Il faut les écouter !
Prenant aujourd'hui la parole pour la première fois dans cette commission, je rends hommage au travail de Philippe Vigier. Notre collègue se saisit à bras-le corps d'un sujet qui intéresse tous nos concitoyens et présente un texte qui devrait nous donner l'occasion de transcender les clivages politiques. C'est cela pour moi, la mission d'un parlementaire. Félicitons-nous de pouvoir examiner, enfin, un texte de santé publique – que nous en approuvions ou non le contenu.Je ne partage pas les divergences exprimées par plusieurs des amis de mon groupe. On a tout essayé, en vain, pour améliorer la répartition des médecins sur le territoire – incitations, ...
Monsieur le Premier ministre, dimanche, des centaines de milliers de Français ont manifesté contre le projet de loi sur le mariage pour tous. (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Ce fut un immense rassemblement, le plus important peut-être depuis quarante ans,…
…de familles, de gens simples dont beaucoup n'avaient jamais manifesté ni fait de politique de leur vie.Ils sont venus parfois de très loin, supportant le coût et la fatigue du voyage. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Ils étaient les représentants de millions de Français qui s'inquiètent des conséquences de cette réforme dont Mme la garde des sceaux a dit elle-même que c'était une réforme de la civilisation.Qu'ont dit ces Français simples et dignes ? Qu'ils ne voulaient pas que l'on décide sans eux de la civilisation dans laquelle eux et leurs enfants allaient vivre.Monsieur le Premier ministre, il n'y a pas ...
Soyez responsable ! Soyez démocrate ! Soyez républicain ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, Rassemblement-UMP et UDI. De nombreux députés de ces groupes se lèvent pour applaudir. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Et les hommes ?
Monsieur le président… (Rires et exclamation sur les bancs du groupe SRC.)
Veuillez m'excuser, madame la présidente.
Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, permettez-moi d'abord de vous dire que je ne répondrai pas aux insultes. Ce débat mérite mieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Permettez-moi de commencer par tenir une promesse que je me suis faite, un triste jour de janvier 2010, dans la chapelle des Invalides. En prenant pour la première fois la parole à cette tribune, je veux rendre hommage à une grande voix républicaine qui s'est tue trop tôt, celle de Philippe Séguin. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)Le 5 mai 1992, certains d'entre vous s'en souviennent, c'était la nuit tragique de Furiani, il était monté à cette même tribune et avait déclaré : « Je voudrais croire que nous sommes tous d'accord au moins sur un point : l'exceptionnelle importance, l'importance fondamentale du choix auquel nous sommes ...
Aujourd'hui, c'est pour autre un texte d'une tout autre nature, qui ne met pas en jeu la souveraineté nationale, mais les fondements même de notre société (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe SRC), un texte qui a l'ambition, comme l'a dit madame le garde des sceaux, de réformer la civilisation, que je viens, avec une voix dont j'ai bien conscience qu'elle n'est pas aussi forte que celle de Philippe Séguin,…
…mais avec une gravité comparable à la sienne, vous demander de voter cette motion de rejet préalable, conformément à l'article 91, alinéa 5, du règlement de notre assemblée.
Nous sommes dans un régime parlementaire. La Ve République est un régime parlementaire. Mais il arrive que sur des sujets d'une importance exceptionnelle, sur des textes d'une nature particulière, le choix du référendum ne soit pas une simple option mais, au fond, une obligation…
…une obligation politique, une obligation intellectuelle, une obligation morale, même si elle n'est pas une obligation juridique. La Constitution offre la possibilité au Président de la République de faire voter le peuple au lieu du Parlement. Elle ne le lui impose pas. Ainsi, ce n'est pas la lettre mais l'esprit de nos institutions qui est ici en cause. Il nous oblige d'autant plus.Nous pourrions – nous devrions – au moins nous accorder sur un point : ce projet de loi est d'une nature très différente de celle des projets qui sont d'habitude soumis au Parlement. Nous pourrions – nous devrions – au moins nous entendre sur un fait : par son ...
Mes chers collègues, vous le savez tous, dès lors que ce projet de loi serait adopté, tout retour en arrière serait très difficile, pour ne pas dire impossible. Non parce qu'il serait entré dans les moeurs, non parce que ceux qui aujourd'hui le rejettent – et avec quelle force – s'y seraient habitués, non pour des raisons politiciennes, mais pour des raisons politiques et surtout pour des raisons humaines. C'est une loi que l'on ne peut pas prendre à l'essai : si elle était adoptée, des couples se marieraient, des enfants naîtraient. (Mouvements sur les bancs du groupe SRC.)
Comment dès lors imaginer revenir sur ce qui aurait été accompli ?
