La Commission examine le rapport d'information de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) sur la gestion des programmes d'investissements d'avenir relevant de la mission Recherche et enseignement supérieur (MM. Alain Claeys et Patrick Hetzel, rapporteurs.)
Le rapport d'information sur la gestion des programmes d'investissements d'avenir – PIA – relevant de la mission Recherche et enseignement supérieur est établi selon trois axes principaux. Le premier porte sur la gouvernance, c'est-à-dire la manière dont les dossiers ont été sélectionnés et les investissements d'avenir gérés. Le deuxième porte sur les conséquences des investissements d'avenir sur l'organisation de la recherche. Enfin, le troisième porte sur l'articulation de ces investissements avec les autres formes de financement de la recherche en France.
Le premier programme d'investissements d'avenir est un programme de 35 milliards d'euros visant à rendre le pays plus compétitif et à favoriser une croissance durable. Il a été lancé en décembre 2009, à la suite de propositions faites par la commission dite « Juppé-Rocard ». Les crédits nécessaires, financés pour la plus grande partie par ce qu'on a appelé le « Grand Emprunt » ont été ouverts par la loi de finances rectificative du 9 mars 2010. Pour en assurer la mise en oeuvre, la fonction de commissaire général à l'investissement, placé sous l'autorité directe du Premier ministre, a été créée.
Les deux tiers des crédits du PIA, soit 21,9 milliards d'euros, ont été attribués à la recherche et à l'enseignement supérieur. Sur ce total, 12 milliards d'euros ont été affectés à la recherche fondamentale et à l'enseignement supérieur proprement dits. Il s'agissait de financer pour 8,7 milliards d'euros des initiatives d'excellence, ou Idex – qui sont en fait des sites d'excellence –, ainsi que des laboratoires d'excellence, ou Labex ; s'y ajoutent 2,3 milliards d'euros destinés au site de Saclay et à des sites parisiens ; un milliard d'euros a aussi été attribué à des équipements d'excellence, ou Equipex ; enfin, 163 millions d'euros ont été redéployés en faveur d'une action « Initiatives d'excellence en formations innovantes », ou Idefi. De plus, 2,4 milliards d'euros ont été affectés à la filière santé et biologie, pour la création d'instituts hospitalo-universitaires – qui jouent aujourd'hui un rôle important sur les territoires – et le financement de recherches dans six domaines ciblés.
Le PIA consacre aussi 4,5 milliards d'euros à la valorisation de la recherche et à la recherche appliquée. Sur ce total, un milliard d'euros est consacré à une chaîne de valorisation entièrement nouvelle, destinée à permettre aux résultats de la recherche fondamentale de traverser ce que l'on appelle la « vallée de la mort », qui les sépare de leur exploitation par l'industrie et qui voit parfois le financement public prendre fin alors même qu'aucun financement privé ne vient prendre le relais. D'amont en aval, 50 millions d'euros sont consacrés à six consortiums de valorisation technologique, 900 millions d'euros à quatorze sociétés d'accélération du transfert de technologies – SATT –, pour assurer la maturation industrielle des résultats, et 50 millions d'euros à une société d'exploitation de brevets adossée à la Caisse des dépôts et consignations et dénommée France Brevets. S'y ajoutent 3,5 milliards d'euros pour le développement de trois types d'instituts de recherche appliquée : huit instituts de recherche technologique – IRT –, douze instituts de transition énergétique – ITE – et trente-trois instituts Carnot.
Enfin, 3 milliards d'euros ont été réservés à des actions de recherche industrielle conduites dans trois filières, l'espace, l'aéronautique et le nucléaire, dont les opérateurs relèvent budgétairement de la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur.
Les crédits du PIA devaient être attribués sur la base d'appels à projets, examinés par des jurys internationaux sur des critères de qualité ou d'excellence. J'insiste sur le fait que ces critères sont les seuls pris en compte : ceux relatifs à l'aménagement du territoire ne sont en aucun cas pris en considération – il y a cependant eu, à la demande du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, une demande d'évaluation territoriale ayant pour objet de déterminer comment les crédits provenant du PIA avaient été distribués sur l'ensemble du territoire. Par ailleurs, les financements devaient venir en sus des crédits budgétaires, et ne pas s'y substituer. Enfin, les projets devaient faire l'objet d'un suivi précis et d'évaluations régulières, à la suite desquelles les versements, décaissés au fur et à mesure de leur avancement, pouvaient être suspendus ou supprimés.
Les débuts du PIA, et particulièrement le conventionnement des projets après leur sélection par les jurys, ont été marqués par d'importants retards. La première raison a été constituée par les difficultés des porteurs de projets à répondre aux cahiers des charges très précis, voire pointilleux, qu'il leur était demandé de remplir. Les organismes de recherche et les établissements d'enseignement supérieur sont confrontés à l'obligation de constituer un grand nombre de dossiers, que ce soit pour les investissements d'avenir, pour les demandes adressées directement à l'Agence nationale de la recherche, ou pour les fonds européens destinés à la recherche et à l'enseignement supérieur. La lourdeur des démarches à effectuer a même eu pour conséquence une diminution de la consommation des crédits européens.
Une deuxième raison a pour origine le fait que l'opérateur principal de l'État pour le PIA, l'Agence nationale de la recherche – ANR –, ne disposait ni des instruments financiers ni des moyens humains pour traiter le nombre considérable des projets à conventionner et la masse des 19 milliards d'euros de crédits qu'elle devait attribuer et verser.
L'ANR a été depuis mise à niveau, et cet épisode est derrière elle. Les projets ont été conventionnés, et les crédits sont désormais versés dans les temps. Les non-décaissements sont aujourd'hui le signe non pas d'un engorgement de la machinerie administrative, mais des difficultés du projet financé.
Les projets sont suivis par l'ANR. Des comités de pilotage – COPIL – ont été instaurés. Ils regroupent l'ANR, les administrations compétentes, au premier plan desquelles la direction générale de la recherche et de l'innovation du ministère chargé de la recherche, et le Commissariat général à l'investissement – CGI –, qui y siège au moins à titre d'observateur. Ces comités de pilotage constituent une interface stratégique pour la coordination du pilotage des investissements d'avenir entre le niveau interministériel et le ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur.
À chaque étape, l'ANR fait rapport au COPIL sur le projet concerné, après avoir le cas échéant consulté le jury qui l'avait sélectionné. En fonction de ce rapport, le COPIL décide, par consensus, la poursuite, la réorientation ou – c'est rare, mais c'est arrivé – l'arrêt du projet. Le CGI transmet alors la décision du COPIL au Premier ministre, ou informe celui-ci de son désaccord. La même organisation a été mise en place pour les projets relevant des trois filières spatiale, aéronautique et nucléaire. Cette organisation est désormais jugée pertinente, au même titre que le recours à des jurys internationaux. L'essentiel des propositions de réforme porte sur la simplification des conventionnements et du suivi.
