Compte rendu du déplacement en Turquie de Mme Marie-Louise Fort et de M. Jean Glavany sur la politique turque au Proche et Moyen-Orient.
La séance est ouverte à dix-sept heures.
Une mission de notre Commission, à laquelle ont participé nos collègues Marie-Louise Fort et Jean Glavany, s'est rendue en Turquie du 25 au 27 janvier dernier. La mission s'est concentrée sur la politique proche et moyen-Orientale de ce pays qui joue, de par sa situation géostratégique, de la diversité de ses alliés, et du volontarisme de sa diplomatie, un rôle crucial dans la résolution des crises secouant la région.
Il nous sera utile de vous entendre sur les réussites et les revers d'une diplomatie particulièrement active dans la région au moment des « printemps arabes », qui a cependant marqué le pas depuis la crise syrienne. Selon certains commentateurs, la Turquie se pense comme un grand pays et entend rester un acteur d'influence au Proche et au Moyen-Orient. Vous nous direz peut être dans quelle mesure la situation intérieure influe et éclaire les choix diplomatiques de la Turquie, je pense notamment à la question kurde, réactivée par les conflits syrien et irakien.
Nous écouterons avec une attention particulière ce que vous pourrez nous dire de la participation de la Turquie à la coalition internationale contre Daesh. Tant que des otages étaient entre les mains de cette organisation terroriste, les autorités turques ont fait preuve d'une certaine réserve. Depuis, la situation semble avoir évolué. Où en est-on exactement ?
La lutte contre Daesh doit évidemment s'articuler avec la résolution de la crise syrienne, dont nous savons qu'elle affecte fortement la Turquie, confrontée à un afflux importants de réfugiés (près d'1,6 millions de réfugiés depuis 2011, dont 200.000 après les événements dans la poche de Kobane). Nous savons que nos positions sont convergentes, sans se confondre pour autant, vous nous en expliquerez les nuances.
Enfin, de retour d'une mission en Egypte, je serai pour ma part attentive à ce que vous nous direz des relations entre le Caire et Ankara, qui se sont détériorées depuis la prise du pouvoir par le maréchal Al-Sissi.
Nous avons souhaité faire le point sur les tenants et aboutissants de la diplomatie turque au Proche et au Moyen-Orient, et en tirer quelques conclusions sur le dialogue que la France peut entretenir avec ce pays qui joue un rôle clé, bien que non dénué d'ambigüités, sur les dossiers de crise de la région. Notre mission, qui s'est déroulée du 25 au 27 janvier dernier a débuté à Ankara avant de rejoindre Istanbul. J'ai été pour ma part frappé par l'ampleur et la rapidité de l'évolution de ce pays et, pour reprendre le mot de notre Ambassadeur à Ankara, par son caractère contrasté et inclassable. Des entretiens que nous avons menés avec des représentants du Ministère des affaires étrangères turc, des parlementaires, des chercheurs, des journalistes, et de notre propre personnel diplomatique, je retiendrai trois éléments : premièrement, un raidissement autoritaire du régime, qui coïncide avec de fortes tensions internes dans la perspective des échéances électorales de juin, contexte interne qui imprime d'ailleurs sa marque sur la politique étrangère turque. Deuxièmement, les succès et les échecs de la mise en oeuvre d'une stratégie « zéro problèmes avec nos voisins ». Malgré son volontarisme, Recep Tayyip Erdogan a constaté qu'il était difficile de s'improviser leader du monde arabo-musulman. Troisièmement, nos rapports bilatéraux, qui sont au « beau fixe », sous réserve que la célébration de l'anniversaire des évènements de 1915 ne vienne rompre cette harmonie. Sur ce point, nos interlocuteurs turcs nous ont indiqué tout le respect qu'ils avaient pour notre Conseil constitutionnel, pour l'invalidation de la loi mémorielle adoptée sur le sujet. Nous ne les avons évidemment pas démentis. Nous avons formé le voeu que les commémorations s'inscrivent dans un climat apaisé et n'affectent pas nos relations bilatérales.
Au plan interne, le pays est marqué par la présidentialisation, si ce n'est la dérive autoritariste, du pouvoir sous l'influence de Recep Tayyip Erdogan. La contestation y est peu tolérée dans un contexte de montée en puissance de la lutte contre ce qui est qualifié par le régime « d'Etat parallèle » des Gülénistes, que je qualifierais de confrérie, car ils ne sont pas constitués en parti, bien qu'ils exercent une influence importante au sein de la société turque. Anciens alliés du régime, les Gülénistes font depuis leurs révélations relatives à des affaires de corruption impliquant des cercles proches du régime, l'objet d'une véritable « chasse aux sorcières ». Or les purges qui ont eu lieu dans la justice, les forces de police ou encore l'éducation pourraient à terme fragiliser le régime. S'y ajoutent les intimidations et arrestations de journalistes ayant commenté les affaires de corruption. Selon certains de nos interlocuteurs, le Gouvernement a opéré un tournant autoritaire depuis le référendum constitutionnel de septembre 2010. De fait, les atteintes à l'Etat de droit et le glissement liberticide ne peuvent être niés, mais les bases sociales et électorale de l'AKP ne se délitent pas, et Recep Tayyip Erdogan bénéficie encore d'une véritable popularité au sein de l'opinion publique.
