Commission des affaires étrangères

Réunion du 15 janvier 2013 à 16h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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Compte rendu du déplacement de la délégation de la commission des affaires étrangères à l'Assemblée générale de l'ONU

La séance est ouverte à seize heures quinze.

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Comme tous les ans, une délégation de notre commission s'est rendue à New York les 29 et 30 novembre 2012, à l'occasion de l'Assemblée générale de l'ONU. Je vais vous présenter quelques conclusions de cette mission que j'ai conduite avec nos collègues Odile Saugues, Hervé Gaymard et Noël Mamère.

L'actualité internationale a été très riche depuis la fin du mois de novembre, mais les sujets que nous avons abordés sont restés d'actualité et même, pour certains, le sont devenus encore d'avantage.

Comme tous les ans, la délégation de la commission a pu constater à quel point la diplomatie française jouissait d'un atout essentiel de par son statut de membre permanent du Conseil, atout qu'elle jouait dans un esprit de partenariat avec les autres membres du Conseil, permanents ou non permanents. La coopération avec les Britanniques en particulier est aujourd'hui très étroite sur la plupart des dossiers, notamment sur celui du Sahel, sur lequel nous sommes très en phase, et la France demeure un acteur écouté sur les dossiers africains et moyen orientaux. Le dialogue avec les États-Unis en revanche est plus difficile comme le démontrent certains dossiers que je vais évoquer.

La délégation était à New York le jour où l'Assemblée générale a voté le rehaussement du statut de la Palestine qui est devenue le 29 novembre « État observateur non membre des Nations Unies » alors qu'elle était jusqu'à ce vote « Observateur simple ». Elle a pu assister à la séance de l'Assemblée générale et a eu un entretien chaleureux avec Mahmoud Abbas quelques minutes avant qu'il ne prenne la parole à la tribune pour présenter sa demande.

Le vote a été acquis à une large majorité ( 138 voix pour, 41 abstentions et neuf voix contre dont celles des États-Unis et d'Israël ). Parmi les 27 membres de l'Union européenne, 14 ont voté pour, 12 se sont abstenus et un seul a voté contre. L'Union européenne n'est donc pas unie sur ce dossier mais elle aurait pu se diviser davantage. Grâce à notre diplomatie, le pire a sans doute été évité. En effet, un seul membre de l'Union a voté contre : la République tchèque. L'Allemagne, les Pays bas et la Pologne, dont on aurait pu penser qu'ils voteraient contre, ont choisi de s'abstenir ce qui témoigne d'une évolution intéressante.

La France et le Royaume Uni ont tenté conjointement de convaincre M. Abbas de faire deux concessions : un engagement de ne pas demander l'adhésion de la Palestine à la CPI et un discours ouvert sur une reprise des négociations avec Israël. Le président palestinien n'a satisfait aucune de ces demandes ; son discours lors de la discussion de la résolution a été un discours de combat manifestement à destination de la population palestinienne. Par la suite, la France est restée sur sa décision de principe alors que le Royaume Uni a opté pour l'abstention, non sans hésitation.

Il ne faut sans doute pas exagérer la portée de cette résolution, ni dans un sens, ni dans un autre. Elle ne change pas fondamentalement l'équation de cette crise, mais n'a pas provoqué non plus la crise diplomatique que certains redoutaient.

Elle a surtout une portée symbolique. Elle ne confère pas à la représentation palestinienne de droits supplémentaires significatifs car celle-ci avait déjà un statut qui lui permettait de s'exprimer très largement à l'ONU. Elle permet surtout à la Palestine d'adhérer aux organisations internationales onusiennes ce qui aurait d'ailleurs pour conséquence automatique la suppression des contributions des États-Unis à ces organisations. Mais il n'est pas certain que la Palestine exploitera cette possibilité.

Ce vote est une victoire politique du président Abbas qui peut l'aider à défendre son leadership alors que la dernière crise de Gaza a permis au Hamas de marquer des points. On est loin encore d'une réconciliation palestinienne et ce vote, de ce point de vue, est une bonne nouvelle pour la paix car le président Abbas en a perçu un bénéfice politique.