Comment concevoir que la parole qui aurait été donnée à ces couples, à ces enfants puisse être reprise ? Mais de ce fait, ce que la majorité d'aujourd'hui déciderait, aucune majorité dans l'avenir ne pourrait le défaire. Or, aucune majorité n'a le droit de dessaisir les majorités futures, c'est la loi d'airain de la démocratie ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)Quand une décision quasiment irréversible doit être prise, seul le peuple souverain a le droit de la prendre. C'est la loi de la République ! (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe SRC.)Mes chers collègues, ce texte ...
…de savoir si nous avons le droit, oui, le droit, de substituer sur un sujet pareil notre conscience à la leur.
C'est la question de la République qui se trouve posée. La République ne peut vivre que si chaque conscience républicaine est une conscience inquiète se demandant à chaque instant si elle n'utilise pas avec excès les pouvoirs qui lui ont été confiés…
…si elle exerce avec suffisamment de retenue l'autorité qu'on lui a octroyée. (Exclamations persistantes sur plusieurs bancs du groupe SRC.)Mes chers collègues, vous qui voulez toujours réhabiliter le Parlement, cessez de l'abaisser, et écoutez ceux qui ne sont pas d'accord avec vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Je n'ai invectivé personne, ni coupé la parole à personne ! Mes chers collègues, soyez à la hauteur de ce débat ! (Tumulte sur les bancs du groupe SRC.)
Chaque conscience républicaine doit être inquiète à chaque instant, pour savoir si elle n'utilise pas avec excès les pouvoirs qui lui ont été confiés, et si elle exerce avec suffisamment de retenue l'autorité qu'on lui a octroyée. Tous ceux qui sont chargés de faire fonctionner les institutions de la République doivent se rappeler sans cesse que, quels que soient les droits, les pouvoirs dont ils disposent, ils n'ont en vérité que des devoirs.La République ne va jamais aussi mal que lorsque cette exigence faiblit dans le coeur et la raison de ceux qui la servent. Voyez comme elle va mal, notre République, et combien elle a besoin de retrouver les vertus qui ...
Alors, c'est à chaque conscience républicaine, inquiète de savoir où est son devoir, que je m'adresse. Je veux lui dire que l'on aurait pu s'y prendre autrement : recenser les inégalités, les injustices, les souffrances et rechercher tous ensemble, comme pour la loi relative à la bioéthique, une réponse commune afin de régler les problèmes d'héritage, de pension, et même répondre à la demande de reconnaissance d'un amour qui mérite autant de respect, de considération que toutes les autres formes d'amour. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)La majorité ne l'a pas souhaité. Elle a voulu que la conclusion soit écrite par avance, irrévocablement, ...
Si le Président de la République restait sur sa position, si la majorité ne changeait pas d'avis, le peuple serait deux fois bafoué : la première parce qu'il n'aurait pas son mot à dire, la deuxième parce qu'on l'aurait privé du débat par lequel il aurait pu forger son jugement.
Mais est-il bien raisonnable de croire qu'à notre époque il est encore possible de tenir le peuple à l'écart de décisions qui le concernent aussi irrévocablement ?
Est-il bien raisonnable de croire qu'une loi votée de cette manière – qu'il faut considérer pour ce qu'elle serait, c'est-à-dire un passage en force – pourrait devenir la loi de tous dans les consciences et dans les coeurs ? Quand on viole les consciences, mes chers collègues, quand on les piétine, elles se raidissent, elles se ferment. Regardez ce qui se passe dans la société, regardez les déchirures !
Non, on ne crée pas l'ouverture d'esprit, on ne crée pas la tolérance – et, mieux que la tolérance, la compréhension, le respect et la fraternité – par la brutalité aveugle de la loi. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Pourquoi ne pas admettre enfin que la loi ne peut pas tout régler quand c'est dans l'intimité de la conscience de chacun que se trouve la réponse ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Pourquoi ne pas reconnaître qu'il y a toujours dans une société des zones grises où les sentiments et les raisons sont si enchevêtrés que la loi, en cherchant à les trancher, ferait plus de mal que de bien ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)En parlant du mariage pour tous, le Gouvernement dit : « amour » ! Mais qui sur ces bancs conteste à deux êtres qui s'aiment le droit de s'aimer ?
Le Gouvernement dit : « liberté » ! Mais qui sur ces bancs conteste à quiconque la liberté de vivre selon son coeur ?
Le Gouvernement dit : « égalité des droits » ! Mais le mariage n'est pas un droit, c'est une institution. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Le Gouvernement dit : « progrès » ! Nous lui opposons la sagesse multimillénaire que toutes les sociétés humaines ont tirée de l'expérience de la vie.
