Commission des affaires européennes

Réunion du 24 janvier 2017 à 16h45

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mardi 24 janvier 2017

Présidence de Mme Marietta Karamanli, Vice-présidente de la Commission, de Mme Elisabeth Guigou, Présidente de la commission des Affaires étrangères, et de M. Jean Grellier, vice-président de la commission des Affaires économiques

La séance est ouverte à 8 h 30

Audition de M. Matthias Fekl, secrétaire d'État au commerce extérieur, à la promotion du tourisme et aux Français de l'étranger, conjointe avec la commission des Affaires étrangères et la commission des Affaires économiques, sur la stratégie du commerce extérieur de la France et la politique commerciale européenne

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Monsieur le secrétaire d'État, nous sommes heureux de vous accueillir à nouveau, pour cette réunion ouverte à la presse et conjointe à nos trois commissions. Il est convenu que nous vous auditionnions sur la stratégie du commerce extérieur de la France et la politique commerciale européenne sur lesquelles votre ministère a présenté un rapport, d'ailleurs distribué aux membres de nos commissions, mais je souhaiterais aussi obtenir des éclaircissements sur trois sujets d'une brûlante actualité.

Tout d'abord, notre commission des affaires étrangères examine tout à l'heure la proposition de résolution de M. Marc Dolez qui sera discutée en séance publique le 2 février dans le cadre de la journée réservée au groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Cette résolution invite le Gouvernement à consulter le Parlement avant toute mise en oeuvre provisoire de l'accord avec le Canada, le Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA), évoqué à de multiples reprises avec vous en commission des affaires étrangères. Elle demande également que la ratification de cet accord soit soumise au référendum. Quel est votre sentiment, sur le fond et sur la procédure de ratification ? Je crois savoir que la proposition de M. Marc Dolez a déjà été rejetée par la commission des affaires européennes.

Ensuite, si nous attendons tous avec impatience que le nouveau président américain précise ses positions sur de nombreux sujets de politique étrangère, nous pouvons déjà déduire des propos qu'il a tenus sur les relations avec la Chine et avec l'Allemagne, ou sur l'accord de libre-échange nord-américain (ALENA) et le traité transpacifique, et des propos qu'il a prononcés hier à Washington, qu'il a bien l'intention de mettre en oeuvre une politique protectionniste qui correspond aux attentes du coeur de son électorat. Certes, les membres républicains du Congrès ne sont certainement pas tous sur la même ligne, mais on ne peut rien exclure. D'un certain point de vue, cela convient aux positions françaises ; en l'absence de progrès, en l'absence de garanties, vous nous avez déjà fait part, à de multiples reprises, de votre demande d'une suspension des négociations commerciales entre l'Union européenne et les États-Unis. Cependant, si l'offensive protectionniste du nouveau président allait au-delà, cela poserait de sérieux problèmes – notamment si le principe même de tout accord de libre-échange devait être remis en cause. Comment abordez-vous cette perspective ?

Enfin, notre commission a publié, avec la commission des finances, un rapport écrit par Mme Karine Berger dans le cadre d'une mission d'information présidée par M. Pierre Lellouche, ici présent, sur l'extraterritorialité des lois américaines. Le ministère des affaires étrangères a consulté nos postes diplomatiques pour savoir dans quelle mesure les autres pays européens étaient disposés à engager une réflexion sur ce sujet au niveau européen ; d'ailleurs, le ministre des affaires étrangères et du développement international M. Jean-Marc Ayrault nous a reçus, Mme Karine Berger, M. Pierre Lellouche et moi-même, et il a effectivement donné une impulsion forte en faveur de l'inscription de la question à l'agenda européen. Les quelques éléments de réponse qui me sont parvenus confirment que nos partenaires sont beaucoup moins mobilisés que nous. Nous avons d'ailleurs pu vérifier à l'occasion d'une réunion conjointe avec nos collègues du Bundestag, il y a quinze jours, que ceux-ci ne partagent pas cette préoccupation. Comment pensez-vous inverser cette tendance pour que les Européens résistent ensemble à l'imperium américain ? Cela me paraît d'autant plus important qu'il n'y a rien à attendre du nouveau président américain en ce domaine – au contraire.

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Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je vous prie d'excuser l'absence de Mme la présidente de la commission des affaires économiques, actuellement en déplacement en Colombie avec le Président de la République, qu'elle accompagne en sa qualité de présidente du groupe d'amitié France-Colombie de l'Assemblée nationale.

Monsieur le secrétaire d'État, vous nous présentez aujourd'hui la deuxième édition du rapport sur la stratégie du commerce extérieur de la France et la politique commerciale européenne. Ce document fait la part belle à l'action des pouvoirs publics en faveur des petites et moyennes entreprises (PME). Afin de soutenir les entreprises à l'exportation, vous avez, en effet, entrepris de rationaliser et d'optimiser l'action des différents acteurs du commerce extérieur, avec notamment la signature d'une convention au mois de mars 2015 entre CCI International, Business France et CCI France International. La réorientation de notre appareil productif, industriel et de services, vers l'international, notamment grâce à la structuration de l'offre des entreprises françaises, qu'il s'agisse des PME ou des grands groupes, est également une de vos priorités.

Quel bilan tirez-vous de ces actions ? Et quelles sont les perspectives de notre commerce extérieur ?

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Monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, je vous prie d'excuser Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes, qui m'a priée de la suppléer.

En commission, nous avons travaillé plusieurs mois sur ces questions de politique commerciale. Trois sujets reviennent régulièrement, en lien avec ceux que vous allez aborder, monsieur le secrétaire d'État, et qui nous préoccupent.

Tout d'abord, nous souhaiterions connaître la position de la nouvelle administration des États-Unis sur les discussions en cours à propos du Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement – Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP), également appelé traité de libre-échange transatlantiqueouTransatlantic Free Trade Area (TAFTA). Quatre domaines suscitent particulièrement des interrogations : la protection des données ; l'ouverture de certains services aux fournisseurs américains ; la durabilité environnementale ; et la protection des investisseurs. Une bonne partie de l'opinion redoute, à tort ou à raison, que l'Union européenne n'abandonne, à l'occasion d'un tel partenariat, une partie de ses normes protectrices, notamment dans les domaines alimentaire et environnemental. Est-il vrai, comme le note la commissaire européenne chargée de ces dossiers, que ce qui est aujourd'hui interdit en Europe le restera, dans tous les domaines ? Notre commission serait heureuse de connaître la position de votre ministère.

Enfin, si bon nombre d'économistes estiment que des partenariats commerciaux transatlantiques seront bénéfiques pour l'Union européenne, augmentant son produit intérieur brut (PIB) par habitant, la question des disparités économiques entre pays membres de l'Union européenne et celle de l'évolution du commerce intra-européen se posent. La mise en oeuvre d'accords entre l'Europe et les États-Unis pourrait effectivement s'accompagner, selon plusieurs études, d'une réduction des échanges entre États membres de l'Union européenne. Comment envisager ces évolutions ? Quels peuvent en être les effets ? Et comment valoriser ce qui a fait et fait l'excellence européenne, particulièrement les labels, les appellations, les réseaux d'entreprises, les relations avec les grandes institutions de recherche ? Quelles initiatives l'Union européenne et la France pourraient-elles prendre dans ce domaine ?

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Matthias Fekl, secrétaire d'état auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger

Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, de votre invitation à m'exprimer devant vous, je vous remercie d'être venus si nombreux m'écouter. Effectivement, c'est la deuxième présentation qui vous est faite de ce rapport sur la stratégie du commerce extérieur et la politique commerciale européenne. En tout, depuis que j'ai eu l'honneur d'être nommé au Gouvernement il y a un peu plus de deux ans, le Parlement aura procédé à plus de vingt auditions sur les sujets commerciaux internationaux, notamment à l'occasion des conseils européens « commerce » et les grandes échéances des négociations internationales. Je vous en remercie, comme je vous remercie de votre travail approfondi sur ces sujets dont nos concitoyens se préoccupent encore plus qu'il y a quelques années. Avant d'entrer dans le vif du sujet, je remercie tous ceux qui ont contribué à l'élaboration de ce rapport : mon cabinet, bien sûr, et les services de Bercy et du Quai d'Orsay, notamment la direction générale du Trésor et la direction des entreprises et de l'économie internationale. Ils ont consacré du temps à ce rapport qui vise à faire la transparence totale sur l'ensemble des sujets et à soumettre au débat public, à travers votre contrôle, les décisions du Gouvernement. Quel que soit le résultat des prochaines élections, j'espère que cet exercice pourra être pérennisé ; ces échanges, ce contrôle parlementaire me paraissent importants.

