La commission des affaires économiques a entendu M. Alain Charmeau, président d'Airbus Safran Launchers (ASL).
Merci d'avoir accepté notre invitation, Monsieur le président exécutif. Votre audition succède à celle de M. Marwan Lahoud, directeur général délégué du groupe Airbus, le 6 mai dernier, et à celle de M. Stéphane Israël, président-directeur général d'Arianespace, le 12 mai. Nous accueillerons ensuite M. Philippe Petitcolin, directeur général de Safran, le 21 juillet. Par le passé, notre commission s'était sans doute trop peu penchée sur le secteur spatial, qui marche très bien, en particulier dans le domaine des lanceurs.
La concurrence inattendue de SpaceX, dont l'offre est moins chère – notons toutefois l'échec récent d'un de ses lancements –, a obligé les Européens à ne pas rester assis sur leurs certitudes et à réagir. Grâce notamment à l'engagement de Geneviève Fioraso, alors Secrétaire d'État chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche et ancienne membre de cette commission, l'Europe a réussi à reprendre la main, en décidant de lancer le programme Ariane 6. Néanmoins, le financement d'Ariane 6 est-il totalement bouclé ?
Nous souhaitons vous interroger notamment sur la gouvernance de votre entreprise, sur ses partenariats, sur son périmètre d'action et sur l'avenir des autres acteurs du secteur spatial.
En juin 2014, les groupes Airbus et Safran ont annoncé la création d'Airbus Safran Launchers, coentreprise détenue à parts égales. Afin d'atteindre une participation de 50 % dans le capital, Safran doit verser une compensation de 800 millions d'euros au groupe Airbus. Peu de personnes croient au succès des coentreprises détenues à parts égales, mais Safran semble être une spécialiste en la matière : la coentreprise qu'elle détient avec General Electric a été citée en exemple par le patron de cette dernière et fonctionne parfaitement. Cette culture de la coentreprise chez Safran augure plutôt bien de l'avenir.
Airbus Safran Launchers emploiera à terme 8 000 personnes. Elle deviendra le maître d'oeuvre industriel dans le domaine des lanceurs : elle va concevoir, développer, produire et commercialiser les lanceurs, mais aussi procéder aux opérations de lancement. Compte tenu de ce périmètre d'action, que feront donc, à l'avenir, le Centre national d'études spatiales (CNES) et Arianespace ?
Des discussions sont en cours à propos du tour de table financier d'Airbus Safran Launchers. Il est question d'une participation de l'Allemagne et de l'Italie. Pouvez-vous nous faire un point à ce sujet ? Il semble que vous ne soyez pas tout à fait au bout de vos peines en la matière.
Le secteur spatial connaît en effet une phase d'évolution importante et rapide à l'échelle mondiale.
Je commencerai par un bref historique. Ariane 5 a été conçue dans les années 1980, dans le contexte de la guerre froide, à une époque où l'Europe rêvait encore de réaliser des vols habités et de construire une navette spatiale, afin de montrer sa puissance au niveau mondial. Après quelques difficultés initiales, le premier lancement réussi d'Ariane 5 a eu lieu en 1997. En conséquence, on a cessé de produire et d'exploiter Ariane 4.
Malheureusement, en décembre 2002, Ariane 5 a connu un second échec, au moment même où elle faisait une entrée remarquée sur le marché commercial. Les acteurs du secteur spatial ont alors pris des décisions très importantes : afin de sécuriser le retour en vol d'Ariane 5 et de garantir sa compétitivité commerciale, indispensable pour que les chaînes de production soient alimentées, les États ont consenti des investissements importants aux côtés des industriels, à hauteur de 1 milliard d'euros sur cinq ans. Ces investissements destinés à soutenir la filière ont été effectués aux dépens de la modernisation d'Ariane 5, déjà envisagée à l'époque. Précisons que l'euro était, à ce moment-là, à parité avec le dollar. En définitive, tout s'est bien passé : les vols de qualification d'Ariane 5 en 2005 ont été des succès.
Cependant, lors de la conférence ministérielle de 2008, les États membres de l'Agence spatiale européenne (ESA) ont constaté que la compétitivité commerciale d'Ariane 5 était obérée par un euro à 1,45 ou 1,50 dollar, les transactions sur le marché commercial étant toutes libellées en dollars. Ils ont donc décidé, avec une certaine réticence, de verser 100 à 120 millions d'euros par an à Arianespace afin de soutenir la filière spatiale européenne face à la concurrence, notamment celle du lanceur russe Proton. En outre, un budget résiduel a permis de reprendre le programme d'amélioration d'Ariane 5, notamment de son étage supérieur, grâce à un nouveau moteur cryogénique développé en France et en Allemagne.
En parallèle, les États ont entamé une réflexion, qui s'est approfondie depuis lors, sur leur rôle en matière de soutien à l'exploitation commerciale des lanceurs dans un marché mondial de plus en plus ouvert, ainsi qu'on a pu le voir en 2008 et 2009 avec l'essor de SpaceX, qui avait adopté une approche entièrement commerciale, et non plus régalienne comme à l'époque de la guerre froide.
Lors d'une nouvelle réunion en 2011, les ministres européens chargés de l'espace ont hésité entre le lancement du programme Ariane 5 midlife evolution – avec le développement d'un nouvel étage utilisant le moteur cryogénique Vinci – et celui d'Ariane 6, dont les études de conception avaient commencé et qui partageait certains éléments communs avec Ariane 5. À ce moment-là – on l'oublie parfois –, Arianespace était au bord de la faillite, le soutien apporté à l'exploitation commerciale n'étant plus suffisant pour assurer sa profitabilité. Les actionnaires industriels et le CNES ont donc recapitalisé la société.
En 2011, le lanceur Falcon 9 de SpaceX – dont 85 % est fabriqué sur une même chaîne de production très intégrée en Californie – est entré sur le marché commercial et a commencé à prendre des parts de marché à Arianespace. Au début de l'année 2014, on a constaté qu'Arianespace n'avait enregistré aucune commande sur le marché du lancement des petits satellites en 2013, toutes les commandes ayant été captées par SpaceX. Or, pour qu'Ariane 5 soit compétitive, nous devons lancer en même temps un petit et un gros satellite. En l'absence de petit satellite à mettre en orbite, soit nous procédons malgré tout au lancement au prix de pertes très importantes, soit nous renonçons au lancement.