Cette présidentialisation de fait - je rappelle que M. Erdogan occupe cette fonction depuis août 2014, devra être entérinée par une révision constitutionnelle, ce qui m'amène à mon second point, la perspective des élections législatives, dont la tenue en juin sera déterminante, car il n'y aura en effet aucune échéance électorale majeure avant quatre ans.
L'enjeu pour l'AKP est d'obtenir une majorité qualifiée pour mener une réforme constitutionnelle. Certes, en l'absence d'alternative crédible et forte, l'AKP pourrait obtenir cette majorité qualifiée. La problématique kurde joue ici évidemment un rôle crucial : les voix kurdes sont courtisées par l'AKP, qui a par ailleurs engagé un processus de paix avec le PKK. Il faut bien avoir à l'esprit que l'AKP craint que la création de zones autonomes kurdes en Syrie et en Irak, le renforcement militaire du PKK, notamment du fait de la victoire symbolique à Kobané, ne l'incitent à avoir des positions dures et ne favorisent la reprise des violences au plan interne. Il faut aussi insister sur les divisions kurdes, notamment entre PKK et kurdes conservateurs qui complexifient le dossier. Les députés kurdes que nous avons rencontrés ont insisté sur la nécessité de distinguer la question kurde hors de Turquie et en Turquie, où les kurdes veulent cohabiter avec les turcs, mais aussi être traités en citoyens égaux : leurs revendications portent sur l'éducation, l'enseignement de leur langue et des libertés locales. Ils ont critiqué les positions maximalistes d'une part, du gouvernement qui cherchait à gagner du temps sans remettre en cause une conception étroite de la nationalité, et confondait la question kurde avec celle du PKK; d'autre part, du PKK, qui ne supporte pas la pluralité politique et veut une région qu'il puisse diriger. Il s'agit selon eux de : soutenir le désarmement du PKK ; conserver de bonnes relations avec les kurdes des autres pays, adopter une nouvelle constitution qui leur accorde des droits.
Je profite de l'occasion pour rétablir une forme de vérité sur ce qui s'est passé dans l'enclave kurde de Kobané, largement traitée par les médias. Il faut en effet préciser que le Gouvernement turc n'a pas fermé la frontière aux réfugiés, que 200 000 personnes ont traversé en une nuit, mais aux ressortissants turcs dont ils craignaient qu'ils aillent rejoindre les forces combattantes en Syrie. Il faut noter aussi que les autorités turques ont apporté un soutien logistique qui est passé par les peshmergas irakiens.
L'ancien Ambassadeur et secrétaire d'Etat aux affaires étrangères Özdem Sanberk, nous a confié que l'AKP avait amélioré les conditions de vie de la population, développé des grands projets, promu un Etat fort et une ouverture économique, et cherché un équilibre entre conservatisme religieux et société pluraliste. Or cet équilibre était en train de se défaire. Selon lui, si la Turquie se ferme à l'Ouest et perd cet équilibre et ce goût du pluralisme, elle risque de tomber dans l'autoritarisme.
Ce qui me permet de faire le lien avec le second point : la politique étrangère. Il y a quatre ans, la Turquie, du fait de cet équilibre entre tradition et pluralisme, était et se présentait, comme une source d'inspiration pour le Proche et Moyen-Orient. Elle a depuis réalisé qu'il était difficile d'être un leader du monde arabo-musulman, et que, pour reprendre l'expression de la chercheuse Beril Dedeoglu, l'emplacement géostratégique de la Turquie était à la fois une chance et une malédiction.
Pour résumer, la diplomatie turque a été dans un premier temps très active au moment des printemps arabes. La Turquie a cru pouvoir affirmer un peu plus son rôle de leader régional à la faveur des dits « printemps arabes », mais la politique du zéro problèmes avec les voisins a marqué le pas avec la chute de Mohamed Morsi en Egypte, et s'est poursuivie avec la crise syrienne, qualifiée de véritable piège pour la diplomatie turque par nos interlocuteurs.
La lutte contre Daesh est ensuite devenue la priorité pour le monde en 2014 et a cantonné la Syrie au second plan. Je retiendrai pour ma part deux traits principaux : d'une part, une diplomatie qui marque légèrement le pas, en contraste avec son volontarisme antérieur. D'autre part, la promotion active de solutions politiques au conflit, sur fond d'effort pour limiter les coûts, au plan externe, mais aussi interne, n'oublions pas la question kurde, de la crise syrienne. Le pays ne veut surtout pas être jeté seul dans l'arène par ses alliés occidentaux.
