Nous poursuivons nos auditions sur la fiscalité des hébergements touristiques en accueillant M. Guylhem Féraud, président de la Fédération nationale de l'hôtellerie de plein air (FNHPA).
Je propose que vous nous présentiez votre action, puis nous aborderons plus particulièrement la question de la taxe de séjour, qui occupe une place majeure dans le dispositif.
La Fédération nationale de l'hôtellerie de plein air (FNHPA) rassemble l'ensemble des fédérations et syndicats de terrains de camping en France, soit plus de 9 000 terrains de camping au total.
La profession, qui avait massivement investi depuis une vingtaine d'années dans la qualité, s'est retrouvée dans une position plutôt favorable lorsque la crise a éclaté : les établissements, qui s'étaient largement modernisés, répondaient à la demande de la clientèle. Pendant la crise, nous avons donc continué à créer des emplois et le nombre de nuitées en camping n'a cessé de s'accroître, malgré une capacité d'accueil, qui, pour sa part, est restée stable depuis vingt ans.
Dans un premier temps, nous avons bénéficié de l'arrivée d'une clientèle nouvelle, aux revenus relativement élevés, et l'augmentation du nombre de nuitées s'est accompagnée d'une croissance à peu près équivalente du chiffre d'affaires. Cependant, depuis deux ans, la situation a changé : bien que le nombre de nuitées continue d'augmenter, nos marges diminuent, en partie du fait de l'alourdissement de la fiscalité, et notamment de la hausse de la TVA, qui nous a enlevé 4,5 points de marge – les tarifs étant restés sensiblement les mêmes. Le phénomène a été en partie compensé par une réduction des investissements dans les mobil-homes : le nombre de modèles neufs vendus aux terrains de camping est passé de 20 000, il y a trois ans, à 11 000, cette année. Cette variable d'ajustement semble néanmoins avoir épuisé ses possibilités : si l'on continuait sur cette lancée, le parc pourrait vieillir ; les fabricants de mobil-homes sont quant à eux en très grande difficulté, car ils ont subi de plein fouet la diminution des commandes.
Depuis quelques mois, on note en outre une exaspération croissante de la profession face à la multiplication des normes nouvelles. Je suis président de la Fédération depuis 1989 ; j'ai été l'artisan du rassemblement de la profession et j'ai assisté à sa croissance et à sa modernisation. Les gestionnaires de camping font habituellement preuve d'un bon état d'esprit : ce sont des personnes indépendantes, qui portent un regard positif sur l'avenir et qui se prennent en main – ils ne sont pas du genre à se plaindre de l'État tout en réclamant sans cesse des subventions et des aides. Or, depuis quelques mois, je perçois un durcissement de leur ton comme lors de notre dernier conseil d'administration. Jamais je n'ai vu des personnes aussi exaspérées par le résultat de vingt années de complexification administrative, d'un empilement de réglementations, d'une bureaucratisation croissante. Trop souvent, l'administration cherche à contrôler le bon respect des règles plutôt qu'à faciliter l'exploitation des terrains. Prises individuellement, ces règles peuvent être bonnes – nous avons même soutenu certaines d'entre elles ; le problème, c'est leur accumulation, qui a fini par démoraliser la profession.
Eh bien, par exemple, les normes d'insertion paysagère ont du bon, puisqu'elles obligent les gestionnaires de camping à intégrer leurs établissements dans le paysage, mais elles impliquent que l'on obtienne un permis d'aménager, au terme d'une procédure longue, complexe et coûteuse. De même, la réforme des normes de classement, que nous avions soutenue, arrive au mauvais moment !
Il y a aussi des choses que l'on subit. La réforme du temps partiel est ainsi la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Nos adhérents nous ont demandé de ne plus négocier avec les syndicats. Nous leur avons répondu que dans ce cas, ils ne pourraient plus conclure de contrats de moins de 24 heures hebdomadaires, ce qui serait très pénalisant pour eux – la profession comptant beaucoup de petits établissements qui emploient du personnel un jour par semaine, pour les arrivées et les départs. Le rejet est total. Or, la fédération étant organisée de manière pyramidale, nous avons besoin d'un mandat de nos adhérents pour négocier.
Le droit du travail est devenu extrêmement complexe. Pendant des années, j'ai géré la profession en insistant sur le fait qu'il fallait privilégier une démarche de partenariat, que la situation budgétaire étant difficile, il était normal que cela provoque un durcissement de la fiscalité ; ce discours était accepté. Aujourd'hui, j'ai l'impression que nous ne pouvons plus rien demander à nos adhérents. Ils nous accuseraient presque de collusion avec les services de l'État ! Ils veulent descendre dans la rue – mais ce n'est pas ma façon de procéder ; moi, je veux négocier, mais ma marge de manoeuvre est limitée.
Nous vous avons transmis un document qui résume bien la situation. Il y a quatre sources de mécontentement : l'augmentation des coûts, les freins au dynamisme et à la capacité d'innovation, la multiplication des contrôles et les incertitudes législatives et réglementaires.