La réaction d'Israël a été très critique, mais on ne peut en conclure que ce vote ait achevé de compromettre tout espoir d'une reprise du dialogue. J'ai d'ailleurs reçu quelques jours plus tard l'ambassadeur israélien en poste à Paris et celui-ci a tenu à me faire part de l'attachement de son pays à conserver de bonnes relations avec la France. Malgré tout, Israël a réagi en annonçant de nouvelles implantations dans les colonies et en retenant un mois de redevances qu'elle aurait dû reverser à l'Autorité palestinienne. C'est évidemment beaucoup mais Israël n'est pas allé au-delà, en particulier Israël n'a pas pris de sanctions directes contre l'Autorité palestinienne. De toute façon, Israël ne paraît guère disposé à assouplir sa position sur les colonies – malgré nos pressions – et à s'orienter vers de vraies négociations.

La ligne défendue par la France sur ce dossier a toujours été de voter pour la résolution, mais en plaidant pour que ce vote ne complique pas davantage la possibilité de reprendre les négociations car, pour notre pays, telle est bien aujourd'hui l'urgence. On peut considérer que cette étape a été franchie sans provoquer la crise que certains redoutaient ou annonçaient.

La délégation a évoqué le sujet de la crise syrienne avec M. Brahimi, représentant spécial de l'ONU et de la Ligue arabe pour la Syrie, et avec des représentants permanents du monde arabe et de la Russie.

Le Conseil de Sécurité n'est pas parvenu à sortir d'une paralysie qui affecte sa crédibilité. La Russie et la Chine ont opposé à trois reprises leur veto à des résolutions du Conseil et les initiatives prises par le Secrétariat général ont toutes fait long feu. Chacun s'accorde sur la prévision que le régime en place ne pourra rester en place indéfiniment car l'opposition armée a progressé. Mais le régime paraît toujours aussi déterminé.

M. Brahimi, à l'origine dubitatif quant à la politique française de reconnaissance de la Coalition nationale syrienne, a noué le dialogue avec le cheikh Ahmad Moaz al-Khatib, alors que le RP russe, lors de notre entretien, était très critique sur cette initiative française. M. Brahimi ne semble pas avoir de plan précis. Il privilégie la recherche d'un processus négocié et donc le dialogue avec le régime en place. Il est attentif aux garanties que l'opposition syrienne doit donner à la communauté alaouite.

La Russie ne paraît pas porteuse d'une solution sérieuse. Son représentant s'est contenté de déplorer les prises de position occidentales tout en reconnaissant qu'il n'y avait pas de bonne solution. Toutefois, la Russie paraît prendre conscience que sa position n'est pas tenable à moyen terme et M. Brahimi a certainement raison de développer le dialogue avec Moscou.

Outre son action humanitaire, la France est sur deux lignes d'action : elle accroît la pression sur le régime syrien et elle soutient l'opposition en l'aidant à se structurer. À ses yeux, le Conseil de Sécurité reste une enceinte incontournable, mais il ne peut jouer un rôle positif qu'en délivrant des messages de fermeté à Damas.

S'agissant de la situation en République démocratique du Congo, la délégation s'est entretenue avec Jan Eliasson, Secrétaire général adjoint de l'ONU et Hervé Ladsous, secrétaire général adjoint en charge des opérations de maintien de la paix à l'ONU.

Les attaques des rebelles du M23 dans la province du Kivu ont conduit le Conseil de sécurité a adopté le 20 novembre, à l'initiative de la France, une résolution très ferme condamnant ces attaques et les soutiens extérieurs au M23. La France n'a pas pu obtenir que le Rwanda soit explicitement cité comme l'un de ces soutiens en raison de l'opposition des États-Unis à cette mention. Depuis, le Rwanda est devenu membre non permanent du Conseil.

Cette action néanmoins n'a pas été vaine puisque des négociations se sont engagées et que le M23 s'est retiré de Goma.