Pour les interlocuteurs de la mission, force est de constater une baisse d'influence de la Turquie dans la région : grande crispation des relations avec l'Egypte, perte d'influence au Proche Orient avec la rupture des relations diplomatiques avec Israël, essai de normalisation avec le pouvoir central irakien qui est relativisé par le rapprochement avec la région autonome du kurdistan irakien. Le chercheur Soli Özel utilise l'expression de « précieuses solitude » pour qualifier la diplomatie actuelle de la Turquie. Selon lui, la Turquie donne l'impression de brûler volontairement les ponts avec ses voisins, et adopte une attitude méfiante y compris à l'égard de ses alliés occidentaux à laquelle elle reproche une approche uniquement sécuritaire et insuffisamment politique des crises pour permettre une réelle stabilisation de la région.
Sur la Syrie et l'Irak, la Turquie poursuit une stratégie ni Assad, ni Daesh, ce sur quoi elle rejoint la position de la France, avec des nuances tout de même. La priorité pour la Turquie est avant tout la chute d'Assad. Selon notre Ambassadeur, son maintien poserait de graves problèmes sécuritaires à la Turquie, notamment du fait de la question kurde. Nos interlocuteurs turcs ont ainsi martelé que le problème de Daesh ne serait pas réglé uniquement en Irak, mais nécessitait de résoudre la crise syrienne, ce qui passe selon eux par le départ de Bachar Al Assad et l'appui à des groupes armés auxquels la France ne veut pas apporter son soutien. De plus, pour la France, une solution politique au conflit impliquerait, de discuter avec des éléments du régime. La France aimerait aussi que la Turquie s'engage plus fermement dans la coalition contre Daesh. Elle condamne, avec une certaine prudence, les actions terroristes menées par Daesh et les groupes djihadistes présents en Syrie. Sa position a commencé à gagner en clarté depuis la libération de ses 49 ressortissants retenus en otages et sous la pression américaine. Cette évolution est d'autant plus positive que l'implication réelle des autorités turques est cruciale. Elle est indispensable pour empêcher des ressortissants français de rejoindre les rangs djihadistes ainsi que pour favoriser leur remise en bon ordre aux autorités françaises. Elle l'est également si la communauté internationale entend réduire Daesh, un objectif qui suppose évidemment de les priver de base arrière.
Au final, la Turquie peut encore jouer un rôle important de leader dans la région et promouvoir un islam modéré et des solutions inclusives, ce que promeut aussi la France, nous avons donc à coopérer en ce sens avec eux. Contre la logique de confrontation à l'oeuvre en Europe, certains de nos interlocuteurs nous ont confié ne pas vouloir s'enfermer dans une logique de guerre de civilisation ou de religion, et vouloir soutenir un Islam modéré.
Je terminerai rapidement par quelques remarques sur la qualité de nos relations bilatérales avec la Turquie : le volet économique est évidemment essentiel, j'insisterai sur le rôle que peut jouer la France dans ses relations avec l'Europe, sur le dialogue culturel, scientifique et universitaire, levier d'influence majeur que nous avons hélas tendance à négliger et sur notre coopération en matière de sécurité et lutte contre le terrorisme.
Cette dernière, notamment grâce à la visite réussie de Bernard Cazeneuve, repart du bon pied. C'est un volet de notre coopération qu'il convient absolument de préserver, notamment pour lutter contre le terrorisme et le phénomène des combattants étrangers. Les services de notre Ambassade ont insisté sur la qualité de notre coopération, qui repose sur des contacts très étroits entre services et des échanges d'information : une liste d'interdiction d'entrée sur le territoire turc, qui comporte près de 7 000 noms, dont 600 ressortissants français a été établie, 1 700 personnes expulsées entre 2011 et fin 2014, dont 70 français. J'indique qu'un accord de coopération en matière de sécurité a été signé avec la Turquie se trouve toujours en attente de ratification par les deux parties. Enfin, notre Consule générale à Istanbul nous a indiqué qu'elle voyait passer un certain nombre de nos ressortissants partis faire le djihad en Syrie, ayant pour certains de réelles séquelles psychologiques.
Concernant les relations de la Turquie et de l'Europe, les positions sont contrastées. Notre Ambassade nous a souligné une inflexion en faveur d'un rapprochement avec l'Union, à laquelle 57 % des Turcs sont favorables selon un sondage récent, ce qui est encourageant. L'Europe incarne l'assurance d'un mode de vie pour certains Turcs, mais ne fait pas l'unanimité. Nos interlocuteurs ont insisté sur la conjonction en Europe de deux phénomènes : les mouvements terroristes et la montée de la xénophobie, de l'islamophobie, du racisme. Ils ont tous présenté leurs condoléances et rappelé que les terroristes n'avaient rien à voir avec la religion et que « les musulmans sont les premières victimes de ces attentats ». Il nous ont confié que le Premier ministre avait montré sa solidarité en participant à la manifestation du 11 janvier. En retour, l'Europe devait réaffirmer sa solidarité à l'égard des musulmans et montrer qu'elle luttait contre des mouvements tels que Pegida.
