Commission des affaires économiques

Réunion du 10 janvier 2017 à 16h15

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La réunion

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La commission a examiné le rapport de la mission d'information sur les objets connectés, sur le rapport de Mmes Corinne Erhel et Laure de la Raudière.

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Mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de vous présenter mes meilleurs voeux pour cette année 2017.

Les objets connectés constituent un sujet important sur le plan économique, auquel notre commission s'intéresse depuis de nombreuses années. Nos collègues Corinne Erhel et Laure de la Raudière se sont particulièrement investies sur ce thème, et je les remercie pour tout le travail s'y rapportant qu'elles ont accompli dans le cadre législatif, mais aussi comme rapporteures du rapport d'information qu'elles vont nous présenter, comme le veut le hasard du calendrier, au lendemain du Consumer Electronic Show (CES) qui vient de se tenir à Las Vegas.

Comme on peut le lire en introduction du rapport, la France a les moyens de jouer un rôle important dans le domaine des objets connectés. Ainsi, 275 entreprises étaient présentes au CES de Las Vegas, formant la troisième délégation nationale en nombre : c'est la preuve du dynamisme dont font preuve les acteurs économiques de notre pays en la matière, et un motif de fierté pour nous.

Nos deux collègues avaient déjà rédigé en 2014 un rapport d'information sur le développement de l'économie numérique française, dans la continuité duquel s'inscrit le présent rapport, puisque notre commission a décidé d'approfondir le sujet en créant une mission d'information sur les objets connectés.

L'intérêt des objets connectés pour notre économie est certain, ne serait-ce qu'en raison des gains de productivité et de rentabilité qu'ils procurent, représentant de ce point de vue de véritables moteurs de croissance et des atouts essentiels pour l'industrie du futur. Les auditions et les déplacements que vous avez effectués, Mesdames les rapporteures, vous ont permis de prendre la mesure du potentiel de ce beau sujet d'anticipation, qui aura de nombreuses implications dans notre quotidien de demain.

Les exemples d'objets connectés que vous citez dans votre rapport rendent sa lecture à la fois plaisante et instructive. Vous formulez également des préconisations et évoquez les enjeux à venir des objets connectés, dont la présence dans notre vie de tous les jours est appelée à croître : ces objets se développent dans différents secteurs, qu'il s'agisse de la santé, de l'énergie ou encore de l'agriculture – nous avons organisé ici même plusieurs tables rondes sur cette question.

Cela dit, comme nous l'avons dit à maintes reprises, notamment dans le cadre de l'examen du projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, et comme vous le soulignez vous-mêmes, cette diffusion ne pourra pas avoir lieu sans une couverture numérique efficace. Or, il reste encore beaucoup à faire en la matière, en particulier dans certains territoires. La commission des affaires économiques organisera prochainement, c'est-à-dire avant la fin du mois de février, une table ronde sur ce thème, à laquelle seront conviés les opérateurs.

Vous évoquez le recours aux technologies satellitaires, qui pourraient constituer le moyen de fournir une couverture numérique, donc l'accès aux objets connectés, à tous les territoires, et je serai moi-même amenée à vous interroger sur ce point lorsque nous aborderons la séquence de questions et réponses. Dans l'immédiat, je vous donne la parole pour présenter votre rapport.

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Madame la présidente, mes chers collègues, pour la sixième fois, Mme Laure de La Raudière et moi-même allons vous présenter un rapport sur le thème du numérique. Ce rapport, que nous avons corédigé au cours de l'année 2016, est intitulé « L'internet des objets : le numérique à l'ère de la prédiction ». Il contient vingt recommandations, dont deux sur lesquelles chacune de nous porte une appréciation distincte.

Internet connaît aujourd'hui une extension inédite, puisque l'infrastructure mondiale des réseaux ne connecte désormais plus seulement les personnes, mais aussi les objets. Autrefois inertes et isolés, les objets, qu'il s'agisse des serrures, des montres ou des voitures, sont aujourd'hui dotés de capteurs, de puces, ou encore de caméras embarquées permettant de fournir de nouveaux services ou de générer des données afin de rendre notre environnement plus intelligent.

Nos domiciles, nos moyens de transport, mais aussi nos espaces publics et nos lieux de travail, peuvent être quantifiés et rendus plus efficaces ; ils peuvent rendre de nouveaux services, améliorer notre sécurité ou nos comportements grâce à la collecte et au traitement des données émises par les objets connectés.

Internet connaît donc, avec les objets connectés, ce que nous avons qualifié de « changement de paradigme ». Le nombre d'objets connectés qu'il y aura dans les années à venir en témoigne. En 2016, on estime à 6,4 milliards le nombre d'objets connectés dans le monde et, dès 2020, il pourrait y en avoir entre 30 et 50 milliards selon les différentes estimations. Plusieurs facteurs expliquent l'apparition de cet « internet des objets » (en anglais internet of things ou IoT).

Premièrement, les avancées technologiques récentes ont permis de miniaturiser encore davantage les microprocesseurs, les semi-conducteurs et autres composants électroniques à la base de la technologie des objets connectés. En outre, le développement massif de l'informatique en nuage – le cloud computing –, associé à une puissance de calcul et de traitement des données inégalée – le big data –, participe de cette nouvelle donne technologique.

Deuxièmement, l'accessibilité financière progresse, en particulier auprès du grand public, de plus en plus friand de ces objets connectés. Une demande est apparue autour d'objets au design élégant, qui prolongent l'utilisation courante du smartphone et qui améliorent notre confort au quotidien. Une catégorie spécifique d'objets connectés portables est ainsi apparue : les wearables, c'est-à-dire les montres, bracelets et lunettes connectés.

Troisièmement, enfin, les marchés des objets connectés, qu'il s'agisse de ceux des entreprises ou de ceux des consommateurs finaux, gagnent en maturité. Mme Laure de La Raudière présentera dans un instant, de façon plus précise, les perspectives économiques de ces deux types de marché.

Les auditions que nous avons menées ont permis d'illustrer à quel point l'internet des objets allait, dans les années à venir, transformer notre quotidien. Nous nous sommes donc attachées à mener une analyse de l'impact social des objets connectés.

