Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du 27 avril 2016 à 9h45

Résumé de la réunion

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La réunion

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Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a entendu M. Pierre Radanne, président de l'Association 4D, sur les enjeux et l'analyse de l'Accord de Paris.

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Mes chers collègues, je souhaite en votre nom à tous la bienvenue à Mme Karine Daniel, nouvelle députée de la troisième circonscription de Loire-Atlantique, élue dimanche dernier. Mme Daniel, je vous remercie d'avoir rejoint notre Commission, vous qui connaissez le fonctionnement de l'Assemblée nationale pour avoir travaillé pour un groupe parlementaire en 2003.

Mme Laurence Tubiana, ambassadrice pour les négociations climatiques et dont le rôle fut décisif dans le résultat de Paris, s'est portée candidate, avec le soutien du Gouvernement français, pour assurer le secrétariat exécutif de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Elle mène actuellement campagne pour succéder à Mme Christiana Figueres, et nous ne pourrons pas l'auditionner dans les prochains jours, même si nous ne désespérons pas d'y parvenir bientôt.

Nous accueillons avec grand plaisir M. Pierre Radanne, président de l'association 4D, ancien président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et spécialiste des questions énergétiques et climatiques. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages sur les négociations climatiques internationales et de notes de décryptage des résultats et des enjeux de l'Accord de Paris.

Monsieur Pierre Radanne, vous aborderez les problèmes liés aux modalités de ratification de l'Accord, vous en présenterez votre analyse et vous exposerez les conditions de son application, notamment sous l'angle des engagements nationaux et de la mobilisation des acteurs ou des financements.

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Pierre Radanne, président de l'association 4D

L'Accord de Paris est le meilleur possible : on ne pouvait pas rêver mieux ! En effet, le critère exclusif du succès de la COP21 résidait dans la capacité à obtenir un accord liant la totalité des pays de la planète.

La Convention de Rio de 1992 avait abouti à la signature d'un texte par 179 pays, puis le protocole de Kyoto avait incité les États développés à agir en leur fixant des obligations de réduction d'émission de gaz à effet de serre (GES) ; cette machine s'est enrayée en février 2001 lorsque les États-Unis ont affirmé qu'ils ne ratifieraient pas le protocole de Kyoto. Cette annonce a généré de nombreuses dissidences, plus ou moins graves, qui ont affecté la tenue des engagements pris pour la période allant jusqu'à 2020. Ainsi, les Japonais, les Australiens et les Néo-Zélandais n'ont pas rempli leur contrat, et le Canada et la Russie ont souhaité sortir du cadre de Kyoto. L'Union européenne (UE) s'est retrouvée isolée avec quelques petits pays pendant quinze ans, au milieu d'une dégradation générale de l'effort.

Cette période s'est achevée en décembre dernier à Paris, où la totalité des pays développés ont réintégré le processus et où les pays émergents, notamment la Chine, ont accepté des engagements réels. Cet Accord concerne 195 pays dans le monde, et ce succès s'explique par plusieurs raisons.

Tout d'abord, les instances internationales avaient demandé à chaque pays, démarche inédite dans l'Histoire, de présenter sa stratégie nationale pour lutter contre le changement climatique à l'horizon de 2030. Les pays les plus pauvres ne se projettent pas à quinze ans, et agissent dans une perspective annuelle voire de quelques années. La délégation sénégalaise a ainsi affirmé qu'elle avait réfléchi à long terme pour la première fois, ce qui avait changé le regard du pays sur lui-même. Au cours de la première décennie de ce siècle, les pays en développement ont modifié leur point de vue sur le changement climatique. En effet, les pays africains ont d'abord perçu ce sujet comme une nouvelle turpitude imposée par le colonisateur, celui-ci décidant de changer le mode de développement qu'il avait promu. Cependant, au fil des années, ces pays se sont aperçus que le changement climatique les touchait davantage que les autres, qu'ils y contribuaient, notamment par la déforestation équatoriale, mais qu'ils étaient bien dotés en énergies renouvelables et qu'ils avaient intérêt à amorcer la transition énergétique. En 2009, à l'issue de la conférence de Copenhague, une nouvelle vision du développement, reposant sur une efficacité énergétique, une agriculture adaptée au changement climatique et une protection du couvert forestier, a émergé.

Parmi les 195 pays, 189 ont remis leur document de politique nationale de lutte contre le changement climatique dans les quinze prochaines années. Ces orientations font apparaître une vision convergente du futur. Les pays développés, les émergents et ceux en développement partagent la même conception du développement à long terme, même si l'intensité du volontarisme varie selon les États. L'Éthiopie et le Vanuatu affirment qu'ils ne consommeront plus de combustibles fossiles en 2050, alors que ce type de proclamation aurait été inenvisageable dix ans plus tôt.

Les négociations ont dû prendre en compte les réticences de chacun, notamment celles exprimées par les pays producteurs de combustibles fossiles, les pays pétroliers ayant plaidé pour une transition énergétique lente.

Les Nations unies ont lancé un processus visant à mobiliser les secteurs industriel et financier, les grandes fondations, les organisations non gouvernementales (ONG) et les collectivités locales. La négociation ne concernait pas que les États, de nombreux acteurs de la société s'étant mis en mouvement. Les opinions publiques ont également beaucoup évolué depuis dix ans. En juin dernier, j'ai ainsi participé à une opération intitulée World Wide Views ; des conférences de citoyens ont été organisées en simultané dans 75 pays et ont réuni 10 000 personnes. Les populations des pays en développement sont dorénavant davantage sensibilisées au changement climatique que celles des pays développés.

