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Commission des affaires étrangères

Réunion du 24 janvier 2017 à 16h45

Résumé de la réunion

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La réunion

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Audition, ouverte à la presse et conjointe avec la commission des affaires européennes et la commission des affaires économiques, de M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger, sur la stratégie du commerce extérieur de la France et la politique commerciale européenne

La séance est ouverte à seize heures trente.

Le compte-rendu de cette réunion conjointe est lisible à l'adresse suivante : http://www.nosdeputes.fr/14/seance/7619.

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Chers collègues, nous allons examiner la proposition de résolution européenne de M. Marc Dolez sur l'accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada (dit CETA). Ce texte est inscrit à l'ordre du jour du jeudi 2 février, dans le cadre de la journée réservée au groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Il a été rejeté par la commission des affaires européennes mercredi dernier.

Il est d'usage, s'agissant de textes inscrits par un groupe à l'ordre du jour d'une journée réservée, que leur rapporteur soit membre de ce groupe. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine propose la candidature de M. Marc Dolez pour être rapporteur de ce texte. (M. Marc Dolez est nommé rapporteur.)

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Madame la présidente, mes chers collègues, je vous remercie de m'accueillir au sein de cette commission pour vous présenter une proposition de résolution européenne, déposée par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, qui vise à créer les conditions d'un débat véritablement démocratique sur le CETA. Nous considérons que cet accord peut être lourd de menaces, tant pour les économies européennes que pour la démocratie même.

Cette proposition de résolution intervient alors que la procédure d'approbation est en cours, dans une phase du processus qui nous paraît propice à l'expression des représentants du peuple, tant au niveau du Parlement européen que des parlements nationaux, après une phase de négociation dont il faut bien reconnaître qu'elle n'a pas été placée sous le signe de la démocratie et qu'elle a même été particulièrement opaque. L'accord a été signé le 30 octobre dernier et l'approbation de l'accord par le Parlement européen devrait être examinée lors de sa séance du 2 février prochain.

Le CETA est un accord mixte, ce qui signifie que sa conclusion ne pourra intervenir qu'après ratification par chacun des États membres. Toutefois, le Conseil européen a la possibilité de décider – ce qu'il a fait le 28 octobre dernier – son application provisoire sous réserve de l'approbation du Parlement européen et d'une limitation aux seules dispositions relevant de la compétence exclusive de l'Union – ce qui représente grosso modo 90 % d'entre elles. À l'exception, donc, des dispositions exclues du champ de l'application provisoire, relatives en particulier à l'investissement et au mécanisme de règlement des différends entre les États et les investisseurs, c'est la quasi-totalité de l'accord qui pourrait ainsi entrer en vigueur dès le vote du Parlement européen, le 2 février prochain.

Nous voulons placer cette proposition de résolution sous le signe du débat démocratique, compte tenu des problèmes de fond que l'accord, selon nous, continue de poser.

Matthias Fekl a considéré tout à l'heure, lors de la réunion que nous avons tenue avec la commission des affaires économiques et la commission des affaires européennes, que cet accord était globalement équilibré et que les conséquences susceptibles d'en résulter n'étaient peut-être si importantes, le Canada n'étant, selon sa propre expression, « pas un partenaire de premier plan ». Je dois dire que nous ne partageons pas cette vision des choses et que, sur le fond, il reste bien des questions et des interrogations.

Force est de constater, tout d'abord, qu'il n'existe aucune étude d'impact sérieuse. Non seulement le surplus de croissance espéré est sujet à caution, mais ses conséquences seraient, à coup sûr, négatives sur les standards de protection sociale.

C'est ce qui a conduit, le 8 décembre dernier, la commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement européen à proposer le rejet de l'accord. Sa position s'appuie en particulier sur une étude indépendante, émanant de l'université américaine Tufts, qui a dressé un tableau noir des conséquences économiques et sociales d'une éventuelle entrée en vigueur du CETA. Selon cette étude, près de 230 000 emplois pourraient disparaître d'ici à 2023 du fait de l'entrée en vigueur de l'accord, dont un peu plus de 200 000 dans la seule Union et de 45 000 en France. On ne peut pas écarter d'un revers de main ses conclusions, qui méritent à coup sûr d'être considérées de plus près.