Je m'exprimerai sur les résultats du commerce extérieur au début du mois de février, lorsque les chiffres officiels auront été établis, de manière indépendante. Je ne peux pour l'instant m'avancer, si ce n'est pour dire que l'année 2016 aura été très difficile. Depuis 2011, nous assistons à une amélioration continue de la situation de notre solde extérieur. Notre déficit commercial était supérieur à 70 milliards d'euros en 2011 ; en 2015, il était de plus de 40 milliards d'euros. C'est bien sûr, trop élevé, mais l'évolution est favorable. Une part substantielle et prépondérante de cette amélioration est cependant le fait, je l'ai toujours dit, de facteurs indépendants des décisions gouvernementales : l'évolution du cours de l'euro et celle des cours de l'énergie ; il faut être extrêmement clair et honnête. D'après les études indépendantes, les décisions gouvernementales, notamment en matière de compétitivité, expliquent tout de même 20 % à 25 % de l'amélioration de notre solde commercial. L'année 2016 sera beaucoup plus compliquée. En ce qui concerne les biens, le déficit se creusera sans doute, en partie pour des raisons conjoncturelles, notamment dans l'aéronautique, avec des différés de livraison. En matière de services, si nous sommes massivement excédentaires, et ce sur une longue période, l'évolution devrait être défavorable, notamment à la suite des attentats.

Par ailleurs, le contexte international évolue. Pour la première fois depuis 2009, la croissance du commerce international sera moins rapide que la croissance mondiale : celle-ci progressera de 3,1 % et celle-là seulement de 1,7 %. Plusieurs raisons l'expliquent : la crise dans les pays émergents, à la fois en Asie et en Amérique latine, et aussi l'arrivée à maturité de ce qu'on appelle les chaînes de valeur mondiales. Un certain nombre de très grandes entreprises et de grandes industries ont fait le choix de localiser dans des parties différentes de la planète leurs différents sites de production, ce qui entraîne un commerce intra-entreprise extrêmement élevé, mais nous sommes arrivés à un seuil au-delà duquel la croissance du volume de ces échanges ralentit. Tout cela explique en partie ce ralentissement du commerce mondial et sa moindre contribution à la croissance internationale.

Le contexte géopolitique est, lui aussi, complètement différent, et affecte, bien sûr, la situation économique. Il est encore trop tôt, après l'élection présidentielle américaine, pour que nous puissions déduire des conséquences précises des nominations et annonces du président Donald Trump – quelles décisions seront prises ? D'ailleurs, les membres de l'administration en charge du commerce extérieur n'ont pas encore tous été confirmés par le Congrès. Cependant, une certaine tonalité générale et la philosophie qui semble guider le nouveau président montrent bien quelles seront les orientations.

En ce qui concerne le TTIP, il semble que la messe soit dite. La Commission européenne semble ne l'avoir pas encore analysé ainsi – pour dire les choses poliment. Une de ses toutes premières réactions a effectivement été de dire qu'elle y croyait encore, qu'il fallait continuer, etc. Pour nous, cela ne change rien à la position de la France, qui est constante et a été rappelée par le Premier ministre, M. Bernard Cazeneuve, dans son discours de politique générale, après avoir été énoncée de manière extrêmement claire par le Premier ministre Manuel Valls comme par le Président de la République François Hollande. Considérant que le compte n'y était pas et qu'il n'y avait, en l'état, rien à en attendre, nous avons demandé la fin de ces négociations. La réciprocité n'est effectivement pas au rendez-vous. Or nous souhaitons une négociation commerciale équilibrée, gagnant-gagnant. Et nous souhaitons que cesse préalablement l'application extraterritoriale du droit américain.

Je vous rejoins, Madame la présidente de la commission des affaires étrangères, sur la très grande qualité du rapport de M. Pierre Lellouche et de Mme Karine Berger, un travail parlementaire bipartisan qui comporte des propositions extrêmement précises. D'ailleurs, le ministre des affaires étrangères, M. Jean-Marc Ayrault, a reçu en votre présence, Madame la présidente, et en la mienne, les auteurs de ce rapport, qui doit vraiment faire partie de la doctrine française en la matière – et demain, je l'espère, de la doctrine européenne. Cela n'a aucun sens de demander des négociations entre partenaires et, en même temps, de se faire des coups pareils et d'agir de cette manière. Cela ne peut pas fonctionner.

L'Union européenne doit absolument s'affirmer sur ce plan et se doter d'outils. Nous avons commencé, avec la modernisation des instruments de défense commerciale, à laquelle la France et l'Allemagne n'ont cessé d'oeuvrer, mais il faut continuer ce travail. Nous devons nous doter de capacités de rétorsion efficaces et rapides pour réagir lorsque sont prises de telles décisions qui affectent considérablement les entreprises françaises – le rapport présente d'ailleurs un certain nombre d'exemples édifiants.

Si l'élection américaine ne change rien à la position de la France, elle doit en revanche changer beaucoup à l'attitude de l'Union européenne en matière de négociations commerciales – et c'est ici un Européen convaincu qui s'exprime, un Européen viscéralement convaincu, du fait que nous avons besoin de l'Union européenne pour construire notre avenir. Avec l'élection présidentielle américaine, l'Europe a une occasion unique de s'affirmer comme la première puissance commerciale internationale. En termes de richesse cumulée et de richesse par habitant, nous sommes le premier ensemble économique au monde, devant les États-Unis. Notre poids dans les échanges internationaux doit être à la mesure de cette réalité. Encore faut-il sortir de sa servitude volontaire et s'affirmer comme un acteur majeur sur ces thèmes-là.

Tel est le sens de notre proposition de refondation de la politique commerciale européenne. Au nom du Gouvernement, j'ai eu l'occasion de faire dix-sept propositions, autour de plusieurs grands thèmes : la démocratie, l'environnement et le social.

Par démocratie, il faut notamment entendre la transparence et le contrôle parlementaire. La présence, selon des modalités à étudier, de parlementaires à la table des négociations doit être envisagée – évidemment, pas tous les parlementaires ; sinon il n'y a plus de négociations. Aux États-Unis, les membres du Congrès peuvent participer aux négociations et jouissent d'un droit de regard. Il n'y a aucune raison pour que ce ne soit pas possible en Europe.

Quant à l'environnement, l'intégration des nouveaux défis environnementaux aux négociations commerciales s'impose. Nous devons pouvoir conclure des accords modernes, qui contribuent aux objectifs de la COP21, avec des règles environnementales qui n'aient pas moins de pouvoir contraignant que les règles commerciales, leur non-respect étant sanctionné.

De même, sur le plan social, il faut une articulation avec ce qui se passe à l'Organisation internationale du travail (OIT) pour fixer des règles dans l'économie mondiale et pour que la puissance publique retrouve sa place dans l'économie internationale. Les flux économiques sont mondiaux, il faut aussi être capables de poser des règles mondiales, c'est un combat de la France. C'est d'ailleurs le message que relaie la diplomatie française, au-delà des alternances. Nous continuerons donc à agir au niveau de l'Union européenne, pour que cette conception intègre la doctrine européenne, nous n'y sommes pas encore, mais il y a évidemment des initiatives à prendre au niveau européen, et nous les prendrons.

Ces propositions, qui couvrent un champ très large, sont évidemment à votre disposition, elles figurent d'ailleurs dans le rapport pour que vous puissiez en discuter. Il s'agit de sortir, au niveau européen, de routines en vertu desquelles on ouvre négociations après négociations sans s'interroger sur la réalité de la valeur ajoutée de ces négociations, sans faire d'études d'impact contradictoires précises, secteur par secteur, branche par branche, territoire par territoire, notamment en termes d'emploi. Il revient, certes, aux responsables politiques d'assumer les arbitrages, mais qu'ils le fassent sur une base extrêmement précise. De même, il faut arrêter de négocier sur le fondement de mandats d'une durée indéfinie qui restent valables malgré les changements ; il faut des clauses de réactualisation précises. Ces réflexions ont vocation à nourrir réflexions et travaux européens, et c'est encore plus vrai compte tenu des changements en cours aux États-Unis.

