Délégation aux outre-mer

Réunion du 16 juillet 2015 à 14h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • CSPE
  • mayotte
  • outre-mer
  • électricité

La réunion

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La séance est ouverte à 14 heures 15.

Présidence de M. Jean-Claude Fruteau.

La Délégation entend la présentation du document stratégique Mayotte 2025 – Une ambition pour la République, par M. Ibrahim Aboubacar.

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Le report à aujourd'hui de l'examen en séance du projet de loi relatif à la modernisation du droit de l'outre-mer nous a conduits à déplacer l'heure de la présente réunion, initialement prévue pour ce matin.

Je vous informe que Maïna Sage, rapporteure avec Serge Letchimy, pour le compte de la délégation, de la mission d'information sur les effets du changement climatique dans les outre-mer, a souhaité que leur soit adjoint un troisième rapporteur afin de représenter le bassin indien océanique. M. Ibrahim Aboubacar a fait connaître son intérêt pour cette fonction. En l'absence d'autre candidat et en l'absence d'opposition, je vous propose que M. Aboubacar soit désigné comme troisième rapporteur.

Il n'y a pas d'opposition ?

Il en est ainsi décidé.

Je vous rappelle qu'en juin dernier, à Mamoudzou, le Premier ministre, en visite officielle dans l'Océan indien, a signé, avec les élus de l'île, un document intitulé Mayotte 2025 – Une ambition pour la République. Ce document, selon les propres termes de Mme Pau-Langevin, ministre des outre-mer, doit beaucoup à la ténacité et à la force de conviction de notre collègue Aboubacar.

J'ai donc demandé à celui-ci de bien vouloir présenter à la délégation ce document fondamental pour l'avenir de son département. En effet, comme le souligne le préambule, il trace, pour les dix années à venir, le cheminement de Mayotte vers le droit commun de la République.

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Puisque j'ai pris soin de communiquer le document à l'ensemble de nos collègues, je serai très synthétique. Depuis le début de la législature, j'ai été amené à intervenir au moins à trois reprises en séance pour en réclamer l'élaboration. Je me suis dans le même temps beaucoup battu avec les différents ministères concernés pour leur faire admettre la nécessité d'un document stratégique pour piloter la mise en oeuvre de la départementalisation de Mayotte dont chacun constatait qu'elle commençait à partir en roue libre.

En effet, le processus statutaire de Mayotte a été lancé avec l'élaboration d'un premier document stratégique, dit « Accord sur l'avenir de Mayotte », que nous avons signé le 27 janvier 2000 avec par Jean-Jacques Queyranne, secrétaire d'État à l'outre-mer, Lionel Jospin étant Premier ministre. À défaut de savoir exactement la direction à prendre, ce document s'inspirait largement des dispositions relatives à la Nouvelle-Calédonie et prévoyait une période transitoire d'une dizaine d'années et le lancement de réformes afin que, parvenus en 2010, nous soyons en mesure de choisir entre la collectivité départementale créée en 2001 et le département. Le conseil général devait éventuellement déclencher cette dernière phase et l'assemblée élue en 2008 a souhaité à l'unanimité le lancement du processus de départementalisation. Nous nous sommes dès lors mis d'accord avec l'État pour élaborer un document en précisant les conditions. Nommé rapporteur du comité pour la départementalisation de Mayotte, j'ai remis mon rapport au Premier ministre François Fillon fin 2008 ; malheureusement, en l'absence d'accord, l'État a souhaité publier sa propre feuille de route, intitulé « Pacte pour la départementalisation de Mayotte ».

Contrairement à ce que son nom laissait entendre, ce « pacte » n'engageait que le Gouvernement puisqu'il n'était pas le fruit des travaux des uns et des autres ; du reste, il n'a pas été soumis à signature. Quant à nous, élus, nous avons refusé qu'il constitue la question posée à la population. Ainsi, contrairement à la consultation de l'an 2000 qui nous demandait si nous acceptions ou non l'Accord sur l'avenir de Mayotte, celle de 2009 se bornait à nous demander si nous acceptions la transformation de Mayotte en département d'outre-mer.

À l'unanimité, la classe politique de Mayotte a alors décidé de faire campagne sur la départementalisation, signalant que le Pacte contenait les orientations du Gouvernement. Chose exceptionnelle dans l'histoire de la République, c'est le préfet de Mayotte qui a été mandaté pour sillonner les dix-sept communes de l'île afin d'informer pleinement la population des orientations gouvernementales.

Certains pourraient être amenés à penser que le présent document stratégique serait un reniement dudit Pacte ou un changement de position de la part des élus de Mayotte ; il n'en est rien. La preuve en est que le nouveau document a été signé par les quatre parlementaires de l'île, par le président du conseil général, le président du conseil économique, social et environnemental, le président de l'association des maires… personnalités qui ne sont pas du même bord politique. Le véritable pacte pour la départementalisation est donc ce document stratégique, le précédent n'ayant de pacte que le nom.

En outre, le Pacte de 2008 avait de nombreux défauts : très vague, il n'abordait pas les multiples préoccupations de la population et des acteurs économiques et présentait le désavantage d'être considéré par l'État comme le document directeur de la mise en oeuvre de la départementalisation. Aussi, dans les premiers moments de la départementalisation, entre 2011 et 2013, on enjoignait d'appliquer le pacte, rien que le pacte, tout le pacte ; mais comme le pacte était vide, cela revenait à ne rien mettre en oeuvre du tout… Nous nous sommes par conséquent battus pour qu'il y ait un document beaucoup plus précis permettant aux acteurs économiques et aux partenaires sociaux de savoir où aller, tous convaincus de la nécessité d'un processus progressif et adapté.

