, à hauteur de 700 à 800 millions d'euros par an, dans le financement des sites éoliens ou photovoltaïques et nous souhaitons renforcer notre accompagnement des développeurs, c'est-à-dire les sociétés qui créent de nouveaux projets puis gèrent opérationnellement la production d'énergies renouvelables.
Deuxième axe : la promotion des industriels innovants actifs dans le domaine de la transition énergétique. C'est dans ce cadre qu'interviennent le fonds Écotechnologies et le fonds Sociétés de projet industriel (SPI) – dont une grande partie de l'activité est orientée vers la transition énergétique –, fonds que nous gérons pour le compte du programme d'investissements d'avenir. Par ailleurs, nous allons investir dans des fonds qui investissent eux-mêmes dans les écotechnologies.
Troisième axe : l'accompagnement des entreprises de tous secteurs dans le cadre de leur propre transition énergétique. Il s'agit d'aider une entreprise industrielle classique à réduire sa consommation d'énergie ou à améliorer ses travaux de recyclage, par exemple. Une grande partie de l'action que nous menons dans ce cadre est centrée sur le dispositif « Prêts verts », que nous gérons également pour le compte du PIA.
Enfin, Bpifrance se veut très proche des entrepreneurs : en plus des financements que nous leur apportons, nous voulons les aider à répondre aux grands enjeux auxquels leur entreprise est confrontée, notamment ceux de la transition énergétique. Nos chargés d'affaires sont donc formés en ce sens, et nous travaillons avec des conseils. Ainsi, nous incitons, notamment en notre qualité de membre du conseil d'administration, le management de l'entreprise dans laquelle nous avons investi à prendre davantage en compte les enjeux liés à la transition énergétique dans ses décisions, car il y va également de la compétitivité des entreprises à terme.
Je vous propose que nous revenions maintenant en détail sur les différents dispositifs, en commençant par le fonds Écotechnologies, que M. Arthaud va vous présenter.
Le fonds Écotechnologies, créé en juin 2012, est un fonds de 150 millions d'euros issus du PIA destiné à investir, en cinq ans – soit la période d'investissement d'un fonds –, dans une quinzaine d'entreprises. Son objectif est en effet d'éviter le saupoudrage et de réaliser, dans un nombre réduit d'entreprises, des investissements en capital suffisamment importants pour qu'elles puissent se développer. En tant que fonds de capital-risque, nous investissons dans des entreprises qui développent des technologies nouvelles, qui n'ont pas de chiffre d'affaires au moment nous prenons des participations dans leur capital et dont nous finançons, en définitive, la recherche et développement – en espérant, bien entendu, que ces technologies trouveront rapidement un débouché commercial.
La spécificité du métier d'investisseur est d'entrer au capital d'une société puis de l'accompagner dans la durée, notamment en participant au tour de table suivant. Nous pouvons ainsi investir 5 millions dans une entreprise en 2012, puis investir à nouveau dans le cadre d'un nouveau tour de table en 2015 et prévoir un investissement supplémentaire de 2 ou 3 millions selon le développement de la société. Nous accompagnons donc le chef d'entreprise dans son développement technologique puis commercial.
À ce jour, nous avons réalisé, depuis la création du fonds, il y a trois ans et demi, onze opérations – ce qui correspond au rythme prévu –, opérations dont je vais citer quelques exemples. Nous avons ainsi investi dans la société Nénuphar, laquelle développe une technologie d'éoliennes flottantes à axe vertical qui présentent l'avantage d'être invisibles depuis la côte et de ne pas nécessiter la pose d'un tube de béton au fond de l'eau.
Nous investissons également, depuis trois ans, dans la société McPhy, qui a développé une technologie de stockage d'hydrogène sous forme solide – il s'agit d'hydrures métalliques – dans une galette de la taille d'une pizza qui équivaut à 400 m3 d'hydrogène à l'état gazeux. Le système de captage utilisé est d'un usage plus facile que la compression traditionnelle et permet, par exemple, de stocker l'électricité produite le jour par des panneaux solaires pour pouvoir l'utiliser la nuit. Dans cette société, nous avons investi 5 millions lors du premier tour de table, puis 2,5 millions en 2014, au moment de son introduction en bourse, laquelle a donné à la société une visibilité qui lui a permis de trouver quelques marchés à l'étranger, notamment en Allemagne.