Vous m'avez également interrogé sur l'accord avec le Canada. Lorsque j'ai été nommé, en 2014, les négociations étaient terminées, l'accord était finalisé, avec un équilibre global que la Commission européenne souhaitait proposer. La France, avec d'autres, notamment l'Allemagne, a demandé et obtenu la réouverture des négociations pour qu'un certain nombre de points soient substantiellement modifiés. Le précédent gouvernement canadien le refusait, mais le gouvernement de M. Justin Trudeau l'a accepté – c'est Mme Chrystia Freeland qui était alors son ministre du commerce international ; elle est aujourd'hui ministre des affaires étrangères. Nous voulions notamment intégrer dans ce traité la nouvelle cour de justice commerciale internationale proposée par la France. Elle a vocation à remplacer les mécanismes d'arbitrage privé dont vous savez qu'ils permettent à des entreprises d'attaquer les choix des États. Nous remplaçons donc, pour la première fois, l'arbitrage privé par une cour publique, avec des juges payés par les États et non par les entreprises – c'est plus qu'une nuance –, soumis à des règles extrêmement précises de déontologie, et interdiction est faite – c'est également inédit dans un traité commercial – d'attaquer des choix de politique publique, des choix démocratiques, notamment des choix validés par les parlements. C'est une avancée importante, obtenue lors de la réouverture des négociations. De même, le Canada a accepté, à la demande de l'Union européenne, notamment de la France, une référence à la COP21 et à l'accord de Paris sur le réchauffement climatique, dans une déclaration qui est jointe à l'accord. Le CETA intègre donc ces enjeux, les Canadiens l'ont accepté.

La Wallonie ne dit pas autre chose – il suffit de se reporter aux déclarations de son ministre-président, M. Paul Magnette, pour constater que nous nous rejoignons parfaitement. M. Paul Magnette a lui-même indiqué que l'accord n'avait pas été modifié après les débats en Wallonie, il avait été modifié auparavant, mais la Wallonie a obtenu des garanties du gouvernement belge, qui a confirmé qu'il était bien lié, lui aussi, par les stipulations relatives à cette nouvelle cour de justice commerciale internationale et par la référence à l'accord de Paris. M. Paul Magnette parle lui-même de « déclaration belgo-belge ». Il n'a jamais prétendu que le CETA avait été transformé – je le dis pour que ce soit versé au débat. La question est de savoir si nous voulons cette cour, dont l'Union européenne préconise qu'elle devienne une cour multilatérale, ouverte à d'autres, comme nous l'avons souhaité, et qui puisse progressivement remplacer les autres mécanismes d'arbitrage. Et souhaitons-nous un accord globalement équilibré, avec un partenaire important mais pas non plus de tout premier plan, loin de là, puisque c'est un partenaire comparable au Nigeria ou à la Roumanie en termes d'échanges commerciaux ? Nous exportons quatre fois plus vers le Canada que nous n'importons du Canada. Je verse l'ensemble de ces éléments au débat.

Je m'étais engagé devant vous à ce que la France demande que le CETA ait le statut d'un accord mixte, donnant la possibilité aux parlements de se prononcer sur ce traité. Après maints combats au niveau européen, menés avec l'Allemagne et d'autres, nous avons obtenu gain de cause, alors même que la Commission européenne souhaitait à un moment donné « zapper » purement et simplement les parlements nationaux du processus de ratification. Je ne lui fais pas là un procès d'intention : cela a été dit publiquement. L'engagement pris devant vous a donc été tenu, et il vous appartiendra, une fois que le Parlement européen se sera prononcé, de valider ou non cet accord. C'est une question de démocratie.

La politique commerciale est aujourd'hui au coeur des préoccupations des opinions publiques. Elle constitue un enjeu essentiel pour l'avenir de l'Union européenne, confrontée à l'élection du président Donald Trump, aux États-Unis, et au Brexit, sur son propre territoire. À l'occasion de la sortie du Royaume-Uni de l'Union, cette dernière doit mener avec les Britanniques une négociation globale guidée par une idée simple : la situation d'un pays extérieur ne peut pas être plus avantageuse au regard de l'Union que celle d'un État membre. On ne peut pas bénéficier des avantages d'une position extérieure sans en subir inconvénients. Sans entrer dans une logique punitive, une grande attention sera portée à ce point. La France et l'ensemble de l'Europe doivent rester extrêmement réactifs et attentifs, à un moment où la stratégie de Londres commence à se mettre en place et où les choses se précisent sans être encore toutes clarifiées, loin de là.

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Monsieur le secrétaire d'État, vous avez évoqué les traités commerciaux négociés par les États-Unis ; je n'y reviens pas. Je suis toutefois surpris que le président américain puisse décider du retrait de son pays de l'accord de libre-échange transpacifique d'un coup de plume, en signant un décret. Nous verrons les conséquences que cela aura vraiment à l'avenir.

En septembre dernier, nous avons remis, M. Hervé Gaymard et moi, un rapport d'information, au nom de la commission des affaires européennes de l'Assemblée, sur l'évaluation des accords de libre-échange de l'Union européenne. Nous nous étions interrogés sur les évaluations ex ante qui ont lieu trois ou quatre ans avant l'entrée en vigueur des accords eux-mêmes. Pensez-vous que ces évaluations, dont nous reconnaissons la qualité, soient les mieux à même de montrer qu'un accord est bénéfique pour l'économie européenne et l'économie française ? Ne faut-il pas procéder systématiquement à leur actualisation quelques mois avant l'entrée en vigueur d'un accord ?

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J'ai d'autant plus de plaisir à interroger M. Matthias Fekl, l'un de mes successeurs comme secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, qu'il a poursuivi un certain nombre des chantiers que j'avais ouverts, en particulier celui relatif à l'accompagnement des filières. En effet, être chargé du commerce extérieur, ce n'est pas seulement accompagner les entreprises à l'étranger ; c'est prendre les choses en main dès la production, car le problème du déficit commercial structurel français tient davantage aux difficultés rencontrées pour produire sur notre territoire à destination de l'étranger qu'à celles auxquelles nous sommes confrontés pour vendre hors de France. Notre appareil de vente n'est pas si mauvais : les mécanismes que nous avons mis en place en faveur de l'exportation, comme Business France ou BPIFrance, fonctionnent même bien. Ils sont d'ailleurs souvent copiés par nos concurrents.

M. Matthias Fekl et moi-même savons que nos problèmes sont dus aux insuffisances de notre appareil de production : les 90 000 PME françaises disposant de la taille critique pour exporter représentent un tiers des 300 000 à 400 000 PME allemandes exportatrices.

Il est vrai que le déficit commercial s'est aggravé dans les années 2000, en particulier après la crise de 2008. J'ai eu le triste privilège d'être aux affaires lorsqu'il a atteint 70 milliards d'euros. Vous l'avez un peu comblé, Monsieur le secrétaire d'État, notamment grâce à un alignement favorable des planètes : taux d'intérêt, cours de l'euro et du dollar… Malheureusement, il repart à la hausse en raison des déficits persistants de notre économie, et de notre incapacité à moderniser l'appareil industriel français.

Je ne formule aucune critique. Je suis au contraire satisfait que de nombreuses initiatives prises en région se poursuivent et se pérennisent aujourd'hui. Je pense à la création de guichets uniques ou au travail sur les filières, comparable à celui que les Italiens mènent de façon efficace en matière agroalimentaire. Je me félicite que le travail de fond se poursuive au-delà des différences de majorité politique et je me contente de dire que beaucoup reste encore à faire.

Vous avez, à juste titre, critiqué le TAFTA. Nous nous sommes heurtés aux mêmes problèmes. Il est par exemple impossible d'obtenir une réciprocité pour l'accès aux marchés publics. Les Américains se cachent derrière leur Constitution pour nous interdire l'accès aux marchés publics des États fédérés ; ils se moquent de nous. Nous sommes également exclus de secteurs entiers tels que celui de l'industrie du spectacle, ou celui de l'armement que nous avons eu le tort d'exclure de la négociation. Certes, Monsieur le secrétaire d'État, vous avez décidé d'interrompre les négociations, mais vous savez parfaitement que vous n'en avez pas la possibilité. La décision relève de l'Union européenne dans un domaine qui est malheureusement fédéral. La France ne pourrait-elle profiter de l'arrivée au pouvoir de M. Donald Trump pour demander dès aujourd'hui une révision des règles des négociations du commerce international ? Ces négociations ne peuvent plus être l'apanage d'un commissaire non élu ! Elles doivent être menées par les États, et non par une personnalité qui n'est responsable devant personne, sur la base d'un mandat vague dont elle fait ce qu'elle veut. Une réforme des institutions européennes en matière de commerce internationale est nécessaire ; un pilotage politique est indispensable.

Le protectionnisme américain nous pose de vraies questions. Quelles mesures doivent prendre les Européens pour y résister, notamment en matière législative ?

