Commission des affaires étrangères

Réunion du 6 février 2013 à 9h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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Réunion avec une délégation de la Douma d'Etat de Russie conduite par son président, M. Sergueï Narychkine

La séance est ouverte à neuf heures quinze.

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Mes chers collègues, nous sommes heureux de recevoir M. Sergueï Narychkine, président de la Douma d'État de la Fédération de Russie, accompagné d'une délégation de députés russes dont l'importance montre l'intérêt qu'ils attachent aux relations entre nos deux pays. Je salue tout particulièrement M. Ivan Melnikov, premier vice-président de la Douma, et M. Alexeï Pouchkov, président de la commission des affaires étrangères, mon homologue.

Monsieur le président, vous parlez très bien notre langue, alors que je ne parle pas le russe, ce dont je vous prie de m'excuser et que je regrette d'autant plus j'aime beaucoup la littérature et la musique russes. Ami de la France, vous avez notamment coprésidé l'année franco-russe en 2010.

Je n'ai pas besoin de rappeler la force et l'ancienneté des relations d'amitié qui existent entre nos deux pays, non plus que le respect dont témoigne chacun de nos peuples pour leurs réalisations culturelles réciproques.

Il n'en demeure pas moins que l'amitié et la force des relations historiques n'excluent pas la franchise et c'est vous-même, monsieur le président, qui avez souhaité qu'une séance de questions-réponses soit organisée avec les députés français. Je vous en remercie et je suis très honorée qu'elle se déroule dans le cadre de la commission des affaires étrangères qui est ouverte à tous les députés.

Au-delà de l'amitié historique qui nous unit, nous avons de nombreux points de convergence dans le champ des relations internationales. D'une manière générale, la Russie et la France perçoivent le monde comme multipolaire et sont attachées à la diplomatie multilatérale, menée dans les enceintes internationales. Plus précisément, nous remercions la Russie de son aide dans notre intervention au Mali. Mais il existe aussi des points de désaccord sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir car c'est à cela que sert un échange de vues.

Je rappelle que, la Grande commission franco-russe débutant à dix heures trente, nous ne disposons que d'une heure. En conséquence, je vous invite, mes chers collègues, à la plus extrême concision.

En ce qui me concerne, j'interrogerai d'abord M. le président Narychkine sur la crise syrienne. Je comprends parfaitement les interrogations du gouvernement russe sur les personnes et les autorités qui pourraient remplacer Bachar al-Assad. Nous aussi sommes très inquiets de la montée des groupes extrémistes en Syrie et nous ne voulons pas que le chaos succède au chaos. Toutefois, plus la guerre civile se poursuit, plus le risque est grand qu'elle tourne à l'affrontement confessionnel et conduise au pouvoir les plus extrémistes, en s'accompagnant éventuellement d'une partition du pays. Faciliter la transition en Syrie est un impératif qui n'est pas qu'humanitaire, il est aussi politique. Il nous a semblé que la position du gouvernement russe, ou du moins de certains de ses membres, quant au maintien au pouvoir de Bachar al-Assad, avait évolué. Dans ces conditions, serait-il possible que la communauté internationale, en particulier les membres permanents du Conseil de sécurité, trouve un consensus ?

La Douma que vous présidez a examiné récemment plusieurs projets de loi qui, à l'aune des valeurs communes que partagent les pays européens et qui sont au fondement du Conseil de l'Europe, suscitent beaucoup d'inquiétude dans les pays de l'Union européenne : la loi sur les ONG qui reçoivent des financements étrangers, celle sur l'adoption par des Américains, celle sur la diffamation, sur Internet, sur la pénalisation de l'organisation de manifestations, sur la propagande concernant l'homosexualité – nous avons actuellement un débat extrêmement vif autour du mariage pour tous. Alors, monsieur le président, quelles sont les valeurs qu'entend promouvoir la majorité parlementaire en Russie ? Quelle priorité donnez-vous, dans les relations internationales, à vos relations avec l'Union européenne et les pays qui la composent ?