Le million de Français qui est descendu dans les rues de Paris le 13 janvier, parlant pour des millions et des millions d'autres qui n'avaient pu venir, n'a pas manifesté contre l'amour, ni contre la liberté, ni contre l'égalité des droits, ni contre le progrès. Il a manifesté pour défendre une institution aussi ancienne que la civilisation. Il a manifesté parce que dénaturer cette institution, ce serait bouleverser l'ordre social, non pas seulement pour les uns, mais aussi pour tous les autres ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)La plupart de ceux qui sont opposés à ce projet n'ont ni moins de coeur ni moins de générosité que ceux qui le ...
« Civilisé », réfléchissez à ce mot. Dans quelle société, dans quelle civilisation voulez-vous nous faire vivre ? Voilà la question que, dans des périodes de malaises et de crises profondes, quand un vieux monde n'arrive pas à mourir, quand un monde nouveau n'arrive pas encore à naître, tous les peuples du monde adressent à tous les pouvoirs et d'abord, bien entendu, à la politique.
Question légitime, si l'on veut bien considérer la politique comme l'expression de la volonté humaine dans l'histoire. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)Avec ce texte, que vous le vouliez ou non, nous n'avons pas à prendre position seulement sur une mesure, pas seulement sur un droit, pas seulement sur un statut. Nous discutons d'un texte qui est bien davantage qu'un texte : une déclaration d'intentions sur la manière dont nous allons faire évoluer notre société…
…sur les principes sur lesquels elle se construira, sur les valeurs qu'elle reconnaîtra comme siennes dans l'avenir. Nous à prendre une position sur une politique de civilisation, oui, une politique de civilisation !
Qu'y a-t-il derrière ce texte, sinon d'abord la négation de la différence des sexes (Applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe UMP), et dans le domaine où elle est le plus évidente : celui de la procréation et celui de la relation à l'enfant ? (Applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe UMP.)
Ouvrir le mariage aux couples de même sexe, c'est donner le droit d'avoir des enfants à des couples auxquels la loi de la nature ne le permet pas. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Il ne faut pas tricher avec cette question. Il ne se faut pas se mentir à ce sujet, c'est un sujet trop grave. Il n'y a pas d'un côté le mariage et de l'autre côté la procréation et l'enfant.
Dès lors que l'on touche au mariage, on implique l'enfant. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Dès lors que l'on touche au mariage, on pose inéluctablement la question de la procréation.
Dès lors que l'on touche au mariage, on ne peut pas éviter les conséquences sur la filiation. Et qu'est-ce que cela signifie de vouloir donner un véritable droit à l'enfant à des couples de même sexe, sinon d'abord que l'on est convaincu qu'il n'y a aucune différence entre le père et la mère ? Qu'il y ait des préjugés sociaux dans la répartition des tâches entre les hommes et les femmes au sein de la société, qui le nierait ?
Mais que les relations de l'enfant avec son père et avec sa mère ne soient que l'expression des préjugés sociaux, quelle folie ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Qui donc a aimé de la même manière son père et sa mère ?
Qui donc a été aimé de la même manière par son père et par sa mère ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Il faut l'homme et la femme, le père et la mère, pour engendrer et guider l'enfant sur le chemin de la vie. Oui, c'est une loi de la nature, une loi qu'aucune communauté humaine ne peut abolir. Les accidents de la vie – je sais de quoi je parle – en décident parfois autrement, et chacun s'en sort du mieux qu'il peut. Mais pensez toujours, oui, pensez toujours aux souffrances intimes, aux blessures secrètes (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) de tous ceux auxquels, en dépit de l'amour infini qu'ils ont reçu de ceux qui les ont élevés, il a manqué…
…et manqué toujours et pour toute la vie une mère et un père. (Applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe UMP.)
Et à ceux qui prétendent que les enfants des couples de même sexe apprendront la différence des sexes en regardant autour d'eux ce qui se passe dans la société, je voudrais dire qu'ils semblent ignorer à quel point la prise de conscience pour un enfant qu'il est différent des autres est toujours pour lui une source de profonde douleur. (Applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe UMP.) J'ai parlé, un jour, de la souffrance de l'enfant sans père et sans mère qui devait répondre aux questions « profession du père ; profession de la mère ? ». Mme la ministre déléguée chargée de la famille m'a répondu que l'on ne faisait pas de la politique à ...
Si vous lisiez toutes les lettres que j'ai reçues…
Si vous lisiez toutes les lettres que j'ai reçues de Français connus et inconnus, vous sauriez qu'en parlant de moi, j'ai parlé pour tous ceux qui ont vécu le même drame intime, souvent sans en parler jamais.Mesdames les ministres, vous vous défendez – et avec quelle énergie ! – de vouloir faire disparaître les mots de père et de mère du code civil…
…mais votre dessein est de la faire disparaître de la société !