Dans ces conditions, nous proposons de conserver le dispositif institutionnel de suivi des projets : suivi par l'opérateur public, prise des décisions stratégiques sur les projets par un comité de pilotage et, en cas de désaccord au sein de celui-ci, par le Premier ministre sur rapport du CGI. Nous approuvons également l'action conduite pour simplifier les procédures de contractualisation et de contrôle des projets, grâce au préfinancement systématique et à la suppression de certains documents et annexes ainsi que de certaines étapes de validation. Pour la conduite des projets, il faut privilégier les procédures a posteriori, alléger les contrôles a priori et concentrer le suivi individuel sur les situations à risque.
Enfin, nous avons pu constater que le circuit d'attribution des fonds est bien distinct de celui de la répartition des crédits budgétaires. L'usage des fonds est contrôlé avant et après leur attribution. Il est ainsi impossible de rendre les deux types de crédits fongibles. Le seul cas prêtant à confusion, les avances remboursables de l'Airbus A350, est très particulier, et sur ce point nous renvoyons à notre rapport.
Quels sont les premiers résultats des actions menées ? Dans une perspective de développement du potentiel de la recherche française, l'objectif des initiatives d'excellence est de rapprocher universités, écoles et établissements des grands organismes de recherche présents sur un même site. Huit projets ont été sélectionnés par le jury, deux autres recevant des fonds beaucoup plus modestes destinés à les aider à atteindre les critères de sélection.
La création des Idex a abouti à de réels rapprochements : les Idex permettent de remodeler le paysage universitaire et de recherche. À Saclay, où nous nous sommes rendus, une gouvernance commune associant l'ensemble des institutions et organismes d'enseignement supérieur et de recherche présents sur le site a été construite. La totalité des doctorats et des masters y est désormais mutualisée.
L'action Labex produit les mêmes effets. Près de 60 % des Labex sont du reste rattachés à une Idex. À Saclay, les Labex ont un fort effet fédérateur. Le rapprochement des équipes qu'ils provoquent permet de fusionner les laboratoires et d'intégrer les équipes des grandes écoles, en général trop petites pour mener à bien des projets ambitieux. Les effets positifs du rapprochement, dans un même Labex, de spécialistes scientifiques mondiaux en recherche pure et d'équipes habituées à travailler avec l'industrie ont aussi été soulignés.
Ces premiers succès font apparaître de nouveaux défis, que je laisse le soin à Patrick Hetzel de vous exposer.
Même si l'objectif initial des Idex était bien d'accéder au niveau international, huit sites d'excellence ne suffisent pas à constituer une politique de l'excellence sur le territoire. Nous pensons également que la réussite des Idex pourrait aussi, à la longue, affaiblir les autres sites, qui ne disposent pas non plus des mêmes crédits.
Les voies pour remédier à l'insuffisante couverture du territoire par les Idex pourraient être les suivantes. D'abord, développer des regroupements d'excellence au spectre scientifique plus étroit que celui des Idex, mais plus large que celui des Labex. Nous sommes donc favorables à la création des nouvelles I-SITE – initiatives structurantes innovation-territoires-économie – qui correspondent à cette définition.
Ensuite, permettre la création de nouvelles Idex, afin que le système respire : les Allemands, après avoir décidé de lancer des initiatives d'excellence sur leur territoire, ont décidé d'en délabelliser certaines, en même temps qu'ils labellisaient d'autres sites. Une telle démarche n'est pas forcément aisée, mais il faut savoir l'entreprendre en vue de l'excellence et d'une gouvernance robuste. À cette fin, il convient de laisser aux porteurs de projets le temps de constituer l'affectio societatis qui leur permettra de répondre avec succès aux critères des jurys internationaux.
Deux autres risques sont, d'une part, le doublonnage des organes de gouvernance des Idex et de ceux des nouveaux regroupements institués par la loi du 22 juillet 2013, tels que les communautés d'universités et d'établissements – COMUE –, et, de l'autre, la dilution des Idex dans une gouvernance trop confuse de ces nouveaux regroupements.
Pour les éviter, il faut d'abord impérativement veiller à la solidité et à l'efficacité de la gouvernance des Idex. La solution la plus rationnelle sur un site est une gouvernance commune de l'Idex et de la COMUE. Elle doit donc être encouragée, mais à de très strictes conditions. Le transfert de la gouvernance d'une Idex à une COMUE doit être soumis à l'établissement préalable par celle-ci, pour sa propre gouvernance, de règles solides et claires, associant les établissements des grands organismes de recherche nationaux présents sur le site, ainsi que les grandes écoles, et procédant d'une véritable affectio societatis entre ses composantes.
Enfin, 97 % des dotations affectées aux Idex sont dites non consommables : les Idex n'en perçoivent chaque année que les intérêts, actuellement calculés au taux de 3,41 %. Cependant, ces dotations elles-mêmes seront transférées aux Idex dont l'évaluation en 2016 sera positive. Cette disposition prévue dès le départ est essentielle pour la consolidation et la pérennisation des Idex, et la commission des Finances devra veiller à ce qu'elle ne soit pas remise en cause.
Cette chance historique doit être saisie. En revanche, elle ne doit pas être gaspillée. Nous proposons donc que, lors du transfert des dotations non consommables aux Idex, soient fixées des conditions d'utilisation s'inspirant des clauses généralement attachées, à l'étranger – notamment en Allemagne et en Amérique du Nord –, aux financements institués par des fondations.
L'exécution du PIA a aussi fait apparaître, sur le plan financier, des éléments auxquels il faudra remédier. Ainsi, les Equipex ne sont pas toujours financés intégralement. Comme le président de l'université de Strasbourg, M. Alain Beretz, l'a démontré de façon très probante, une partie de leur coût d'exploitation pèse sur les crédits récurrents de l'établissement d'accueil. Les Idex créent une dynamique mais aussi, dans le même temps, des dépenses qui ne sont pas intégralement couvertes par le financement qui leur est dédié. Il en est de même des Labex, qui ne sont pas toujours dotés des crédits nécessaires aux projets qui leur ont valu leur sélection.
L'une des raisons de cette situation est que, alors que les coûts indirects d'un projet sont en moyenne de 25 % de celui-ci, ils ne sont couverts en France qu'à hauteur de 15 % – c'est ce que l'on appelle le préciput, ou overhead en anglais. Au titre du programme des investissements d'avenir, leur taux avait même été fixé à 4 % seulement, avant d'être récemment porté à 8 %, mais pas pour toutes les actions. Une prise en compte plus réaliste des coûts indirects doit remédier au financement partiel des projets par le PIA.
À terme, cependant, le remède est bien le calcul des financements à coûts complets. Pour atteindre cet objectif, il faut ériger en priorité l'établissement d'une comptabilité analytique précise et fonctionnelle au sein des établissements d'enseignement supérieur et de recherche, auxquels cet outil fait défaut pour le moment.
Le financement seulement partiel de l'équipement ou du projet a pu aussi avoir pour cause l'attente de financements complémentaires, issus d'autres partenaires : or, trop souvent, les crédits qui devaient faire effet de levier ont été les seuls disponibles.