Comment lutter contre l'imperium juridique et normatif que nous avons dénoncé, Mme Karine Berger et moi, dans notre rapport d'information sur l'extraterritorialité de la législation américaine ? Une loi de blocage européenne est nécessaire. Il manque une directive en la matière. Au niveau national et européen, nous devons nous doter des moyens législatifs d'agir.

Que l'on aime M. Donald Trump ou non, je constate qu'il a décidé de foncer bille en tête face aux Chinois. Les Américains prélèvent des droits de douane de 550 % sur l'acier alors que les Européens attendent toujours de savoir sur quel pied ils vont danser. Si nous ne sommes pas capables de prendre des positions fortes à l'égard de la Chine, nous serons d'autant moins crédibles aux yeux des Américains.

En raison des échéances électorales, le Gouvernement actuel est finissant, mais rien ne l'empêche de mettre en avant dès maintenant deux ou trois idées fortes. Il faut avancer nos pions immédiatement sur trois questions essentielles. Que disons-nous à M. Donald Trump ? Comment faisons-nous avec la Chine ? Quand adoptons-nous une loi de blocage européenne ? Ces enjeux constituent un « minimum syndical » pour le Gouvernement. Nous devons réagir rapidement, car nous ne pouvons pas nous contenter de participer au concert des pleureuses qui larmoient devant la façon dont M. Donald Trump nous traite. Après tout, Monsieur le secrétaire d'État, vous êtes encore en position d'agir ! La majorité détient toujours les manettes de l'État. Je compte sur vous pour vous montrer vigoureux.

Malgré les chiffres cruels, globalement, la machine étatique fait aujourd'hui le travail dans la bonne direction.

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Monsieur le secrétaire d'État, deux ans après vos propositions en faveur de l'exportation des PME et des très petites entreprises (TPE), les résultats semblent encore modestes. Quelles mesures fortes serait-il, selon vous, souhaitable d'adopter dans un futur proche ?

Vous préconisez une modernisation des instruments de défense commerciale de l'Union européenne. Qu'entendez-vous précisément par là ? Qu'en est-il, par exemple, de l'établissement de taxes aux frontières de l'Union pour lutter contre le dumping social, environnemental ou fiscal ? Les taxes américaines sur l'acier chinois s'élèvent à 550 %, comme vient de le rappeler M. Lellouche, alors qu'aux portes de l'Union, après quasiment un an de tergiversations, elles ne sont que de 28 %.

Sur bien des points, le traité de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada (CETA) ne respecte pas les principes que vous mettez en avant dans vos propositions pour une nouvelle politique commerciale européenne. Je relève un manque de transparence, la rareté des études d'impact et leur insuffisante fiabilité, l'absence de contraintes en matière de respect des règles sociales et de celles relatives à la préservation de l'environnement ou à la lutte contre le réchauffement climatique. Le traité peut-il être amendé sur ces points, sur les quotas d'importation de viande, ou sur les appellations d'origine et indications géographiques protégées (AOP et IGP) ? Hors vins et spiritueux, seules 42 AOP agricoles sont reconnues par le CETA, alors que la France en dénombre plusieurs centaines. Le compte n'y est pas ! Dans mon département, la noix de Grenoble pourrait être menacée par les noix de Californie qui transitent par le Canada et qui pourraient se retrouver sur le territoire de l'Union sous l'appellation « noix de Grenoble » car, aujourd'hui, toutes les noix consommées au Canada proviennent de Californie où elle porte déjà ce nom.

Dans ce contexte, ne faut-il pas refuser toute application anticipée du CETA, d'autant que la majorité des dispositions de l'accord seraient mises en oeuvre dans ce cadre ? Quelles seront les initiatives de la France en la matière ?

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Lorsqu'elles cherchent à s'implanter à l'étranger, les PME françaises regrettent souvent de ne pas savoir à quels interlocuteurs s'adresser : Business France, CCI International, ou encore d'autres organismes. La multiplicité des acteurs pose problème.

Le rapport sur la stratégie du commerce extérieur de la France et la politique commerciale européenne que vous nous présentez évoque un parcours à l'exportation simplifié. Ce parcours a-t-il déjà eu un effet pour les PME exportatrices ? Quelle communication est menée en leur direction à ce sujet ?

L'agroalimentaire est un secteur prioritaire à l'exportation. Le rapport annonce des actions de promotion menées avec les grandes plateformes de vente en ligne, comme Alibaba, afin d'améliorer le référencement des produits français. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Comment se passent concrètement les discussions avec les plateformes d'e-commerce ? Comment inciter ces dernières à mieux référencer les produits français ?

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Le rapport sur la stratégie du commerce extérieur cite l'étude effectuée par Business France, à la demande du ministère de l'agriculture, sur les couples produits agroalimentaires-pays, en vue de déployer l'offre plus efficacement. Pouvez-vous nous donner quelques-uns des résultats de ces travaux, ainsi que des exemples concrets de mesures destinées à mettre en oeuvre leurs conclusions ?

Ce rapport traite également des opportunités que présente le marché du halal. Il est difficile d'évaluer le chiffre d'affaires de ce secteur en l'absence d'une filière unique, mais les différentes études convergent pour estimer qu'il est en croissance d'environ 7 %, entre 2015 et 2016, et de plus de 20 % depuis 2013. À l'heure actuelle, la certification des produits halal pose problème en France. Les organismes certificateurs divergent eux-mêmes sur les méthodes de contrôle et les pratiques, ce qui donne régulièrement lieu à des polémiques. De nombreux acteurs demandent la création d'un cahier des charges ou d'un label unique comme on en trouve pour les produits « bio » ou les AOP. Un tel document clarifierait la situation sur le marché national, mais il serait aussi sans doute un instrument efficace de placement des produits français sur les marchés étrangers concernés. Quelle est votre position sur cette question ?

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Si l'on regarde l'évolution du commerce extérieur sur le long terme, nous constatons une corrélation simple : lorsque le taux de marge des entreprises est élevé, les exportations augmentent ; lorsque ce taux de marge régresse, l'économie est moins à même de financer les exportations, car celles-ci nécessitent d'abord un financement.

S'il est nécessaire de développer une stratégie, la priorité n'est-elle donc pas de préserver un taux de marge élevé des entreprises, un taux d'impôt sur les sociétés proche de celui de nos voisins de l'Union européenne, en particulier du taux allemand, et de construire un environnement juridique stable et lisible afin que les entreprises puissent se battre à l'exportation et créer de l'emploi en France, que ce soit dans le secteur primaire, dans l'industrie, ou dans les services ?

La France respecte un certain nombre de principes éthiques en matière de commerce international. Nos entreprises peuvent être sanctionnées si elles dérogent aux règles que nous avons fixées. Des difficultés se présentent cependant sur d'autres continents, car certaines parties des marchés peuvent rester occultes. Ces pratiques doivent-elles se poursuivre afin que nous continuions à gagner des parts de marché, ou devons-nous poursuivre collectivement une démarche éthique ?

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Les 18 000 entreprises françaises de l'agroalimentaire, qui sont majoritairement des PME, forment un secteur essentiel pour nos échanges internationaux. Il fournit une grosse part des excédents de notre commerce extérieur, même si l'année 2016 a été particulièrement morose, notamment en raison des conditions climatiques défavorables aux céréaliers. Confrontés à l'émergence de grands pays producteurs, comme le Brésil ou la Chine, et à la concurrence de pays européens comme l'Allemagne ou l'Espagne, les acteurs français doivent s'organiser. La politique de cohérence engagée en la matière afin de renforcer notre présence à l'étranger donne-t-elle déjà ses premiers fruits ?

Comment évaluez-vous les actions que vous avez menées visant au référencement des produits français en ligne ?

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Monsieur le secrétaire d'État, nous sommes à la fin d'une période historique durant laquelle nous avons cru pouvoir tout résoudre avec de grands cycles de négociations. Nous devons prendre conscience que, comme les arbres, le commerce mondial ne peut pas monter jusqu'au ciel, et qu'en voulant tout régler dans un seul type d'accord très général, nous multiplions les difficultés.

Demain, l'économie mondiale connaîtra un rebond naturel, mais nous irons vers des accords spécifiques « multi-bilatéraux ». Comme membre de l'Union européenne, nous pouvons nous appuyer sur nos partenaires, mais cela a aussi des limites : pour reprendre l'exemple des droits de douane sur l'acier chinois, les taxes antidumping ont été repoussées par les Allemands qui refusaient de s'opposer à la Chine, leur premier client. L'Europe peut donc aussi poser des problèmes spécifiques. Foch disait : « J'ai beaucoup moins d'admiration pour Napoléon depuis que j'ai commandé une coalition. » (Sourires.). La France doit donc se préserver et mener des actions en son propre nom. Puisque nous parlions du traité transatlantique, je rappelle que nous avons toujours un droit de veto. À un moment, il faut taper du poing sur la table. Se fâcher un peu, c'est le début de la négociation !