M. Laurent Fabius, alors ministre des affaires étrangères et du développement international, et Mme Laurence Tubiana ont accompli un énorme travail ; jamais une conférence internationale n'avait été si bien préparée, ce résultat devant également beaucoup à l'action des postes diplomatiques français. Nos responsables ont très bien compris que les États les plus forts ne faisaient plus à eux seuls les négociations internationales et que chaque pays devait être convaincu. Pour ce faire, il faut comprendre les intérêts et les difficultés de chacun, car ces discussions se déroulent dans le cadre des Nations unies et non dans un système de rapport de forces. La présidence française a parfaitement compris cet environnement et a fait preuve d'une grande humilité tout en se montrant plus ferme à la fin de la négociation pour aboutir à un accord. Aucun pays n'a été écarté de la négociation, et cette méthode a été unanimement saluée. Cette conférence s'est d'ailleurs très bien passée, alors qu'elle s'est tenue très peu de temps après les attentats du 13 novembre 2015.

Dans de nombreux pays, y compris le nôtre, les avis sur l'Accord de Paris divergent fortement. Certains pays analysent l'Accord à partir des objectifs climatiques et se demandent si l'on s'est bien mis d'accord sur le niveau de réchauffement maximal à ne pas dépasser. Comme cette dimension est présente dans l'Accord, ces acteurs en ont une vision positive. Certains défendent un point de vue prospectif et attendaient que la COP21 débouche sur une convergence de vues sur le futur. Les engagements présentés à partir d'octobre 2015 ne permettent pas de contenir le réchauffement climatique à deux degrés, si bien qu'il faudra se pencher à nouveau sur cette question. Pour ce faire, on a proposé la méthode de l'escalier : on doit franchir une marche tous les cinq ans, et il s'avère interdit de redescendre. Chaque pays doit augmenter son niveau d'engagement tous les cinq ans. Je vous rappelle que l'escalier permet à chacun d'arriver aux étages quels que soient son rythme et sa condition physique. Dans la négociation sur le climat, tout le monde doit arriver en haut, mais la vitesse d'ascension varie. Il convient d'aider les plus faibles à monter l'escalier.

La lecture juridique et diplomatique de l'Accord est contrainte par le droit des Nations unies. Les capacités de l'Organisation des Nations unies (ONU) sont faibles – elle n'a par exemple pas le droit de présenter de texte –, et ce sont les États qui négocient. Les règles diplomatiques restent celles du traité de Westphalie de 1648 dans lequel fut créée la notion de souveraineté nationale. Chaque pays peut entrer et sortir d'un accord international, cette décision étant l'expression de sa souveraineté.

La lecture militante conduit certaines personnes à déplorer la timidité de l'Accord en matière d'efficacité énergétique ou d'énergies renouvelables. L'Accord est évidemment un compromis et constitue le plus petit dénominateur commun aux 195 parties. Il s'avère d'ailleurs illisible pour le commun des mortels, ce qui pose un problème démocratique (Approbations) ; une très grande distance sépare le processus de la négociation des populations. L'Accord de Paris prévoit de limiter le réchauffement climatique à moins de deux degrés, mais presque aucun de nos concitoyens ne comprend ce que cela signifie. L'effort pédagogique n'a pas été mené, et personne ne s'est donné la peine de traduire les dispositions de ce texte dans des termes clairs.

La lecture technologique de l'Accord se concentre sur les filières appelées à devenir prioritaires. Les acteurs économiques, territoriaux et financiers vont-ils s'engager ? Mobiliserons-nous suffisamment de moyens financiers ? À Copenhague, on avait évalué à 100 milliards de dollars par an le montant des transferts nécessaires entre le Nord et le Sud d'ici à 2020. À Paris, on a estimé que 80 milliards d'euros avaient déjà transité, même si les dons représentent une part trop faible de cette enveloppe par rapport aux prêts – notamment pour les pays les plus pauvres. En outre, il reste 20 milliards de dollars à trouver.

Une dynamique s'est enclenchée, mais elle reste peu sensible dans l'action de l'État et des collectivités territoriales car les machines politiques démarrent lentement. Ainsi, beaucoup de pays prévoient de renforcer leur cadre législatif et la France n'a pas achevé de traduire réglementairement la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte qu'elle a votée. La puissance publique devra consentir l'effort budgétaire indispensable à la mise en oeuvre des engagements pris.

Le secteur industriel, en particulier les producteurs d'énergies renouvelables, s'inscrit d'ores et déjà dans la dynamique enclenchée. Ces acteurs ont compris que l'Accord de Paris allait entraîner une massification des marchés, attestée par les stratégies nationales convergentes. De même, le secteur bancaire, jusqu'alors très peu actif dans la négociation relative au climat, s'est impliqué dans ce mouvement depuis la COP21. Les grands fonds de pension, les grandes banques internationales et les grands fonds financiers ont exposé la transition de leur soutien aux combustibles fossiles vers les solutions alternatives ; ainsi, 4 000 milliards de dollars d'aide aux énergies anciennes seraient réorientés vers les renouvelables. Le basculement de sommes aussi considérables se fera bien entendu progressivement, mais l'impulsion a été donnée.