Dernier exemple : la société Aledia, qui développe des LED de nouvelle génération fabriquées sur des supports non plus en saphir mais en silicium. Cette technologie permet d'améliorer la qualité des ampoules et, surtout, d'en diminuer le coût de fabrication. Elle n'est pas encore mûre, mais nous allons accompagner la société dans la durée. Nous avons participé à hauteur de 7 millions à un tour de table de 28 millions. Il s'agit donc de montants importants, mais l'objectif de ce fonds de 150 millions est d'investir environ 10 millions dans une quinzaine d'opérations.
Je précise, avant que nous n'abordions les fonds de fonds, que Bruxelles nous demande d'agir en investisseur avisé, ce qui signifie que le fonds Écotechnologies ne peut investir aux tours de table des sociétés qu'en accompagnement de fonds privés. Il s'agit, du reste, d'une des limites du dispositif, car peu d'acteurs privés investissent dans le secteur des écotech, ou cleantech.
Lors des auditions précédentes, certains de nos interlocuteurs ont estimé que votre politique d'investissement était excessivement prudente et vous conduisait peut-être à ne pas investir dans des projets plus risqués. Nous souhaiterions donc savoir quelles sont les règles prudentielles que vous appliquez.
Nous travaillons avec l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) puisque celle-ci participe au comité d'investissement qui se réunit régulièrement pour étudier les dossiers. Or, il n'y a pas de projets proposés par l'ADEME dans lesquels nous n'ayons pas investi. Comme je vous l'ai indiqué, le principal obstacle que nous rencontrons tient à la difficulté de trouver des partenaires privés. En effet, selon la règle fixée par Bruxelles, l'investissement du fonds Écotechnologies, comme de tout fonds public, ne peut excéder la moitié du tour de table, de sorte que, lorsque nous mettons 5 millions d'euros, nous devons trouver des co-investisseurs privés qui participent à la même hauteur. Or, il nous est arrivé de mettre plus d'un an à trouver des partenaires pour investir dans des sociétés dont la technologie nous semblait pourtant prometteuse.
Une des missions de Bpifrance est d'investir dans des fonds – au nombre de 300 actuellement – qui investissent eux-mêmes dans des sociétés. Ces fonds, nationaux ou régionaux, qui peuvent être thématiques – numérique, écotechnologies, biotechnologies, capital-développement… –, sont en fait les alliés, en tout cas les partenaires, du fonds Écotechnologies. Il peut s'agir également de personnes physiques mais dans, le secteur des écotech, elles sont plus rares que dans celui de l'internet, par exemple. Néanmoins, nous manquons de fonds spécialisés dans le domaine des écotechnologies : ils sont actuellement au nombre de trois ou quatre sur la place. Une de nos préoccupations est donc de trouver des équipes de gestion susceptibles de gérer de nouveaux fonds et des souscripteurs qui acceptent d'investir dans des fonds privés.
Pour faciliter l'arrivée d'investisseurs privés, nous menons, sur notre propre bilan et non pour le compte du PIA, une action structurante sur le capital-investissement, notamment le capital-risque, en investissant depuis plusieurs années dans des équipes de gestion pertinentes qui interviennent en particulier dans le secteur des écotechnologies. Cinq d'entre elles sont actuellement en période d'investissement, avec des gestionnaires tels que Sofinnova, Demeter ou Emertec. Ce faisant, nous nous efforçons de susciter la création de nouveaux fonds ou d'inciter des fonds étrangers ou des équipes de gestion étrangères à investir dans des projets en France.
