Commission des affaires européennes

Réunion du 28 novembre 2012 à 18h45

Résumé de la réunion

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La réunion

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Audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé des Affaires européennes, sur le Conseil européen extraordinaire des 22 et 23 novembre 2012 3

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 28 novembre 2012 à 18 h 45

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission des affaires européennes

La séance est ouverte à dix-huit heures cinquante.

Audition de M. Bernard Cazeneuve, Ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé des Affaires européennes, sur le Conseil européen extraordinaire des 22 et 23 novembre 2012

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Je vous remercie de votre présence, Monsieur le Ministre, à cette heure déjà tardive. Nous serions ravis d'entendre ce que vous avez retenu essentiellement du Conseil européen extraordinaire des 22 et 23 novembre et, plus particulièrement, ce qu'il vous en semble du débat sur les perspectives financières de l'Europe. Depuis la France et les analyses médiatiques qui ont eu cours, nous avons l'impression que les points d'achoppement ont été plus nombreux que les points d'accord. Sans doute serait-il donc utile que vous nous présentiez un bilan détaillé.

Comment envisagez-vous le nouveau sommet qui, au début de l'année prochaine, devrait être consacré au cadre financier pluriannuel 2014-2020, ainsi que les discussions avec le Parlement européen, dont les positions semblent d'ailleurs se durcir ? Un veto parlementaire vous semble-il possible ?

Par ailleurs, la France obtiendra-t-elle le maintien du budget de la Politique agricole commune (PAC) ? Je reviens à l'instant d'une table ronde avec les représentants de divers syndicats agricoles pour lesquels il ne faut absolument pas toucher à son niveau même s'ils veulent bien discuter de son contenu.

Quid de la remise en cause des rabais alors que des élus de la Chambre des communes, avec lesquels nous avons eu l'occasion de déjeuner récemment, nous ont assuré qu'il fallait les multiplier ? Du côté des exécutifs, vos impressions sont-elles comparables ?

Pourriez-vous également préciser les conséquences qu'aurait une éventuelle absence d'accord avant 2014 ? Si les Britanniques tiennent tant à la multiplication des rabais, jusqu'où pourra-t-on aller dans ce sens sans que cela soulève des problèmes très importants ? Qu'adviendrait-il, en particulier, des règlements sectoriels associés, de la politique de cohésion, de la pêche ou de la recherche, autant de dossiers auxquels nous tenons tous ? En définitive, certains États n'auraient-ils pas intérêt à ce qu'il n'y ait pas d'accord ?

Enfin, qu'en est-il du contenu de l'accord trouvé dans la nuit de lundi à mardi par les pays de la zone euro, avec la participation du FMI et de la Banque centrale européenne (BCE), concernant la dette grecque ? Nous l'avons perçu comme un signal plutôt positif mais lèvera-t-il tous les doutes s'agissant de l'avenir et de l'intégrité de la zone euro alors même que des pays comme la Lettonie, par exemple, souhaitent y adhérer rapidement comme l'a fait l'Estonie ?

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Bernard Cazeneuve, Ministre délégué chargé des affaires européennes

Je vous remercie pour votre accueil, Madame la Présidente, et pour les questions que vous avez bien voulu me poser. C'est toujours très important pour moi de venir devant votre commission pour rendre compte des conditions dans lesquelles l'Europe se construit, ou ne se construit pas. C'est un moment d'échange essentiel, et toujours de qualité, avec des parlementaires qui sont très investis dans ces sujets techniques.

Par souci d'efficacité, je m'emploierai à répondre à trois questions, ce qui devrait permettre de traiter la plupart des sujets qui vous préoccupent. Je reviendrai notamment, Madame la Présidente, sur la crise de la Grèce.

Première question : que voulions-nous obtenir de ce Conseil européen ?

Nous avions des objectifs que ne partageaient pas nécessairement les autres États : promouvoir une meilleure vision de l'Europe, favoriser une meilleure cohésion et défendre l'intérêt général de l'Union européenne (UE) – au moment où elle est confrontée à une crise extrêmement profonde – par-delà l'intérêt de chacun des États qui la compose. Il importe, certes, que chaque pays défende ses propres intérêts, et c'est ce que nous faisons, mais si nous réduisons nos discussions à ces marchandages, la question se pose de la nature de l'intérêt de l'Europe. Nous avons quant à nous toujours considéré qu'il fallait faire prévaloir ce dernier et créer les conditions pour qu'il ne soit pas « orthogonal » aux intérêts de chaque État. Nous avions bien conscience que cette négociation se déroulerait dans un cadre extraordinairement difficile et tendu puisque certains pays avaient manifesté de façon parfois abrupte leur volonté de ne se préoccuper que de leur seul intérêt, au point de réduire la discussion à un débat stérile et sans issue sur les coupes et les rabais : comment diminue-t-on le budget de l'UE et comment garantit-on que ce qui demeure servira à financer des chèques dont on bénéficiera ?

Lors du Conseil européen du mois de juin dernier, nous avons également porté une ambition de croissance avec le plan de 120 milliards dont j'ai eu l'occasion de vous dire à lors du débat concernant le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) qu'il ne constituait pas un solde de tout compte. Nous sommes dès lors légitimes à vouloir prolonger ce Pacte pour la croissance et l'emploi par un certain nombre d'initiatives et de rendez-vous avec les pays de l'Union. Précisément, le budget de l'UE pour 2014-2020 constitue à notre sens un autre instrument de croissance. Par souci de cohérence et de continuité, il n'est pas possible de vouloir 120 milliards pour la croissance au mois de juin et de demander une coupe de 200 milliards au mois de novembre. Tout doit être fait pour que, par-delà le rétablissement des comptes publics – auquel nous tenons – des initiatives soient prises en ce sens. Le budget européen, je le répète, doit être celui de la croissance.

