La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a procédé à une table ronde sur l'action, l'organisation et les moyens des délégations régionales aux droits des femmes, en présence de Mmes Jocelyne Mongellaz, déléguée régionale Île-de-France, Françoise Rastit, déléguée régionale de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et Véronique Tomas, déléguée régionale de Basse-Normandie .
Présidence de Mme Catherine Coutelle, présidente.
La séance est ouverte à 16 heures 30.
Nous accueillons aujourd'hui trois déléguées régionales aux droits des femmes dans le cadre d'un cycle d'auditions sur l'organisation et les moyens des délégations régionales. Ces auditions trouveront leur conclusion dans un rapport que la Délégation présentera en fin d'année.
Comment est organisée la délégation aux droits des femmes dans vos régions ? Quelles modifications la RGPP a-t-elle apportées ? Vos missions ont-elles évolué depuis cinq ans ? Avez-vous besoin de compétences nouvelles pour les exercer ?
Je m'interroge également sur votre statut et sur votre positionnement au sein de l'administration : comment s'articulent les relations entre la déléguée régionale, hiérarchiquement dépendante du secrétaire général aux affaires régionales (SGAR), et les chargées de mission départementales, qui se trouvent sous l'autorité de la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) ? Les directives d'action sont-elles harmonisées entre ces deux hiérarchies ?
Par ailleurs, vos objectifs d'action sont-ils bien définis ? De quelle autonomie disposez-vous pour décliner la politique nationale ? Votre positionnement particulier conduit à se demander si vos interlocuteurs ministériels sont multiples. Comment l'objectif de l'inter ministérialité annoncé par l'actuel gouvernement se traduit-il à votre niveau d'action ?
Enfin, de quels moyens disposez-vous, en 2012 et en prévision pour 2013 ? Ces moyens permettent-ils de faire face à l'évolution des besoins et aux actions annoncées dans de nouveaux domaines ? Permettent-ils d'effectuer des expérimentations au plan local et de les étendre si elles se sont avérées efficaces ?
Je suis déléguée aux droits des femmes de la région Île-de-France depuis mars 2008 après avoir été, pendant 17 ans, chargée de mission départementale aux droits des femmes à Paris.
Notre région, l'Île-de-France, comptant 11 millions d'habitants – dont 6 millions de femmes – la délégation régionale comporte un effectif comparativement important de cinq personnes. Je suis entourée d'une adjointe administrative et financière, en charge de la gestion de notre budget qui s'élève cette année à 2,6 millions d'euros, de deux contractuelles cadre A qui possèdent une expertise en matière d'égalité professionnelle, pour la première, et de lutte contre les violences pour la seconde. Je dispose enfin d'une secrétaire assistante, également chargée de communication. Ces personnes forment autour de moi une équipe dynamique dont je tiens à saluer ici l'implication et l'efficacité.
Dès mon arrivée, j'ai dû faire face à la suppression du poste chargé des relations avec l'Éducation nationale et le conseil régional, qui avait pour mission de décliner sur le plan régional la Convention pour l'égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes, dans le système éducatif. La charge de ce poste a été répartie sur les autres postes. La gestion du Prix de la vocation scientifique et technique des filles (PVST) incombe désormais à la personne en charge de la gestion administrative et financière.
Conformément aux préconisations de la Révision générale des politiques publiques (RGPP), la délégation régionale est intégrée au secrétariat général aux affaires régionales (SGAR), lui-même placé sous l'autorité du préfet de région et responsable de l'unité opérationnelle (UO) budgétaire du programme 137.
Mais la gestion des ressources humaines – attribution des primes, congés maladie, comptes épargne temps – est assumée par la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) dont nous ne dépendons pas puisque nos crédits figurent sur le budget opérationnel de programme (BOP) 124. Il serait donc souhaitable qu'elle revienne au SGAR.
D'autant que le SGAR n'a aucun poids auprès du directeur de la DRJSCS.