Il est clair que le sort de la RDC dépend principalement de la capacité des parties en présence à respecter leurs engagements respectifs.

En ce qui concerne la MONUSCO, celle-ci a été très critiquée pour sa relative passivité pendant la crise.

Il s'agit en effet de la plus importante force de l'ONU déployée dans le monde. Elle est constituée de 17 000 hommes et dispose d'hélicoptères de combat. Son mandat consiste à protéger les populations civiles « par tous les moyens nécessaires » et à appuyer l'armée congolaise. On peut donc se demander pourquoi une force de cette importance n'a pas été en mesure de contenir le M23 dont les effectifs sont évalués à 3 000 hommes et qui se servent de la torture et des viols comme armes de guerre.

Il convient bien entendu de tempérer cette interrogation :

- le territoire à contrôler est immense et l'armée congolaise, comme les structures étatiques sont faibles.

- les forces de la MONUSCO sont implantées sur une dizaine de sites. Cette dispersion n'a pas facilité la résistance à l'offensive mais elle se justifiait dans la mesure où cette présence permettait de contrôler des lieux où la population locale était menacée par des bandes armées.

- Le M23 est composé de 3 000 hommes à peine mais est en mesure de faire des dégâts importants, notamment parce qu'il bénéficie du soutien logistique du Rwanda et de l'Ouganda.

- La MONUSCO n'est pas restée complètement inactive. Lorsque le M23 est passé à l'offensive contre Goma, l'armée congolaise a résisté pendant trois jours, trois jours au cours desquels les hélicoptères de la MONUSCO se sont engagés, en tirant 600 roquettes et plusieurs milliers de bombes. A partir du 3ème jour, le M23 a attaqué de nuit car il a pu se procurer du matériel de vision nocturne. L'armée congolaise s'est délitée ce qui a permis au M23 d'envahir Goma et la MONUSCO a cessé toute action militaire car celle-ci, en milieu urbain, aurait pu avoir des conséquences désastreuses sur la population civile et car son mandat ne lui permet pas de combattre en lieu et place de l'armée congolaise.

Autrement dit, le manque de combativité des contributeurs de troupes indien et pakistanais n'explique pas tout.

Il s'agit non pas de redéfinir le mandat de la MONUSCO mais plutôt ses moyens. Une réflexion est en cours afin de doter la MONUSCO d'une brigade d'intervention robuste et mobile. Une autre piste est de l'équiper de drones de surveillance. Cependant ces idées, tout à fait pertinentes d'un point de vue opérationnel, devront être approuvées par les membres du Conseil de Sécurité et il n'est pas certain qu'elles fassent l'unanimité.

J'en viens maintenant à la question du Mali. La délégation était à New York avant l'adoption de la résolution 2085 qui a autorisé le déploiement de la MISMA.

La légalité de notre intervention ne repose pas sur cette résolution, mais sur l'article 51 de la Charte des Nations Unies qui dispose qu'aucune disposition de la Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un membre est l'objet d'une agression armée. Le président malien a écrit à François Hollande et informé le Conseil de sécurité qu'il demandait l'assistance militaire de la France contre les groupes terroristes et qu'il entendait conjointement accélérer le déploiement de la MISMA. Aucun membre du Conseil n'a soulevé d'objections et dix d'entre eux ont déclaré qu'ils nous soutenaient. Quant à la légitimité, notion il est vrai plus subjective, elle se fonde sur la nature et l'urgence de la menace et sur le soutien international très large dont nous bénéficions.

Il convient maintenant de mettre en échec l'offensive terroriste, de conforter le pouvoir malien afin qu'il restaure son intégrité mais aussi d'accélérer le passage de relais à l'armée malienne et à la MISMA car il n'est pas question que nous nous éternisions sur le sol malien.

Les derniers événements semblent lever un certain nombre de freins dont nous avons constaté l'existence lors de notre mission.

Les États-Unis étaient très réservés sur le concept militaire retenu par la résolution et le sont sans doute encore. Ils ne croient pas qu'une force africaine puisse éradiquer les forces terroristes installées au nord du Mali. Ceci dit, ils ont appuyé notre intervention.