Mais, au-delà même de la création d'une vaste zone de libre-échange, cet accord, dit « de nouvelle génération », vise surtout à supprimer les normes permettant de réguler les secteurs fondamentaux de notre vie économique et sociale et à instituer un mécanisme de règlement des différends entre les États et les investisseurs.

Dès lors, en cas de désaccord avec la politique publique menée par un État, une multinationale pourrait déposer plainte contre, non pas devant les juridictions nationales de cet État, mais devant une instance internationale. Certes, ce qui est positif, c'est que cette plainte ne serait plus transmise à des tribunaux arbitraux privés, ceux-ci ayant été remplacés in extremis par un système de « cour des investissements ». Toutefois, les juges seront autorisés à exercer des activités lucratives d'avocat avant et après leur mandat. Surtout, le problème de principe demeure car, même composée de juges nommés par les États, cette cour internationale est susceptible de remettre en cause l'exclusivité des juridictions de l'Union européenne dans l'interprétation du droit européen. C'est pourquoi nous pensons judicieux de demander la saisine par la France de la Cour de justice de l'Union européenne, afin de s'assurer de la conformité du CETA au droit européen.

Ce traité représente aussi une menace pour l'agriculture et les producteurs européens. Le principe de précaution n'existant pas au Canada, il n'y a pas d'obligation d'étiquetage des organismes génétiquement modifiés (OGM). Nos agriculteurs soulignent en outre le manque de reconnaissance des produits certifiés français : seule une centaine d'appellations d'origine contrôlée (AOC) est reconnue, sur les 561 que compte notre pays. L'accord prévoit bien la protection de 173 indications géographiques protégées (IGP) européennes au Canada, dont 42 françaises, mais le nombre des IGP actuellement reconnues par l'Union européenne ou enregistrées et en voie de l'être est supérieur à 1 400 ! C'est pourquoi nous demandons des informations plus précises sur l'effet de ces mesures en France.

Il faudrait également évaluer l'impact du système des indications géographiques protégées sur la qualité des produits, ainsi que sur la structuration des filières de production et de commercialisation, compte tenu de la coexistence autorisée d'une partie des marques déposées canadiennes.

Le CETA représente également une menace majeure pour notre élevage. Je vous renvoie en particulier au rapport présenté dès octobre 2014 par la présidente de notre commission des affaires européennes. Aujourd'hui, le Canada exporte vers l'Union européenne 3 000 tonnes de boeuf et 4 000 tonnes de porc. Avec le CETA, il pourra en exporter respectivement 65 000 et 75 000 tonnes.

En matière d'environnement et de développement durable, le dispositif général de l'accord est susceptible d'aller à l'encontre des objectifs de développement durable, s'agissant en particulier des enjeux climatiques et environnementaux. La Commission nationale consultative des droits de l'homme a publié, le 15 décembre dernier, un avis des plus critiques sur le sujet.

Même s'il y a entre nous des divergences d'appréciation sur les conséquences possibles du CETA, chacun conviendra sans doute que ces conséquences méritent d'être débattues dans un cadre public, ouvert et contradictoire. Or, cette transparence a fait défaut durant les négociations, pour lesquelles le peuple français a été représenté par les technocrates de la Commission européenne. L'exclusion de toute participation des peuples, des parlements et de la société civile porte à s'interroger sur la légitimité de ces négociations tenues à huis clos, dans une opacité et un silence qui ne font qu'entretenir la défiance des peuples.

C'est pourquoi il me semble essentiel de susciter le débat en toute transparence sur cet accord, comme l'avait fait, le 22 mai 2014, l'Assemblée nationale en adoptant une proposition de résolution européenne déposée par notre groupe sur le traité de libre-échange transatlantique. La présente proposition de résolution contient deux demandes principales.

