Commission des affaires européennes

Réunion du 6 juillet 2016 à 8h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • présidence
  • slovaque
  • slovaquie

La réunion

Source

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 6 juillet 2016

Audition de S.E. M. Marek Eštok, ambassadeur de Slovaquie, sur les priorités de la présidence semestrielle de l'Union européenne

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous sommes très heureux de vous recevoir au sein de notre commission ce matin, pour que vous puissiez nous faire part des priorités de la présidence slovaque de l'Union.

Diplomate de carrière, ayant exercé diverses responsabilités dans le champ européen, vous êtes en poste à Paris depuis 2010, et vous êtes donc un très bon connaisseur, à la fois des questions européennes et de notre pays.

Le contexte européen est plus mouvementé que jamais, après le référendum britannique sur la sortie de l'Union, et nous serions également heureux que vous évoquiez l'approche que compte développer la présidence sur les principaux points de l'actualité européenne.

C'est la première fois que la Slovaquie va présider le Conseil, depuis son accession à l'Union en 2004, et nous savons combien votre pays a engagé d'efforts pour préparer cette présidence.

Nous vous souhaitons bonne chance, que ces six mois permettent de se dégager un peu des incertitudes actuelles et d'avancer vers une Union plus solidaire, au service des peuples européens.

Face à la « polycrise » actuelle, la présidence slovaque met en lumière les priorités suivantes :

– une économie plus forte ;

– la modernisation du marché intérieur ;

– une politique d'asile et d'immigration durable ;

– une Europe engagée au niveau mondial.

Nous serions heureux que vous puissiez nous expliciter et préciser ces priorités. En particulier nous souhaiterions que vous puissiez nous éclairer quant à l'approche de la présidence sur les sujets suivants :

– l'Union de l'énergie et les suites de la Cop 21. Comment voyez-vous l'action de l'Union sur ces sujets au cours des prochains mois ? Comment pensez-vous que nous serons en mesure d'atteindre effectivement les objectifs de la Cop 21 ? Peut-on notamment espérer un renforcement des engagements en matière d'efficacité énergétique ? Peut-on espérer une plus grande solidarité européenne en matière d'approvisionnement énergétique, au service d'une plus grande sécurité ?

– l'Europe sociale : nous sommes déterminés à lutter contre le dumping social et il est indispensable de renforcer la dimension sociale de l'Europe, si on veut réellement renouer le lien très distendu avec les peuples. Notre commission a notamment travaillé depuis plusieurs années sur la question du détachement des travailleurs, et nous soutenons la proposition de la Commission européenne à ce propos. Comment voyez-vous la possibilité de trouver un accord à ce propos ? Nous avons aussi travaillé sur l'idée d'un salaire minimum européen, différencié en fonction des niveaux de rémunération dans les États membres. Pensez-vous que le débat puisse progresser à ce propos dans les prochains mois ?

– les questions migratoires, et la réforme de l'asile. Nous souhaitons une Europe plus solidaire, qui puisse être fidèle à ses valeurs et faire face concrètement aux défis de l'immigration, tout en renforçant ses frontières. Comment voyez-vous, en tant que présidence, la mise en oeuvre des décisions déjà adoptées à cet égard par l'Union, l'aboutissement des discussions sur la mise en place d'un corps européen de garde- frontières et garde-côtes, et les progrès possibles sur les propositions de réforme faites par la Commission en matière de droit d'asile ?

– les aspects budgétaires et financiers : comment se présentent à votre sens les discussions sur la réforme à mi-parcours du cadre financier pluriannuel, et la question de l'établissement de véritables ressources propres, dont notre commission est fortement partisane, depuis des années ?

– le renforcement de la sécurité, qui passe par le développement de l'action européenne en matière de lutte contre le terrorisme, et les progrès vers une Europe de la défense. Quelles sont à votre sens les priorités des prochains mois dans ce domaine ?