Autre difficulté, le financement du PIA ne couvre pas toujours la durée de vie du projet, ou ne permet pas le renouvellement de l'équipement. Le financement de certaines « cohortes » en matière de santé publique n'est ainsi assuré que pour cinq ans, alors qu'un certain nombre de spécialistes considèrent, à l'instar de l'Inserm, qu'une cohorte nécessite un suivi sur vingt à trente ans pour être efficace. Il faut donc effectuer dès à présent la revue des programmes financés et des conditions de leur réalisation pour anticiper la limitation dans la durée des financements.
Enfin, si les crédits mobilisés par le PIA ont bien financé des projets identifiés comme d'avenir, il s'avère que les crédits récurrents du ministère de la recherche ne sont pas suffisants pour financer d'autres projets. Comme l'a dit Alain Claeys, nous devrons donc revenir sur la question essentielle de l'articulation entre les financements budgétaires, c'est-à-dire récurrents, et les financements extrabudgétaires – en l'occurrence, les investissements d'avenir. Ainsi, les crédits annuels du ministère ne lui permettent de financer ni le renouvellement prochain de notre flotte océanographique, ni la participation de la France à un grand projet européen de production de neutrons. Pour assurer une meilleure cohérence des financements de la recherche, il faut donc développer la fonction de coordination interministérielle du Commissariat général aux investissements auprès du Premier ministre lors de l'analyse préalable des projets à financer. Cette procédure doit permettre l'expression des ministères de tutelle de la mission Recherche et enseignement supérieur, au premier rang desquels le ministère chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur leurs priorités.
S'agissant de la chaîne de valorisation de la recherche créée par le PIA, les consortiums de valorisation thématiques offrent aux alliances de recherche, auxquelles ils sont adossés, et qui regroupent par grands secteurs les acteurs de la recherche, un instrument nouveau pour signaler à l'industrie les recherches à valoriser. Par ailleurs, l'activité de France Brevets est désormais bien connue de certaines industries, et son directeur général en est un professionnel reconnu. Que cette activité ne soit profitable que sur le temps long n'est pas considéré comme un obstacle par la Caisse des dépôts et consignations, qui s'y est engagée en toute connaissance de cause.
En revanche, malgré leur rapide développement, les SATT suscitent des controverses : à quelques exceptions près – je pense notamment à la société Conectus Alsace, qui donne toute satisfaction –, il apparaît que leur fonctionnement peut encore être amélioré. Leur fonction de « coopératives de brevets » a rapidement fait entrer certaines d'entre elles en conflit avec les grands organismes nationaux de recherche qui s'étaient dotés de leurs propres filiales de valorisation industrielle, comme le CEA ou l'Inserm.
Quels que soient son dynamisme et son utilité, la chaîne de valorisation du PIA ne doit pas avoir pour conséquence la mise en cause de ce qui a déjà été construit. Dans ces conditions, nous proposons d'assouplir le modèle initial des SATT de façon, en particulier, à tenir compte des dispositifs de valorisation existant dans les grands organismes nationaux de recherche : il serait dommage de ne pas valoriser l'expertise qui a été acquise.
Par ailleurs, il est demandé aux SATT d'assurer leur équilibre économique à dix ans. Si un tel objectif n'est pas toujours insurmontable, il peut amener les SATT à privilégier leur rentabilité interne à court terme grâce à la vente de brevets, ce qui constitue une source de tensions : un certain nombre d'activités de recherche ne doivent pas être traitées uniquement à l'aune du court terme. Nous considérons aussi que les critères d'évaluation des SATT doivent privilégier des objectifs de développement économique : l'articulation entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée – c'est-à-dire l'industrialisation, qui permet la création de richesses pour le pays – ne doit pas être négligée.
Les instituts destinés à mieux associer l'industrie et la recherche, en faisant travailler celle-ci pour celle-là, semblent souvent, même s'il y a des exceptions, connaître des débuts laborieux. L'octroi de la personnalité juridique, des ambitions parfois excessives, ainsi que des conflits entre partenaires, semblent être les causes de ces difficultés. Il faudra donc veiller à insérer dans leur univers scientifique et industriel les instituts de recherche technologique, les instituts de transition énergétique et les instituts Carnot. Cela peut passer par des assouplissements de statuts. Là encore, une évaluation régulière doit être réalisée pour juger de la bonne utilisation des crédits.
La répartition des crédits consacrés aux filières spatiale, aéronautique et nucléaire semble rencontrer un grand succès : l'effet de levier est là, les projets auxquels ces crédits sont affectés renforcent les industriels français face à la concurrence mondiale, des retours sur investissement ont déjà été obtenus et d'autres sont attendus.
Le choix de confier la sélection des projets aux filières elles-mêmes a cependant abouti à privilégier des recherches à maturité technologique élevée aux dépens de recherches plus en amont, porteuses d'innovations de rupture au-delà de l'horizon des projets financés – mais c'est là une difficulté que la France n'est pas la seule à rencontrer.
Dans les filières industrielles qui déterminent elles-mêmes la nature des projets financés sur crédits du PIA, nous devrons être attentifs au maintien de crédits suffisants pour la recherche civile amont, la partie strictement opérationnelle n'étant pas la seule qui importe.
Enfin, si la Mission d'évaluation et de contrôle ne peut que donner acte au CGI de l'abondance de l'information donnée au Parlement sur la progression des actions financées par le PIA, l'information fournie lors des demandes d'ouvertures de crédits en loi de finances est en revanche trop succincte. Il faut donc développer l'information du Parlement, en amont de la phase de lancement des futurs PIA, sur le choix des domaines qu'il est envisagé d'ouvrir à un PIA, notamment par des auditions du commissaire général à l'investissement soit par la Mission d'évaluation et de contrôle, soit par la commission des Finances, sur la base d'un document élaboré par le CGI en prévision de chacune de ces auditions.
Messieurs les rapporteurs, merci pour vos exposés clairs et complets, qui dressent un bilan favorable de la procédure mise en oeuvre. Vous semblez dire que les risques de détournement du dispositif en vue de régler des problèmes budgétaires sont maîtrisés. Pour ce qui est des enjeux de gouvernance, pouvez-vous nous indiquer en quoi, selon vous, le dispositif de financement actuel est en train de modifier le mode de fonctionnement des organismes traditionnels de recherche ?
Monsieur le président, votre question porte en fait sur trois sujets différents.
Premièrement, que la commission des Finances soit informée des orientations du PIA est essentiel : au-delà des quelques données dont nous disposons, un débat doit s'instaurer avec le Parlement sur les grandes orientations et la mise en place des PIA.
Deuxièmement, il ne faut pas que l'attribution des crédits des PIA aboutisse à la coexistence, de fait, de deux ministères chargés du financement de la recherche. La mise en place des investissements d'avenir va forcément conduire à la mobilisation de crédits récurrents, attribués par le ministère de la recherche. À défaut d'une bonne articulation, certains investissements d'avenir risquent de connaître eux-mêmes des problèmes de financement.
