Recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires (n° 8)
La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.
La commission examine, sur le rapport de M. Noël Mamère, le projet de loi autorisant la ratification de la convention de Hong Kong pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires (n° 8).
Le rapport que je vous présente porte sur la convention de Hong Kong qui vise à organiser le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires. La France est le premier pays à avoir signé cette convention censée mettre un terme aux conditions douloureuses, tant pour l'environnement qu'au plan économique et social, de l'activité de démantèlement des navires en fin de vie.
Vous vous souvenez sans doute de l'épisode du Clemenceau en 2003, qui avait fait beaucoup de polémiques, suivi un très long parcours le long des côtes d'Afrique de l'est pour finir en Inde où se trouve le plus grand chantier de démantèlement au monde, dans la baie d'Alang, avant de repartir vers le Royaume-Uni où subsiste aujourd'hui le seul chantier européen, sur le site d'Able-UK.
Cette affaire avait défrayé la chronique et mis en lumière la question du démantèlement des navires anciens, et même récents, ainsi que les conditions de travail sur les chantiers, qui se trouvent pour l'essentiel en Asie. Bien avant, la question avait aussi été soulevée par la catastrophe de l'Exxon Valdez en 1989, à la suite de laquelle les USA avaient imposé que les pétroliers, qui peuvent être causes de grandes catastrophes, en particulier de marées noires, soient construits avec des doubles coques. Imposée aux USA, cette disposition a ensuite été appliquée par l'Union européenne et l'on ne peut plus aujourd'hui construire de pétroliers à simple coque.
Cela étant, pour des raisons économiques, l'activité de démantèlement s'est délocalisée vers les pays asiatiques : parce que l'UE n'a pas les moyens, en termes de territoires, et que la protection de ses salariés conduit les armateurs à envoyer leurs navires au démantèlement dans des pays dans lesquels les règles sociales sont très en deçà de celles que nous connaissons au sein de l'UE. Le premier pays aujourd'hui sur ce créneau du démantèlement est l'Inde, suivie du Bengladesh, de la Chine et de la Turquie. Actuellement, plus de 1000 bateaux sont démantelés par an, soit quatre fois le chiffre qu'on avait dans les années 1980. Les ONG et l'Organisation internationale du travail, qui a collaboré à l'Organisation maritime internationale pour la rédaction de la convention de Hong Kong, estiment à quelque 2000 par an les décès pour cause d'accidents du travail, sans compter les blessés sur les chantiers de ces pays. Ce sont des conditions de travail épouvantables.
Ce n'est pas seulement pour des raisons sociales, - même si cette activité fait vivre des centaines de milliers de personnes -, mais aussi parce que le rythme des marées permet l'échouage des grands navires, de plus de 300 mètres, sur les plages. Cela pose la question de l'application de la convention de Bâle à ce secteur : un navire qui s'échoue sur une plage de Chittagong, au Bengladesh, ou d'Alang, en Inde, est-il considéré comme un navire ou comme un déchet, avec ce que cela suppose concernant le traitement des matériaux dangereux qu'il transporte, amiante, PCB, PVC, ammoniaque, hydrocarbures, eaux de ballast, etc. ? Or, aujourd'hui, si l'amiante est interdite dans les pays européens, les principaux pays de démantèlement n'appliquent pas ces normes et l'amiante n'y est donc pas interdite. Ce qui rend encore plus complexe la question des conditions environnementales, des conditions de travail et sociales du recyclage des bateaux en fin de vie. À cela s'ajoute les questions de coûts, selon lesquelles il est plus rentable pour un certain nombre d'armateurs d'envoyer leurs navires dans ces pays pour y être démantelés que d'appliquer les règlementations internationales.
La seule convention qui existait jusqu'à aujourd'hui est la convention de Bâle sur l'exportation des déchets, ce qui avait provoqué la polémique autour du Clemenceau, dont la carcasse, C 790, contenait encore 700 tonnes d'amiante à son arrivée au Royaume-Uni. La convention de Bâle était la seule à pouvoir apporter un peu de moralisation dans la question du démantèlement des bateaux. Les autres textes internationaux, OSPAR, qui interdit l'immersion des navires en fin de vie, ou encore la convention de Barcelone pour la Méditerranée et celle de Londres, n'ont pas suffi à arrêter le massacre de l'environnement et l'exploitation éhontée des travailleurs asiatiques. C'est ce qu'entend faire la convention de Hong Kong.