En même temps, nous sommes soucieux de faire en sorte que notre contribution à ce budget ne nous éloigne pas des objectifs de résorption des déficits que nous nous sommes assignés et qui, d'ailleurs, nous engagent devant les institutions européennes au titre du « Semestre européen ». Entre la responsabilité dont il faut faire preuve quant au rétablissement des comptes et la volonté frénétique de réaliser des coupes, il y a de la place pour une démarche européenne responsable. C'est pourquoi nous n'avons pas demandé de coupes supplémentaires pendant la discussion par rapport à celles qui avaient été proposées par Herman Van Rompuy lorsqu'il nous a présenté sa copie. J'insiste : nous n'avons pas souhaité que la discussion commence par : « Faisons 30 ou 100 milliards de coupes supplémentaires ! ».

En outre, toutes les politiques européennes, selon nous, concourent à la croissance. Avec un budget d'environ 1 000 milliards pour sept années, nous devons faire en sorte que les différentes rubriques budgétaires soient suffisamment équilibrées pour que les politiques de l'UE, qui contribuent donc à créer de la croissance, soient encouragées. En effet, pour nous, il n'y a pas d'un côté les politiques de la rubrique 1A – accompagnement du transfert technologique, financement de la recherche et développement (R&D), programme « Connecting Europe », programme COSME de 2,5 milliards pour la compétitivité des PME et des PMI qui ont besoin de se développer et d'accéder aux moyens financiers de l'innovation – et, de l'autre, les vieilles politiques ringardes de la PAC et de la cohésion qui ne créeraient pas de croissance. Parce que toutes les politiques font de la croissance, leurs budgets doivent être intelligemment équilibrés. Nous ne nions pas l'intérêt absolu, dans la perspective de la stratégie « Europe 2020 », de mettre l'accent sur les crédits de la rubrique 1A. Nous ne nous inquiétons pas que le budget de « Connecting Europe » passe de 8 à 40 milliards, ce qui représente une augmentation de 400 %, mais nous nous inquiétons en revanche de ce qu'il progresse à ce point quand d'autres budgets qui réalisent de la croissance diminuent. Le budget consacré à l'innovation et à la recherche s'élevait à 90 milliards dans la précédente mouture budgétaire. Une augmentation très significative a été proposée pour le porter à 170 milliards et la Commission européenne a finalement placé le curseur autour de 140 milliards, ce qui représente une augmentation de 55 %. Nous en sommes satisfaits mais nous souhaitons un rééquilibrage entre les augmentations que je viens d'évoquer, qui concernent la seule rubrique 1A, et les autres politiques. Je rappelle que les crédits des fonds de cohésion diminuent de 5 % à 6 % et que le budget de la PAC est amputé de 25 milliards alors que les enjeux sont importants : dynamique agro-alimentaire, verdissement, organisation progressive de la convergence des aides entre les différents pays et les formes d'exploitation, possibilité de faire en sorte que nous puissions garantir l'autonomie alimentaire de l'Europe ; les fonds de cohésions, quant à eux, ont contribué dans bien des pays, notamment du sud et de l'est, à créer une forte croissance en termes d'équipements et d'infrastructures.

Enfin, nous considérons qu'une refonte du système de ressources dont dispose l'UE est nécessaire, l'Europe devant se doter de ressources propres – peut-être celles qui, demain, seront issues de la taxe sur les transactions financières (TTF).

Le dispositif de rabais doit être intégralement remis à plat. Ceux qui nous demandent de réaliser des coupes dans le budget de l'UE nous demandent en même temps des chèques et, parfois, davantage d'Europe… Allez comprendre ! La Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Autriche, la Suède et les Pays-Bas sont les cinq pays bénéficiaires de chèques. Avec deux milliards chaque année, dont un milliard pour les Britanniques, la France est quant à elle l'un des principaux contributeurs à de tels rabais. Afin que le budget de l'UE fonctionne mieux, il faut mettre en place un dispositif plus transparent, plus équitable et plus lisible. Il doit y avoir une place pour les ressources propres et pour une démarche spécifique, adaptée à la crise, qui consiste à faire en sorte qu'il y ait plus de dépenses pour la croissance et moins de chèques pour soi-même. J'ai eu l'occasion de dire lors du Conseil Affaires générales qu'il était bien de nous demander des coupes et des rabais et de préconiser le « better spending » mais dans « better spending », il y a « spending », faute de quoi il n'est plus possible d'agir. En même temps, il n'est pas question d'une dépense inconsidérée, illimitée, irrationnelle. Nous voulons nous montrer rigoureux budgétairement et créer de la croissance, ce qui n'est pas compatible avec le système de ressources tel qu'il existe.

Deuxième question : qu'avons-nous obtenu ?

Tout d'abord, comme le disait le Président Giscard d'Estaing, la « décrispation ». Certains sont en effet arrivés crispés, attachés à obtenir chèques et rabais, menaçant de ne laisser avancer aucun dossier tant que cela ne serait pas garanti. Des discussions laissaient entrevoir que rien n'évoluerait. La stratégie française a consisté à se placer au centre, au barycentre de cette négociation, là où le compromis était envisageable et possible. Il s'agissait donc d'être raisonnables sur un plan budgétaire, résolument européens, de faire en sorte que les politiques s'équilibrent entre elles et que le dispositif de ressources propres qui conduit nombre de pays pauvres à offrir des chèques à nombre de pays riches puisse être corrigé.

Par la discussion, par notre positionnement central, par l'effet des réunions bilatérales, par les efforts réalisés par le gouvernement allemand - qui a lui aussi joué un rôle extrêmement utile -, nous avons obtenu une décrispation, la création d'équilibres nouveaux, l'amorce d'un mouvement dans l'intérêt général de l'Europe et de la France. En effet, nous avons fait en sorte que l'on parle des politiques que l'Europe doit financer et pas seulement des rabais et des chèques. La position de certains pays s'est ainsi assouplie s'agissant du niveau des coupes, ce qui nous a permis de commencer à discuter du financement des politiques opportunes pour l'Union.

Nous avons également réussi à faire entendre l'idée selon laquelle toutes les politiques sont créatrices de croissance, ce qui implique équilibre et lisibilité, donc, que les politiques comme la PAC et en faveur de la cohésion, dont les crédits avaient été amputés par la Commission et plus encore par le Président du Conseil, soient à nouveau dotées. Le niveau de la PAC a ainsi été rehaussé de 8 milliards. Nous avons besoin de franchir un pas supplémentaire que je ne chiffrerai pas précisément ici pour ne pas abattre nos cartes – mais nous souhaitons une nouvelle augmentation.