Il nous a paru clair que l'internet des objets allait influer de façon positive sur notre vie sociale. En contribuant à relier des personnes entre elles au travers de leurs objets connectés, il crée du lien social, notamment pour les plus jeunes générations marquées par le développement des réseaux sociaux. L'application Waze, de plus en plus utilisée, en constitue une bonne illustration. Grâce à elle, les utilisateurs-automobilistes sont connectés entre eux et peuvent s'échanger des informations sur les conditions de circulation. Les utilisateurs sont au coeur du système puisque les contributions de chacun assurent l'utilité collective et ce faisant, permettent la viabilité du système. De même, l'entreprise française Plume Labs, qui se spécialise dans la mesure de la pollution en ville, a franchi une nouvelle étape de croissance grâce à l'internet des objets, qui a permis de développer des capteurs connectés portables, les air sensors, qui doivent permettre une mesure collaborative de la pollution subie, en complément des modèles de prévision, reposant sur des algorithmes. L'application Plume Air Report connaît déjà un franc succès dans de nombreuses villes du monde, en permettant de détailler les niveaux de pollution dans les 24 heures ou encore de notifier des alertes en cas de pic de pollution.

Du côté de la vie collective, les objets connectés peuvent être réappropriés par les citoyens, les services publics ou les collectivités locales. C'est toute la logique des smart cities, ces villes dites intelligentes car ultraconnectées. Dans ce domaine, nous formulons une recommandation consistant à mieux associer les citoyens à chaque étape du déploiement des services publics connectés.

Toutefois, l'impact social de l'internet des objets n'est pas univoque. Si nous n'y prenons pas garde, les objets connectés peuvent porter en germe des risques d'exclusion creusant davantage une fracture numérique déjà présente dans certains de nos territoires. Trois risques principaux peuvent être recensés.

Premièrement, il existe un risque de dépendance technologique : les objets connectés les plus populaires à ce jour portent sur la quantification de l'activité quotidienne des individus. C'est le cas des montres connectées qui permettent de connaître le nombre de pas et, partant, la distance parcourue à pied chaque jour. Or, l'importance de la mesure dans notre quotidien augmentant drastiquement, la pratique régulière de l'auto-mesure pourrait, si l'on n'y prend garde, se traduire par un enfermement dans une représentation statistique de soi, voire conduire à une addiction à la mesure.

Deuxièmement, le respect de la vie privée peut se trouver remis en question face à la captation et au partage massifs des données personnelles par les objets connectés sans que l'utilisateur n'exprime clairement son consentement.

Troisièmement, enfin, une couverture numérique du territoire insatisfaisante empêchera le développement équilibré de l'internet des objets sur notre territoire. Alors que certaines zones n'ont encore accès qu'au bas débit, le défi à venir de la 5G sera d'assurer rapidement le maillage complet du territoire afin de ne pas aggraver la fracture numérique. Nous formulons également une recommandation sur ce point.

Les risques et les craintes légitimes que suscitent les objets connectés ne doivent pas être sous-estimés, mais évalués avec tout le recul nécessaire. C'est pourquoi il faut apporter une réponse proportionnée et adaptée à ces enjeux, et mettre en oeuvre une régulation politique axée sur la responsabilité personnelle des utilisateurs – qui doivent bénéficier de mesures pédagogiques spécifiques –, ainsi que sur une régulation souple et évolutive introduite par les pouvoirs publics notamment les autorités indépendantes comme la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). Sur ce point, notre recommandation n° 11 consiste à inventer les termes d'une régulation politique basée sur les compétences des autorités indépendantes compétentes, mais aussi sur l'expertise d'organisations spécialisées, tel le Conseil national du numérique.

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Je rebondis sur les propos de ma collègue sur l'impact social de l'internet des objets : si nous avons axé une large partie de notre analyse sur les conséquences économiques des objets connectés, nous voulions également vous rappeler que l'internet des objets dépasse largement les seuls aspects économiques, puisqu'il va conduire à s'interroger sur la place des décisions humaines dans un monde où les objets vont être programmés pour prendre des décisions à la place des hommes.

Le rapport contient de nombreux exemples du potentiel de l'intelligence artificielle dans notre société de demain, par exemple en matière de voiture autonome. Il faudra sans doute, dans les mois à venir, compléter ce rapport par une analyse sociétale et politique de la place de l'homme dans la société numérique de demain. Le transhumanisme semble désormais à nos portes et, même si Mme Corinne Erhel et moi-même appelons à une régulation européenne en la matière afin que la France ne se trouve pas isolée, il nous semble nécessaire que notre pays s'empare de la réflexion sur les enjeux que comportent les immenses potentialités de l'intelligence artificielle.

En matière économique, deux enjeux doivent être présentés en priorité : d'une part, le potentiel de création de valeur des objets connectés, d'autre part, la plus-value que présentent les données collectées par les objets connectés eux-mêmes.

Pour ce qui est du potentiel de création de valeur des objets connectés, les différentes études sur lesquelles nous nous sommes appuyées montrent que l'Union européenne gagnerait jusqu'à 7 points de PIB, soit 1 000 milliards d'euros d'ici à 2025 grâce à l'essor de l'internet des objets. Cette estimation est fondée sur les ventes d'objets connectés – du simple bracelet connecté au compteur électrique intelligent ou au capteur placé sur une chaîne de production –, mais aussi de services fournis via des objets connectés – surveillance, gestion d'équipement à distance, pilotage de lignes industrielles, etc. Mais la création de valeur serait surtout indirecte, sous la forme de gains de temps – par exemple grâce à une meilleure gestion des flux de circulation permettant une réduction des embouteillages – ou de pouvoir d'achat – grâce aux économies d'énergie permises par la domotique ou aux économies de dépenses de santé entraînées par l'utilisation d'appareils de mesure favorisant une médecine plus préventive que curative.

Les acteurs que nous avons rencontrés pendant nos auditions font un constat très largement partagé : si l'internet des objets offre des potentialités inouïes, il n'en est qu'à ses balbutiements. De ce point de vue, notre rapport est d'une nature essentiellement prospective : il vise à faire oeuvre de pédagogie sur les enjeux en matière d'objets connectés.

Un exemple mérite d'être développé, celui de la maintenance prédictive. Les entreprises industrielles mettaient en oeuvre, jusqu'à présent, une maintenance qualifiée de préventive : face aux coûts prohibitifs d'arrêt d'une chaîne de production en cas de panne d'équipements, la maintenance préventive prévoit, en amont et généralement dès la livraison des outils, un plan fixe d'interventions, parfois réalisées de façon superflue lorsque les équipements sont en bon état de marche. Au contraire, la maintenance prédictive s'appuie sur la production de données par les équipements, en temps réel, afin de cibler les besoins de maintenance.