Le document stratégique dont je viens de vous retracer la genèse a été adopté en conseil des ministres le 8 janvier 2014, le chef de l'État le mentionnant au cours de sa conférence de presse du 14 janvier et venant à Mayotte même pour le lancer. Tenant à ce qu'il soit le résultat, cette fois, d'une co-construction entre les élus locaux et l'État, nous avons dialogué pendant six mois pour son élaboration, les services de l'État, par leur expertise, ayant largement contribué à l'enrichir. Le préfet animait les réunions. Nous étions organisés en sept ateliers, correspondant aux sept têtes de chapitre du document, chacun dirigé par une personnalité : parlementaire, président du conseil économique, social et environnemental, président de l'association des maires ou président du conseil général. En décembre 2014 nous avons abouti à une synthèse réalisée par le préfet et un stagiaire de l'École nationale d'administration (ENA). Une semaine encore avant la venue du Président de la République dans l'Océan indien, les derniers arbitrages n'étaient pas encore rendus. Au bout de six mois, donc, nous sommes parvenus à des arbitrages très solides car très approfondis et qui, de ce fait, aux yeux de la partie mahoraise, engagent le Gouvernement.

Le document précise le calendrier d'alignement sur le droit commun des dispositions liées au droit du travail et à la sécurité sociale, le code des impôts et certains textes marginaux liés au droit de l'urbanisme et de la domanialité étant déjà pour leur part applicables. Il faut savoir qu'à l'exception des dispositions concernant les emplois d'avenir, aucun des textes votés depuis 2012 relatifs à l'emploi et au travail n'est applicable à Mayotte : leur mise en oeuvre a été renvoyée à des ordonnances qui n'ont jamais été prises. Nous avons beaucoup discuté avec les acteurs économiques et syndicaux pour nous mettre d'accord sur cet alignement sur le droit commun. Nous ne pouvons nous permettre le luxe de voir le département de Mayotte vivre au rythme permanent de tensions syndicales et de manifestations de la population, l'adaptation des lois ne pouvant être fonction de la pression de la rue. Le calendrier que nous avons défini ensemble permet donc aux acteurs sociaux de régler leur agenda social, aux acteurs économiques d'y voir clair dans leur stratégie d'investissement et de développement dans le territoire et aux élus d'être tenus par un cheminement commun évitant une surenchère qui déstabiliserait l'île.

Outre ce volet institutionnel, une très longue discussion a eu lieu sur le volet social. Tous les sujets ont été abordés : enfance, jeunesse, vieillesse… Un atelier a été consacré aux aspects économiques. Nous avons tenu à examiner à fond plusieurs thématiques jamais encore abordées : les services à la personne, le travail dans les secteurs de l'agriculture et de la pêche. Négliger d'en parler, c'est favoriser l'économie informelle.

Un autre atelier s'est penché sur les questions d'éducation et de formation sur lesquelles les indicateurs restent très préoccupants. J'ai dit à Mme Vallaud-Belkacem que nous n'en étions pas à la refondation de l'école mais bien à sa fondation. Quant à la formation, elle est à développer à tous les niveaux, qu'il s'agisse de la formation initiale ou de la formation continue dans les secteurs privé et public. Nous avons en effet une fonction publique à structurer : les syndicats ne l'envisagent le plus souvent que sous l'angle du statut et de la lutte contre la précarité mais, au regard de l'efficacité de l'action publique, la formation des fonctionnaires est un énorme chantier sur lequel nous devons nous entendre. C'est particulièrement le cas dans le domaine de l'éducation : la formation continue d'au moins un tiers de nos 3 000 instituteurs est un vrai débat.

Un atelier a été consacré à l'aménagement et au logement, domaines où tout reste à faire. Quand j'ai présenté, en commission des lois, un amendement prévoyant un taux de 25 % de logements sociaux, il s'agissait, de manière un peu provocante, de faire prendre conscience que certains objectifs sont dépourvus du moindre rapport avec la réalité chez nous : si nous avions 2 ou 3 % de logements sociaux dans certaines communes, à Mayotte, ce serait déjà bien.

Un chapitre du document porte par ailleurs sur les questions environnementales, de développement durable, sur lesquelles, là encore, malheureusement, Mayotte reste très en retard si on en juge par les progrès réalisés à la Réunion, en Guadeloupe, à la Martinique ou en Guyane.

Le dernier chantier abordé concerne l'intégration du département dans son environnement et touche plus précisément aux questions de sécurité et d'immigration. La teneur des débats de cet atelier n'a pas été restituée dans le document stratégique, l'État considérant que ces sujets relevaient de son action régalienne. Il a par conséquent été souhaité que la démarche de concertation entre les services de l'État et les élus locaux soit, en la matière, conduite différemment. Si le document n'évoque pas ces questions, elles ont été toutefois abordées ici et là, de façon transversale, par les autres ateliers.

Voilà l'esprit du document, la place et le rôle que nous lui donnons. Nous l'avons intitulé « Mayotte 2025 » car, compte tenu des thématiques retenues, nous étions unanimement opposés à l'idée de travailler à échéance de vingt ou vingt-cinq ans. Il fallait offrir une visibilité pour les dix prochaines années, soit l'équivalent de deux contrats de plan État-région (CPER), la durée du CPER étant elle-même peu ou prou égale celle du programme opérationnel européen : 2014-2020. Nous avons ainsi voulu que le document stratégique couvre la durée de deux documents programmatiques, de façon à garantir une certaine visibilité sans risquer de se perdre dans de trop lointains méandres. De surcroît, l'appareil statistique étant encore plus déficient à Mayotte qu'ailleurs, faire des projections au-delà de dix ans reviendrait à spéculer outre mesure.

