Nous poursuivons les travaux de la mission d'évaluation et de contrôle sur les financements et la maîtrise de la dépense des organismes extérieurs de langue française. Nous recevons aujourd'hui M. Pierre Baillet, secrétaire permanent de l'Association internationale des maires francophones (AIMF).
Je rentre d'Erevan, où je me suis rendu pour contrôler l'avancement sur place des projets de notre association. Le secrétaire d'État à la réforme de l'État et à la simplification, M. Thierry Mandon, se trouvait sur place au même moment. L'ambassade de France a sélectionné notre projet pour l'inscrire au programme de sa visite, de sorte qu'il l'a lui-même inauguré. Voilà, me semble-t-il, un exemple récent de la manière dont l'AIMF contribue, directement et indirectement, au rayonnement de notre pays.
Notre association rassemble des collectivités territoriales et des associations internationales de collectivités territoriales francophones. Elle regroupe près de trois cents membres et apporte un appui à ces collectivités francophones. Son bureau compte trente membres, dont trois sont des représentants de villes françaises ; les trois quarts de ses membres sont des hommes et femmes du Sud ; un tiers sont des femmes. Le bureau a ceci d'original que, dans cette composition, il juge, vote et émet un avis sur l'ensemble de nos financements.
En plus de l'apport financier de la France et du ministère des affaires étrangères, le secrétariat permanent peut lever d'autres fonds. Ainsi, alors que l'AIMF reçoit 1,2 million d'euros de subventions, elle gère un budget de 7 millions d'euros. La Ville de Paris ne finance l'AIMF qu'à la condition que le ministère des affaires étrangères y contribue, car elle veut éviter toute situation qui s'apparenterait à une gestion de fait. Parmi nos contributeurs, nous comptons également les agences de l'eau ou l'Union européenne. Il y a dix jours, nous avons signé avec cette dernière un accord cadre pour sept ans ; dans un premier temps, il devrait amener à l'AIMF deux millions d'euros et il pourra être prorogé dans trois ans.
Nous levons ces fonds supplémentaires grâce aux projets que nous montons sur les fonds dédiés, ces projets attirant d'autres contributeurs. L'AIMF conduit ainsi des projets avec l'Union européenne, avec la Ville de Paris, avec les agences de bassin, avec des fondations, mais aussi bientôt, je l'espère, avec des entreprises dans le cadre de partenariats public-privé.
Depuis 2007, nous avons reçu 14 millions d'euros du ministère des affaires étrangères, 16 millions d'euros de l'Union européenne, 4 millions d'euros des agences de bassin, 5 millions d'euros de la Communauté française de Belgique, du Québec et du Canada, 10 millions d'euros de la Ville de Paris et 4 millions d'euros des villes du Nord et du Sud. Depuis huit ans, nous avons reçu également 2 millions d'euros de cotisation.
Le ratio de financement extérieur par rapport au financement proprement français s'établissait jusqu'à présent de un à trois. Pour un euro dépensé par la France, l'AIMF pouvait en employer trois. Mais la subvention versée par le ministère des affaires étrangères, qui s'élevait à 2 millions d'euros il y a quelques années, a diminué à 1,2 million d'euros. De même, la subvention versée par le ministère de l'éducation nationale est passée de 400 000 euros à 90 000 euros. La part du financement par les États se réduit donc considérablement, tandis que l'AIMF se tourne vers d'autres bailleurs. Ces efforts ne participent, hélas, que d'un jeu à somme nulle.
L'outil AIMF est au service de la France de manière discrète, notre présidente Anne Hidalgo rappelle néanmoins régulièrement qui nous sommes. Nous menons des projets dont la visibilité est extrêmement forte. À Bangangté, au Cameroun, l'AIMF a monté un projet d'un montant de 1,5 million d'euros qui s'est révélé avoir un effet structurant pour toute la région. Le ministère des affaires étrangères n'y a pas contribué financièrement, puisque les fonds employés provenaient exclusivement des agences de bassin et des collectivités territoriales.