Nous avons ainsi auditionné des représentants de la filiale SNCF Digital, qui a développé une stratégie dite d'« internet des objets industriel ». En plaçant des capteurs sensoriels de mesure de la pression, de température des rails, ou de mouvements de caténaires sur des points stratégiques, et en connectant les trains qui empruntent ces voies, les agents de la SNCF sont en capacité de déterminer, à l'avance, les équipements qui menacent d'être défaillants. Certes, ce programme est loin d'être pleinement opérationnel, comme le montrent les problèmes – notamment dus aux caténaires – actuellement rencontrés sur certaines lignes.

À terme, l'internet des objets devrait permettre une augmentation de la compétitivité de notre industrie, ce qui constitue un enjeu majeur pour l'industrie du futur et pour la réindustrialisation de la France, grâce à la maîtrise de la mise en place de la maintenance prédictive, mais aussi grâce à la possibilité de développer une offre qui ne sera plus limitée aux produits industriels, mais étendue aux services.

En matière de création de valeur, les politiques publiques devraient être les prochaines grandes bénéficiaires de l'internet des objets : la ville connectée va permettre de résoudre des problèmes sociaux et environnementaux – lutte contre la pollution, décongestion des villes, gestion des ressources grâce à des réseaux intelligents. Quant aux politiques de santé publique et de protection sociale, elles vont pouvoir se reconfigurer autour des données que les individus mesureront en temps réel et mettront à la disposition des personnes publiques et des professionnels de santé pour analyser et suivre leur état de santé ; cela devrait permettre de mieux anticiper la propagation de maladies et d'encourager la lutte contre les comportements à risques.

Pour ce qui est des données, le rapport d'information sur le développement de l'économie numérique française que Mme Corinne Erhel et moi-même avons rédigé en 2014 imaginait déjà le potentiel du big data, qui commençait à se mettre en place. Dans ce nouveau rapport, nous souhaitons montrer que le potentiel économique et social des données du big data est encore plus important avec le développement exponentiel des objets connectés et alors que nous assistons à un essor exponentiel du volume de données disponibles, mais aussi des services pouvant être fournis sur la base de l'exploitation de ces données – des services dont les consommateurs sont très demandeurs.

Nous nous sommes concentrées sur la façon dont les données des objets connectés pouvaient constituer un levier de réindustrialisation du pays. En effet, la plupart des analyses économiques montrent que l'intégration d'une offre de services dans la production industrielle est le moyen le plus sûr de réindustrialiser de façon opportune le pays. D'une part, les entreprises industrielles vont pouvoir, grâce aux données, bénéficier de substantiels gains de productivité – Airbus a ainsi mis en place des lunettes connectées permettant d'analyser les actions des techniciens pour améliorer leur précision, augmenter leur rapidité d'exécution ou déceler des malfaçons. D'autre part, les données vont permettre de concentrer le modèle économique des industries vers les services, qui sont au coeur de l'industrie du futur.

La vision d'un mode de production où l'industrie et les services sont deux secteurs bien distincts est maintenant dépassée. L'industrie automobile, par exemple, est aujourd'hui confrontée à la menace de voir le marché se détourner de produits sortis d'usine, où les constructeurs restent les grands donneurs d'ordres, pour préférer des « solutions de mobilité » vendues par de grandes entreprises de services comme Google, et cherche à adapter en conséquence son offre de services aux consommateurs.

Ce recentrage de la valeur économique sur les services suppose que les entreprises industrielles s'approprient les données que leurs objets industriels permettent de collecter, ce qui constitue une véritable révolution culturelle pour les industries françaises. Il s'agit de gérer, à l'aide de capteurs communicants, l'optimisation de l'utilisation du produit, sa logistique et sa maintenance. Il s'agit également, grâce aux données d'utilisation, de mieux connaître les besoins des clients et de s'y adapter, voire d'anticiper leurs demandes.

Sur ce point, nous formulons deux recommandations. L'une consiste à renforcer substantiellement les moyens alloués au plan de l'Industrie du futur dénommé « Économie de la donnée » via le lancement de plusieurs appels à manifestation d'intérêt dans ce domaine. Nous sommes en effet convaincues que la donnée sera, demain, la principale source de valeur économique : la France pourrait, grâce à ses compétences mondialement reconnues dans le domaine des mathématiques et de l'analyse de données, bénéficier d'un avantage concurrentiel durable à l'échelle européenne, voire mondiale.

L'autre recommandation consiste à inciter les universités à développer des formations de sciences de la donnée, aujourd'hui cantonnées aux grandes écoles d'ingénieurs alors qu'elles auraient vocation à être démocratisées sur l'ensemble du territoire, afin de répondre aux besoins futurs des industries.

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La partie suivante du rapport porte sur les opportunités que la France doit saisir pour réussir le virage de l'internet des objets, et amplifier cette dynamique.

La conviction que nous partageons toutes les deux est que la France peut légitiment prétendre à une position d'avant-garde dans cette révolution des objets connectés. Nombre de startups et de PME françaises productrices d'objets connectés telles que Netatmo ou Parrot, ou d'opérateurs comme Sigfox, ont déjà acquis une reconnaissance internationale. Par exemple, sur les dix objets connectables à l'iPhone les plus vendus sur l'App store, quatre sont français et plusieurs objets connectés ont été primés au CES de Las Vegas en 2017.

En quelques années, la France s'est dotée d'un environnement très favorable pour la création de startups. Près de 3 000 sont implantées en région parisienne et 7 000 sont réparties sur l'ensemble de la France.

Plus largement, la France dispose d'un véritable dynamisme entrepreneurial, souvent tourné vers l'innovation. Ce dynamisme est tiré par des compétences dans les nouveaux métiers de la donnée, les sciences de l'ingénieur ou les mathématiques appliquées. Des formations se développent autour du nouveau métier que constitue le data scientist. À titre d'exemple, on peut citer le master of science big data for business de l'École polytechnique et de HEC, lancé en septembre 2016, ou encore la filière data science de l'École nationale de la statistique et de l'administration économique (ENSAE).

Certains grands organismes de recherche ont également développé des programmes autonomes pour valoriser la recherche dans le domaine des objets connectés, comme l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), qui invite à la recherche sur les objets connectés dans le domaine de la santé et sur les enjeux de sécurité des données. Le domaine de la santé sera probablement l'un des grands pourvoyeurs de développement d'objets connectés.

De même, l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) a créé l'Iot-Lab, une structure destinée au test, en grandeur nature, des technologies de l'internet des objets.

