COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER LE PROJET DE LOI « ÉGALITÉ ET CITOYENNETÉ »
Mercredi 1er juin 2016
La séance est ouverte à dix heures trente-cinq.
(Présidence de Mme Annick Lepetit, présidente de la Commission spéciale)
La Commission spéciale procède à une table ronde sur le thème du logement, avec la participation de : Mme Géraldine Chalencon, directrice générale de l'Agence nationale pour l'information sur le logement (ANIL), M. Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, et M. Jean-Paul Lebas, président de l'Association nationale des compagnons bâtisseurs.
Nous poursuivons notre série de tables rondes. Après nous être penchés sur la question de l'engagement de la jeunesse et celle de la politique de la ville, et avoir entendu le Défenseur des droits, nous traiterons aujourd'hui du logement et de la mixité sociale.
Mme Géraldine Chalencon, directrice générale de l'Agence nationale pour l'information sur le logement (ANIL), pourra nous faire part de l'état de la mixité sociale au sein des copropriétés privées et dans les quartiers prioritaires, puisque l'Agence dispose d'un réseau d'agences départementales (ADIL) qui fournit des informations, de la documentation et des conseils sur toutes les questions juridiques concernant le logement.
M. Christophe Robert est délégué général de la Fondation Abbé Pierre qui considère le logement comme « un facteur majeur dans l'approfondissement des inégalités, au coeur du processus de décrochage des couches populaires ». La fondation partage l'objectif d'amélioration de la mixité sociale attaché au volet logement du projet de loi « Égalité et citoyenneté », tout en précisant que « les ménages pauvres ne doivent pas faire les frais de la politique de mixité sociale », estimant qu' « il convient de dépasser les contradictions entre mixité et droit au logement ». Un chapitre entier est d'ailleurs consacré à cette question dans son dernier rapport.
M. Jean-Paul Lebas est président de l'Association nationale des compagnons bâtisseurs. Cette association a pour ambition d'associer activement les habitants concernés aux chantiers d'auto-construction et d'auto-rénovation de leurs logements. Ses animateurs transmettent non seulement des techniques, mais aussi des valeurs d'entraide et de solidarité. À partir de son expérience très concrète, M. Lebas nous dira comment il est possible, selon lui, d'améliorer l'égalité d'accès au logement et de favoriser la mixité sociale.
L'Agence nationale pour l'information sur le logement anime le réseau des agences départementales pour l'information sur le logement, dont la mission est l'information et le conseil personnalisé auprès des ménages sur toutes les questions liées au logement. L'ANIL est un organisme neutre et partenarial ; la plupart des acteurs du logement, ainsi que ceux qui y concourent, sont associés à la gouvernance des agences départementales. Le réseau des ADIL est présent dans soixante-dix-neuf départements et réalise environ 840 000 consultations par an. Par le biais de ces consultations, nous avons un contact privilégié avec le terrain, et nous tenons ainsi un rôle d'observatoire des pratiques et des marchés susceptible d'alimenter la réflexion des acteurs et d'apporter une compétence à nos partenaires.
Afin de compléter les éléments d'ores et déjà à votre disposition, j'orienterai mon propos vers des sujets intéressant le parc privé, qui tient une place importante dans le domaine de la mixité sociale, et dont les atouts comme les difficultés sont peut-être moins perceptibles et moins connus que ceux du parc social.
Le parc privé, qu'il soit locatif ou occupé par des propriétaires, participe à la mixité sociale dans l'acception générale de ce terme. La mixité des statuts d'occupation peut d'ailleurs constituer l'un des critères d'évaluation de la mixité dans les quartiers.
Ainsi, selon l'enquête nationale « Logement 2013 » diligentée par l'INSEE, qui constitue une mine d'informations, le taux de chômage en zone urbaine sensible (ZUS) est de 15,4 % chez les locataires du parc privé et de 12,4 % chez les propriétaires occupants, alors qu'il est de 22,4 % chez les locataires du parc social. En termes de ressources, le niveau de vie médian en ZUS est de 1 203 euros pour les locataires du parc privé, 1 043 euros pour les locataires du parc social et de 1 875 euros pour les propriétaires. Toutefois, il est important de relever que le niveau de vie du premier quartile – c'est-à-dire le niveau de ressources en deçà duquel se situent 25 % des ménages – est identique pour les parcs locatifs privé et social, se situant aux alentours de 700 euros. Cela révèle aussi l'existence d'un parc privé très paupérisé en ZUS, très souvent corrélé avec des problèmes de qualité de l'habitat.
La prise en compte des enjeux spécifiques du parc privé par les acteurs publics est de plus en plus importante. C'est d'ailleurs l'une des missions dont est investi le Forum de l'habitat privé, dont votre collègue Nathalie Appéré est la présidente. Cependant, du fait de la faiblesse des données disponibles, les politiques qui le concernent souffrent d'un réel handicap.
Cette difficulté ne concerne pas le parc social, pour lequel on dispose de données aussi bien sur les logements que sur les occupants et sur la demande, même s'il reste toujours des points à améliorer. Le projet de loi comporte d'ailleurs des dispositions en ce sens. Des outils performants ont été développés au cours des dernières années, qui permettent de disposer de données territorialisées, mais aussi de les mettre plus largement à disposition. Ils jouent un rôle important pour améliorer la connaissance ainsi que la transparence de l'action publique. Je pense, par exemple, au système national d'enregistrement de la demande (SNE) ou au répertoire sur le parc locatif social (RPLS).
S'agissant du parc privé, les données sont parcellaires et très peu territorialisées. Or, en la matière, la territorialisation est fondamentale, car les questions qui se posent sont très différentes d'un territoire à l'autre.
Le développement des observatoires locaux des loyers du parc privé est en cours. L'animation du réseau est assurée par l'ANIL, ainsi que le traitement des données qui est en partie réalisé avec l'Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne (OLAP). Les données produites seront utiles aux bailleurs sociaux et au monde du logement social afin de mieux calibrer et positionner leur offre. Elles permettront aussi de mieux calibrer les politiques publiques portant sur les différents segments allant de l'investissement locatif au conventionnement dans le parc privé. .
Les travaux des observatoires commencent déjà à être utilisés à titre expérimental afin de mieux fixer les plafonds dans le cadre du conventionnement de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), qui constitue un outil important au service de la mixité sociale, car il favorise une offre à loyers bas ou à coûts maîtrisés dans des quartiers plus favorisés, et cela de manière assez rapide.
Son couplage avec l'intermédiation locative, sous forme de mandat de gestion, de location ou sous-location, en fonction des besoins des ménages et des réalités des territoires, favorise la contribution du conventionnement ANAH à cet objectif de mixité sociale. L'inscription de ces logements dans le cadre de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) a débuté avec l'article 34 de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite ALUR. Le projet de loi « Égalité et citoyenneté » poursuit cette logique, ce qui traduit bien la prise en compte progressive du parc privé dans les politiques en faveur de la mixité sociale.
L'accession sociale dans les quartiers en difficulté constitue également un levier d'action pour la mixité sociale. Le travail mené par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) en la matière porte ses fruits dans un certain nombre de quartiers, de même que le développement d'opérations mixtes et du prêt social location-accession (PSLA). L'accession sociale peut aider les ménages attachés à leur quartier à y rester en accédant à la propriété, mais aussi à faire venir de nouveaux ménages.