Tel est, rapidement résumé, ce document stratégique que le Premier ministre a eu l'amabilité de bien vouloir venir signer à Mayotte pour conférer au geste une certaine solennité. Le préfet a immédiatement après engagé le processus de sa mise en oeuvre par le comité de pilotage. Les parlementaires devront, de leur côté, dans leur travail législatif, se sentir aiguillonnés par ce texte qui présente le mérite, je le répète, de mettre sur la table des arbitrages, des réflexions partagées sur les problématiques essentielles concernant Mayotte. Certes, il ne les balaie pas toutes mais il offre d'ores et déjà une grande visibilité à la construction progressive et adaptée de ce département.

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Vous avez pu constater, chers collègues, avec quelle passion Ibrahim Aboubacar parle de ce document d'avenir – un avenir de plus en plus commun. Si la page n'est pas blanche, continuer de la remplir ne sera pas simple. Je connais M. Aboubacar de longue date : la passion que je viens d'évoquer est sa marque de fabrique, une passion qui peut aller jusqu'à l'intransigeance. Il a en tout cas la force de conviction nécessaire pour faire avancer les choses, comme il l'a montré avec ce document stratégique. Le fait que ce dernier ait été signé par le Premier ministre marque l'engagement solennel de l'État à accompagner Mayotte et ses élus dans la voie de la départementalisation tout en consacrant la volonté de nos compatriotes mahorais.

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Le travail d'Ibrahim Aboubacar me laisse tout à fait admirative, tant sur le fond que sur la forme.

Sur la forme, pour trouver une traduction concrète, un document d'une telle ambition doit fédérer. Or cela a été d'emblée le cas puisque la méthode choisie a consisté à animer la réflexion avec l'ensemble des acteurs locaux. L'une des premières réussites de cette démarche est donc d'avoir élaboré un document correspondant à une volonté partagée.

Sur le fond, il me paraît fondamental de parler de « contrat de société » puisque c'est donner du sens au choix d'un statut, au choix d'outils juridiques et économiques divers et variés. Donner du sens à la construction du territoire, c'est jeter les fondements d'une belle réussite – réussite que je vous souhaite du fond du coeur.

Je reste persuadée de l'existence d'un destin commun entre Mayotte et La Réunion : nous avons une identité géographique commune, nous sommes voisins, cousins et des Européens, des Français de l'Océan indien. En tant que Réunionnaise, je prends par conséquent ma part de votre aventure et vous pourrez compter, cher collègue, sur notre soutien dans l'hémicycle au cours de débats que j'espère prochains.

Vous êtes allé jusqu'à prévoir des dispositifs réglementaires ou particuliers dans l'application de lois existantes. Ainsi, puisque vous estimez qu'il s'agit, en matière d'éducation, moins de refonder l'école mais de la fonder, allez-vous échanger avec le ministère de l'éducation nationale pour mettre en place des mesures spécifiques en ce sens ?

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Je m'associe aux félicitations et aux encouragements pour la réussite de ce plan qui donne une vision très complète et à moyen et long terme.

Êtes-vous allé jusqu'au « phasage » des mesures que vous préconisez ? Quelles sont les priorités immédiates pour Mayotte ?

Enfin, quelle est la méthodologie de mise en oeuvre ? Vous avez prévu des bilans réguliers, mais créerez-vous une structure particulière, un comité de suivi ? Les équipes juridiques de Mayotte vont-elles assurer une permanence pour faire en sorte que les mesures adoptées soient rapidement appliquées ?

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Je vous félicite également, cher Ibrahim, pour ce document complet. L'ambition est grande, le chantier est vaste. J'ai bien compris le choix de 2025 – c'est demain – mais si une certaine lisibilité, un plan d'action concret financé, la prise en compte des CPER sont nécessaires, ce choix ne risque-t-il pas d'entraver la réalisation de l'ambition affichée, surtout par rapport aux contraintes auxquelles se heurte la population mahoraise ? Vous rappelez vous-même qu'en matière d'éducation tout reste à faire, que dans le domaine de la santé les améliorations à apporter sont nombreuses, de même que pour les équipements, notamment publics ? Comment se projeter après 2025 ?

« Nous voulons rester Français pour être libres ». C'est un peu le voeu de tous les ultramarins qui ont choisi la France. Dans votre esprit, s'agit-il d'assimilation, d'intégration ou d'adaptation ? Autant de questions qu'il faudra bien se poser demain. Vous pourrez en tout cas également compter sur notre soutien auprès du Gouvernement.

Je terminerai, en tant que vice-présidente de la délégation aux droits des femmes, sur la question de l'égalité hommes-femmes qui est un vrai défi pour demain. Sachez que si la présidente de notre délégation devait se rendre à Mayotte, je serais prête moi aussi à effectuer le déplacement pour échanger sur ce sujet qui n'est pas encore une réalité en France métropolitaine et encore moins dans les départements ultramarins. Là aussi, en dépit de quelques avancées, tout reste à faire ; quoi qu'il en soit, je demeure à votre disposition pour en discuter avec les forces vives de votre territoire.