Il conviendra enfin de gagner la bataille des opinions publiques. Les ratifications parlementaires de l'Accord de Paris ne sont pas, selon les termes du texte, obligatoires ; ainsi, les États-Unis pourront ratifier le texte par décret présidentiel et éviteront un passage au Congrès où les partisans de l'Accord ne sont pas majoritaires. Vu l'importance de la mutation prônée par l'Accord, les débats se révéleront difficiles dans de nombreux parlements.

À Paris, notre futur a changé de direction.

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Nous nous réjouissons de cette audition, qui se tient quelques jours après la signature à New York de l'Accord de Paris par 175 États, et au lendemain de la Conférence environnementale de Paris, quatre mois après le succès de la COP21. Nous sommes particulièrement heureux de vous entendre, Monsieur Pierre Radanne, car vous êtes un défricheur – on vous doit la conduite de plusieurs combats comme celui du facteur 4 –, un décrypteur comme l'atteste votre note du 2 avril dernier, un développeur puisque vous accompagnez des collectivités locales dans la transition énergétique, et un formidable débatteur. (Sourires)

Nous devons relever le défi de l'efficacité, qui recoupe la question du prix du carbone. Malgré les contributions nationales et les objectives, il sera indispensable de fixer des prix au carbone. Pour la première fois, plusieurs États affirment vouloir donner des prix au carbone. Des industriels se sont également réunis pour se déclarer prêts à évoluer dans un environnement où des prix seraient attachés au carbone, cette évolution étant promue depuis longtemps par les ONG. Pourquoi, malgré ce contexte favorable, ne parvient-on pas à dépasser le stade des déclarations d'intention ?

Comment passe-t-on d'un « machin » onusien englué dans une course de lenteur à une mobilisation des territoires et des industriels dans la perspective de l'agenda des solutions ?

Pour être crédible, il faut régler la question du financement du processus de transition qui recouvre celle du Fonds vert. L'attente s'avère très forte à ce sujet, et l'on se demande si l'objectif des 100 milliards de dollars sera atteint. Comment peut-on utiliser le levier représenté par les sommes déjà recueillies pour lancer les initiatives nécessaires à la réalisation de l'Accord de Paris ?

Les ONG peuvent-elles participer à la vérification du déploiement des contributions volontaires des États ?

La loi de transition énergétique constitue une formidable boîte à outils : quelle évaluation faites-vous des instruments qu'elle se propose de créer ? Que pensez-vous de l'annonce du président de la République sur les green bonds lors de la dernière conférence environnementale ? Puisque vous souhaitez que le présent serve le futur, comment analysez-vous l'article 173 de la loi qui porte sur la gouvernance nationale de la transition énergétique et qui crée un outil financier nouveau ?

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Nous pouvons tous nous féliciter des avancées obtenues à Paris lors de la COP21, notamment du fait que le plus grand nombre s'accorde désormais sur l'état des lieux – souvenons-nous en effet que des polémiques perduraient sur la réalité du réchauffement climatique et sur son origine anthropique il y a encore six ou sept ans.

Monsieur le président Pierre Radanne, vous survendez néanmoins quelque peu les résultats de la COP21 car, comme vous l'avez vous-même évoqué, les avis sur cet Accord ne sont pas unanimes à l'extérieur de notre pays. Reconnaissons en effet que le texte représente un catalogue de bonnes intentions ; certes, tout le monde partage les orientations de ce catalogue, mais l'Accord n'est en rien contraignant. Je ne critique pas le travail lancé il y a plusieurs années et conclu il y a quelques mois, mais ce catalogue d'intentions n'est pas contraignant et n'engage pas les pays de la planète à opérer des avancées précises. Vous avez employé l'image des escaliers, endroit où les chutes s'avèrent les plus nombreuses (Murmures divers) et où elles concernent surtout les jeunes enfants et les personnes âgées. Les pays les plus en difficulté courent donc un grand risque de tomber dans l'escalier qu'ils souhaitent gravir. On aurait dû construire un ascenseur commun plutôt qu'un escalier individuel. (Murmures)

Vous savez que 100 milliards d'euros par an ne suffiront pas à régler les problèmes, d'autant plus que l'objectif d'un degré et demi se trouve complètement dépassé et que celui de deux degrés le sera bientôt. L'enveloppe de 100 milliards de dollars permet tout juste de contenir le rythme actuel du réchauffement climatique. En outre, les 80 milliards auxquels vous avez fait allusion recouvrent une partie de l'effort public déjà comptabilisé. Nous n'avons donc pas résolu la question financière, le financement ne s'avérant pas à la hauteur de nos ambitions.

Le carbone constitue l'élément essentiel du dérèglement climatique, or son marché se révèle aujourd'hui atone. S'il avait été à la hauteur des prévisions estimées dans les lois, nous bénéficierions d'un financement organisé, et ce manque posera des problèmes à l'avenir.

Monsieur le président Pierre Radanne, ne devrions-nous pas nous pencher en priorité sur la question de la gouvernance mondiale de ce sujet ? En effet, sans gouvernance mondiale, il n'y aura pas de solutions locales.

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Monsieur Pierre Radanne, nous vous remercions de votre présence parmi nous ; votre intervention a fait montre d'un grand optimisme, même si celui-ci peut s'avérer bénéfique.

Pouvions-nous obtenir un accord allant plus loin ? La réponse est négative, et nous avons atteint le maximum de ce que le processus international peut permettre.