Si le parc privé peut être facteur de mixité sociale, il peut aussi devenir source de problèmes particuliers, tels ceux que présentent les grands ensembles de copropriétés en difficulté des années 1970. Ces difficultés, qui font l'objet de nombre de politiques publiques, ne sont pas propres à ces seules grandes copropriétés. Pour les petites copropriétés dans des centres anciens marqués par un niveau de pauvreté important et qui n'ont plus de gouvernance, les moyens d'action sont différents. Les derniers chiffres du ministère de la justice montrent que les contentieux en paiement des charges formés devant les juridictions du premier degré ont connu en dix ans une hausse de 38 %, pour atteindre près de 30 000 procédures en 2014. On voit là que le sujet des copropriétés et de leur gestion nécessite des réponses en termes d'information, de prévention et d'action.
C'est pourquoi, en matière d'accession, il nous paraît important d'agir le plus en amont possible et de sensibiliser les futurs accédants à ce qu'implique le fait d'être copropriétaire. Dans ce domaine, on constate une prise de conscience importante de la part des collectivités locales, comme des promoteurs, qui conduisent des actions de sensibilisation auprès des futurs accédants. Les ADIL participent à des réunions destinées à ces derniers et s'attachent, dans le cadre du conseil personnalisé, à appeler l'attention des intéressés sur les enjeux juridiques et financiers du fonctionnement d'une copropriété. Certaines collectivités couplent également leurs aides à l'accession avec un passage par l'ADIL afin de s'assurer que le ménage a bien été sensibilisé à l'ensemble de ces questions.
La Fondation Abbé Pierre fonctionne grâce à la générosité publique ; son objet premier est l'aide aux mal-logés qui constitue l'essentiel de son activité à l'échelle nationale comme à celle des territoires. Elle développe sa connaissance des phénomènes de mal-logement, afin d'être à la fois force d'interpellation et de proposition. Les rapports annuels que nous publions couvrent les échelons national et régional afin de mieux qualifier les phénomènes du mal-logement dans notre pays.
La partie du projet de loi consacrée au logement se présente dans un contexte de crise très tendue : si l'on ajoute aux 3,8 millions de mal-logés ceux qui éprouvent des difficultés de logement, qui peinent à assumer un taux d'effort trop élevé, à être mobiles dans leur parcours résidentiel ou qui connaissent des fragilités pénalisant leur quotidien, ce sont 12 millions de personnes qui souffrent du logement. Cela fait beaucoup ! Les principales sources d'inquiétude sont le manque de logements et la cherté des coûts qui s'y rattachent, tant dans le domaine de l'accession à la propriété que du logement locatif.
S'ajoutent à cela la ségrégation territoriale et la spécialisation spatiale qui font qu'une partie de la population ne peut pas choisir son lieu de résidence à proximité de son lieu de travail. C'est une difficulté que l'on rencontre surtout en France, qui est liée aux pratiques urbanistiques dans notre pays : l'implantation du logement le moins cher en périphérie a pour effet de concentrer les populations exclues du marché du logement dans certains quartiers ou, pour l'Île-de-France, dans certains départements. En zone urbaine sensible, un enfant sur deux est pauvre, les taux de chômage peuvent atteindre 40 %. Il s'agit donc d'un enjeu majeur pour la cohésion sociale et l'équilibre d'ensemble de la nation.
Ce projet de loi post-attentats, parti d'une bonne intention, a su évoluer de façon satisfaisante. Au moment de sa présentation, le Premier ministre avait considéré qu'il fallait interdire de reloger les ménages modestes dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). La proposition pouvait sembler séduisante, sauf qu'elle risquait de conduire à allonger la file d'attente des mal-logés en fermant le parc le plus accessible aux catégories modestes, donc d'opposer mixité sociale et droit au logement.
Le recadrage opéré, en visant plutôt la capacité à accueillir des populations modestes dans des territoires autres que populaires, va dans le bon sens. De même, les évolutions de la gouvernance territoriale en matière d'attribution des logements sociaux, telle la récupération du contingent communal par le préfet lorsqu'il y a carence dans l'application de la loi SRU, seront utiles pour mettre un terme aux dérives observées. Faire évoluer les loyers afin de mieux prendre en compte les besoins des ménages défavorisés constitue aussi une action positive, et renforcer la loi SRU, seize ans après son entrée en vigueur au mois de décembre 2000, constituait une impérieuse nécessité.
Si nous soutenons dans l'esprit l'objectif, parfois critiqué, de produire des logements plus adaptés aux catégories modestes hors des quartiers populaires, nous considérons que le texte procède plutôt d'améliorations techniques des dispositifs existants. Son ambition est relativement limitée : il n'agit que sur les flux et ne se préoccupe pas assez de la situation des quartiers populaires au regard de l'école, des transports ou de la santé pour en faire des lieux de promotion sociale.
Quand bien même il ne s'agit que d'un projet de loi, le texte reste muet sur les moyens à déployer pour atteindre les objectifs. Il permet ainsi de faire évoluer les loyers au sein du grand ensemble que constitue le logement social, tout en le laissant se débrouiller pour maintenir l'équilibre : une baisse dans les quartiers où ils sont trop élevés sera contrebalancée par une hausse ailleurs. Cela est bien beau, mais les bailleurs sociaux se demandent où et comment augmenter ces loyers. Il faudra aussi simultanément penser l'injection de moyens pour faire baisser les loyers concernés – outre le rachat de logements de type PLS à transformer en logements de type PLAI, bien d'autres formes de mise à niveau des loyers pourraient être proposées pour lutter contre les phénomènes de spécialisation spatiale. Dans la mesure où l'on fonctionne avec des outils et des moyens constants, les ambitions demeurent nécessairement limitées.
Pour entrer dans le détail, le texte encourage la cotation pour l'attribution des logements. C'est une très bonne chose, mais pourquoi ne pas imposer une obligation assortie d'un délai de cinq ans, par exemple ?
Pourquoi rester au milieu du gué et ne pas rendre obligatoires les conférences intercommunales du logement ? Sans presser les choses à l'excès, car il convient de rester pragmatique, pourquoi attendre pour privilégier une logique d'intervention dans le domaine de l'habitat à l'échelon des intercommunalités et des métropoles ?
Jusqu'à un passé récent, Action Logement devait consacrer 25 % de ses attributions au relogement des ménages relevant du droit au logement opposable (DALO). La négociation récente avec le Gouvernement a revu cet objectif à la baisse ; nous souhaitons qu'il soit rétabli à son niveau initial.
La loi SRU fait l'objet de nombreux ajustements positifs, mais la catégorisation des logements produits pour les communes n'ayant pas encore atteint leurs objectifs nous pose problème. Il faut davantage limiter le nombre de logements de type PLS, par exemple en n'en autorisant pas plus que le taux constaté de logement social dans la commune concernée. En cas de carence, nous penchons pour pas de PLS du tout. Ce type de logements ne peut pas constituer une réponse aux demandeurs de logements sociaux, encore moins à ceux des plus modestes. Les ménages visés par le PLS représentent 5 % de la liste de 1,8 million de demandeurs. Tant mieux pour ceux qui ont pu recourir au PLS pour appliquer la loi, mais ce ne peut être qu'une troisième lame du rasoir.
Je partage pleinement l'analyse de l'ANIL : on ne s'en sortira pas en recourant uniquement au logement locatif social ; il faut donc mobiliser beaucoup plus le parc privé à des fins sociales. À titre d'encouragement, dans le cadre de l'intermédiation locative, le mandat de gestion pourrait être comptabilisé dans la réduction des pénalités ; le conventionnement ANAH social et très social pourrait être intégré dans la déduction des prélèvements. On pourrait aussi appliquer la substitution du préfet prévue par la loi ALUR au parc privé en location et sous location, mais aussi au mandat de gestion, qui constitue une offre de logement durable. On pourrait peut-être même aller plus loin en prévoyant que les plans départementaux d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées fixent aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) des objectifs de mobilisation du parc privé, qu'ils auraient à répartir en fonction du taux de logement social constaté.