Il en est de même s'agissant de la politique de cohésion. Il importe, en effet, que nos régions ultrapériphériques et en transition, qui ont besoin d'investir, puissent bénéficier de moyens pour le faire. Un rééquilibrage s'impose donc entre les rubriques pour que les fonds alloués à la politique de cohésion permettent d'atteindre ce but. Il faut également faire en sorte que des régions dont le PIB a évolué de façon comparable à celui d'autres régions puissent bénéficier d'enveloppes comparables. On ne peut pas vouloir la convergence pour la PAC et la refuser pour la politique de cohésion en cherchant à amortir l'effet de la progression du PIB pour certaines régions à travers de multiples filets de sécurité.

Il nous reste à mener la bataille des ressources propres, et nous la mènerons jusqu'au bout. Nous voulons en effet un budget doté de ressources propres, dynamique, permettant à l'UE, demain, de conduire des politiques ambitieuses. Nous n'entendons pas que notre contribution aux rabais des autres puisse augmenter sans limites. Elle doit pouvoir être plafonnée, encadrée, et nous demanderons qu'il en soit ainsi. Cela ne signifie pas que nous l'obtiendrons mais que nous entendons l'obtenir. Là encore, nous mènerons la bataille.

Troisième question, enfin : que reste-t-il à obtenir ? Les marches supplémentaires à franchir pour la PAC et la politique de cohésion, la remise à plat du dispositif de ressources propres et l'actualisation de la vision pour l'Europe portée par ce projet de budget. Il serait bien qu'au terme du Conseil européen du premier trimestre 2013, nous bénéficiions d'un budget reposant sur des équilibres fondés sur l'intérêt général de l'Europe et que nous puissions profiler une vision partagée de l'Europe.

Je suis à votre disposition si vous souhaitez que l'on entre dans les détails techniques. Si vous nourrissez une passion particulière pour le filet de sécurité inversé, le capping, la réforme de la TVA alimentant le budget de l'UE, la concentration thématique, qui concerne l'évolution des fonds de cohésion - sujets auxquels personne ne comprend rien ! -, je suis à votre disposition pour les évoquer dans le détail parce qu'ils sont intéressants et ont des implications importantes.

S'agissant de la Grèce, des progrès ont été accomplis. Nous devions en effet prendre une décision visant à débloquer une aide dont le principe avait été adopté mais qui devait être allouée par tranches. En l'occurrence, la Grèce attend une aide complémentaire de 43,7 milliards, dont 34,4 milliards seront versés dès le mois de décembre pour recapitaliser le secteur bancaire, aux termes de l'accord de l'Eurogroupe du 27 novembre. Des décisions devaient également être prises quant aux objectifs que ce pays devait atteindre en termes d'évolution de son déficit et de sa dette. Un débat a eu lieu entre le FMI et les institutions européennes pour savoir s'il convenait d'allonger la durée de mise en conformité de la Grèce avec les objectifs qu'elle devait atteindre compte tenu des aides dont elle a bénéficié, ou si l'UE consentait un effort en allégeant sa dette de manière à ce que la Grèce puisse atteindre ces objectifs en respectant le calendrier qui lui avait été fixé. Comme toujours, la situation est un peu crispée puis l'on finit par trouver un compromis, moins tôt que nous l'aurions souhaité et moins tard que certains auraient pu l'espérer.

Plus précisément, la Grèce devait avoir un objectif de dette publique de 120 % du PIB en 2020 et nous l'avons porté à 124 %. En contrepartie, en 2022, il devra être de 110 %, soit, à un niveau moindre qu'il aurait dû être si le calendrier avait été respecté. En outre, nous repoussons de 2014 à 2016 le respect d'un objectif de déficit budgétaire de 3 % du PIB. Enfin, des dispositions ont été prises par l'Eurogroupe et le FMI afin de permettre à cette politique d'être déployée dans de bonnes conditions en allégeant le fardeau pesant sur la Grèce dès lors qu'elle aura pris des décisions garantissant la continuité de ses efforts. Nous réduisons ainsi de 100 points de base le taux d'intérêt des prêts qui lui sont fournis dans le cadre du second programme d'assistance dont elle a bénéficié. Nous rallongeons de 15 ans les maturités des prêts octroyés, le paiement des intérêts étant quant à lui repoussé de dix ans. Les profits réalisés par les banques centrales de la zone euro, dont la BCE, sur les achats de dette grecque seront quant à eux reversés à la Grèce sur un compte séquestre. La combinaison de l'ensemble de ces mesures acté lors de la réunion de l'Eurogroupe, cette nuit, permet de bénéficier d'un accord solide qui nous donne une réelle visibilité sur un horizon assez lointain. Je suis convaincu qu'il permettra à la Grèce de sortir de ses difficultés. Cet accord n'était pas simple à réaliser, même si nous aurions pu espérer qu'il serait survenu plus tôt. Quoi qu'il en soit, il contribue à stabiliser la situation, il donne de la visibilité et doit permettre d'éviter ce dont nous ne voulons pas : la sortie de la Grèce de la zone euro.

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Cet accord sur la Grèce nous coûtera-t-il ? S'il permet de sauver ce pays et de le maintenir au sein de la zone euro, j'y suis favorable, mais sans doute serait-il utile que nous soyons correctement informés sur ce qu'il nous coûte précisément. Nous sommes prêts à contribuer, mais que les choses soient claires !

L'accord sur le budget de l'UE constitue toujours une question délicate qui fait l'objet d'intenses tractations. En l'occurrence, il doit intervenir à un moment inédit pour l'Europe puisque nous traversons une crise économique majeure. Nous concevons donc parfaitement la difficulté de la tâche des gouvernements.