Les pays d'Afrique sud-saharienne sont unanimes dans leur soutien tandis que l'Algérie, très réservée sur toute forme d'intervention étrangère, a manifestement évolué. Sa tentative de détacher Ansar Eddine d'AQMI a échoué et elle a décidé d'autoriser le survol de son territoire et de fermer sa frontière avec le Mali.

Le MNLA s'est dissocié des groupes terroristes et a déclaré être prêt à aider la France.

La mise en oeuvre de la MISMA s'accélère ; certains États ont annoncé des contributions : le Niger, le Burkina Faso, le Nigéria, la Cote d'Ivoire, le Sénégal, le Togo, le Tchad, le Bénin et, du côté européen, le Royaume-Uni, le Danemark, la Belgique ont apporté des moyens de transport de ces forces. La MISMA sera dirigée par un général nigérian francophone, ce qui est important pour se faire comprendre dans la région.

L'armée malienne est évidemment dans un état de très grande faiblesse et la situation militaire est encore marquée par des difficultés dans le fuseau ouest du Mali.

Compte rendu du groupe de travail sur la situation au Sahel

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Nous constatons évidemment une accélération des événements depuis notre voyage à Bamako du 18 au 20 décembre dernier. Il y a cependant une certaine logique dans ce qui se passe, en continuité avec ce que nous avions exposé en mars 2012 dans le rapport présenté avec Henri Plagnol, « Le Sahel pris en otage », avec toute la complexité des problématiques : les problèmes du nord Mali, avec la question touareg, celle des pays voisins, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, le Burkina Faso ; la question de l'occupation de l'immense territoire sahélo-saharien, de la Mauritanie à la Somalie, par les groupes terroristes et djihadistes liés en très grand nombre aux narcotrafiquants, le désordre dû à la guerre en Libye, les pillages des armes par les bandes terroristes, les déplacements de populations en très grand nombre, le retour des mercenaires touareg de Kadhafi désoeuvrés vers leurs territoires d'autrefois, au Sahel, autant d'éléments qui traduisent une certaine continuité entre ce que nous avions alors constaté et ce qui se passe aujourd'hui.

Nous avons constaté que Bamako était sécurisée. L'ambassade de France a fait ce qu'il fallait, le centre culturel aussi, les bâtiments publics et les hôtels également. Il n'y a guère qu'Air France qui ait pris la décision, peu glorieuse pour la compagnie nationale, de ne pas faire coucher ses équipages à Bamako, mais c'est secondaire.

Nous avons surtout constaté la complexité de la question sahélienne et malienne, avec la coupure en deux du pays, avec ces trois immenses régions du nord que sont Kidal, Gao et Tombouctou aux mains d'AQMI et de ses affidés, mouvances qui parfois s'allient, parfois s'opposent. Le Mali a perdu son intégrité territoriale. Nous avons constaté la grande fragilité de la gouvernance du Mali, due au coup d'Etat du 22 mars qui a déposé le président ATT, fomenté par le capitaine Sanogo, à la tête d'une junte militaire, lequel est toujours en fonction aujourd'hui au plan militaire à Kati. Depuis lors, le Mali est gouverné par un pouvoir de transition, intérimaire, mais fragile : avec un Président de la République, qui au demeurant nous a fait bonne impression, qui n'a réchappé de l'agression dont il a été victime quelques mois plus tard que parce que ses agresseurs l'ont cru mort ; un Premier ministre, Cheikh Modibo Diarra, débarqué par le capitaine Sanogo quelques jours avant notre arrivée à Bamako et remplacé par le médiateur de la république, M. Cissoko. Le gouvernement d'union nationale inclut des proches de Sanogo. L'assemblée, pour sa part, fonctionne.

Nous avons rencontré les principaux acteurs politiques du Mali : le Président de la République, le nouveau Premier ministre, le ministre de l'administration territoriale qui nous a dit expressément « le patron du Mali, c'est le Président de la République », un ancien Premier ministre aussi, sage de la vie politique malienne, Ibrahim Boubakar Keita, ou encore le Président de l'Assemblée nationale, en compagnie de plusieurs députés.