Une des difficultés d'application de la loi SRU est que les préfets, parce qu'ils entretiennent des relations étroites avec les maires, ont du mal à établir des constats de carence et à imposer des taux de majoration allant jusqu'à cinq. Pourquoi ne pas confier la substitution et l'établissement des contrats de carence aux préfets de région ? Cela mettrait un peu plus de distance vis-à-vis de certains mauvais élèves qu'il faut impérativement faire rentrer dans le rang.
Dans le temps qui m'est imparti, je ne pourrai pas me féliciter de toutes les mesures figurant dans ce projet de loi que nous approuvons. Je me bornerai donc à mentionner ce qui, à mes yeux, appelle la critique.
Selon le rapport du Conseil d'État de 2009 intitulé Droit au logement, droit du logement, les politiques publiques nationales ou locales, limitées à une approche technicienne, économique et financière du logement, « ne se sont jamais hissées au niveau d'une politique de l'habitat et n'abordent pas la question des interactions entre le logement et son environnement urbain ou entre ses occupants et leur voisinage ». Malheureusement, le titre II du projet de loi ne dément pas cette affirmation. L'injonction de mixité sociale et d'égalité des chances qui en constitue l'essentiel semble ignorer ce qui fait la vie quotidienne des habitants et, finalement, ce qui leur permettrait d'exercer une citoyenneté concrète. Je note, d'ailleurs, l'absence de toute référence à la citoyenneté.
Aujourd'hui, la mixité sociale fait l'objet d'un consensus politique mou dans la plupart des pays européens : constitue-t-elle le seul objectif à assigner à une politique publique de l'habitat ? Nous, Compagnons bâtisseurs, considérons qu'une autre ambition devrait animer ce projet de loi : le renforcement de la capacité d'agir des habitants eux-mêmes.
Pour être quotidiennement aux côtés des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville, nous pensons que leur premier souci n'est pas forcément la mixité sociale : trouver un travail stable, assurer un avenir à leurs enfants, vivre dans un environnement décent, telles sont leurs préoccupations majeures. Malheureusement, la précarité et l'enfermement, qui est le lot de bien de ces habitants, ont pour résultat d'affaiblir leur capacité d'agir et de leur faire perdre confiance en eux. Beaucoup d'entre eux finissent par abandonner la recherche d'emploi, leur désir de formation, le suivi de la scolarité de leurs enfants et l'entretien de leur logement.
Restaurer la confiance en soi afin de revivifier la capacité d'action des habitants, tel est l'objectif que se sont assigné beaucoup d'associations travaillant dans les quartiers fragilisés. Les Compagnons bâtisseurs le poursuivent eux aussi en développant, depuis quelques décennies, des activités d'auto-réhabilitation accompagnée (ARA) ou d'auto-construction accompagnée, malgré l'absence d'une politique publique claire dans ce domaine.
Sur un chantier d'auto-réhabilitation accompagnée, l'habitant, qu'il soit locataire ou propriétaire occupant, n'est plus un assisté ; il dirige son propre projet d'embellissement ou de réparation de son logement accompagné d'un professionnel du bâtiment, qui est salarié de l'une de nos associations, de deux jeunes volontaires du service civique et de bénévoles, qui sont le plus souvent les voisins de l'intéressé. C'est ce que j'appelle le quatuor magique, riche de sa diversité et de la convivialité qui s'installe très rapidement entre les intervenants.
Au démarrage du chantier, l'habitant est souvent convaincu qu'il n'est pas capable de faire ; à la fin, après l'apprentissage des gestes techniques, c'est-à-dire du savoir-faire, mais aussi celui des relations avec les autres – le savoir-être –, l'habitant a retrouvé une bonne part de la capacité d'agir dont tout être humain dispose au départ. Il a aussi retrouvé le sens de la citoyenneté, grâce à la communication rétablie avec son entourage, et le plaisir d'habiter dans un voisinage convivial, et pas seulement celui de vivre dans un logement rénové et décent.
En France, une petite centaine de collectivités locales a pris conscience de l'impact social important que peut avoir un atelier de quartier d'auto-réhabilitation accompagnée. Les choses sont plus difficiles à l'échelon national. À l'automne 2013, Mme Cécile Duflot avait lancé une concertation nationale sur l'auto-réhabilitation accompagnée. Le rapport du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) issu de cette initiative, dit rapport Berrier, a été remis en juillet 2014 à Mme Pinel. Il n'a malheureusement été suivi d'aucun effet, à l'exception d'une expérimentation conduite par l'ANAH, prévue au cours de l'année 2016, et concernant les propriétaires occupants.
Depuis, malgré les efforts faits par le ministre de la ville et le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), aucune des treize autres propositions du rapport Berrier n'a été mise en oeuvre.
Nous considérons que les efforts menés par la collectivité nationale pour améliorer le sort des habitants ne doivent pas se limiter à des investissements matériels. La rénovation urbaine des quartiers les plus fragilisés devrait, au contraire, valoriser ces investissements par des actions d'accompagnement qui changeraient positivement le quotidien des habitants en développant leur propre capacité d'agir et de faire ensemble. Nous proposons donc que, pour toutes les actions de rénovation entreprises dans ces quartiers, une fraction des budgets d'investissement et de fonctionnement soit consacrée au renforcement de la capacité d'agir individuelle et collective des habitants. La France est riche d'une vie associative très active et l'intervention directe des habitants sur leur propre logement et sur leur propre consommation peut faire l'objet d'actions collectives qui iraient dans ce sens. Ce type de démarche nous semble tout à fait de nature à faire renaître la citoyenneté et le plaisir du vivre-ensemble.
Cette proposition devrait, selon nous, se traduire par un sixième chapitre dans le titre II du projet de loi, et nous sommes prêts à y travailler avec vous.
Effectivement, les questions de logement sont souvent très techniques ; ce qui importe, c'est qu'elles trouvent des réalisations concrètes qui changent la donne dans nos territoires.
Cette partie du projet de loi relève plutôt de l'ajustement que du « grand soir » du logement social. Depuis quatre ans, nous avons légiféré à plusieurs reprises en la matière : foncier public, lois ALUR, SRU, programmation pour la ville et la cohésion urbaine. Fort des enseignements de ces nouveaux dispositifs législatifs qui ont fait leur chemin, à partir des orientations données par le Premier ministre, le Gouvernement a considéré qu'il était nécessaire de procéder à des ajustements, notamment en matière d'attribution, de ce qui concerne les flux. Le stock est aujourd'hui traité par les opérations de rénovation urbaine tandis que les questions d'éducation et de transports sont dévolues aux contrats de ville ; il n'était donc pas question de réinventer ce qui existe déjà, mais d'apporter des ajustements là où cela est nécessaire. La loi ALUR a très clairement confié la gouvernance des politiques de l'habitat aux EPCI – le Grand Paris étant à part –, à la fois en matière de développement de l'offre et de la réhabilitation, mais aussi, désormais, de politique de peuplement, qui est au coeur de ce titre II.
Je n'ai pas de désaccords particuliers avec les propos tenus par nos interlocuteurs : nous avons, en effet, avec ce texte, une bonne base qu'il s'agit de parfaire pour éviter des effets pervers.
Le sujet n'a pas été évoqué, mais il me semble que travailler sur les seuls flux, ces 25 % logés hors des QPV, risque, si l'on pousse la logique à son terme, de créer de nouveaux QPV. Avez-vous des propositions à formuler pour l'éviter ?