Les actionnaires d'Arianespace, dont le groupe Airbus, ont alors décidé de baisser les prix sur le lancement des petits satellites, ce qui était absolument nécessaire pour alimenter à nouveau les chaînes de production et retrouver des cadences de lancement satisfaisantes. Mais nous avons constaté que nous étions engagés dans un cercle vicieux. Dès lors, à partir du début de l'année 2014, les patrons des groupes Airbus et Safran, Thomas Enders et Jean-Paul Herteman, ont eu des échanges nourris, en liaison avec l'ESA, sur ce qu'il convenait de faire pour pérenniser l'activité spatiale européenne. Le directeur général de l'ESA, Jean-Jacques Dordain – qui a pris sa retraite hier soir –, menait en parallèle une réflexion sur la nécessité de revoir l'organisation européenne, en réduisant le nombre d'États participants, et de lancer le programme Ariane 6. Airbus et Safran ont également consulté les opérateurs de satellites, notamment les sociétés Eutelsat et SES.
En mars 2014, Thomas Enders et Jean-Paul Herteman ont décidé de créer une coentreprise, Airbus Safran Launchers. Il a ensuite fallu trois mois pour fixer les grandes lignes de cette coentreprise, accélérer la définition du concept Ariane 6, que nous jugions le plus compétitif, et proposer, en accord avec l'ESA, une rationalisation de la gouvernance, notamment de la relation entre les agences, qui assurent la maîtrise d'ouvrage, et l'industrie. Conformément à l'évolution souhaitée par les États, les industriels étaient prêts à assumer davantage de responsabilités commerciales : nous avons proposé d'augmenter la participation de la coentreprise au capital d'Arianespace.
La création d'Airbus Safran Launchers a été annoncée le 16 juin sur le perron de l'Élysée. La coentreprise est détenue à parts égales par les groupes Airbus et Safran, ce qui suppose une cohésion très forte : pour prendre une décision, les deux partenaires n'ont pas d'autre choix que de se mettre d'accord. Quant au périmètre de la société, il inclut les lanceurs non seulement civils, mais aussi militaires, c'est-à-dire les missiles balistiques de la force de dissuasion française.
À l'automne 2015, Airbus Safran Launchers comptera 8 000 employés répartis sur seize sites, dont environ 7 000 en France et 1 000 en Allemagne, sans compter une douzaine de filiales qui interviennent dans le domaine des lanceurs ou sur d'autres aspects technologiques. À l'instar des Américains, nous avons montré que nous, Européens, étions capables d'agir vite : annoncée en juin 2014, la création de la société a été effective au début du mois de janvier 2015. Airbus Safran Launchers est en ordre de marche et compte actuellement 450 personnes environ, son périmètre ayant été limité dans un premier temps au pilotage des programmes de lanceurs civils, c'est-à-dire de la production d'Ariane 5 et du développement d'Ariane 6.
Nous avons une feuille de route pour développer la société et atteindre l'objectif de 8 000 salariés que j'ai évoqué. Le processus de consultation des partenaires sociaux se poursuit et sera achevé à la fin du mois de juillet. Les comités centraux d'entreprise des groupes Airbus et Safran se réuniront à cette fin entre demain et le début de la semaine prochaine. En parallèle, nous dialoguons étroitement avec le ministère de la défense, notamment avec la direction générale de l'armement, pour définir la manière dont les actifs industriels et les équipes correspondantes seront mobilisés dans le cadre des contrats de défense, pour protéger au mieux les intérêts stratégiques de la France en matière de lanceurs civils et militaires au sein de la nouvelle société et pour assurer la sécurité, notamment la sécurité informatique, à laquelle je suis particulièrement attentif.
Le lanceur Ariane 6, tel qu'Airbus et Safran l'ont conçu, en liaison étroite avec le CNES depuis plus d'un an, sera décliné en deux versions : Ariane 62 et Ariane 64, qui seront équipées respectivement de deux et de quatre propulseurs d'appoint – boosters. Les modules constitutifs des deux versions, à savoir ces propulseurs d'appoint, les deux moteurs cryogéniques, les réservoirs, la structure et la forme générale du lanceur, seront strictement identiques. Nous allons ainsi bénéficier d'un « effet de famille ». Ariane 6 remplacera trois lanceurs : Soyouz, Ariane 5 ES – fusée disposant d'un étage supérieur à ergol stockable, qui a lancé les véhicules de transfert automatiques (ATV) et lance actuellement les satellites de la constellation Galileo – et Ariane 5 ECA – fusée équipée d'un étage supérieur d'un autre type, qui est plutôt utilisée pour le lancement des satellites commerciaux.
Grâce à cette panoplie d'équipements communs et modulables, Ariane 6 nous permettra – nous en sommes persuadés – de baisser les prix dans une proportion importante. Elle doit aussi nous permettre de répondre aux différentes demandes sur le marché du lancement des satellites. L'évolution de ce marché est très difficile à prédire aujourd'hui, car nous assistons à une très grande diversification des satellites en termes de masse, de volume et de technologie : alors qu'il y avait auparavant deux segments bien identifiés, à savoir les petits satellites autour de trois tonnes et les gros de six tonnes environ, il en existe désormais de quatre à cinq tonnes – ce qui correspond à la capacité d'emport du Falcon – ou de 150 kilogrammes – tels que les 900 satellites qui doivent composer la constellation de OneWeb.
Les propulseurs d'appoint seront communs aux deux lanceurs européens, Ariane 6 et Vega. Ce dernier est un lanceur léger utilisant la propulsion à poudre, d'une capacité d'emport dix à quinze fois inférieure à celle d'Ariane 6. Cette modularité nous permettra d'accroître encore les économies d'échelle, c'est-à-dire d'augmenter les cadences de production et de réduire les coûts des deux lanceurs.
J'en viens à nos coopérations avec l'Allemagne et l'Italie.