J'approuve les grandes orientations qui viennent d'être données. C'est ainsi que je soutiens la défense de l'ensemble de la PAC compte tenu des enjeux qu'elle représente. Néanmoins, elle me semblerait d'autant mieux comprise et acceptée, y compris chez nous, si nous pouvions vraiment expliquer que, dorénavant, ce ne sont pas 20 % des exploitations agricoles qui recevront 80 % des aides. S'il fallait négocier une petite baisse mais que 70 % ou 80 % des agriculteurs soient tout de même satisfaits grâce à un rééquilibrage, ce serait une bonne chose.

Nous savons tous combien les fonds structurels sont utiles. Il suffit de se déplacer dans quelques pays de l'UE qui en ont bénéficié ces dix ou quinze dernières années pour s'en rendre compte : partout, l'Europe est là. Toutefois, je me demande si de formidables autoroutes ou équipements, dans certains pays, ne sont pas parfois un peu surdimensionnés. Ces aides structurelles n'ont-elles pas servi, par exemple en Espagne, à créer des sortes de « bulles spéculatives » ? On pousse à s'équiper et, au bout du compte, le pays réel ne suit pas. A mon sens, c'est ainsi que s'explique aujourd'hui une partie de la crise espagnole. Les fonds structurels sont nécessaires mais sans doute conviendrait-il, sans songer à les réduire, que l'on veille à ce que leur usage soit vraiment cohérent sans qu'il soit question de faire plaisir à quelques potentats en faisant flotter le drapeau européen sur les régions où ils règnent.

Enfin, voilà des années que nous nous battons pour que l'Europe dispose de ressources propres. Vive l'impôt européen qui, peut-être, contribuera à donner à l'Europe une dimension citoyenne qui me semble absolument nécessaire !

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Je vous remercie de votre présence, Monsieur le Ministre. Il est toujours agréable de pouvoir vivre les événements en direct, fût-il un peu différé.

Vous avez évoqué les fonds propres de l'Europe. Où en est-on de la taxe sur les transactions financières ?

La lecture des articles de presse consacrés au Conseil européen de la semaine dernière laisse entendre que pour mettre en place un cadrage financier accepté par tous, la tentation serait grande de sacrifier des politiques d'avenir telles que la recherche ou l'innovation. Qu'en est-il ?

Enfin, la délégation française socialiste au Parlement européen a pris des initiatives fortes pour faire émerger une politique industrielle à l'échelle européenne, sur lesquelles des précisions nous seraient utiles.

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Je m'associe aux questions qui viennent d'être posées sur la recherche et l'innovation mais, également, sur le coût que représente pour nous la gestion de la situation de la Grèce.

Précisément, la France a joué un rôle important dans l'évolution de la crise grecque. Or, nous arrivons aujourd'hui, et donc tardivement, à accorder à ce pays ce qu'il demandait au début de la crise et qui nous a été demandé à l'occasion de différentes missions par des parlementaires et des membres de différents gouvernements : un délai. J'ajoute que de nombreux économistes ont également prôné un allègement de la dette puisque la Grèce s'est affaiblie et ne peut assumer le fardeau que représente une dette de 160 % du PIB.

Quelles leçons les gouvernements européens ont-ils tiré d'une évolution aussi tardive, pour éviter que de telles situations puissent se reproduire ?

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D'autres pays connaissent-ils une situation aussi délicate que celle la Grèce ?

Que pensez-vous de l'attitude anglaise lors de ces négociations ?

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La France, avez-vous dit, défend un budget de croissance, qui implique aussi de ne pas favoriser la R&D au détriment d'autres politiques, notamment de cohésion.

Précisément, le financement du programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD) ne dépendra plus du budget de la PAC mais de celui du Fonds social européen (FSE), lequel ne sera pas pour autant plus abondé. La France défend-elle une position forte afin que les moyens dont dispose ce plan ne diminuent pas ? Si des stocks alimentaires existent, pourront-ils ou non être utilisés ?

L'Europe, semble-t-il, a proposé de réduire la part des agro-carburants de première génération de 10 % à 5 % de la consommation finale dans les transports à l'horizon de 2020. La position française m'étonne un peu puisque nous maintenons un objectif de 7 % d'incorporation. Il me semble que l'on ne peut avoir un PEAD pour la nourriture et mener une autre politique en matière d'agro-carburants, laquelle se fait souvent au détriment des terres agricoles et de la politique alimentaire de certains pays.

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Je vous remercie, Monsieur le Ministre, de venir expliquer devant nous les enjeux et les résultats du dernier Conseil européen.

Mes deux questions concernent la partie de notre travail de député qui consiste à promouvoir et expliquer l'Europe dans nos territoires.

Lors de la discussion du TSCG, une vraie feuille de route pour les étapes à venir avait été dessinée. Or, dans le marasme que nous connaissons, comment les ambitions que nous nous sommes données évoluent-elles ? Où en sommes-nous par exemple s'agissant des project bonds ?

Nous avons adopté il y a deux jours en séance publique la « résolution Caresche » relative au rôle des parlements nationaux dans l'ancrage démocratique européen. Quel rôle allez-vous jouer dans sa promotion ? Comment nous associer avec vous pour faire prospérer nos propositions, en particulier s'agissant de la rapide concrétisation de la Conférence budgétaire interparlementaire prévue dans le TSCG ?

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Précisément, nous avons rencontré aujourd'hui une délégation de parlementaires britanniques qui venait en mission afin de déterminer si leur pays devait ou non rester au sein de l'UE. Je ne les ai pas du tout trouvé décrispés ! Une partie d'entre eux considère en effet que le Royaume-Uni doit soit en sortir, soit demeurer dans une position plus observatrice encore dans le cadre d'une nouvelle architecture. Nous avons bien entendu quant à nous joué notre rôle de conviction et d'écoute mais, sur le plan budgétaire, le Gouvernement a-t-il ressenti l'ombre du commencement d'une décrispation ? Est-il envisageable de trouver une porte de sortie au mois de janvier même si la proposition britannique, en matière de rabais, est inacceptable ?

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Nous analysons la situation des pays européens, notamment de ceux qui connaissent de graves difficultés comme la Grèce ou l'Espagne, ainsi que celle de la France. Inversement, quelle analyse les pays européens font-ils de la situation française ?