L'état des lieux, par conséquent n'était pas très positif. L'Etat est faible, la situation économique et sociale est inquiétante mais elle n'était cependant pas grave sur le plan humanitaire, y compris dans les régions du nord où les ONG intervenaient, parfois dans des conditions difficiles car les terroristes utilisent parfois les fournitures du PAM pour se faire passer pour des bienfaiteurs. Une situation économique et sociale inquiétante, donc, mais sans extrême danger.

Un jeu diplomatique, enfin, dans lequel on distinguait le rôle de la Cédéao, celui de la médiation burkinabè sous l'égide du président Blaise Compaoré qui avait semble-t-il jusqu'ici rencontré plus d'échecs que de succès. Les différentes factions, sauf AQMI, se rencontraient néanmoins à Ouagadougou avec les représentants du gouvernement malien, jusqu'à ce que la décision d'Ansar Eddine de relancer son offensive sur Mopti ne vienne mettre un terme à ce processus.

On nous a expliqué que l'on préparait une intervention militaire pour septembre, car il fallait préparer l'armée malienne, organiser et mettre en place les forces de la Cédéao, préparer l'accompagnement par la France et que cela devait tenir compte des conditions climatiques à venir, etc. Par rapport à l'attente des populations et à la réalité du terrain, cela nous semblait surréaliste. Quoi qu'il en soit, il convient de préparer les élections pour légitimer le pouvoir dès que possible et sortir de cette situation de transition. Sur ce sujet les Etats-Unis ont tort. Tous nos interlocuteurs nous ont dit qu'il était impensable d'organiser les élections si on ne les faisait pas aussi dans les trois régions du nord occupées par AQMI, notamment les trois grandes villes, Tombouctou, Kidal et Gao. L'ambassadrice américaine convenait d'ailleurs à Bamako que l'idéal serait de les organiser dans l'ensemble du pays.

Quant aux forces maliennes, leur état est déplorable, en termes de capacités, d'organisation et de volonté de combattre. Elles ont reculé et capitulé dans le nord sans combattre. Il y a eu des épisodes terribles, comme la tuerie d'Aguelhok où plus d'une centaine de militaires ont été égorgés dans des conditions atroces. L'armée malienne compte 20 000 soldats en tout, mais qui doivent être formés dans l'urgence pour qu'ils soient opérationnels. Cet état de faiblesse de l'armée a eu des conséquences sur les terroristes qui ont pu récupérer des armes abandonnées, qui se sont ajoutées à ce qui avait été obtenu en Libye et des pillages, de sorte que les djihadistes sont aujourd'hui bien mieux armés que les forces maliennes. En d'autres termes, les combats qui s'annoncent ne seront pas des opérations faciles, ne serait-ce que parce que l'ennemi dispose entre autres de capacités sol-air.

Quant aux trois principales mouvances, je rappellerais qu'AQMI serait passé de 300 en mars 2012 à 3-4000 hommes aujourd'hui, qu'Ansar Eddine s'est de plus en plus radicalisé, même si des opportunités de ralliements ou de détachements existent, que le MNLA n'existe aujourd'hui quasiment plus après la folie de son ralliement à AQMI et Ansar Eddine qui sont totalement différents de lui. Au nom du djihad, il y a surtout une bande de narcotrafiquants depuis des années ; c'est la réalité à combattre.

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Ce groupe a une utilité immédiate et notre voyage prend une coloration particulière après la décision du Président de la République d'engager nos forces.

En posant la question brutalement, on pourrait tout d'abord se demander si l'Etat malien existe vraiment. Aujourd'hui, il suffit que le capitaine Sanogo le demande pour qu'on change de Premier ministre et de toute façon les autorités actuelles ont un mandat transitoire qui s'achève le 4 avril.