Quant aux négociations d'adhésion à l'Union européenne, un nouvel élan a été donné au processus d'adhésion depuis l'arrivée au pouvoir du Président Hollande, qui a permis d'ouvrir le chapitre 22 relatif aux politiques régionales. Nous avons rappelé à nos interlocuteurs qu'il n'y avait pas sur le principe de blocage français. Le chapitre 17 relatif à la politique économique et monétaire pourrait d'ailleurs être ouverts. Les 3 autres chapitres soit disant bloqués par la France (11, 33, 34) sont traditionnellement ouvert en fin de négociations d'adhésion. Nos interlocuteurs nous ont indiqué que le pire serait que la Turquie ne s'approprie pas les standards européens. Nous avons répondu que plus que l'issue finale, c'est le processus de transposition de l'acquis qui est indispensable.
Notre mission s'est concentrée sur la politique turque au Proche et Moyen-Orient que je vais donc détailler un peu plus. Les questions qui se posent ici sont les suivantes : où la Turquie s'insère-t-elle dans la hiérarchie et le jeu des puissances au Proche et Moyen-Orient ? Comment perçoit-elle son rôle ? Quel dialogue pouvons-nous avoir avec elle sur les principales crises régionales ? Qu'en est-il de la politique du « zéro problème avec les voisins » ?
A titre liminaire, il me semble utile de rappeler que la Turquie semble se trouver dans une phase d'ajustement ou de réajustement au plan interne et diplomatique. Elle s'est érigée en pont entre l'Orient et l'Occident, et a opéré, avec plus ou moins de succès, un retour au Proche et Moyen Orient. Sans se concevoir comme une puissance militaire, la Turquie se vit comme une puissance d'influence, économique, culturelle et religieuse, il ne faut pas l'oublier.
Je débuterai cet exposé par la crise syrienne, car, pour reprendre l'expression de la chercheure Dorothée Schmid, c'est le « grain de sable qui a affecté la success story turque au Proche et Moyen-Orient ». La Syrie a été le test du soutien politique de la Turquie aux révolutions arabes. C'est le dossier où son engagement est le plus complet, le plus stratégique, le plus complexe, c'est celui qui permet de comprendre sa position sur d'autres crises, et où s'expriment ses ambivalences. Rappelons qu'au rapprochement impressionnant, et même qualifié d'excessif par les députés turcs que nous avons rencontrés, avec Bachar al-Assad, a succédé un revirement de politique. La Turquie a fait le pari, elle n'était pas la seule d'ailleurs, d'autres l'ont fait ici, d'une destitution rapide du régime et a soutenu l'opposition modérée. C'était un pari d'influence, car la Syrie a longtemps été un verrou au Proche et Moyen-Orient, un pari d'influence basé également sur la politique sunnite de la diplomatie turque.
Or ce choix a coûté cher à la Turquie : économiquement d'abord avec le nombre important de réfugiés, vous l'avez rappelé Madame la présidente, pour lesquels la Turquie a dépensé près de 5 milliards de dollars à ce jour ; sécuritaire ensuite, je rappelle que des attentats à Istanbul ont été attribués à Daesh, et qu'un certain nombre de combattants turcs et kurdes sont partis se battre sur les théâtres syrien et irakien; politique enfin car le régime se durcit en partie en raison des conséquences internes du conflit syrien. Ici la question kurde est fondamentale et le conflit syrien menace de remettre en cause le processus de paix, je vais y revenir.
Quelle est désormais la politique de la Turquie ? Celle d'une réduction des coûts de la crise syrienne:
– il s'agit d'abord d'éviter un engagement militaire en Syrie, de multilatéraliser la crise (la Turquie est active à l'ONU, à l'OTAN, mais aussi au sein du Core Group) et de préparer l'après Assad, en soutenant l'opposition modérée certes peu puissante et peu influente sur le terrain, sans s'aliéner les autres opposants.
– il s'agit par ailleurs d'essayer de contenir le dossier kurde, qui dans une certaine mesure lui échappe.
Sur le premier point, notre interlocuteur au ministère des affaires étrangères turc a indiqué qu'il n'y avait pas « d'obsession Assad », mais que le maintien du régime ne permettrait pas de résoudre la crise. Il a insisté sur le fait que l'Iran et la Russie bloquaient l'avancée du dossier, notamment du fait de l'enlisement du dossier ukrainien et du nucléaire iranien. Il a suggéré de s'appuyer sur la déclaration de Genève, d'aider les opposants légitimes à former un Gouvernement de transition, et à mettre entre parenthèse la question de la présidence, pour faciliter son exil. La France pourrait par conséquent trouver en la Turquie un allié pour trouver une solution politique à la crise. Nous pourrions de notre côté pousser la Turquie à lutter plus activement contre Daesh et d'autres groupes islamistes que nous refusons de soutenir en raison de leur positionnement radical.