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La situation d'ERASMUS m'inquiète car la tentation a été grande de renvoyer les États à leurs propres financements pour terminer l'année 2013 et envisager ce qu'il serait possible de faire de 2014 à 2020, l'éducation n'étant pas une compétence exclusive de l'UE. Renforce également mes inquiétudes le signal que David Cameron a envoyé aux fonctionnaires européens en demandant que leur nombre soit réduit. Si, on renvoie les États à leurs propres fonds et que le nombre de fonctionnaires européens diminue, c'est toute la politique éducative européenne qui en fera les frais. Pouvez-vous lever nos inquiétudes à ce propos ?

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Je confirme qu'il n'est pas aisé de tenter de convaincre nos collègues britanniques tant nos discussions se transforment parfois en dialogue de sourds. Nous constatons en effet que l'euro-scepticisme est très prégnant chez les jeunes conservateurs élus en 2010, même si cela n'est pas forcément le cas de l'ensemble de l'opinion publique anglaise puisqu'un récent sondage a montré que les 18-30 ans sont très majoritairement favorables au maintien de leur pays au sein de l'UE.

A l'occasion de cette rencontre, nous avons abordé la question récurrente de la TTF. Dans la mesure où le lancement d'une coopération renforcée se fait à la majorité qualifiée, nous ne dépendons pas étroitement de l'assentiment du gouvernement britannique. Mais je sais toutefois que l'opposition anglaise vise à fédérer les opposants, par exemple en ralentissant les évaluations ou les études d'impact. Pourriez-vous nous donner des précisions sur la manière dont cette opposition à une coopération renforcée se concrétise ?

En outre, les Britanniques mettent en avant l'idée que la création d'une zone renforcée de TTF entraînerait des distorsions sur le marché unique européen. Or, en quoi l'introduction d'un nouvel impôt décidé par un ensemble de pays pourrait-il nuire à un pays qui s'exclut lui-même de cette zone ?

Enfin, existe-t-il d'autres perspectives de négociations avec d'autres États potentiellement enclins à rejoindre cette zone ?

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Bernard Cazeneuve, Ministre délégué chargé des affaires européennes

Je vous remercie pour ces questions auxquelles je vais m'efforcer de répondre le plus précisément possible.

Il y a deux manières de répondre à votre question concernant la Grèce, Monsieur Lambert.

D'une part, la politique d'aide nous coûte moins cher qu'une éventuelle inaction. Si ce pays quittait la zone euro, les conséquences économiques et politiques surviendraient en cascades et les coûts seraient beaucoup plus élevés pour les comptes publics européens en raison du surcroît de récession qui en résulterait et de la réaction des marchés : la parole publique des États européens n'aurait en effet aucune valeur puisque nous abandonnerions la Grèce après avoir martelé que nous ne le ferions pas. Nous ne savons donc pas combien nous coûterait d'abandonner la Grèce à elle-même mais nous savons que cela nous coûterait bien plus cher que ce que nous avons décidé de mobiliser à son profit.

D'autre part, et plus précisément, deux plans d'aide à la Grèce ont été décidés : celui de 2010, de 110 milliards, et celui du mois de février 2012, de 130 milliards. Ce dernier devait être débloqué de manière fractionnée, à travers plusieurs enveloppes, en fonction de la capacité de la Grèce à tenir ses engagements. Les 34 milliards que j'ai évoqués constituent une tranche du financement global de 130 milliards, sur lequel notre Parlement a délibéré. Nous débloquons les différentes enveloppes au fur et à mesure des vérifications que nous exerçons avec le concours de la troïka – UE, BCE, FMI – quant au respect, par la Grèce, de ses obligations. Au terme d'élections tumultueuses, elle a d'ailleurs pris des dispositions devant son Parlement visant à réaliser 18 milliards d'économie, dont 9 milliards dès 2013, et à engager des privatisations à hauteur de 9,5 milliards. Nous avons donc constaté que nous pouvions enclencher le déblocage de la nouvelle tranche du programme et nous tenons nos engagements.

Par-delà le programme, la restitution sous séquestre de liquidités engrangées par les banques centrales suite à l'achat de la dette grecque permet d'alléger les charges d'emprunt de ce pays. L'inverse aurait été évidemment choquant.

Par ailleurs, j'entends souvent dire qu'il n'est pas très heureux de défendre les enveloppes de la PAC sans la faire évoluer. Certes, mais pour qu'elle évolue dans le sens de la convergence et d'une répartition plus équitable des aides entre les grandes exploitations, il faut qu'elle dispose d'un bon niveau d'enveloppes. Je note, d'ailleurs, que dans un certain nombre de pays, les aides sont déplafonnées. Dans le cadre de la discussion du budget de l'UE, nous nous sommes battus pour que M. Van Rompuy n'inclue pas dans sa proposition le déplafonnement des aides d'un certain nombre de céréaliers allemands ou d'autres pays, dont la France. Comme le disait M. Lambert, il n'y a pas de raison pour que les petits exploitants laitiers d'une région chère à mon coeur souffrent de la fin des quotas et de la crise de la surproduction laitière quand d'autres commencent à gagner de l'argent avant même d'avoir commencé à travailler.

En Italie, l'aide directe s'élève à 400 euros par hectare contre 300 environ pour la France, les pays de l'est de l'Europe bénéficiant d'une aide au-dessous de la moyenne, de l'ordre de 250 euros. A enveloppe constante, la convergence suppose que les pays profitant des aides les plus importantes acceptent de les voir baisser au profit des pays qui se situent au-dessous de la moyenne. Si cela se produit alors que les enveloppes baissent, l'effet de décrochage sera dramatique pour nos agriculteurs. Plus le niveau de l'enveloppe est garanti, plus la convergence souhaitée sera envisageable.