Regardons le monde tel qu'il est ! Nous continuerons de passer des accords commerciaux, mais ils ne seront plus généraux. Nous sommes à la fin de la mondialisation heureuse.

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Analyser l'évolution du commerce extérieur à court terme me semble une absurdité totale. Une telle démarche n'est possible que sur la durée, car, comme vous l'avez souligné vous-même, Monsieur le secrétaire d'État, les éléments circonstanciels, tels que les évolutions de la parité de l'euro ou du prix du pétrole, peuvent fausser totalement les choses. Ni la capacité à évaluer les résultats, ni la lisibilité des actions menées ne relèvent de l'évidence.

Vous avez remarqué à juste titre que l'amélioration de la compétitivité des entreprises était extrêmement favorable au commerce extérieur. Nous l'avons constaté. J'aimerais connaître l'évolution des chiffres du commerce extérieur pour les diverses périodes que nous avons évoquées, à prix pétroliers constants et avec une parité de l'euro stable.

L'argument de la compétitivité vaut aussi pour un secteur comme le tourisme. Certes, le recul observé est largement dû aux attentats de 2015 et 2016, mais de nombreux pays s'ouvrent aujourd'hui au tourisme et connaissent des résultats exceptionnels. Ces destinations sont souvent beaucoup moins chères que la France, et nous devrions nous poser des questions.

Contrairement à ce qui a été dit, la balance commerciale de l'agro-alimentaire n'est pas si favorable que cela. Certes, il s'agit de notre deuxième secteur exportateur, mais si on lui soustrait le vin et les spiritueux, il est déficitaire. Pourtant, nous savons parfaitement que nous avons la capacité d'être beaucoup plus performants, mais nous ne nous en donnons pas les moyens. Pour reprendre l'exemple du blé halal, le potentiel de production existe alors que nous sommes incapables de cibler la clientèle concernée. Il faudrait que nous puissions nous adapter.

Je ne peux que me réjouir de l'existence d'un partenariat entre les chambres de commerce et d'industrie (CCI) et Business France – j'aurais aimé qu'une avancée au moins aussi importante soit enregistrée s'agissant de la Société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires (SOPEXA). Je m'interroge toutefois, à mon tour, sur la lisibilité de cette organisation. Les entreprises sont-elles aujourd'hui en mesure de connaître et d'évaluer ce qui leur est proposé ?

Les nouvelles régions n'ont pas été évoquées alors qu'elles sont compétentes en matière économique. Cette évolution est-elle favorable ? Business France a par exemple refusé que les chambres de commerce participent à son tour de France des régions ; cela ne permet pas d'être véritablement cohérent par rapport à ces dernières.

Les volontaires internationaux en entreprises (VIE) étaient autrefois 4 000 ; on en compte aujourd'hui 10 000. C'est une bonne chose. Ils pourraient même être encore plus nombreux et performants s'ils coûtaient moins cher aux entreprises, mais Business France « fait son gras » avec eux. L'agence se plaint de ne pas disposer de dotations suffisantes de la part de l'État. Qu'en est-il vraiment ? Est-elle sous-alimentée ou suralimentée ?

Il est vrai que le résultat du commerce extérieur est essentiellement produit par les grands groupes et les grosses entreprises, et qu'il n'y a pas assez de PME exportatrices. Il est indispensable que plus de PME exportent, mais le problème n'est pas uniquement de trouver le marché, il faut les accompagner dans la durée. « Chasser en meute » est indispensable : le compagnonnage n'existe pas en France alors qu'il est très performant en Italie pour les PME.

Je ne déviderai pas la litanie habituelle des handicaps des PME, elles ont non seulement besoin d'être accompagnées dans les salons de commerce entre entreprises, mais aussi sur la durée.

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On peut analyser le marché agroalimentaire en ne s'intéressant qu'à la balance commerciale, mais il est une autre réalité : lorsque des marchés à l'export se ferment, les répercussions peuvent être très importantes pour certains secteurs de production. Je pense en particulier au secteur laitier, qui a beaucoup souffert au cours des derniers mois, et aux secteurs de la viande porcine et de la viande bovine. Ce sont des sujets de préoccupation majeurs, et votre rapport indique que bon nombre de pays continuent à exercer des mesures d'embargo. Pouvez-vous nous fournir des précisions sur ce point ?

Il n'en demeure pas moins que le secteur vitivinicole est effectivement, en valeur, le pilier essentiel de notre exportation. Nos viticulteurs s'inquiètent concernant la stratégie à propos de l'alcool. Vous évoquez cette question dans votre rapport : en France, des débats parfois très polémiques nous agitent sur le sujet de la consommation d'alcool, ce qui peut donner une image négative pour nos marchés à l'exportation. Ce sujet est abordé dans un certain nombre d'enceintes internationales : Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Organisation mondiale de la santé (OMS), Union européenne. Pourriez-vous nous préciser la position que la France y a défendue ?

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Je voulais interroger le ministre sur les services publics et leur protection dans le cadre du CETA. Un nouveau mécanisme, qui n'existait pas en Europe jusqu'à présent, est introduit par ce traité. Il s'agit de la liste négative : une liste de services publics que l'on souhaite exclure de la libéralisation. Les services publics qui ne figurent pas dans cette liste pourront être libéralisés. Avant, nous utilisions des listes positives, beaucoup plus sûres et qui garantissent une meilleure protection. Est-il possible d'inscrire dans la liste négative un service public qui aurait été oublié ?

Les services publics qui sont déjà dans un domaine libéralisé, comme La Poste ou la SNCF, seront mis en concurrence avec des services canadiens qui pourraient venir sur notre sol. Ne craignez-vous pas que cela entraîne une grande fragilisation de ces services, qui pourraient être contraints, pour des raisons de rentabilité, à fonctionner comme un opérateur privé et à oublier leurs obligations de service universel ? La Commission européenne jure que les gouvernements pourront maintenir ces obligations, mais j'ai quelques doutes sur le fait qu'à terme ce soit le cas.

Enfin, quelle sera notre marge de manoeuvre si nous voulons, un jour, faire sortir un service public du domaine libéralisé ? J'ai l'impression que la liste va figer les services publics dans leur état actuel, rendant toute évolution impossible, et je ne suis pas sûre que les Européens en sortiront gagnants.

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Monsieur le secrétaire d'État, merci pour cette présentation très pédagogique, et plus encore pour la constance de votre engagement en faveur de notre politique en matière de commerce extérieur.

Ayant été rapporteure pour avis des crédits du commerce extérieur dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017, je souhaite vous interroger sur les dispositifs d'accompagnement des PME à l'export. Lors des auditions que j'ai menées, les PME m'ont fait état de leurs nombreuses difficultés à s'internationaliser et ont notamment mis le doigt sur la très grande complexité du dispositif d'accompagnement. J'ai noté que vous aviez travaillé à simplifier et à rationaliser l'écosystème du commerce extérieur en multipliant les conventions entre Business France et d'autres opérateurs. Pourriez-vous dresser un premier bilan de ces conventions ? Ont-elles permis à Business France d'apporter aux entreprises un soutien plus personnalisé ?

Dans la droite ligne de cet effort de clarification et d'amélioration de l'accompagnement, vous avez souhaité définir des « familles » prioritaires à l'export. Toutefois, les entreprises semblent montrer un certain scepticisme à ce sujet, en raison, notamment, de la concurrence qui prévaut parfois au sein d'une même filière. Qu'en est-il réellement ? Quelles mesures d'accompagnement mettez-vous en oeuvre pour convaincre les entreprises françaises de « chasser en meute » à l'étranger ?

Je souhaiterais également revenir sur le CETA. Selon certaines études, l'adoption de ce traité entraînerait la disparition de plus de 200 000 emplois en Europe, dont 45 000 en France. Qu'en est-il vraiment ?

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Quelles sont les conséquences de l'embargo russe sur les produits alimentaires français ? On parle de 4,7 milliards d'euros perdus en 2016. Quels secteurs ont été les plus durement touchés, et quelles sont les intentions de la France pour débloquer la situation ?

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Monsieur le secrétaire d'État, votre rapport fait état de la volonté de simplification du dispositif de soutien à l'export dans le secteur agroalimentaire. Les actions de Business France et de la SOPEXA – organisation de salons internationaux ou mise en relation d'affaires – sont parfois jugées redondantes, voire concurrentes. Vous proposez de créer un opérateur unique pour simplifier les démarches à l'export. Pouvez-vous nous faire un point d'étape sur cette simplification en cours ?

