La commission poursuit l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2016 (n° 3096).
Après l'audition de Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité (voir le compte rendu de la commission élargie du 28 octobre 2015 à 16 heures 15 (1)), la commission des finances examine les crédits de la mission Égalité des territoires et logement (M. Christophe Caresche, rapporteur spécial).
La commission étudie d'abord l'amendement n° II-146 du Gouvernement.
Je suis favorable à cet amendement, qui met en oeuvre l'engagement pris par le Président de la République que l'État contribue directement, avec 250 millions d'euros de crédits de paiement, à la constitution du Fonds national des aides à la pierre (FNAP).
Cette inscription de crédits budgétaires, annoncée par le Président de la République après la transmission du projet de loi de finances au Conseil d'État, est évidemment très importante. Mais sera-t-elle durable et effective ? Car on sait bien qu'il arrive parfois qu'en exécution, « Bercy » – et je pense ici à la haute administration, pas au ministre – dispose, au travers de la régulation budgétaire, d'une panoplie étendue de moyens pour que de tels engagements ne se concrétisent pas. L'État doit jouer son rôle pour que 120 000 nouveaux logements sociaux soient produits l'année prochaine.
L'État a pris l'engagement de verser les crédits budgétaires dédiés dès l'instant où le FNAP aura été créé. Ils ne seront pas touchés par des mesures de gel.
Par définition, la « durabilité » des crédits se heurte au principe d'annualité budgétaire et les crédits adoptés en loi de finances ne constituent qu'une autorisation – et jamais une obligation – de dépenser.
Il s'agit d'une très bonne nouvelle pour l'objectif de sécurisation des aides à la pierre. De ce fait, les moyens dont le FNAP disposera en 2016 seront supérieurs à ceux inscrits dans le projet annuel de performances et il faudra donc demander à la ministre à quelle fin ils seront utilisés. Peut-être pour verser des subventions supplémentaires permettant de baisser les loyers des logements financés en PLAI (prêt logement aidé d'intégration).
La commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement n° II-147 du Gouvernement.
L'amendement abonde les crédits de la mission à hauteur de 96 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement afin de permettre à la France de mettre en oeuvre les décisions du Conseil européen du mois dernier sur la relocalisation des demandeurs d'asile et d'accueillir dignement les 30 784 réfugiés annoncés par le Président de la République. Avis favorable.
Voici de nouveau des amendements déposés très tardivement par le Gouvernement, alors qu'il savait depuis longtemps que des crédits supplémentaires étaient nécessaires. Cela veut d'ailleurs dire que le projet de loi de finances n'était pas sincère.
Il n'était pas facile d'anticiper les situations d'urgence résultant de l'afflux de demandeurs d'asile.
La commission adopte l'amendement, puis, suivant l'avis favorable du rapporteur spécial, elle adopte les crédits de la mission Égalité des territoires et logement, modifiés.
Article 54 : Affectation de recettes au Fonds national d'aide au logement
La commission adopte l'article, sans modification.
Article 55 : Amélioration de la prise en compte de la situation financière des bénéficiaires d'aides personnelles au logement
La commission examine d'abord l'amendement n° II-CF82 du rapporteur spécial.
Je propose, par cet amendement, de porter à 280 % du loyer-plafond le seuil minimal de loyer pour l'application de la dégressivité de l'aide. Daniel Goldberg a déposé en commission des affaires économiques un amendement qui proposera quant à lui un seuil à 300 %. Nous souhaitons éviter de toucher excessivement les locataires du parc privé en zones tendues dont les loyers moyens atteignent facilement les 200 % du loyer-plafond.
L'amendement concerne donc essentiellement Paris. Au regard des 123 millions d'euros d'économies attendus de la mesure proposée par le Gouvernement, quel serait le coût de cet amendement ?
Par mon amendement n° II-CF8, je suggère – plutôt que d'instaurer des seuils, comme le proposent nos collègues, qui peuvent créer de mauvaises surprises – d'exclure des réformes proposées à l'article 55 les allocataires n'ayant pas de patrimoine générant des revenus qui résident dans les zones tendues, qui sont déjà définies par la loi.