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Sergueï Narychkine, président de la Douma d'état de Russie, parti Russie Unie

Madame la présidente, nous vous sommes reconnaissants, mes collègues et moi-même, d'avoir organisé cette rencontre qui donne l'occasion aux membres de notre commission des affaires étrangères de parler avec vous des perspectives de la coopération bilatérale et de l'actualité internationale.

En deux siècles, le palais Bourbon a vu naître et s'affirmer les traditions fondamentales de la démocratie et de l'éthique parlementaires. La Russie a toujours porté une attention particulière à la législation du pays qui a proclamé la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et qui a été le berceau du futur code civil. Ces exemples que l'on pourrait multiplier à l'infini expliquent l'attention continue portée à la législation et au processus législatif français.

M. le président Narychkine continue son intervention en russe.

Notre délégation parlementaire compte des représentants des quatre groupes parlementaires qui composent notre chambre basse. Cette visite est très intense puisque nous avons eu hier une série d'entretiens officiels et informels avec nos collègues au cours desquels nous avons évoqué notamment l'actualité russe.

Le Parlement russe est au centre de ces événements et la Douma, élue depuis à peine un an, reflète l'opinion publique russe. Nos initiatives n'ont pas trait seulement à l'économie, à la sécurité et à la politique extérieure. Elles concernent aussi la spiritualité, la protection des droits des croyants, les intérêts de la famille et des enfants. Nous nous sommes attachés à moderniser la vie politique, les relations entre le pouvoir et l'opposition, les institutions civiles. Tous ces projets ont suscité un vif intérêt en Russie mais aussi à l'étranger. Au départ, certaines opinions paraissent inconciliables, mais nous privilégions le dialogue entre les différents groupes parlementaires et, le plus souvent, nous parvenons à une convergence.

Les lois que nous adoptons reflètent la position de la majorité des citoyens russes. En tant que président de la Douma, je tiens toujours compte de l'opinion publique. C'est pour moi une priorité. C'est la raison pour laquelle nous avons créé plusieurs conseils : pour le perfectionnement de la législation, pour la culture, pour les investissements, ainsi qu'un conseil des partis qui ne font pas partie du Parlement. Six mois après avoir été amendée, la loi sur les partis politiques a grandement facilité la création de nouveaux mouvements, et plus d'une cinquantaine d'entre eux ont été créés. Nous sommes en dialogue constant avec eux.

Hier, au cours des entretiens, nous avons abordé le développement du parlementarisme. À l'heure actuelle, la démocratie parlementaire est confrontée à de nombreux défis, partout dans le monde, et il nous faut les surmonter tous ensemble pour que le monde soit stable, juste et démocratique. C'est notre objectif et notre devoir communs.

La Russie a vécu toute une série de cataclysmes au cours de son histoire. Il n'en demeure pas moins que, comme l'écrivait Honoré de Balzac, « les circonstances changent, les principes demeurent. » La Russie a toujours respecté le droit international, qu'elle considère comme la pierre de touche des relations internationales. La Russie ne s'est jamais opposée à la grande Europe, mais sa culture continue à exercer une attraction sur les pays limitrophes. Les processus d'intégration eurasienne donnent d'ailleurs déjà des résultats. Peu après la formation de l'union douanière des trois États – Russie, Bélarus, Kazakhstan –, les échanges ont bondi de 30 %.

Dans le même temps, la Russie mène une politique extérieure indépendante. À cet égard, nous sommes très sensibles à la voix de la France, qui a toujours été indépendante et qui a toujours eu beaucoup de poids. Nous participons au G20 et au G8 qui sont des plates-formes qui aident à résoudre les principaux problèmes internationaux. On peut difficilement reprocher à la Russie d'être isolationniste, j'en veux pour preuve notre adhésion à l'OMC.

Par ailleurs, nous faisons tout pour nous rapprocher de l'Union européenne. Nous tenons à mettre en oeuvre l'idée du Président Poutine de créer un espace à échelle humaine, commun à l'Union européenne et à la Russie. C'était aussi l'idée du Président Sarkozy et le Président Hollande a gardé le cap en renforçant les relations avec la Russie. J'espère que nos efforts conjoints aboutiront.