Il faut souligner que le bon positionnement français s'explique par un environnement porteur. Les jeunes entreprises innovantes, sociétés de moins de huit ans qui investissent en recherche, bénéficient d'exonérations de cotisations sociales et d'exonérations fiscales. Nous avons souvent dit ici que le crédit d'impôt recherche était un élément constitutif et distinctif pour la qualité et qu'il permettait de soutenir l'effort des entreprises en R & D et en innovation en France.

À ces aides directes s'ajoutent celles à destination des investisseurs, comme le dispositif ISF-PME ou le tout nouveau compte PME innovation créé dans le cadre de la dernière loi de finances rectificative.

Les entrepreneurs trouvent donc en France nombre de réseaux d'accompagnement, d'accélérateurs, d'incubateurs, et le financement du capital-risque s'améliore.

Au cours des déplacements que nous avons effectués, nous avons constaté que la French Tech, qui a été créée en 2013, a contribué à améliorer l'image de marque de nos startups à l'étranger, tout en constituant une étape décisive dans la transformation et la reconnaissance des écosystèmes performants sur l'ensemble du territoire, puisqu'un certain nombre de territoires sont labellisés French Tech.

En matière d'internet des objets, la French Tech repose avant tout sur le dynamisme des collectivités territoriales. Il existe en France des écosystèmes tournés vers l'internet des objets. Les plus connus sont la Cité de l'objet connecté à Angers qui bénéficie du label French Tech, l'écosystème Brest Tech + en Bretagne qui a un réseau thématique « internet des objets » à Lannion, ou encore l'IoT Valley à Toulouse, qui a été fondée en 2011 par M. Ludovic Le Moan, le PDG de Sigfox, et qui est implantée sur le campus de Labège où sont concentrées des startups de plus en plus nombreuses. L'ensemble compte aujourd'hui trente-cinq entreprises membres, 300 collaborateurs et des partenaires issus de grands groupes, à l'image d'Intel, de Microsoft ou de Samsung.

La France doit impérativement s'engager encore plus dans le virage de l'internet des objets, et elle a les compétences pour le faire. Il faut amplifier le système d'innovation et de R & D qui existe dans notre pays, et continuer à accompagner les jeunes.

Aujourd'hui, un tiers des étudiants et lycéens professionnels souhaitent créer leur entreprise. En dix ans, le nombre de créations d'entreprises par des jeunes a quasiment triplé. Il importe donc d'accompagner la prise de risques et de dédramatiser la peur de l'échec. Face à cela, les jeunes sont beaucoup plus ouverts que les générations précédentes. Il faut conforter cet écosystème qui n'a besoin que de grandir.

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Mme Corinne Erhel a mis en avant les points positifs, mais il reste toutefois quelques freins à lever.

Les startups ont des difficultés à s'inscrire dans une croissance durable de leur développement, à faire ce que l'on appelle le scale up, c'est-à-dire à passer le cap qui permet de basculer du statut de startup à celui d'entreprise de taille plus importante. Elles ont du mal à réussir des levées de fonds importantes, de plusieurs dizaines de millions d'euros, même si on a vu, depuis deux ans quelques contre-exemples. Elles ont des difficultés également à maîtriser un environnement réglementaire qui se complexifie à mesure que l'entreprise grandit – respect du droit du travail, effets de seuil, etc.

Les obstacles sont aussi d'ordre psychologique. En raison d'une insuffisante culture de la prise de risque, l'échec est toujours pointé du doigt en France, même s'il y a bien un dynamisme entrepreneurial. La faiblesse de l'internationalisation dans nos jeunes entreprises est un autre frein. Or le numérique est un marché complètement affranchi des frontières. Dans le domaine des objets connectés, la demande française ne sera pas suffisante pour parvenir à la taille critique nécessaire permettant d'affronter la concurrence internationale. Je suis allée en Israël où j'ai pu constater que les startups ont le même problème de marché domestique trop faible. Elles ont cependant tout de suite le réflexe stratégique de s'orienter vers plusieurs marchés en même temps. C'est ce qu'il faut parvenir à faire en France.

L'apparition en France d'une culture de l' « exit » constitue un autre frein. Les startups ont tendance à développer et lancer leurs produits puis à revendre l'entreprise à un grand groupe, souvent étranger, plutôt que de la faire croître. C'est dommage car nous ne pouvons pas ainsi amortir les importants soutiens publics à l'innovation qui ont été réalisés. C'est aussi, à terme, une perte de contrôle du développement de l'entreprise qui passe sous main étrangère.

Autre point d'attention : le développement d'infrastructures de réseaux performantes sur tout le territoire. Autant nous étions en avance par rapport aux autres pays en ce qui concerne le déploiement de l'ADSL, autant maintenant nous sommes en train de prendre du retard s'agissant du très haut débit. Il faut être très vigilant et faire de ce projet de couverture en très haut débit le projet prioritaire de déploiement d'infrastructures en France.

Un autre frein concerne l'environnement administratif et fiscal français. Deux sujets méritent d'être discutés. Avec Mme Corinne Ehrel, nous sommes d'accord pour reconnaître un principe d'innovation dans la Constitution. Mais à titre personnel, je défends l'idée que ce principe se substitue au principe de précaution. Il s'agit d'éviter que ce dernier ne devienne une source de blocages contre les innovations et les expérimentations, en développant l'incertitude. Ce principe peut ainsi être source de sur-réglementation ou être un moyen d'encourager les contentieux. Le principe d'innovation dans la Constitution suffit-il à protéger les innovations ou faut-il, comme je le propose, supprimer le principe de précaution ? Le débat est à la fois politique et juridique.

Nous pensons également qu'il faut réformer la fiscalité du capital. Les entreprises et les innovations qui doivent être portées d'emblée sur un marché mondial ont besoin de beaucoup de capitaux pour les levées de fonds. Aujourd'hui, la France est dans une situation de handicap car la fiscalité du patrimoine n'est pas concurrentielle par rapport à ses partenaires européens. Mme Corinne Ehrel propose une fiscalité sur l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) favorable à l'investissement dans l'innovation et le risque, tandis que je suggère de supprimer l'ISF pour rendre notre pays très attractif et permettre une relocalisation de certains capitaux en France.

Notre recommandation n° 17 consiste à avoir en France une fiscalité du capital qui soit de toute façon favorable à l'investissement dans l'innovation et dans le risque.