Vos partenaires doivent-ils forcément être des fonds français ? Par ailleurs, pourquoi l'appétence pour le risque dans le secteur des écotechnologies est-elle moindre en France que dans d'autres pays ?
De manière générale, et pas seulement en France, l'appétence est moindre pour le capital-risque que pour le capital-développement. Les grands acteurs institutionnels, banques et assurances, investissent de préférence dans des sociétés qui ont un chiffre d'affaires, surtout depuis l'éclatement, en 2000, de la bulle internet. En outre, le secteur des écotechnologies n'est pas le maillon le plus fort : on crée beaucoup plus de sociétés internet ou biotech.
Pour répondre à votre première question, nous investissons également avec des fonds étrangers ainsi qu'avec des fonds corporate, montés par de grands industriels qui cherchent de nouvelles technologies. Dans la société Aledia, par exemple, qui développe des LED de nouvelle génération, nous avons investi avec Valeo et Ikea, qui représente 80 % des ventes d'ampoules dans le monde.
Bpifrance a été créée pour participer aux deuxièmes tours de table, pour lesquels les capitaux étaient peu nombreux en France – l'amorçage et l'amont de l'amorçage étant déjà couverts par des fonds publics. Or, j'ai le sentiment que vous intervenez dans l'ensemble du champ de l'innovation, dès la prise de risque. Par ailleurs, le problème des écotechnologies est un problème de profitabilité et de rentabilité. Comment vous positionnez-vous sur l'aval et parvenez-vous à analyser le marché et à vendre le produit aux investisseurs ?
C'est une très bonne remarque. Le fonds Écotechnologies n'intervient pas au premier tour de table, mais à partir du deuxième tour de table. Dans les sociétés au capital desquelles le fonds a pris des participations, l'amorçage avait été réalisé par d'autres investisseurs. Nos interventions sont donc conformes à la thèse d'investissement générale de Bpifrance. Pour ce qui est de la suite des opérations, soit la société se développe, réalise un début de chiffre d'affaires et devient peu à peu rentable, de sorte que des opérations de capital deviennent inutiles ; soit d'autres tours de table sont organisés avec des fonds plus importants ; soit la société est cotée en bourse, ce qui permet de lever des sommes beaucoup plus importantes – c'est le cas pour deux des onze sociétés dans lesquelles nous avons investi.
J'ajoute que notre action en fonds de fonds vise à créer des fonds dont les capacités d'investissement sont suffisantes pour accompagner les entreprises jusqu'à la cotation en bourse, car il existe une carence de marché dans ce domaine. Depuis deux ou trois ans, nous avons donc renforcé le segment dit du « growth », qui se situe entre le capital-risque et le capital-développement, pour créer des fonds de 200 à 300 millions d'euros dont l'emprise est souvent française et européenne et qui présentent l'intérêt, d'une part, de pouvoir prendre des tickets de 20 à 30 millions d'euros pour accompagner jusqu'à la phase de commercialisation massive des entreprises ayant de gros besoins capitalistiques et, d'autre part, d'être visibles, en raison de leur taille significative, des investisseurs étrangers qui ne s'intéressent à un pays européen que s'ils peuvent investir de 15 à 20 millions d'euros en fonds de fonds.
Les équipes de Bpifrance ont-elles intégré l'expertise fine du terrain qu'avait développée Oséo ?
Dans le cadre de notre soutien à l'innovation, nous poursuivons l'activité d'Oséo et de l'Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR) en matière de subventions, d'avances remboursables et de prêts. Cette activité s'appuie sur notre département de l'expertise, lequel emploie des référents « écotechnologies » qui peuvent travailler en amont des projets, notamment dans le cadre du dispositif des Projets industriels d'avenir (PIAVE), et qui, outre leurs compétences de financeurs, disposent d'une très grande expertise sectorielle.