Sur la question kurde, selon Clémence Scalbert, chercheuse de l'Institut français d'études Anatoliennes (IFEA), spécialisée sur la question kurde que nous avons rencontrée, trois questions sont cruciales et s'entremêlent : la question transfrontalière, le processus de paix et les élections à venir. Le Gouvernement turc entend à la fois lutter contre l'établissement de zones autonomes en Nord Syrie par le PYD branche syrienne du PKK, ne pas s'aliéner une partie de son propre électorat kurde et poursuivre le processus de paix. Tout ceci forme un véritable théâtre, où les rôles sont doubles ou triples.
Le processus de paix a été initié en mars 2013, ajourné fin 2013, repris en 2014, à nouveau stoppé en octobre 2014. L'agenda du Gouvernement n'est pas limpide, mais il inclut la question du désarmement du PKK et son intégration à la vie politique ; l'autonomie régionale et les droits culturels sur la base de droits individuels pour la Turquie quand le PKK veut des droits collectifs. L'AKP aurait aimé obtenir une promesse de désarmement avant les élections, ce qui semble peu probable. De son côté les positions du PKK ont été renforcées par les victoires en Syrie, et poussées par l'autonomisation des kurdes d'Irak. C'est un acteur militaire puissant qui s'installe aux frontières de la Turquie. Les Turcs ne veulent pas qu'un mouvement terroriste, contre lequel ils combattent depuis 30 ans, ne soit renforcé et ne récupère des armes à la faveur du conflit syrien. Y a-t-il un risque de rupture du processus de paix? Ocalan serait le seul à même de calmer le jeu, mais lui-même doit faire face à d'autres dirigeants au sein du PKK qui sont en position de force
L'AKP joue aussi un jeu trouble de soutien au Gouvernement kurde d'Irak du nord et à certains mouvements islamistes pour contrer le PYD et le PKK. Ainsi, de l'Huda Par, parti fondé sur les ruines du Hezbollah kurde, très actif dans les années 1990 et très opposé au PKK, accusés par lui de soutenir Daesh. Il y a des affinités idéologiques entre AKP et l'Huda Par, mais aussi un rapprochement calculé avec cette mouvance pour capter l'électorat kurde. De grandes manifestations contre « Je suis Charlie » auraient été organisées par ce parti et saluées par le Premier ministre Ahmet Davutoglu lors d'un meeting.
Aussi, l'enjeu des futures élections législatives est essentiel. Le Parti démocratique populaire (HDP), pro-kurde, va pour la première fois proposer des candidats. Il a élargi sa base électorale aux alevis et aux intellectuels, et même s'ils ne dépassent pas les 10 % nécessaires pour être représentés, ils pourront s'appuyer sur un succès électoral pour demander plus d'autonomie. Le problème étant que beaucoup de kurdes votent pour l'AKP, ce qui pourrait aggraver les divisions internes. Il faut donc bien avoir à l'esprit que les kurdes sont divisés entre l'AKP, le PKK, Hudah Par et Daesh, où il existe un contingent de kurdes, ce qu'admet difficilement le gouvernement turc. Il nous faut garder une certaine distance et neutralité dans cette affaire, car cela pourrait aviver les tensions, notamment entre kurdes.
Pour terminer, j'aimerais évoquer très rapidement les relations de la Turquie avec le reste des pays de la région. Nous parlions tout à l'heure de solitude turque. En effet, à la crise syrienne se sont ajoutés la crise irakienne, des voisins méfiants ou hostiles et des alliés dubitatifs.
Les relations avec Bagdad se sont apaisées mais demeurent polluées par le rapprochement d'Ankara avec les kurdes irakiens. La position turque est la suivante : la priorité est aujourd'hui à la lutte contre le terrorisme. Cependant, la région ne sera pas stabilisée sans processus politique dont le maître mot doit être l'inclusivité. Il faudrait par ailleurs soutenir deux niveaux de lutte contre Daesh (dont Assad est l'autre face de la médaille) : militaire, seul angle privilégié aujourd'hui, et politique, qualifié d'insuffisant ou absent. Nos interlocuteurs turcs ont insisté sur la nécessité de lutter contre le déficit démocratique qui a nourri et nourrit toujours l'organisation terroriste mais surtout sur la nécessité d'inclure les sunnites dans les forces armées irakiennes et de leur offrir une protection pour constituer une alternative à Daesh au plan sécuritaire. Certains ont aussi insisté sur la nécessité de lutter contre leur interprétation de l'Islam, et de mener une bataille idéologique. La participation de la Turquie à la lutte contre Daesh ne peut en tout état de cause être désolidarisée de la question syrienne : c'est parce que Daesh lutte contre Bachar Al-Assad et cible les kurdes syriens du PYD que la Turquie a été jusqu'ici prudente, pour ne pas dire ambiguë, vis-à-vis de l'organisation terroriste. La France pourrait donc demander des gages de sérieux à la Turquie dans son engagement au sein de la coalition, pour prix de la promotion d'un processus politique inclusif pour les sunnites de la région.