En conclusion, ce rapport ne comporte pas de nouvelles propositions de mesures réglementaires ou législatives parce que nous pensons qu'il s'agit d'un rapport prospectif et pédagogique. Nous voulions porter à votre connaissance les enjeux de croissance que représente le développement des objets connectés, et insister sur la nécessité d'avoir des formations adaptées et de faire de la pédagogie auprès du tissu industriel français s'agissant de l'importance d'investir dans l'industrie du futur et dans le changement des pratiques industrielles.

Il est certain qu'il sera intéressant, dans le cadre de la prochaine législature, de voir comment la France, au regard des autres pays, a mis en place les objets connectés dans son économie et son industrie, et comment elle aura su tirer parti d'un point de vue économique de l'ensemble de ces enjeux.

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Je remercie nos deux rapporteures pour ce travail minutieux et passionnant.

Vous avez indiqué que l'internet des objets était considéré comme la troisième évolution de l'internet où les objets connectés ont pour ambition de rendre notre environnement plus intelligent et plus sûr. Les objets connectés ne sont plus aujourd'hui les gadgets technologiques que nous avons connus il y a quelques années, ils sont devenus de véritables marchés qui peuvent rapporter beaucoup d'argent aux entreprises et aux États qui s'y intéressent. Le potentiel de la donnée est énorme, comme vous avez pu le constater. Ce Gouvernement l'a d'ailleurs compris en faisant de l'internet des objets la première des sept grandes priorités d'action du plan « Industrie du futur ».

Mais, comme toute nouveauté, les objets connectés inquiètent parfois nos concitoyens, en tout cas ils les interrogent. Il est bon que les pouvoirs publics s'en emparent rapidement afin d'instaurer, selon moi, la première des priorités : le rapport des citoyens à ces objets et la confiance dans laquelle ils doivent pouvoir investir. Aujourd'hui, il est difficile de garantir au consommateur que ses données personnelles ne font pas l'objet d'un stockage ou d'une exploitation économique, ou qu'elles sont tout simplement respectueuses du périmètre qu'il juge pertinent d'être le sien en ce qui concerne son intimité. Vous l'évoquez dans votre recommandation n° 9. Mais croyez-vous que cela puisse se faire aussi facilement, compte tenu des pouvoirs économiques, et des enjeux économiques et financiers que constituent ces données et la gestion de ces données pour les entreprises ?

Vous avez également beaucoup parlé de l'impact social et du lien créé par les réseaux sociaux. On peut, à l'inverse, se demander si les objets connectés n'aboutissent pas parfois à une véritable déconnexion du citoyen du monde réel. J'aimerais connaître votre avis sur cette question.

La formation à cette nouvelle économie fait l'objet de votre recommandation n° 12. Selon vous, quelle peut être cette formation, et sous quelle forme pourrait-elle se développer ?

L'énorme chantier de la donnée ne pourra se faire au niveau national, l'échelon européen étant un rouage essentiel pour devenir le futur champion de la donnée. Là aussi, compte tenu des différentes politiques publiques et des avancées technologiques hétérogènes de nos voisins européens, comment comptez-vous faire pour réunir tout le monde autour de la table afin d'avancer rapidement et fortement sur cette question ?

Enfin, je soutiens l'idée de Mme Laure de La Raudière qui vise à remplacer dans la Constitution le principe de précaution par celui d'innovation.

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Avec les objets connectés, internet va se transformer en un réseau étendu, reliant plusieurs milliards d'êtres humains à plusieurs dizaines de milliards d'objets. Ils vont bouleverser totalement des domaines encore relativement peu affectés par internet, comme la santé, l'habitat, l'automobile ou l'assurance.

La compétition économique sera redoutable entre plateformes et en ce qui concerne le partage de la valeur entre les acteurs économiques traditionnels et les nouveaux venus issus du secteur numérique. L'internet des objets touchera ou touche déjà l'espace professionnel. Les chaînes de logistique et de distribution ont été les premières à intégrer les puces électroniques dans les produits, afin d'en assurer la traçabilité et d'optimiser leur activité. Plus généralement, l'internet des objets est un moyen pour les entreprises de rationaliser leurs processus internes.

Il concernera également l'espace public. Plusieurs villes déploient déjà des technologies de l'internet des objets pour répondre aux défis énergétiques et d'aménagement urbain. Dans ces villes, l'éclairage, le trafic, la collecte des déchets, la qualité de l'air et la distribution des fluides sont analysés et optimisés en permanence.

Enfin, dans l'espace privé, la diffusion des objets connectés commence à s'insérer dans la vie courante individuelle, notamment en ce qui concerne les paramètres individuels de santé. Mais pour le moment, une majorité de personnes voit peu d'utilité pratique de ces objets connectés. La clé au niveau de l'espace privé sera certainement de rendre l'usage attractif et plus simple d'accès, comme certains d'entre nous ont pu le voir au CES de Las Vegas.

Le rôle des plateformes d'échanges sera également très important puisque tout objet connecté fera partie d'une communauté. Notre voiture dialoguera avec les voitures environnantes, mais également avec le conducteur, l'assureur, le garagiste ou les services de secours. Les plateformes joueront donc un rôle clé dans la structuration du secteur. Chargées non seulement de gérer ces échanges de données mais aussi de réunir les acteurs d'une communauté d'objets connectés, qu'il s'agisse des développeurs, des fournisseurs, des utilisateurs ou des gestionnaires de services, elles donneront ainsi accès à des services qui pourront être améliorés sur la base des retours des utilisateurs et des données d'usage. Comme le souligne votre rapport, ce sera la donnée qui sera la source de création de valeur ; il ne faudra surtout pas rater ce tournant. Il y aura aussi une bataille autour des standards de nommage des objets puisque tous ces objets devront être identifiés par un autre pour établir un échange. Là aussi, beaucoup de choses vont se passer.

Le rapport que vous nous présentez offre un panorama très complet sur l'internet des objets. Vous avez également parlé du dynamisme français, qui est très réel dans ce secteur, comme nous avons pu le voir au CES de Las Vegas où nous étions avec Mme Laure de La Raudière. Il y a deux aspects qu'il ne faut pas oublier lorsque l'on parle des objets connectés : la réflexion éthique et la couverture numérique. La faible couverture numérique peut rendre impossible l'accès aux objets connectés pour un certain nombre de nos concitoyens.

Sur le plan économique, la priorité ne devrait-elle pas être la stabilité réglementaire et fiscale pour éviter, par exemple, de réformer le régime des attributions gratuites d'actions un an après sa modification, comme on l'a fait lors de la loi de finances de 2017 ? Vous constatez, en effet, dans votre rapport, un manque de lisibilité, raison principale de la faiblesse du capital-risque en France.