Cet Accord ne contient pas d'engagements portant sur un rythme d'augmentation de la température inférieur à deux degrés, malgré une réévaluation des efforts tous les cinq ans. Cependant, moins on agit au début et plus la menace s'élève. La mise en oeuvre de l'Accord conduirait à une augmentation de la température de près de trois degrés. En outre, la ratification de l'Accord soulève des inquiétudes au vu de la diversité des régimes politiques des pays signataires.

L'Europe éprouve de nombreuses difficultés à définir une stratégie de réduction de 40 % d'émission de GES d'ici à 2030. La Chine s'est engagée à ce que l'année 2030 représente celle de son pic d'émission de GES, mais elle a fourni il y a quelques mois des chiffres erronés qui ne tenaient pas compte de l'activité de régions entières. Quant aux États-Unis, troisième membre de ce club des plus gros émetteurs, le candidat probable du parti républicain à l'élection présidentielle ne croit pas à l'existence du réchauffement climatique et son adversaire démocrate l'accuse d'être vendu au lobby du charbon. Il est donc difficile de rester optimiste !

Cependant, la nouvelle attitude du monde la finance constitue un facteur d'espoir, car elle n'investit plus dans des placements générateurs de GES. Il importe de se battre pour un système de régulation mondial du prix du carbone, même si cette lutte se révèle difficile. L'Europe, géant économique, pourrait avancer dans ce domaine si elle s'organisait, et j'aurais aimé que vous précisiez votre pensée sur ces sujets.

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Monsieur le président Pierre Radanne, nous vous remercions de votre exposé ; je tenais également à saluer le M. le président Jean-Paul Chanteguet qui tient son engagement de faire de 2016 l'année de suivi par le Parlement de la mise en oeuvre de l'Accord de Paris.

On ne peut pas reprocher un excès d'optimisme aux propos de M. Radanne ; le rassemblement de 175 pays dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique constitue une avancée inédite sur laquelle nous devons nous appuyer pour progresser.

Il reste des questions dans l'application de l'Accord, mais il est opportun d'avoir choisi la méthode de l'escalier pour que chacun puisse agir à son rythme et de manière sécurisée. Qu'est-ce qui vous permet cependant d'affirmer que tout le monde pourra emprunter cet escalier et arriver au but fixé ?

On a également progressé dans le domaine du financement où nous cherchons à mobiliser 100 milliards de dollars. Certes, nous ne disposons pas encore de cette somme, mais nous avons déjà gravi des marches. Que faire pour monter celles qui nous séparent de l'objectif de 100 milliards de dollars ?

Vous n'avez pas évoqué les problèmes posés par les prix du pétrole et du gaz, ni le soutien apporté à la filière nucléaire. Or ces facteurs ne favorisent pas les investissements dans les projets novateurs et n'encouragent pas les énergies renouvelables dans le monde. Quelles sont vos opinions sur ces questions ?

Suite au Grenelle de l'environnement et à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, le président de la République a annoncé la fixation d'un plancher pour le prix du carbone et la définition d'un « corridor carbone », selon son expression. Le projet de loi de finances pour 2017 pourrait déployer ce corridor en fonction des résultats de la mission confiée à MM. Pascal Canfin, Alain Grandjean et Gérard Mestrallet sur le prix du carbone. Nous pouvons et devons faire mieux pour trouver des solutions en termes de recherche et d'innovation : quelle place leur accordez-vous pour atteindre nos objectifs ?

Nous avons travaillé ensemble pour l'élaboration du plan climat-énergie territorial dans le sud de l'Aisne ; ne pensez-vous pas que la sensibilisation des populations doive s'opérer localement ?

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L'Accord de Paris dans lequel 195 pays sont parvenus à un consensus pour préserver la planète constitue un succès dépassant les plus hautes espérances. Il doit se traduire par la mise en oeuvre de mesures concrètes dans tous les continents, tous les pays, tous les territoires et toutes les villes. Foisonnantes et multiformes, ces dispositions concernent des domaines aussi divers que le prix du carbone, les énergies renouvelables, les transports, la préservation des océans ou la grande muraille verte en Afrique.

Les promesses n'engageant souvent que ceux qui les écoutent, et l'horizon temporel des engagements s'élevant à quinze ans, qui seront les garants de leur respect ? Qui en vérifiera la mise en oeuvre ? Quelles seront les conséquences pour ceux qui ne respecteraient pas leur signature ?

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Monsieur Pierre Radanne, je tiens à saluer le travail que vous effectuez au travers de votre réseau, ainsi que l'esprit de synthèse et la passion qui vous animent au sein de votre association 4D.

L'Accord de Paris constitue un bon résultat, mais certains pays discutent d'autres sujets, par exemple dans la négociation sur le traité de libre-échange transatlantique – ou Transatlantic Free Trade Agreement (TAFTA). N'existe-t-il pas des contradictions entre les dispositions en matière d'énergie discutées dans ce cadre et celles contenues dans l'Accord de Paris ?

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Le processus permettant à l'Accord de Paris d'entrer en vigueur sera sûrement long, alors que le climat continue de se dégrader ; ainsi, les trois premiers mois de l'année 2016 furent les plus chauds jamais enregistrés. À New York, le président de la République a lancé il y a quelques jours un appel à traduire l'Accord de Paris en actes afin de faire face à l'urgence. Monsieur Pierre Radanne, quels pays s'impliquent vraiment dans cette démarche ? Vous avez récemment déclaré sur Francetv info que vous ignoriez les objectifs de la France en matière d'écologie. Comment notre pays pourrait-il donner l'exemple pour mettre en oeuvre concrètement ses engagements ?