Nous avons fait des progrès vers un nouvel accord de base entre la Russie et l'Union européenne, de nouvelles impulsions ont été données dans le domaine de la coopération énergétique même si notre dialogue n'avance pas de la même façon sur tous les fronts. Nous apprécions beaucoup les efforts de votre pays pour rapprocher l'Union européenne et la Russie. Pour nous, l'une des priorités est l'abrogation du régime des visas pour les séjours de courte durée, toujours en vigueur plus de vingt ans après la fin du Rideau de fer. Il est paradoxal que certains membres de l'Union européenne, qui se revendiquent comme des démocraties, n'oeuvrent pas en faveur de la liberté de circulation et d'information, qui en sont des conditions sine qua non. Nous comptons donc sur le soutien de nos amis français qui font de leur mieux pour convaincre leurs partenaires.

La Russie a noué des contacts constructifs avec tous ses partenaires internationaux même s'il existe encore quelques frictions avec l'OTAN, notamment à propos de la mise en place du système régional de défense anti-missile en Europe. On nous dit et répète que la Russie n'est pas visée tout en refusant de prendre des engagements fermes. Nous sommes fondés à éprouver quelques doutes. En Europe comme ailleurs dans le monde, il faut un équilibre entre les forces en présence, en l'occurrence entre la dissuasion nucléaire et la défense anti-missile. Si nos partenaires américains déploient leur système, nous ne resterons pas les bras croisés, mais ce ne sera pas notre choix. De ce point de vue, nous apprécions beaucoup le dialogue direct et plein de confiance avec la France, notamment au sein de l'Alliance évoqué par le Président Hollande au sommet de l'OTAN de Chicago.

La France et la Russie coopèrent dans beaucoup de domaines. Nous n'acceptons pas l'armement nucléaire de l'Iran et travaillons dans le cadre du groupe des Six à une solution diplomatique. Nous ne sommes pas satisfaits de la situation du Moyen Orient, de même que le programme nucléaire nord-coréen nous inquiète. Nous souhaitons que les crises monétaires et financières de l'Eurozone soient surmontées le plus rapidement possible.

Cela ne nous empêche pas d'avoir des divergences avec nos collègues français. Parfois, nos oppositions sont frontales, par exemple sur les moyens de régler la crise en Syrie, mais un même but nous anime, celui de sauvegarder un Etat uni, laïque dans lequel cohabiteraient pacifiquement les différents groupes ethniques et religieux. C'est au peuple syrien de prendre la décision qui s'impose.

Parallèlement, nous soutenons les efforts de la France pour maintenir l'intégrité territoriale du Mali où les forces françaises sont au contact direct du terrorisme international. Comme il fut un temps où la Russie était en première ligne sur ce front, nous comprenons fort bien les enjeux et vos objectifs. Nous espérons qu'au sein des Nations Unies nous parviendrons à une décision qui permettra le déploiement d'une force internationale dirigée par les Africains.

À un moment où le parlementarisme franchit une nouvelle étape, nous devons chercher des formes plus étroites de dialogue interparlementaire. Ainsi, s'est tenu à Moscou en décembre dernier le premier forum parlementaire international, à l'initiative de la Douma, où nous avons discuté du développement de la démocratie et des institutions démocratiques, et j'ai été ravi d'y rencontrer quelques députés français. Dans ce domaine, l'héritage de la France est précieux et peut nous servir. Nous célébrerons cette année le vingtième anniversaire de notre Constitution et de notre Parlement et je profite de l'occasion pour vous inviter au deuxième forum parlementaire international. Je tiens également à maintenir le dialogue permanent avec votre commission et son homologue russe, non seulement pour échanger des opinions, mais aussi pour renforcer nos coopérations.

Mes collègues et moi allons tout faire pour vous répondre dans les délais, mais nous avons également quelques questions à vous poser. Vous serez sûrement d'accord avec moi pour dire que, en tant que députés, nous sommes tous égaux, quelles que soient nos fonctions dans nos Parlements respectifs. Chaque député a le droit de poser une question et d'y répondre. En tout cas, mes collègues de la Douma tiennent absolument à ce qu'il en soit ainsi, et, en démocrate convaincu que je suis, je les soutiens.