En ce qui concerne la place des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI), au-delà du rôle de l'État et des acteurs purement publics, que peut-on attendre d'autres acteurs comme les organisations professionnelles ou les chambres consulaires pour promouvoir l'internet des objets et accélérer la transformation numérique des entreprises ?

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J'ai lu que, lors du CES de Las Vegas, un professeur de l'université de San Diego avait dit que les enfants qui naissent aujourd'hui ne conduiraient certainement jamais de voiture. De fait, et cela va très vite, de nombreuses aides à la conduite sont régulièrement installées. Des équipements permettent maintenant, par exemple, à des véhicules d'éviter un objet sur la route.

Les objets connectés, qu'ils concernent la régulation thermique ou le pilotage d'installations domestiques, seront tous reliés à un système intelligent qui prendra plus ou moins le pas sur l'humain, en tout cas qui fera des propositions via des algorithmes. L'homme pourra ainsi laisser ce système intelligent décider pour lui. Certes, nous avons connu, par le passé, des révolutions technologiques. Par exemple, le nucléaire a permis la production d'électricité, mais en la matière il n'y a pas eu vraiment d'interconnexion avec l'homme. Or, avec la signature électronique, le commerce électronique, on voit bien qu'il y a une interaction avec l'humain. Les véhicules connectés vont ainsi interagir beaucoup plus fortement que d'autres révolutions technologiques que nous avons connues par le passé.

Votre rapport est très précis et très complet. Je veux vous poser une question qui va peut-être au-delà de votre mission : comment voyez-vous évoluer le cadre juridique de ces objets connectés ? À quel moment l'humain reprend-il la main ? Quelles sont les responsabilités ? Comment s'assurer que la traçabilité ne joue pas trop sur les libertés des hommes et des femmes qui utiliseront les objets connectés ?

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Mesdames les rapporteures, je vous remercie pour la qualité de votre rapport qui présente un secteur extrêmement important avec un potentiel de croissance exceptionnelle.

La France a rayonné au CES en étant le troisième pays en termes de présence, après les États-Unis et la Chine. Les acteurs français sont, vous l'avez souligné, à la pointe en matière d'objets connectés.

Je souhaite revenir sur un cas d'école qui peut être le révélateur des insuffisances du modèle français. Il s'agit de Withings, spécialiste bien connu de la santé connectée, ex-fleuron de la French Tech. Vous le savez, l'entreprise a été rachetée par le finlandais Nokia en avril 2016. Ce n'est d'ailleurs pas un cas isolé puisque Captain Train a aussi été racheté au début de l'année 2016 par son concurrent britannique Trainline. Le groupe finlandais a ainsi déboursé 170 millions d'euros pour s'offrir ce pionnier des objets connectés, fondé en 2008, qui a notamment mis sur le marché des balances connectées, des montres et des bracelets permettant de visualiser des données de santé. Nokia a pu investir via sa filiale Nokia Technologies dont le siège est situé en Californie. Comment analysez-vous ce rachat ? Quel est l'impact pour les ambitions françaises sur le marché des objets connectés ?

Dans votre précédent rapport, en 2014, étudiant de manière passionnante le développement de l'économie numérique française, vous préconisiez pour les objets connectés « de réserver une part de la commande publique numérique au développement de nouvelles applications dans le domaine de l'internet des objets ». Quel est le bilan aujourd'hui ? À combien s'élève cette part ?

Enfin, je souhaiterais connaître votre analyse concernant la menace des cyber-attaques via les objets connectés. On le sait, les tensions se déplacent aujourd'hui dans le monde numérique et les objets connectés peuvent nous rendre vulnérables à de telles attaques. M. Gérard Berry, professeur d'informatique au Collège de France, membre de l'Académie des sciences et lauréat de la médaille d'or 2014 du CNRS, a récemment qualifié les objets connectés de « passoires » en termes de sécurité. Selon lui, quasiment tous les objets connectés de nouvelle génération peuvent être piratés. Il cite l'exemple concret du pacemaker. Si le médecin règle le pacemaker à distance, très bien. Mais si c'est un pirate qui le fait, la vie du patient peut être en jeu. Comment assurer une réelle sécurisation du processus ? Quelles sont vos recommandations dans ce domaine ?

(Présidence de M. Jean Grellier, vice-président de la Commission.)

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L'un des objets d'étude du rapport est la santé connectée. Vous préconisez dans votre recommandation n° 13 le remboursement partiel par la sécurité sociale des objets connectés qui contribueraient à une politique de prévention. Or, si les opportunités sont en effet nombreuses dans ce domaine, l'alliance récente entre les géants pharmaceutiques et les sociétés qui exploitent le big data pose problème. Novo Nordisk et Johnson & Johnson se sont ainsi rapprochés d'IBM et, plus près de nous, Sanofi s'est allié en septembre 2015 avec la division sciences de la vie de Google pour développer « des méthodes plus proactives et efficaces de contrôle du diabète ».

Ne risque-t-on pas, sous prétexte d'améliorer la prise en charge des patients, de passer d'une médecine préventive à une sorte de dictature médicale ayant pour corollaire la fin de la mutualisation des risques, remplacée par une tarification personnalisée, comme vous l'évoquez très justement dans votre rapport ?

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Le rapport montre bien que le numérique est un facteur essentiel de croissance pour notre pays. D'où une préoccupation déjà exprimée par notre présidente : l'accès au réseau est loin d'être une réalité sur tout le territoire, particulièrement dans les territoires ruraux.

Quelles peuvent être les conséquences économiques de l'internet des objets sur la filière stratégique qu'est l'agriculture ? Cette filière, qui vit aujourd'hui une crise, est en mutation ; elle s'est déjà beaucoup adaptée et doit encore considérablement évoluer. Les agriculteurs, écrivez-vous, sont connectés : seuls 12 % d'entre eux n'ont recours à aucun équipement connecté. Les objets connectés permettent, dans l'élevage comme dans la culture, de véritables rationalisations et des gains de productivité dont notre agriculture a bien besoin.

Quelles perspectives les objets connectés offrent-ils à court terme dans le domaine agricole ? À quelle échéance situez-vous la généralisation de ce que vous appelez le e-farming ? Comment favoriser celui-ci de manière à conforter notre agriculture ? Quelle place cette filière occupe-t-elle dans la French Tech ?