En effet, et lorsqu'il s'agit d'attribuer des primes, celles-ci profitent tout d'abord à ses personnels. Ce système n'est donc pas favorable à la reconnaissance du travail des déléguées.
En Île-de-France, l'intégration au SGAR a coïncidé avec le regroupement des services de la préfecture de région en un seul établissement, ce qui nous permet d'entretenir des relations de proximité avec l'ensemble des services départementaux.
Nous participons à des réunions hebdomadaires réunissant les chargés de mission du SGAR et à des réunions bilatérales avec celui-ci. En outre, je participe depuis peu aux réunions qui regroupent, autour du préfet de région, le SGAR et les chargés de mission.
Depuis le mois de juillet, je participe également aux commissions préfectorales, dont celle du comité régional de l'habitat (CRH). En revanche, je n'assiste pas de façon systématique aux comités de l'administration régionale (CAR) et aux « pré-CAR » – réunions destinées à préparer le CAR.
Je suis déléguée régionale aux droits des femmes de la région Paca. Mon équipe, basée à Marseille, est formée de quatre personnes – ce qui était déjà le cas avant la RGPP. Je suis entourée d'une adjointe, qui vient de la direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DRTEFP) où elle était spécialisée dans les crédits européens, d'une chargée de mission de catégorie A + et enfin d'une adjointe administrative qui, depuis 1983, s'occupe à plein temps du suivi administratif des crédits sur le logiciel Nemo, en relation avec l'outil de gestion financière Chorus.
Le plan régional stratégique (PRS) qui nous a été imposé par la circulaire de septembre 2011 nous a permis de rééquilibrer les charges de travail à l'intérieur de l'équipe, et cette nouvelle organisation a été confirmée par le changement de gouvernement.
Notre budget s'élève à 1 million d'euros, ou plus exactement, du fait des reports de crédits de l'année précédente, à près de 950 000 euros. Nous bénéficions en outre d'une enveloppe annuelle dédiée du Fonds social européen (FSE) d'environ 1 million d'euros dont malheureusement le paiement est actuellement suspendu, pour des raisons administratives qui n'ont rien à voir avec les droits des femmes.
En 2007, la contractualisation du FSE, du fonds européen de développement régional (FEDER) et du contrat de projets État-région (CPER) a été actée par l'État et le conseil régional.
Quant aux moyens consacrés aux actions répondant aux besoins sur le terrain, en région Paca, les crédits non fléchés destinés à ces actions ont enregistré une baisse de 35 %.
La délégation régionale est désormais installée dans les locaux de la préfecture. Cette proximité nous rapproche des équipes du SGAR, des chargés de mission emploi et cohésion sociale et surtout de la plateforme RH, ce qui facilite notre travail et nous a permis récemment de financer quelques formations interministérielles.
La délégation régionale de Basse-Normandie est composée de deux personnes, ma collaboratrice et moi-même, et représente trois départements. Le poste du département de la Manche, qui avait été mis à disposition par le ministère de l'Intérieur, n'est toujours pas budgété, malgré le soutien du préfet de région, du préfet de département et du directeur de la Cohésion sociale.
En ce qui concerne les changements opérés par la RGPP, sachez que de 2007 à 2012 notre budget de fonctionnement a fondu de 66 %. Nous sommes toutes d'accord pour faire des économies, mais celle-ci amoindrit fortement notre capacité d'action. Nos moyens de fonctionnement doivent être réévalués.
Nos crédits d'intervention, en revanche, ont augmenté de 28 % en 2012. Ce serait formidable si nous n'avions pas hérité de trois nouvelles missions – lutte contre la prostitution, mise en place de lieux d'accueil de jour et sécurisation des espaces de médiation. Cela dit, bien que ces missions fassent l'objet de crédits très fléchés, le programme 137 a contribué à hauteur de 20 % à leur mise en oeuvre.