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Quelles sont les priorités que la Russie entend donner au G20 au cours de sa présidence ? Des convergences sont-elles possibles avec la France à propos de la sécurité alimentaire dans le monde ?

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Alexeï Pouchkov, président de la commission des affaires étrangères de la Douma, groupe du Parti Russie Unie

La Russie organisera le G20 et nous essaierons d'arrêter une position commune sur les points à l'ordre du jour, que seuls des efforts concertés permettront d'obtenir. Le G8 et le G20 doivent travailler en parallèle car ils se complètent : le premier, centré sur les questions économiques et financières, a de l'expérience tandis que le second permet à de nombreux pays d'exprimer leur opinion.

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Viacheslav Nikonov, premier vice-président de la commission des affaires étrangères, groupe du Parti Russie Unie

M. Nikonov s'exprime en russe. Sachez que la Douma n'adoptera jamais des textes qui iraient à l'encontre de la participation de la Russie au Conseil de l'Europe. Et il n'est pas de texte qui ait été voté et qui n'ait pas reçu le soutien d'au moins les deux tiers des électeurs russes, car ce sont leurs intérêts que nous défendons. Vous ne trouverez pas une seule personne qui pourrait se présenter comme une victime de ces lois qualifiées de répressives.

Je m'interroge sur le déficit démocratique européen dont les journaux font état dans chacun des pays membres. En effet, la plupart des décisions sont prises à Bruxelles tandis que le rôle des Parlements nationaux ne cesse de se réduire. Ressentez-vous le phénomène à Paris ? Et si oui, comment y remédier ?

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Vous avez mis le doigt sur un sujet d'actualité controversé. L'Assemblée nationale a voté une résolution qui accentuera son contrôle sur la politique menée par le Gouvernement au plan européen. Nous avons adopté dernièrement le pacte budgétaire européen à une large majorité. Nous votons toutes les modifications des traités européens ; il arrive même qu'il y ait des référendums, avec des résultats variables. En tout état de cause, la démocratie et le contrôle fonctionnent. En revanche, dans la conduite quotidienne des politiques, il nous faut accentuer le contrôle des Parlements nationaux sur leurs gouvernements respectifs et celui du Parlement européen sur les institutions européennes. Nous sommes dans un système de double légitimité démocratique, celle d'une fédération d'États nations, un objet politique original qui n'entre pas dans les catégories habituelles des manuels de droit. Le système, malgré tout, n'est pas dépourvu d'attrait puisque chaque pays européen qui accède à la démocratie veut adhérer à l'Union.

L'Assemblée nationale française, et plus largement le Parlement français, a des marges de progression importantes. C'est pourquoi nous avons voté cette résolution. Au fur et à mesure des progrès de l'intégration économique, monétaire et budgétaire de la zone euro – elle est nécessaire pour sauver l'euro –, notre contrôle sur notre gouvernement se renforcera. J'ai personnellement demandé qu'en lien avec la procédure du semestre européen, notre Parlement soit consulté et des débats organisés. Par ailleurs, va être créée une conférence parlementaire qui réunira des représentants des Parlements nationaux et du Parlement européen. Nous commençons aussi à discuter d'une émanation du Parlement européen propre aux membres de la zone euro. Même si nous sommes encore loin du compte, la démocratie avance.

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Sergueï Narychkine, président de la Douma d'état de Russie, parti Russie Unie

M. Narychkine s'exprime en russe. Qu'il s'agisse d'une pièce de théâtre ou d'une norme juridique, mieux vaut savoir de quoi l'on parle. Et il faudrait étudier les textes minutieusement, point par point, avant de porter un jugement. Très souvent, ceux qui critiquent tel ou tel article n'ont jamais lu le texte ; ils se contentent de répéter ce qu'ils ont entendu. Comme l'a dit mon collègue, toute loi est soutenue par deux tiers au moins de nos électeurs. Dans notre pays, tout le pouvoir vient du peuple, comme il se doit dans une démocratie.

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La Russie copréside avec la France et les États-Unis le groupe de Minsk qui traite du Karabagh. Le Président Medvedev s'était particulièrement engagé dans le processus, mais hélas sans succès puisque la rencontre de Kazan s'est soldée par un échec. Alors, quel espoir pour demain ? La guerre ne risque-t-elle pas de reprendre entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan ?