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Je joins mes félicitations et mes encouragements à ceux de nos collègues. Je me réjouis d'être parmi vous aujourd'hui car nous aussi sommes en pleine élaboration, à Wallis-et-Futuna, d'un document de stratégie et de développement à l'horizon 2025-2030. Aussi le document présenté par M. Aboubacar est-il susceptible de me donner certaines pistes de réflexion. En effet, le document que nous sommes, pour notre part, en train de rédiger servira de fondement à tout notre développement économique et social et au contrat de développement dans les prochaines années. Il prévoira également tout ce qui concerne les investissements et les engagements de l'État et de l'Europe. La méthode que vous avez choisie est la même que celle nous appliquons à Wallis : nous formons des groupes de travail, de réflexion en y associant le plus possible les forces vives mais aussi la chefferie – élément parfois essentiel pour avancer dans les réformes. Il n'est pas toujours facile de parvenir au consensus.

Merci, en tout cas, pour ce compte rendu. Si cela était possible, je souhaite que vous nous donniez quelques pistes, quelques conseils pour notre propre travail, ce qui nous serait très bénéfique.

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Votre intervention résume bien, monsieur Polutélé, l'intérêt de la délégation aux outre-mer : faire en sorte que les problèmes, les initiatives, les sujets se « rencontrent » et que nous puissions en discuter.

Je reviendrai en effet sur l'appellation générique « les outre-mer ». Nous sommes passés du singulier au pluriel, ce qui présentait l'avantage de mettre l'accent sur les différences – nous ne sommes pas tous exactement semblables et nous n'avons pas tous la même histoire. Reste que nous avons vraiment beaucoup en commun et je crains qu'en passant du singulier au pluriel on ne l'oublie un peu trop. Après tout, l'expression « outre-mer » ne signifie rien d'autre que « de l'autre côté la mer », comme on dit en créole. Et si l'on ne met pas de « s », c'est tout simplement parce que c'est un adverbe ; qui plus est, l'utilisation de ce pluriel était une manière d'insister sur la séparation ou la spécialisation au lieu d'inviter à la communion.

La délégation aux outre-mer de l'Assemblée peut donc être le lieu où l'on se montre tout à la fois pluriel et singulier.

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Je tiens à partager les compliments entendus avec tous les collègues qui se sont investis dans ce travail. Les questions qui m'ont été posées, nous les avions en fait abordées dès le début du processus.

Comment appliquer les mesures préconisées par le document : par la voie législative ou par la voie réglementaire ? Le chef de l'État, quand il est venu à Mayotte en août 2014, a déclaré que la formalisation emprunterait l'une ou l'autre voie. La question n'est donc pas tranchée. Seulement, il faut tenir compte d'un élément nouveau : le chantier de l'égalité réelle. Notre souci est que la démarche visant à l'égalité réelle soit un prolongement de ce premier travail, voire une démarche complémentaire. Nous ne pouvons de toute façon pas le présenter d'une autre manière aux acteurs locaux. Il s'agit donc de trouver la bonne articulation. Nous attendons un peu de voir quelle direction le Gouvernement va prendre pour reprendre la discussion sur la manière de formaliser le document stratégique.

Un comité de suivi a effectivement été mis en place ; dispositif local, il est composé du représentant de l'État et des présidents des ateliers. Une première réunion s'est tenue le 9 juillet dernier à Mamoudzou. Un pilote est nommé pour chaque thématique, avec des sous-pilotes poue prolonger la discussion. C'est au sein de ce dispositif de suivi que la question du « phasage » va se poser. Il convient néanmoins de déterminer des priorités. D'emblée, en effet, nous nous sommes mis d'accord pour que ce document ne soit pas un inventaire à la Prévert et donc qu'il définisse des priorités : l'éducation, la reprise en main de la jeunesse – qui tend à s'égarer –, la cohésion sociale, l'égalité hommes-femmes et la mise sur pied de services publics performants. La construction des collectivités locales est quant à elle une priorité, y compris pour ce qui relève du B-A, BA : la fiscalité locale de droit commun n'a été mise en place qu'en janvier 2014 ! Je pense aussi à l'intercommunalité, pratiquement inexistante à Mayotte.

Il nous est également apparu évident que les partenaires sociaux devront se mettre d'accord sur un agenda social. Même si personne n'a théorisé la question de l'égalité sociale, il n'échappe à personne qu'elle est à l'origine des mouvements sociaux qui se répètent à Mayotte depuis 2012. Chaque atelier et le comité de suivi vont séquencer les priorités tout en formalisant des outils. Outre les documents financiers, il faudra rédiger des conventions portant sur des thématiques culturelles – c'est pourquoi je tiens à faire venir la présidente de la délégation aux droits des femmes car il faut bâtir un plan transversal sur l'égalité hommes-femmes. Pour sa part, la ministre de l'éducation nationale, qui accompagnait le Premier ministre lors de sa visite à Mayotte, doit commencer à voir clair sur l'action à mener avec les collectivités locales, depuis la construction d'internats jusqu'à la restauration scolaire, en passant par la scolarisation de tous les enfants de trois ans - seulement 60 % d'entre eux vont à l'école. Sur les questions éducatives, nous avons, là encore, une stratégie précise dont les principaux points ont été dégagés avec la ministre lors de sa venue.

Pour le reste, la nature des outils partenariaux dépendra de la capacité des élus locaux, notamment les élus communaux, à aller plus ou moins vite ou plus ou moins loin. Nous nous sommes aperçus que notre construction départementale péchait en un point : elle s'est toujours faite avec le conseil général – organe de négociation avec l'État, c'est lui qui, statutairement, est consulté sur tous les textes –, alors que les communes ont toujours un peu été laissées pour compte. On ne peut pas continuer à ne pas mettre la commune au coeur de la construction départementale – si l'on veut, en particulier, impliquer la population.