– enfin, on ne peut évidemment pas faire l'impasse sur les suites du Brexit. Comment se présentent à cet égard les priorités pour les prochains mois ? Comment voyez-vous les conséquences concrètes, à ce stade, sur la vie de l'Union, notamment en termes budgétaires, comme pour les grandes politiques communes, en particulier la PAC et la politique régionale ?

Permalien
Marek Eštok, ambassadeur de Slovaquie

C'est un honneur pour moi que de pouvoir m'exprimer aujourd'hui devant vous sur les priorités de la présidence slovaque de l'Union européenne. Vous l'avez rappelé, Madame la présidente, c'est la première fois que la Slovaquie préside l'Union européenne depuis son adhésion en 2004. Si vous me permettez, je voudrais faire une digression personnelle. J'ai 45 ans et j'appartiens à la génération qui a vécu l'effondrement du communisme en 1989. À l'époque, j'étais étudiant à Bratislava et comme tous, je rêvais pour mon pays qu'il intègre l'Union européenne. J'étais en effet convaincu, comme pouvaient l'être les peuples d'autres pays d'Europe de l'Est, que la Slovaquie avait toute sa place dans l'Europe. Cette présidence est la consécration de notre adhésion.

Avant de présenter en détail les priorités de la présidence slovaque, je voudrais vous assurer que mon pays est pleinement engagé dans cette fonction, avec une mobilisation générale de l'ensemble du monde politique et administratif.

Cette présidence comportera bien évidemment un volet parlementaire, incluant comme à l'habitude la « petite COSAC » la semaine prochaine, la réunion de la COSAC elle-même en novembre, sans oublier la conférence, organisée en septembre par le Parlement slovaque, sur la politique étrangère et de sécurité commune. Nous sommes convaincus que les Parlements nationaux peuvent contribuer à trouver des solutions aux crises que traverse actuellement l'Europe.

Par ailleurs, le Premier ministre slovaque, M. Roberto Fico, est aujourd'hui à Strasbourg pour présenter au Parlement européen les priorités de la présidence slovaque et, demain, lui succédera une délégation du Parlement slovaque, conduite par son Président et composée de membres de l'ensemble des partis politiques.

Vous avez raison, Madame la présidente, de souligner que la Slovaquie va affronter une situation sans précédent, en particulier avec les défis posés par le « Brexit ». Dans ce contexte, la réflexion sur l'avenir de l'Europe est absolument cruciale. C'est pourquoi la Slovaquie a convoqué à Bratislava, le 16 septembre, un sommet des Chefs d'État et de gouvernement sur cette question. Lorsque notre Premier Ministre est venu, il y a deux semaines, présenter les priorités de la présidence slovaque à l'Elysée, M. François Hollande a pleinement soutenu cette initiative. Nous espérons que ce sommet permettra de trouver des idées nouvelles, partagées par tous, pour gérer le « Brexit », mieux présenter l'Europe et la rendre moins bureaucratique et plus proche des peuples.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, je voudrais faire quelques rappels sur les relations bilatérales entre la Slovaquie et la France, d'autant plus qu'à ma connaissance, c'est la première fois que la commission des Affaires européennes de l'Assemblée nationale auditionne un ambassadeur slovaque.

En 1918 est créée la République tchécoslovaque, création dans laquelle la France a joué un rôle primordial. Il y a une semaine, j'étais à Darnay, dans l'Est, où le 30 juin 1918, le président de la République de l'époque, M. Raymond Poincaré, a donné le drapeau de guerre aux légionnaires Tchèques et Slovaques. On considère ce fait comme l'acte de reconnaissance, par la France, de l'État tchécoslovaque. De nombreux autres souvenirs de la première et de la deuxième guerre mondiale symbolisent le lien entre la France et la Slovaquie : à Cognac se trouvait le quartier général des légionnaires tchécoslovaques, Dunkerque a été libérée par la deuxième brigade blindée tchécoslovaque en 1945 et, lors de sa visite en Slovaquie l'année dernière, M. François Rochebloine a pu voir des traces des 200 partisans français, anciens prisonniers des camps qui ont combattu avec les Slovaques lors du soulèvement national en 1944.