L'AIMF apporte un appui aux postes diplomatiques en renforçant l'autonomie des collectivités territoriales, par un soutien à la gestion des finances locales ou encore par une assistance en matière d'enregistrement et de délivrance des actes d'état-civil – ce qui va dans le sens des souhaits formulés par nos autorités consulaires, qui s'appuient ainsi sur des documents plus fiables quand elles instruisent des demandes de visa. Le récent projet inauguré par M. Thierry Mandon est un autre exemple de la manière dont les actions de l'AIMF vont dans le sens de la France et de ses postes diplomatiques.
Mais nous mobilisons aussi des sociétés privées, notamment pour les projets d'adressage. Cela consiste d'abord à identifier les rues sur des plans. Pour ce faire, nous recourons aux services de la société française SPOT, de même que, au stade de l'étude, aux services de « Groupe 8 », société également française. Nous dressons ainsi des plans, nous numérotons les portes, nous enquêtons pour savoir quels habitants s'y trouvent et quelles sont leurs capacités contributives. Ces informations sont mises en réseau, informatisées et nous assurons ensuite la relance des mauvais payeurs. Les recettes des collectivités territoriales concernées s'en trouvent largement améliorées.
Tant les panneaux sur les portes que les plaques de rue sont produits par des sociétés françaises, France Emaillerie ou les signaux Girod. Les projets relatifs à l'état civil font appel à une entreprise de Mulhouse. Notre revue Raisonnance est éditée quant à elle par une entreprise établie à Angers. Des agents du ministère des finances nous apportent également leur concours pour mener à bien nos projets dans le domaine des finances locales. Sans que nous l'affichions, l'encadrement des projets de l'AIMF repose donc souvent sur un savoir-faire français.
Le secrétariat permanent de l'AIMF est constitué d'une équipe légère de huit personnes autour du secrétaire permanent. Avec 90 projets par an, nous devons recourir à une soixantaine d'experts fonctionnels du Sud pour être présent partout, y compris dans les régions les plus difficiles, comme le Nord Mali, la région des grands lacs ou la République centrafricaine.
L'AIMF est née en France, de la volonté partagée de Jacques Chirac et du maire de Québec de l'époque. L'État et la Ville de Paris furent les premiers à subventionner l'AIMF qui est ensuite devenue, en 1995, un opérateur de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF). Aujourd'hui, les subventions françaises restent un levier essentiel de notre action. Aussi les considérables baisses de crédits actuelles nous font-elles courir le risque de disparaître, car la Ville de Paris ne pourrait pas substituer son financement aux subventions de l'État sans s'exposer au reproche de la gestion de fait. Les autorités municipales surveillent donc de très près l'évolution de la part non parisienne des recettes de l'AIMF. Or, si nous n'avons plus de fonds dédiés, nous perdrons le soutien de l'Union européenne et nous nous trouverons rapidement dans une situation critique.
Qu'adviendra-t-il alors de la francophonie et de la coopération décentralisée sans l'AIMF ?
Si nous comparons les exercices budgétaires 2012 et 2013, nous constatons que le budget s'établit une année à 8 millions d'euros et l'autre à 12 millions d'euros. Vous détenez une part importante de produits financiers, au point de dégager 100 000 euros de recettes financières en 2013. Comment justifiez-vous le montant global de ces immobilisations financières ?
Vous nous dites que le secrétariat permanent se compose de neuf personnes, ce qui paraît une échelle pertinente au vu du budget de 8 à 9 millions d'euros. Mais comment faut-il considérer les soixante experts fonctionnels ? S'agit-il de sous-traitance ou d'emplois indirects ?
Disposez-vous d'études, d'outils ou d'indicateurs pour évaluer la pertinence des actions que vous menez ? Il importe de pouvoir montrer à quoi sert chaque euro investi.
Dans la convention d'objectifs que vous avez signée avec le ministère des affaires étrangères, vous vous engagez à maîtriser vos frais de fonctionnement. Quelle stratégie avez-vous retenue pour cela ? Quel est au demeurant le statut juridique exact de l'AIMF ?
Trop souvent, la France demeure le premier contributeur des organismes francophones. Je relève en particulier que quelques grands États ou entités du Nord, comme la Suisse, la Wallonie-Bruxelles, le Canada et la province du Québec versent des contributions très inférieures à la contribution française. D'après mes calculs, quand la France contribue à hauteur de dix euros, ces pays du Nord contribuent, à eux tous, pour moins de cinq euros. Pensez-vous qu'ils soient prêts à participer davantage et à engager plus de ressources ?