Troisièmement, les investissements d'avenir doivent-ils favoriser la mise en place d'une gouvernance plus efficiente, au niveau des universités et des organismes de recherche sur les territoires ? À cette question, nous répondons par l'affirmative. Il faut que la gouvernance des COMUE et des Idex soit commune, et à l'origine d'une plus grande efficience à niveau de financement constant.
La mise en oeuvre des investissements d'avenir a déjà provoqué un travail important pour créer une nouvelle dynamique, et amener les acteurs – notamment les grands organismes de recherche et les établissements d'enseignement supérieur – à s'interroger sur leurs stratégies et à modifier leurs structures organisationnelles. Le Parlement a un rôle essentiel à jouer pour maintenir cette dynamique sous tension : l'inertie ne doit pas s'installer.
Nous devons veiller au respect de certains principes, à commencer par celui selon lequel les PIA n'ont pas vocation à faire de l'aménagement du territoire – même s'ils peuvent incidemment y contribuer. Comme l'a dit le commissaire général à l'investissement, M. Louis Schweitzer, ces financements ne doivent pas être des instruments de péréquation sur les territoires ; leur objectif, c'est l'excellence. Le système doit rester à l'abri de toutes les pressions et obéir à ce seul critère. Dans la région dont je suis l'élu, les projets d'Idex de Grenoble et de Lyon n'ont pas été labellisés. On peut le regretter. Mais cela prouve l'indépendance des jurys face aux pressions qui n'ont pourtant pas manqué de s'exercer. Le principe d'excellence doit rester intangible si nous voulons que notre pays figure parmi les leaders au niveau international. On sait que l'absence de labellisation résulte d'une défaillance des acteurs à s'organiser et à faire émerger un projet en commun.
Par ailleurs, le PIA est un peu trop souvent vu comme une sorte de « couteau suisse » : dès que des besoins de financement se font sentir en matière de recherche ou de développement économique, c'est à ce dispositif que l'on pense en premier, pour ne pas dire en exclusivité – c'est le cas, par exemple, dans le domaine des contrats de plan État-région, où l'État renvoit systématiquement les porteurs de projets aux investissements d'avenir. Si cela ne pose pas vraiment de problème dans les territoires dotés d'une ingénierie suffisante, cela peut se révéler plus gênant dans d'autres ne possédant pas de structuration de la recherche et des entreprises. Il faudrait admettre que, pour un certain nombre de projets, le PIA n'est pas forcément la solution – et, dès lors, réfléchir à la création de dispositifs complémentaires.
Enfin, quelle que soit l'efficacité du PIA, la contrainte budgétaire ne manquera pas de se faire sentir : les crédits du PIA viennent souvent abonder des politiques conduites dans le cadre budgétaire de droit commun, parfois par deux ou plusieurs ministères. Il faudra donc, à un moment où à un autre, réabonder les financements par voie de PIA.
C'est justement parce que de nombreux projets relèvent de cofinancements par deux ou plusieurs ministères que nous sommes très favorables à ce que le Commissariat général à l'investissement joue davantage son rôle de coordination interministérielle.
Par ailleurs, si nous sommes tout à fait d'accord sur l'importance qui doit être accordée au critère d'excellence, j'insiste à nouveau sur l'intérêt qu'il y aurait à voir émerger des regroupements d'excellence au spectre scientifique plus étroit que celui des Idex, mais plus large que celui des Labex – de ce point de vue, les I-SITE semblent constituer la structure de taille pertinente.
Notre collègue Alain Claeys a indiqué que certains crédits correspondant à des projets conventionnés n'étaient pas versés, et que cela n'était pas forcément dû à la complexité des formalités à accomplir. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce point, notamment sur les motifs de non-versement et le pourcentage des crédits concernés ?
Par ailleurs, si chacun s'accorde à reconnaître une importance essentielle au critère d'excellence, le rapport fait aussi état d'avis plus nuancés en la matière. Le Commissariat général à l'investissement lui-même indique qu'à titre expérimental, une enveloppe de crédits de 50 millions d'euros a été créée dans le PIA 2, dont l'attribution sera codécidée par le CGI et les régions, qui l'abonderont de 50 millions d'euros. Par ailleurs, on constate que sur les huit Idex, quatre sont concentrés sur Paris et l'Île-de-France, ce qui n'en laisse que quatre autres sur les territoires. Cela doit nous inciter à engager une réflexion sur le maillage des territoires, où des réseaux doivent se créer.
Au cas où un PIA 3, que M. Louis Schweitzer appelle de ses voeux, serait lancé, je m'interroge sur son éventuelle articulation avec l'action de la Banque publique d'investissement. Si la BPI n'est pas directement positionnée sur les investissements d'avenir, elle détient néanmoins sept à neuf milliards d'euros d'actifs, issus du Fonds stratégique d'investissement, au sein de diverses sociétés sans que cela présente un grand intérêt stratégique : il me semble qu'il serait plus judicieux de diriger ces fonds vers des investissements d'avenir.
Je m'interroge également sur l'articulation du PIA avec le plan Juncker.
Enfin, maîtrisez-vous complètement les inscriptions budgétaires, jusqu'en 2017 voire au-delà ?
Ne pensez-vous pas qu'il existe aujourd'hui un effet d'éviction entre les appels à projets annuels organisés par l'Agence nationale de la recherche et ceux financés dans le cadre du PIA, où l'ANR n'est que prestataire de services ? Ces deux types d'appels à projets sont très différents : les premiers sont des soutiens aux opportunités portées par des équipes de recherche, les seconds résultent d'approches plus structurantes. Cependant, quand on examine le budget de l'ANR, on se rend compte que son budget de programmation est passé de 629 millions d'euros en 2010 à 395 millions d'euros en 2014. Dans ces conditions, comment évaluez-vous ce risque d'effet d'éviction entre deux niveaux d'intervention qui, à mon sens, doivent être complémentaires et non exclusifs l'un de l'autre ?
Si chacun s'accorde à reconnaître l'utilité des SATT, il semble que se pose un problème de cohérence entre leur action et celle des régions. Comment préconisez-vous d'y remédier, dans le contexte de la montée en puissance des régions dans les domaines de l'économie et de la recherche ? Par ailleurs, comment assurer la cohérence territoriale de l'action des SATT et des régions dès lors qu'il existe quatorze SATT dans une France qui comptera prochainement treize régions, et que les territoires respectifs de ces entités ne correspondent pas ?
L'Agence nationale de la recherche a effectivement deux fonctions : d'une part, elle est opérateur des investissements d'avenir – ce pour quoi elle s'est dotée des moyens de gestion nécessaires –, d'autre part, elle lance ses propres appels à projets. L'examen des chiffres fait apparaître que le taux de réussite pour une équipe sollicitant des crédits auprès de l'ANR est de plus en plus bas : il ne faudrait pas que cela ait pour conséquence de voir les équipes porteuses de projets se détourner de l'ANR. En tant que rapporteur des crédits de la recherche pour la commission des Finances, j'estime que, après le redimensionnement effectué ces dernières années, le niveau des crédits d'intervention de l'ANR ne doit plus diminuer.