Certaines dispositions figurent dans le texte parce que des préfets n'accomplissent pas toujours le travail qui leur revient. Je nourris à ce sujet quelques inquiétudes, car durcir la loi pénaliserait ceux qui sont vertueux. Il me semble que nous devrions trouver un autre moyen de remédier à la situation qui trouve son origine dans la trop grande proximité de certains représentants de l'État avec les maires. Comme vous l'avez évoqué, M. Robert, le recours aux préfets de région pourrait constituer la garantie d'une meilleure efficacité.
La mobilisation du parc privé est indispensable. Aussi, dans le cadre de l'examen de ce projet de loi, devrons-nous adopter des mesures propres à engager davantage d'intermédiation locative et de mandats de gestion.
Enfin, il me semble que l'un des grands absents du projet de loi est la démocratie locative, évoquée par M. Lebas. Outre les conseils citoyens, qui mériteraient peut-être quelques améliorations, il conviendrait de donner davantage de moyens à ceux qui font vivre la démocratie dans l'ensemble des bailleurs sociaux.
Je souhaite apporter un témoignage contrastant avec les propos tenus par nos invités, car il serait bon que le texte présenté prenne en compte une réalité : la France n'est pas uniforme. Madame la présidente, vous êtes élue de la grande ville qu'est Paris ; pour ma part, je le suis d'une ville plus petite qui se nomme Roanne et compte 38 000 habitants. La loi SRU ne devrait pas s'appliquer de la même façon à l'une et à l'autre, mais c'est pourtant le cas.
En 1975, la ville de Roanne comptait 55 000 habitants ; aujourd'hui, elle en compte 36 000, et avec un taux de 30 %, nous avons trop de logements sociaux. Des villes plus petites, de 10 000 habitants, sont venues se greffer alors qu'elles n'avaient pas rempli leurs obligations SRU. À chaque fois que le préfet demande à ces communes de remplir leur quota, cela a pour effet de retirer des bénéficiaires de logements sociaux de ma ville, et je suis dans l'obligation de démolir les habitations devenues inutiles.
J'apprécierais donc, et cela n'est pas incompatible avec ce que vous avez dit, madame la présidente, qu'un amendement permette à tout le moins de conduire une gestion à l'échelon intercommunal. Je préside une communauté d'agglomération comptant 100 000 habitants et 40 communes, dont un faible nombre compte plus de 5 000 habitants et doit satisfaire à des taux de logements sociaux légalisés. Il conviendrait de donner aux préfets la capacité d'adapter la réglementation aux territoires. M. Robert a évoqué des préfets ne prenant pas assez de constats de carence : cela est heureux ! Dans mon agglomération, les deux communes de Riorges et de Villerest comptent respectivement 10 000 et 5 000 habitants : si elles venaient à remplir leurs obligations en termes de logements sociaux, elles désorganiseraient ceux de Roanne. Qui plus est, nous avons, d'un côté, un schéma de cohérence territoriale (SCOT) qui interdit de construire davantage de logements, et, d'un autre côté, un préfet qui oblige à construire des logements sociaux : c'est la quadrature du cercle !
Je souhaiterais que vous preniez en considération que la France n'est pas Paris et ne se résume pas aux grandes villes. Il existe d'autres territoires dont les problématiques de logement sont différentes et qui tentent de traiter les problèmes de pauvreté autrement.
En revanche, je partage vos vues au sujet de l'implication du parc privé : dans ma ville, 4 000 logements sont vides, dont la moitié est insalubre. Je suis mille fois d'accord pour remettre sur le marché des logements du parc privé, y compris en les transformant en logements sociaux, mais avec quels moyens ? Mon intercommunalité va consacrer 3 millions d'euros à aider des propriétaires à remettre sur le marché, après travaux, des logements totalement inadaptés, véritables passoires énergétiques parfois au bord de l'écroulement. Mais de son côté, l'État ne me donne pas grand-chose pour lutter contre l'insalubrité.
Je m'en suis ouvert à la ministre ainsi qu'à beaucoup d'autres personnes : tous reconnaissent la justesse de mes propos, mais tous persistent à me dire que mes deux communes devront atteindre le taux de logements sociaux prescrit : nous allons dans le mur ! Il est indispensable de prévoir des possibilités de dérogation préfectorale, sur la base d'un bilan global du nombre de logements disponibles sur l'ensemble d'un territoire et non pas seulement sur une seule ville de plus de 5 000 habitants.
Comment parvenir à un juste équilibre entre la territorialisation des politiques de logement, les contraintes nationales, et, le cas échéant, la substitution lorsque les territoires sont peu vertueux ? On voit bien qu'il s'agit d'un sujet sur lequel on oscille ; d'ailleurs, le projet de loi lui-même comporte des dispositions parfois contradictoires qu'il faudra sans doute retravailler. Je considère, pour ma part, qu'il faudra favoriser le plus possible la capacité de contractualisation des territoires afin de tenir compte des spécificités locales tout en veillant à les inscrire dans des enjeux nationaux de mixité sociale.
J'aimerais connaître le point de vue de nos invités : le texte est-il en retrait au regard de la montée en charge des EPCI dans les politiques de logement telle qu'elle émergeait de la loi ALUR ? Est-il en retrait en matière de pouvoir des préfets et de substitution de l'État ?
La présidente de l'ANAH que je suis est convaincue que le parc privé, en fonction des particularismes locaux, doit tenir une place primordiale dans la mixité et l'accessibilité du logement. Vous avez cité le conventionnement avec ou sans travaux ou le recours accru à l'intermédiation locative. Outre les crédits de l'ANAH, destinés à couvrir 70 000 logements en 2016 et 100 000 en 2017, d'autres outils existent-ils dont vous pensez qu'ils devraient être davantage mobilisés aujourd'hui pour favoriser l'accessibilité du parc privé ?
J'ai entendu Christophe Robert évoquer une possible harmonisation des loyers à l'échelon territorial : quel pourrait être le regard de la Fondation Abbé Pierre sur l'expérimentation consistant à unifier le niveau de loyer, en QPV et hors QPV, de sorte que le loyer ne soit plus un obstacle à une politique de mixité dans l'habitat ? Aujourd'hui, le loyer bas ne favorise pas l'attractivité des logements en QPV, puisque ce sont les logements enregistrant le plus fort taux de refus, même en zones tendues. Par contre, un niveau élevé de loyer hors QPV est susceptible d'exclure les ménages les plus modestes – au-delà des 25 % prévus par la loi. Comment, afin de ne pas créer de nouveaux QPV hors QPV, selon l'expression de Philippe Bies, recourir à des harmonisations plus lourdes que ce que prévoit le projet de loi aujourd'hui ?
La France n'est effectivement pas faite que de grandes villes et, en milieu rural, les passoires thermiques sont une réalité qu'il faut combattre. L'enjeu est bien en phase avec le projet de loi : nous devons garantir aux Français, partout sur le territoire, des conditions de vie les amenant à se sentir pleinement citoyens. Et l'accès à un logement décent constitue l'une de ces conditions.
Dans ma circonscription située en milieu rural, des bailleurs indélicats, pour ne pas dire des marchands de sommeil, viennent s'installer dans le coeur des petites villes bourgs-centres. Pour ceux qui ne se saisiraient pas des mesures incitatives existantes, des méthodes coercitives devraient leur être appliquées, singulièrement dans le cadre des pouvoirs de police du maire. Les règlements sanitaires départementaux permettent d'imposer la réalisation de travaux dans les logements en cas de constat d'indécence ou pour la mise en sécurité. Or ces bailleurs placent leurs locataires dans une sorte d'insécurité économique qui ne peut être avancée pour imposer des travaux d'amélioration de la performance du logement. Le diagnostic de performance énergétique (DPE) n'est, en effet, pas juridiquement opposable parce que les résultats sont susceptibles de varier d'un diagnostic à l'autre. Serait-il possible que le DPE soit encadré par la loi afin d'être incontestable, et donc opposable, ce qui permettrait de rendre obligatoires les travaux d'amélioration énergétique du logement ?