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Leonid Sloutski, président de la commission de la CEI et des relations avec les compatriotes de la Douma, président du groupe d'amitié Russie-France, groupe du Parti libéral-démocrate de Russie

Nous avons toujours coopéré étroitement sur ce sujet très délicat au sein de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Le conflit remonte à vingt-trois ans et les relations sont toujours tendues, malgré quelques petits pas. Sous la coordination de M. Narychkine, nous essayons la voie de la démocratie parlementaire pour faire respecter les Principes de Madrid, parmi lesquels figure la libération par l'Arménie des districts administratifs qui entourent le Haut-Karabagh : Zangilan, Qubadli, Jabrayil, Agdam, Füzuli, Latchin, et Kelbadjar qui n'est pas inclus dans les principes de Madrid. Il reste à négocier deux ou trois points du projet de traité de paix entre Bakou et Erevan avant le départ des forces militaires, la question du référendum constituant la pierre d'achoppement. À ce sujet, nous sommes en contact étroit avec le Parlement d'Azerbaïdjan pour obtenir des résultats en 2013. Nous avons de bonnes chances d'aboutir à une position commune et nous continuerons de coopérer avec les autres parlementaires français qui se sont impliqués. À la fin de cette année, il devrait être possible d'obtenir un accord avec les autorités azéries sur un traité prévoyant un référendum. Un tel événement marquerait un tournant historique dans l'histoire de ce conflit.

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Sergueï Narychkine, président de la Douma d'état de Russie, parti Russie Unie

M. Narychkine s'exprime en russe. Vous avez dit, mon cher collègue, que la plateforme de discussion entre les présidents Medvedev, Sarkissian et Aliev avait été un échec, et je ne suis pas d'accord avec vous. En réalistes que nous sommes, nous n'attendions pas un succès fulgurant tant les racines du conflit sont profondes. Mais les résultats sont là. Des points d'accord ont été obtenus.

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Leonid Sloutski, président de la commission de la CEI et des relations avec les compatriotes de la Douma, président du groupe d'amitié Russie-France, groupe du Parti libéral-démocrate de Russie

Le principal résultat du groupe de Minsk est d'avoir mis fin à la guerre, même si des incidents peuvent encore éclater ici ou là. La garantie du statu quo réside dans l'existence du groupe de Minsk et dans la poursuite du travail accompli par les ambassadeurs spéciaux et le président. C'est un travail très efficace d'avoir mis un terme à un conflit de haute intensité.

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Ivan Melnikov, premier vice-président de la Douma, membre de la commission de l'éducation, groupe du Parti communiste de la Fédération de Russie

M. Melnikov s'exprime en russe. Nous sommes tous préoccupés par la question syrienne. En septembre dernier, mandaté par le président Narychkine, je suis allé à Strasbourg pour la conférence des présidents de Parlement dont l'ordre du jour était la crise de la démocratie parlementaire et le printemps arabe. Compte tenu de la situation, nous avons été nombreux à nous exprimer sur le premier point, mais rares étaient ceux qui ont pris la parole sur la situation dans le monde arabe. Mon intervention a été écoutée avec beaucoup d'attention. En substance, j'ai rappelé les objectifs, au nombre de deux : arrêter la saignée et assurer le changement. Alors, je vous lance un appel : soyez objectifs, regardez ce qui se passe ! Le 6 janvier dernier, à l'opéra de Damas, le Président Assad a proposé une feuille de route pour régler le conflit. Je comprends que votre confiance ne lui soit pas acquise d'emblée, mais on ne peut pas non plus être subjectif à ce point.

La Russie, comme le monde entier, s'apprête à célébrer le soixantième anniversaire de la bataille de Stalingrad. Or, plusieurs pays s'efforcent de réviser les résultats de la Deuxième guerre mondiale et, en quelque sorte, de réhabiliter le nazisme. Nous devons nous opposer à cette tentative. Vous avez aussi vécu cette terrible guerre et nous espérons que les initiatives russes auprès des Nations unies et à l'OSCE seront soutenues plus activement par les membres de l'Union européenne, en particulier par la France.