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Le rapport, publié en octobre 2015, de la mission gouvernementale « #AgricultureInnovation2025. 30 projets pour une agriculture compétitive et respectueuse de l'environnement » signalait l'importance du développement des objets connectés – robotique agricole, croisement et traitement des données, aide à la décision – pour améliorer l'efficacité et l'impact environnemental de l'agriculture française. Ainsi, dans certaines vignes, les capteurs connectés livrent des informations précises sur le niveau de stress hydrique des parcelles viticoles.

Les agriculteurs ont heureusement pris la mesure du potentiel que représente la digitalisation de leur secteur. Selon une étude citée dans le rapport d'information, la communauté agricole interrogée est connectée, avec en moyenne quatre équipements de e-farming par exploitation. Si l'on détaille les solutions de connexion dont disposent les agriculteurs, 60 % ont déjà acquis un système de gestion d'exploitation et de guidage par géolocalisation. En outre, 65 % des agriculteurs interrogés affirment leur intention de s'équiper dans les prochaines années, manifestant une prédilection pour les objets connectés aux machines agricoles, aux animaux d'élevage ou aux bâtiments agricoles.

De tels investissements ne sont pas réalisables sans recours à l'endettement. Dans cette perspective, quel pourrait être l'intérêt des structures déjà anciennes, mais toujours utiles, que sont les CUMA (coopératives d'utilisation du matériel agricole) ? Le droit existant leur permet-il de soutenir des investissements dans ce domaine ? Dans le cas inverse, quelles adaptations législatives vous sembleraient opportunes ?

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Je laisse maintenant nos deux rapporteures répondre aux questions.

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Parmi vous, beaucoup d'intervenants s'accordent sur le potentiel de l'internet des objets, la place que la France occupe au sein de cet écosystème, et se demandent comment le développer.

Vous avez insisté sur deux éléments importants. Le premier est la confiance des investisseurs, nécessaire à la poursuite des investissements dans ce secteur. D'où nos recommandations visant à la stabilité fiscale et réglementaire dans ce domaine. Puisque les opérateurs vont devoir consentir des investissements massifs, une fiscalité lisible au fil du temps, donc stable d'un exercice à l'autre, est indispensable ; nous en avons débattu dans le cadre de la loi de finances pour 2017. Il en va de même pour les investisseurs en capital-risque. Nous divergeons sur le moyen de parvenir à cet objectif s'agissant de l'ISF : je préférerais que nous le réformions de manière à encourager davantage l'investissement, par exemple en améliorant la défiscalisation en cas d'investissement dans l'innovation, tandis que Mme Laure de La Raudière opte pour une suppression de cet impôt.

Le second élément est la confiance des utilisateurs, qu'il s'agisse de consommateurs individuels ou d'entreprises. Cette confiance concerne deux domaines évoqués à juste titre par plusieurs d'entre vous. D'abord, la collecte des données – et l'identité de ceux qui y procèdent –, leur lieu de stockage et leur destination. Nous avons déjà voté plusieurs textes à ce sujet, mais le problème s'accroît avec la multiplication des objets connectés. Nous devons donc poursuivre notre travail pour parvenir à une régulation assez fine, notamment de la part de la CNIL et de l'ARCEP.

Ensuite, la sécurité. À l'heure actuelle, certains des objets connectés sont à cet égard vulnérables. Il faut oeuvrer davantage et de manière plus précise à la sécurité des données et à la cybersécurité : les enjeux, en France, sont importants ; des annonces récentes concernaient cet aspect, qui est l'un des plus essentiels.

Mme Virginie Duby-Muller a évoqué le rachat de Withings par Nokia, groupe qui a également fusionné avec Alcatel-Lucent ; l'opération s'explique notamment, au-delà de l'intérêt des objets connectés, par l'importance que ce groupe accorde à la sécurité. C'est un autre potentiel important qu'il faut développer.

Dans le domaine de la santé, abordé notamment par M. Yves Daniel, nous sommes soumis à des injonctions contradictoires : l'internet des objets présente un grand intérêt pour la prévention et la prédiction de certains risques, pour un suivi efficace et fin des patients au fil du temps, mais il pourrait permettre, si l'on ne prend pas suffisamment garde à la destination des données, une personnalisation de la sécurité sociale en fonction des risques. Il s'agit donc de trouver, dans les mois qui viennent, le bon point d'équilibre. La destination des données, en particulier, est fondamentale. Le potentiel considérable des objets connectés en matière de santé n'en requiert pas moins que l'on investisse davantage dans ce domaine, pour un suivi sur tout le territoire, quelles que soient l'origine et la pathologie des patients. Mais cela suppose des dépenses de R & D et un cadre favorable.

Dans l'agriculture, le potentiel de l'internet des objets est également très significatif. Chez moi, en Bretagne, dans les vastes zones légumières, les objets connectés permettent de tracer un produit du champ jusqu'à sa mise en conditionnement et sa commercialisation ; cette pratique existe déjà et continue de se développer. Je songe aussi aux techniques d'élevage, notamment au suivi de l'alimentation des animaux. Nous devons donc être en mesure d'investir massivement dans ces technologies et de développer fortement la R & D. Le potentiel, nous l'avons ; la France, qui a manqué d'autres tournants technologiques au cours des années passées faute d'être suffisamment en première ligne, doit cette fois jouer un rôle moteur – sans jamais oublier la dimension européenne – dans ce secteur fondamental.

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En ce qui concerne les enjeux éthiques, évoqués par la plupart d'entre vous, deux éléments sont à prendre en considération.

Premièrement, les données elles-mêmes. À cet égard, nous avons besoin d'un cadre européen très exigeant. Le marché européen est suffisamment important pour que nous puissions imposer nos normes et nos valeurs aux acteurs étrangers. Mais cela nécessite une diplomatie numérique spécifique et de très haut niveau. En d'autres termes, il faut une prise de conscience de cet enjeu au plus haut niveau de l'État, si nous ne voulons pas perdre de notre souveraineté ou de nos valeurs.

Cette diplomatie doit d'abord s'élaborer au niveau bilatéral, en direction de pays avec lesquels nous sommes très habitués à travailler. La personne qui sera chargée de ce dossier devra être à un très bon niveau dans la hiérarchie des ambassadeurs. Celle qui le fait aujourd'hui est quelqu'un de très bien, mais ce sujet n'est pas la préoccupation première de nos ambassades en Allemagne, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas alors qu'il est essentiel de lui consacrer beaucoup de temps et d'énergie, car il y va de la construction de notre avenir européen. Je suis personnellement favorable à ce que nous placions ces enjeux au coeur du projet européen en réécrivant celui-ci pour l'adapter à l'ère du numérique.