En France, nous cumulons ce type d'expertises : dans chaque région, on trouve à la fois des pôles qui détectent et instruisent les dossiers, la DIRRECTE, Bpifrance, qui a conservé les équipes d'Oséo, le Commissariat général à l'investissement… Pourtant, on ne peut pas dire que, dans le domaine qui nous occupe, la tendance soit à la croissance du nombre d'entreprises. Beaucoup d'argent public est investi dans la détection sur le terrain et il n'en sort pas grand-chose. Comment l'expliquez-vous ?
Ce n'est pas propre au secteur des écotechnologies ou à la phase de création d'entreprises. De manière générale, le retour de l'investissement dans l'industrie française est un véritable problème : la restauration des marges qui est intervenue l'an dernier ne se traduit pas par une croissance de l'investissement. Bpifrance tente d'y remédier en dialoguant avec les entrepreneurs qu'elle accompagne pour les inciter à élaborer de nouveaux projets, qu'il s'agisse de start-up ou, pour les entreprises installées, d'investissements. Le problème tient moins, en effet, à un manque de liquidités qu'à un manque de projets.
Les projets sont cependant beaucoup plus nombreux dans le secteur des biotechnologies que dans celui des écotechnologies, où l'on constate que, dans le cadre des appels à projets de l'ADEME, beaucoup de dossiers sont défendus par de grandes entreprises. Cela s'explique peut-être par l'immaturité de ce marché – plus jeune que celui des biotechnologies – et par le fait que l'activité des laboratoires publics et privés est plus fertile dans le domaine des biotech, notamment parce que le médicament représente un marché très important. De plus, la baisse actuelle du prix du pétrole risque de ne pas favoriser le développement des écotechnologies.
Selon vous, ce déficit s'explique donc soit par une carence de la recherche, en amont, soit par un déficit de visibilité sur la rentabilité à venir des projets. Est-ce bien cela ?
Heureusement, les écotechnologies ne se résument pas à la dimension énergétique de la transition écologique. Ainsi, beaucoup de projets sont liés à internet ; je pense notamment aux nouveaux usages ou à l'éco-partage. Mais il est vrai que la recherche fondamentale y est moins importante que dans le secteur des biotechnologies et que la rentabilité des projets est un problème. Dans le domaine des panneaux photovoltaïques, par exemple, peu de gens s'en sont sortis financièrement en France.
Je me demande si le service public de l'accompagnement à l'innovation ne coûte pas trop cher de manière générale, et s'il ne devrait pas être payant, dans une certaine mesure. Par ailleurs, la plupart des émissions sont le fait du bâtiment. Or, ce secteur peine à s'organiser alors qu'il représente un gisement d'emplois et de chiffre d'affaires conséquent. Avez-vous des thématiques privilégiées, telles que le bâtiment ou la voiture ?
Les marchés sont nombreux. On peut citer celui de la chimie verte, dans lequel nous ne sommes pas mauvais…
C'est vrai que les entreprises ne sont pas nombreuses dans ce secteur, mais on peut citer Fermentalg, Metabolic Explorer, Global Bioenergie – une nouvelle société apparaît tous les deux ou trois ans.
Par ailleurs, le secteur des réseaux de distribution d'électricité intelligents, qui vise à optimiser la consommation d'énergie en utilisant internet ou l'informatique, se développe plutôt bien. On peut également mentionner le marché des mobilités – véhicules, bornes de recharge, roues autoportantes… –, celui du bâtiment – qui, en effet, n'est pas le plus facile, car les projets nécessitent beaucoup de capital pour monter des usines de production – et celui du traitement des déchets.
Pourtant, dans ces deux derniers domaines, beaucoup de donneurs d'ordres sont publics, que ce soient les bailleurs sociaux ou les collectivités. Quoi qu'il en soit, cela fait bientôt dix ans que tout cela doit s'organiser et avec peu de résultats. Or, votre mission consiste également à organiser les filières à travers vos investissements.
Pour revenir sur la multiplication des acteurs, nous ne croyons pas non plus que ce soit une solution, d'une part, parce qu'elle nuit à la lisibilité des dispositifs publics et, d'autre part, parce qu'il arrive, de ce fait, que certaines sociétés présentent un même projet à deux ou trois appels d'offres ou à manifestations d'intérêt.