On constate que ces investisseurs privés ne réalisent pas d'investissements de performance énergétique dans la mesure où, ne payant pas les charges, ils ne bénéficient pas du retour sur investissement. Dès lors, pourquoi ne pas coupler les charges fixes du logement et du loyer ? De fait, si la coercition est parfois nécessaire, elle ne dispense pas de recourir aussi à des méthodes incitatives.
En milieu urbain ou en milieu rural, le logement partagé répond souvent aux besoins de personnes isolées, qu'elles soient âgées, handicapées ou simplement à la recherche d'une présence, et qui la plupart du temps ne disposent que de faibles moyens financiers. Le logement partagé permet, par ailleurs, à des jeunes gens de se loger à moindre coût.
Cela nécessite un contrat, au moins moral ou tacite, passé entre les deux parties, et des associations très investies participent à ce partage en établissant un dialogue. Quelques promoteurs proposent des logements partagés, conçus de manière à réserver un espace à la personne qui accueille et une chambre à la personne accueillie. Des échanges peuvent avoir lieu dans une pièce commune, tout en préservant à chacun son autonomie ainsi que son intimité.
Ne vous paraît-il pas souhaitable que ces pratiques puissent être reconnues par le biais de conventions types protégeant les uns et les autres ?
On a certes besoin de différents types de logements sociaux (PLAI, PLS et PLUS), mais on a avant tout besoin de logements. Si l'on veut produire du logement et accueillir davantage de familles à faible revenu, il ne faut pas exclure les classes moyennes qui peuvent bénéficier d'un PLUS ou d'un PLS. Certains territoires comportent trop de logements sociaux du fait de leur désindustrialisation, mais, dans les grandes métropoles et en région parisienne, les familles disposant d'un revenu moyen rencontrent des difficultés pour se loger. Il convient de ne pas attendre qu'elles tombent dans la précarité pour s'occuper d'elles.
Des acteurs privés seraient enclins à investir dans le logement sans soutien de l'État, et il y aurait lieu de leur permettre d'entrer dans les dispositifs PLS et PLUS en intégrant ces opérations dans le contingent SRU. Cela permettrait de développer un système vertueux et non contraignant. Il est nécessaire de disposer de fonds pour créer du logement, et on ne peut pas tout attendre de l'État. Que pensez-vous de l'idée d'augmenter le parc du logement social en s'appuyant sur le privé ? Cela constituerait une réponse à la demande de logements dans les grandes agglomérations où les loyers sont tendus. On aiderait ainsi toutes les catégories éprouvant des difficultés à se loger, notamment les familles comprenant des parents isolés. Les maires et les préfets ne pourront pas répondre à toutes les situations particulières dans ce domaine, puisque seuls quelques logements se libèrent chaque année. Il s'avère donc nécessaire d'augmenter le contingent global de logements pour l'ensemble de ces catégories de personnes. Il est plus facile d'aider les gens avant qu'ils ne tombent dans une situation profondément détériorée.
Ce texte se révèle technique et l'automaticité des dispositions en matière de carence et d'utilisation des outils par les préfets gomme les particularités des situations locales. Il fait l'impasse sur la dimension contractuelle de la politique du logement au niveau territorial. Des contrats de mixité sociale sont signés avec l'État dans des villes carencées, comme à Saint-Maur-des-Fossés, et donnent de bons résultats. Cette contractualisation permet aux préfets d'apprécier le caractère volontaire ou non des collectivités carencées – certaines sont de bons élèves, mais doivent assumer le poids de l'histoire de leur territoire – et présente la vertu d'accompagner les uns et les autres. Le caractère automatique des mesures du projet de loi incitera les acteurs à suspendre leur engagement et à attendre leur déclenchement.
Les chiffres avancés par M. Christophe Robert sur le nombre de personnes très mal logées ou en attente d'un logement m'ont interpellé, puisqu'ils montrent qu'un quart de la population aurait besoin d'un logement. Face à cette situation, il y a lieu de dégager des priorités, ce que le texte ne fait pas assez. Les personnes très fragiles ont besoin de l'intervention d'une collectivité ou de l'État pour accéder au logement, alors qu'une autre partie de la population, entravée dans son parcours résidentiel, espère une aide de nature différente. L'usufruit locatif social compte parmi les dispositifs utiles pour ces gens, mais les lois n'en font jamais état ; il permet pourtant à des populations d'accéder au logement dans des zones dites privilégiées, selon différents modes y compris celui de la défiscalisation.
Le projet de loi ne fait qu'effleurer le caractère intercommunal de la question du logement. En Île-de-France, les EPCI auront des compétences importantes en matière de logement, mais on continue d'adopter une logique ciblée sur des territoires plus petits. Il convient d'assumer le caractère désormais intercommunal de la politique du logement, qui pourrait enclencher des dynamiques et opérer des rééquilibrages particuliers.
Enfin, il importe de prendre davantage en compte les quartiers prioritaires : à Saint-Maur-des-Fossés, ville dite carencée, il existe un quartier prioritaire où les gens ne veulent plus aller, malgré les très importants fonds injectés dans l'amélioration de la qualité du bâti. On risque de créer de nouveaux QPV en ne traitant pas convenablement, à l'image de ce projet de loi, la question des quartiers prioritaires.
Les parlementaires éprouvent quelques difficultés à aborder le sujet du logement sous un autre angle que celui de leur circonscription, voire de la commune qu'ils gèrent, comme une loi qui vit ses derniers mois les y autorise. Néanmoins, élus de territoires différents et plus ou moins hétérogènes, nous connaissons des situations diverses qui rendent délicate l'élaboration de mesures générales s'appliquant sans la moindre différenciation dans l'ensemble du pays, comme la tradition française le commande.
L'échelle de mise en oeuvre de la règle des 25 % de logements sociaux est un débat récurrent. À l'Assemblée nationale, ce sont les mêmes qui s'étaient opposés au transfert à l'échelon intercommunal de la compétence urbanisme et logement qui souhaitent appliquer cette règle des 25 % à un territoire plus grand et plus lointain que celui de la commune. Quel est votre point de vue sur cette question ? Je suis, au contraire, partisan d'entendre la mixité sociale à une échelle plutôt resserrée et souhaiterais qu'on la mette parfois en oeuvre par quartier, voire par immeuble. C'est cette méthode qui permettrait de casser la logique des ghettos et de briser l'« apartheid social » dont a parlé le Premier ministre.
Que pensez-vous des surloyers ? La tentation de les augmenter revient régulièrement, mais elle porte comme effets pervers de réduire la mixité et de n'octroyer le logement social qu'à des personnes percevant de très faibles revenus. Cette demande est importante, et la loi DALO a modifié l'ordre de priorité dans les files d'attente. Or une attente trop longue entraîne un effet d'éviction pour les personnes aux revenus un peu moins faibles.
Le projet de loi visant à sortir les personnes des ghettos et à mieux répartir leur installation dans l'ensemble du pays, le seuil de 3 500 habitants pour que s'applique la règle des 25 % dans une commune reste-t-il opérationnel ? Ne faudrait-il pas l'abaisser ?
Le DPE manque de fiabilité, mais le principe de ne pas proposer de logements très consommateurs d'énergie à des personnes aux revenus modestes ne devrait-il pas trouver à s'appliquer d'une façon ou d'une autre ? Reste que, même disposant d'un logement performant, les personnes se trouvant dans des difficultés financières, culturelles et sociales ont parfois besoin d'être accompagnées pour mieux l'utiliser.