Il en est de même s'agissant du verdissement de la PAC. Tous ceux qui le demandent en même temps qu'ils demandent la diminution des enveloppes de la PAC commettent une grave erreur d'analyse. Atteindre 30 % de verdissement avec des enveloppes en baisse, c'est rendre ce dernier impossible pour les agriculteurs les plus vulnérables, qui sont d'ailleurs parfois ceux qui ont pratiqué l'agriculture la plus intensive et qui se sont considérablement endettés.

Voici comment les choses se sont passées dans mon département : fin des quotas pour les exploitants laitiers ; l'UE stocke 450 000 tonnes de beurre et de lait en poudre ; effondrement des prix ; faute de régulation par les quantités puisque nous y avons renoncé, les agriculteurs décident de produire en espérant compenser la baisse des prix par la quantité produite ; pour ce faire, ils s'endettent, pratiquent une agriculture plus intensive, augmentent les surplus et contribuent ainsi à faire baisser les prix. C'est ainsi que l'on entretient un cercle vicieux d'appauvrissement dramatique des agriculteurs. Si l'on souhaite donc que l'agriculture intensive soit moins massive, il ne faut pas diminuer de façon drastique la contribution européenne pour cette petite agriculture. Si tel était le cas, je le répète, l'effet de décrochage serait important et l'adaptation de ces exploitations à une agriculture plus extensive et plus respectueuse de l'environnement ne serait pas possible.

Vous avez donc raison, Monsieur Lambert, mais je n'oppose pas le niveau des enveloppes de la PAC à l'évolution de la PAC : je défends des enveloppes importantes pour la PAC afin de rendre cette évolution possible.

S'agissant de la qualité de la dépense dans la politique de cohésion, oui, il faut l'améliorer. Il n'est pas normal que la destination des fonds de cohésion s'éloigne trop des objectifs de l'Europe tels que nous les avons définis dans le cadre de la stratégie « Europe 2020 ». Il n'est pas normal non plus que, dans certains pays, le taux de consommation des enveloppes dédiées à la cohésion soit de 10 % faute de savoir construire des projets et de savoir dépenser ces sommes dans le cadre des règlements adoptés par le Conseil et le Parlement européen. De surcroît, la mobilisation de ces fonds est si désordonnée que les pays s'en trouvent pénalisés.

Mais il faut trouver un équilibre. Nous avons adopté un « paquet cohésion » qui comporte trois éléments : la concentration thématique – nous faisons en sorte que les fonds européens soient davantage concentrés autour d'objectifs et de thématiques davantage lisibles –, la conditionnalité macroéconomique – qui consiste à attribuer des fonds à des pays qui respectent les règles de bonne gestion budgétaire, ce qui n'est pas mal mais il ne faut pas pousser la logique jusqu'à refuser à des pays qui connaissent des difficultés la possibilité de bénéficier de moyens qui leur permettraient, précisément, d'en sortir ; et il faut se montrer rigoureux et exigeant sans enfermer les dynamiques de développement des territoires dans des logiques toujours plus disciplinaires qui consistent à les achever plutôt qu'à les guérir –, et, enfin, la conditionnalité ex ante. C'est entre ces trois éléments qu'il convient de trouver un équilibre.

S'agissant des fonds propres et de la taxe sur les transactions financières (TTF), Monsieur Léonard, nous avons adressé à la Commission une lettre signée par douze États, ou plus exactement, onze plus un, qui reste encore à convaincre (les Pays-Bas). L'opération est possible à partir de neuf États. Nous allons donc mettre la taxe en place, comme j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, alors que cela paraissait impossible. Il fallait en effet tenir compte de la dynamique dans laquelle nous étions au moment où nous adoptions certaines dispositions européennes que nous n'avions pas inspirées. Oui, la TTF se fera mais ce n'est pas parce qu'il en sera ainsi que les fondements juridiques de la taxe seront effectifs avant la fin de l'année. Ce n'est pas pour cela non plus qu'elle sera affectée en tant que ressource propre.

Madame Lemaire, les Britanniques ne peuvent pas en effet à eux seuls bloquer la TTF puisque la procédure relève de la majorité qualifiée. Nous ne croyons pas, en outre, que la taxe génèrerait une distorsion de concurrence. Le cas échéant, ce ne serait d'ailleurs pas nécessairement au détriment des Britanniques. Les Parlementaires du Royaume-Uni que vous avez rencontrés ne doivent pas s'inquiéter. En même temps, je comprends qu'il soit très difficile d'affecter la TTF en ressource propre de l'UE si les ressources de douze États contribuent à financer un budget au bénéfice des Vingt-Sept. Il conviendra donc de trouver une modalité technique, peut-être en alimentant un fonds dédié bénéficiant à ces pays. Ce ne serait pas toutefois une formule très communautaire et je doute qu'elle susciterait beaucoup d'enthousiasme au sein du Parlement européen. Une autre stratégie consisterait à attendre que s'enclenche une dynamique plus large que celle initiée par les douze États visant à affecter la TTF à l'Union en déduction de la contribution Revenu national brut (RNB) des États. Cela permettrait d'engager une dynamique de ressources propres sans tomber dans la difficulté proportionnelle « douze-vingt-Sept ». Des solutions techniques au problème que vous évoquez existent donc, comme il en existe à la question de la supervision bancaire dans la zone euro, laquelle doit nous conduire à articuler l'action de la BCE avec celle de l'Autorité bancaire européenne.

D'aucuns expliquent parfois, Monsieur Léonard, que nous ne disposerons pas de fonds dédiés à l'innovation et à la croissance, que ce budget serait de récession et que le plan de 120 milliards relèverait quant à lui de l'ornementation. Non ! Ce n'est pas ce que disent les chiffres. Entre ce qu'étaient les précédentes perspectives budgétaires et ce qu'elles sont aujourd'hui, les budgets consacrés à la croissance augmentent de 55 %. Pas un budget national n'évolue de cette manière ! Le programme « Connecting Europe » qui doit contribuer à la numérisation des territoires, au développement des transports et de l'interconnexion dans les politiques énergétiques – donc, à la transition énergétique –, augmente de 400 % et passe de 8 à 40 milliards. Le programme COSME est quant à lui doté de 2,5 milliards et le budget consacré à la recherche de 50 à 80 milliards. Tous ceux qui, parfois dans la majorité, répètent l'antienne de la récession budgétaire, racontent de vastes blagues. Qu'ils regardent les chiffres ! Ce budget est un budget de croissance à condition qu'il ne connaisse pas de coupes supplémentaires. J'ajoute que ces chiffres sont ceux du budget lui-même et que mon cabinet communiquera à votre commission les tableaux d'évolution des différents budgets, rubrique par rubrique, entre les dernières et les actuelles perspectives financières.