À leur décharge, il faut reconnaître que le Bengladesh, l'Inde ou le Pakistan, mettent d'ores et déjà en oeuvre un certain nombre des conditions posées par la convention de Hong Kong. Cela étant, dès lors qu'elle n'est pas ratifiée et donc pas encore en vigueur, il reste cependant toujours possible aux armateurs de contourner les obligations ; il leur suffit pour cela de changer de pavillon. Il faut savoir par exemple que 97 % de la flotte du Liberia est constituée de navires allemands et grecs. C'est ce qu'on appelle les pavillons de complaisance grâce auxquels on peut échapper aux lois internationales.
La convention de Hong Kong essaie précisément de mettre un terme à cette ignominie pour les travailleurs et l'environnement. Il faut savoir aussi que le prix de la ferraille est un facteur important : il est passé de 120 dollars à 1 100 dollars et permet de comprendre pourquoi il est plus rentable de démanteler que d'exploiter un navire même récent. L'Inde et le Bengladesh nourrissent leurs aciéries des métaux qu'ils récupèrent des bateaux démantelés. L'Union européenne est plutôt en pointe sur ces thématiques mais on est encore très loin de ce qu'il faudrait, à savoir notamment éliminer, avant la phase de démantèlement dans ces chantiers, tout ce qui est potentiellement dangereux pour que les coques ne le soient plus elles-mêmes pour les travailleurs et l'environnement.
La convention de Hong Kong comporte 21 articles et des annexes, qui sont inspirés de la convention de Bâle et du principe de précaution, et mettent en oeuvre un certain nombre de dispositions prises par l'OIT. Cela étant, l'article 17 de la convention donne quelques frissons. On se demande quand, concrètement, elle entrera en vigueur, lorsqu'on sait que l'article indique que ce sera 24 mois après que 15 Etats, dont les flottes marchandes représentent 40 % de la flotte mondiale et dont les propres capacités de recyclage s'élèvent à au moins 3 % de leurs flottes, l'auront ratifiée. Ces conditions laissent peu d'espoir de voir une application rapide de la convention. La France se veut exemplaire ; elle est le premier pays, avec quatre autres aujourd'hui, à l'avoir signée et sera le premier à la ratifier.
Cela étant, il ne faut pas dresser de tableau cataclysmique. Le Bengladesh, avec l'Inde, grâce à l'action de leurs Cours suprêmes respectives, ont commencé de mettre en place l'application des dispositions figurant dans la convention de Hong Kong. On reste toutefois loin de ce que l'on pourrait qualifier de situation décente.
Même si ce qui est proposé n'est qu'un pis-aller et que trop peu de pays s'apprêtent à ratifier, il me semble que, avec l'UE, notre pays ne pouvant jouer seul dans ce domaine, la France s'honorera en continuant d'être à la pointe du combat ; notre assemblée et notre Commission devraient être, avec le Parlement européen, avec le Conseil européen, à l'avant-garde sur la manière d'accélérer cette ratification. Malgré les réserves que j'ai pu exprimer, je vous propose donc d'approuver ce projet de loi.
Merci pour votre présentation très précise des enjeux et de la situation. Je propose que Mme Auroi et moi-même réfléchissions ensemble aux moyens d'accélérer le processus dans le cadre de l'Union européenne.
Cette convention présentant une grande importance pour notre planète, on ne peut que souhaiter sa ratification rapide. Quels seront alors les moyens de contrôle et d'intervention pour assurer son application ?
Comme l'a indiqué le rapporteur, ce texte constitue un progrès peut-être insuffisant, mais réel par rapport à la convention de Bâle.
Au-delà de la question du démantèlement, ne devrions-nous pas nous intéresser aux navires « du berceau à la tombe » ? Le naufrage de l'Erika a bien montré que le reste de leur existence importe aussi. Des progrès ont été réalisés, au plan européen comme dans le cadre de l'OMI, notamment en ce qui concerne les doubles coques, mais ils sont trop lents.