Les relations entre les locataires à faibles revenus et les bailleurs publics comme privés ont-elles évolué au fil des années ? Ont-ils plus de capacité à restituer un logement dans l'état où ils l'ont trouvé ? Dans les logements publics par exemple, ces publics ont-ils la capacité d'utiliser la prime de précarité énergétique pour faire des investissements ?
Enfin, quelle appréciation portez-vous sur l'utilisation des plus de 40 milliards d'euros consacrés à la politique du logement dans notre pays ?
Le logement est l'un des domaines où les postures politiques sont les plus marquées, et il serait opportun de sortir de cette situation. Je rappelle à nos camarades de gauche qu'ils s'étaient opposés à la création de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), demandée par Jean-Louis Borloo, alors que tout le monde soutient son action aujourd'hui.
Sortir de la polémique, il le faut notamment au sujet des villes carencées. Il faut arrêter de montrer du doigt les maires, qui, évidemment, souhaiteraient construire plus de logements sociaux, contrairement à ce que laisse croire le débat médiatique.
Le surloyer constitue une piste intéressante, mais il convient de le mettre en oeuvre de manière équilibrée : quelle est votre position sur ce sujet ?
On éprouve des difficultés à déployer l'acquisition sociale à la demande, qui pâtit aussi de nombreuses postures politiques, alors qu'elle représente un moyen pour les bailleurs sociaux et les locataires d'acquérir leur logement.
Monsieur Alauzet, il n'y a pas d'accompagnement social dans les petites communes, si bien qu'il leur serait difficile d'accueillir la population qui bénéficie du logement social.
Le logement locatif aidé remplit-il toujours sa vocation ? Faire évoluer le principe de son attribution est positif, mais l'intermédiation locative n'a jamais été un grand succès malgré les efforts consentis au cours de la dernière décennie. Il s'agit pourtant du meilleur moyen de fournir, par le biais du conventionnement avec les associations et les propriétaires privés, un nombre important de logements aux personnes les plus défavorisées.
Que pensez-vous du programme Comme à la maison (Calm), créé par une association, qui propose à des citoyens français d'accueillir bénévolement des réfugiés chez eux ? Ne pourrait-on pas imaginer une extension de cette initiative à des personnes défavorisées, avec un soutien de l'État qui pourrait s'inscrire dans l'important budget de l'hébergement d'urgence ? Cette aide de l'État est nécessaire, mais la société civile souhaite également s'investir dans ce domaine, et il convient de l'accompagner.
Les bailleurs sociaux ont un rôle majeur à jouer : le travail avait été effectué de manière intelligente et partenariale dans le cadre de l'ANRU, mais certaines difficultés, compréhensibles, sont apparues entre l'État et les bailleurs sociaux. On ne résoudra pas la crise du logement dans notre pays sans les bailleurs sociaux ni les maires.
Monsieur Robert, que pensez-vous du supplément de loyer de solidarité (SLS) dans les QPV et hors de ceux-ci ? Le SLS encourageant souvent les locataires à déménager, ne constitue-t-il pas un obstacle pour atteindre les objectifs de mixité sociale ? La révision des plafonds de revenu ne représenterait-elle pas une solution ?
Je suis maire d'une ville de 35 000 habitants et je préside un office public de l'habitat. Je partage la vision de la mixité sociale exposée par François de Rugy, mais disposons-nous de tous les outils pour la déployer ? J'ai mis en oeuvre des opérations de l'ANRU qui ont très bien fonctionné, mais à la volonté de développer la mixité sociale à l'échelle d'une agglomération s'oppose l'écrémage des politiques sociales menées dans les différentes communes de l'EPCI.
Prenons l'exemple d'une ville-centre qui applique le quotient familial au prix de la restauration scolaire et dont les communes voisines accueillent du logement social mais pratiquent un tarif uniforme de restauration scolaire. Une famille percevant le revenu de solidarité active (RSA) ne pourra pas vivre dans ces communes du fait du prix, entre autres, de la restauration scolaire. Elle restera dans la ville-centre qui concentrera donc la précarité, au détriment de la mixité sociale.
Depuis la promulgation de la loi SRU, certaines villes n'ont pas rempli les objectifs annoncés, se trouvent en situation de carence et n'ont toujours pas payé le moindre centime d'amende. Cette situation résulte de la proximité institutionnelle entre les préfets et les maires, qui doivent travailler ensemble dans de nombreux domaines touchant à la politique de la ville. Quelles pourraient être, demain, les compétences du préfet de région ?
Madame Chalençon, le texte comporte des dispositions relatives aux données devant être partagées entre les opérateurs. Quelles sont celles qui pourraient être partagées avec les citoyens ? Ces derniers pourraient-ils avoir accès en ligne aux vacances de logements ? On ne va pas localiser ces dernières, mais cet élément fait partie du débat, car une évaluation en temps réel serait importante.
J'ai rapporté la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation : l'action de groupe dans le domaine du logement doit passer certains filtres, dont l'obligation d'être intentée par une association agréée. Or, dans certains endroits, l'association de locataires rechigne à conduire cette action de groupe et il s'avère délicat de trouver une association implantée ailleurs qui accepte de venir dans un autre territoire. L'Autorité de la concurrence formulera bientôt quelques remarques à ce sujet. Quel est votre avis sur cette question ?
Le projet de loi ne vient pas de nulle part ; il s'inscrit dans le prolongement de la loi ALUR en la précisant, la renforçant et la complétant, notamment, dans le volet foncier, sur la stratégie de construction de logements sociaux. L'objectif est de rendre plus effective l'obligation fixée aux communes en situation de carence. Quel est votre point de vue sur la mixité fonctionnelle ? Est-il opportun de convier l'éducation nationale autour de la table ? On éprouve beaucoup de difficultés à conserver les enseignants dans les zones tendues lorsque le prix du logement est trop élevé ; cela accroît les inégalités scolaires et mine la mixité fonctionnelle. Quelles propositions pourrions-nous avancer dans ce domaine ? Il n'y a pas si longtemps, de nombreux enseignants vivaient dans du logement social, mais ils sont aujourd'hui de moins en moins nombreux à en bénéficier.
Nous aurons l'occasion de revenir par écrit sur deux autres sujets : la présence des jeunes, notamment ceux en formation, dans le logement social, et le rétablissement du 1 % associatif ou culturel, qui obligeait les bailleurs à réserver des locaux dans leurs programmes d'ensemble, et pas simplement à l'échelle de l'immeuble, pour des activités associatives et culturelles.
Aux yeux de la Fondation Abbé Pierre, la loi SRU et la politique locale de l'habitat sont distinctes. La loi SRU est très importante symboliquement, car elle met en lumière la nécessité de partager l'effort de solidarité à l'échelle d'un territoire. Pour autant, elle ne constitue pas l'alpha et l'oméga de la politique du logement, contrairement à ce que certains débats médiatiques ont pu laisser entendre. La loi SRU a fixé un taux, à partir de la moyenne de logements sociaux en 2000, qui n'a pas beaucoup de sens, mais qui rappelle que tout le monde doit participer à l'effort de solidarité. Certes, ce taux peut ne pas répondre aux besoins dans certaines collectivités locales. C'est pourquoi le projet de loi envisage la sortie de certaines villes du dispositif. On demande toutefois la réalisation d'une étude d'impact précise sur ce point.