La relation très forte que nous avons développée avec l'Allemagne dans le cadre du groupe Airbus sera maintenue par Airbus Safran Launchers. Des partages technologiques existent entre la France et l'Allemagne depuis longtemps, et une partie de mes équipes travaille en Allemagne. De plus, nous avons trouvé un accord sur l'organisation industrielle d'Ariane 6 qui satisfera à la fois les priorités françaises et allemandes, ce qui n'était pas évident, d'autant que l'Allemagne a augmenté sa contribution financière, la faisant passer de 10 ou 12 % pour les programmes Ariane précédents à 20 % pour Ariane 6, la France réduisant sa propre contribution d'à peu près autant.
Avec l'Italie, nous n'avons pas de lien capitalistique, mais nous avons un lien opérationnel très fort : les deux propulseurs d'appoint communs à Ariane 6 et à Vega seront produits par une coentreprise détenue à cinquante-cinquante – une fois de plus – par l'industriel italien Avio et par Airbus Safran Launchers. La branche aéronautique d'Avio a été rachetée par General Electric il y a quelques années. Quant au capital de sa branche spatiale, il est partagé entre Finmeccanica, à hauteur de 15 %, et un fonds de pension britannique, pour les 85 % restants. Les Italiens réfléchissent à une évolution de l'actionnariat d'Avio. Airbus et Safran sont candidats depuis plusieurs années dans ce cadre. La décision, qui appartient bien sûr aux propriétaires actuels, n'a pas encore été prise à ce stade.
Merci, Monsieur le président, pour votre introduction concise et précise. Les unions à cinquante-cinquante, c'est soit l'amour, soit la mort !
Je précise à l'attention de la NSA – National Security Agency – qu'il est inutile d'emprunter des voies détournées pour écouter l'échange que nous avons en ce moment à propos de la stratégie européenne dans le domaine des lanceurs, car cette audition est diffusée en direct sur le site internet de l'Assemblée nationale.
Il est important que nous organisions des auditions comme celle d'aujourd'hui, qui portent sur nos forces industrielles et sur les enjeux pour l'avenir industriel de notre pays. L'industrie spatiale n'est sans doute pas assez connue. Elle a une forte dimension européenne. Les coentreprises détenues à parts égales permettent à des entreprises qui ont fait leur preuve de travailler ensemble.
Je reprends à mon compte la question du président : quelles seront vos relations avec le CNES et Arianespace ? Quel sera le rôle de ces deux organismes dans la définition de la stratégie et dans le développement industriel des lanceurs ?
Vous avez évoqué les sous-traitants. Comment les considérez-vous ? Comment les faites-vous évoluer compte tenu des enjeux de concurrence mondiale ?
Comment vous situez-vous par rapport aux pays émergents ? Où en est la réflexion de la Chine et de l'Inde dans le domaine spatial ? De quelle manière abordez-vous ces nouveaux concurrents éventuels ?
Quelles compétences et quelles qualifications recherchez-vous aujourd'hui ? Les trouvez-vous ? Les formations et les programmes existants sont-ils satisfaisants ? Comment pouvons-nous vous aider, le cas échéant, à les développer ?
Où êtes-vous présents sur le territoire ? À quels endroits êtes-vous susceptibles de vous développer ?
On lance de plus en plus de satellites, mais ceux-ci ont une durée de vie limitée dans l'espace. Existe-t-il des techniques pour les récupérer ou pour savoir ce qu'ils deviennent une fois leur mission achevée ? Y a-t-il des réflexions sur ce point ?
Je donne la parole à M. Franck Reynier, rapporteur pour avis de notre commission pour le budget des grands organismes de recherche.
Merci de votre présentation, Monsieur le président exécutif. Le groupe Airbus a décidé de renforcer son image de marque en harmonisant ses différences actions pour les rendre plus lisibles. Cependant, les difficultés récentes de l'A400M ont eu, selon moi, un impact sur l'ensemble des marques du groupe. Qu'en est-il ? Que font collectivement les différentes branches du groupe pour améliorer son image ?
Lors du récent salon du Bourget, l'avionneur américain Boeing a davantage rempli son carnet de commandes que le groupe Airbus. Est-ce là une conséquence des difficultés que j'ai évoquées ? Quelles mesures correctives pourriez-vous prendre ?
Lors de ce même salon du Bourget, Airbus a présenté un nouveau concept de fusée réutilisable. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ? Les projets de cette nature sont importants pour l'avenir.
Vous avez mentionné la constellation de microsatellites de OneWeb. D'après ce que l'on peut lire dans la presse, une première série d'une dizaine de satellites serait construite sur le site de Toulouse, et la suite de la production serait réalisée dans une usine dédiée aux États-Unis. Pouvez-vous nous donner des précisions sur ce projet ?
Je tiens à vous rassurer, Monsieur Reynier : hier, la Chine a passé commande de soixante-quinze A330. On peut s'en féliciter.
Oui, mais on peut aussi être ambitieux. D'autre part, j'évoquais seulement le salon du Bourget.
Vous avez beaucoup parlé de l'Europe spatiale, mais la réalité de celle-ci ne saute pas aux yeux, en particulier lorsque l'on regarde l'organigramme d'Airbus Safran Launchers : hormis M. Jürgen Ackermann, secrétaire général, tous les cadres dirigeants sont français. Derrière le discours qui met en avant une aventure industrielle européenne, on devine surtout un partenariat très fort entre la France et l'Allemagne, qui sont probablement les véritables locomotives en la matière. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?
Merci, Monsieur le président exécutif, de votre présence devant notre commission.
Pourriez-vous nous donner des précisions sur le calendrier d'Ariane 6 ? Quand ses deux versions seront-elles opérationnelles ? Abandonnera-t-on Ariane 5 à ce moment-là ?
De même, quand la nouvelle version de Vega sera-t-elle prête ? Pouvez-vous nous confirmer que Vega a vocation à lancer les très petits satellites de quelques centaines de kilogrammes ?
Ariane 5 est actuellement considérée comme un lanceur très fiable. Le changement de lanceur ne risque-t-il pas d'avoir une incidence sur la confiance que vous accordent vos clients ? Que comptez-vous faire pour garder cette confiance ?