Je souhaiterais que, pour terminer, vous évoquiez le dispositif des Prêts verts et le fonds Sociétés de projets industriels.
Le fonds Sociétés de projets industriels fait partie du deuxième bloc stratégique d'accompagnement des entreprises spécialisées dans la transition énergétique. Ce fonds totalement nouveau, qui n'a pas d'équivalent sur le marché, investit aux côtés d'industriels ou de partenaires privés dans la création d'usines, au moment où, après avoir développé une technologie pendant plusieurs années, les entreprises entrent dans la phase de commercialisation. Le montant de ce fonds a été porté de 425 millions à 700 millions, dont 225 millions sont fléchés vers les problématiques de transition écologique. Lancé fin 2015, il a d'ores et déjà validé deux investissements dans des entreprises du secteur de la transition énergétique : SUNCNIM, qui est située dans le Var et qui produit des équipements d'énergie thermosolaire, et Ecosys, qui a repris une ancienne papeterie en Isère pour y développer une activité de recyclage de papier. La demande pour ce fonds est très forte ; nous sommes même étonnés par l'ampleur des besoins qui s'expriment.
Le dispositif Prêts verts relève quant à lui du troisième axe stratégique. Une première génération de prêts verts, basée sur une convention de 2010, a été déployée en trois ans pour un montant total de 300 millions d'euros ; l'enveloppe de la deuxième génération s'élève à 344 millions d'euros. Il s'agit de prêts sans garantie qui accompagnent les financements bancaires. Lorsqu'un industriel veut lancer une nouvelle ligne de production moins consommatrice d'énergie ou optimiser les lignes existantes, il n'a pas de difficultés à obtenir un financement bancaire pour acheter des machines, le banquier sécurisant son prêt sur la valeur secondaire de ces dernières. En revanche, les banques ne financent pas systématiquement l'aspect immatériel de cette nouvelle ligne de production, à savoir la formation des équipes, l'embauche de nouvelles personnes, voire la création de stocks intermédiaires ou la valorisation de la propriété industrielle. C'est cet aspect immatériel que financent des prêts sans garantie, dont fait partie le prêt vert. C'est une gamme de prêts que nous développons fortement, car ils permettent d'accélérer la mise en oeuvre de projets, en l'espèce des projets d'amélioration de l'efficacité énergétique ou de réduction de l'empreinte écologique de l'entreprise. Une première étude d'impact a d'ailleurs permis de confirmer que pour un euro de prêt, trois à quatre euros de financement bancaire sont mobilisés. Ils produisent donc un véritable effet de levier.
Dans le cadre de ce dispositif, nous sommes refinancés par le programme d'investissements d'avenir et nous disposons d'un fonds de garantie qui couvre ces prêts, puisqu'ils ne sont pas sécurisés sur les actifs de l'entreprise. En outre, le PIA nous a confié une enveloppe de bonification qui permet de diminuer leurs taux, en les abaissant de 500 ou 600 points de base à 300 ou 400 points de base, ce qui est fortement incitatif pour les entreprises.
Dans le cadre de ce dispositif, nous nous rémunérons, comme dans notre activité de prêt classique, sur les intérêts générés par les prêts que nous octroyons aux entreprises.
Pour notre activité d'investissement, ils dépendent des équipes dont nous avons besoin.
Pour le fonds Écotech, ils s'élèvent annuellement à 1,5 % du fonds.
Si nous lui octroyons un prêt, nous nous rémunérons sur les intérêts ; si nous intervenons en tant qu'investisseur, nous nous rémunérons, à l'instar des investisseurs privés, sur la plus-value réalisée lors du débouclage de l'investissement.
Pourriez-vous nous soumettre, pour conclure, les recommandations que vous feriez pour améliorer l'efficacité des programmes de transition écologique dans le cadre du PIA 3 ? Par ailleurs, je souhaiterais savoir si vos relations avec l'ADEME vous semblent satisfaisantes et si vous estimez que la gouvernance globale est la plus efficace possible.