De la même façon, on peut s'interroger sur l'armée malienne, dont chacun s'accorde à reconnaître l'extrême faiblesse, l'ensemble des interlocuteurs maliens que nous avons rencontrés à Bamako en premier lieu. C'est une armée « top heavy » avec un très grand nombre de généraux et de colonels, beaucoup promus par copinage. Cette armée manque de formation, d'équipement et de professionnalisme, et on a vu, qu'elle se délitait souvent sans combattre. Suite aux événements d'avril dernier un bataillon s'est même réfugié au Niger, dont on nous dit qu'il pourrait apporter son aide à une éventuelle reconquête de Gao. Il faut d'ailleurs rappeler le déroulement des événements du début de l'année 2012. C'est la mort d'une centaine de soldats maliens engagés contre les islamistes qui a été à l'origine du repli de l'armée, de la crise du commandement, du coup d'Etat à Bamako et finalement de l'occupation du nord du pays par ces groupes islamistes.

Tout cela s'inscrit dans une histoire plus longue. Je crois que c'est la porte-parole du groupe Ecologiste que j'ai entendu qualifier le Mali de « démocratie modèle ». Elle ne me paraît pas très bien informée, car ce pays a été gouverné par trois dictateurs d'origine militaire qui sont restés chacun une dizaine d'années au pouvoir et la transition vers la démocratie ne s'est pas faite si aisément, contrairement à ce qu'on a bien voulu croire.

La faillite de l'Etat malien est la véritable cause du problème ; en particulier, l'absence de présence étatique dans le nord du pays, qui ne constituait pas le « Mali utile », a créé ce vide dans lequel les islamistes se sont engouffrés. C'est un problème politique que nous aurons à gérer : il faudra entreprendre un véritable state building.

Autre problème, la complexité du nord malien. Nous en sommes à la troisième insurrection des Touaregs depuis l'indépendance du Mali. Les habitants du sud, pour la plupart, détestent les Touaregs. Il sera compliqué de mettre en oeuvre un dialogue politique.

A cela se sont ajoutés les groupes islamistes d'origine arabe, notamment AQMI, qui n'est autre qu'un nouvel avatar du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC).

C'est dans ce contexte que se place l'intervention française. Elle risque d'être encore plus difficile qu'en Afghanistan où il existait vaguement un Etat et où les forces françaises n'étaient qu'une petite composante d'une coalition massive de 150 000 hommes. Au Mali, nous sommes seuls et nous allons être confrontés à des problèmes militaires compliqués : les grandes distances ; la mobilité de nos adversaires qui utilisent des véhicules légers ; la nécessité de tenir les grandes villes du nord si elles sont reconquises. Si l'on ajoute à cela, comme je l'ai dit, la nécessité de construire l'Etat malien, cela donne ce que le général de Gaulle aurait appelé un « vaste programme ».

On sentait bien qu'il était difficile d'attendre jusqu'en septembre prochain pour engager une opération militaire et qu'a fortiori les positions, comme celle des Etats-Unis, qui privilégiaient l'organisation d'élections et le dialogue politique n'étaient pas très crédibles. Les choses se sont accélérées et l'urgence est avérée. Toujours est-il que le résultat est que nous nous trouvons engagés seuls dans une affaire politiquement et militairement très lourde, sur laquelle le maintien du consensus national pourrait devenir un exercice difficile.

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Qu'il y ait des risques, c'est certain. Mais il s'agissait de savoir quel était le plus grand de ces risques. De mon point de vue, c'était celui de voir tout le Mali tomber aux mains des groupes islamistes. La chute de la ville de Diabally montre bien quelles étaient leurs intentions.

Quant à la reconstruction de l'Etat malien, c'est évidemment le problème central, mais c'est un problème que l'on ne peut traiter séparément des enjeux militaires, car les propositions privilégiant les élections et le dialogue politique se heurtaient à un cercle vicieux : l'impossibilité d'organiser ces élections dans le nord du pays tant qu'il est occupé.