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Monsieur Pierre Radanne, vous avez affirmé que les grands acteurs de l'énergie, les grandes entreprises et les collectivités locales adoptaient les énergies renouvelables et que le comportement du secteur bancaire serait décisif. Nous sommes nombreux à estimer sur ces bancs que l'action des citoyens s'avérera également essentielle ; Je fonde sur elle beaucoup d'espoirs, et il me semble que les citoyens joueront le rôle de locomotive dans les pays du Nord, mais encore plus dans les pays du Sud et émergents. Il faudra financer le saut technologique, ainsi que les initiatives citoyennes comme la création de ceintures vertes, agricoles et maraîchères autour des villes ou les actions éducatives envers les enfants et les adultes.

Quels éléments freinent la diminution ou la suppression des subventions aux énergies fossiles ? Cet argent est pourtant nécessaire pour financer la recherche sur la transition énergétique.

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Monsieur Pierre Radanne, je vous remercie pour la qualité de votre exposé ; je tiens également à vous féliciter de votre optimisme débordant, mais ne croyez-vous pas qu'après la mobilisation des États, celle des populations manque ? Or, sans l'engagement des citoyens, nous aurons beaucoup de mal à atteindre nos objectifs, et la période actuelle de crise et de faible croissance complique la prise de conscience dans ce domaine. Je reviens d'un déplacement parlementaire à Taïwan où les 23 millions d'habitants recyclent près de 80 % des déchets ; cet effort remarquable est bien supérieur à celui que nous consentons en France.

Trois centrales nucléaires sont en service à Taïwan, la quatrième n'étant pas en service. Le ministre de l'environnement m'a expliqué que son pays avait pris des engagements ambitieux de développement des énergies renouvelables – éolien offshore et panneaux photovoltaïques –, dans le but de fermer à terme les trois centrales nucléaires. Néanmoins, le gouvernement taïwanais ne s'interdit pas de mettre en marche la quatrième centrale nucléaire car il pourrait s'avérer difficile de transformer un quart du bouquet énergétique d'ici à 2025. Le chemin est donc encore long.

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Monsieur Pierre Radanne, j'apprécie votre optimisme qui repose sur une longue et riche expérience, ainsi que votre souhait de stimuler la conscience citoyenne. À mes collègues craignant les chutes dans les escaliers, je leur rappelle que celles-ci ont lieu dans les descentes et non dans les montées. (Rires)

L'Accord signé il y a quelques jours aux Nations unies sera soumis au Parlement pour ratification dans quelques semaines. Il n'entrera en vigueur que dans quatre ans, même si des initiatives visant à réduire les émissions de GES continueront de voir le jour d'ici là, par exemple sous l'impulsion des collectivités locales. Dans un récent entretien au Journal de l'environnement, vous affirmiez que le changement climatique était « un problème planétaire à solution territoriale ». Certains grands groupes impulseront également des évolutions de leur stratégie industrielle. Les acteurs de la société civile seront donc les précurseurs de cette transition voulue par les textes officiels.

Vous constatiez sur Francetv Info la réorientation des investissements des banques et des institutions financières. Dans un paysage socio-économique complexe et en mutation, comment pourrait-on recenser les initiatives et évaluer leur impact réel sur la réduction de l'émission des GES ? La multiplicité des actions risque de les rendre illisibles. Or, un outil de recensement, accessible, public et inspiré de votre instrument Our Life 21, favoriserait la pédagogie et la conscientisation des gens. Mobilisés, les citoyens pourraient ainsi jouer pleinement leur rôle de vigilance vis-à-vis des États et des entreprises.

Quelle synthèse a été effectuée de l'initiative lancée par 10 000 citoyens en juin 2015 ?

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Monsieur Pierre Radanne, l'effondrement du prix du pétrole et, plus généralement, des coûts des énergies fossiles ne constituera-t-il pas un obstacle à l'atteinte des objectifs fixés en matière de changement des sources énergétiques ? Les Allemands émettent aujourd'hui deux fois plus de GES par habitant que les Français puisqu'ils ont choisi de privilégier le lignite et le charbon.

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Monsieur Pierre Radanne, votre optimisme fait du bien par les temps qui courent. Vous avez qualifié de décisive la période qui s'ouvre jusqu'à 2020. On n'a que quelques mois et une seule réunion intermédiaire – à Bonn, au mois de mai – pour préparer la Conférence de Marrakech. Qu'attendez-vous de ce rendez-vous ? Parviendra-t-on y élaborer une méthode de comptabilisation des émissions et des financements, ainsi qu'une définition des actions d'adaptation ?

Vous insistez sur la nécessité de financer l'ingénierie nécessaire au déploiement de projets, notamment dans certains pays où les capacités sont limitées : se penchera-t-on sur cette question à Marrakech ? Il serait également opportun de fixer des règles de mesure, de rapportage et de vérification des actions conduites. Qu'attendez-vous de cette Conférence sur laquelle nous pourrons peser ?

