La séance est ouverte à dix heures trente.
Je suis heureuse d'accueillir M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, pour la suite de l'audition sur le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. En effet, lors de notre dernière réunion, le 14 mai, tous les collègues qui souhaitaient poser une question n'avaient pas eu le temps de le faire. Je vous propose prioritairement de leur laisser la parole.
Mais auparavant, pourriez-vous nous apporter des précisions sur le projet d'achat de drones de moyenne altitude longue endurance (MALE) ?
Un certain nombre d'articles de presse a paru récemment sur ce sujet. Le débat concerne bien les seuls drones MALE, dits d'observation. Compte tenu de l'insuffisance de nos capacités j'ai décidé de trancher la question de leur acquisition dès la publication du Livre blanc, ce qui nous permet aujourd'hui d'accélérer les discussions avec les fournisseurs.
Nous avons besoin de capacités immédiatement. Or, aucun appareil de ce type n'est actuellement disponible auprès d'industriels français ou européens. C'est pourquoi nous avons entrepris des discussions avec les Israéliens et les Américains, le dialogue avec ces derniers étant actuellement très positif. De fait, les opérations au Mali nous montrent l'utilité et la grande précision des drones américains Reaper.
Le Livre blanc préconise l'acquisition de 12 vecteurs MALE, qu'il ne faut pas confondre avec les drones tactiques, pour lesquels nous menons des discussions avec nos partenaires britanniques pour l'évaluation du drone Watchkeeper, produit par Thales UK. Sur le segment MALE, parallèlement à cet achat immédiat de deux appareils, je souhaite vivement que des discussions s'engagent avec les industriels européens afin de disposer d'un drone européen à l'horizon 2020. J'ai eu à cet égard des entretiens encourageants avec mes homologues britanniques et allemands. L'essentiel est que nous soyons au rendez-vous dans le futur.
Les analyses stratégiques du Livre blanc évoluent par rapport à celles retenues en 2008, sans toutefois rompre avec elles. Quasiment tous les membres de la commission sont en accord avec ces orientations. L'enjeu porte davantage sur leur traduction en loi de programmation militaire (LPM). Vous annoncez un budget de 31,4 milliards d'euros chaque année. Hors le Livre blanc table sur une enveloppe de 179 milliards d'euros sur la période 2014-2019, auxquels s'ajoutent de l'ordre de cinq milliards de ressources extra budgétaires, soit un total de 184 milliards d'euros. Ce montant, ramené au nombre d'annuités, correspond à un budget moyen de 30,6 milliards d'euros. Comment expliquez-vous cet écart ?
Le Livre blanc prévoit également des réductions d'effectifs, portant notamment sur la disparition d'une brigade interarmes, partiellement compensée seulement par le renforcement des forces spéciales. Les forces opérationnelles diminueront de 88 000 à 66 000 hommes, la France parvenant à un ratio d'un militaire opérationnel pour 1 000 habitants. Cela pourrait devenir problématique si l'on en juge par les déclarations du général Bertrand Ract Madoux, selon lesquelles descendre sous le seuil actuel, c'est accepter de sacrifier des missions de sécurité assurées aujourd'hui au profit des Français.
Je suis réservé quant aux analyses stratégiques du Livre blanc. Pourquoi l'ambassadeur de Russie n'a-t-il pas été auditionné ? Ce pays n'apparaît qu'en page 34. De même, il n'existe pas de réflexion sur les conflits désormais à l'oeuvre entre sunnites et chiites. Il n'en existe guère non plus sur l'Iran, la position française étant tout simplement calquées sur celle des États-Unis d'Amérique.
Certaines formulations relatives à la dissuasion nucléaire suscitent mon inquiétude. Le Livre blanc parle d'un « outil crédible » pour les prochaines années. Cela n'ouvre-t-il pas la voie à une diminution de l'effort de recherche dans ce domaine ?
Dans le contexte du coup de poignard porté à l'industrie française par l'achat sur étagère de drones américains, le Livre blanc semble épouser une approche de nos alliances rappelant l'organisation du Pacte de Varsovie. Il évoque en effet vers la page 20, une forme de « spécialisation » des pays, ce que le général de Gaulle avait refusé. Si cela était suivi, il nous faudrait abandonner des compétences.
Enfin, la sensibilité aux approvisionnements extérieurs n'est mentionnée qu'à la fin de la page 129 et en haut de la page 130, et encore ne porte-t-elle que les seuls métaux rares.