Les investissements d'avenir et les crédits récurrents doivent être complémentaires, les uns ne vont pas sans les autres. Certains équipements financés par des investissements d'avenir risquent de se trouver bloqués faute de crédits récurrents leur permettant de fonctionner. Un débat sur le pilotage des crédits trouverait, à mon sens, sa place lors du débat budgétaire.
Je partage l'avis d'Alain Claeys sur l'historique de l'évolution du financement de la recherche par projets de l'ANR, et j'irai même un peu plus loin en disant qu'il faudrait peut-être augmenter ce financement. Pour ce qui est de l'effet d'éviction, j'estime qu'il est ailleurs : le PIA a contribué à développer un effet d'éviction dans la mesure où un certain nombre d'équipes qui pouvaient y recourir ont, de ce fait, cessé de solliciter systématiquement des financements européens. Nous devons donc veiller à ce que les équipes françaises ne perdent pas l'habitude de capter les ressources disponibles au niveau européen. Sur ce point, nous partageons l'avis du ministère sur le fait qu'il y a là des marges de progression.
Le PIA n'a effectivement pas pour rôle de financer des actions d'aménagement du territoire. Cela dit, il faut que les appels à projets soient bien diffusés sur le territoire. Lundi dernier, le préfet de ma région a organisé à ma demande une réunion sur les investissements d'avenir avec les opérateurs locaux. J'ai pu constater à cette occasion que la diffusion des appels à projets n'atteignait pas toujours les acteurs du territoire qu'ils pouvaient intéresser. Il y a là un problème d'ingénierie financière auquel il faut rester vigilant. Si les investissements d'avenir n'ont pas pour vocation première l'aménagement du territoire, il est tout de même essentiel que des équipes émergentes puissent être sollicitées à ce sujet.
Des crédits prévus pour un projet pourtant conventionné peuvent ne pas être versés du fait de l'arrêt de ce projet : tel a été le cas pour un projet d'institut de transition énergétique pour lequel des financements d'avenir avait été prévus et qui a été abandonné.
Votre proposition n° 5 consiste à simplifier les procédures de contractualisation et de contrôle des projets. Les chercheurs, les chefs d'entreprise et les responsables des structures chargées du financement considèrent effectivement que les contrôles et les formalités sont d'une lourdeur excessive, et plusieurs pays européens ont déjà pris des mesures visant à simplifier considérablement les choses. Selon vous, comment cette simplification devrait-elle être effectuée ?
En matière d'investissements d'avenir, je pense qu'il faut laisser la main au CGI pour appliquer la feuille de route visant à la simplification des procédures. Comme nous l'avons écrit dans notre rapport, il faut passer d'un contrôle a priori à un contrôle a posteriori, effectué non pas de manière systématique, mais par échantillonnage. Le CGI s'est laissé emporter par une logique un peu trop bureaucratique, peut-être en raison du fait qu'un certain nombre de ses collaborateurs, recrutés au sein des administrations centrales, ont eu tendance à reproduire certains modèles bureaucratiques auxquels la création du CGI visait précisément à échapper. Une première simplification est déjà intervenue mais nous devons aller plus loin dans ce domaine ; je pense que nous y parviendrons, car je sais que M. Louis Schweitzer y est bien décidé.
Les rapporteurs évoquent, à la page 134 de leur projet de rapport, des financements trop centrés vers l'aval. Ainsi M. Bruno Sainjon, P.-D.G. de l'Office national d'études et de recherches aérospatiales – ONERA –, précise-t-il que seulement 4,7 % du financement va vers des laboratoires de recherche académiques. Pourrions-nous en savoir un peu plus sur ce point ?
Certaines filières industrielles déterminent elles-mêmes la nature des projets qui seront financés par des crédits provenant des PIA. C'est le cas de la filière aéronautique, qui a eu tendance à privilégier des recherches à maturité technologique élevée, c'est-à-dire se situant plutôt dans la phase de développement, ou de pré-industrialisation, que dans celle de la recherche proprement dite. Ce qu'expose M. Bruno Sainjon, c'est que la quasi-totalité des crédits mobilisés pour cette filière est allé vers la recherche appliquée. Il n'en reste pas moins qu'il s'agit bien là aussi de recherche.
Ce qui a été dit précédemment m'amène à m'interroger sur l'articulation entre les investissements d'avenir et d'autres dispositifs de financement de la recherche tels que le crédit d'impôt recherche. Une prochaine mission d'information aura peut-être vocation à s'y intéresser.
En application de l'article 145 du Règlement, la Commission autorise, à l'unanimité, la publication du rapport de la Mission d'évaluation et de contrôle sur la gestion des programmes d'investissements d'avenir relevant de la mission Recherche et enseignement supérieur.
Puis elle examine le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2014-1335 du 6 novembre 2014 relative à l'adaptation et à l'entrée en vigueur de certaines dispositions du code général des collectivités territoriales, du code général des impôts et d'autres dispositions législatives applicables à la métropole de Lyon (M. Dominique Baert, rapporteur).
Le projet de loi adopté par le Sénat, sur lequel j'ai l'honneur de rapporter aujourd'hui, fait partie d'une série de trois projets visant à ratifier les ordonnances prises par le Gouvernement sur habilitation du Parlement dans le cadre de la loi « MAPTAM » du 27 janvier 2014.
La première ordonnance concerne le territoire d'intervention de l'État à la suite de la création de la métropole de Lyon, ainsi que le siège de cette dernière, les adaptations nécessaires au fonctionnement de la métropole de Lyon, à l'exercice de ses différentes compétences et prérogatives, et à la composition de différents organismes dans lesquels elle est appelée à être représentée. Elle fait l'objet d'un projet de loi de ratification examiné ce jour même par la commission des Lois.
La deuxième ordonnance concerne les modalités d'élection des conseillers métropolitains à compter du prochain renouvellement général des conseils municipaux suivant la création de la métropole de Lyon. Le projet de loi de ratification de cette ordonnance a été déposé au Sénat, mais n'a pas été discuté à ce jour.
Enfin, les règles budgétaires, financières, fiscales, comptables et relatives aux concours financiers de l'État applicables à cette collectivité et aux communes situées sur son territoire font l'objet d'une troisième ordonnance. C'est la ratification de cette ordonnance qui fait l'objet du texte que nous examinons ce matin.