Avec l'Iran, on peut s'attendre à ce que le rapprochement, que certains chercheurs avaient qualifié de lune de miel, ne fasse place à la montée d'une rivalité au plan régional. Certains de nos interlocuteurs se sont ainsi inquiétés du risque d'une tutelle iranienne sur l'Irak. Selon l'un de nos interlocuteurs, l'évolution la plus importante dans les mois à venir serait un éventuel accord sur le nucléaire iranien, auquel la Turquie était favorable mais dont le règlement pourrait favoriser l'émergence d'un concurrent puissant.
Les relations avec Israël, ont quant à elles connu de très fortes turbulences, bien que les liens commerciaux aient été pour l'heure épargnés. La Turquie a voulu jouer un rôle de médiateur sur le conflit, sans grand succès.
Le rapprochement avec la Russie, lui aussi dicté par des impératifs énergétiques, demeure limité par la crise syrienne, par la situation en Crimée, et par le fait que la Turquie reste membre de l'OTAN et perçue comme un allié de l'Occident, avec lequel elle a pourtant des relations parfois difficiles.
Le retour vers l'Ouest est quant à lui compromis par le sentiment turc d'un désengagement américain dans la région, par un certain scepticisme à l'égard du processus d'adhésion à l'Union européenne ce que les Turcs présentent comme une trahison occidentale à l'égard des printemps arabes. Ainsi, selon les interlocuteurs que nous avons rencontrés au ministère des affaires étrangères turc, la Turquie a soutenu les soulèvements de la dignité durant les printemps arabes, puis le vent a tourné, notamment du fait du manque de soutien de l'Union européenne et l'Otan, que notre interlocuteur a accusé de soutenir le coup d'Etat de Sissi, dans l'indifférence de la communauté internationale. La Turquie a été très critique à l'égard de la prise de pouvoir du maréchal al-Sissi, qui a marqué la faillite de sa propre politique de soutien aux Frères Musulmans. Selon nos interlocuteurs du ministère des affaires étrangères, il ne s'agit pas de soutenir les Frères musulmans mais de ne pas exclure une grande partie de la population de l'exercice de ses droits politiques et civiques. Cette analyse vaut d'ailleurs selon notre interlocuteur au Ministère des affaires étrangères pour l'ensemble de la région en phase de transition. Il a souligné que les peuples ostracisés, n'ayant accès ni au développement économique ni à la participation politique n'ont de refuge que la religion.
Au final, la Turquie, membre de l'OTAN, du Conseil de l'Europe, aspirant à rejoindre l'Union européenne, ayant des liens forts avec le monde arabo-musulman, tout en se démarquant des autres pays non arabes de la région, peut retrouver toute sa place dans la région, à condition qu'elle retrouve la position d'équilibre qui était la sienne il y a quelques années. Elle peut surtout constituer un soutien majeur dans la résolution de la crise syrienne, mais aussi dans la lutte contre le terrorisme et Daesh si nous parvenons à lui donner des gages de notre volonté de promouvoir ensemble une solution politique aux problèmes de la région. Ici il me semble que la France peut jouer un rôle essentiel.
Je vous remercie pour cette présentation très détaillée et pour les éclairages personnels que seuls les voyages permettent et qui sont toujours très précieux.
Je souhaiterais d'abord avoir l'avis des rapporteurs sur l'intérêt que porte la Turquie à une adhésion à l'Union européenne. Ensuite, Jean Glavany évoquait la démocratie turque, mais n'est-elle pas menacée par la présidence d'Erdogan au profit d'un islamisme plus marqué ? Que peut-on dire des droits des femmes dans cette évolution ?
J'avais une question sur le PKK mais le sujet a été largement abordé. Je voudrais rebondir sur les violences faites aux femmes. J'ai conscience qu'en trois jours il n'est pas possible de bien connaître les ressorts d'une société civile. Néanmoins, il est étonnant de voir le nombre de viols, de violences et d'assassinats de femmes en Turquie. La semaine dernière, 3 000 avocats manifestaient pour la défense des droits. Ce gouvernement, que je qualifierai d' « islamo-conservateur », ne donne pas l'impression de beaucoup réagir aux appels de la société civile.
J'ai plusieurs interrogations sur le gulénisme. Pour avoir lu quelques articles sur le sujet, certains associent ce mouvement à une secte liée à l'Eglise de scientologie, bien implantée aux Etats-Unis. Ensuite, il semblerait qu'Erdogan ait pris en grippe l'Imam Gülen à la suite de révélations dont il serait à l'origine sur les turpitudes financières présumées des proches du Président. Quel lien faut-il effectivement établir et quelles sont les conséquences de cette affaire sur la vie politique turque ?