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Si la Russie et la France dressent le même constat sur la guerre civile tragique qui a déjà fait plus de 60 000 morts en Syrie, et si elles estiment que la communauté internationale ne peut pas rester sans réagir, nous sommes nombreux en France à ne pas comprendre pourquoi la Russie use systématiquement de son droit de veto si ce n'est pour protéger le régime d'Assad. Elle doit y renoncer si elle admet le principe d'une négociation, de façon que les discussions qui s'engagent puissent déboucher sur un compromis.

Monsieur le président, vous avez dit être partisan d'une Syrie laïque. Si tel est le cas, alors pourquoi le blasphème peut-il conduire en prison des jeunes femmes qui ont chanté dans une église ?

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Alexeï Pouchkov, président de la commission des affaires étrangères de la Douma, groupe du Parti Russie Unie

La Russie est déjà dans les discussions autour de la Syrie, et elle est plus impliquée que beaucoup de pays occidentaux. Nous jouons un rôle actif. Il y a quelques jours, M. Lavrov a rencontré à Munich un représentant de l'opposition modérée, M. al-Khatib, qui a admis la possibilité de négocier avec les représentants du Gouvernement. Mais entrer dans la discussion ne signifie pas renverser le gouvernement syrien. C'est tout le problème. Nous n'avons pas utilisé notre droit de veto au moment de la crise libyenne qui s'est terminée par la chute du régime en place. Maintenant, on lit dans les journaux que M. Khadafi assurait la stabilité en Afrique du Nord, et que, depuis sa chute, le Mali est la proie de Touaregs équipés d'armes libyennes qui ont entrepris de renverser le gouvernement. Le même cas de figure peut se présenter en Syrie. Il serait illusoire de croire qu'il suffirait qu'Assad s'en aille pour que règnent la paix et la démocratie.

Les forces qui attaquent M. Assad ne sont pas celles de la démocratie. Que nos amis occidentaux entendent établir la démocratie et la liberté avec l'aide du Qatar et de l'Arabie saoudite nous laisse perplexes. Chacune des parties doit évoluer pour aller dans le sens d'un processus politique. On ne peut pas soutenir l'opposition armée sans porter la moindre attention au fait qu'une partie importante de la population reste fidèle au gouvernement en place et qu'elle est directement menacée par la poussée du sunnisme radical. La Russie est prête à évoluer en fonction de l'attitude de ses partenaires occidentaux. Aussi improbable qu'il puisse paraître, le dialogue politique est la seule voie pour sortir de cette impasse. Sinon, la guerre est inéluctable et elle mènerait à un désastre. Il me semble d'ailleurs que les capitales occidentales commencent à le comprendre.

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Il va falloir poursuivre le dialogue, parce que, si notre analyse de la situation véritablement dramatique est assez proche, nous devons discuter pour éviter que le chaos ne succède au chaos.

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C'est très chaleureusement que je souhaite la bienvenue à nos amis russes car l'UMP considère la Russie comme un pays ami et un partenaire.

Du côté russe, on se complaît à exagérer les tensions avec l'OTAN à propos de la défense anti-missile. Cette affaire peut et doit être réglée par le biais du désarmement. Il faut réduire les arsenaux nucléaires tant américains que russes. Des propositions sont à l'étude au sein du groupe animé par le sénateur Nunn et Sergueï Lavrov et dont je fais partie. Une baisse significative du nombre d'ogives dédramatiserait cette affaire. Le système anti-missile n'est évidemment pas dirigé contre la Russie, il vise des proliférateurs situés sur la façade sud du continent eurasiatique et qui constituent une menace pour elle comme pour les Occidentaux.

Sur la Syrie, je ne suis pas très éloigné de la position de M. Pouchkov. Il y a un équilibre, très difficile à trouver. Cela dit, el-Assad est soutenu par un pays qui n'est pas franchement recommandable, je veux parler de l'Iran. Ensuite, le conflit a déjà fait plus de 60 000 morts et des centaines de milliers de Syriens vivent dans des conditions terribles. Même s'il faut se donner du temps pour que la transition soit la moins mauvaise possible, il faut faire quelque chose sur le plan humanitaire. J'invite nos amis russes à revoir leur position sous cet angle. On ne peut pas rester les bras croisés devant une guerre civile aussi épouvantable, même si la transition politique est très compliquée à organiser. J'ai vu M. al-Khatib proposer d'ouvrir des négociations directes avec le gouvernement en place, ce qui est nouveau. Il faut peut-être laisser du temps à l'idée de progresser mais il faut aussi soulager la population.