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L'Etat malien a de lourdes responsabilités mais la communauté internationale aussi. Comment l'Etat le plus pauvre d'Afrique aurait-il pu faire face à ses obligations d'Etat alors que le FMI et la Banque mondiale lui ont imposé des politiques structurelles insurmontables ? Comment la zone sahélienne peut-elle être à l'abri de tous les brigandages quand la communauté internationale elle-même ne peut arrêter les flux de drogue qui arrivent dans le Golfe de Guinée ?

Au titre du comité Moyen-Orient de l'Union interparlementaire, je me rends prochainement à Gaza, et qui va à Gaza rencontre le Hamas. Vous dites que nous sommes loin d'une réconciliation palestinienne, mais il semble y avoir des rapprochements intéressants. Israël refuse toujours tout dialogue avec le Hamas, certaines capitales européennes sont sur la même position. Mais on ne fait la paix qu'avec ses adversaires ! Il faudra donc bien discuter avec le Hamas un jour ou l'autre. Je vais m'autoriser à le faire au titre de la délégation parlementaire de l'UIP ? Cela ne changera pas les rapports entre les Etats. Mais à quand une négociation globale avec le Hamas ? Tant qu'on ne le mettra pas dans la négociation, nous ne pourrons pas aboutir sur le conflit mère de tous les conflits du Proche-Orient.

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Certes, mais je n'ai pas le sentiment que la période s'y prête, avec les élections en Israël. Des contacts peuvent être pris à titre individuel, mais une démarche collective n'est pas possible à l'heure actuelle. Nous verrons quelle sera l'évolution du Hamas. Certaines de ses tendances ont commencé à aller vers un début de reconnaissance de l'Etat d'Israël. Focalisons-nous sur la condamnation de la colonisation par Israël, qui coupe la Cisjordanie en deux. On verra après les élections israéliennes pour le reste. Netanyahou lui-même a des problèmes politiques, il se trouve aujourd'hui au centre de l'échiquier politique, ce qui est plutôt inquiétant.

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Je souhaiterais poser deux questions concernant le Mali. Tout d'abord, les groupes islamistes bénéficient-ils de l'aide d'Etats africains ou du Golfe – plus précisément de l'Arabie saoudite ou du Qatar ? Ensuite, ce sont des groupes de narcotrafiquants. Il y en avait aussi en Colombie où il manquait surtout un Etat. L'objet de l'offensive sur Bamako était-il de s'emparer de l'Etat malien ?

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Il ressort des observations de nos rapporteurs que l'Etat malien est défaillant, et l'armée fictive. Quelles sont les perspectives de consolidation après le retrait des forces, aujourd'hui françaises et, demain, espérons-le, internationales ?

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Dans ce genre d'interventions, il faut partir le plus vite possible. Or, il y a quelques mois les terroristes étaient deux cents, ils seraient aujourd'hui trois mille. Il y a donc des sympathies, y compris en dehors de ceux qui combattent. Ne faut-il pas casser l'outil terroriste, certes, mais éviter de s'enliser dans un travail qui n'est pas le nôtre, à savoir administrer les villes du Mali, quitte à revenir demain si les mêmes circonstances se produisent ?

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Je ne peux pas laisser Pierre Lellouche dire qu'entre 1992 et 2002 le Mali était une dictature. Alpha Konaré a tout de même crée la décentralisation et il y a eu quatre élections municipales. Aujourd'hui aussi il faut des élections au Mali, et pour cela il faut redonner le pouvoir au maire et sécuriser ces villes.

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La sécurisation des villes reconquises doit être l'objectif des forces africaines de la CEDEAO, pas de l'armée française.

En ce qui concerne les éventuelles aides des Etats du Golfe, nous n'avons pas de preuve mais on peut s'interroger sur les activités de certaines organisations annexes.

La confortation de l'Etat malien incombe à l'Union africaine, la CEDEAO et de l'ONU avant tout. Je ne suis pas d'accord avec le diagnostic de Pierre Lellouche sur l'Etat malien. C'est un Etat de transition, forcément fragile de par sa durée. Mais il y a un gouvernement, un Parlement : en matière de gouvernance il faut faire des progrès rapides mais on ne part pas d'un vide total.

La séance est levée à dix-sept heures trente.