Le nombre d'emplois va augmenter très sensiblement au sein de votre société. De quel type d'emplois s'agit-il ? Seront-ils transférés à partir des sociétés existantes, maisons mères ou filiales ? Ou bien procéderez-vous à des recrutements, probablement de haut niveau ?
La récupération des lanceurs est une question d'actualité non seulement aux États-Unis, mais aussi en Europe. Quel rôle votre société jouera-t-elle dans le développement des technologies nécessaires à cette récupération ? Est-ce un axe sur lequel vous travaillez ? Quelles sont les échéances ?
Je donne la parole à M. Joël Giraud. Je précise à l'attention de nos collègues qui ne connaissent pas la montagne qu'une partie de sa circonscription est totalement enclavée actuellement, du fait de la coupure de la route entre Grenoble et Briançon. Cela a obligé un certain nombre de collégiens à traverser la montagne à pied, sac au dos, pour passer leurs examens.
Oui, un peu comme dans les Andes, ou à faire quatre heures de car en passant par l'Italie. Merci de votre attention à leur égard, Monsieur le président. Cette situation est un peu étonnante dans un pays moderne tel que le nôtre : on ne se préoccupe guère des territoires situés aux marges du Royaume ! Mais nous gardons espoir : la sécurité civile est mieux assurée en Italie qu'en France, et notre rattachement à la région Piémont est prévu pour bientôt !
Je vous remercie, Monsieur le président exécutif, pour votre présentation. En décembre dernier, nous avions suivi la conférence de l'ESA et nous avions été plutôt fiers des résultats annoncés : outre le succès de la sonde Rosetta et du robot Philae, nous accueillons favorablement la décision européenne de lancer le programme Ariane 6. Le Premier ministre a ensuite fait le choix de créer une filière plus intégrée et plus compétitive en confiant Arianespace aux industriels. Dans un contexte d'intensification de la concurrence, en particulier avec l'arrivée du lanceur Falcon de SpaceX, cette réforme de la gouvernance est une bonne nouvelle de notre point de vue.
Dans le cadre de la négociation engagée par l'État en vue de la cession des actions Arianespace, les salariés ont demandé que soit étudiée la possibilité d'une ouverture de l'actionnariat à leur intention. Quelle est votre position sur ce point ?
D'après un article publié il y a quelques mois dans La Tribune, il manquerait encore plusieurs centaines de millions d'euros pour boucler le financement du développement d'Ariane 6. Vous aviez demandé au directeur de l'ESA, Jean-Jacques Dordain, d'augmenter la participation de l'agence en augmentant celle de ses États membres. Où en sont les négociations sur ce point ? Qu'avez-vous proposé pour combler cet écart budgétaire ? Cela dit, il est possible qu'il ait été comblé depuis lors et que j'aie manqué un épisode : compte tenu de l'enclavement évoqué par le président à l'instant, nous ne recevons plus les journaux, puisqu'il est interdit de les acheminer via l'étranger…
La montée en puissance de votre concurrent SpaceX a surpris beaucoup de monde. Il semble que la société californienne ne souhaite pas s'arrêter là et qu'elle développe de nombreux projets ambitieux. Lors de son audition par notre commission, Jean-Yves Le Gall, président du CNES, a indiqué que, avec Ariane 6, les prix resteraient encore un peu supérieurs à ceux que pratique actuellement SpaceX, mais qu'il n'était pas certain que celle-ci les maintienne à un niveau aussi bas. Quel est votre point de vue à ce sujet ?
SpaceX a connu son premier échec le 27 juin dernier, avec l'explosion en plein vol d'une fusée Falcon 9. Selon vous, cet échec est-il de nature à remettre en cause les ambitions affichées par la firme californienne ?
Je vous remercie, Monsieur le président exécutif, pour votre rappel historique et pour votre mise en perspective.
Il semble que vous ayez pris l'engagement auprès du Gouvernement de maintenir l'emploi. Comment parviendrez-vous à maintenir l'intégralité des 8 000 emplois que vous avez évoqués tout en baissant les prix pour gagner en compétitivité ? Quelle sera la variable d'ajustement ?
À plus ou moins long terme, envisagez-vous d'élargir le périmètre de votre entreprise, actuellement limité aux lanceurs ?
Vous avez exprimé votre préoccupation à propos de la sécurité informatique. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce point ?
D'après les annonces qui ont été faites, le budget du programme Ariane 6 serait de l'ordre de 4 milliards d'euros. Ce chiffre est-il toujours d'actualité ? Pouvez-vous nous donner des précisions sur les montants en jeu ?
Un label « made in Europe » nous permettrait-il d'être plus compétitifs sur le marché mondialisé des lanceurs ?
Existe-t-il déjà des perspectives en ce qui concerne la mise au point d'un lanceur européen réutilisable ?
Après accord entre Airbus Safran Launchers, l'État et le CNES, ce dernier va transférer à votre entreprise les parts qu'il détient dans le capital d'Arianespace. Airbus Safran Launchers deviendra ainsi le premier actionnaire d'Arianespace, avec 74 % du capital.
La prochaine étape devrait être la notification du contrat de développement d'Ariane 6 à Airbus Safran Launchers. La baisse des coûts visée avec Ariane 6 menace-t-elle l'emploi dans la filière européenne des lanceurs ? Faudra-t-il moins de monde pour produire Ariane 6 qu'Ariane 5 ?
D'autre part, la contrainte du « retour géographique » n'a pas complètement disparu. Dans ce contexte, est-on allé jusqu'au bout de l'optimisation industrielle ?
Merci, Mesdames, Messieurs les députés, pour vos questions, qui témoignent de votre intérêt pour le secteur spatial.
Il ne m'appartient pas de faire des commentaires sur le rôle et l'avenir du CNES. Depuis un an, nous avons réalisé un travail considérable avec celui-ci sur la définition du programme Ariane 6 et sur l'évolution de la gouvernance. J'ai d'ailleurs reçu hier une brochure du CNES qui mentionne ces efforts communs.