Sur le fond, les outils actuels correspondent-ils aux besoins des entreprises et au développement du secteur de la transition écologique ? Nous avons créé cette mission d'évaluation car nous avons constaté que les crédits budgétaires consacrés à la transition énergétique étaient très souvent redéployés vers d'autres programmes, au motif que ces crédits étaient sous-consommés – même si cette raison n'est pas la seule. Nous souhaitons donc améliorer le dispositif pour que la transition énergétique devienne une réalité dans notre pays.
Tout d'abord, la lisibilité de l'action publique est un véritable enjeu, ainsi que nous l'avons indiqué. Le fait qu'un dispositif tel que les projets industriels d'avenir (PIAVE), qui accordent des avances remboursables, soit géré en partie par l'ADEME et par Bpifrance ne facilite pas sa lisibilité pour les entrepreneurs. Il me semble donc qu'une réflexion devrait être menée sur la dispersion des opérateurs dans le cadre de la préparation du PIA 3. Néanmoins, nos relations avec l'ADEME, dont nous sollicitons l'expertise au cas par cas, sont plutôt bonnes ; c'est pour l'entrepreneur que les choses sont complexes.
J'ai en effet compris, lors de l'audition des représentants de l'ADEME, que vos deux expertises – l'une financière, l'autre technique – étaient complémentaires.
Sur les sujets relevant des écotechnologies, nous disposons déjà d'une expertise interne, qui nous permet de comprendre le plan d'affaires de l'entreprise et d'analyser le secteur, mais cette expertise n'est pas aussi complète que celle de l'ADEME, notamment en ce qui concerne les normes. Nos deux actions sont donc complémentaires. Mais, pour être clair, si l'ADEME traite des dossiers financiers, cela nuit à la lisibilité du dispositif.
En ce qui concerne le PIA 3, nous estimons que les dispositifs actuels répondent à des besoins. Nous souhaiterions du reste, pour cette raison, que le dispositif Prêts verts et le fonds SPI soient renforcés.
En ce qui concerne la gouvernance, les choses se passent très bien, en toute transparence, avec l'ADEME, qui participe au comité consultatif du fonds Écotech. S'agissant du développement des PME et des nouvelles technologies, nous avons probablement besoin de succès visibles, comme il en existe dans d'autres secteurs. Je pense à Tesla, par exemple, qui est parvenue à monter une entreprise de construction automobile électrique sur la base d'un plan de développement qui n'était pas évident. Il faut être innovant et prendre quelques risques. Nous sommes évidemment favorables à une poursuite de l'opération dans le cadre du PIA 3. Peut-être faut-il réfléchir à la manière dont on pourrait développer des fonds en aval, car les investissements nécessaires sont importants, le véritable enjeu étant d'attirer des investisseurs privés dans ce secteur.
Il faut distinguer ce qui est maastrichtien et ce qui ne l'est pas. En ce qui concerne l'investissement, on a le sentiment que, dans certains secteurs tels que celui des écotechnologies, il y a globalement, sur le marché du capital-investissement, beaucoup d'argent public : on a plutôt besoin d'argent privé. Toutefois, il est important d'au moins maintenir les dispositifs publics existants en matière de subventions, d'avances remboursables et d'aide à l'innovation.
Quel rôle pouvons-nous jouer, en tant que législateur, pour susciter cet investissement privé ?
Quelques recettes sont connues. On pourrait ainsi obliger un certain nombre d'acteurs financiers, notamment les mutuelles et les assurances, à placer une partie minime de leurs investissements dans des projets risqués. Je rappelle que le NASDAQ a été créé parce que les fonds de pension ont été obligés de placer 2 % de leurs investissements dans du capital-risque. Le débat existe depuis longtemps en France. En tout cas, si les mutuelles et les assurances étaient, sinon obligées, du moins fortement incitées à investir dans le capital-risque et l'innovation, cela faciliterait les choses.