Fruit d'un processus original et concerté de mutualisation, la métropole de Lyon, également appelée « Grand Lyon », est devenue une réalité depuis le 1er janvier 2015. La rapidité avec laquelle a été créée cette nouvelle collectivité territoriale, résultant de la fusion de la communauté urbaine de Lyon et de la portion de département du Rhône située sur son périmètre, est remarquable tant en ce qu'elle résulte de discussions et d'un rapprochement entre grands élus de sensibilités politiques différentes, que parce qu'elle priorise la gestion concrète d'un territoire en rapprochant deux entités, à savoir une collectivité – le département – et un établissement public – la communauté urbaine –, dont les compétences se complètent plus qu'elles ne se superposent.
Cette initiative doit beaucoup, on le sait, à la volonté commune du maire de Lyon, M. Gérard Collomb, et du président du conseil général du Rhône de l'époque, M. Michel Mercier. La fusion entraîne de nombreuses conséquences financières et nécessite de modifier des dispositions législatives existantes en matière de fiscalité locale, de concours financiers de l'État, de fonds de péréquation et de règles budgétaires et comptables. Si la métropole de Lyon continuera à percevoir les ressources intercommunales, la question se pose en revanche du partage des ressources départementales entre le département du Rhône et la métropole de Lyon, laquelle exercera les compétences départementales sur son territoire.
La complexité et la technicité de ces modifications ont conduit le Gouvernement à demander au Parlement l'habilitation à légiférer par ordonnances. Les cadres budgétaires et comptables existants ne sont en effet pas adaptés à la métropole de Lyon qui, outre les compétences déjà exercées par la communauté urbaine de Lyon, va exercer sur son territoire les compétences du département du Rhône.
Par ailleurs, en matière fiscale, un certain nombre de règles demandaient à être précisées, notamment en matière d'assiette des impositions perçues, de modalités de liquidation, de fixation des taux, d'exonération et de partage de certaines allocations et dotations. En ce qui concerne la fiscalité locale, traitée par le titre Ier de l'ordonnance, lequel regroupe vingt-deux articles, la principale difficulté liée à la création de la métropole de Lyon réside dans le fait qu'elle constitue une collectivité locale sui generis, et non un établissement public de coopération intercommunale – EPCI – ou un département. Il en résulte que les règles juridiques s'appliquant aux métropoles et aux départements ne lui sont pas applicables de plein droit. C'est pourquoi l'article 1er de l'ordonnance rend applicable à la métropole de Lyon l'ensemble des articles du code général des impôts applicables aux EPCI dotés d'une fiscalité professionnelle unique.
Les articles 2 et 3 de l'ordonnance portent sur l'encadrement des taux des taxes foncières et de la taxe d'habitation votés par les communes situées sur le territoire de la métropole de Lyon et par la métropole elle-même.
L'article 4 de l'ordonnance crée la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du département du Rhône et de la métropole de Lyon, compétente à la fois pour le département du Rhône et la métropole de Lyon.
En ce qui concerne l'aménagement et la perception de différentes taxes, l'article 7 de l'ordonnance adapte ainsi, par exemple, les dispositions relatives à la taxe d'aménagement et au versement pour sous-densité.
La métropole de Lyon peut décider d'instituer, en lieu et place de tout ou partie des communes situées dans son périmètre, la taxe locale sur la publicité extérieure : c'est l'article 8.
L'ordonnance étend à la métropole de Lyon les dispositions applicables aux EPCI à fiscalité propre pour la perception de la taxe de séjour – à l'article 9 – et pour le versement transport – à l'article 11.
L'article 10 étend à la métropole les dispositions applicables aux métropoles de droit commun en matière de prélèvement sur les jeux.
En son article 16, l'ordonnance prévoit également la perception de la taxe sur les surfaces commerciales – TASCOM – par la métropole de Lyon.
Le titre II de l'ordonnance prévoit les dispositions relatives aux concours financiers de l'État, aux articles 23 à 34. La métropole de Lyon peut percevoir les concours financiers versés par l'État aux EPCI et aux départements. L'ordonnance vise à prévoir les modalités d'attribution des concours financiers de l'État à la métropole en tant que département. Certains concours, tel que le versement au titre du Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée – FCTVA – ou le concours particulier relatif aux bibliothèques municipales et aux bibliothèques départementales de prêt, sont perçus par la métropole de Lyon dès 2015 dans les conditions de droit commun.
Dans d'autres cas, comme celui de la dotation départementale d'équipement des collèges – DDEC –, il n'est pas possible de calculer le concours que doit percevoir la métropole sans avoir recours à un critère de répartition. Aussi l'ordonnance prévoit-elle que la DDEC soit répartie entre le département du Rhône et la métropole de Lyon « au prorata des surfaces – hors oeuvre nette – des collèges » situés sur le territoire de chacune des deux collectivités territoriales. De même, la dotation de compensation de la DGF du département du Rhône est répartie entre les deux collectivités territoriales au prorata de la population.
Un troisième cas de figure concerne les concours perçus par la métropole de Lyon dès 2015 comprenant une répartition spécifique pour le calcul de la dotation de compensation métropolitaine, car ils ne peuvent être territorialisés. C'est le cas du concours de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie – CNSA – relatif à la prestation de compensation du handicap – PCH – et de celui concernant l'installation et le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées – MDPH.
J'en viens à la dotation de compensation métropolitaine. Aux termes de l'article L. 3663-3 du code général des collectivités territoriales, la Commission locale d'évaluation des charges transférées – CLECT – du département du Rhône est consultée sur les modalités de compensation des charges correspondant aux compétences transférées du département. La CLECT estime le montant de la dotation afin de corriger les effets de la répartition territoriale des produits antérieurement perçus par le département du Rhône de façon à garantir, à la date de la création de la métropole de Lyon, l'égalité des deux taux d'épargne théoriques métropolitain et départemental – c'est ce que prévoit l'article L. 3663-3 du code général des collectivités territoriales, afin de permettre aux deux entités de continuer à fonctionner de manière équitable et de faire face à leurs engagements.
La CLECT a procédé à une répartition des ressources du département du Rhône, soit 1,5 milliard d'euros de recettes réelles de fonctionnement figurant dans son compte administratif 2013. Certaines ressources ont pu être territorialisées, notamment les recettes fiscales, mais pour les concours financiers de l'État, la répartition a été effectuée à partir de critères définis dans l'ordonnance que j'ai évoqués précédemment – le prorata des surfaces des collèges pour la DDEC ou le prorata de population pour la dotation de base de la DGF. À l'issue des travaux de la CLECT, un arrêté du ministre de l'Intérieur et du ministre des Finances et des comptes publics a fixé le montant de la dotation de compensation métropolitaine à 75,013 millions d'euros, versés par la métropole de Lyon au département du Rhône.
Au terme de cette présentation, il convient de saluer tout particulièrement l'importance et la qualité du travail réalisé par les groupes de travail bilatéraux – département et communauté urbaine – qui ont eu la charge de ventiler l'intégralité des produits et des charges du département entre la future métropole et le « nouveau » département. Ce travail préparatoire a permis d'estimer finement le déséquilibre des charges et des produits selon leur territorialisation et ainsi de définir de manière équitable le montant de la dotation de compensation métropolitaine. Cette démarche a, par exemple, consisté à identifier tous les bénéficiaires de l'APA et du RSA du côté des charges, et à retrouver tous les actes authentiques pour le calcul des droits de mutation à titre onéreux – DMTO – du côté des ressources.