En Basse-Normandie, les crédits non fléchés, qui nous permettent de mettre en place des actions de communication et de sensibilisation destinées à promouvoir l'égalité professionnelle, ont baissé de 36 %. Ces dotations doivent être revues à la hausse.
Dans l'exercice de mes missions, il m'arrive de regretter que les appels d'offres publics privilégient aujourd'hui le moins-disant, ce qui peut être au détriment de l'aspect qualitatif des actions engagées. L'accompagnement des femmes en difficulté vers la reconversion exige des compétences spécifiques qui justifient une offre financièrement plus coûteuse. Dans ma région par exemple, un organisme de formation pourtant très compétent n'a pas obtenu le marché auprès de Pôle emploi, simplement parce qu'il n'était pas le moins-disant. Il disposait pourtant de formateurs qualifiés, employés sous contrat à durée indéterminée, ce qui n'était pas le cas de l'organisme qui a obtenu le marché.
Il convient de rappeler à Pôle emploi que la clause du mieux-disant s'applique aux marchés publics.
Depuis la réforme de l'administration territoriale de l'État (RéATE) qui, je le rappelle, a intégré la délégation régionale au SGAR, nous travaillons dans les locaux de la préfecture. Si je suis très satisfaite de mes nouvelles conditions de travail, je me dois de mentionner que nous rencontrons un problème d'ordre technique. Nous sommes équipés du logiciel Orion qui, ayant vocation à bloquer l'accès à certains sites, nous empêche de travailler à partir des mots « sexe » ou « prostitution » par exemple. Pour débloquer le filtre, il faut demander une autorisation administrative, ce qui nous incite à effectuer nos recherches sur notre ordinateur personnel.
Le logiciel Orion réduit en effet considérablement le champ de nos recherches.
La délégation régionale s'est vue confier la gestion de ses crédits d'intervention, mais nous ne disposons pas d'un accès direct à Chorus qui nous permettrait de suivre l'évolution de nos crédits. Si la délégation régionale Île-de-France peut consacrer une personne à plein temps à la gestion de nos 120 demandes de subventions, je crains que la charge de travail soit trop lourde pour les délégations plus réduites.
Cette charge est trop lourde, je le confirme, et ne devrait pas, selon moi, incomber à la déléguée régionale.
L'utilisation du logiciel Nemo pose un double problème : elle alourdit la charge de travail que nous consacrons à la saisie administrative et rend plus difficÎle le suivi de nos dépenses. Pour vérifier si les paiements ont bien été effectués, il nous faut demander à la trésorerie générale ou au SGAR d'éditer des états – d'ailleurs tellement complexes qu'il nous est difficÎle de les comprendre...
J'ajouterai un troisième problème : la délégation de nos crédits nous parvient souvent tardivement, ce qui nous oblige à surveiller notre consommation.
En Île-de-France, nous ne lançons pas d'appels à projets, l'enveloppe de nos crédits non fléchés se limitant à 415 000 euros.
Avant la réforme de l'administration territoriale (RéATE), la délégation régionale Île-de-France gérait le fonctionnement des chargées de mission départementales. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, ce qui explique le montant peu élevé – 54 000 euros – de nos crédits de fonctionnement.
Face à la diminution croissante des crédits d'intervention au titre de la politique de la ville, si nous voulons que les associations survivent, nous devons travailler dans la durée. Tout le monde, de la communauté de communes à l'État, s'accorde à reconnaître l'importance du tissu associatif, encore faut-il le financer.
Seules survivent à la raréfaction des crédits les associations d'ampleur nationale, qui sont réactives par rapport à la politique du Gouvernement et ont les moyens de se réorienter.