Je tiens à souligner que le CNES conserve un poids déterminant et restera un acteur essentiel pour l'avenir du secteur spatial en France et en Europe. Il assume deux rôles majeurs qui devraient être, selon moi, non seulement maintenus, mais renforcés : il apporte une vision à long terme aux acteurs français du secteur spatial et aide l'industrie spatiale française à préparer l'avenir, grâce aux budgets de recherche et technologie (R&T) qu'il gère. Les agences spatiales des autres pays européens jouent le même rôle à l'égard de leur industrie nationale.
En outre, le CNES fournit à l'ESA une assistance à la maîtrise d'ouvrage, notamment sur un certain nombre de sujets techniques dans le cadre du développement d'Ariane 6. À cet égard, les représentants du CNES et de l'ESA travaillent d'ores et déjà avec nos ingénieurs de conception au sein d'une équipe intégrée que nous avons mise en place aux Mureaux. Il s'agit d'une révolution en matière de gouvernance dans le secteur spatial.
Enfin, le CNES garantit la sécurité et la sauvegarde de l'ensemble des opérations de fabrication et d'intégration des lanceurs, ainsi que des opérations de lancement à Kourou. Le Centre spatial guyanais (CSG) est placé sous sa responsabilité.
Ainsi que je l'ai indiqué, Airbus Safran Launchers emploiera environ 8 000 personnes. Elles seront transférées des équipes d'Airbus et de Safran – plus précisément de ses filiales Snecma et Herakles – qui travaillent actuellement sur les lanceurs civils et militaires. Outre ces équipes, les deux groupes apporteront à la société commune, dont ils m'ont confié la direction, l'ensemble des activités – c'est-à-dire les contrats –, les moyens de production industriels, les bureaux d'études et les moyens d'essais correspondants.
Nous n'avons pris aucun engagement en ce qui concerne le maintien de l'emploi dans notre société. Les effectifs dans la filière spatiale européenne – non seulement à Airbus Safran Launchers, mais aussi chez notre partenaire commercial Arianespace et dans l'équipe de sous-traitants industriels français et européens de toutes tailles que nous animons dans le cadre de la production d'Ariane 5 et du développement d'Ariane 6 – dépendront des financements institutionnels au programme Ariane 6 et, dans une moindre mesure, aux activités liées à la défense, du soutien du CNES aux activités de R&T et, à moyen et long terme, de la compétitivité des lanceurs Ariane 5 puis Ariane 6 sur le marché commercial.
Quant à la transition entre Ariane 5 et Ariane 6, nous envisageons, en accord avec le CNES et l'ESA, un premier tir d'Ariane 6 en 2020. Nous lançons les activités de production dès maintenant. Nous prenons un risque industriel très important qui justifie, entre autres, l'évolution de l'actionnariat d'Arianespace. Nous considérons, conformément aux attentes des États contributeurs, qu'il appartient à l'industrie de prendre ses responsabilités dans la gestion du marché, en arrêtant les dates de commercialisation d'Ariane 6 et d'arrêt d'Ariane 5 ainsi qu'en organisant la transition entre les deux. La production d'un lanceur demande entre trois et quatre ans alors que les clients achètent les services de lancement entre un an et demi et trois ans avant la date du lancement. Nous devons donc assumer un risque d'anticipation industrielle par rapport aux commandes.
La transition doit se faire du mieux possible, et assez rapidement. Vous avez raison de souligner l'excellente fiabilité d'Ariane 5 aujourd'hui, sur laquelle repose sa compétitivité. J'espère que le prochain lancement, qui doit intervenir dans quelques jours, permettra de poursuivre la série, absolument remarquable, des 65 succès consécutifs d'Ariane 5. Néanmoins, Ariane 5 n'est plus compétitive en termes de prix. Sans une aide publique de 120 millions d'euros par an, Arianespace n'équilibrerait pas ses comptes.
Les États délaissant le soutien à l'action commerciale pour financer prioritairement le développement, il nous appartient de proposer un lanceur plus compétitif, donc de baisser les prix d'Ariane 5 – mais la marge de manoeuvre est très faible – et de concevoir une Ariane 6 que l'industrie européenne sera capable de produire pour environ la moitié du prix d'Ariane 5 aujourd'hui. C'est le principal défi qui m'est lancé, par mes actionnaires mais aussi par les partenaires industriels et les clients que sont les agences spatiales. De cette compétitivité d'Ariane 6 dépendra l'emploi en France et en Europe dans le secteur spatial dans les années 2022 à 2030-2035.
La Tribune a écrit tout et son contraire. Je laisse la responsabilité des articles à leur auteur. Je ne suis pas intervenu. J'ai pris note hier d'un article plus équilibré. Depuis la décision des ministres le 2 décembre, nous connaissons le budget alloué au lanceur européen, d'un montant de 4 milliards d'euros. La part du budget dédiée au développement d'Ariane 6 est de l'ordre de 2,5 milliards d'euros. Le reste doit financer la modernisation des installations en Guyane qui sont sous la responsabilité du CNES, les équipes de l'ESA et du CNES ainsi que des travaux complexes d'interface entre le lanceur et la base de lancement.
Ces 2,5 milliards d'euros constituent un encouragement fort de la part des États membres mais ils ne sont pas comparables aux sommes qui avaient été nécessaires pour développer Ariane 5.
Les entreprises – Airbus, Safran mais aussi Avio en Italie et OHB en Allemagne – se sont engagées à apporter leur contribution au développement d'Ariane 6 pour combler le déficit de financement étatique. Airbus Safran Launchers négocie actuellement le contrat avec l'ESA dont la signature est prévue cet été.
Les dirigeants d'Airbus et de Safran considèrent que les activités spatiales sont au coeur de leur entreprise parce qu'elles permettent de développer des compétences technologiques et de les diffuser ensuite dans l'ensemble du groupe. Mais nous ne sommes pas seuls : le tissu industriel du secteur spatial doit absolument être sauvegardé. C'est la raison pour laquelle j'insiste sur le maintien des budgets de R&T afin de soutenir les technologies françaises.