Par ailleurs, une initiative privée a vu le jour en Bretagne, « Gourming », que l'on a qualifié d « Amazon de l'alimentaire ». Il s'agit d'un service d'accompagnement des TPE et PME de l'alimentaire, pour améliorer leur capacité à l'export. Un portail internet et toute une logistique sont proposés, moyennant une commission de 20 %. Cette action est-elle complémentaire de l'action publique ? Pouvez-vous nous donner des précisions ?

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Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite vous interroger sur l'extraterritorialité du droit américain. Nos collègues Karine Berger et Pierre Lellouche ont rendu un rapport important, qui met en avant un phénomène d'une ampleur inouïe. Ce que décrivait auparavant une littérature « souverainiste » a finalement acquis une audience beaucoup plus large, et je me réjouis que des députés moins souverainistes que moi s'inquiètent de cette évolution.

Quelle est l'analyse du Gouvernement à ce sujet ? Qu'entend-il faire pour nous protéger et éventuellement riposter à l'usage très particulier que font les entreprises américaines de la justice et du droit ?

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Notre pays s'est doté d'une structure partenariale dans le domaine industriel, le Conseil national de l'industrie. Chaque comité stratégique de filière a réfléchi à différents aspects pour accompagner le développement industriel de notre pays. Y a-t-il aujourd'hui suffisamment de relations entre les réflexions de ces comités stratégiques de filière et celles des différents intervenants en matière d'exportation ?

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Matthias Fekl, secrétaire d'état auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger

S'agissant du Partenariat transpacifique, évoqué par plusieurs d'entre vous, la décision du président des États-Unis, hors de toute intervention du Congrès, conformément à ce qui avait été annoncé lors de la campagne, était constitutionnellement possible, le traité n'étant pas entré dans sa phase de ratification.

Quant aux études ex ante relatives aux accords de libre-échange négociés par l'Union européenne, je les considère, moi aussi, insuffisantes. C'est pourquoi, dans mes propositions pour refonder la politique commerciale de la France, je suggère de les développer et d'en réaliser au moins trois, confiées à des écoles de pensée économique différentes. Il ne faut pas solliciter uniquement l'école de pensée libérale ou néolibérale, qui fait tourner les mêmes modèles depuis des décennies sans parvenir à prévoir aucune crise majeure, et qui vient ensuite faire la morale aux uns et aux autres sur la manière dont il faudrait conduire les réformes. Il faut réhabiliter le débat au sein même de la science économique, afin d'arriver à discuter de ces sujets en se fondant sur des études sérieuses.

Il conviendrait également d'adopter une approche secteur par secteur, et territoire par territoire. Aujourd'hui, trop souvent, les études considèrent l'économie dans sa globalité en prétendant déterminer la somme – à l'euro près ! – qui aboutira dans la poche des ménages européens. Cela n'a aucun sens, pas plus que les études prédisant à l'unité près les destructions d'emplois. En cas d'accord commercial, par définition, des filières sont perdantes et d'autres sont gagnantes. Nous devons être capables d'assumer ces pertes, et le développement d'autres filières en contrepartie. Ainsi nous pourrons juger du bilan, quitte à prévoir des mesures d'accompagnement et de restructuration des filières, de formation, ou de réindustrialisation des territoires affectés. Une politique d'avenir consiste à identifier précisément les effets et de les assumer, pas de masquer les choses ou de rester à un niveau de généralité qui interdit toute analyse utile. Nous devons donc progresser de manière importante sur ce point, en France et en Europe.

S'agissant de la ratification du CETA, je confirme que, si un seul État la refuse, l'accord tombe. Ce fut précisé lors du dernier conseil des ministres européens du commerce, et il est vrai que cette procédure pose des problèmes. Nous avons demandé la ratification par les parlements parce qu'on ne peut pas changer les règles du jeu en cours de route. Aujourd'hui, cette compétence mixte est indispensable pour que vous puissiez vous prononcer. Mais cela n'interdit pas de réfléchir, pour l'avenir, à d'autres processus de ratification, qui ne tiennent pas à l'écart les parlements nationaux. Vous devez être associé en amont, en permanence, et il faut inventer de nouvelles solutions. Il est en tout cas impossible d'imaginer, en l'état de la construction européenne, que les parlements nationaux soient absents des débats et des décisions sur des sujets aussi importants.

Je remercie M. Pierre Lellouche pour ses propos aimables. Je suis d'accord avec lui sur le fait que l'accompagnement des filières doit se faire en interne comme à l'international, car les deux sont liés. C'est un travail de long terme qui ne peut pas être remis en cause du jour au lendemain. Nous avons essayé de le poursuivre avec les « familles » prioritaires à l'export, mises en place par Mme Nicole Bricq. Cela impose de structurer notre territoire et d'aider les PME à devenir des entreprises de taille intermédiaire (ETI). C'est le sens des mesures prises pour simplifier l'activité des PME et unifier un certain nombre de seuils pour ne pas compliquer leur croissance.

Je suis très critique sur le mandat de négociation du TTIP, et surtout sur la manière dont ces discussions ont été menées, sans aucune avancée. Quoi qu'on en dise, les Américains ne souhaitent pas ouvrir leurs marchés publics. Ils ne souhaitent pas davantage reconnaître nos indications géographiques. Et ils ne souhaitent pas non plus ouvrir certains domaines stratégiques. C'est d'autant plus ennuyeux que ce sont nos principaux intérêts « offensifs ».

De plus, il ne peut pas y avoir de discussions tant que l'extraterritorialité s'applique. Un préalable, selon moi, à la reprise de ces discussions est la fin de l'application extraterritoriale du droit américain. L'extraterritorialité est un terme de technique juridique pour dire impérialisme. Cela doit cesser. L'Union européenne doit se doter d'outils, car elle est la seule à avoir la force de frappe suffisante pour répondre. Elle doit être capable de faire la même chose en quelques heures ou en quelques jours lorsque les États-Unis prennent ce type de décisions. Le débat progresse, et je suis convaincu qu'une des manières de répondre à l'élection du président Donald Trump est d'affirmer que l'Union européenne est une puissance commerciale et économique à part entière. Il faut en finir avec la naïveté et les dogmes benoîtement prêchés et jamais vérifiés. Nous devons nous doter d'outils volontaristes pour nous protéger et défendre un certain nombre de valeurs et d'intérêts.

Il en va de même pour la Chine. Le Gouvernement se bat depuis longtemps pour clarifier le protocole d'accession de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Ce protocole de 2001 prévoit qu'au terme de quinze ans, le statut d'économie de marché sera délivré à la Chine. Le faire tel quel, comme certains l'envisageaient, aurait signifié la perte de centaines de milliers d'emplois en quelques mois au niveau français et européen. Les termes du débat se sont modifiés au Royaume-Uni et en Allemagne, et les choses ont progressé. La Commission européenne a finalement fait une proposition, qui doit encore être précisée et analysée, mais qui est bien loin de ce qui était initialement envisagé. Des discussions sont prévues avec le Parlement européen, mais nous progressons pour faire accepter l'idée qu'il faut continuer à mettre en oeuvre des instruments de défense commerciale lorsque la Chine pratique le dumping, et que ce n'est pas aux entreprises d'apporter la preuve de ces pratiques, mais à l'autre partie de démontrer qu'elle respecte les règles. Nous restons très vigilants sur ce sujet, qui constitue un enjeu fondamental à un moment où la Chine reste une puissance commerciale extrêmement volontariste. Il est d'ailleurs paradoxal de voir le président Donald Trump adopter des positions de repli et d'égoïsme national tandis que le président chinois se pose comme le défenseur du libre-échange international. C'est assez savoureux sur le plan intellectuel, mais inquiétant. Les Européens doivent cesser d'être naïfs s'ils veulent continuer de porter un projet.

S'agissant des PME, il reste beaucoup à faire pour simplifier le parcours, qui n'est pas encore limpide. Mais la complexité est moindre ; en mars 2015, pour la première fois, les opérateurs ont accepté de s'entendre sur un processus cohérent. Ils se réunissent régulièrement au sein du conseil stratégique de l'export, il faut continuer pour maintenir la cohérence de l'action des acteurs publics et privés de l'export.

Le parcours commun simplifié avec Business France et les chambres de commerce et d'industrie, qui offre un accompagnement personnalisé à des entreprises, concerne 1 400 entreprises aujourd'hui, et elles seront 3 000 à la fin de 2017. Nous accompagnons spécifiquement 1 000 PME et ETI « de croissance », et 1 300 ont d'ores et déjà été accompagnées en ce sens. Nous avons également rénové les financements à l'exportation pour les petites et moyennes entreprises, avec la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (COFACE) et Bpifrance, en offrant des crédits à l'export portant sur de plus petits montants, plus adaptés aux PME.