Je commencerai par la question qui est la plus gênante, car elle est la plus politique, à savoir celle de la place de la France dans la francophonie. Nos amis canadiens, et moins souvent nos amis belges, trouvent qu'il s'agit d'abord d'un outil au service de la France et qu'ils apportent par ce biais des subventions à la France. Telle en était ma perception lors de mon arrivée à l'AIMF en 1995.
Cela dit, l'OIF est désormais financée à 50 % par la France et le Canada, de sorte qu'un équilibre est trouvé. Il en va différemment à l'AIMF, car le concept français de la coopération décentralisée y domine. Il s'agit d'un fait historique. Ni le Canada, ni la Belgique, ni la Suisse, ni Monaco, ni Andorre n'ont développé de coopération de ce type. En Amérique, les collectivités ne sont pas en capacité de financer des programmes de coopération. Je nourris donc la crainte de voir disparaître cette tradition de coopération décentralisée avec la contribution de la France, qui est la seule à être vraiment active en la matière. Aussi avons-nous besoin du ministère des affaires étrangères et de la Ville de Paris.
Au sein de l'AIMF, le secrétariat permanent veille à l'équilibre entre les différents partenaires. Les deux derniers numéros de notre revue Raisonnance font ainsi une large place à l'Amérique du Nord. Nous avons en effet tenu des réunions à La Fayette et à la Nouvelle Orléans, car nous nous efforçons de faire naître un réseau de villes, des anciens pays cajuns à l'Acadie. Nous développons ce projet avec des subventions qui ne sont pas américaines. Et nous faisons de même avec la Communauté française de Belgique dans la région des Grands Lacs.
Pendant longtemps, notre action s'est concentrée sur le Maroc, sur la Tunisie et sur l'Afrique de l'Ouest. Nous nous exposions ainsi aux reproches de maires d'autres régions, notamment de l'Afrique centrale. Je crois pouvoir dire que l'équilibre est désormais rétabli. C'est à Kinshasa que Mme Anne Hidalgo a présidé sa première assemblée générale de l'AIMF. Tous les membres du gouvernement y étaient présents. Dans la région, nous travaillons à rapprocher la population des trois pays qui bordent les grands lacs. Nous procédons à la plupart des investissements dans cette région grâce à l'Union européenne.
L'équilibre général entre les continents fait aussi une part à l'Extrême-Orient. À Hué, au Vietnam, nous soutenons en ce moment la sauvegarde du patrimoine et le développement. Au sein de l'ASEAN, un réseau se forme entre des villes qui participent de la francophonie par leur histoire et par les liens qui les y attachent.
Quant au statut de l'AIMF, il s'agit tout simplement d'une association loi 1901.
En ce qui concerne notre fonds de trésorerie, il a monté jusqu'à plus de 11 millions d'euros, mais il s'effiloche et s'élève actuellement à 9 millions d'euros. Cela ne tient pas au fait que nous consommerions plus de crédits qu'auparavant, puisque nous restons à une moyenne de 7 ou 8 millions d'euros ; cela est plutôt dû à de moindres rentrées financières. L'état de la trésorerie montre que nous ne bradons pas les subventions reçues. Il s'agit en fait de dettes vis-à-vis de villes où nos projets, déjà votés par le bureau, qui se dénouent peu à peu au fil des années. Enfin, grâce à la gestion prudente de sa trésorerie, l'AIMF n'a au demeurant rien perdu sur ses placements lors de la crise financière de 2008.
Je comprends que votre trésorerie gage donc des opérations qui sont sur le point d'être menées et qu'il ne s'agit pas d'actifs dormants ? Qu'en est-il s'il y a un changement de direction politique dans une ville ? Faites-vous une liste des projets en cours, en mettant fin par exemple à ceux qui ne trouvent pas de réalisation au bout d'une période de cinq ans ?
Notre trésorerie correspond en effet à des projets votés. En vertu du règlement fixant nos règles de coopération, un projet voté est annulé s'il n'a pas fait l'objet dans l'année d'une convention d'engagement. Si aucune dépense n'est constatée l'année suivante, l'annulation est à nouveau de rigueur. La règle de plus en plus répandue dans les villes du sud de procéder désormais par appels d'offre dans la mise en oeuvre de leurs projets, ralentit quelque peu les procédures, mais elles s'étendent rarement à plus d'un an.