Mme Orphé me demande si le processus engagé relève de l'assimilation ou de l'intégration. Il s'agit d'intégration. Au sein de mon atelier, nous avons beaucoup travaillé sur la manière de solder la question, qui revenait sans cesse, de l'identité – tension entre droit commun et identité, rythme de la départementalisation, les uns trouvant que sur tel sujet il est trop rapide mais trop lent sur tel autre.

Pour ce qui concerne Wallis-et-Futuna, nous avons beaucoup observé ce qui s'était fait ailleurs, et nous nous sommes beaucoup inspirés du processus prévu par les accords de Matignon sur la Nouvelle-Calédonie, même si nous ne poursuivions pas le même objectif. Nous avons également observé de près ce que Victorin Lurel a réalisé au sein du conseil régional de Guadeloupe qui a publié un très bon document stratégique, que je vous recommande. Nous avons en outre suivi avec une grande attention les débats relatifs à la création des collectivités territoriales uniques de Guyane et de Martinique. Nous nous enrichissons par conséquent de ce que font les uns et les autres, d'autant qu'on nous enjoint de construire la départementalisation de Mayotte en évitant les erreurs des autres – ce qui ne signifie pas grand-chose car personne ne définit les erreurs en question…

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Ne vous faites pas d'illusion : les seules erreurs que l'on évite de commettre sont celles qu'on a déjà faites – et encore, pas toujours… Et se pénétrer de l'expérience des autres ne signifie pas nécessairement qu'on sera dans le bon chemin.

Je suis moi aussi, monsieur Aboubacar, plein d'admiration pour le document stratégique que vous présentez, une admiration toutefois tempérée par le fait que je connais depuis longtemps votre force de travail, votre force de conviction, votre volonté de faire avancer les choses. Je suis par conséquent très heureux de vous retrouver ici, toujours prêt à aller de l'avant sans jamais écarter les problèmes importants.

Je vous remercie donc de nous avoir fait partager la réflexion d'ensemble menée pour l'avenir de Mayotte.

La délégation en vient à l'échange de vues sur la contribution au service public de l'électricité (CSPE).

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Mes chers collègues, vous m'avez chargé d'une mission d'information sur la contribution au service public de l'électricité (CSPE). La présentation du rapport était prévue pour maintenant, mais, compte tenu de la décision des autorités gouvernementales de relancer telle ou telle étude préparatoire, il nous est apparu qu'il ne nous appartenait pas d'aller trop vite. La délégation a pour rôle d'inciter, de donner une direction ; encore faut-il disposer des éléments d'appréciation.

La réforme de la CSPE est désormais un sujet d'actualité qui intéresse tout particulièrement les outre-mer qui figurent en effet parmi les bénéficiaires de cette contribution à travers le financement de la péréquation tarifaire au titre des zones dites non interconnectées.

Lors de la précédente réunion de la délégation, au mois de juin, j'ai évoqué les conditions dans lesquelles Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, avait annoncé au Sénat le lancement d'études préliminaires à la réforme, confiées à divers corps d'inspection. À ce jour, ces études n'ont pas été rendues publiques ; il m'a en effet été indiqué qu'elles avaient dû être complétées pour tenir compte de difficultés apparues dans le cours de l'élaboration du premier rapport d'inspection. Je n'ai aucune autre information précise sur le déroulement des délibérations du Gouvernement – qui a pour mission de réfléchir avant d'agir.

Ma démarche, dans cette affaire, est avant tout une démarche de vigilance. Le répit que nous laisse, en quelque sorte, le calendrier des délibérations gouvernementales nous donne le temps, aujourd'hui, si vous le souhaitez, d'aller dans le même sens et d'exprimer la sensibilité collective de la délégation sur la CSPE, chacun restant libre ensuite, naturellement, de son expression politique.

Le premier point sur lequel il me paraît important d'insister est que le problème de la ressource est second par rapport à l'objectif essentiel de toute politique de l'énergie dans nos territoires, qu'ils soient ou non éligibles à la CSPE : assurer l'approvisionnement en énergie électrique des outre-mer dans des conditions sociales et économiques stables et soutenables.

C'était déjà l'objectif poursuivi par la nationalisation des producteurs locaux d'électricité dans les quatre départements d'outre-mer, réalisée par la loi du 11 juillet 1975 – j'ai moi-même connu le moment où l'Énergie électrique de la Réunion (EER) est devenue EDF. La péréquation tarifaire, instrument de la réalisation de l'égalité de traitement, a été à l'époque, sur initiative parlementaire, érigée en norme de droit, alors qu'elle était initialement la seule expression d'une intention politique. Parallèlement, la nationalisation était présentée comme le moyen de l'indispensable modernisation des conditions de production et de distribution de l'énergie électrique dans un système dans lequel EDF, sous statut public, était le bras séculier de l'État.

L'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité, en 2000, a remis en question ce schéma en conduisant le législateur à faire ressortir, au nom du service public, les charges qui appellent un traitement préférentiel, parce qu'elles correspondent à des nécessités d'intérêt général et ne peuvent pas être financées convenablement dans un cadre concurrentiel. Nous les connaissons : ce sont les aides aux énergies renouvelables, la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées, dont les outre-mer, et les tarifs sociaux pour les personnes disposant de faibles revenus ou en situation de précarité.