Le secteur spatial doit continuer à favoriser le développement de compétences en Guyane. Dans la perspective de la réduction des coûts d'Ariane 6, nous souhaiterions pouvoir faire davantage appel à du personnel local pour des emplois qualifiés plutôt que de devoir envoyer en mission en Guyane des employés venus d'Europe qui nous coûtent plus cher.
À la différence de l'aéronautique, nous ne connaissons pas de difficultés en matière de recrutement et de formation. Les actions du Gouvernement en faveur du renforcement des filières industrielles sont nécessaires tant il est essentiel de ramener les jeunes vers l'industrie. L'industrie est une activité noble. Je suis très fier d'en faire partie. Il faut continuer à développer l'intérêt des jeunes pour les activités industrielles qui sont passionnantes, pas seulement le secteur spatial mais aussi les transports, l'énergie, ou l'informatique. J'essaie d'encourager le Conservatoire national des arts et métiers dont je préside le conseil d'administration à oeuvrer en ce sens. Vous avez raison d'être soucieux sur ce sujet.
Le grand enjeu pour Ariane 6 consiste à concevoir des matériels qui peuvent être fabriqués à des coûts faibles. Cette logique diffère du low cost de service qui se développe dans l'aéronautique. Nos ingénieurs, les plus jeunes notamment, ne doivent pas seulement penser à faire un bel objet performant mais aussi un objet pouvant être fabriqué en France et en Europe à coût réduit.
Toutes les activités industrielles d'Ariane sont implantées en Europe. Elles ne sont pas délocalisables dès lors que les États financent le développement et les outils industriels. Ces compétences techniques ou industrielles restent sur le territoire européen ; le fameux retour géographique que vous avez évoqué représente pour moi un avantage.
Vous avez évoqué des engagements étatiques à hauteur de 2,5 milliards d'euros, ce qui nous renseigne sur les enjeux de la production et du développement d'Ariane 6. Avez-vous envisagé les conséquences financières pour les États d'un échec d'Ariane 6 – échec du lancement, difficultés à honorer les commandes, manque de compétitivité – ou êtes-vous convaincu que le succès est assuré ?
Quelle sera la redistribution industrielle entre la France, l'Allemagne et l'Italie ? Avez-vous une visibilité sur le volume de travail à répartir ?
Airbus Defence and Space a été sélectionné par la société OneWeb pour fournir 900 satellites afin de connecter l'ensemble de la planète à internet. Plus que de commande du siècle, M. Lahoud a parlé d'une révolution industrielle puisque la production de ces satellites devra être réalisée en un temps record. Comment seront lancés ces satellites ? Quel bénéfice votre groupe retirera-t-il de ce partenariat privilégié ?
Vous n'avez pas répondu à mon collègue Giraud : quelle est votre position sur une éventuelle entrée des salariés au capital de votre entreprise ?
La nouvelle gouvernance envisagée pour Ariane 6 a pour objectif de rendre cette filière industrielle plus compétitive et plus efficace face à la forte concurrence de SpaceX. Vous avez évoqué quelques pistes de réflexion, en particulier le coût des matériels. Mais quelles autres mesures envisagez-vous pour renforcer la compétitivité de l'entreprise ?
Pouvez-vous confirmer que l'arrêt de Soyouz est programmé ?
Dans ma circonscription est installée la Snecma, à Vernon précisément, qui fabrique les propulseurs d'Ariane. L'entreprise a connu une année 2014 exceptionnelle grâce aux lancements alors que six ou sept autres sont prévus en 2015. Notre filière aéronautique peut être fière de sa fiabilité dans le temps dont témoignent plus de 60 succès consécutifs depuis le premier lancement.
Pour Ariane 6, vous prévoyez douze lancements par an, soit près du double d'Ariane 5. À Vernon, on se réjouit de cette excellente nouvelle, prometteuse d'embauches pour les années à venir.
Quelle est votre stratégie pour atteindre l'objectif de douze lancements ? Quel en sera l'impact en termes d'emplois ?
Quels sont vos partenaires industriels pour la fabrication des premiers éléments d'Ariane 6 ?
Face à l'espionnage industriel auquel votre entreprise est nécessairement confrontée, je ne doute pas que vous avez engagé les moyens nécessaires pour préserver vos intérêts. Pensez-vous devoir aujourd'hui renforcer les mesures que votre entreprise a déjà prises ?
Où en est la vente de la participation du CNES dans Arianespace au profit de votre société ?
Vous évaluez le développement d'Ariane 6 à 3,4 milliards d'euros. L'ESA participera à hauteur de 2,5 milliards. Pour combler l'écart, vous évoquez une hausse de 5 % de la contribution des États. Mais, cette solution s'est vue opposer une forte résistance en Allemagne. Pouvez-vous préciser l'état des négociations ?
Aux termes de l'accord de financement du projet, les industries doivent investir 400 millions d'euros en fonds propres. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?
Votre groupe sera-t-il présent sur le marché des lanceurs militaires ou se consacre-t-il uniquement aux activités civiles ?
Que représente en volume le marché du lancement des satellites ? Quelle est votre visibilité en la matière ainsi que sur la répartition des applications des satellites ?
La situation actuelle m'inspire perplexité et inquiétude.
Airbus et Ariane ont été des projets avant-gardistes pour la construction de l'Europe, fondés sur ce que l'on n'appelait pas encore des coopérations renforcées. Or aujourd'hui, les difficultés à trouver des capitaux pour financer Ariane 6 et la froideur de l'Allemagne augurent mal, par les temps qui courent, des chances d'une réussite comparable à celle que nous avons connue par le passé. Alors que nous voyons l'Europe se défaire, quels sont les éléments qui vous permettent d'être rassurés ? Comment voyez-vous l'avenir d'Ariane 6 à long terme ?
S'agissant de la réduction des coûts de fabrication d'Ariane 6, vous avez mis en avant le prix de série sans toutefois évoquer avec précision les processus et les solutions que vous mettrez en oeuvre.
S'agissant du financement, de l'organisation industrielle et du retour géographique, ma lecture est un peu différente de la vôtre. Je vous rappelle qu'Ariane, 5 ou 6, n'existe que grâce à la coopération européenne.