J'ai déposé un amendement très proche de celui du rapporteur spécial. Nos amendements prévoient ce seuil pour l'ensemble des zones. Je ne suis pas sûr, en effet, que le Gouvernement n'envisage pas des seuils différents pour les zones moins tendues. Or, les loyers-plafonds varient selon les zones. Pourquoi faudrait-il protéger davantage les zones tendues ?
Avec un seuil à 280 %, l'économie attendue par le Gouvernement en année pleine serait réalisée, car c'est précisément l'une des hypothèses qu'il retient dans son calcul.
La discussion en séance publique des amendements, y compris peut-être d'amendements du Gouvernement, permettra de progresser sur cette question.
La commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement n°II-CF83 du rapporteur spécial.
Il ne paraît pas nécessaire de modifier la loi s'agissant des jeunes travailleurs de moins de 25 ans, car elle n'ouvre actuellement qu'une simple possibilité de les aider. Je trouve pertinent, au contraire, de conserver cette potentialité d'ajustement des règles.
En outre, des effets non évalués risquent de s'exercer sur d'autres dispositifs, de telle sorte qu'il faut continuer de permettre au pouvoir réglementaire de corriger lui-même les dérives éventuelles du dispositif.
Pourquoi établir une différence entre les jeunes en CDI et ceux dont les CDD sont renouvelés ?
J'ai déposé en commission des affaires économiques un amendement identique à celui du rapporteur spécial. Le Gouvernement souhaite supprimer les dispositifs particuliers s'adressant aux jeunes de moins de 25 ans qui ne sont pas en CDI, mais nous préférons maintenir ouverte cette possibilité de prévoir de telles dérogations en faveur des jeunes en situation de précarité. À l'issue d'un CDD de quatre mois, un jeune bénéficie d'allocations de chômage mais ce sont ses ressources de l'année n, et non celles de l'année n–2, souvent inexistantes, qui seront prises en compte. La ministre a rappelé les engagements du Gouvernement à cet égard. L'évaluation forfaitaire n'est pas un problème pour un jeune qui a une situation pérenne, mais nous devons prévoir les cas où le CDD n'est pas renouvelé.
La commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement n°II-CF84 du rapporteur spécial.
La commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement n°II-CF8 de M. Razzy Hammadi.
Les simulations effectuées par le Gouvernement sur les plafonds seront bientôt connues et nous devons nous efforcer de communiquer clairement sur cette mesure afin d'être compris du plus grand nombre en attendant un dispositif stabilisé. Des députés siégeant sur tous les bancs de notre Assemblée se sont exprimés en ce sens.
Je vous propose de retirer votre amendement pour que l'ensemble du dispositif puisse être débattu en Séance.
J'entends évidemment la préoccupation exprimée par Razzy Hammadi mais son amendement écarterait de la réforme les propriétaires d'une résidence secondaire, qui ne produit pas de revenus, dès lors qu'ils résident en zone tendue. Il faut surtout prendre garde aux situations particulières, comme celle d'un bien, situé en zone tendue ou non, hérité en indivision, ne générant aucun revenu et ne pouvant être vendu.
Dans le souci d'éviter des effets pervers et la pénalisation de certaines personnes, nous allons approfondir la question de concert avec le Gouvernement. Mais je rappelle que la prise en compte du patrimoine dans l'assiette des ressources devrait se caler sur les règles du RSA (revenu de solidarité active). Il faut conserver une logique d'ensemble pour les minima sociaux.
La commission rejette l'amendement, puis elle adopte l'article, modifié.
Article additionnel après l'article 55 : Affectation à l'Agence nationale de l'habitat de la totalité du produit des astreintes administratives en matière de lutte contre l'habitat indigne
La commission examine l'amendement n° II-CL14 de Mme Nathalie Appéré.