Le Sénat a adopté un nouvel article 2, qui apporte des modifications rédactionnelles et de précision à des dispositions introduites dans la législation par l'ordonnance. Compte tenu de la nature de ce texte, de l'accord politique et administratif entre État, département et métropole qui le sous-tend, et ne voyant guère pour notre part quelles modifications techniques essentielles nous pourrions insérer dans ce texte, aussi et surtout dans un souci d'efficacité, je vous propose, mes chers collègues, d'adopter conforme ce projet de loi de ratification. Je vous remercie de votre écoute et, je l'espère, de votre approbation.
Comme vient de le dire notre rapporteur, l'ordonnance a été préparée de façon tripartite par l'État, les services de la communauté urbaine de Lyon et le département du Rhône.
Serait-il possible de procéder à une évaluation, par exemple dans trois ans, en partant du point zéro que seraient les deux collectivités à l'heure actuelle, afin de voir quels résultats la création de la métropole de Lyon a permis d'obtenir en matière de mutualisation et de dépense publique ?
Je pense que le laboratoire que constitue la création de la métropole de Lyon va être très utile pour la suite, dans la mesure où les futures métropoles se constitueront sur son modèle, prévoyant une intégration des fonctions départementales au sein de la métropole. Ce n'est peut-être pas tout à fait mûr pour tout le monde, mais nombre de grandes communes y songent depuis un moment, c'est pourquoi il est si important que l'exemple lyonnais soit une réussite. Nous devons donc nous attacher à vérifier si un tel projet permet de réaliser des économies.
Par ailleurs, je veux rappeler que dans le cadre des débats relatifs à la loi « NOTRe », Mme la ministre a annoncé un certain nombre de mesures prévoyant des transferts de financement, s'engageant notamment à ce que la loi de finances permette le transfert de 70 % de la cotisation sur la valeur ajoutée – CVAE – des départements vers les régions – une disposition qui s'appliquera à la métropole de Lyon, sous peine de condamner l'action économique en région.
Je me joins également à la proposition de Christine Pires Beaune visant à nous permettre d'examiner de façon très précise les incidences de l'expérience lyonnaise, sur le plan financier mais également sur celui des ressources humaines – nombre de salariés des collectivités territoriales se posent des questions quant à leur devenir dans le cadre des regroupements à venir – et de l'amélioration du service rendu aux populations.
Pour ma part, je suis convaincu que le fait pour des collectivités de se regrouper pour travailler efficacement permet de faire bénéficier la population de services supplémentaires à moindres frais – on a pu le vérifier lors de la création des communes nouvelles – et il est tout à l'honneur des élus locaux que d'oser engager de telles politiques. Il est d'ailleurs dommage que nous n'ayons pas pu aller plus loin, en supprimant les départements dans tous les territoires qui ne sont pas ruraux : cela aurait permis une meilleure lisibilité et une meilleure efficacité sur l'ensemble de notre territoire.
Si ce rapport peut apparaître comme un rapport technique, je pense que nous aurions tout intérêt à ne pas le présenter comme tel, mais plutôt comme une énorme avancée politique. À chaque fois que le législateur suit ce qui est engagé par les territoires, ce sont des modèles nouveaux qui émergent. Ainsi la nouvelle métropole de Lyon n'est-elle ni un EPCI, ni un département, mais une collectivité territoriale sui generis.
Je suis d'accord sur le principe de l'évaluation proposée par Christine Pires Beaune, mais j'estime que nous ne devrions pas attendre trois ans pour effectuer celle-ci. Nous devons en effet vérifier rapidement comment cette nouvelle collectivité peut et doit être modélisée. En tout état de cause, nous avons intérêt à populariser à la fois cette manière de procéder et l'intérêt que ce modèle présente pour une réorganisation territoriale à venir.
J'ai toujours soutenu la création du modèle de Lyon qui est, à mon sens, le modèle du futur, et je pense que la plupart des métropoles devront évoluer rapidement dans la même direction afin de renforcer leur attractivité et leur compétitivité. Cela dit, nous devons être très prudents en ce qui concerne les ressources financières et les transferts de compétences. En effet, il est des domaines où l'on manque encore de lisibilité quant à la façon dont les compétences vont se répartir entre la région et le département.
Nombre d'intervenants ont dit, lors de l'examen de la loi « NOTRe », qu'à partir du moment où une métropole était créée, il ne pouvait y avoir de tutelle de la région sur le plan économique. Il est important de préciser ce point, car il serait impensable de voir deux stratégies économiques – de la métropole d'une part, de la région d'autre part – entrer en conflit. À l'heure actuelle, on peut penser qu'au regard des investissements effectués par les régions pour la promotion économique à l'international, les sommes attribuées aux territoires métropolitains au titre du transfert de compétences ne suffisent pas à assurer une juste compensation. En matière de voirie, lorsque des dispositions prévoient le transfert d'une voie départementale vers la métropole, la somme retenue au départ pour la compensation est indexée chaque année à la hausse ou à la baisse par rapport aux dotations globales de fonctionnement attribuées aux départements par l'État. Ainsi, pour la métropole que je préside depuis le 1er janvier 2012, le montant d'investissement initialement fixé à 28 millions d'euros par la CLECT est tombé à 24 millions d'euros, et l'enveloppe de fonctionnement initialement fixée à 13 millions d'euros est tombée à 11 millions d'euros. Comment les choses vont-elles se passer pour le Grand Lyon ? C'est l'un des sujets sur lesquels il est important que les choses soient claires dès le départ.
Ce rapport remarquable traduit ce que nous souhaitons tous pour la métropole de Lyon : qu'elle puisse être une métropole puissante qui sera le moteur de la région. Cependant, une question reste en suspens, celle de l'articulation entre métropole et région sur toute une série de dossiers – notamment dans le domaine de la recherche, que nous avons évoqué tout à l'heure –, et l'on commence à voir surgir en région Rhône-Alpes des conflits entre région et métropole sur la recherche ou le développement économique. Sur ces sujets, je regrette que le texte soit un peu elliptique : j'y vois un véritable manque.
Je rappelle qu'il s'agit d'un projet de loi de ratification. Dans le cadre de la mise en place de la métropole du Grand Paris, des pans entiers de fiscalité, de transferts financiers, de DGF, ont été renvoyés à des ordonnances, nous laissant pour le moment dans le brouillard le plus complet. C'est le rôle de la commission des Finances que de demander solennellement à l'État et à notre rapporteure spéciale que l'élaboration de ces ordonnances se fasse en liaison avec les collectivités locales concernées.