Je constate que le financement français diminue en pourcentage – pour Ariane 6, il représente environ 50 % –, tandis que le financement allemand augmente, passant de 10 ou 12 % à plus de 20 %. La presse raconte beaucoup de choses et aime à se faire l'écho des inquiétudes allemandes.
Les Allemands doivent d'abord trouver un consensus entre eux avant d'afficher une position. Tant que le consensus n'est pas acquis, les différentes opinions s'expriment. Elles ont convergé à la conférence ministérielle du 2 décembre au cours de laquelle l'Allemagne a confirmé non seulement son soutien à Ariane 6 mais aussi l'augmentation de sa contribution.
La dynamique entre la France, l'Allemagne et l'Italie est importante sur Ariane. Avec l'Italie qui contribue à hauteur de 10 %, les trois pays représentent 80 % du financement du projet Ariane 6. Je ne néglige pas pour autant la dizaine d'autres pays qui participent au projet parmi lesquels certains n'étaient pas partie prenante d'Ariane 5. Ce projet est de plus en plus européen. C'est un bon signe que de nouveaux venus au sein de l'ESA s'intéressent aux activités de lanceur.
En France, le budget dans le domaine spatial n'augmente pas mais le nombre de projets à développer ou à soutenir est en hausse. Il y a donc moins d'argent pour chaque projet puisque nous essayons d'être présents dans l'ensemble des domaines allant des applications spatiales aux lanceurs en passant par les satellites, les expériences scientifiques, l'exploration de l'univers, la station spatiale internationale, etc. Nous faisons avec le budget qui nous est alloué.
La redistribution industrielle est conforme à la contribution des États, avec une évolution toutefois. Cette fois-ci, ce sont les industries qui ont proposé une organisation industrielle compatible avec le financement des États. Précédemment, les États décidaient entre eux des lieux de production, ce qui entraînait des redondances.
Compte tenu du financement insuffisant des États, les industriels – Airbus Safran Launchers, Avio, OHB – ont décidé d'apporter leur contribution financière au développement d'Ariane 6, démontrant ainsi qu'ils croient au succès du projet.
Le marché des satellites connaît des évolutions considérables. Historiquement, il n'existe pas de marché des satellites. Les satellites ont été fabriqués pour être envoyés dans l'espace par des lanceurs. Ce sont les lanceurs qui structuraient le marché des satellites : puisque Proton et Ariane savaient lancer des satellites de 6 tonnes, on fabriquait des satellites de 6 tonnes.
La donne est en train de changer complètement avec l'apparition de nouveaux lanceurs – Falcon 9 et Antares aux États-Unis, une famille de lanceurs Angara en Russie ainsi qu'une nouvelle famille de lanceurs Longue Marche en Chine, qui ne sont pas encore présents sur le marché commercial mais pourraient l'être un jour. Ces lanceurs, comme Ariane 6, offrent des possibilités extrêmement variées. Nous assistons à une explosion dans le nombre, la taille et la capacité des lanceurs, et par voie de conséquence pour les satellites, à une évolution similaire de leur nombre et de leur diversité.
À propos des satellites de la constellation OneWeb, Vega n'est pas adapté pour lancer les tout petits satellites de 150 kilogrammes ; il est fait pour lancer 1,5 tonne, là où Ariane peut lancer plus de 20 tonnes, en orbite basse, c'est-à-dire à quelques centaines de kilomètres d'altitude.
OneWeb a retenu Airbus pour la fabrication de ces satellites à travers une société commune. Parallèlement, Arianespace a été choisi pour une partie des lancements, Virgin Atlantic étant chargé des autres lancements – avec un lanceur qui aujourd'hui n'existe pas.
Arianespace a été choisi du fait de la capacité importante que lui offre le lanceur Soyouz. M. Greg Wyler, le PDG de OneWeb, souhaite lancer les 900 satellites en trois ans. Aucun lanceur dans le monde ne possède cette capacité de lancement, à l'exception de Soyouz, compte tenu des capacités de production développées du temps de la guerre froide par l'Union soviétique.
Heureusement, depuis de longues années, la France a décidé de s'associer avec la Russie pour la commercialisation des lanceurs Soyouz, d'abord à travers la société Starsem pour les lancements depuis Baïkonour, ensuite, à travers Arianespace, pour les lancements depuis Kourou.
Arianespace a proposé une série de lancements de Soyouz, quelques-uns depuis la Guyane – les capacités de la base ne sont pas extensibles à l'infini – et d'autres depuis Baïkonour ou Plessetsk en Russie.
L'annonce faite il y a quelques jours par OneWeb représente une énorme opportunité pour Arianespace de faire partie de cette nouvelle économie. Mais, à terme, nous n'imaginons pas de continuer à nous reposer sur Soyouz. Je vous confirme qu'Ariane 6 a vocation à succéder, donc à remplacer, Soyouz et les deux versions actuelles d'Ariane 5, à l'horizon du début de la prochaine décennie.
Dans le contrat de lancement des 900 satellites, OneWeb a posé une option pour les trois premières Ariane 6. L'intérêt précoce de la nouvelle économie de la Silicon Valley pour Ariane 6 prouve la pertinence de nos choix et des objectifs de prix que nous nous fixons.
La réduction des coûts pour Ariane 6 est un enjeu majeur pour l'ensemble de l'industrie européenne : comment faire un lanceur deux fois moins cher pour des prestations à peu près identiques ? Nous travaillons dans plusieurs directions : en premier lieu, les restructurations industrielles ; la création de la société Airbus Safran Launchers simplifie l'ensemble des relations qui existaient entre les deux groupes. Nous allons revoir dans ce même esprit nos liens avec Avio en Italie qui passent par deux consortiums et des montages contractuels un peu compliqués.