Premièrement, nous souhaitons que le Parlement français soit consulté avant toute mise en oeuvre provisoire du CETA, qui pourrait avoir lieu dès le 1er mars si l'accord du Parlement européen était donné. Certes, il aurait mieux valu qu'il soit consulté avant l'adoption par le Conseil, le 28 octobre dernier, de la décision relative à la signature de l'accord. Mais, compte tenu de la perspective d'une application provisoire de ce dernier, cette demande me semble demeurer d'une particulière pertinence.

Deuxièmement, nous invitons le Gouvernement à proposer au Président de la République, en application de l'article 11 de la Constitution, d'organiser un référendum sur le projet de ratification, tant il nous semble important de donner, en dernier ressort, la parole au peuple sur un accord qui peut avoir les conséquences que j'ai brièvement rappelées.

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J'ai toujours eu beaucoup de respect pour Marc Dolez et pour son travail. Mais, s'agissant de cette proposition de résolution, j'ai d'abord une opposition de principe, qui date de l'époque où je fréquentais Pierre Mendès France, à la procédure du referendum.

Je conteste certes, comme Marc Dolez, la présentation selon laquelle le Canada ne serait pas un partenaire de premier plan. Le Canada est un grand pays, qui exporte, qui importe et dont la place dans le monde fait, je crois, l'admiration de toutes les démocraties. Il ne s'agit pas de mésestimer ce partenaire. Reste que cette proposition de résolution laisse à penser que le Canada serait le seul à exporter ses produits chez nous et que nous n'en exporterions pas chez eux.

Les appréhensions exprimées par le rapporteur sont légitimes, tout comme son aspiration au débat. Mais, notre commission et sa présidente l'ayant exigé du Gouvernement, celui-ci a bel et bien eu lieu, notamment grâce à Matthias Fekl qui est venu à maintes reprises évoquer l'évolution du traité négocié avec les États-Unis, rejeté pour l'heure à juste titre, et de celui conclu avec le Canada.

Donc, oui au débat, mais non au referendum sur un texte infiniment complexe. Je suis favorable aux referendums du type de celui sur l'indépendance de l'Algérie. Mais celui sur la Constitution européenne, avec ses 140 pages pratiquement illisibles tant le langage était abscons, était une forme de dévoiement de la démocratie. Pour ma part, je suis pour la démocratie représentative, qui est, pour paraphraser Churchill, « le pire des régimes, à l'exception de tous les autres », qui m'apparaissent largement plus démagogiques.

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Bien que nous ne soyons pas d'accord sur la question du referendum, j'ai, moi aussi, beaucoup d'estime et d'amitié pour François Loncle.

Bien entendu, les représentants du peuple ont leur mot à dire, mais sur des questions importantes, il n'est pas anormal, et c'est d'ailleurs prévu par la Constitution, de demander directement au peuple de trancher. Telle a été la position de François Mitterrand sur le traité de Maastricht, et celle de Jacques Chirac sur le projet de Constitution européenne. J'estime que les arguments consistant à dire que le sujet serait trop compliqué pour le soumettre au peuple, ou que le peuple ne répond jamais à la question qu'on lui pose, ne sont pas recevables.

Enfin, il peut y avoir divergence d'appréciation entre le peuple et les représentants du peuple. Je me souviens du débat de 2005 : 90 % des parlementaires, députés et sénateurs confondus, étaient favorables, si l'on se réfère au vote intervenu à Versailles sur la révision préalable de la Constitution, au projet de Constitution européenne, que le peuple a repoussé à 55 %.

Je ne nie pas, madame la présidente, le travail important accompli depuis plusieurs années sur le sujet par votre commission et par la commission des affaires européennes. Mais, tout en nous appuyant sur ce travail, nous pensons qu'il peut y avoir des points de vue différents sur les conséquences du CETA. Un vrai débat doit donc avoir lieu au Parlement, et il faut ensuite aller devant le peuple.

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Un débat me paraît tout à fait légitime et nécessaire, monsieur le rapporteur, d'autant que vous vous faites le relais de nombreuses questions posées par nos concitoyens. J'ai le plus grand respect pour votre travail, je sais votre sens de la précision et la force de vos convictions ; nul ne songe à vous dénier ces qualités.