Ensuite, j'aimerais connaître votre sentiment sur l'évolution de la société turque concernant la laïcité. Cette dernière a été remise en cause à plusieurs reprises, qu'il s'agisse de l'autorisation de porter le voile, des restrictions à la mixité dans les écoles ou encore de la décision d'imposer l'enseignement du turc ottoman, qui marque une orientation vers un arabe religieux. Ne doit-on pas alors considérer que la Turquie se tourne plus vers le Moyen-Orient que vers l'Europe ?
Je poserais les mêmes questions sous un angle un peu différent. Il y a deux-trois ans, la Turquie apparaissait comme animée par le souhait de devenir une puissance dans la région. Cela n'est plus le cas aujourd'hui. Est-ce l'arrivée au pouvoir du maréchal al-Sissi qui l'a dissuadée de développer son influence ou y a-t-elle renoncé seule à l'égard des pays arabo-islamiques ?
Vous avez sous-entendu que la Turquie était favorable à ce que l'Iran se dote de l'arme nucléaire. Pouvez-vous développer ce point ?
Quelle est la position de la Turquie à l'égard de l'OTAN et le rôle joué par l'OTAN compte tenu de la place de la Turquie dans les conflits ?
Enfin, j'imagine que vous n'avez pu vous empêcher d'interroger la Consule sur les profils des Français de retour du Jihad. Qu'ont-ils de singulier qui puisse être utile à la compréhension du phénomène ?
J'ajouterais plusieurs questions à celles qui ont été posées. Tout d'abord, existe-t-il une opposition en Turquie et si oui laquelle ? Jean Glavany a fait le point sur le processus électoral, mais qui peut incarner l'opposition aujourd'hui ? On a longtemps pensé qu'Abdullah Gül pouvait contester le pouvoir émergent d'Erdogan. A-t-il disparu de la vie politique ? A part lui, une opposition se manifeste-t-elle au sein ou à l'extérieur du parti dominant ?
Ensuite, l'obsession à l'égard de l'Imam Gülen vient sans doute du fait qu'il a fait sortir les dossiers d'accusation de corruption de proches d'Erdogan. Pourriez-vous mettre au clair le lien entre les deux ?
Je m'associe à la question sur la laïcité et les évolutions récentes qui marquent un changement profond pour un Etat qui était plus laïc encore que la France. Il y a quelques années, le port du voile y était interdit à l'université.
Enfin, la question des relations avec l'Iran mérite des approfondissements. Il y a eu une véritable lune de miel entre la Turquie et la Syrie, au point que les familles des deux dirigeants passaient leurs vacances ensemble. Doit-on y voir la volonté de faire pièce à l'influence de l'Iran ? Qu'en est-il aujourd'hui ?
L'AKP a élaboré un code civil à son arrivée, avec des dispositions sur l'âge du mariage à 18 ans ou la conservation du nom de jeune fille, mais le volet éducatif pourrait selon certains être amélioré.
Il y a beaucoup d'ambiguïté sur la question des femmes : on condamne les violences, mais on ferme les centres pour femmes battues. Une enquête du Tübitak, le CNRS turc, fait état d'une progression de plus de 1400 % des violences depuis 2000 et 35 % des femmes en ont été victimes au moins une fois, ce chiffre s'établissant à 43 % chez les illettrées.
Concernant l'éducation, la couverture éducative est satisfaisante, sauf dans les zones reculées. On trouve de plus en plus d'écoles coraniques et les élèves disposant d'un mauvais niveau en fin de primaire ainsi que beaucoup de filles y sont orientés.
La représentation des femmes en politique s'est dégradée. 19 % de députés sont des femmes ; elles ne sont donc que 27 et on trouve peu de femmes dans l'appareil gouvernemental. Cette situation s'explique par la politique des partis qui les écartent des listes et par le fait que les familles turques sont assez régressives. Les Turcs acceptent que des femmes soient médecins ou avocates, mais ne sont pas ouverts à ce que leur fille suive ce parcours.
C'est un ressenti personnel mais je trouve aussi que l'on voit beaucoup plus de femmes en niqab dans les rues.
Quant aux militaires, un certain nombre ont été libérés mais l'armée a perdu beaucoup d'influence.
Sur l'Iran, je dirais qu'ils sont assez inquiets sur la tutelle qu'il pourrait avoir sur l'Irak, mais ils ont une position assez ambiguë. Même s'ils sont favorables à un accord sur le nucléaire iranien, cela les inquiète car cela pourrait aider à l'émergence d'un concurrent dont ils ont peur, comme l'Iran s'inquiète de son côté de l'évolution de la posture militaire de la Turquie en Syrie.