Après l'effondrement du communisme, la France a été parmi les premiers pays à coopérer avec le régime démocratique, en particulier après la création de la Slovaquie au 1er janvier 1993. C'est d'ailleurs l'ambassadeur de France qui, le premier, a présenté la lettre de reconnaissance de l'État slovaque.

La France a ensuite accompagné la Slovaquie dans sa marche vers l'adhésion à l'Union européenne et soutenu son intégration dans l'espace Schengen. Comme vous le savez, il n'a pas été facile pour mon pays de satisfaire à l'ensemble des critères requis pour intégrer ce dernier, en particulier la protection de sa frontière avec l'Ukraine, mais nous avons réussi, notamment grâce à des sociétés françaises qui ont fourni les matériels de surveillance nécessaires. La France a également soutenu la Slovaquie pour qu'elle intègre la zone euro le 1er janvier 2009. Certes, là encore, cette intégration n'a pas été facile mais elle est la preuve que la Slovaquie a bien réussi ses réformes politiques et économiques.

Le Président François Hollande a visité deux fois la Slovaquie depuis 2012. En 2013, c'était la première fois qu'un Président français se rendait en Slovaquie depuis que celle-ci est devenue indépendante.

Enfin, la France a détaché un haut fonctionnaire pour travailler au sein de l'équipe de la présidence slovaque de l'Union européenne.

Ces éléments rappelés et avant d'entrer dans le détail des priorités de cette présidence, je voudrais souligner les ambitions qui sont les nôtres : renforcer la solidité de l'Union et restaurer la confiance des citoyens européens. Ces ambitions reposent sur trois principes : obtenir des résultats concrets, prévenir la fragmentation de l'Union européenne et mettre les citoyens européens au centre des préoccupations.

Nous avons conscience des difficultés actuelles en Europe mais nous sommes optimistes. Nous espérons qu'ensemble, nous pourrons les surmonter.

Comme vous le savez, un pays qui préside l'Union travaille toujours en trio avec le pays qui l'a précédé et le pays qui va le suivre. C'est ainsi que la Slovaquie s'est coordonnée avec les Pays-Bas et Malte pour fixer les priorités de sa présidence. Toutefois, le programme a évidemment été modifié en raison du « Brexit » et n'a été approuvé par le gouvernement que le 30 juin dernier.

Ce programme comporte quatre priorités. La première est une Europe économiquement forte. La croissance économique est toujours faible et nécessite plus d'investissements, notamment dans le cadre du Plan Juncker. Des réformes structurelles sont nécessaires pour lever les barrières à ces investissements. Nous allons aussi demander à la Commission des propositions pour prolonger la durée du Fonds européen pour les investissements stratégiques. Nous travaillerons à proposer un projet de budget au Parlement européen en octobre ainsi que, d'ici décembre, un projet de modification du cadre financier pluriannuel. Il apparaît par ailleurs nécessaire de mettre un terme à la fragmentation du marché des capitaux et d'agir pour créer un véritable marché européen, sans oublier l'union bancaire. La lutte contre la fraude fiscale sera également au coeur de l'agenda de la présidence slovaque.

La deuxième priorité est un marché unique moderne. Le marché unique est le meilleur exemple de succès de l'Union européenne. La liberté de circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux a été source d'efficience dans de nombreux domaines. Toutefois, nous devons l'adapter aux réalités d'aujourd'hui et travailler à lever les entraves qui nuisent à son fonctionnement. La présidence slovaque se concentrera sur les mesures visant à exploiter le potentiel du marché unique afin de proposer aux consommateurs de meilleurs biens et service à des prix plus bas et de contribuer à la croissance des entreprises.