Le plan régional stratégique (PRS) pour l'égalité entre les femmes et les hommes a joué dans ma région un rôle fédérateur. Le préfet de région a demandé à tous les signataires – préfets de département, recteur, présidents d'université, directeurs de l'agence régionale de santé (ARS) et de Pôle emploi – de nommer un référent égalité au sein de chaque structure. Je dispose donc aujourd'hui d'un solide réseau de référents dans toutes les structures de la région : à Pôle emploi, à l'éducation nationale, mais également au sein de la gendarmerie où le colonel a nommé des référents VIF – violences intrafamiliales.
Dans les régions où la déléguée régionale est seule, les choses ne se passent pas de la même façon. Les PRS sont à géométrie variable et beaucoup sont construits en fonction de l'actualité du moment. Seule une volonté politique, soutenue par le préfet et imposée aux directions régionales, permettra de généraliser les PRS et de faire entrer l'égalité dans le champ du droit commun.
Si l'on en croit la directive nationale d'orientation pour le pilotage et la mise en oeuvre au niveau territorial des politiques de cohésion sociale pour 2013, il subsiste des marges de progrès en matière de transversalité.
Chaque département de votre région dispose-t-il d'une chargée de mission et si tel est le cas, quels sont ses moyens ?
Constatez-vous depuis six mois qu'une nouvelle dynamique est à l'oeuvre dans vos régions ?
L'Île-de-France dispose actuellement de sept chargées de mission sur huit. Nous avons dû faire face à deux vacances de poste dans les départements de l'Essonne et des Yvelines. La première, qui a duré deux ans, a été pourvue le 1er septembre dernier ; quant à la seconde, une personne vient d'être recrutée et occupera le poste dès le 1er janvier prochain. Ces vacances de postes contraignent les membres de la délégation régionale à s'investir dans les départements.
Un certain nombre de mes collègues et moi-même souhaitons que les chargées de mission restent attachées au cabinet du préfet et non à la direction départementale de la cohésion sociale. Devons-nous faire une recommandation en ce sens ?
Cette organisation fonctionne mal car les DDCS sont un intermédiaire entre les chargées de mission et la délégation régionale.
Sur les trois départements de Basse-Normandie, nous n'aurons plus l'année prochaine qu'une seule chargée de mission.
Face à cette lacune et compte tenu de la pénurie croissante de moyens, je préférerais pour ma part une équipe régionale dont les membres seraient placés auprès des secrétaires généraux des préfectures, dans une logique à la fois territoriale et transversale.
Sur les six départements de la région Paca, nous attendons deux nominations, dont celle de la chargée de mission des Bouches-du-Rhône.
La RGPP a fait naître entre les directeurs départementaux de la cohésion sociale et la délégation régionale un rapport de force difficÎle à gérer. Ainsi en cas de conflit avec un DDCS, la déléguée régionale est obligée de demander au SGAR d'arbitrer !
La place des chargées de mission se trouve auprès des préfets car c'est là qu'elles peuvent jouer pleinement leur rôle.
Pouvez-vous dire qu'une nouvelle dynamique politique se met en place, ne serait-ce qu'à travers la création d'un ministère dédié aux droits des femmes ?
Nous en avons naturellement ressenti les effets.
Je salue la création du comité interministériel et le tout nouveau gender budgeting, ou approche intégrée de l'égalité hommes-femmes dans l'élaboration des budgets.
La création d'un ministère des Droits des femmes vous donne certainement plus de poids, pourtant les crédits qui sont alloués à votre réseau dans le projet de budget pour 2013 ne bénéficient pas de la moindre progression…
De quelles actions êtes-vous les plus fières ?
Je me félicite de la signature du PRS, qui concrétise l'aspect interministériel de la question de l'égalité et la dynamique enclenchée au cours des dernières années. Nous avons signé avec le préfet de région, le président du conseil régional et les trois recteurs une convention cadre avec l'Éducation nationale autour des trois axes de la convention interministérielle. Et pour ce qui est des entreprises, nous travaillons depuis 2008 avec les partenaires sociaux sur un plan d'égalité d'accès à l'emploi, avec le soutien du fonds social européen (FSE).