Les tarifs sociaux, outre-mer comme dans l'hexagone, relèvent de la même logique de prestations sociales. L'encouragement aux énergies renouvelables, globalement entendu, traduit la volonté politique de favoriser un certain type d'énergies grâce à un système d'aides spécifiques, subventions, prêts à conditions adaptées, régimes fiscaux dérogatoires, etc., sans lequel ces énergies ne pourraient pas se développer dans les conditions du marché. Quant à la péréquation tarifaire, elle n'est que le moyen de réaliser l'égalité tarifaire dont le principe a été proclamé en 1975 et réitéré en 2000 dans les conditions nouvelles résultant de la réorganisation du secteur de l'électricité.

En 2000, la couverture financière des charges de service public était assurée par un fonds du service public de la production d'électricité alimenté par les producteurs et distributeurs d'électricité. Sauf dans ce dernier cas, la charge du financement ne reposait donc pas sur les consommateurs d'énergie. Depuis la loi du 3 janvier 2003, cette couverture a pour instrument la contribution au service public de l'électricité, mise à la charge des consommateurs d'énergie électrique, entreprises comme particuliers.

Le choix a été fait de réaliser la compensation des charges sans sortir du « champ » de l'électricité. Les outre-mer sont particulièrement sensibles à la relation certaine, « visible », ainsi établie entre la ressource et la dépense qu'elle est appelée à financer, relation qui est perçue, davantage que dans l'hexagone, comme une garantie de pérennité du financement de la péréquation tarifaire.

Ressource sensible pour les outre-mer, la CSPE semble aussi une ressource fragile pour des raisons économiques comme pour des raisons juridiques.

Raisons économiques d'abord : tous les derniers rapports officiels, qu'ils émanent de l'Assemblée – comme celui d'Erika Bareigts et Daniel Fasquelle –, de la Cour des comptes ou de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), pointent l'alourdissement rapide du prélèvement qu'elle représente. Selon la CRE, « le montant total des charges du service public de l'électricité a augmenté de plus de 300 % entre 2003 et 2014, passant de 1,415 milliard d'euros à 6,185 milliards d'euros sur la période ». Pendant la même période, le montant unitaire de contribution au service public de l'électricité été multiplié par 5,5. Selon la CRE, la progression des charges de service public devrait se poursuivre au cours de la période 2014-2025.

Les outre-mer et plus généralement les zones non interconnectées prennent leur part de cette progression mathématique. Cependant, il faut le souligner avec force, l'évolution de la charge de CSPE due aux outre-mer est plus subie que voulue. La consommation d'électricité n'y augmente pas et même diminue ; en revanche, l'augmentation des coûts de production pris en compte pour la péréquation n'est pas due à des imprudences dans les programmes d'énergies renouvelables, comme cela a pu être le cas dans l'hexagone : elle est imputable au coût des décisions d'investissement prises au cours des années qui viennent de s'écouler, qui ont consisté à renouveler des équipements consommateurs d'énergie fossile pour assurer la nécessaire fourniture d'électricité.

Par ailleurs, la CSPE subit les assauts contentieux de diverses associations qui ne visent absolument pas les outre-mer, mais s'en prennent systématiquement au développement de l'éolien industriel et ont réussi à compromettre, en faisant le détour par la réglementation européenne, les recouvrements de CSPE au titre de plusieurs années récentes. Des sociétés redevables agissent de même. De son côté, la Commission européenne a lancé une enquête sur la conformité au droit communautaire des exonérations accordées aux entreprises grosses consommatrices d'électricité, dont les résultats ne sont pas encore connus.

Les outre-mer, j'y insiste, ne sont aucunement à l'origine de ces contentieux et enquêtes. Mais bien évidemment, un éventuel affaiblissement de la CSPE leur porterait gravement préjudice.

Poser la question de la réforme de la CSPE dans le cadre de la discussion du projet de loi sur la transition énergétique conduit à réfléchir aux bases de cette réforme elle-même. Cela permet en effet de rappeler que la CSPE n'est pas une fin en soi, mais qu'elle est l'instrument d'un ensemble de politiques liées à l'énergie, parmi lesquelles les actions en vue de l'accroissement du recours aux énergies renouvelables (EnR). Mais si ces actions sont essentielles, elles sont complexes à réaliser dans les outre-mer où le recours aux énergies fossiles, héritage du passé, reste important. L'objectif est bien d'assurer aux habitants, comme aux entreprises et aux collectivités des outre-mer, l'accès à l'électricité dans des conditions de production et de distribution pour lesquelles il faut reconsidérer les critères d'appréciation au regard de la prise en compte des préoccupations de transition énergétique.

La réalisation de cet objectif se trouve entravée par des raisons objectives, parmi lesquelles figure en premier lieu l'isolement naturel des territoires d'outre-mer qui doivent, le plus souvent, trouver en eux-mêmes les voies d'une certaine transition vers les énergies renouvelables. Il y a urgence, au regard des orientations nouvelles de la politique énergétique, à sortir d'une situation où la part des énergies fossiles outre-mer n'est jamais inférieure à 82 % et où, pourtant, les coupures et délestages sont au minimum trois fois plus importants que ceux pratiqués dans l'Hexagone. Il a bien fallu organiser, voilà dix ans, le remplacement des centrales thermiques obsolètes par de nouveaux équipements de même nature, peu en harmonie aujourd'hui avec la notion de transition énergétique, pour répondre aux besoins des populations et des entreprises ; mais cela n'est pas allé sans inconvénients au regard de la transition énergétique.