Il me semble, en outre, que la question des matériaux utilisés doit se poser avant même le démantèlement des navires. L'Europe et la France peuvent envoyer des signaux forts, mais il faudrait arriver à faire évoluer l'OMI, qui bouge très lentement. Comment y parvenir ?
Le rapporteur a évoqué un « pré-démantèlement » visant à se débarrasser d'un certain nombre de produits dangereux avant que les bateaux ne gagnent les chantiers. J'aimerais en savoir un peu plus : comment et où ces opérations se dérouleraient-elles ?
La notion d'épave n'a pas été évoquée, alors qu'elle existe en droit international. Comment s'articule-t-elle avec la question des déchets ?
Par ailleurs, quels sont les Etats devant impérativement ratifier la convention, du fait de l'importance de leur flotte marchande, pour qu'elle entre en vigueur ?
Un contrôle est prévu par la convention : les Etats doivent désigner des contrôleurs indépendants et les bateaux seront soumis à une certification.
Quel rôle la France peut-elle jouer ? Elle est le seul pays européen comptant trois façades maritimes, mais elle leur a tourné le dos. Notre flotte de commerce est ainsi passée du 4e au 24e rang mondial. Or, les pays les plus concernés par la convention, parce que leur flotte est beaucoup plus importante que la nôtre, ne sont visiblement pas les plus pressés de la ratifier et de l'appliquer. Notre présidente a raison : nous ne pourrons pas avancer si l'Union européenne ne se montre pas plus offensive sur cette question.
Le premier moyen de se débarrasser des produits dangereux est de faire en sorte que les bateaux n'en comportent plus. L'amiante et les PCB sont déjà interdits, mais cela ne suffit pas : il n'est pas normal qu'il n'y ait pas d'autres chantiers en Europe que ceux d'Able UK. Selon la convention de Bâle, les déchets doivent être traités là où ils ont été produits, pour toutes les activités industrielles : quand on construit un bateau dans notre pays, qu'il s'agisse d'un sous-marin, d'un vraquier, d'un pétrolier ou d'un cargo, il faudrait donc qu'il soit aussi démantelé en France, dans des conditions environnementales et sociales beaucoup plus protectrices que celles des pays où nous délocalisons aujourd'hui le démantèlement.
En droit international, un bateau est soit un déchet soit un navire. La notion d'épave correspond à une autre logique, étrangère aux conventions que j'ai citées.
Quand un bateau arrive dans les chantiers d'Alang ou de Chittagong, avec un capitaine à son bord, il est considéré comme un navire, et non comme un déchet. C'est d'ailleurs un problème, car le propriétaire ou l'armateur refuse alors d'appliquer la convention de Bâle.
Je rappelle aussi que le Norway, ex-France, a été démantelé dans les chantiers d'Alang et non sur notre territoire. Entretemps, il avait changé de pavillon, comme l'Exxon Valdez qui a continué à naviguer quinze ans après la marée noire – il est passé sous dix-huit pavillons différents ! Vous savez d'ailleurs quelles ont été les difficultés pour identifier les propriétaires et les armateurs de l'Erika ou du Prestige.
L'entrée en vigueur de la convention sera difficile, car il faudra que 15 Etats au moins, dont les flottes marchandes représentent 40 % de la flotte mondiale de commerce et dont les capacités de recyclage s'élèvent à 3 % de leurs flottes, l'aient ratifiée.
Il faudrait surtout que les pays à pavillon de complaisance, notamment Panama et le Liberia ratifient la convention.
Son cas est différent : elle utilise des pavillons de complaisance du Panama et du Liberia – 97 % des bateaux battant pavillon libérien sont ainsi allemands ou grecs.
S'agissant de l'Union européenne, un projet de règlement prévoit d'aller plus loin que la convention de Hong Kong dans le cadre des Etats membres et des pays de l'OCDE.
Une épave est un bateau abandonné, appartenant à celui qui le récupère. Quand elle n'est pas récupérée, on ne sait pas très bien, en droit international, à partir de quel moment on a affaire à un déchet. C'est une lacune sérieuse, car il faut établir qui doit financer son élimination. Le Concordia, qui est aujourd'hui une épave, sera ainsi renfloué et il deviendra un déchet, démantelé sous la responsabilité de son armateur.