Le PRS nous permet également d'établir des partenariats avec les cours d'appel dans le cadre du plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes mis en oeuvre par les commissions départementales aux droits des femmes et à l'égalité.
Enfin, pour promouvoir les « contrats pour la mixité des emplois et l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes », nous avons signé des conventions avec les branches professionnelles dans des métiers où les femmes sont peu présentes, comme les transports et l'énergie, et avec l'opérateur Orange.
Le plan régional concrétise notre action en matière d'égalité professionnelle et de lutte contre les violences faites aux femmes. Il a été signé en Île-de-France par plus de 43 structures dont les partenaires sociaux, les cours d'appel et les chambres consulaires.
Les plans régionaux stratégiques doivent-ils être reconduits par une directive ministérielle ? Comment se déclinent-ils dans les départements ?
Les actions régionales se déclinent naturellement dans les départements. Ainsi le SGAR d'Île-de-France a-t-il adressé un courrier aux préfets de département pour les inviter à demander aux structures départementales de l'État de nommer un référent égalité, et certains départements ont élargi cette demande aux partenaires sociaux et à d'autres acteurs. La région Île-de-France compte à présent plus d'une centaine de référents égalité.
Avec la mise en place du PRS, nous sommes passés d'une logique de réseau à une logique de partenariat. Ainsi, dans ma région, nous avons négocié des accords cadres avec les secteurs du BTP, du transport et de la logistique, mais aussi avec la CGPME et l'AGEFOS PME. Dans quelques jours, nous signerons un accord avec un certain nombre d'acteurs de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Enfin, nous avons signé une convention avec l'Éducation nationale qui nous a permis d'organiser un concours régional d'affiches sur le thème du respect mutuel.
Nous sommes également fières de notre réseau d'entreprises labellisées, qui m'a amenée à participer, l'année dernière, à pas moins de 33 manifestations publiques.
La situation en région Paca est plus nuancée, ce qui est sans doute dû au fait que nos six départements sont très contrastés. Le PRS doit intégrer la transversalité au sein même des directions régionales, car c'est là que sont définies les politiques à mener, mais il va de soi que les chargées de mission doivent être responsables de la politique qu'elles mènent dans leur département.
Nous avons constitué un réseau regroupant l'Observatoire régional des métiers, l'INSEE, le service études de la direction régionale de la jeunesse et des sports (DRJS), le conseil régional, le conseil général, le centre d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), qui nous a permis de « genrer » le contrat de plan régional de développement des formations (CPRDF) établi par le conseil régional en partenariat avec les services de l'État.
Le PRS de Basse-Normandie comprend 34 fiches régionales d'actions ou de dispositifs et 33 fiches départementales, sachant que certains départements entreprennent des actions spécifiques.
Les associations de femmes réclament avec force la présence d'assistantes sociales dans les commissariats. Or celle-ci relève des conseils généraux qui, pour de multiples raisons, s'y refusent. Cette question peut-elle être posée au niveau régional ?
Par ailleurs, les déléguées régionales sont-elles en majorité fonctionnaires ou contractuelles ?
Ce que l'on nous propose de plus en plus, c'est d'être attachées de la fonction publique nationale, conséquence de la loi « Sauvadet » du 12 mars 2012. J'étais auparavant fonctionnaire de l'Éducation nationale, et c'est au vu du montant de mon salaire de l'époque que l'on a m'attribué le statut d'attachée. Cependant le statut proposé nous dessert et ne reconnaît pas les acquis de notre expérience. J'ai adressé cette année une cinquantaine de notes au préfet, je discute avec les recteurs et lorsque je rencontre les branches professionnelles et les syndicats, c'est aux secrétaires généraux que j'ai affaire. Je considère que le statut qui m'a été donné est dévalorisant et je suis persuadée que l'on nous traite ainsi parce que nous sommes des femmes.