Les pays producteurs de pétrole freinent la mutation énergétique – surtout dans un contexte de prix du pétrole très bas –, mais l'Arabie Saoudite se prépare à diversifier son économie. Ce pays en restera-t-il aux proclamations ou pensez-vous qu'il mènera vraiment une telle transition ?

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Pour entrer en vigueur, l'Accord doit être ratifié par 55 % des pays signataires représentant 55 % des émissions de GES dans le monde. Il faut donc que l'un des gros émetteurs – l'UE, la Chine, les États-Unis et la Russie – le ratifie. Quels mécanismes ont été mis en place pour permettre de recueillir l'agrément de l'un de ces ensembles ?

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Seuls une quinzaine d'États, principalement insulaires, ont déposé les instruments de ratification de l'Accord. Monsieur Pierre Radanne, pensez-vous qu'un mouvement de dépôt de ces instruments va s'enclencher ?

L'Accord n'entrera en vigueur qu'en 2020 : que se va-t-il se passer dans les quatre prochaines années ?

Quelles thématiques le plan national français doit-il privilégier pour être à la hauteur des ambitions de l'Accord de Paris ?

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Monsieur Pierre Radanne, je vous remercie de votre exposé, aussi passionnant que vos conférences, et j'ai un bon souvenir de votre passage en Mayenne.

Face aux enjeux du changement climatique et après la COP21, il convient maintenant de gagner la bataille des opinions publiques. Dans notre société hypermédiatisée où les discours sont nombreux et créent beaucoup de désillusions, les citoyens ont besoin de concret. Quels outils pourrions-nous utiliser pour les mobiliser ?

Quelle place occupe l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) dans la lutte pour gagner les opinions publiques à cette cause ?

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Certains pays ont déposé leurs instruments de ratification à New York il y a quelques jours. La ratification par l'UE est complexe, car chaque pays doit effectuer cette procédure, et le Conseil et le Parlement européens doivent approuver la ratification à la majorité qualifiée. Or certains pays membres, dont la Pologne, ne prendront pas position tant que la répartition entre les États membres de la réduction de 40 % des émissions des GES à l'horizon de 2030 n'aura pas été arrêtée. L'UE risque donc de prendre du retard, ce qui porterait préjudice à l'Accord, l'UE ayant été le leader de la lutte contre le réchauffement climatique depuis la Conférence de Rio de 1992 – que l'on se souvienne du paquet climat-énergie. Quand peut-on espérer la ratification de l'UE ?

Si l'Accord de Paris était ratifié avant 2020, pourrait-il s'appliquer avant cette date, qui correspond également à la fin de la deuxième période du protocole de Kyoto ?

La France a mis en place la contribution climat-énergie, qui est une fiscalité carbone pour les énergies fossiles, destinée à adresser un signal sur les prix afin que les acteurs modifient leur comportement. Or, la mise en place de cette contribution ne sert à rien, car la classe politique ne pousse pas la réflexion jusqu'au bout. (Approbations) Si nous étions cohérents, nous devrions augmenter la fiscalité sur les énergies fossiles pour assurer l'efficacité du prix du carbone.

Les contributions nationales conduisent à une augmentation de la température de l'ordre de trois degrés, si bien que les pays doivent faire montre de davantage d'ambition. Or l'Accord ne prévoit pas de réévaluation des objectifs avant 2025. Certains pays, notamment les forts émetteurs de GES, pourraient-ils réviser leurs ambitions avant 2020 – le Canada a déjà évoqué cette hypothèse ? Cette question est importante pour prévenir le risque de l'emballement climatique.

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Pierre Radanne, président de l'association 4D

Je vous remercie d'avoir posé le sujet dans toute son ampleur politique, et c'est plutôt à vous d'y apporter les réponses ! (Sourires)

Vous m'avez taxé d'optimisme, mot dont j'ignore la signification. Je ne connais que celle du terme pessimisme, dont le synonyme est la lâcheté. Face à la lâcheté, il ne faut pas faire preuve d'optimisme, mais de volontarisme. Nous devons réussir pour nos enfants et nos petits-enfants. Le risque principal ne réside pas dans la chute dans l'escalier, mais dans l'inaction. La multiplication des dégâts liés au réchauffement climatique coûtera bien plus cher que l'adaptation de nos sociétés à ce phénomène. (Approbations)

Le 22 avril dernier, 175 pays sur 195 parties à l'Accord ont signé le document. Il n'est donc pas douteux que 55 pays ratifient rapidement l'Accord. Les États-Unis ratifieront avant novembre prochain par décret présidentiel pour des raisons que vous comprenez aisément ; en outre, la Chine et l'Inde ont annoncé de ratifier le texte dans la même période. Avec 52 petits pays et ces trois gros émetteurs, le second critère de 55 % d'émission de GES sera lui aussi rempli.

Un blocage s'est manifesté lors de la COP21 à l'intérieur de l'UE sur la répartition de la réduction de 40 % de l'émission de GES par les pays européens d'ici à 2030. On a constaté que les pays consentaient des efforts d'une intensité très variable. Les Britanniques et les Allemands ont accompli l'essentiel du chemin si l'on prend l'année 1990 comme référence ; les Suédois et les Français ont réduit quelque peu leurs émissions, mais l'Espagne a augmenté les siennes de 25 %. La discussion européenne sera difficile, parce que les pays ayant pris de l'avance vont vouloir que d'autres prennent le relais, afin qu'il n'y ait pas de passagers clandestins. À la Conférence de Paris, la France ne savait pas quel objectif lui serait assigné ; on peut penser qu'il sera supérieur à 40 %, alors que la réduction n'a atteint que 15 à 20 % depuis 1990.