Votre exposé de la semaine dernière était consensuel, même s'il pourrait être résumé brutalement en relevant qu'il porte une baisse des ressources et des effectifs, un recul de la place de la France dans le monde ou encore une diminution du nombre de bases. Pourriez-vous évaluer l'impact de ces préconisations dans les régions ?
L'industrie de défense occupe une place essentielle dans l'économie française et assure une bonne part de ses exportations. Le Livre blanc prévoit la suppression de 24 000 postes au sein du ministère de la Défense. Quel en sera l'impact pour l'emploi dans l'industrie ?
La politique industrielle est également abordée selon quatre axes, dont je relève notamment le maintien d'un effort significatif en R&D, qui doit rester proche de 750 millions d'euros, mais également celui d'un « volume significatif » de crédits d'équipement à l'horizon 2025. Comment cet effort budgétaire s'organise-t-il ? Par ailleurs, quels sont les mécanismes permettant d'accompagner les PME qui souhaitent exporter ? Envisage-t-on d'octroyer des prêts d'État à État, comme le pratiquent les États-Unis ?
Les 179,2 milliards d'euros sont en euros constants 2013, ce qui explique qu'ils ne puissent être directement comparés aux 31,4 milliards d'euros qui sont en euros courants 2013. Les 5,9 milliards d'euros de recettes exceptionnelles font partie de ces 179,2 milliards d'euros et sont en euros constants. Cela explique peut-être certaines confusions.
Le Livre blanc opère-t-il une rupture par rapport au dernier exercice ? Il s'inscrit dans la continuité des missions mais opère un certain nombre d'inflexions, par exemple avec l'accent mis sur l'Afrique ou la sécurité maritime. En termes capacitaires, il préconise également de renforcer les moyens dévolus au renseignement, dont les drones, aux forces spéciales, à la cyber défense et au ravitaillement en vol.
S'agissant du format, nous passerons de huit à sept brigades interarmes, ce qui permettra de répondre à l'ensemble des crises potentielles. Le Livre blanc identifie également une force de 15 000 personnels projetables en cas de crise, nécessitant une action de coercition, ainsi que 7 000 personnels supplémentaires qui pourraient être engagés dans la durée sur deux ou trois théâtres simultanés. Ces deux nombres s'ajoutant, je le précise, sachant que le précédent objectif de 30 000 hommes projetables n'était de fait pas réalisable. Ils seront fournis, pour la composante terre, par les 66 000 soldats projetables de l'armée de terre.
Le Livre blanc mentionne à plusieurs reprises la puissance russe. Le risque d'une opposition entre chiites et sunnites est réel et, à cet égard, je nourris beaucoup d'interrogations sur la situation en Syrie. Ces menaces sont décrites comme élevées.
La dissuasion nucléaire restera à niveau et nous nous projetons sur l'avenir. J'observe que la plupart des équipements en service sont neufs, ce qu'illustrent certaines campagnes d'essai. Le niveau de financement alloué à la dissuasion avait récemment diminué, conformément au cycle d'acquisition ; la poursuite de sa modernisation suppose une remontée de l'effort financier dont le Livre blanc tient compte.
L'impact des préconisations du Livre blanc sur les territoires sera réel même si je souhaite que les réductions d'effectifs portent d'abord sur l'administration centrale et les services, en préservant au maximum les unités opérationnelles. À l'heure actuelle aucune décision n'a été prise en la matière. La gestion des conséquences locales demandera une approche fine et beaucoup de dialogue.
Pour revenir à la question de Mme Gueugneau, la part de la recherche et de l'innovation dans les crédits de la défense est aujourd'hui de 750 millions d'euros pour le soutien des grandes entreprises et des PME et je prends l'engagement de la maintenir à ce niveau.
J'observe que certains échecs enregistrés en matière de politique d'exportation d'armement ont conduit le précédent gouvernement à mettre en place une « war room » à l'Élysée pour soutenir et coordonner l'action internationale et la capacité d'exportation des entreprises de défense françaises. Le Président de la République a décidé de réactiver ce dispositif au sein du ministère de la défense. Je mets donc en place dans les jours qui viennent le comité ministériel d'exportation de défense (COMED), dont j'aurai la responsabilité, et dont l'objectif est de mener une action plus offensive et de faire circuler l'information dans la plus grande transparence, en évitant les dommageables concurrences franco-françaises.