Nous ne sommes donc pas confrontés à des difficultés sur ces budgets-là. Les problèmes concernent les budgets de la PAC et de la politique de cohésion dont la Commission considère, à tort, qu'ils ne créent pas de la croissance. Or, je le répète, tous les budgets contribuent à créer de la croissance. C'est pour cela qu'il convient de procéder à un rééquilibrage entre les rubriques, même s'il est difficile. En effet, même si les rubriques « croissance » ont augmenté dans les proportions très importantes que je vous ai indiquées, la PAC et la politique de cohésion représentent 70 % du budget de l'Union. Des taux de progression très importants s'appliquent donc à des bases qui ne sont pas aussi significatives.

S'agissant des initiatives autour de la politique industrielle européenne, Monsieur Léonard, je veux surtout souligner la détermination du Gouvernement. Le ministre du redressement productif a demandé que nous portions au sein de l'Union une lettre signée par sept ministres européens de l'industrie demandant la mise en oeuvre d'une nouvelle politique industrielle : identification de nos filières d'excellence, mise en place d'une stratégie de transfert de technologie et d'innovation dans ces filières avec la constitution de clusters européens, mise en place du juste échange – de la réciprocité – avec la volonté de défendre nos industries en faisant en sorte qu'elles puissent accéder aux marchés publics des pays dont les industries ont accès aux nôtres. Tel est le sens de la politique industrielle que nous portons avec, évidemment, les parlementaires européens qui prennent en effet des initiatives souvent convergentes avec les nôtres.

Quelles leçons tirons-nous de ce qui s'est passé en Grèce et de la façon dont l'Europe s'est comportée, Madame Karamanli ? Elles sont en adéquation avec notre discours. L'Europe ne peut pas être une machine à ajouter des disciplines budgétaires aux disciplines budgétaires en évacuant totalement la question de la solidarité. L'Europe ne peut pas être une machine se fondant exclusivement sur des logiques punitives sans que nous allions au bout des dispositifs dont elle a besoin pour organiser en son sein la solidarité. L'Europe ne peut pas être une machine qui consiste à prendre les décisions le plus tard possible au prétexte que le marché finirait pas faire son oeuvre. Le temps perdu, c'est de l'argent dépensé en pure perte, de la désespérance, des peuples qui s'éloignent du projet européen, du populisme, lequel se manifeste rarement par son attachement aux valeurs démocratiques et se caractérise plutôt par une défiance à l'endroit de la tolérance, de l'écoute et de la solidarité.

Madame Fort, d'autres pays connaissent en effet des situations difficiles, comme Chypre, par exemple. La troïka s'en préoccupe, des accords sont en voie d'élaboration, nous faisons en sorte que ce pays soit aidé et il le sera.

En politique, Monsieur Cordery, les propos peuvent parfois varier en fonction des lieux, même si le Gouvernement ne procède pas ainsi. La fermeté et l'euro-scepticisme britanniques sont en effet patents mais, en même temps, les responsables sont conscients de l'apport du marché intérieur européen. Ils tiennent parfois des discours qu'ils ne voudraient pas tenir mais qui sont ceux attendus par leur base. C'est complexe ! Nous souhaitons quant à nous que la Grande-Bretagne demeure au sein de l'Union européenne. Nous considérons que la contribution de ce pays au marché intérieur est importante et utile et que le marché intérieur a beaucoup apporté au Royaume-Uni. Même si la singularité britannique s'exprime parfois sur un mode qui peut nous inquiéter au point de nous laisser penser que l'Angleterre pourrait s'éloigner de nous, nous savons aussi que cette singularité est une chance, qu'elle apporte une couleur particulière à l'Union européenne. Dans la vie politique comme dans la vie tout court, il faut parfois vouloir rester avec l'autre « pour deux », parce que son désir n'est pas toujours partagé. Les efforts que l'on déploie alors sont parfois payés de retour. Nous dialoguons constamment avec les Anglais. Souvenons-nous que la politique est un art de la subtilité plutôt que de nous attarder sur des déclarations sommaires et brutales. N'alimentons pas de polémiques inutiles. Le rôle de la France est de rassembler, de coaliser, de favoriser l'union du plus grand nombre des acteurs en présence.

Le PEAD, Madame Guittet, n'est pas négociable. Nous y travaillons beaucoup, avec Mme la Ministre Carlotti et M. le Ministre Le Foll, en essayant de faire en sorte qu'il soit doté, de même que le fonds d'adaptation à la mondialisation et le FSE. Nous ne « jouons » pas avec ces dispositifs. Les associations sont venues manifester devant l'Assemblée nationale et nous sommes allés à leur rencontre. Nous y avons même retrouvé des acteurs politiques qui avaient accepté, il y a dix-huit mois, que l'Allemagne et la France abandonnent ce programme. Ils ont dû se rendre compte qu'ils avaient eu tort, ce qui a conforté notre motivation… Nous continuerons à nous battre avec force sur cette question et nous rendrons compte au Parlement de notre action.

En ce qui concerne les agro-carburants, je vous communiquerai par écrit une réponse précise et exhaustive.