Cela dit, puisque vous avez bien voulu faire référence aux nombreuses auditions que nous avons organisées et à ce que nous avons obtenu – saluons d'ailleurs la bonne volonté de Matthias Fekl et du Gouvernement –, notre commission me paraît convenablement informée. Par le fait même d'examiner votre résolution, nous allons d'ailleurs donner notre avis, comme l'a déjà fait aussi la commission des affaires européennes. En outre, un débat se tiendra en séance publique le 2 février prochain. On peut considérer que notre assemblée aura bel et bien été saisie de ces importantes questions.

Notre Constitution dispose qu'un traité ou un accord international peut être ratifié soit par la voie parlementaire, soit par referendum. Je ne me lancerai pas dans un examen des mérites respectifs de ces deux procédures. Il reviendra au prochain gouvernement de décider laquelle lui paraît la plus appropriée, mais, pour ma part, je suis d'accord avec François Loncle : la valeur d'une ratification référendaire n'est pas supérieure à celle d'une ratification parlementaire. N'oublions pas, d'ailleurs, que le président Mitterrand n'aurait probablement pas pu abolir la peine de mort s'il avait fallu en passer par le référendum. De même, la loi sur le « mariage pour tous » n'aurait sans doute pas été adoptée si elle avait été soumise à cette procédure.

Quant aux indications géographiques protégées mentionnées par l'accord, ce n'est pas parce que seules 42 d'entre elles, sur 173, sont françaises que quelque chose d'essentiel a été oublié. Dans une négociation, il faut choisir ses priorités, et les indications les plus importantes ont été retenues. Lors de son audition, Matthias Fekl a en outre indiqué que cette liste pourrait être complétée. La reconnaissance des indications géographiques – fromages et vins surtout – par un grand pays comme le Canada, qui privilégie traditionnellement les marques commerciales, est une première. Bien sûr, certaines professions agricoles peuvent éprouver quelque inquiétude, notamment les éleveurs bovins, à cause de ce quota annuel d'importation de viande bovine canadienne sans hormones – j'y insiste : sans hormones – de 45 800 tonnes, mais il faut comparer ce chiffre avec celui de la production européenne de viande bovine, qui est de 7,5 millions de tonnes. Le marché européen peut très probablement absorber ce contingent de viande canadienne, d'autant que l'entrée en vigueur du quota d'importation sera étalée dans le temps.

En ce qui concerne l'environnement, un chapitre du CETA est dédié au développement durable, et il est fait référence aux accords multilatéraux environnementaux. Par ailleurs, je le répète à la suite des propos tenus tout à l'heure par le secrétaire d'État au cours de son audition, le CETA n'impose de modifier aucune norme européenne. Et pour avoir accès au marché européen, il faudra les respecter toutes, normes sanitaires comprises.

De même, en ce qui concerne les services publics, la position européenne est absolument dépourvue d'ambiguïté. La préservation de la capacité des États et des collectivités à créer et à maintenir des services publics nationaux et locaux a toujours été une ligne rouge dans les négociations commerciales. Dans le cadre du CETA, cette capacité est explicitement prévue, dans une réserve à l'annexe 2, et elle autorise à conférer des droits exclusifs ou à définir des monopoles publics. Je considère que, compte tenu de ces dispositions, le CETA protège nos services publics et ne les menace pas.

J'en viens au règlement des différends, prévu dans le chapitre consacré aux investissements et à la cour publique. Nous avons déjà eu un rapport extrêmement détaillé de Seybah Dagoma, notre rapporteure sur ces sujets commerciaux internationaux. Elle a interrogé tous les acteurs et nous a dit, à plusieurs reprises, que si, dans le principe et dans l'idéal, il faudrait que le règlement des différends se fasse exclusivement devant des tribunaux nationaux de droit commun, nos opérateurs, nos exportateurs, nos producteurs demandent des tribunaux spécifiques. Je considère que cette cour de justice des investissements, introduite dans le CETA à la suite d'une initiative franco-allemande, marque un grand progrès : c'est une cour publique permanente qui tranchera.