Nous pourrons avancer assez vite sur l'Union de l'énergie, notamment sur les questions de la sécurité énergétique, de l'approvisionnement en gaz et des accords intergouvernementaux. Le commissaire slovaque, Maros Sefcovic, est d'ailleurs vice-président de la Commission à l'Union de l'énergie, et la question de la sécurité énergétique nous tient particulièrement à coeur.

J'aimerais rappeler le problème particulier de la construction de Nord Stream 2, projet soutenu par l'entreprise Gazprom. Au début de 2009, j'étais conseiller diplomatique du premier ministre lorsque nous avons connu une rupture d'approvisionnement en gaz de plusieurs jours, qui a causé des pertes économiques directes de plus de cent millions d'euros. Depuis, nous avons trouvé d'autres sources d'approvisionnement de gaz et de pétrole que le fournisseur russe, mais je tiens à souligner que le projet Nord Stream 2 ne correspondait pas du tout à la vision européenne, puisqu'il ne permet pas de diversifier cette diversification des sources.

Concernant la politique climatique, nous avons promis au Président Hollande d'arriver à une ratification de l'Accord de Paris par tous les pays européens d'ici à la fin 2016. Cela est nécessaire pour préparer au mieux la COP 22 au Maroc.

La numérisation a eu un impact considérable sur la qualité de nos vies et nous concerne tous. Une attention particulière sera accordée au développement de l'économie numérique pendant la présidence slovaque et à la suppression des obstacles auxquelles elle doit faire face, pour une utilisation plus efficace des données, avec une amélioration du cadre législatif pour le droit d'auteur, la politique audiovisuelle et les contrats en ligne. La liberté dans l'espace numérique est selon nous la cinquième liberté du marché unique.

Notre troisième priorité portera sur la gestion d'une politique soutenable en matière d'asile. La gestion des flux migratoires et la coopération en matière de sécurité aux frontières revêtent une importance particulière pour assurer la liberté la sécurité et la justice au sein de l'Union. Nous proposons le rétablissement de la sécurité des frontières européennes extérieures et dans l'espace Schengen. La révision du système de Dublin et le renforcement substantiel des moyens du Bureau européen d'appui en matière d'asile, la transformation de l'agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union, FRONTEX, en corps européen de garde-frontières et de garde-côtes. La présidence slovaque veut des résultats concrets dans ce domaine. Elle soutient le plein retour aux règles de Schengen, avec l'absence de contrôles aux frontières européennes intérieures. Cela est primordial pour nous et d'autres pays qui ont subi durant cinquante ans le joug soviétique, avec tout ce que cela comprend pour les populations de privations de liberté. La possibilité de travailler dans d'autres pays, la liberté de circulation sont pour les slovaques des acquis majeurs depuis l'entrée dans l'Union, à protéger absolument.

Le futur du système commun d'asile européen est une discussion difficile, et nous allons faire nos meilleurs efforts pour jouer un rôle de négociation honnête et juste. Nous souhaitons trouver les meilleurs compromis et éviter toute fragmentation de l'Union européenne.

La présidence slovaque considère important de se concentrer sur les aspects extérieurs de la migration, notamment sur les accords extérieurs avec les pays de migration ou de transit, afin d'agir sur les causes des migrations et d'aboutir à des réadmissions. Nous voulons progresser sur ces politiques de retour et de réadmission.

Notre quatrième priorité porte sur le rôle d'acteur global de l'Union, que nous souhaitons affirmer. Particulièrement après la décision britannique de quitter l'Union, la présidence slovaque va défendre une approche globale pour associer les dimensions de la défense, de la durabilité avec l'Agenda 2030, et de la coopération avec les pays tiers. La politique étrangère et de sécurité commune doit être basée sur une stratégie globale concernant la gestion des politiques étrangères et de sécurité. Nous devons aller vers une coopération à trois avec l'OTAN, notamment après le sommet à Varsovie en juillet.