Par ailleurs, sont renvoyées à l'ordonnance des questions de principe en matière de fiscalité – je pense notamment au traitement de la taxe d'aménagement. J'aurais aimé savoir si, dans le cadre de l'ordonnance prise au titre de la métropole du Grand Lyon, on avait laissé à l'exécutif la responsabilité de partager la fiscalité en dehors des orientations fixées par la loi. Cette question est assez préoccupante, surtout quand on considère que la métropole du Grand Paris devra être mise en place au 1er janvier 2016. Je me demande si les élus lyonnais ont été traités de la même manière dans le cadre de l'élaboration de l'ordonnance qui nous est soumise aujourd'hui en vue de sa ratification.
Un conseil des élus a été mis en place au moyen d'un amendement que j'avais déposé avec Jean-Yves Le Bouillonnec, et il est prévu que les ordonnances relatives au Grand Paris soient rédigées avec le concours de ce conseil des élus. Or, fin mars 2015, il n'y a toujours pas le moindre signe, pas la moindre information tendant à montrer que la rédaction des ordonnances est engagée. Lors du dernier conseil des élus, j'ai demandé au préfet Lucas où nous en étions, mais je n'ai obtenu aucune réponse. Le texte correspondant devant être examiné par le Sénat au mois de juin, ce n'est sans doute pas avant fin juillet – autant dire début septembre, compte tenu des vacances – que la rédaction des ordonnances pourra être entreprise, ce qui signifie qu'il ne restera que quatre mois pour les achever. C'est invraisemblable quand on pense qu'il est question de la capitale de la France – surtout que presque tout est renvoyé aux ordonnances, comme l'a dit M. le président.
Dans un souci d'efficacité, je vous propose une adoption conforme du texte auquel le Sénat n'a apporté que de petites modifications techniques. Cela nous permettra de poser l'une des premières pierres importantes – dispositions financières, concours financiers de l'État, répartition des règles de calcul – du vaste édifice que nous nous proposons d'ériger.
Je voudrais souligner la qualité et la rapidité du travail effectué, que l'on peut sans doute attribuer à une bonne préparation en amont. Le rapporteur que je suis n'a reçu aucune interpellation ni des services de l'État – qui aurait pu chercher à modifier le texte à la dernière minute –, ni de telle ou telle collectivité locale. Je retiens surtout la méthodologie adoptée par la Commission locale d'évaluation des charges transférées : les algorithmes de répartition des charges et des ressources auxquels elle a recouru ont abouti à un chiffre validé de manière contradictoire par les deux parties sous le contrôle de l'État. Lorsque d'autres rapprochements s'effectueront dans les années à venir, nous aurons intérêt à nous référer aux méthodes utilisées pour le modèle lyonnais. Le consensus sur le résultat obtenu n'empêche évidemment pas qu'il soit procédé à des évaluations, ne serait-ce que pour vérifier l'équilibre dynamique des ressources et des dépenses évoqué il y a quelques instants par Christian Estrosi.
La Commission en vient à l'examen des articles.
Article 1er (ordonnance n° 2014-1335 du 6 novembre 2014) : Ratification de l'ordonnance n° 2014-1335 du 6 novembre 2014 relative à l'adaptation et à l'entrée en vigueur de certaines dispositions du code général des collectivités territoriales, du code général des impôts et d'autres dispositions législatives applicables à la métropole de Lyon
La Commission adopte l'article 1er sans modification.
Article 2 (articles L. 1615-2 et L. 3662-8 du code général des collectivités territoriales et article 77 de la loi n° 2009-1673 du 30 novembre 2009) : Modifications rédactionnelles et de précision aux dispositions modifiées par l'ordonnance
La Commission adopte l'article 2 sans modification.
Elle adopte l'ensemble du projet de loi sans modification.
Informations relatives à la Commission
1. La Commission a nommé M. Dominique Baert rapporteur du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l'ordonnance n° 2014-1335 du 6 novembre 2014 relative à l'adaptation et à l'entrée en vigueur de certaines dispositions du code général des collectivités territoriales, du code général des impôts et d'autres dispositions législatives applicables à la métropole de Lyon.
2. La Commission a nommé M. Jean-François Mancel co-rapporteur pour la Mission d'évaluation et de contrôle sur les financements et la maîtrise de la dépense des organismes extérieurs de langue française.
3. La Commission a reçu en application de l'article 14 de la loi organique relative aux lois de finances un projet de décret d'annulation de crédits d'un montant de 12 453 413 euros en autorisations d'engagement (AE) et 80 601 euros en crédits de paiement (CP), dont 3 972 euros en titre 2, sur onze programmes du budget général.
Ce mouvement, à caractère exclusivement technique, est destiné à régulariser, en fin de gestion 2014, les rattachements de crédits de fonds de concours et d'attributions de produits, afin d'assurer leur parfaite cohérence avec les recouvrements effectivement constatés.
Il vise également, dans le cas d'opérations d'investissement cofinancées ayant donné lieu à ouverture d'AE en application du décret n° 2007-44 du 11 janvier 2007 modifié, à annuler les AE excédentaires constatées à la suite de la réduction ou l'annulation d'ordres de recouvrer.
Les annulations se répartissent de la façon suivante :
- Programme 105 : 72 euros en AE et CP ;
- Programme 141 : 3 975 euros en AE et CP de titre 2 ;
- Programme 150 : 3 338 229 euros en AE et 25 717 euros en CP ;
- Programme 175 : 790 818 euros en AE ;
- Programme 177 : 11 479 euros en AE et CP ;
- Programme 181 : 2 015 244 euros en AE ;
- Programme 203 : 2 833 508 euros en AE et 33 194 euros en CP ;
- Programme 212 : 9 euros en AE et CP ;
- Programme 224 : 3 444 865 euros en AE et 3 265 euros en CP ;
- Programme 231 : 14 324 euros en AE ;
- Programme 310 : 2 893 euros en AE et CP.
Membres présents ou excusés
Commission des Finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 18 mars 2015 à 9 h 30
Présents. - M. Éric Alauzet, M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, M. Jean-Marie Beffara, M. Xavier Bertrand, M. Étienne Blanc, M. Jean-Claude Buisine, M. Christophe Caresche, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. Jérôme Chartier, M. Pascal Cherki, M. Alain Claeys, M. Romain Colas, M. François Cornut-Gentille, M. Christian Estrosi, M. Alain Fauré, M. Marc Francina, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Marc Goua, Mme Arlette Grosskost, M. Razzy Hammadi, M. Jérôme Lambert, M. Jean-François Lamour, M. Dominique Lefebvre, M. Marc Le Fur, M. Bruno Le Maire, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-François Mancel, M. Hervé Mariton, M. Pierre-Alain Muet, M. Patrick Ollier, M. Michel Pajon, Mme Christine Pires Beaune, M. Christophe Premat, Mme Monique Rabin
Excusés. - Mme Karine Berger, M. Olivier Carré, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jean-Louis Dumont, M. Jean-Pierre Gorges, M. David Habib, M. Jean Launay, M. Camille de Rocca Serra, M. Pascal Terrasse, M. Michel Vergnier
Assistait également à la réunion. - M. Patrick Hetzel