Quant à la relation entre l'UE et la Turquie, un sondage récent indique que 57 % des Turcs sont pour un rapprochement du pays avec l'Union européenne. Ce qui n'était pas le cas auparavant. Les négociations repartent d'un bon pied et l'on sait en Turquie qu'il n'y a rien à reprocher à la France sur le sujet. Il n'y a que Chypre qui fasse de vraies difficultés. Le président de la commission du suivi des négociations au parlement nous a déclaré que, de toute façon, il y aurait aussi un référendum en Turquie à la fin du processus, comme dans certains pays de l'Union. Pour eux, le plus important, c'est en fait le processus lui-même, l'acquis communautaire, qui leur permet de moderniser leurs institutions.
Il y a une rupture certaine avec le kémalisme, avec la tradition laïque et l'islamo-conservatisme du régime se radicalise. Le pouvoir actuel a voulu être le phare du monde musulman, s'est rapproché des Frères musulmans, donc de Mohamed Morsi, et il y avait là une cohérence en termes de politique régionale, avec au niveau interne la remise en cause du principe de laïcité et le mouvement conservateur patronné par Erdogan.
Quant au Gülénisme, beaucoup de choses nous ont sans doute échappées en trois jours, mais on n'a pas entendu parler de scientologie. Plutôt d'un prédicateur élitiste. Pour le reste, on ne sait ce qui a été l'élément déclencheur : la répression contre le Gülénisme a en tout cas coïncidé avec l'enquête sur Erdogan et ses proches sur des affaires de corruption, ce qui a été le prétexte pour les incriminer et dénoncer « l'Etat parallèle », alors que rien ne le prouve. Il y a des coïncidences troublantes.
La Turquie est un pays ambigu et passionnant. Il regarde vers l'Europe avec un sens constructif, mais reste attentiste, en ayant conscience du fait qu'il avance grâce à l'Europe.
La perte d'influence du pays sur le Moyen-Orient est certaine car le rapprochement avec Mohamed Morsi a été trop loin. Lorsque al-Sissi est arrivé au pouvoir, la rupture a été totale entre les deux pays qui n'ont plus aujourd'hui de relations.
Il y a une opposition dans le pays, elle a même eu un relatif succès aux élections puisque Erdogan a obtenu 52 % aux élections présidentielles. Mais elle pèse peu aujourd'hui et le Président est très populaire. Il y a des négociations pour des alliances électorales pour tenir compte des nouvelles règles, mais il n'y a rien de structuré.
La Turquie a réaffirmé son rôle actif sur l'Otan, le vice-président américain Biden est venu en visite il y a quelques temps ; la Turquie est un peu angoissée de se retrouver seule face à une crise régionale et elle critique ses alliés occidentaux sur cet aspect.
La relation avec l'Iran a été affectée par la crise syrienne, mais cela ne se traduit pas par des déclarations virulentes d'Erdogan contre l'Iran. Les relations économiques sont excellentes, sur les aspects énergétiques notamment et l'on peut parler aussi d'une certaine ambiguïté ici.
Le culte d'Atatürk est présent partout, mais les femmes se voilent désormais à l'université, où les mosquées sont réapparues, parfois à la demande des étudiants. Erdogan n'est pas contre la geste kémaliste mais il surfe sur le conservatisme de sa population.
Par ailleurs, pour répondre à votre question, quelque 600 jeunes Turcs sont allés faire le djihad en Syrie, mais cela est un peu occulté.
La Consule générale de France nous disait par ailleurs que les Français de retour de Syrie se présentent parfois comme revenant de mission humanitaire…
La question de la relation avec l'Iran est perturbée par la question syrienne : la Turquie s'oppose à Bachar al-Assad, et l'Iran est dans une position contraire. Il y a donc une vraie opposition depuis le basculement de la coalition en 2013, mais cela ne va pas jusqu'à l'expression de prises de position véhémentes contre l'Iran et, encore une fois, les relations économiques sont très bonnes.
Malgré une tendance vers une pensée islamo-conservatrice que vous avez confirmée, 57 % des Turcs aspirent à rejoindre à l'Union européenne. Comment le comprendre ?
Le peuple français est l'un des plus pessimistes au monde. Il l'est même davantage que ceux d'Irak et d'Afghanistan. Et pourtant c'est en France que le taux de natalité est le plus élevé en Europe. C'est une contradiction qu'un Turc ne pourrait pas vous expliquer, quand bien même il serait un spécialiste de la France. De même, je ne saurais pas vous dire pourquoi le peuple turc, qui regarde l'Europe avec plus d'envie qu'hier, est en même temps subjugué par un pouvoir autoritaire. J'observe tout de même que le kémalisme n'était pas un pouvoir faible non plus ! Erdogan rompt avec le kémalisme, sauf sur ce point. Je ne vois pas comment l'expliquer autrement que par une caractéristique typiquement nationale.
La Séance est levée à dix-huit heures vingt.