Peut-être serait-il bon que vous soyez entendus par la commission des affaires économiques, qui a engagé des travaux sur le secteur du tourisme. En ce qui nous concerne, nous travaillons surtout sur le volet fiscal.
Tous les acteurs économiques font état de difficultés avec la réglementation. Que s'est-il passé depuis cinq ans pour que la situation empire à ce point ? Votre chiffre d'affaires ne semble pas avoir diminué au contraire, les mobil-homes se développent, et ils semblent attirer une nouvelle clientèle. Vos marges de manoeuvre financières se sont-elles réduites ?
Il est vrai que notre activité continue de progresser ; le nombre de nuitées en camping croît presque chaque année de 1 à 2 %. En revanche, le chiffre d'affaires progresse moins vite et nos marges se sont réduites. Le poids de la fiscalité s'est accru et les agences de voyage en ligne, les OTA, sont entrées en jeu : or, si leurs commissions n'étaient que de 2 ou 3 % il y a quelques années, elles atteignent aujourd'hui 15 à 20 %.
Elle est devenue très importante. Hier, l'une d'entre elles a déclaré compter 2 000 terrains de camping parmi ses clients – soit presque un quart de la profession !
Nous n'avons pas encore chiffré avec précision le phénomène, car il n'est devenu inquiétant que depuis un an ou deux. Pour ma part, j'évalue cette proportion à 20 % ; pour certains terrains, c'est peut-être plus, pour d'autres, moins.
Booking est arrivé il y a un an sur le marché, mais sa part y est encore réduite. Le plus important des OTA dans notre secteur est Octopode ; il y a aussi Expedia et d'autres sociétés de moindre poids, comme ANWB.
En réalité, les moyens financiers des OTA sont tels qu'ils rachètent les noms de domaine des campings ; ils en assurent ensuite la promotion et ils aspirent la clientèle. Les clients que les OTA adressent aux terrains de camping sont en premier lieu les habitués, qui ne se rendent pas compte qu'ils passent par un intermédiaire. Résultat : le camping en vient à payer une commission sur ses propres clients. Il est bien difficile de sortir du système, puisque, comme l'opérateur détient la propriété du nom de domaine, c'est ce dernier qui continuera d'attirer la clientèle, qui sera ensuite réorientée vers d'autres campings !
Venons-en au coeur de notre sujet : la taxe de séjour. Fonctionne-t-elle bien ? Comment vos adhérents la perçoivent-ils ? Jugent-ils qu'elle pourrait évoluer ?
Ce problème n'est pas récent ! La taxe de séjour mécontente tout le monde : les maires parce qu'ils n'arrivent pas à la percevoir correctement, et nos adhérents parce que ceux qui paient la taxe de séjour forfaitaire se plaignent qu'elle soit surévaluée. Je veux bien admettre que personne ne paie volontiers l'impôt, mais, en toute objectivité, il y a des problèmes.
Pourrait-on la faire évoluer ? À titre personnel, je pense que l'on pourrait élargir son assiette et diminuer son taux. Aujourd'hui, la taxe de séjour est concentrée sur l'hébergeur ; on dit que c'est le client qui paie, mais c'est toujours le cas, sous une forme ou sous une autre ! Elle représente en outre un montant non négligeable : pour la location d'un emplacement de camping, qui coûte en moyenne de 15 à 20 euros la nuit, il faut ajouter de cinquante centimes à un euro.
Les maires se plaignent de ne pas réussir à percevoir correctement la taxe auprès des hébergeurs individuels ; quant à nos adhérents, ils se plaignent d'être aisément contrôlables, lorsque d'autres ne paient jamais la taxe. Hier, nous avons procédé à un rapide sondage afin de recueillir l'avis de la profession avant de participer à cette audition : presque tous nos adhérents sont favorables un élargissement de la taxe, soit à d'autres activités du tourisme, comme la restauration ou les parcs de loisir, soit à la totalité de l'activité économique. Une taxe touristique communale représenterait un montant infinitésimal, elle n'inciterait pas à la fraude et il n'y aurait aucune tricherie possible ; elle pourrait en outre être perçue par les services de l'État.
Il s'agirait donc d'une sorte de TVA additionnelle locale. Les habitants s'en acquitteraient-ils eux aussi ?
Oui, mais son montant serait très faible, puisqu'il serait réparti sur l'ensemble de l'activité économique : du maçon au boulanger, tout le monde bénéficie des retombées du tourisme.
Que savez-vous des sous-déclarations ? S'agit-il d'une pratique généralisée ou la fraude est-elle marginale ?
Nous avons posé la question à nos adhérents, en leur demandant d'y répondre avec honnêteté. Il en ressort qu'en ce qui concerne les hébergements touristiques collectifs – hôtellerie, résidences de tourisme, campings –, globalement, les professionnels semblent respecter les obligations de déclaration. En revanche, pour les autres modes d'hébergement, comme les studios ou les appartements loués par des particuliers, il y aurait 80 % de déperdition.