Enfin, monsieur le président, vous avez exprimé votre inquiétude sur la prolifération nord-coréenne, mais sans rien dire de la prolifération iranienne qui déclencherait immédiatement la nucléarisation totale du Proche-Orient. Or ni la Russie, ni la France ne peuvent vivre dans la perspective d'une course aux armements nucléaires à portée de leurs villes. Que pourrions-nous faire, de concert avec la Russie, pour exercer une pression encore plus forte sur le gouvernement iranien ? L'année 2013 sera décisive à cet égard, compte tenu de l'accélération du programme nucléaire iranien annoncé, M. Pouchkov l'a entendu comme moi, par le ministre iranien qui se vantait de l'entrée en service de nouvelles centrifugeuses. Nous disposons de très peu de temps pour agir.

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Sergueï Narychkine, président de la Douma d'état de Russie, parti Russie Unie

M. Narychkine s'exprime en russe. Je suis sensible à ce que vous avez dit sur la défense anti-missile. Je suis tout disposé à vous croire, mais pourquoi nos partenaires américains ne veulent-ils pas écrire noir sur blanc que le système n'est pas dirigé contre la Russie dans un document juridique contraignant ? Je n'ai toujours pas de réponse à cette question.

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Vladimir Jirinovski, président du groupe du Parti libéral-démocrate de Russie, membre de la commission de la défense

M. Jirinovski s'exprime en russe. J'aurais pu m'exprimer en français, mais, apparemment, aucun député français ne parle russe.

Vous êtes enfin entré dans le vif du sujet, l'Iran ! Car la Syrie n'intéresse personne. L'Iran est flanqué à l'est par l'Afghanistan où stationnent les forces de l'OTAN, à l'ouest par l'Irak. En Syrie, la Russie cherche seulement à repousser le recours à la force comme solution au problème iranien, pour éviter l'afflux de centaines de milliers de réfugiés dans le Caucase, avec le risque de rallumer le conflit du Haut-Karabagh. L'Azerbaïdjan entrerait aussitôt en guerre contre l'Arménie, et recevrait le soutien de la Turquie.

Vous avez envoyé une force limitée au Mali, mais le Mali, c'est loin. L'Iran, c'est tout près de chez nous. En 1968, le mouvement étudiant était soutenu par l'extérieur et le général de Gaulle a dû partir sous la pression de ses opposants. Vous qui dites soutenir les minorités, pourquoi ne vous préoccupez-vous pas des chiites dans cette guerre de religion qu'est le conflit syrien ? Les sunnites, qui reçoivent l'appui du Qatar et de l'Arabie saoudite, sont majoritaires et ils pourraient bien écraser les chiites. Le problème ne serait pas réglé pour autant. Ce sera comme Jérusalem ou la Transnistrie. Certains problèmes sont insolubles dans un cadre démocratique, mais, demain, ils risquent de provoquer une guerre. Et, si vous êtes pour les minorités, alors il faut défendre la langue russe dans les pays Baltes et en Ukraine. Vous soutenez les Kosovars, mais pas la minorité serbe au Kosovo, même si vous reconnaissez que les dirigeants de ce pays sont d'anciens criminels. J'espère néanmoins que nous trouverons des points d'entente.

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Je vous remercie, monsieur le président, de cette rencontre. La franchise des interventions respectives montre que nous aurions besoin de nous rencontrer plus souvent, pour mieux nous comprendre et essayer de rapprocher nos points de vue. En ce qui nous concerne, nous sommes très attachés à ce que la France et la Russie puissent agir ensemble.

Je vous prie de m'excuser de n'avoir pas pu donner la parole à tous les représentants des groupes, notamment à Noël Mamère.

La séance est levée à dix heures vingt.