Je me suis déjà exprimé à de nombreuses reprises sur l'application anticipée du CETA. Seul ce qui relève de la compétence européenne est concerné, pas ce qui est sujet à ratification nationale. Et l'application anticipée n'est possible que si le Parlement européen se prononce favorablement. Cette dernière précaution n'était pas obligatoire, nous l'avons demandée pour que le processus soit démocratique au niveau européen. Le vote du Parlement européen devra donc être respecté.

S'agissant des indications géographiques protégées (IGP), il est exact que, pour notre pays, 42 ont été retenues. Ce sont celles qui connaissent des problèmes de concurrence, de fraude ou d'usurpation ; il n'est pas utile de se battre pour la reconnaissance d'appellations lorsqu'il n'y a pas de problème. Mais un mécanisme permet d'en ajouter à la liste si un problème apparaît. Si vous constatez un problème, comme pour la noix de Grenoble, Madame Michèle Bonneton, nous pourrons activer l'article 20.22 du CETA. Par ailleurs, l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) continue son travail de lutte contre les fraudes. Par le passé, nous avons déjà eu des exemples d'indications qui n'étaient pas protégées au niveau international mais dont les problèmes ont été réglés à l'amiable ou par voie contentieuse, avec un soutien très fort de l'INAO.

L'e-commerce est une priorité très importante. Nous avons consacré le deuxième forum des PME à l'international, qui s'est tenu au Quai d'Orsay en 2016, à la question de l'« e-export » et du numérique. Un travail est en cours pour sécuriser les paiements, en lien avec le ministère des finances, pour lutter contre la contrefaçon, et nous cherchons à offrir des outils simples à nos PME pour l'e-export. Business France est en train de préparer un plan de référencement de toutes les PME, dans le commerce interentreprises ou à destination des consommateurs.

Par ailleurs, une initiative très importante a été signalée par Mme Annick Le Loch pour offrir une plateforme aux PME : Gourming. Il s'agit d'un groupe privé, d'une taille suffisante, qui offre à de plus petites structures de s'allier à elles en prenant en charge la logistique. Cette initiative rejoint totalement la diplomatie des terroirs et tout le travail sur la gastronomie accompli par M. Laurent Fabius, par exemple avec l'opération « Goût de France – Good France ». Nous restons extrêmement mobilisés sur ce sujet.

Le travail sur le halal répond à une demande des professionnels à la suite des différentes crises des filières viandes dans notre pays. M. Stéphane Le Foll a suivi cela de très près, avec la plateforme « France Viande Export » notamment. Nous n'en sommes encore qu'à un stade exploratoire, mais nous souhaitons adopter des normes qui permettent ensuite l'exportation, et apporter une garantie à nos agriculteurs, qui sont demandeurs.

Monsieur Laurent Furst, vous avez raison : pour être fort à l'export, il faut être fort sur les marchés locaux. C'est notre discours à l'égard des PME qui se lancent avec enthousiasme à l'export : analysez bien votre marché, et consolidez votre pré carré pour obtenir la taille critique nécessaire. C'est le sens du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et de l'allégement important des cotisations. La revalorisation des marges était un enjeu important.

Sur les questions d'éthique, un travail a été réalisé au Parlement, comprenant en particulier la proposition de loi de M. Dominique Potier sur la traçabilité des productions. Il est difficile de parler de ces sujets tant que la justice n'a pas établi les faits, et il ne faut pas jeter injustement l'opprobre sur des entreprises ou des personnes. Nous sommes vigilants quant au respect total des règles de l'OCDE en la matière : il est important de rester dans des référencements internationaux, et nous souhaitons lutter contre la corruption. Celle-ci est un fléau pour les pays qui la subissent, mais aussi, à long terme, pour les entreprises elles-mêmes, car celles qui sont obligées d'en passer par là s'en trouvent fragilisées et deviennent dépendantes. Nous n'avons aucune naïveté sur ce sujet, et les entreprises nous signalent les pays dans lesquels le niveau de corruption est extrêmement élevé. Notre diplomatie économique met tout en oeuvre pour dialoguer avec les pays concernés et faire état des graves problèmes moraux et pratiques rencontrés. Lors de plusieurs de mes déplacements, la délégation d'entrepreneurs qui m'accompagnait a été sensibilisée avant le départ aux difficultés existantes et à la bonne manière d'y répondre, car le but n'est pas d'exposer nos entreprises à des situations qui pourraient leur valoir des ennuis devant la justice française.

J'ai déjà répondu à certaines questions de M. Hervé Pellois. Il est intéressant de noter que 225 contrats de plus de 10 millions d'euros ont été conclus par les entreprises françaises avec l'intervention de notre réseau diplomatique et économique dans le monde entier. Les sommes sont parfois largement supérieures à 10 millions d'euros, et encore n'est-il ici question que des contrats civils. Un travail très important est réalisé sur les sujets de défense, mais ce n'est pas moi qui en ai la charge. Notre réseau est mobilisé de manière absolue, comme l'avait souhaité M. Laurent Fabius, et comme l'a confirmé M. Jean-Marc Ayrault. Nous sommes attentifs à ce que la culture économique reste présente dans notre réseau.

S'agissant de « France Viande Export », le dispositif doit, à ce stade, monter en puissance. Il faut que cette plateforme puisse se développer et trouver sa place sur le marché. Des réflexions sont en cours sur un changement de gouvernance pour avoir une approche plus cohérente. Le Gouvernement travaille en ce sens et M. Stéphane Le Foll pilote les travaux.

Nous nous sommes attachés à ouvrir des marchés agricoles à l'export. La viande française bénéficie du meilleur statut épidémiologique possible à l'Organisation mondiale de la santé animale. Les pays doivent donc en tirer les conséquences. J'ai invité, à plusieurs reprises, les ambassadeurs des pays concernés et j'y ai aussi fait des déplacements. Nous avons obtenu la levée des embargos sur la viande en Afrique du Sud et à Singapour notamment, et Mme Martine Pinville a pu confirmer la levée de l'embargo sur les pommes lors de son déplacement au Vietnam. C'est un travail qui se fait pays par pays.

Monsieur Jacques Myard, je suis d'accord avec vous sur le fait que nous sommes à la fin d'un cycle. C'est la fin des grands accords tels que nous les connaissons aujourd'hui et il faut en tirer les conséquences, sans chercher à s'accrocher à tout prix au passé. Mes propositions de refonte de la politique commerciale européenne vont dans ce sens. L'ancien système ne fonctionne plus et ne nous permet plus d'avancer, et il y a, souvent à juste titre, une grande défiance de l'opinion publique. Il faut tout reprendre à la base, et c'est le rôle de l'Union européenne, qui doit être beaucoup plus offensive qu'aujourd'hui.

Quant à la question de l'antidumping, l'Allemagne a évolué durant l'année 2016 parce que la situation de l'économie allemande l'exigeait.

Concernant le TTIP, nous n'avons pas de droit de veto pour les négociations. Une fois que le mandat est confié, il est valable jusqu'à la fin des temps. Je souhaite que cela change, que les mandats soient soumis…

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Matthias Fekl, secrétaire d'état auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger

Ce n'est pas du juridisme, Monsieur Jacques Myard, ce sont les traités européens. Le droit international, cela existe !

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Il y a un moment où il faut taper du poing sur la table et dire non.

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Matthias Fekl, secrétaire d'état auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger

Je suis favorable à ce qu'on travaille sur la caducité des mandats, c'est-à-dire qu'au bout d'un certain nombre d'années, ils deviennent caducs s'ils ne sont pas validés à nouveau. Mais en l'état, le droit de veto intervient in fine, c'est-à-dire quand la Commission européenne propose un « produit fini », que l'on peut accepter ou refuser.

Si la France a demandé la fin des négociations, c'est parce que nous sommes convaincus qu'elles ne mèneront à rien de bon pour notre économie. Mais juridiquement, un seul pays ne peut pas obtenir la fin des négociations. Cela étant, les choses bougent en Europe et, pour d'autres raisons, cette fois mauvaises, elles bougent aussi aux États-Unis.

Monsieur Jean-Paul Bacquet, il y a, c'est vrai, dans le développement du commerce extérieur, beaucoup de choses sur lesquelles nous ne pouvons pas agir. Mais nous pouvons obtenir des résultats en agissant sur les dispositifs d'accompagnement. L'augmentation du nombre d'entreprises exportatrices en est un. Il faut continuer cette simplification.