L'UE va réviser le marché de quotas dans l'année 2017. Certains pays, dont le Royaume-Uni, refusent qu'un chiffre lui soit fixé tant que ne sera pas connu le nouveau mécanisme de quotas qui s'appliquera aux grandes branches industrielles à l'intérieur de l'UE. Cette dernière ne ratifiera donc probablement pas l'Accord de Paris avant 2018. Celui-ci entrera donc en vigueur avant la ratification de l'UE.

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Si les deux critères de 55 % sont remplis avant 2020, l'Accord entrera en vigueur avant cette date ?

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Pierre Radanne, président de l'association 4D

Oui. Tout l'Accord s'appliquera, y compris ses dispositions reprenant une partie du protocole de Kyoto que n'avaient pas ratifié les États-Unis qui devront donc s'y conformer. En revanche, les engagements de réduction d'émissions de GES, exposés par les pays en développement et émergents dans leurs contributions nationales, ne deviendront contraignants qu'à partir du 1er janvier 2020, date à laquelle leur participation à l'Accord débute ; pour les pays développés, l'ensemble de l'Accord s'appliquera dès que les deux conditions de ratifications seront satisfaites.

Mesdames et Messieurs les députés, vous devez réinstaurer une fiscalité énergétique contracyclique, à l'image de ce que nous avons connu avec la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TIPP) flottante. L'objectif n'est pas d'augmenter la fiscalité pesant sur l'énergie, mais de neutraliser les variations irrationnelles d'un à cinq du prix de l'énergie, liées à des opérations spéculatives, à des rapports de force entre les pays ou à une dépression de l'économie mondiale tirant la demande d'énergie à la baisse. Il ne s'agit pas d'accroître la moyenne du prix de l'énergie, mais d'écrêter les pointes et de combler les creux afin de donner un signal de stabilité aux opinions publiques. On a préféré ruiner des familles et des entreprises en 2008 plutôt que d'effacer la fiscalité dans certains pays ; cette décision n'était pas dictée par la sagesse, car il y a lieu de baisser le prix via la fiscalité lorsque celui-ci est excessif. On ne peut ouvrir le débat sur la fiscalité de l'énergie qu'en période de bas cycle.

L'Accord de Paris ouvre une fenêtre sur le changement complet de notre monde qui va s'opérer en l'espace d'une génération. Les scientifiques affirment que le travail doit avoir été fait d'ici à 2050. Dans les trente-cinq prochaines années, on constatera de fortes évolutions dans les stratégies d'acteurs, les situations, les contextes, les filières et les secteurs économiques. L'un de nos maîtres à tous, l'Allemand Carl von Clausewitz, expliquait que les soldats ne voyaient pas la totalité de la bataille et ne percevaient que leurs combats singuliers ; il nommait cette situation le « brouillard de guerre », et nous entrons dans un tel environnement. Dans cette période de transformations puissantes, nous recevrons des signaux contradictoires d'un jour à l'autre, si bien que la transition comportera un caractère illisible. Nous devons tenir un discours et offrir des perspectives stables aux gens, afin qu'ils comprennent les phénomènes en action. Des entreprises vivent du monde tel qu'il est et ne souhaiteront pas changer du jour au lendemain ; à l'inverse, d'autres entreprises sont ancrées dans le monde futur, mais rencontrent des difficultés de développement.

Il convient donc de mener une réflexion sur les processus de transition ainsi qu'une action de pédagogie considérable ; il n'y aura pas de contradictions qu'avec le traité TAFTA ! Nous constatons que plusieurs forces de la société agissent dans des sens divergents. On devra résoudre cette question majeure et commune à l'ensemble de l'humanité du changement climatique, mais ce ne sera pas simple.

Le président de la République et le ministre des affaires étrangères et du développement international avaient insisté sur le caractère juridiquement contraignant de l'Accord de Paris. Il s'agit d'un abus de langage, même si le terme inexact n'est pas « contraignant », mais « juridiquement ». L'Accord de Paris est politiquement contraignant. Haro sur le premier pays qui quittera le bateau ! Quitter la communauté de destin de l'humanité ne doit pas rester impuni. Il reste donc à affirmer la nature politiquement contraignante de cet Accord. Le texte anglais utilise les termes de « legally binding », qui ne signifient pas exactement « juridiquement contraignant » ; en français, « juridiquement contraignant » implique un pouvoir de sanction contre celui qui ne respecte pas son engagement, mais l'ONU ne dispose d'aucun pouvoir de sanction contre les États. L'Accord de Paris ne prévoit pas d'amendes proportionnelles aux manquements éventuels, et cet instrument manque. On a un problème de gouvernance mondiale, et il faudra réformer l'ONU pour placer l'intérêt supérieur de l'humanité au-dessus de l'intérêt particulier d'un État.