Ceci explique-t-il l'écart entre le budget des acquisitions 2012 et celui de 2013 ? Le premier s'élève à 2,2 millions d'euros et le second à 30 000 euros. Je m'interroge sur ces variations étonnantes.
Il est en effet difficile de comparer année par année. Un simple projet d'adressage peut conduire à l'achat en masse de plaques émaillées, pour 300 000 euros voire plus si plusieurs projets se dénouent la même année. Il en va de même des projets d'assainissement, qui requièrent l'acquisition de tuyaux ou de pompes grevant tout d'un coup notre trésorerie. Mieux vaut donc observer les chiffres sur le long terme.
Le placement de la trésorerie n'avait certes pas pour fin de produire des revenus. Ces produits ne rapportent au demeurant pratiquement plus rien aujourd'hui. Nous conservons seulement les produits financiers pour les cas d'urgence, comme lorsqu'une catastrophe naturelle, raz-de-marée ou éruption volcanique comme à Goma, peut frapper l'une de nos villes.
Quant à nos experts et prestataires, ils sont de très haut niveau. Fonctionnaires municipaux, ils sont indemnisés de leurs frais, notamment de leurs frais de déplacement, par l'AIMF, mais ils ne sont pas rémunérés par elle, pouvant tout au plus en recevoir une prime. Nous n'avons donc pas d'expert salarié à l'extérieur. Les soixante experts dont je vous parlais sont seulement défrayés par l'AIMF.
Le poste budgétaire consacré aux rémunérations et aux charges sociales, qui s'élève à 950 000 euros, sert donc exclusivement à couvrir les salaires du secrétariat permanent, soit neuf personnes ?
Pour être plus précis, ce poste budgétaire s'élève pour 2014 à 697 596. Il était de 916 794 € en 2008, pour ensuite baisser régulièrement d'année en année. Quant aux outils d'évaluation, nous avons été évalués plusieurs fois par des cabinets d'audit, dont une fois par Young and Rubicam, à la demande de la Ville de Paris, qui souhaitait savoir si l'état de nos finances pouvait induire un risque pour elle. Les autorités françaises ont mené leurs propres contrôles. Dernièrement, l'Union européenne s'est penchée trois fois sur nos comptes. Son dernier rapport rend compte de manière très positive de notre gestion et de nos résultats. Ces rapports sont bien sûr à votre disposition.
J'ajouterais que nous agissons partout sous la surveillance des ambassades, qui portent certainement à notre endroit des jugements. La France finance en effet des projets qui les concernent, à savoir les projets d'adressage et d'état civil. Pour les équipements urbains, l'adduction d'eau et l'assainissement, nous travaillons de même en partenariat avec des villes du Nord ou avec des agences de l'eau. Ces partenaires suivent par eux-mêmes l'évolution des projets sur place. Il n'existe plus de petits projets qui soient entièrement portés par l'AIMF. La mise en oeuvre partenariale est ainsi devenue notre meilleur gage de transparence. Les universités évaluent aussi l'impact social de nos projets, par exemple de nos projets d'eau et d'assainissement.
L'AIMF est un opérateur de l'OIF. Comment mettez-vous en oeuvre vos orientations stratégiques en cohérence avec les siennes ?
L'AIMF est en effet le dernier-né au sein de l'OIF, qui est pourtant une organisation d'États, avec ses propres problématiques. Cette arrivée ne s'est pas faite dans des conditions faciles car nous sommes l'expression de nouveaux pouvoirs dont la représentation paraissait impensable au sein d'une organisation d'États. Nous avons donc dû essuyer quelques mauvais propos au sommet de Maurice en 1995. La démarche était très nouvelle à l'époque, alors que les Nations unies et l'Union européenne ont aujourd'hui leur propre réseau de collectivités territoriales.
L'Agence universitaire de la francophonie (AUF) est sans doute l'opérateur avec lequel nous travaillons le plus. Des liens doivent se construire entre les villes et leurs universités. Nous avons tenu à ce sujet un colloque et une assemblée générale à Lausanne, où la perception fut très bonne. Depuis lors, nous coopérons davantage avec les universitaires ; notre revue Raisonnance est réalisée avec eux.