J'ajoute que j'ai mis en place récemment un plan spécifique pour les PME de défense assorti d'un ensemble de mesures visant à renforcer la capacité d'innovation des quelque 4 000 PME de défense et à faciliter leurs rapports avec les grands groupes et le ministère de la défense. Une charte a été adoptée. Ce dispositif fonctionnel se traduit par des engagements entre les régions dans lesquelles l'activité de défense est particulièrement sensible, le ministère de la défense, la DGA et les grandes entreprises, qui ont déjà abouti à la signature de quatre accords.
Les ruptures en matière d'emploi seront, autant que faire se peut, évitées par l'effet de balancier entre les secteurs qui connaîtront un ralentissement de leur activité et ceux qui enregistreront un regain. Ainsi, l'ancienne loi de programmation ne prévoyait pas la commande d'avions ravitailleurs que la nécessité stratégique m'amène à faire aujourd'hui. Des discussions avec les industriels se poursuivent à ce sujet et tout porte à croire que les pertes d'emploi ne seront pas significatives.
J'ai participé à la rédaction du Livre blanc avec deux de mes collègues de la commission et si l'on peut bien sûr juger le document final à l'aune de ses convictions politiques, je pense que nous avons beaucoup travaillé. Je souhaite revenir à la question des drones. Vos déclarations sur Europe 1 ont fait sensation chez les industriels, qui s'interrogent. Il est question dans le Livre blanc de l'achat de douze appareils, les deux achats que vous avez mentionnés sont-ils à déduire de ce nombre et les dix restants seront-ils français ?
Le Président de la République avait annoncé une loi de programmation militaire avant l'été. Pouvez-vous nous dire quand elle nous sera présentée ?
La réponse est simple : il n'y a pas de drone français et je le regrette. Douze appareils sont nécessaires et, en dépit de certaines déclarations, l'industrie française n'est pas en mesure de les fournir dès aujourd'hui. Le besoin capacitaire existe pour assurer notre propre défense et notre autonomie stratégique. Est-il normal que nous dépendions de l'information des drones américains stationnés à Niamey pour l'action au Mali? Ce sont aujourd'hui les Américains, et je les en remercie, qui nous apportent le concours du Reaper pour l'identification des poches djihadistes et la recherche des otages. J'estime que cette situation ne peut plus durer et je souhaite que les appareils dont l'acquisition est nécessaire dès à présent soient relayés, à l'horizon 2020, par une nouvelle génération de drones, européens cette fois.
Dans l'immédiat, il existe en la matière une opportunité que les industriels ont certainement déjà identifiée : la France achètera des drones, vraisemblablement américains, dont deux seront immédiatement utilisables au Mali. Les autres appareils devront être francisés ou européanisés en les équipant de capteurs et de moyens d'observation spécifiques adaptés aux différents théâtres français et européens. J'invite donc les industriels à se manifester et je m'abstiendrai de toute polémique concernant les raisons pour lesquelles la France n'a pas été au rendez-vous des drones.
La LPM sera examinée en conseil des ministres avant le 31 juillet et sera soumise au Parlement à la rentrée.
Le Livre blanc de 2008 parlait de huit brigades interarmes et de trois brigades spécialisées ; le Livre blanc de 2013 évoque sept brigades mais ne mentionne pas les brigades spécialisées…
Parallèlement à cela les hommes projetables passent de 88 000 à 66 000. La comparaison de ces deux chiffres avec celui de la réduction des effectifs envisagée, qui est de 24 000, semble indiquer que l'armée de terre en sera la grande pourvoyeuse. Si tel est le cas, les unités d'appui et de soutien, appui au commandement, transmissions, seront-elles les plus touchées ?
Je crois avoir déjà partiellement répondu à votre question. La préoccupation principale est que les chiffres posés dans le Livre blanc, que l'on retrouvera dans la LPM, correspondent à la réalité : 15 000 hommes projetables en cas de guerre, 7 000 hommes immédiatement disponibles, mobilisables et renouvelables sur deux ou trois théâtres de crise simultanés, 5 000 hommes de la force interarmées de réaction rapide (FIRI). Ceci équivaut à 66 000 hommes de l'armée de terre et je veillerai à ce que ce chiffre soit respecté. Je ne souhaite pas revenir sur le nombre de 88 000 dont il est convenu qu'il comporte une part de « soldats de papier ».