S'agissant du plan de croissance, nous respectons nos engagements – 120 milliards, 55 milliards de fonds structurels – et notre calendrier. Nous avons saisi la DATAR. En France, au titre des fonds structurels, 2,5 à 3 milliards sont disponibles. Nous attendons 7 à 8 milliards de retour de la part de la Banque européenne d'investissement (BEI) au titre des prêts de 60 milliards consentis au terme de sa recapitalisation à hauteur de 10 milliards. Enfin, nous présentons nos projets de telles manière qu'ils soient éligibles aux project bonds. Ce plan ne comporte aucune dimension artificielle : il existe ! D'ailleurs, confirmez-le à Jean-Louis Borloo – comme j'ai eu l'occasion de le faire moi-même ! Je lui communiquerai d'ailleurs l'ensemble des documents qui en témoignent. Le Pacte fait l'objet d'un travail précis et extrêmement sérieux de la Commission, y compris sur le plan règlementaire. La France en attend un retour spécifique. Je poursuis mes tournées dans les régions pour expliquer la façon dont il se décline et mobiliser tous les acteurs. Ce que nous voulons sur le plan budgétaire n'est d'ailleurs rien d'autre que le prolongement de ce que nous avons voulu avec le plan de croissance. Je le répète : nous ne demandons pas des coupes budgétaires supplémentaires parce que cela n'aurait pas de sens alors que nous nous sommes battus pour débloquer 120 milliards pour la croissance.

Le ministère des affaires européennes s'engagera dans la promotion de la « résolution Caresche » dès lors qu'il n'encourra pas le reproche de s'ingérer dans le périmètre législatif des différents parlements. Si j'étais parlementaire, je demanderais quant à moi au Gouvernement de ne surtout pas s'occuper de l'organisation d'une conférence interparlementaire. L'article 13 du TSCG prévoit que les parlements nationaux et européen doivent s'organiser pour organiser entre eux le contrôle de l'action de la Commission et des exécutifs au titre du « Semestre européen ». Si je m'occupais trop de cette question, une fronde ne manquerait pas de voir le jour de la part des parlementaires les plus jaloux de leurs prérogatives. D'un autre côté, si je ne m'en préoccupe pas, on me reprochera de rester inactif. Nous ferons donc les deux à la fois : nous allons promouvoir la « résolution Caresche » parce qu'elle est bonne pour la démocratisation de l'Europe, parce que nous voulons davantage de démocratie au sein de l'Union européenne dans le cadre de la feuille de route de M. Van Rompuy – et que nous entendons le dire –, et parce qu'à chaque fois que les Parlements décident d'exercer leurs prérogatives souveraines, ils contribuent à une telle démocratisation. Mais notre communication sur la résolution ne sera en rien assimilable à une substitution du Gouvernement au Parlement dans la mise en oeuvre des dispositifs qu'elle prévoit.

Au mois de novembre 2011, le précédent Gouvernement a décidé de sous-budgétiser les crédits de paiement nécessaires au financement d'ERASMUS et d'autres dispositifs. Nous avons été confrontés à une impasse de 9 milliards, 8,3 milliards au titre des fonds structurels, 90 millions au titre d'ERASMUS auxquels s'ajoute le budget du programme dédié à l'éducation et à la formation tout au long de la vie. Nous avons pris toutes les dispositions nécessaires pour qu'ERASMUS soit financé. Si les conditions avaient été réunies au Parlement européen pour que nous puissions bénéficier d'un consensus sur les budgets rectificatifs (BR) 5 et 6, nous l'aurions obtenu. Cela n'a pas été souhaité et je ne ferai pas de commentaire. Nous étions quant à nous prêts à réaliser les efforts qui ne l'avaient pas été. Je gage toutefois qu'il n'y aura pas de problème de financement. Dans le cadre du prochain budget, la dotation sera plus significative avec le programme ERASMUS pour tous résultant de la fusion d'ERASMUS et d'autres programmes à destination de la jeunesse.

La meilleure façon de nous libérer de cette interrogation lancinante sur le regard que les autres Européens portent sur nous, Monsieur Daniel, c'est de faire en sorte d'être forts en Europe. A cette fin, il faut être sérieux et ne pas nous mettre à expliquer que nous pourrions ne pas tenir les engagements que nous avons pris. Nous devons apparaître comme des gens budgétairement sérieux, déterminés à réaliser les réformes qui doivent l'être. Telle est la ligne du Gouvernement. En même temps, et pour cette raison même, celui-ci doit pouvoir s'autoriser à décrire les orientations de l'Union auxquelles il aspire. En effet, nous n'avons pas de raison de considérer que la juxtaposition des disciplines et des logiques d'austérité permettront à l'Europe de conforter sa relation avec les peuples qui la composent. Il faut que l'Union soit à la fois disciplinée, et ambitieuse pour la croissance et l'emploi. Si tel est le cas, nous changerons le regard que les Français et les peuples portent sur l'Europe et nous changerons le regard que celle-ci porte sur la France.

Monsieur Cordery, les Britanniques ont demandé des coupes à hauteur de 200 milliards, ce qui est beaucoup, et un rabais dont le montant n'est pas neutre. Mais si l'on répond à ces deux demandes, le budget européen n'existe plus. Nous leur avons donc clairement dit que, pour nous, ce n'était pas possible. Il faudra trouver un compromis. Comme nous n'avons pas senti les Britanniques désireux d'éviter un compromis à vingt-sept, on peut imaginer en l'occurrence qu'ils envisagent d'en trouver un dont ils seraient partie prenante. C'est ce que nous essayons de construire mais, comme toujours, lorsque les crispations sont nombreuses, il faut oeuvrer à la décrispation en se plaçant au barycentre de la négociation, sans s'en déporter jamais, là où le compromis est possible. Telle est la stratégie française. Vous connaissez la personnalité du Président de la République, ses talents pour faire avancer les dossiers lorsque la situation est tendue, son sens du compromis et des intérêts de l'Europe car il a été très à l'avant-garde du sentiment européen pendant cette négociation, tout en étant soucieux de nos intérêts nationaux. Par son positionnement barycentrique, la France jouera un rôle très important dans l'élaboration du compromis dont l'Europe a besoin. Avec les Britanniques, nous voulons une relation apaisée et, avec les Allemands, une relation confiante parce que nos deux pays jouent un rôle particulier en vue de la réalisation de ce compromis.

Je vous remercie.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C'est nous qui vous remercions, Monsieur le Ministre. Nous aurons l'occasion de vous réentendre après les différentes étapes européennes prévues au mois de décembre.

La séance est levée à 20 h 15