Le développement de solutions alternatives est hors de portée des ressources propres d'investisseurs privés, faute de rentabilité immédiate suffisante, et l'on peut s'interroger sur la capacité du groupe EDF, dans la conjoncture actuelle, à porter un changement massif en rupture avec ses décisions d'investissement les plus récentes. En outre, le mode de calcul de la péréquation opérée via la CSPE, dont la Commission de régulation de l'énergie est responsable, ne peut se fonder, en droit positif, que sur des critères purement économiques.

Comme l'a rappelé notre collègue Serge Letchimy dans son rapport présenté au nom de notre Délégation sur le projet de loi relatif à la transition énergétique, des solutions alternatives sont disponibles dans les outre-mer : l'énergie photovoltaïque, mais aussi l'éolien, la biomasse, la géothermie. Le choix entre ces diverses solutions doit résulter d'une analyse fine des ressources et des besoins locaux. Le projet de loi sur la transition énergétique a insisté, à très juste titre, sur le recours dans six de nos territoires à une programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) individualisée, et les procédures correspondantes sont déjà en cours.

Des mesures ponctuelles pourraient accompagner cette formulation globale, associant définition des actions à entreprendre et évaluation des besoins correspondants. Je pense notamment à la remise en cause, qui me paraît à la fois possible et indispensable, de la disposition réglementaire permettant de déconnecter du réseau les installations de production intermittente dès que la puissance produite par celles-ci dépasse 30 % de la puissance produite sur le réseau. Selon une réponse que m'a faite le ministère, un réaménagement de la règle serait envisagé.

Comment traduire, dans la modification éventuelle des sources de financement, la prise en compte inévitable des pesanteurs du passé en même temps que la nécessité d'innover dans le sens de la transition énergétique ?

Une première voie de réforme pourrait être de rendre le mode de calcul de la CSPE plus « vertueux » au regard des impératifs de la transition énergétique, en s'écartant du strict cadre actuel de la comparaison immédiate des coûts. Il n'en resterait pas moins nécessaire de prendre en compte l'héritage du passé, sauf à accroître encore la part de la compensation effectivement laissée à la charge d'EDF en raison de l'écart constaté entre les bases prévisionnelles et le réalisé des éléments retenus pour son calcul.

Une autre voie pourrait consister à établir une distinction entre ce qui relève de la prise en compte du passé et ce qui relève d'actions innovantes pour la mise en place des énergies renouvelables. On sortirait alors du lien intégral entre ressource et charge qui caractérise la CSPE.

Mais dans ces conditions, faudrait-il envisager un retour au financement par le budget général pour tout ou partie des charges de service public qui ne relèverait pas de l'innovation en énergies renouvelables ?

Le recours à la PPE, éventuellement articulé avec l'exercice de compétences propres en matière énergétique par les régions d'outre-mer, suffit-il à garantir la correcte prise en compte des besoins de politique énergétique des outre-mer ?

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La plus grande vigilance s'impose, car la tentation est certainement très grande d'aller au plus efficace – sur le plan budgétaire s'entend. Les enjeux sont cruciaux pour nos territoires. Nous héritons d'une situation qui est le résultat d'un rattrapage opéré en 1975, si bien qu'il est difficile de reprocher à EDF d'avoir rempli au plus vite, tant bien que mal, sa mission de service public.

Cela étant, les derniers investissements d'EDF ne sont pas si anciens, puisqu'ils datent de 2013 et 2014. Il n'y a donc pas si longtemps, les choix stratégiques en matière d'énergie sur nos territoires n'étaient pas guidés par le cercle vertueux des énergies renouvelables, non plus que par le souci de création d'emplois.

Ainsi, le rôle d'EDF a été très certainement à la hauteur des missions qui lui ont été confiées en 1975, mais son mode de fonctionnement, trop lourd à supporter par la solidarité nationale, n'est plus adapté à la situation actuelle.

Quoi qu'il en soit, le sujet est extrêmement délicat et certains points sont encore trop flous pour que nous puissions nous positionner. Certes, la loi de transition énergétique constitue un gage de changement de stratégie pour nos territoires au regard de leur poids dans le dispositif de la CSPE. Cela étant, tout cela mérite d'être relativisé : nous ne sommes pas de gros consommateurs d'électricité et que si nous le devenons demain un peu plus, ce sera en raison de la croissance démographique.

La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), pour laquelle nous nous sommes battus, peut matérialiser l'engagement de nos territoires avec EDF, avec l'État, vers un changement de stratégie locale et, par conséquent, vers une augmentation de l'investissement bas-carbone. Car ce qui importe aujourd'hui, c'est de diminuer significativement l'investissement en énergie carbonée, sachant que la croissance de notre investissement en énergies renouvelables va se poursuivre. Sur ce point d'équilibre, il convient d'être particulièrement vigilant. Certains raccourcis pourraient être dangereux et nous mener sur des terrains particulièrement glissants.

Enfin, si le seuil de 30 % de déconnexion n'est pas applicable tel quel aux termes de la loi, l'intégration de la PPE dans la loi de transition énergétique permettrait à chaque territoire de le moduler en fonction de son équipement. Ainsi, ce seuil serait appliqué, non plus automatiquement, mais en fonction du niveau de développement de chaque département en matière d'EnR.

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La Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie sont les seuls territoires d'outre-mer à ne pas bénéficier de la CSPE ; Wallis-et-Futuna entrera dans le dispositif dès la promulgation de la loi de transition énergétique. Bien évidemment, nous estimons que la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie devraient y être intégrées.