L'amendement propose d'affecter à l'Agence nationale de l'habitat la totalité du produit des astreintes administratives en matière de lutte contre l'habitat indigne.
Le rapporteur spécial m'a fait savoir qu'il était défavorable à cet amendement afin de préserver la part des astreintes affectées au budget de l'État.
La commission adopte l'amendement.
Article 56 : Création et financement du Fonds national des aides à la pierre
La commission examine l'amendement n° II-AC5 de suppression de M. Marcel Rogemont.
La mise en place du FNAP est un démembrement de l'action de l'État. Les 150 millions d'euros de crédits résultant de l'amendement du Gouvernement que nous venons d'examiner serviront-ils à apurer une partie de la dette de l'État dans ce secteur ?
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement n° II-AC6 de M. Marcel Rogemont.
Nous proposons le report de la mise en application de cet article fin d'engager le dialogue et de renforcer la gouvernance du futur fonds. Si une collectivité territoriale veut accorder des aides à la pierre, elle le fera directement, et non via le FNAP, où elle ne disposera d'aucun pouvoir de décision. En réalité, les collectivités territoriales ne sont introduites dans le dispositif que pour réduire le rôle des organismes d'HLM alors qu'on est en train d'enterrer les modalités actuelles de financement du logement social.
Le rapporteur spécial m'a fait savoir qu'il était défavorable à cet amendement qui revient, de fait, à supprimer la réforme proposée.
Je ne comprends pas si l'amendement demande un rapport ou s'il souhaite le report de la mesure ?
La négociation est encore en cours. Le dispositif proposé va permettre à Bercy, c'est-à-dire en fait au Trésor et à la direction du budget, de siphonner l'argent des organismes HLM, qui n'auront plus de pouvoir de décision. Il faut introduire de la clarté et de la responsabilité. Les organismes HLM l'ont fait en mutualisant leurs moyens et ils payent 70 % du fonctionnement du système national d'enregistrement qui permet de mesurer précisément les besoins en logements sociaux. Le Gouvernement peut exiger des organismes HLM qu'ils produisent des logements neufs en zones tendues. Mais il tente de masquer maladroitement le fait que Bercy vient prendre ces fonds et les gérer pour en faire tout autre chose, ce que nous ne souhaitons pas. Il faut dire clairement si le Gouvernement ne veut plus financer les aides à la pierre.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement n° II-AC8 de M. Marcel Rogemont.
Nous nous opposons au détournement de l'intention première des aides à la pierre, qui est de financer de l'investissement, et non pas du fonctionnement, normalement pris en charge par le budget de l'État.
Le rapporteur spécial m'a fait savoir que le projet de décret d'application répondra à la plupart des préoccupations exprimées par cet amendement et que les dépenses de fonctionnement listées par l'article 56 sont déjà prises en charge au titre des aides à la pierre.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement n° II-AC10 de M. Marcel Rogemont.
La commission rejette l'amendement.
Enfin, elle adopte l'article, sans modification.
Après l'article 56
La commission examine l'amendement n° II-AC9 de M. Marcel Rogemont.
L'amendement vise à permettre de déduire de l'autofinancement qui sert de base à la cotisation des organismes HLM à la Caisse de garantie du logement locatif social les soldes nets reçus par un organisme HLM au titre de la mutualisation financière entre organisme afin de le laisser bénéficier du plein effet de ce dispositif incitatif à la construction et à la réhabilitation de logements sociaux.
La commission rejette l'amendement.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 28 octobre 2015 à 18 heures 30
Présents. - M. Christophe Caresche, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jean-Louis Dumont, M. Razzy Hammadi, M. Régis Juanico, M. Dominique Lefebvre, Mme Véronique Louwagie
Excusés. - M. Guillaume Bachelay, M. Xavier Bertrand, Mme Aurélie Filippetti, M. Pascal Terrasse
Assistaient également à la réunion. - M. Daniel Goldberg, M. François Pupponi, M. Marcel Rogemont
1 () http:www.assemblee-nationale.fr14budgetplf2016commissions_elargies