Le CETA n'a rien de commun avec le projet d'accord transatlantique avec les États-Unis. Et, comme l'a justement souligné François Loncle tout à l'heure, il faut comparer ce que nous accordons et ce que nous obtenons : oui, le CETA prévoit des importations de viande bovine canadienne, mais, en retour, nous pouvons exporter nos vins, nos fromages et nos spiritueux, et nous ne concédons rien sur ce qui représente pour nous des lignes rouges. Telle est mon opinion, et c'est pourquoi je ne suis pas d'accord, monsieur Dolez, avec votre proposition de résolution, même si je vous remercie d'avoir suscité un débat que je crois absolument nécessaire – et que nous aurons d'ailleurs en séance.

La commission rejette la proposition de résolution.

(présidence de Mme Chantal Guittet, secrétaire)

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Nous examinons maintenant, sur le rapport de M. Boinali Saïd, le projet de loi, autorisant l'approbation de l'accord sur les pêches dans le sud de l'océan Indien

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L'accord que nous examinons aujourd'hui est un classique accord de siège passé entre la France et le secrétariat de l'accord relatif aux pêches dans le sud de l'océan Indien, dit APSOI, qui constitue une petite organisation internationale.

Je voudrais d'abord rappeler ce qu'est l'APSOI. L'APSOI a été mis en place suite à un accord signé en 2006 et entré en vigueur en 2012. Cet accord a été ratifié par la France en 2013. Notre collègue Serge Janquin avait présenté un rapport à notre commission sur le projet de loi autorisant cette ratification.

L'APSOI est une organisation régionale de gestion de la pêche. Ce type d'organisations est mis en place pour gérer la pêche dans les eaux internationales, sur une base volontaire et par grande zone géographique. En général y participent les États côtiers, mais aussi les grands pays pêcheurs, comme les pays asiatiques. Il existe des organisations qui s'occupent plus particulièrement de la pêche aux espèces migrantes, essentiellement les thonidés. D'autres, comme l'APSOI, s'occupent des autres ressources halieutiques.

Comme vous pouvez le constater sur la carte que j'ai insérée dans le rapport, l'APSOI couvre la gestion de la pêche dans un vaste espace de plus de 30 millions de kilomètres carrés au sud et à l'ouest de l'océan Indien. Il faut toutefois être conscient que tous les États côtiers n'ont pas adhéré à l'organisation, laquelle n'a pour le moment que huit parties contractantes : l'Australie, la Corée du sud, la France, le Japon, les Îles Cook, l'île Maurice, les Seychelles et l'Union européenne.

L'implication de la France dans cette organisation est liée à notre présence et à nos intérêts très importants dans le sud de l'océan Indien. Je rappelle que la France y possède deux départements d'outre-mer, Mayotte et la Réunion, ainsi que les nombreuses îles rattachées aux Terres australes et antarctiques françaises, à savoir Tromelin, les îles Éparses du canal de Mozambique que sont l'île Europa, Bassas da India, l'île Juan de Nova, les îles Glorieuses, enfin les îles subantarctiques de Crozet, Saint-Paul et Amsterdam, et Kerguelen.

L'ensemble de ces îles sont entourées de zones économiques exclusives, c'est-à-dire les espaces marins jusqu'à 200 milles nautiques, qui représentent plusieurs millions de kilomètres carrés, soit une part considérable du très vaste domaine maritime de la France. Comme on peut le voir aussi dans le rapport, le sud de l'océan Indien est, avec le Pacifique, l'une des deux grandes zones où se localise ce domaine maritime ; le quart de toute la zone économique exclusive de la France s'y trouve.

C'est bien sûr à ce titre que la France a souhaité prendre part à l'organisation régionale de gestion de la pêche compétente, puisqu'il faut assurer une continuité entre la gestion nationale de la pêche dans les zones économiques exclusives et la gestion de celle-ci dans les eaux internationales couvertes par l'organisation régionale, en particulier pour éviter la surpêche dans les eaux internationales limitrophes des nôtres.