Nous apportons également un soutien important à l'Association pour la promotion de l'enseignement et de la recherche en aménagement et en urbanisme (APERAU), en finançant son développement. Cette association, qui rassemble des universitaires de tout l'espace francophone, nous aide et nous conseille à son tour. Elle anime des ateliers au cours de nos assemblées générales. Des opérations conjointes sont menées également avec l'OIF pour les Maisons des savoirs ou avec des étudiants de nos villes, jeunes stagiaires que nous accueillons ou étudiants de l'Université Senghor.
Quant aux questions d'état civil, l'OIF réfléchit aux grandes problématiques, tandis que nous travaillons sur le terrain à sa mise en oeuvre fiable, à travers notre réseau de villes.
Dans votre convention d'objectifs et de moyens avec le ministère des affaires étrangères, l'AIMF s'engage à maîtriser ses frais de fonctionnement. Comment mettez-vous en perspective cet objectif avec votre action ?
Nous atteignons à vrai dire le niveau d'étiage. La signature d'une convention avec l'Union européenne suppose de procéder à des recrutements, de sorte que les frais de fonctionnement ne peuvent que s'accroître. La convention signée concerne un domaine très particulier, à savoir l'appui au développement des réseaux de ville, qui suppose l'élaboration de plaidoyers destinés aux États. Cela consommera beaucoup de temps et d'énergie.
Dans un premier temps, l'AIMF recevra 2 millions d'euros. Après trois ans, une évaluation aura lieu de nouveau. Si la consommation des crédits et les résultats obtenus sont satisfaisants, une nouvelle subvention nous sera versée.
Non.
Tout comme l'OIF, l'AUF ou l'Assemblée parlementaire de la francophonie (APF), vous accueillez des jeunes en provenance des pays francophones. Nous voudrions être sûrs qu'une même personne ne peut effectuer successivement un stage dans ces différentes institutions.
Cela n'est pas possible. Ces jeunes étudiants ne sont du reste pas accueillis dans le cadre de l'accord conclu avec l'Union européenne.
L'Université Senghor est un équivalent de l'École nationale d'administration (ENA) pour l'espace francophone. Une ville comme Dakar, qui a un budget de fonctionnement réduit, ne saurait prendre en charge des stagiaires. L'AIMF se substitue seulement à la ville pour permettre à un jeune en fin de cursus d'effectuer son stage pratique.
Dans le rapport d'activité de l'Université Senghor, il est précisé que la prise en charge mensuelle d'un stagiaire s'élève à mille euros.
Il y a environ une centaine d'étudiants qui en sortent chaque année. Nous en prenons en charge tout au plus une dizaine, et pas tous les ans. L'APERAU nous propose également d'en accueillir six ou sept. En tout état de cause, nous ne gérons pas d'effectifs aussi importants que l'OIF. En intervenant à la marge, nous manifestons toutefois notre solidarité avec elle.
J'imagine que la coopération décentralisée avec les villes s'articule autour de quelques orientations fortes : l'environnement, les transports…
… mais aussi la gouvernance, lorsqu'il s'agit de moderniser les procédures d'état civil, d'élaborer des plaidoyers ou d'améliorer la gestion des finances locales.
Nous n'en sommes pas là. Sur les 7 millions d'euros employés chaque année, 2 vont à l'eau et à l'assainissement, contribuant directement au bien-être des populations. Dans notre tableau des investissements, vous constaterez une évolution erratique de ces chiffres, à cause de projets qui se sont dénoués parfois que tardivement Mais le poids budgétaire des projets sociaux se dégage comme une constante.
Quelles sont les structures de l'AIMF qui retiennent les villes bénéficiant de ces projets ? Son conseil d'administration ou des commissions ? Pour 2016, quelles seront vos priorités, outre la santé et l'assainissement ? Quelles sont en définitive les modalités de choix des projets et comment arbitrez-vous entre les différentes demandes ?
Monsieur le président, le secrétariat permanent n'est pas en position d'arbitrer. C'est en réalité le bureau de l'AIMF qui approuve les projets sociaux, les projets de terrain ou l'acquisition d'équipements. Il se prononce à ce sujet deux fois par an.