La question des navires de guerre se pose aussi. Dans le cas du Clemenceau, la France a fini par prendre ses responsabilités, mais il existe de nombreux cimetières marins abritant des navires militaires abandonnés, y compris sur nos côtes. Il faudra bien, un jour, les traiter comme des déchets.
Il y a là une véritable industrie qui pourrait être à l'origine de nombreux emplois. Imaginez seulement ce que représenterait le démantèlement de tous les navires de guerre français arrivés en fin de vie, ou celui des avions, de ligne ou militaires. C'est un problème que nous n'avons fait qu'effleurer jusqu'à présent.
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt le rapport de M. Mamère, que je félicite pour la qualité de son travail.
La question des navires militaires importe, même s'ils ont un statut différent en droit international : tous contiennent de l'amiante, qu'ils soient français ou américains. Des milliers de navires militaires américains sont aujourd'hui parqués sur le Potomac et d'autres rivières, et il y a aussi d'immenses cimetières marins en Russie, notamment dans la péninsule de Kola, où l'on trouve de nombreux déchets – de l'amiante, mais aussi des matières radioactives.
Il y a effectivement une industrie à créer, mais nous aurions aussi besoin d'initiatives au plan politique pour traiter cette question, notamment dans le cadre de l'Alliance atlantique. Cet aspect, qui ne figure pas dans le rapport de M. Mamère, mériterait sans doute d'être examiné.
Si le rapport n'en parle pas, c'est que la convention de Hong Kong n'est pas applicable à de tels bateaux. Il est prévu que les réponses soient apportées au plan national, mais vous avez tout à fait raison d'évoquer cette question : les navires de guerre contiennent des matières extrêmement dangereuses. Des bidons entiers de matières nucléaires reposent en mer de Barents ! Il faudrait certainement inclure les navires militaires dans le champ d'application de la convention, bien que cette question entre plutôt dans le cadre du désarmement que dans celui de l'OMI ou de l'OIT. La commission de la défense pourrait utilement s'en saisir.
Le Concordia est certes une épave, mais on connaît son propriétaire, à la différence de nombreux autres bateaux échoués.
La convention de Hong Kong doit participer à une moralisation qui est nécessaire. La criminalité écologique est toutefois une question plus large, sur laquelle nous pourrions travailler au sein de cette commission sous l'angle des tribunaux pénaux internationaux.
S'agissant de l'Erika, il y a aujourd'hui un débat à la Cour de cassation : l'avocat général a proposé de remettre en cause le préjudice écologique jusque-là retenu par la justice. Or, cette notion est un premier pas vers la reconnaissance d'une criminalité écologique. Si la Cour suit l'avis du procureur général, il faudra remettre l'ouvrage sur le métier.
Sur ce point, je crois utile de rappeler que la convention de Hong Kong permettra de lutter contre certains criminels multinationaux.
Suivant les conclusions du rapporteur, la Commission adopte sans modification le projet de loi (n°8), à l'unanimité.
Accord Canada-Communauté européenne relatif aux transports aériens (n° 9)
La commission examine, sur le rapport de M. Jean-Louis Christ, le projet de loi autorisant la ratification de l'accord sur le transport aérien entre le Canada et la Communauté européenne et ses États membres (n° 9).
Le texte dont nous sommes aujourd'hui saisis concerne un domaine dans lequel l'Europe apporte indéniablement une valeur ajoutée : le transport aérien. Normes de sécurité, unification des espaces aériens, règles d'accès aux marchés, règles de concurrence… C'est donc sous son égide qu'a été négocié et conclu l'accord qui nous est soumis. Liant la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et le Canada d'autre part, il a été signé le 17 décembre 2009 et couvre de nombreux domaines essentiels au rapprochement des ciels européen et canadien.
Ce texte est un accord ambitieux. Bien plus ambitieux, en tout cas, que ceux que nous avons déjà eu à connaître lors des précédentes législatures. Je pense notamment à l'accord conclu avec les Etats-Unis que notre Commission avait examiné en février 2008.