Les activités de pêche françaises strictement dans la zone et le champ de compétence de l'APSOI ne sont pas très considérables, car il s'agit surtout d'activités complémentaires, soit de thoniers – la pêche au thon ne relevant pas de l'APSOI –, soit de navires qui pêchent un peu dans la zone APSOI en se rendant dans les zones économiques exclusives des TAAF ou dans les eaux antarctiques, notamment pour y pêcher la langouste et la légine.

Cependant, ces pêches dites complémentaires concourent à l'équilibre économique des activités et doivent être défendues.

De plus, certaines des activités de pêche effectuées depuis La Réunion sont devenues très importantes. C'est le cas en particulier de la pêche à la légine australe. Cette pêcherie est en valeur la première pêcherie française dans le monde, générant 66 millions d'euros par an de valeur au débarquement. La pêche, effectuée dans les eaux australes, est entièrement débarquée à La Réunion. La légine génère le deuxième revenu d'exportation de l'île, 300 emplois directs et 1 000 emplois indirects. Elle est ensuite exportée vers les États-Unis et le Japon.

L'APSOI se met progressivement en place. L'organisation dispose depuis octobre 2016 d'un secrétaire général, qui est un britannique. Elle a adopté un calendrier de travail en vue de disposer d'ici 2020 d'un régime d'encadrement de la pêche satisfaisant.

L'accord de siège que nous examinons a été signé en 2016. Il prévoit que le siège de l'APSOI sera implanté à Saint-Denis de la Réunion.

C'est sa disposition la plus importante, car l'implantation de ce siège sur le territoire français facilitera de toute évidence la défense des intérêts administratifs et économiques de notre pays, ne serait-ce qu'en facilitant la participation française aux réunions.

Ce sera aussi la première fois qu'une organisation régionale de gestion de la pêche aura son siège sur le sol français, et sans doute aussi la première fois qu'une organisation internationale, même modeste, aura son siège dans la France d'Outre-mer. Le rayonnement régional de l'île de La Réunion sera donc accru. Il y aura aussi des retombées économiques et touristiques, du fait de la venue d'experts et représentants étrangers aux réunions de l'APSOI. Enfin, comme l'APSOI aura besoin d'avis scientifiques, le potentiel scientifique de l'île devrait être dopé.

Les autres dispositions de l'accord sont celles que l'on trouve très classiquement dans les accords relatifs au siège d'organisations internationales. Elles appellent donc peu de commentaires, d'autant qu'il s'agit tout de même d'une petite organisation, qui devrait ainsi employer environ trois permanents seulement à son siège et dispose d'un budget de quelques centaines de milliers d'euros.

Il s'agit d'un ensemble d'exonérations fiscales, de règles d'inviolabilité des locaux, des communications et du courrier de l'organisation, enfin d'immunités juridictionnelles pour celle-ci et ses personnels. Ces immunités sont assorties de limites afin qu'il n'en soit pas abusé. Par exemple, elles ne portent pas sur les contrats commerciaux passés avec ses fournisseurs par l'organisation, non plus que sur les violations du code de la route et les éventuels accidents de la route. Les immunités peuvent également être levées dans certains cas.

Pour résumer, la France soutient de manière générale la gestion raisonnée de la pêche dans les eaux internationales par des organisations régionales. Ses intérêts économiques et de souveraineté justifient pleinement qu'elle s'implique tout particulièrement dans l'organisation régionale de gestion de la pêche compétente pour le sud de l'océan Indien, l'APSOI. L'installation du siège de celle-ci sur le territoire national permettra une meilleure défense de ces intérêts. Je vous invite donc à adopter le projet de loi qui permettra la ratification de cet accord de siège.

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J'observe que l'accord qui a institué l'APSOI a été signé par l'Union européenne en raison de Mayotte et de La Réunion. Il s'agit donc non seulement de régions ultramarines, mais aussi de régions ultrapériphériques de l'Union.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi n° 4246 sans modification.

La séance est levée à 19 heures