Je souhaite que la réduction de 24 000 postes porte en priorité sur l'environnement des forces et le pôle central ; nous y travaillons en répartissant l'effort sur les différentes armées, car je ne souhaite pas que la réduction se fasse à l'aveugle par l'application automatique de pourcentages forfaitaires. L'aspect fonctionnel doit rester au premier plan et il s'agit d'un travail long et méticuleux auquel j'accorderai la plus grande attention. En raison de ce travail de précision et des exigences que j'impose à mes équipes en la matière, il ne sera pas possible d'annoncer rapidement les unités qui seront fermées selon un cadencement annuel.
Il existe un large consensus sur la nécessité d'épargner autant que possible les unités opérationnelles dans le cadre des travaux de révision de nos capacités. Certes les armées ne sont pas chargées de l'aménagement du territoire, mais le maintien du lien entre l'armée et la Nation nécessite la présence d'unités réparties régulièrement entre les régions, ce qui permet à la population de mieux les connaître et en quelque sorte de se les approprier. S'agissant de la réduction du format des armées, quelle est la part de « civilianisation » envisagée et où en sont vos réflexions sur les externalisations ? La mise en place d'une régie améliorée est-elle prise en compte comme une réduction d'effectifs ?
Je resterai très attentif au lien entre l'armée et la Nation ; il convient à cet effet d'éviter que se constituent des déserts militaires, selon l'expression consacrée. Sur la « civilianisation », comme sur les externalisations, ma position est très pragmatique : il s'agit de trancher au cas par cas, sans a priori idéologique et avec pour principe directeur la recherche du meilleur rapport qualitéprix. La question d'une éventuelle externalisation est d'ailleurs actuellement à l'étude pour les questions d'habillement. Cela étant, il convient de rester prudent en la matière et de ne pas se fixer pour seul objectif un allègement des effectifs, au demeurant aléatoire. Nos amis britanniques sont allés très loin dans les expériences d'externalisation, notamment en matière de ravitaillement en vol, et ils en reviennent car les résultats ne sont franchement pas à la hauteur des attentes.
Lors de sa rencontre avec les principaux industriels de la défense, en avril dernier, le Président de la République a rappelé son attachement à ces industries créatrices d'emplois et à l'autonomie stratégique de la France. Cette industrie exporte d'ailleurs davantage que celle du luxe. Pourriez-vous nous préciser quelles sont les orientations envisagées dans le cadre du conseil européen sur la défense de décembre prochain afin de renforcer la base industrielle et technologique de défense ? Comment articuler la mutualisation des moyens au plan européen et le maintien de nos ambitions et compétences nationales ?
J'attire l'attention de la commission sur plusieurs sujets difficiles.
Le premier concerne les négociations sur l'accord de libre-échange avec les États-Unis. Dans la proposition de mandat de négociation, heureusement non définitive, le domaine de la défense est inclus. Il appartiendra au conseil européen prévu en mai de trancher cette question, et j'ai bon espoir qu'il ne retienne pas cette inclusion à laquelle nous sommes totalement opposés. En effet, jamais jusqu'à présent l'Union européenne n'a reçu mandat pour négocier sur les questions relatives aux industries de défense dans le cadre d'un accord sur les échanges commerciaux ; il s'agit en effet d'une question de souveraineté, pour laquelle le principe de l'unanimité doit prévaloir, ce qui n'est pas le cas pour de tels accords relevant d'un vote à la majorité qualifiée. Alors que les directives formant le « paquet défense » de 2009 sur la construction d'un véritable marché unique européen des biens de défense n'ont pas encore produit tous leurs effets, c'est une ouverture de ce même marché à la concurrence américaine qui est envisagée ! Enfin, le budget américain de la défense fait l'objet d'une sérieuse diminution. À cet égard, le communiqué publié par le secrétaire à la défense Chuck Hagel à l'issue de notre entretien souligne les efforts méritoires consentis dans le cadre du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Je vous encourage d'ailleurs à procéder à une étude de la brutalité des décisions budgétaires américaines au regard de ce que nous avons décidé en accord avec le ministère des finances. Ce sont en effet pas moins de 1 000 milliards de dollars de coupes budgétaires qui sont envisagés aux États-Unis pour les dix prochaines années. De ce fait, les industries de défense américaine vont devenir beaucoup plus agressives sur les marchés d'exportations, la menace étant naturellement accrue en cas d'inclusion du domaine de la défense dans un futur accord de libre-échange. Il s'agit donc là d'un débat majeur et j'ai bon espoir de pouvoir compter sur certains de nos partenaires européens qui partagent nos analyses.