Le cadre de la loi SRU a évolué, puisque les préfets peuvent désormais constater l'incapacité ou l'absence de besoin d'agir pour avoir 20 % ou 25 % de logements sociaux, et remonter ces cas à la Commission nationale de l'article 55 pour que celle-ci statue définitivement. De même, le projet de loi prend déjà en compte les éventuelles baisses démographiques dans les communes, les difficultés financières ou les impossibilités liées à la localisation en zone inondable ou à flanc de montagne pour moduler l'application de la loi SRU. Nous demandons d'ailleurs le renforcement de la Commission nationale de l'article 55, qui a à connaître de ces dossiers.
Pour ce qui est de la politique d'ensemble, nous soutenons la logique de contractualisation défendue par plusieurs d'entre vous. Si toutes les intercommunalités étaient aujourd'hui en état d'agir politiquement, il n'y aurait pas de problème pour leur lâcher davantage la bride. Or ce n'est pas le cas, et beaucoup de territoires ne sont pas équipés pour lutter contre l'habitat indigne, pour conseiller, pour avoir une bonne visibilité des marchés locaux du logement, pour déployer les bons outils en matière de rénovation urbaine et pour intégrer la politique du logement des personnes défavorisées. Dans certains endroits, la contractualisation se mettrait en place avec succès : l'État donnerait l'impulsion puis laisserait agir les acteurs locaux ; mais on ne peut pas adopter cette démarche dans l'état actuel de la politique du logement telle qu'elle est mise en oeuvre dans notre pays. Les choses évoluent cependant et le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) s'inscrit dans cette logique. Nous souhaitons également que le projet de loi rende les conférences intercommunales du logement obligatoires.
Nous sommes extrêmement favorables à ce que des expérimentations soient conduites, car la baisse des loyers dans le logement social prévue par la loi ne se fera pas sans compensations financières ou sans laisser aux acteurs la possibilité de diminuer les loyers au regard de la réalité du peuplement dans leur territoire.
Je ne crains pas que l'on crée de nouveaux QPV, car la loi est très modérée et n'aura qu'un impact limité. Elle a le mérite de découpler le financement initial du logement social et la possibilité de faire varier les loyers. Cette évolution est très positive, mais on n'intervient que sur les flux, sans tenir compte du peuplement actuel, si bien que le même effort reposera sur tous les bailleurs sociaux, que la population à revenus modestes soit nombreuse ou non. Si des collectivités locales, des intercommunalités, des métropoles bien équipées, connaissant bien leur population et s'engageant avec les maires et les bailleurs sociaux, sont capables d'intervenir pour améliorer l'accessibilité de tous, y compris les plus défavorisés, au parc social, nous devons les encourager.
S'agissant de la mobilisation du parc privé, on arrive agréablement à un consensus, et nous nous réjouissons d'entendre, à droite comme à gauche, la volonté de recourir à la ressource du logement privé. La ministre du logement a confié une mission à la fFondation Abbé Pierre sur la façon de mobiliser davantage de logements privés à vocation sociale ; nous rendrons nos premières conclusions à la fin du mois de juin et le rapport définitif au mois de septembre. Nous consultons les agences immobilières, les associations d'insertion par le logement et les collectivités pour voir comment développer l'offre de logements à loyer accessible, capter les logements vacants en zone rurale et améliorer la qualité du logement grâce à des aides importantes. Il serait opportun d'utiliser ce projet de loi pour enclencher cette dynamique. Celle-ci nécessite que l'on y consacre des moyens suffisants, faute de quoi on ne pourra pas faire plus de logements sociaux moins chers, ni mobiliser davantage le parc privé à vocation sociale, ni non plus aider les propriétaires qui éprouvent des difficultés à rénover leur logement. Des logements sont aujourd'hui disponibles pour du conventionnement, y compris en milieu rural ou semi-rural, mais les moyens s'avèrent insuffisants. On ne pourra donc pas esquiver la question financière.
Je partage totalement l'analyse selon laquelle il ne faut pas opposer les défavorisés et les catégories modestes qui rencontrent également des difficultés pour se loger. C'est la raison pour laquelle nous sommes très favorables à l'encadrement des loyers. Il s'agirait de maîtriser un peu le niveau des loyers là où il atteint un niveau excessif en le maintenant en dessous du loyer majoré à 20 % pour faire baisser la facture sans injection d'argent public. Tel était l'objectif fixé par la loi ALUR, indépendamment de la lecture idéologique que l'on en a ; or on a réduit la portée de cette disposition en la limitant à Paris.
Nous sommes également favorables à l'usufruit locatif, ainsi qu'à des mesures de défiscalisation pour faire revenir les investisseurs institutionnels et développer le logement intermédiaire. Tous ces logements importent beaucoup, car si les classes moyennes inférieures n'en trouvent pas, elles concurrencent les familles les plus défavorisées, phénomène que l'on a observé depuis une quinzaine d'années. L'encadrement des loyers ne coûte pas d'argent public, mais quels moyens allouons-nous à l'usufruit et au retour des investisseurs ? On réfléchit à de nouvelles pistes, que l'on insérera dans notre rapport, mais la question de l'accès des plus défavorisés – les 25 % les plus modestes, population ciblée implicitement par le projet de loi, et ceux ayant fait un recours DALO – continue de se poser avec beaucoup d'acuité. En effet, ces publics ne trouvent pas d'offre adaptée, y compris dans le logement social et avec un PLAI. Il convient donc de consentir des efforts considérables pour développer cette offre de logements très sociaux, dans le parc social comme dans le parc privé, sous peine de voir s'allonger la liste des ménages mal logés.
Le DPE est effectivement une difficulté. Le 6 juin prochain, le Conseil national de l'habitat (CNH) se penchera sur l'interdiction de louer des passoires thermiques, posée par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Comment va-t-on appliquer cette interdiction ? On entend dire que le DPE se révèle insuffisamment fiable, mais ce qui est proposé au CNH n'est pas satisfaisant. J'ignore si l'on peut faire évoluer le DPE – il convient de se mettre en relation avec des techniciens sur ce sujet –, mais cet outil a au moins le mérite d'exister. Il serait opportun d'avancer dans ce domaine.
Monsieur Alauzet, les 45 milliards d'euros consacrés à la politique du logement recouvrent des dépenses fort diverses. Souhaitons-nous limiter le dispositif Pinel de défiscalisation ? Souhaitons-nous revenir sur la TVA à 5,5 % dans le bâtiment ? Faut-il réduire l'enveloppe de 18 milliards d'euros consacrée à l'aide personnalisée au logement (APL), qui constitue, avec les minima sociaux, l'aide sociale la plus redistributive en France, car elle permet à des gens de sortir du seuil de pauvreté ? De quoi parle-t-on ? S'il s'agit de savoir si la mobilisation financière est insuffisante pour produire du logement social, mobiliser du parc privé à vocation sociale, rénover les logements passoires thermiques et aider les propriétaires en difficulté, oui, elle l'est. C'est pourquoi il faut absolument inverser la logique, insister sur le fait que ces investissements stimuleront l'activité économique, créeront de l'emploi et lutteront contre la fracture énergétique. Il faut penser à long terme ! Les politiques à la petite semaine échoueront et justifieront des coupes aveugles, comme cela a été tenté pendant ce quinquennat pour les APL.
Nous ne sommes pas opposés par principe à la vente de logements sociaux, et 8 000 d'entre eux sont vendus en moyenne chaque année. En revanche, financer la production de logements par la vente de logements sociaux constitue un vrai problème. De notre point de vue, cela revient à vendre le patrimoine que la richesse de la nation a contribué à constituer dans une logique de solidarité, pour subventionner la politique actuelle. La réduction du parc ne doit donc pas dépasser un certain niveau, mais il n'y a pas d'opposition idéologique à de telles opérations.