Je pense à la SOPEXA et à Business France. Nous avons intégré la partie « salons » dans Business France pour donner plus de cohérence et nous avons doté Business France d'indicateurs qualitatifs. Je sais que vous êtes nombreux, ici, à y être attentifs, lors de la discussion budgétaire et des différents travaux parlementaires sur ce sujet.

En ce qui concerne les embargos et l'agroalimentaire, Monsieur Antoine Herth, nous avons obtenu des ouvertures de marché importantes, par exemple, sur la charcuterie en Chine – j'ai consacré un déplacement presque exclusivement à la diplomatie des terroirs en Chine –, et sur les pommes aux États-Unis. Il demeure encore des barrières non tarifaires, s'agissant notamment de l'embargo lié à l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), malgré la qualité de notre statut de risque épidémiologique. Il nous faut donc rester mobilisés sur ce point. Nous avons obtenu la levée des embargos sur la viande bovine en Afrique du Sud, à Singapour, au Canada, au Vietnam et en Arabie Saoudite. Pour ce qui est des États-Unis, nous restons aussi mobilisés, compte tenu du nouveau contexte.

À titre personnel, je ne suis pas favorable à l'étiquetage, sordide ou totalement anxiogène, d'un certain nombre de produits. Je préfère la pédagogie, pratiquée dès le plus jeune âge, en matière d'alimentation, et la responsabilisation. Je ne suis pas favorable à certaines photos, aux étiquettes rouges, etc., parce que ce n'est pas cela qui fait la qualité et parfois même l'identité de la France. Et, au-delà des raisons commerciales et économiques, je n'y suis pas favorable du fait d'une certaine conception de la vie. Cela ne doit pas nous empêcher de mettre en garde nos concitoyens contre les dangers, mais il faut faire preuve d'une très grande vigilance en la matière.

Nous devons aussi agir à l'international pour que les règles soient adoptées collectivement, pour qu'il n'y ait pas de déséquilibres préjudiciables à la France. Pour ma part, je suis favorable à tout ce qui est prévention, lutte contre le tabagisme, l'alcoolisme, les excès, etc., mais pas à ce qui risque de mener à une société aseptisée. Encore une fois, cette question dépasse largement les enjeux commerciaux.

Madame Chantal Guittet, les services publics sont expressément préservés dans le traité CETA. En ce qui concerne la liste négative que vous avez évoquée, il existe une annexe qui protège de manière transversale la possibilité de créer des services publics et des monopoles en la matière. Il n'y a donc pas, sur ce point, d'inquiétude de la part du Gouvernement.

Pour notre part, Madame Jeanine Dubié, nous avons le sentiment que le système des « familles » prioritaires à l'export fonctionne plutôt bien. C'est en tout cas ce qu'indiquent les retours que nous avons de la part des entreprises, en attendant une évaluation plus précise et plus scientifique. Nous avons le sentiment qu'il y a une plus-value, variable selon les fédérateurs et leur implication, et que le dispositif facilite les choses, notamment pour les PME, car il est plus simple pour elles de s'adresser aux fédérateurs. La question a été évoquée au Chili, la semaine dernière, lors de la visite du président François Hollande, comme elle l'est dans le cadre de tous mes déplacements. Le travail est fait en amont et nous avons le sentiment que cela fonctionne.

S'agissant des pertes d'emplois que pourrait provoquer le CETA, des études, vous l'avez dit, ont été conduites. Je ne les prends cependant pas beaucoup plus au sérieux que celles qui prévoient, à l'unité près, le nombre d'emplois qui seront créés. Il ressort de notre analyse qu'il s'agit d'un accord globalement équilibré pour la France, mais nous nous sommes battus pour que les Parlements nationaux aient à se prononcer. L'accord est désormais entre les mains du Parlement européen et, entre autres, du Parlement français, sachant que l'analyse du Gouvernement n'a pas changé. Pour la France, le Canada est un partenaire au même niveau que le Nigéria et la Roumanie. C'est un grand pays, partenaire et ami de la France, avec lequel nous avons une relation historique, mais ce n'est pas, en termes économiques, un partenaire de tout premier plan.

En ce qui concerne l'impact de l'embargo russe sur les produits agroalimentaires français, Monsieur Éric Straumann, je vous communiquerai, dès que j'en disposerai, les chiffres pour 2016. Les données recueillies par les douanes indiquent qu'en 2015, les exportations vers la Russie ont connu une baisse de 33 % liée, non à un embargo, mais aux sanctions prises par l'Union européenne contre la Russie. C'est un aspect des choses qu'il ne faut pas nier. Mais il faut aussi prendre en compte la dégradation de la situation économique intérieure de la Russie et la dépréciation considérable du rouble, qui sont intervenues avant même les sanctions.

L'agroalimentaire est en effet ciblé par les mesures de rétorsion russes. Nous estimons à 280 millions d'euros les pertes dues à l'embargo et à 300 millions d'euros celles liées à la dépréciation du rouble et à la crise économique. La situation est très difficile pour les filières et pour ceux qui y travaillent. C'est pour cette raison que notre pays maintient le dialogue avec la Russie et que le Président de la République a été à l'initiative du « format Normandie », qui permet de continuer à travailler en la matière.

Madame Annick Le Loch, vous avez été extrêmement attentive au lancement de Gourming, qui est un dispositif très positif et même enthousiasmant. J'espère que d'autres initiatives seront prises en ce sens.

En ce qui concerne les salons internationaux et le tourisme d'affaires, nous avons, M. Christophe Sirugue et moi-même, signé récemment des conventions avec les professionnels du tourisme d'affaires pour conforter la place de Paris et son attractivité. Les dépenses des touristes d'affaires sont beaucoup plus élevées que celles des touristes « de loisir ». Il s'agit, en outre, de placements qui se font très longtemps à l'avance, qui ne sont généralement pas annulés pour tel ou tel aléa et qui sont donc extrêmement porteurs.

Nous nous battons pour attirer en France de grands événements liés au tourisme d'affaires. Le dernier succès en date, c'est l'annonce que le congrès de la société européenne de cardiologie, le plus important congrès mondial de la spécialité, se tiendra en 2019 à Paris ; c'est un événement en faveur duquel je me suis personnellement mobilisé, avec les élus de la capitale. Cela peut paraître anecdotique, mais l'impact économique est considérable, aussi bien à Paris qu'en région.

Concernant l'extraterritorialité, Monsieur Jean-Luc Laurent, la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite« loi Sapin II », comporte des avancées très importantes en matière de lutte contre la corruption qui permettent d'opposer des dispositions précises aux autorités américaines lorsque celles-ci affirment être obligées d'appliquer le droit américain au prétexte que nous ne ferions rien sur le plan de notre droit interne. Les mesures que vous avez votées sur la prévention, la répression, la lutte contre la corruption sont, à cet égard, extrêmement importantes, mais il faut aller plus loin et obtenir la réciprocité en la matière. Je suis pour une souveraineté européenne, une puissance publique européenne qui doit être en mesure de faire de la rétorsion et du donnant-donnant, y compris lorsque c'est pour « mettre des baffes ». Il n'y a aucune timidité de ma part sur ce point.

J'en viens à votre question, Monsieur Jean Grellier, sur les liens avec le Conseil national de l'industrie.

Nous travaillons en étroite collaboration avec M. Christophe Sirugue sur l'ensemble des sujets. La force de notre industrie produit des effets sur le commerce extérieur, sur sa projection à l'international et, inversement, les décisions prises au niveau international ont un effet immédiat sur l'industrie. Tout est lié. Nous avons publié, ces derniers jours, une tribune sur le « Make in Europe », sur la façon de conforter l'industrie européenne, sur le rôle de l'Europe comme lieu de production, d'innovation, de création, et donc, d'exportation.

Si je n'ai pas de lien direct avec le Conseil national de l'industrie, j'ai des liens extrêmement forts avec le secrétaire d'État chargé de l'industrie, M. Christophe Sirugue, qui se nourrit des travaux du conseil national. Pour ma part, je me suis aussi beaucoup appuyé sur deux instances que j'ai mises en place : le Conseil stratégique de l'export, affecté aux dispositifs d'accompagnement, et le Comité stratégique de politique commerciale. Voilà ce que je voulais dire sur notre stratégie commerciale, qui est élaborée avec nombre d'entre vous au niveau du Parlement, avec les syndicats, les organisations professionnelles et les organisations non gouvernementales (ONG).

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie pour vos réponses extrêmement précises.

La séance est levée à 18 h 25