On parle beaucoup de l'utilisation du fonds d'investissement dédié aux EnR, mais je rappelle que l'un des objectifs est le soutien aux zones non interconnectées. Il s'agit donc, d'abord, d'une aide en faveur des lieux isolés comme le sont nos territoires. La Polynésie est certainement le territoire le plus isolé, doublement non interconnecté, car situé au coeur du Pacifique Sud et éclaté sur une surface grande comme l'Europe, avec 118 îles dont 76 habitées, comme le rappelle souvent mon collège Jean-Paul Tuaiva. Pour nous, cette aide viendrait compenser cet isolement, sachant que l'importation de gazole pour produire de l'électricité coûte cher. Ainsi, notre objectif est que la CSPE contribue à faire baisser le coût de l'électricité.

Cette CSPE peut, ensuite, devenir vertueuse, en contribuant à la transition énergétique de nos territoires, au profit d'une baisse du coût de l'électricité à long terme. En effet, les énergies propres sont, en principe, moins chères au kilowattheure que les énergies fossiles – encore que cela dépende du type d'énergie.

La Polynésie s'est exprimée l'année dernière à ce sujet : nous envisageons le partage de ce fonds, si un jour nous en bénéficions, entre une aide directe à la baisse de la facture et une aide au soutien à l'investissement en faveur des énergies renouvelables. Dans ce domaine, notre territoire est d'ailleurs assez bien placé : l'hydroélectricité représente 30 % de notre production électrique ; l'énergie solaire est développée depuis bien longtemps dans les îles éloignées ; nous faisons beaucoup de production hybride, avec des centrales solaires-thermiques, et un peu d'éolien, mais ce n'est guère probant. Bref, nous disposons d'une panoplie de solutions en énergie durable.

Le plus important pour nos territoires est de bénéficier d'une analyse pointue sur le mix énergétique à mettre en oeuvre. En effet, les possibilités d'exploitation des énergies propres sont différentes d'un territoire à l'autre, si bien que les programmations pluriannuelles des investissements (PPI) nous seront particulièrement utiles pour chiffrer nos besoins en équipement. Chez nous, l'éolien n'est pas une technologie adaptée, car les vents sont très irréguliers ; en revanche, les hydroliennes et l'énergie thermique des mers (ETM) méritent d'être développées. Ainsi, nos territoires peuvent être complémentaires en matière d'innovation : à nous d'identifier en amont l'énergie renouvelable qu'un territoire peut développer prioritairement. Cela implique donc des études en amont. Nous avons eu la chance de bénéficier d'un travail de la CRE, qui revient d'ailleurs en Polynésie pour affiner la question des tarifs de l'électricité. Mais cet effort doit être poursuivi, faute de quoi nous continuerons à naviguer à courte vue.

Vous l'avez compris : la planification du développement des EnR dans l'ensemble des territoires d'outre-mer est indispensable pour que les aides de l'État soient complémentaires, car il ne sera évidemment pas possible de soutenir tous les projets dans tous les territoires.

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Grâce à la loi de transition énergétique, Wallis-et-Futuna entrera dans le dispositif de la CSPE, c'est-à-dire bénéficiera de la péréquation tarifaire. Dans ces îles, tout est à faire : la production énergétique est exclusivement basée sur l'importation de fioul, et l'énergie y est la plus chère de la République – elle l'est six fois plus que le tarif bleu pratiqué en métropole, quatre fois plus qu'en Polynésie française et trois fois plus qu'en Nouvelle-Calédonie. L'intégration de ce petit bout de territoire de 12 000 habitants, soit environ 4 000 compteurs, au dispositif représente un coût d'environ 4 à 5 millions d'euros par an.

Les modalités de l'intégration de Wallis-et-Futuna au dispositif par rapport aux deux autres territoires du Pacifique ont donné lieu à des explications en termes juridiques et de répartition de compétences. Néanmoins, je partage entièrement la position de Mme Sage : la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie sont elles aussi des zones non interconnectées, des territoires de la République, où la solidarité s'impose. Je ne vois donc pas au nom de quoi les territoires du Pacifique ne bénéficieraient pas de cette possibilité de réduction de la facture d'électricité, au même titre que ceux de l'océan Indien ou d'ailleurs.

Je suis reconnaissant de cette possibilité accordée à Wallis-et-Futuna. Comme je l'ai proposé à nos amis polynésiens et calédoniens, laissons faire les choses : l'entrée d'une collectivité du Pacifique dans le dispositif de la CSPE est une première étape, et l'on peut espérer que la réflexion va avancer en faveur de l'accession des deux autres territoires. Cette mesure sera extrêmement importante pour la population en termes de pouvoir d'achat supplémentaire – j'espère en tout cas que les entreprises répercuteront cette baisse du prix de l'électricité sur leurs prix de vente.

En conclusion, je veux redire à ma collègue Maina Sage que nous sommes solidaires et que l'accession de Wallis-et-Futuna au dispositif constitue une ouverture importante pour associer par la suite, à la faveur d'autres textes, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française au bénéfice de la CSPE.

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Je vous indique qu'une réunion, à mon initiative, va se tenir dans quelques minutes au quatrième bureau, pour recevoir le président du conseil économique, social et culturel de la Polynésie française et le représentant polynésien du CESE, présents à Paris cette semaine dans le cadre d'une rencontre des CESER et du Conseil économique et social européen sur la problématique du réchauffement climatique.

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Je ne pourrai malheureusement pas assister à cette réunion, mais je vous prie de bien vouloir transmettre mes salutations à ces personnes venues nous parler de cette question très importante qui entre dans le cadre de la mission que la Délégation vous a confiée.

Mes chers collègues, je vous remercie.

La séance est levée à 15 heures 40.