Dans l'agenda 2030 nous devons réunir les aspects internes et externes : l'Agenda 2030 comprend des liens entre la politique de sécurité, d'assistance technique et financière, et la politique climatique. La présidence slovaque doit entamer la réflexion sur le renouvellement de nos relations avec les pays de l'Afrique et des Caraïbes dans le cadre de l'Accord de Cotonou.

La présidence slovaque mènera une politique de voisinage active, tant pour le voisinage oriental que méridional, sans faire de distinction tant ces pays sont également importants pour la sécurité européenne.

Nous sommes dans le trio présidentiel le seul pays qui réfléchit à la poursuite du processus d'élargissement. Ce n'est pas un sujet très mobilisateur à l'heure actuelle, mais cela nous semble important, car la transformation profonde de notre pays à l'occasion de notre entrée dans l'Union nous semble pouvoir servir d'exemple pour certains pays des Balkans ou d'autres régions.

Les liens transatlantiques sont évidemment essentiels avec nos partenaires des États-Unis et du Canada ; la Chine ne doit pas être oubliée pour l'importance des relations commerciales que nous entretenons avec elle.

Quelques mots pour conclure. Dans sa déclaration du 9 mai 1950, Robert Schuman a dit « l'Europe ne va pas être faite d'un coup, avec un seul accord ou un seul plan » et il est vrai que nous avons besoin de faire beaucoup de petits pas modestes, mais tout aussi importants. Nous croyons à ces progrès concrets et à une bonne communication avec les autres institutions européennes, notamment le Parlement européen, ainsi qu'à notre capacité à réagir aux événements imprévus.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je voudrais revenir sur l'hypothèse des sanctions à l'égard du Portugal et de l'Espagne en raison de leur déficit budgétaire : quelle est la position de la présidence slovaque sur ces questions ? Un autre point qui me tient à coeur, ainsi qu'à la présidente, est l'avancée dans la négociation des traités transatlantiques, je dis bien des traités transatlantiques, car on parle souvent du TAFTA en oubliant trop souvent le CETA. Je suis pour ma part très attachée à ce que le CETA soit qualifié de traité mixte. Quelle est votre position sur ce point ? Qu'en est-il des dispositions qui pourraient être appliquées de façon anticipée sur ce traité avant que les parlements nationaux ne se soient prononcés ? Les parlementaires français sont très inquiets de ce qui pourrait se passer s'ils refusaient la ratification de ce traité, mais que des dispositions avaient commencé à s'appliquer. Le Brexit a bien montré la défiance à l'égard des institutions européennes, et il serait sage à mon sens de ne pas appliquer les dispositions tant que les parlementaires nationaux ne se seront pas prononcés.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'interviens aujourd'hui en tant que président du groupe d'amitié France-Slovaquie de l'Assemblée nationale. Je voudrais d'abord féliciter l'équipe slovaque qui a effectué un très bon parcours lors de la compétition de l'Euro 2016, et avec beaucoup de fairplay, je tenais à le souligner.

Je suis allé deux fois en Slovaquie et je suis heureux de pouvoir dire aujourd'hui que je connais mieux le pays. Pour la francophonie, une école française a été ouverte récemment à Bratislava, et la coopération économique n'est pas en reste. Je me suis rendu par deux fois sur la frontière avec l'Ukraine, et j'ai été impressionné par les moyens très modernes mis en place pour contrôler le passage.