Nous sommes en désaccord avec certaines associations sur la question du surloyer. Ce dernier ne me semble pas une mauvaise idée. Le projet de loi se propose de modifier les niveaux de remise en cause du droit au maintien dans les lieux, fixés par la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion. La question de la mixité se pose différemment selon l'endroit où l'on habite : être dans un QPV dans Paris avec une station de métro au pied de son immeuble n'est pas la même chose que de vivre dans un QPV dénué de tout transport en commun. On en revient au bon équilibre à l'échelle territoriale où seuls les acteurs locaux, s'ils veulent bien agir en matière de mixité sociale, sont capables de produire une politique du logement adaptée, qui aille dans le sens de l'orientation de ce projet de loi. À l'intérieur d'un cadre général national, le niveau de revenu permettant d'obtenir un logement social doit être décidé localement.
Pour territorialiser la politique du logement, encore faut-il avoir des outils de connaissance des territoires. Pour fonder cette politique à l'échelon le plus local possible, il faut disposer de données à la fois fiables et homogènes sur l'ensemble du territoire. Ainsi, il ne serait pas possible de mettre en application l'article 29 du projet de loi, qui prévoit de modifier les critères d'application de la loi SRU pour tenir compte de la demande de logement social, si le système national d'enregistrement des demandes n'existait pas aujourd'hui. La question des outils est donc technique, certes, mais fondamentale.
Une politique publique fixe des objectifs que l'on peut effectivement atteindre ensuite par différents moyens. La question des règles à fixer au niveau national et des latitudes à donner aux territoires se pose de manière récurrente. Mais pour pouvoir évaluer ces politiques et vérifier que les objectifs fixés ont bien été atteints, il faut encore se doter d'outils au préalable.
Pour répondre à la question de M. Hammadi, j'ai animé, en 2014-2015, dans le cadre du Conseil national de l'habitat, conjointement avec la mission Etalab du secrétariat général pour la modernisation de l'action publique, un groupe de travail sur l'ouverture des données publiques dans le champ du logement. Ce groupe de travail, qui a publié un rapport il y a un peu plus d'un an, associait à la fois des membres du CNH et des acteurs de la communauté de l'open data. Même si la faiblesse des données a été soulignée de manière récurrente tout au long des discussions, il me semble que les acteurs du logement s'efforcent aussi précisément que possible de mettre à disposition celles qu'ils ont, dans le respect des règles de secret applicables en la matière. Ainsi, depuis la fin du mois d'avril, le SNE met à disposition sur son site des données très détaillées, y compris sur le plan territorial. C'est un outil de transparence important. L'ANIL a également mis en ligne, en début d'année, un site diffusant les premiers résultats des observatoires locaux des loyers. Différents niveaux de lecture permettent aux professionnels de disposer de données très précises, des tableaux très détaillés peuvent être utilisés pour des travaux de recherche et d'exploitation, mais il y a aussi un accès grand public. C'est un travail en progression et qui est loin d'être terminé mais l'objectif est vraiment de mettre à disposition de tout public les données les plus précises possible. Ce site permet ainsi de connaître les niveaux de loyer par type de logement et par zone.
S'agissant de la performance énergétique des logements locatifs privés, beaucoup d'actions ont été menées pour accompagner les ménages dans leurs travaux. La question restant sensible, les aides de l'ANAH aux bailleurs ont été rétablies et la loi de transition énergétique pour la croissance verte prévoit d'intégrer parmi les critères de décence des logements cette notion de performance énergétique. Le décret d'application de cette disposition est en cours de consultation publique. M. Alauzet a également souligné le problème de l'usage des logements, sur lequel les réflexions commencent à émerger parmi les acteurs du secteur. Il s'agit d'imaginer un nouveau service permettant aux ménages d'utiliser au mieux leur logement, une fois celui-ci rendu plus performant. A notamment été envisagée la possibilité pour des jeunes en service civique de contribuer à ce type de nouveaux services. Nous n'en sommes donc encore qu'au début de la réflexion.
Enfin, beaucoup ont souligné la technicité des textes en matière de logement. C'est vrai, mais c'est aussi de cette façon que l'on avance. Une disposition de l'article 20, par exemple, peut donner l'impression d'être purement technique mais elle a son importance : elle vise à intégrer à l'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation l'ensemble des critères de priorité pour l'accès au logement social. Aujourd'hui, il faut se reporter non seulement à cet article, mais aussi à la loi du 31 mai 1990 et à la loi DALO. Je considère donc le fait de rassembler dans un seul texte ces critères comme une avancée en termes de lisibilité du droit – objet de l'action quotidienne des ADIL auprès des ménages.
Je reviens sur la question, abordée par Mme Appéré, des propriétaires occupants en situation précaire. Dans les copropriétés précarisées, l'action d'auto-réhabilitation accompagnée débloque souvent bon nombre de situations. Mme Chalençon a rappelé que le premier quartile des habitants dans les copropriétés précarisées est aussi pauvre que les locataires du parc social des QPV. C'est une réalité que nous voyons quotidiennement, aussi bien en milieu urbain qu'en milieu rural. Il nous semble donc très important que des outils plus efficaces que ceux actuellement en place soient développés – l'ANAH en a accepté certains – et que le projet de loi « Égalité et citoyenneté » intègre des dispositifs nouveaux, de façon à toucher cette fraction importante des propriétaires occupants en situation de totale précarité et habitant dans des passoires énergétiques.
S'agissant des 40 milliards de l'effort national pour le logement, Christophe Robert a dit ce qu'il en pensait, ce que nous partageons. Je voudrais à nouveau insister sur un point soulevé dans mon discours d'introduction. Je suis toujours effaré de constater, s'agissant des investissements dans les quartiers en rénovation urbaine, l'avantage disproportionné consenti à l'aspect matériel : bordures de trottoir, paysagement, résidentialisation, réhabilitation des logements ou construction de logements neufs représentent 95 % des 40 milliards du PNRU 1, et l'affaire se profile de la même façon pour le PNRU 2. Il conviendrait, non pas de diminuer ces investissements matériels, mais de veiller à augmenter la part des investissements immatériels nécessaires pour accompagner les habitants sur la voie de leur reprise en main et ne plus seulement les assister. À terme, le retour sur investissement – pour parler comme un vulgaire financier d'entreprise – sera forcément bien meilleur.
Enfin, M. Hammadi a évoqué les locaux collectifs résidentiels, les fameuses réserves imposées, fut un temps, aux bailleurs, destinées à développer le vivre-ensemble, la sociabilité et le bien-être dans les logements locatifs sociaux. Cela a été fait dans beaucoup de quartiers. Pour avoir participé à de nombreux projets de rénovation urbaine, je sais qu'on constate souvent l'existence d'un plus grand nombre d'équipements publics dans les quartiers de la politique de la ville que dans d'autres. Le problème n'est donc pas, selon moi, le manque de locaux favorisant la convivialité, et je reprendrai très volontiers la proposition de M. Hammadi de réserver un pourcentage d'investissements immatériels à la restauration de la citoyenneté dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Quelques mots concernant le DALO. D'une part, la question des catégories de publics prioritaires au titre du DALO nous préoccupe, aussi avons-nous préparé des amendements que nous allons vous transmettre. D'autre part, l'encadrement des astreintes auxquelles l'État est condamné en cas de manquement à la loi DALO a considérablement réduit l'effet attendu de ce texte de 2007. Nous en souhaiterions donc la suppression. Nous proposons aussi que le montant des astreintes puisse être alloué aux requérants faisant valoir devant le juge leur droit au logement. Ce serait un acte fort du législateur que de faire en sorte que cette loi soit appliquée sur les territoires où l'État fait défaut.
La séance est levée à douze heures vingt-cinq.