Nous comptons simplifier l'organisation industrielle pour Ariane 6. Cela ne signifie pas que nous entendons laisser de côté des industriels, mais nous voulons éviter les redondances entre eux. Nous avons l'intention de regrouper les industriels dont les compétences se recoupent au sein de ce qu'on appelle des clusters d'excellence. Nous misons sur une spécialisation des organisations industrielles en vertu de laquelle on pourrait attribuer les fabrications de pièces métalliques à MT Aerospace en Allemagne, certaines pièces composites à Casa en Espagne, des moyens d'essais au sol et les coiffes en Suisse…
En second lieu, Ariane 6 doit être conçue pour être compétitive, y compris dans sa production. Aujourd'hui, nous fabriquons à Vernon le vieux moteur d'Ariane 4, le HM-7, qui est en fin de vie et qui n'a pas été pensé dans une logique industrielle. Demain, avec Ariane 6, nous allons fabriquer une douzaine de moteurs Vulcain pour le premier étage, une douzaine de moteurs Vinci – moteurs cryogéniques fabriqués à Vernon, en coopération avec l'Allemagne. Nous produirons donc 24 moteurs par an contre six ou sept moteurs Vulcain aujourd'hui. En remplaçant trois lanceurs par un seul, nous escomptons un effet d'échelle sur la série très important.
Sur les 2,5 milliards d'euros de budget de développement, un milliard sera investi dans la construction de nouvelles usines utilisant des nouveaux moyens de production ; nous allons bien sûr travailler avec les imprimantes 3D mais aussi les technologies de traitement de surface par laser, qui présentent l'avantage supplémentaire d'être plus respectueuses de l'environnement. Nous aurons recours à des technologies de production qui n'étaient pas disponibles dans les années 1980 lorsqu'Ariane 5 a été développée. Les investissements seront concentrés non pas sur le développement de nouvelles technologies mais sur les investissements industriels, les processus de fabrication, les outillages et les machines qui nous permettront de baisser les coûts.
En conjuguant la spécialisation et des investissements industriels importants, nous réussirons à baisser les coûts, à la faveur d'une nouvelle approche industrielle des lanceurs. Toutes proportions gardées, nous nous inscrivons un peu dans le même schéma de révolution que la production des 900 satellites à bas coût. Nous sommes en train de changer complètement le paradigme de l'industrie spatiale en Europe.
Je suis très attentif à la sécurité informatique. La société Airbus Safran Launchers est responsable des missiles balistiques de la force de frappe française. Nous n'intervenons absolument pas sur les ogives nucléaires qui sont sous la responsabilité du CEA. Je suis extrêmement sensible aux enjeux de sécurité industrielle, de protection du patrimoine technologique et scientifique ainsi que de sécurité informatique. L'une des difficultés tient à la nécessité de protéger les intérêts français tout en travaillant sur un programme très européen. Pour ce faire, nous mettons en place des procédures de ségrégation des réseaux informatiques entre les activités civiles et celles qui relèvent de la défense.
Quant à l'actionnariat des salariés d'Arianespace, ce sujet sera traité le moment venu. Un accord a été trouvé il y a dix jours avec le CNES sur la cession de ses parts dans Arianespace à Airbus Safran Launchers. Sa mise en oeuvre va demander plusieurs mois, probablement jusqu'à la fin de cette année, puisque cet accord doit passer au crible des législations américaine et européenne en matière de concurrence et recueillir l'approbation des partenaires sociaux, de l'ESA, etc. Dans plusieurs mois, Airbus Safran Launchers deviendra actionnaire à 74 % d'Arianespace ; nous pourrons alors discuter avec les employés et leurs représentants de ce qu'il convient éventuellement de faire en termes d'actionnariat des salariés.
Vous avez mentionné les propulseurs P120 sur lesquels vous travaillez avec Avio. Pourquoi ne prenez-vous pas un ticket dans cette entreprise même si vous ne pouvez pas détenir une part importante du capital ?
Il faudrait qu'il y ait un ticket à acheter. Depuis quatre ans, l'actionnaire principal d'Avio – le fonds de pension Cinven – a fait part de son intention de céder ses parts. Nous avons entamé des discussions mais aucune décision n'a été prise. Nous sommes donc passés à autre chose. Les autres actionnaires sont Finmeccanica et le gouvernement italien, puisque, comme en France, le secteur est protégé par des accords stratégiques entre l'État et les industriels. Lorsqu'une décision aura été prise sur l'évolution du capital d'Avio, les discussions reprendront. Mais, à ce stade, si le vendeur ne veut pas vendre, je ne peux rien faire.
Finmeccanica pourrait, semble-t-il, prendre le contrôle d'Avio. Si telle était la décision des Italiens, nous serions moins intéressés par un ticket dans le tour de table.
En tout état de cause, pour le P120, nous pouvons compter sur l'accord stratégique très fort que nous avons signé avec Avio.
On me dit que les lanceurs ne sont jamais assurés. En quelque sorte, le risque ferait partie du jeu pour les clients propriétaires des satellites.
Stéphane Israel est mieux placé que moi pour répondre à cette question. Je ne connais pas le contenu des accords commerciaux entre les lanceurs et ceux qui les utilisent.
Après l'échec de certains lanceurs, on peut s'interroger sur cette loi du genre en vertu de laquelle le risque n'est pas couvert.
Le satellite peut être assuré mais le choix appartient à son propriétaire. Les lanceurs ne sont pas toujours assurés. Je préfère laisser Arianespace répondre à votre question.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mercredi 1er juillet 2015 à 9 h 30
Présents. – Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Marcel Bonnot, M. Christophe Borgel, M. François Brottes, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, M. Yves Daniel, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Christian Franqueville, M. Joël Giraud, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, Mme Anne Grommerch, M. Antoine Herth, M. Jean-Luc Laurent, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, M. Philippe Armand Martin, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Germinal Peiro, M. Hervé Pellois, M. Dominique Potier, M. Patrice Prat, M. François Pupponi, M. Franck Reynier, M. Frédéric Roig, M. François Sauvadet, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Alain Suguenot, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Catherine Troallic, M. Fabrice Verdier
Excusés. – M. Damien Abad, M. Bruno Nestor Azerot, Mme Ericka Bareigts, M. Denis Baupin, M. Daniel Fasquelle, M. Franck Gilard, M. Philippe Kemel, M. Thierry Lazaro, M. Serge Letchimy, M. Kléber Mesquida, M. Yannick Moreau, Mme Béatrice Santais, M. Lionel Tardy, M. Jean-Paul Tuaiva, Mme Catherine Vautrin