Au moment où l'Europe est mise à mal, avec le Brexit, la perspective de nouvelles élections en Autriche aux résultats incertains et aux conséquences importantes pour l'Europe, j'aimerais vous demander votre sentiment sur la réforme de l'Accord de Schengen : pensez-vous qu'elle soit nécessaire ? Vous allez présider l'Union européenne, quelle sera la priorité qu'il vous tient le plus à coeur de mener à bien au terme de votre présidence ? Pourriez-vous également nous dire deux mots sur les résultats des récentes élections et sur la coalition au pouvoir en Slovaquie ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je voudrais compléter le propos de notre collègue Nathalie Chabanne. Nous sommes en effet toutes les deux cosignataires d'une demande initiée par le président de la Commission européenne du Sénat néerlandais s'opposant à l'application anticipée des dispositions du traité avec le Canada. La Cour européenne de justice va très prochainement se prononcer sur ce même sujet concernant le traité avec Singapour, pour identifier les clauses proprement européennes qui pourraient faire l'objet d'une application anticipée. Dans ce contexte, il paraît prudent à 449 parlementaires de treize pays différents d'être très attentifs à ces clauses et de ne pas s'engager à une application anticipée.

Je voudrais revenir également sur deux sujets importants pour le groupe de Višegrad. Le premier, c'est le carton jaune sur les travailleurs détachés, car le sujet des travailleurs européens a joué un rôle très important dans le Brexit. Pour m'être rendue plusieurs fois au Royaume-Uni, je peux témoigner ici que dès le mois de février, on sentait dans la population que le sujet des travailleurs européens non britanniques, et notamment polonais, était très sensible et pourrait favoriser le camp du « Leave ». Allez-vous soutenir les efforts de la Commission pour clarifier la directive sur les travailleurs détachés et tenter d'endiguer ce mouvement de peur de l'autre qui met véritablement en danger la cohésion européenne ?

Enfin, vous avez parlé de la question de l'asile, et nous sommes tous d'accord qu'il faut renforcer le cadre de Schengen. Mais quelle est votre position sur l'accord avec la Turquie ? en outre, avez-vous des propositions à faire quant au devenir de la Libye comme route potentielle de migration vers l'Italie ?

Permalien
Marek Eštok, ambassadeur de Slovaquie

L'ensemble de vos questions montre bien l'ampleur des défis qui attendent la présidence slovaque, et qui ne pourront être relevés du jour au lendemain. Les questions et les enjeux sont nombreux, mais pour l'heure, il nous faut aussi nous concentrer sur le sommet de Bratislava du 17 septembre. Ce sommet doit être un espace de discussion libre pour les chefs d'État et de gouvernement, afin d'apporter des réponses aux questions sur l'avenir de l'Europe et des institutions européennes.

Sur la crise migratoire, vous avez compris notre attachement au cadre institué par l'Accord de Schengen, mais nous ne voulons pas pousser notre position nationale au détriment des positions des autres États. La discussion continuera sur la base des propositions formulées par la Commission européenne lors de la présidence précédente des Pays-Bas.

Contrairement à une conception parfois répandue dans les médias, la Slovaquie est très sensible à ce problème, et a de sa propre initiative accueilli plus de deux cents Chrétiens d'Orient venus d'Irak. Nous avons un accord bilatéral avec l'Autriche pour la décharger de plusieurs centaines de demandeurs d'asile. Nous avons en effet proposé des centres d'hébergement en Slovaquie, où ces demandeurs attendent le traitement de leur dossier en Autriche ou en Suède. Il y a peu de demandes d'asile pour rester en Slovaquie, sans doute car notre système n'est pas aussi bien doté que celui d'autres pays.

En ce qui concerne les accords entre l'Union européenne et la Turquie, il faut dire clairement que les résultats sont pour l'instant mitigés, même si ces accords ont quand même permis de fermer la route balkanique de l'arrivée des migrants. Cela implique que les obligations soient respectées des deux côtés, notamment pour les visas.

La question des travailleurs détachés est très sensible pour plusieurs nouveaux membres de l'Union. La proposition présentée par la Commission européenne divise, comme le montre le « carton jaune » présenté par onze pays, dont la Slovaquie. Il y a bien sûr des différences entre les salaires et le niveau de protection sociale et il s'agira de trouver de bons compromis entre les pays de l'Union. Nous avons bien compris la déclaration du Premier ministre français, et nous allons continuer la négociation. Je vous rejoins sur l'idée que cette question a joué un rôle important dans le débat lors de la campagne du référendum britannique. Mais il faut aussi avoir à l'esprit que les conditions économiques sont différentes pour les pays de l'Europe orientale, cette réalité ne doit pas être oubliée. Pour l'instant, le compromis n'a pas encore été atteint.