Nous n'avons pas évoqué cette possibilité avec nos adhérents ; j'ignore si c'est possible pour les hébergeurs individuels.
À titre personnel, je n'y verrais pas d'inconvénient
Pensez-vous que les sous-déclarations soient plus nombreuses dans les campings que dans l'hôtellerie ?
La profession est dans sa grande majorité composée d'honnêtes gens. Les contrôles fiscaux donnent rarement lieu à des redressements importants ; nous n'avons pas rencontré de cas de tricherie caractérisée.
Avez-vous connaissance de contrôles qui auraient porté spécifiquement sur le versement de la taxe de séjour ?
Non, car la taxe de séjour a son propre système de contrôle. Les autres contrôles fiscaux sont réalisés par les agents du fisc, de façon très professionnelle ; pour la taxe de séjour, en revanche, on peut se demander comment c'est fait !
Ce n'est pas négligeable !
Travaillez-vous en bonne entente avec les communes ? Quand les clients réservent, leur précise-t-on bien qu'ils auront à acquitter une taxe de séjour au bénéfice de la commune d'accueil ?
Le client regarde le prix total qu'il va payer ; si on ne l'a pas prévenu avant, il prendra toujours mal le fait qu'on lui réclame un supplément.
Pour un mobil-home, le prix de la nuitée est bien plus élevé – de l'ordre de 100 euros –, mais la taxe est du même montant.
Le mobil-home n'est pas un mode d'hébergement à part, puisqu'il est installé sur un emplacement de camping.
Les camping-cars qui s'installent sur des terrains de camping sont redevables de la taxe de séjour, mais pas les autres. Qu'en pensez-vous ?
Je distinguerai l'avis de la profession et le mien.
La profession juge cela parfaitement injuste ; mais selon moi, ce n'est pas très important, car ce n'est pas ce qui va guider le choix du stationnement. Le problème n'est pas tant la taxe de séjour que le principe même d'un accueil gratuit : les aires de camping-cars publiques nous font une concurrence déloyale, puisque l'on y propose gratuitement des services qui, chez nous, supposent des investissements et font l'objet d'une taxe.
A priori, le paiement de la taxe de séjour ne fait guère l'objet de contrôles sur le terrain. Faudrait-il confier cette tâche à l'administration fiscale ?
À titre personnel, je pense qu'une unification des contrôles serait plus économique. Cela permettrait à l'administration de réaliser des économies d'échelle et il n'y aurait plus besoin de faire appel à un deuxième contrôleur, d'une compétence parfois déficiente, pour remplir cette mission.
Cela dépend des communes : certains s'en plaignent, d'autres sont satisfaits. Dans certains cas, on demande un acompte important, dans d'autres, on laisse aux gestionnaires une certaine liberté pour effectuer les versements. Mais à de rares exceptions près, cela semble bien se passer : les critiques sur ce point sont peu nombreuses.
Nous sommes favorables à un élargissement de son assiette.
Nous travaillons en partenariat étroit avec les associations de maires. Une de leurs principales critiques porte sur l'application de la taxe de séjour aux propriétaires individuels qui installent leur mobil-home à l'année sur un terrain de camping : il peut en effet être compliqué de dénombrer les nuitées d'occupation ; c'est en tout cas plus difficile que pour un client de passage. Sur ce point, nous ne sommes pas opposés à un changement – sur le principe en tout cas : reste à savoir si c'est le bon moment !
Lors de nos échanges avec les associations d'élus, il a été évoqué la possibilité d'appliquer une fiscalité différente pour les mobil-homes résidentiels, qui utilisent beaucoup les services de la commune comparativement aux touristes de passage. Il a même été envisagé d'appliquer une taxe au forfait aux mobil-homes de ce type et une taxe à l'usage pour les autres.
Actuellement, une personne qui installe son mobil-home sur un terrain de camping est assujettie à la taxe de séjour, mais elle ne paie ni la taxe foncière, ni la taxe d'habitation !
Telle est en effet l'injustice fiscale qui a été soulignée. Pourtant, le propriétaire d'un mobil-home qui passe tous ses week-ends dans le même lieu a le même usage des services communaux que le propriétaire d'une résidence secondaire.
Il existe toutefois une fiscalité indirecte, puisque le gestionnaire de camping doit payer la cotisation foncière des entreprises (CFE) sur les emplacements qu'il loue. Le client y contribue indirectement.
Aujourd'hui, la solution qui vient d'être évoquée n'est pas applicable, car la loi ne permet pas de percevoir, pour un même établissement, une taxe de séjour qui serait en partie au forfait et en partie au réel. Sur ce point, nous sommes force de proposition ; toutefois, il conviendrait de bien analyser les choses avant de s'engager dans cette voie.
Je précise que nous souhaitons non seulement maintenir une ressource non négligeable pour les collectivités territoriales, mais aussi aboutir à une simplification du dispositif. A priori, une modulation de la taxe n'irait pas dans ce sens.