La négociation de ce traité avait été imposée par des arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes de 2002 qui avaient refusé aux Etats membres le droit de conclure avec des Etats tiers des accords bilatéraux dits de « ciel ouvert », c'est-à-dire élargissant considérablement les possibilités de desserte entre eux et les Etats-Unis. La Commission, confirmé en cela par la Cour de justice, voyait dans ces accords une atteinte aux règles du marché unique car les compagnies aériennes des pays n'ayant pas signé de traité bilatéral souffraient d'un désavantage commercial.
Cette jurisprudence a donc conduit à la conclusion de plusieurs accords de transport aérien entre l'Union européenne et d'autres Etats, ceux dits de la « politique de voisinage » ou bien des partenaires de premier plan. L'accord avec le Canada relève de ce cadre-là.
Sa négociation fut relativement aisée. Elle a duré à peine deux ans. Il faut dire que le Canada a adopté une politique de libéralisation semblable à celle de l'Europe et que les deux Parties ont tissé de nombreux et intenses liens aériens n'appelant que davantage de souplesse. En rédigeant mon rapport, j'ai ainsi relevé l'existence de plus de 100 liaisons – 120 exactement – entre l'Union européenne et le Canada. La France d'ailleurs, certainement en raison de ses liens avec le Québec, tire bien son épingle du jeu puisque le nombre de passagers entre le Canada et notre pays a augmenté de 31% entre 2005 et 2010 alors qu'il baisait de 14%, sur la même période, s'agissant du Royaume-Uni. Et la première ligne entre l'Europe et le Canada est aujourd'hui la ligne Paris Charles de Gaulle – Montréal. Elle offre plus de 1,2 millions de sièges par an et devance même la ligne Londres-Toronto.
Les conditions se prêtaient donc à la négociation d'un accord ambitieux. Et force est de constater que celui que nous examinons aujourd'hui est unique tant par la libéralisation totale de l'accès aux marchés que par ses dispositions relatives, notamment, à l'environnement.
Le coeur du dispositif de l'accord est la libéralisation progressive du marché en fonction du degré d'ouverture de la législation du Canada sur le contrôle des transporteurs de ce pays par des intérêts étrangers.
Concrètement, l'accord prévoit une ouverture totale des droits commerciaux mais celle-ci sera progressive, en 4 phases, au fur et à mesure de l'évolution du droit canadien. Aujourd'hui, ce dernier, contrairement à la législation communautaire – qui l'admet sous réserve de réciprocité –, limite la détention et le contrôle des transporteurs canadiens par des intérêts étrangers à 25 % des actions avec droit de vote. Tant qu'il en sera ainsi, la mise en oeuvre de l'accord restera dans sa 1ère phase et sera limitée à l'octroi de certains droits. La 4ème – et dernière phase – sera atteinte lorsque les compagnies aériennes canadiennes pourront être pleinement détenues et contrôlées par des intérêts européens. Elle correspondra à l'ouverture complète des marchés.
L'intérêt d'une telle approche est de permettre de couvrir l'ensemble des droits commerciaux sans devoir recourir à des amendements successifs de l'accord initial. C'est là une différence notable avec l'accord conclu par l'Europe avec les Etats-Unis en avril 2007, lequel a dû être prolongé par un nouvel accord en 2010 et qui, malgré tout, reste en deçà de l'accord conclu avec le Canada.
Parallèlement aux dispositions relatives à la libéralisation progressive et maitrisée du marché, l'accord que nous examinons ce matin contient d'autres clauses qui sont traditionnellement présentes dans ce type de traité. Je pense, par exemple, aux articles relatifs à sûreté, à la sécurité et au respect des lois de chaque Partie par l'autre Partie. Ainsi, l'accord fait référence à différentes conventions existantes que les signataires s'engagent à respecter et pose le principe de coopération, d'échanges et d'assistance dans un domaine essentiel au fonctionnement du marché aérien.
L'accord traite également des questions de protection des consommateurs, de libre concurrence, de fiscalité et prévoit la création d'un organisme de concertation, le comité mixte. Il établit également une procédure d'arbitrage qui peut conduire une Partie à être sanctionnée en se voyant privée temporairement du bénéfice d'avantages prévus par l'accord.