Il est paradoxal que notre pays souhaite un texte contraignant, alors que la triche relève d'un sport national. Dans la mesure où nous évoluons dans un système dénué de la moindre capacité de sanction, rien n'a été entrepris contre les nombreux pays n'ayant pas respecté les engagements pris dans le protocole de Kyoto car rien ne pouvait être fait. M. Laurent Fabius avait très bien compris la nécessité de créer un mouvement collectif impliquant l'ensemble des acteurs étatiques, économiques et financiers, afin que l'intérêt de chacun soit d'y participer. La mutation technologique à venir s'avérera inédite puisqu'elle ne bénéficiera pas qu'à ceux qui la produisent, et l'ensemble des pays de la planète, riches comme pauvres, devront l'accompagner. La croissance économique est vive dans le monde lors des périodes de changements complets de technologie ou lorsque l'on doit reconstruire après une guerre : dans les trente prochaines années, nous devrons investir pour protéger l'humanité et éviter que les catastrophes climatiques fassent trop de dégâts. Les contributions nationales ont exprimé une vision de long terme qui permet une mise en mouvement de l'humanité ; il reste à garantir le caractère politiquement contraignant de l'accord et à impliquer toutes les strates de la société, en mobilisant les États, les territoires, les entreprises, les acteurs financiers et l'épargne des ménages.

Les populations des pays du Nord et du Sud ne disposent d'aucun récit de réussite au XXIe siècle. On n'explique pas les possibilités d'amélioration des conditions de vie que portent les nouvelles technologies, le refus de gaspiller les ressources et la lutte contre la dégradation de l'environnement. Il convient d'élaborer un récit incarné et portant un projet politique. J'essaie donc de rédiger un récit de vie réussie au XXIe siècle avec M. Erik Orsenna. Dans l'optique de la Conférence de Marrakech, je vais suivre quinze familles marocaines vivant dans un pays appliquant l'Accord de Paris pour montrer qu'elles peuvent réussir leur vie. Je décrirai les décisions qu'elles auront à prendre, les technologies qui arriveront dans leur vie, les comportements qu'elles devront adopter et les politiques publiques qu'il convient de déployer pour les aider. Je souhaite raconter l'évolution de la société, depuis le haut, mais également depuis le bas, afin de bâtir une alliance avec chaque personne. Il importe de se pencher sur le récit de vie réussie et sur le projet collectif.

Le XXIe siècle sera en effet très différent des deux siècles précédents : la croissance démographique de l'humanité va s'achever et les ressources et l'environnement devront être efficacement gérés. Ce cahier des charges, complètement différent de celui des XIXe et XXe siècles, doit être présenté de façon simple aux gens. Des parents doivent pouvoir expliquer à un enfant de dix ans, qui vivra jusqu'en 2100, les changements qui surviendront dans sa vie. Cet enfant comprendra ainsi que son histoire différera de celle de ses parents et se trouvera dans les meilleures dispositions pour faire face à son existence. Hier, je suis intervenu dans une classe de cinquième à Cholet pour évoquer ces sujets : il faut réapprendre à parler aux gens, et cette tâche nous est commune.

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Pierre Radanne, président de l'association 4D

L'Accord politique a été obtenu et vivra quinze ans ; il nous reste à écrire les petites lignes du contrat, et on reprendra le travail en mai à Bonn. Transformer l'Accord en récit et y intégrer les transformations à l'oeuvre en Afrique, notamment dans les dynamiques urbaines, constitue notre travail principal en ce moment.

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Monsieur Pierre Radanne, nous vous remercions très chaleureusement d'avoir accepté notre invitation et d'avoir participé à cet échange. Vous n'êtes pas optimiste, mais enthousiaste, comme chacun a pu le constater aujourd'hui.

J'ai lu récemment un livre très intéressant de M. Hubert Védrine, dans lequel l'ancien ministre des affaires étrangères affirme que la prise en compte des enjeux environnementaux dans le monde permettra de bâtir une véritable gouvernance mondiale. Les propos que vous avez tenus devant notre Commission vont tout à fait dans ce sens.

Informations relatives à la commission

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Le Gouvernement envisage de déposer prochainement le projet de loi autorisant la ratification de l'Accord de Paris, obtenu en décembre 2015 à l'issue de la 21e conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP21). Le texte a été envoyé à la Commission des affaires étrangères pour son examen au fond, mais je vous propose que notre Commission s'en saisisse pour avis et que je le rapporte.

La Commission procède à cette nomination.

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 27 avril 2016 à 9 h 45

Présents. - Mme Sylviane Alaux, M. Yves Albarello, M. Guy Bailliart, Mme Catherine Beaubatie, M. Sylvain Berrios, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, Mme Sabine Buis, M. Alain Calmette, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Luc Chatel, M. Guillaume Chevrollier, Mme Karine Daniel, Mme Florence Delaunay, M. Julien Dive, M. David Douillet, Mme Françoise Dubois, M. Philippe Duron, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Marc Fournel, M.Alain Gest, M. Charles-Ange Ginesy, M. Michel Heinrich, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, M. Alain Leboeuf, M. Arnaud Leroy, M. Michel Lesage, Mme Marie Le Vern, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Philippe Martin, M. Gérard Menuel, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Philippe Plisson, Mme Catherine Quéré, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard, M. Pascal Thévenot, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - M. Julien Aubert, M. Serge Bardy, M. Jacques Alain Bénisti, Mme Chantal Berthelot, M. Vincent Burroni, M. Jean-Jacques Cottel, M. Stéphane Demilly, Mme Geneviève Gaillard, M. Christian Jacob, M. Jacques Kossowski, M. Franck Marlin, M. Yves Nicolin, M. Napole Polutélé, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Gabriel Serville

Assistaient également à la réunion. - M. Patrice Carvalho, M. Dino Cinieri