Parmi les autres sujets d'interrogation figure la communication des commissaires Antonio Tajani et Michel Barnier sur les industries de défense, qui devrait être rendue publique en juillet. Cette dernière est cependant susceptible d'être intéressante à un double titre : l'accès des industries de défense duales aux financements européens pour la recherche et l'innovation, d'une part, et la promotion d'une forme de « Smart Business Act » à l'échelle européenne, favorable aux PME-PMI, d'autre part.
La rédaction du Livre blanc n'a pas été aisée et a donné lieu à de nombreux débats et discussions ; mais elle a finalement abouti, dans un cadre assez consensuel, à un texte de vérité et de courage. Ainsi, en ce qui concerne le nombre de militaires pouvant être projetés dans le cadre d'une opération extérieure, il a été renoncé à une politique d'affichage dont chacun pouvait honnêtement convenir qu'elle ne correspondait plus à la réalité. C'est une force, qui devra trouver sa pleine traduction dans le projet de loi de programmation militaire. Nous allons ainsi contribuer à l'effort de redressement des comptes publics, tout en maintenant la cohérence de l'outil de défense. Le choix a été également fait de renforcer trois domaines particulièrement importants, à savoir les forces spéciales, le renseignement et la cyber sécurité. S'agissant de ce dernier point, outre l'enjeu stratégique, pourriez-vous nous indiquer quelles sont les pistes envisagées pour l'organisation et le développement d'une filière économique et industrielle ?
Tout d'abord une remarque sur la forme : pour la première fois dans le cadre de la rédaction d'un Livre blanc, l'ensemble des groupes politiques de l'Assemblée nationale et du Sénat n'a pas été auditionné.
Sur le fond, ce Livre blanc est une esquisse, qui fait l'objet d'appréciations soit trop élogieuses, soit trop critiques. La vérité se situe sans doute entre les deux. Je pense qu'un point mérite une attention particulière : il s'agit des recettes exceptionnelles. Au vu des enseignements du passé récent c'est un enjeu majeur, d'autant plus que le principe d'unité budgétaire rend difficile l'obtention de garanties sur l'affectation de telles recettes. Pourriez-vous nous préciser quels sont les montants attendus et leur origine ? N'y a-t-il pas une certaine contradiction entre le souhait d'obtenir pour la défense des recettes de cessions immobilières et, dans le même temps, le fait de faire peser une obligation de décote sur les cessions réalisées par les opérateurs publics en vertu de la loi sur la mobilisation du foncier public en faveur du logement ?
Il est prévu que les recettes exceptionnelles s'élèvent au total à 5,9 milliards d'euros sur six ans ; ce montant doit être rapporté au total des dépenses prévues pour la défense sur la même période, soit 179,2 milliards d'euros. Une très grande vigilance s'imposera naturellement pour ces ressources inscrites dans la loi de programmation militaire. Je note à cet égard que le Président de la République y a apporté sa garantie lors de la présentation du Livre blanc. Ces recettes sont constituées essentiellement par les cessions immobilières, qui nous reviendront en propre, par la vente de fréquences et peut-être par une part de cessions d'actifs par le biais de l'agence des participations de l'État, si cela s'avérait nécessaire.
La question de la cyber sécurité est nouvelle par rapport à 2008 car la menace est désormais avérée et qu'il existe une véritable urgence dans ce domaine. Sa prise en compte passe par un renforcement substantiel en personnels et en matériels du centre DGA-maîtrise de l'information situé à Bruz. Je souhaite en outre que se développe une véritable filière de l'industrie de la sécurité informatique, favorisée par les investissements de recherche et d'innovation de la défense. Enfin, nous travaillons sur la mise en oeuvre d'une chaîne de commandement spécifique de commandement consacrée à la cyber défense, au sein du centre de planification et de conduite des opérations. Ce sujet ouvre des perspectives très larges, avec notamment le recours à des experts civils susceptibles d'être associés dans le cadre de la réserve citoyenne. Nous faisons face en permanence à des risques d'intrusion et de perturbation de la vie sociale et économique du pays.
La séance est levée à onze heures trente.