Quel statut, selon vous, correspondrait réellement à votre qualité de responsables au niveau régional ? Le statut d'attachée principale correspondrait-il mieux à vos attentes ? Quels sont les avantages et les inconvénients de la limitation à six années dans le poste pour les déléguées titulaires d'un contrat ? La mobilité à laquelle vous êtes soumises remet certainement en cause votre investissement et votre connaissance du terrain.
Le statut idéal serait celui d'administrateur civil, comme le sont nos collègues directeurs régionaux de la recherche et de la technologie ou du tourisme. Sachez que le délégué interrégional aux restructurations de la défense est lieutenant-colonel.
Quant au statut d'attachée principale, le travail qu'accomplissent nos collègues attachés principaux au sein des préfectures est encore très loin de celui qu'exige la fonction de déléguée régionale, étant entendu que la saisie des informations ne doit pas faire partie de nos attributions.
Nos postes doivent être stables car les politiques que nous menons ne peuvent être mises en oeuvre que dans la durée.
En matière de lutte contre la prostitution, soutenez-vous toujours les mêmes associations ?
En 2011, les crédits alloués à la lutte contre la prostitution ont fait l'objet d'un transfert de 850 000 euros du BOP 177 au BOP 137, dont 98 % étaient destinés au département de Paris. Je rappelle que notre mission se limite à l'accompagnement des personnes prostituées, leur hébergement étant toujours financé par le BOP 177 qui, lui, est géré par la direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement (DRIHL). En 2012, l'adoption d'un amendement parlementaire nous a permis d'attribuer des crédits aux départements qui n'en avaient jamais reçu, à savoir l'Essonne et les Yvelines, et de mettre en place, avec l'aide de l'association Mouvement du Nid, une coordination régionale du réseau.
À quelles actions le budget destiné à la lutte contre la prostitution est-il utilisé, et vous paraît-il suffisant ?
Ce budget a subi une diminution importante en Île-de-France, où il finance l'accompagnement des personnes prostituées ainsi que les actions de prévention. Plus globalement, nous attendons du ministère qu'il nous adresse une feuille de route, d'autant plus nécessaire depuis la confirmation de la position abolitionniste de notre pays.
La Délégation aux droits des femmes a entrepris récemment un travail sur l'évolution de notre politique et en particulier de la législation relative à la prostitution. Nous espérons déposer à l'issue de ce travail conduit avec des représentants de différents groupes politiques une proposition de loi visant le système prostitueur dans son ensemble. En outre, nous devons proposer aux personnes prostituées des solutions raisonnables et accessibles, car il ne faudrait pas leur faire des promesses pour les laisser ensuite à nouveau dans la rue.
La région Paca consacre 156 000 euros à la prostitution. Nous avons regretté de ne pas avoir profité du transfert de crédits pour mettre en place un réel diagnostic. Il me paraîtrait intéressant de collaborer avec l'Agence régionale de santé (ARS), mais les chargées de mission départementales ne le souhaitent pas toujours au motif que l'agence traite essentiellement la prostitution sous l'angle de la santé.
La région Basse-Normandie consacre 6 866 euros à la thématique de la prostitution.
Nous interrogerons le ministère sur la question de la répartition des crédits.
Quelles sont vos relations avec les ARS ?
Il en va de même dans ma région.
La répartition des crédits entre les départements telle qu'elle est opérée actuellement est dangereuse car le coût d'une secrétaire est le même partout. Le plus important est d'assurer une couverture du territoire par le biais des réseaux. Il est normal d'accorder des crédits plus importants aux grands territoires, mais certaines zones rurales nécessitent aussi d'importants moyens.
La RGPP a conféré aux chargées de mission une liberté d'intervention qu'elles n'avaient pas auparavant, notamment la possibilité de travailler dans le domaine de la politique de la ville.