Concernant les accords transatlantiques, c'est la Commission européenne qui négocie avec les partenaires, non la présidence. Toutefois, notre priorité politique sera de maintenir des positions acceptables pour chaque pays de l'Union. Si certains pays ne sont pas à l'aise avec certains articles des traités, cela devra être pris en compte. La Slovaquie par exemple est en désaccord avec certains points des deux traités. La présidence slovaque ne sera pas dans l'optique de conclure ces traités à tout prix, d'autant que des questions plus urgentes se posent aujourd'hui. Nous voulons des traités équilibrés, et nous serons attachés à travailler pour des relations transatlantiques équilibrées également dans le domaine de la défense, après la réunion de l'OTAN à Varsovie.

La Slovaquie, et en particulier le parti social-démocrate dans la coalition actuellement au pouvoir, attachent beaucoup d'importance à la dimension sociale de l'Union européenne. Nous ne sommes pas favorables aux sanctions contre des pays qui font tous les efforts possibles pour faire redémarrer leur économie. Il y a évidemment des règles à respecter, mais si les progrès sont visibles pour résorber les déficits, nous estimons qu'il faut soutenir ces pays et les investissements qui y ont été déjà réalisés.

Sur le sujet de la francophonie, il y a effectivement trois lycées francophones en Slovaquie. La coopération économique est très poussée avec la France, qui est le cinquième partenaire commercial de la Slovaquie, avec plus de cinq milliards d'euros investis en Slovaquie, et plus de quatre cents sociétés françaises sur notre territoire.

Le partenariat oriental est évidemment une question importante pour la Slovaquie, notamment car son approvisionnement en gaz et en pétrole est essentiellement originaire de Russie et passe par les gazoducs et oléoducs de l'Ukraine. Maintenir une Ukraine stable et démocratique est une priorité absolue pour nous, et nous soutenons les initiatives du Président Hollande et de la chancelière Merkel dans le format du « groupe de Normandie » pour trouver une solution. La présidence soutiendra toutes les initiatives pour remplir les critères de l'Accord de Minsk.

La Slovaquie appartient aux onze pays qui ont signé l'acte en faveur de la taxation des transactions financières, nous sommes d'accord pour faire évoluer les choses sur ce sujet pendant notre présidence.

Il n'y a pas de majorité par un seul parti en Slovaquie. Le gouvernement est une coalition issue d'élections proportionnelles depuis les débuts du régime représentatif, avec l'exception des années de communisme. Les compromis ne sont pas toujours aisés à trouver entre les partis au gouvernement, mais les priorités pour la présidence de l'Union font l'objet d'un consensus.

Après la fermeture des passages par les Balkans, la route de la Méditerranée est maintenant plus vulnérable, et nous sommes prêts à envoyer plus de cent cinquante policiers slovaques pour assurer le rôle de garde-frontières, en plus du soutien financier apporté à la Grèce. Nous sommes également prêts à aider l'Italie.

Nos deux ambitions principales sont de renforcer la solidité de l'Union et de rendre confiance aux citoyens. La Slovaquie a pleinement profité de l'entrée dans l'Union européenne et nous voulons être dans le noyau dur de l'intégration européenne. La Slovaquie est un petit pays de cinq millions d'habitants à l'économie très ouverte, l'Union est notre seule protection pour affronter la mondialisation.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci de votre intervention optimiste, Monsieur l'Ambassadeur, qui nous a donné beaucoup d'espoirs de réussite pour cette présidence. Il y a beaucoup de travail à réaliser ensemble, et nous vous aiderons dans toute la mesure de nos possibilités.

La séance est levée à 9h50