Deuxièmement, l'utilisation des algorithmes d'intelligence artificielle soulève des interrogations. Quelle sera demain la place de l'homme dans la prise de décision ? L'intelligence artificielle est-elle une aide à la décision ou se substitue-t-elle au décideur ?

Sans même qu'il s'agisse d'intelligence artificielle, dès à présent, la majorité d'entre vous s'en remet au GPS pour choisir son itinéraire : vous ne faites plus de vous-mêmes un détour pour voir au passage une église, un monument, un site qui vous intéresse. Mais le GPS ne vous fait-il pas passer par des endroits qui ont fait l'objet d'une négociation avec des partenaires commerciaux ? De telles pratiques ne mériteraient-elles pas d'être encadrées, pour plus de liberté, ou du moins de neutralité des outils que nous utilisons ?

Demain, la question se posera dans des domaines bien plus cruciaux, dont la santé. Nous devons donc mener une réflexion politique sur ces enjeux. Il n'en faut pas moins miser au maximum sur les secteurs dont nous parlons, porteurs de croissance économique et de bénéfices pour la santé. L'utilisation des données collectées – notamment, en France, grâce à la base de la sécurité sociale – pour appuyer la décision du médecin permettra d'améliorer le traitement des patients et de le rendre plus égalitaire, quel que soit l'endroit du territoire où les patients se trouvent : un médecin qui devra soigner un cancer dans une zone reculée aura accès aux mêmes données que l'Institut Gustave-Roussy et pourra pareillement leur appliquer des algorithmes d'intelligence artificielle afin de formuler des préconisations – comme nous le faisons nous-mêmes, à ceci près que notre cerveau ne peut pas ingurgiter le même nombre incalculable de données qu'une intelligence artificielle.

Le problème – cela a été dit – est que les grands acteurs qui se sont positionnés dans ce secteur sont IBM, avec Watson, et Google. Nous devons donc développer et promouvoir une solution européenne en la matière. Nous avons, en France, la capacité et les moyens de le faire. Le problème est réel, mais freiner le développement de l'e-santé et de l'utilisation des données personnelles serait une erreur du point de vue économique comme en ce qui concerne nos citoyens.

Les enjeux de sécurité sont tout aussi réels. Toutefois, je suis assez confiante. Nous n'en sommes qu'à la première phase de développement des objets connectés et le problème est bien identifié ; il sera traité, même s'il ne l'est pas encore. Il est inconcevable que nous nous mettions à utiliser des voitures connectées aussi facilement piratables qu'elles le sont aujourd'hui. Naturellement, il faut alerter à ce sujet l'ensemble des acteurs qui développent des objets connectés.

En ce qui concerne les enjeux de formation, abordés par M. Yves Blein, nous devons créer des formations de code et de développement informatique dans tous les territoires, au nom de l'exigence de transmission des connaissances au plus près de chaque territoire. Je milite donc pour que l'on fonde une école par département, voire par arrondissement dans quelques années. N'existe-t-il pas des écoles d'infirmiers dans chaque arrondissement ou presque ? Le numérique va se généraliser et nous aurons besoin de compétences disponibles partout pour moderniser et numériser l'ensemble de nos PME.

Il faut aussi développer les formations de data scientists, d'analystes de données. Il en existe en France de très bon niveau, mais très peu nombreuses. Il importe de les généraliser, au côté des filières scientifiques, dans toutes les universités de sciences.

Les enjeux pédagogiques concernent aussi la numérisation de nos PME, très en retard sur leurs homologues européennes s'agissant de la prise de conscience de l'importance du numérique pour leur compétitivité, le développement de leur chiffre d'affaires et même, parfois, la survie de leur activité. Nous devons donc fournir des formations aux chefs de PME et de TPE sur la numérisation, l'intégration d'objets connectés au système de production, l'installation de systèmes de domotique par les artisans, sans quoi ces entreprises subiront des pertes d'activité, car les consommateurs vont être demandeurs de ces prestations.

Dans l'agriculture, Madame Marie-Hélène Fabre, la viticulture est sans doute, en effet, la filière la plus avancée dans l'intégration de l'internet des objets et dans la numérisation de l'activité, alors même que les exploitations ne sont pas toujours de grosses entreprises. Mais c'est aussi le cas de l'agriculture en général, comparée à l'artisanat ou au commerce qui concernent des entreprises de taille comparable, des TPE. Les agriculteurs sont depuis longtemps habitués à s'équiper : on voit des robots dans les exploitations d'élevage et, dans les exploitations céréalières, l'utilisation de pluviomètres connectés ou de drones se développe. Ce secteur globalement très dynamique peut servir d'exemple à d'autres secteurs industriels ou artisanaux.

S'agissant enfin du rôle désormais pivot des plateformes dans l'économie évoqué par M. Lionel Tardy, nous pensons qu'il y a une réflexion à mener sur la création de plateformes industrielles collaboratives au niveau européen et qu'une telle démarche mérite d'être encouragée. Si les constructeurs automobiles ne travaillent pas ensemble, la voiture connectée Renault ne parlera qu'à Renault, et non à Peugeot, par exemple. Il faudra aussi associer à cette réflexion les sociétés d'autoroutes et d'autres acteurs du domaine du transport. Le but est d'éviter que, cette fois, les plateformes ne soient préemptées par les géants américains. Ce n'est pas encore le cas dans cette filière, contrairement à ce qui s'est passé pour les moteurs de recherche, les réseaux sociaux ou dans le domaine hôtelier : la bataille n'est pas perdue et nous devons la livrer. Voilà pourquoi nous donnons aujourd'hui l'alarme, afin que ces enjeux soient signalés au plus haut niveau.

La commission autorise la publication du rapport d'information.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 10 janvier 2017 à 16 h 15

Présents. – M. Frédéric Barbier, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Yves Daniel, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Christian Franqueville, M. Daniel Goldberg, M. Jean Grellier, M. Antoine Herth, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Pierre Le Roch, M. Yannick Moreau, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. Lionel Tardy, M. Jean-Paul Tuaiva

Excusés. – M. Denis Baupin, M. Jean-Claude Bouchet, M. Olivier Falorni, M. Laurent Furst

Assistaient également à la réunion. – M. Guillaume Chevrollier, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Sophie Rohfritsch, M. Jean-Luc Warsmann