Le bureau statue donc sur les fonds des collectivités locales, venant essentiellement de Paris, du Canada et de la Belgique. Il n'est qu'informé des projets menés sur les fonds du ministère des affaires étrangères et de l'Union européenne qui s'intègrent dans des programmes plus vastes. Pour l'Union européenne, l'AIMF répond à des appels à projets et le Bureau est informé de notre démarche. Le ministère ne débloque les subventions destinées à ces projets que lorsque le programme a été élaboré, de manière très précise, avec l'ambassade et les villes. Des négociations s'engagent ainsi, pour chaque projet, avec les autorités françaises belges.
S'il le voulait, le bureau pourrait en théorie mettre un veto à ces projets, mais il ne l'a jamais fait. Les demandes de subvention par le fonds de coopération décentralisée sont portées par des villes ; elles sont examinées par des comités de projet ; le bureau se prononce ensuite deux fois par an.
Le pouvoir du secrétariat permanent est principalement un pouvoir d'influence. Au sein de l'AIMF, l'autorité des maires est plus importante qu'on ne l'imagine. Le maire de Dakar en est le secrétaire général, le maire de Casablanca le trésorier et la maire de Paris, entourée de ses nombreux collaborateurs, la présidente. De tous les opérateurs de la francophonie, nous sommes certainement celui qui est le moins libre de ses mouvements.
Le fonds de coopération décentralisée va donc exclusivement à des communes ? Mais le fonds des États ?
Je me suis mal exprimé. Ces dénominations indiquent la provenance des fonds, mais tous deux sont employés à des projets d'envergure municipale, au profit de communes, d'autorités locales ou de gouvernorats.
Si vous ne menez pas d'opération qui dépasse le cadre communal, en menez-vous en coopération avec des ministères, des assemblées parlementaires ou des États ?
Rarement. Il arrive que nous ayons deux partenaires à la fois, par exemple une ville bien déterminée et le ministère de l'Éducation nationale du pays concerné. Tel est le cas au Burkina Faso, à Ouagadougou, ou à Erevan, en Arménie, pour les projets de soutien aux lycées.
Des régions ou des départements participent-ils à la coopération décentralisée ? Comment articulent-ils leur action avec la vôtre ? À terme, ne pourrait-on envisager une organisation commune à l'ensemble des collectivités territoriales ?
Ce serait mon souhait ! Les projets soutenus par l'Union européenne sont systématiquement menés avec tous les niveaux de l'administration locale. Dans la région des Grands lacs, dans les projets Congo-Cameroun ou Burkina Faso-Côte d'Ivoire, nous oeuvrons de concert avec les organisations non gouvernementales, les universités, les territoires ou les collectivités locales, ainsi qu'avec les services extérieurs de l'État.
Mais les projets du fonds de coopération, qui portent sur un quartier ou un groupe de communes, peinent à être financés par les régions du Sud, qui disposent de peu de moyens. Au Nord, l'Île-de-France a cessé de nous financer en 1998 ou en 1999. Depuis cette date, nous n'avons plus de partenariat avec une région française.
Les autres niveaux de collectivités territoriales ont-ils une structure associative identifiée comme la vôtre ?
Une association internationale des régions francophones (AIRF) existe dans le giron de l'Association des régions de France. À ma connaissance, elle ne dispose pas toutefois de la même expertise que nous, ce qui ne lui permet pas de mener à bien des projets similaires.
Je n'aurais d'autre souhait que de rapprocher l'AIMF des régions francophones. Dans notre premier projet soutenu par l'Union européenne, au Congo et au Cameroun, visant à renforcer le réseau des collectivités territoriales sur place, l'AIRF était associée. Mais il n'y a pas eu de suite, pour des raisons qui m'échappent.
Et qu'en est-il des départements ? Y a-t-il une association internationale des départements francophones ?
J'ai fait une tentative avec le département des Hauts-de-Seine, mais il a une telle puissance d'organisation qu'il peut à vrai dire se passer de nous. Je ne crois pas qu'il y ait cependant une association internationale des départements francophones. Quant aux régions, elles disposent de tels moyens d'intervention qu'elles peuvent se passer d'une structure faîtière.