Généralement, tout ce qui relève de la politique de lutte contre les violences, en proximité avec la police, la justice et la gendarmerie, est mis en oeuvre dans les départements, le niveau régional étant plus adapté à ce qui relève de la politique de l'emploi.
En Île-de-France, la répartition des crédits de l'enveloppe régionale tient compte à la fois des orientations nationales et de la spécificité des territoires.
Je répartis les crédits en fonction du poids démographique des départements, laissant aux chargées de mission le soin d'aider telle ou telle association.
Les antennes du Planning familial rencontrent-elles des difficultés dans votre région après la demande faite à l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé) de verser 500 000 euros de subvention aux associations – subvention que certaines associations disent ne pas avoir reçue ?
Les départements de ma région ne disposent pas tous d'une antenne du Planning familial. Je n'ai pas eu connaissance de tensions. L'enveloppe que nous accordons généralement au Planning familial s'élève à près de 13 000 euros et correspond à des actions départementales et interdépartementales.
En Île-de-France, la nouvelle répartition des crédits semble avoir quelque peu défavorisé le réseau du Planning familial.
Dans ma région, la diminution des subventions a amené le Planning à supprimer un emploi. C'est regrettable.
Dans un contexte de restriction budgétaire, l'action des associations ne peut que perdre une part de son impact. Les associations spécialisées ne pourraient-elles devenir des référents et former des agents sur les thématiques de l'égalité et des droits des femmes ? Les CIDFF pourraient être chargés de cette animation.
Ce que vous proposez n'est autre qu'une forme de mutualisation. Cela m'amène à évoquer les centres d'appels téléphoniques. Selon vous, leur multiplicité nuit-elle à la visibilité du dispositif ?
Les personnes en souffrance doivent pouvoir appeler des numéros très spécialisés : le 3919 a été mis en place pour répondre aux victimes de violences conjugales, le numéro du collectif féministe pour assister les victimes d'agressions sexuelles et celui de l'association européenne contre les violences faites aux femmes (AVFT) s'adresse aux victimes de harcèlement sexuel.
En ce qui concerne l'accès au logement et l'hébergement des femmes victimes de violences, nous aimerions recevoir des directives nationales.
Il convient avant tout de faire en sorte que les personnes en souffrance, quelle qu'en soit la cause, n'aient pas à répéter plusieurs fois l'objet de leur appel, car elles se découragent et on ne peut alors les aider.
La loi relative aux violences prévoit le droit pour les femmes en difficulté d'obtenir une protection et donne aux préfets la possibilité de réquisitionner des logements HLM afin de leur proposer un hébergement. Les textes existent, mais ils ne sont pas appliqués.
En matière d'accueil de jour, l'expérimentation est une bonne chose, mais elle ne concerne que 62 départements et laisse tous les autres face à leurs difficultés. Cette répartition ne nous semble pas équitable.
Les budgets que nous allouons à certaines thématiques doivent produire des effets leviers. Ainsi en consacrant 8,5 % de ses crédits à l'axe 11 – Égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, économique, politique et sociale – la région Basse-Normandie a obtenu 91,5 % des autres financeurs. Pour avoir consacré 19 % de ses crédits à la promotion des droits et à la prévention de la lutte contre les violences, elle a récupéré 81 % de financements extérieurs.
En 2010, un euro investi par la région Île-de-France a permis d'obtenir 20 euros de financements extérieurs.
Face aux diminutions de crédits, je suggère que les services de l'État, les conseils régionaux, les conseils généraux, se regroupent au sein d'un comité de pilotage pour financer les associations les plus importantes.
Je dirai pour conclure que les déléguées régionales ne sont désormais plus seules pour faire face à leur importante charge de travail.
Depuis le début de l'année, le SGAR m'a adressé pas moins de 49 requêtes !
Je vous remercie pour votre disponibilité à notre égard et pour les informations que vous nous apportez.
La séance est levée à 18 heures 30.