De manière plus originale, ce dernier reconnaît l'importance de protéger l'environnement et de limiter les nuisances du développement du transport aérien. Il prévoit explicitement le droit de prendre des mesures appropriées pour agir sur les incidences environnementales du transport aérien ce qui est susceptible d'autoriser l'application de la directive européenne qui intègre les activités aériennes dans le système communautaire d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre. L'intégration d'une telle disposition dans ce type d'accord marque une avancée certaine de la politique de l'Union européenne qui fait figure de précurseur en la matière.
Enfin, l'accord conclu avec le Canada énumère les traités bilatéraux existants qui auront vocation à être abrogés lors de son entrée en vigueur. Dans le cas de notre pays, il s'agit d'un accord franco-canadien de 1976 qui demeurera cependant en vigueur sur les parties du territoire français auxquelles les dispositions des traités européens ne sont pas applicables.
En ce qui concerne la procédure de ratification, seuls douze Etats européens l'ont achevé. Le Canada, quant à lui, devrait en faire de même bientôt.
Aussi, parce qu'il n'est pas encore entré en vigueur, est-il encore trop tôt pour juger de l'efficacité de l'accord que nous examinons. La Commission européenne, toutefois, en attend beaucoup. Selon elle, l'ouverture des marchés devrait permettre d'augmenter l'offre et la concurrence et susciter, ainsi, une baisse du prix des billets. Elle estime même à 9 millions le nombre de passagers supplémentaires dans les 5 ans suivant l'ouverture des marchés et elle envisage également une baisse des tarifs qui devrait permettre de faire économiser au moins 72 millions d'euros aux consommateurs.
Il faut, je pense, demeurer prudent face à ces chiffres énoncés dans l'étude d'impact. La mise en oeuvre provisoire de l'accord avec les Etats-Unis a montré que l'efficacité de tels dispositifs dépend grandement de la conjoncture mondiale du transport aérien, laquelle a connu plusieurs « trous d'air » ces dernières années.
En dépit de ces quelques nuances, il me semble que l'accord entre le Canada et la Communauté européenne et ses États membres offre des conditions favorables au renforcement des liaisons entre les marchés canadiens et européens. Comme je l'ai souligné, c'est un texte ambitieux, unique qui pourra servir de modèle, à l'avenir, dans d'autres négociations.
C'est donc au bénéfice de ces observations que je vous recommande d'adopter le projet de loi qui nous est soumis.
Nous devons nous féliciter que le Canada entre dans la démarche européenne concernant les quotas d'émission. Le Canada va-t-il également adhérer à Eurocontrol, organisme intergouvernemental qui regroupe 38 nations, ainsi qu'à l'Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA) ?
Par ailleurs, dans la mesure où l'accord aborde aux articles 11 et 12 la question des aéroports, savons-nous quelle est la position canadienne sur les infrastructures dédiées au low cost ? Nous avons en effet financé de nouvelles aérogares qui parfois posent de réels problèmes – je pense en particulier à la situation de Marseille, où Air France a engagé une procédure judiciaire.
Comme le rapporteur, je pense qu'il faut distinguer les fluctuations conjoncturelles du transport aérien des effets de moyen terme qu'un accord de ce type peut avoir sur le développement du trafic.
Il y a quatre ans j'ai participé à une mission à Bruxelles au cours de laquelle nous avions rencontré M. Jacques Barrot, alors commissaire aux transports. Il nous avait soutenu que le fait de transférer au niveau communautaire la compétence de négocier sur le transport aérien donnerait plus de force à la position des pays européens, par rapport à la négociation d'accords bilatéraux. Monsieur le rapporteur, quels sont les avantages effectifs de cet accord par rapport aux accords bilatéraux antérieurs ?
Que faut-il comprendre de l'article 19 de l'accord, relatif aux questions d'emploi – je le cite : « les parties reconnaissent qu'il importe d'examiner les effets du présent accord sur la main d'oeuvre, l'emploi et les conditions de travail » ?
Qu'en est-il, dans cet accord, du principe de la taxation du kérosène, que prévoit une directive européenne ? Nous avons cru comprendre que le Canada n'était pas favorable à cette taxation…
Pour ce qui est d'Eurocontrol, je sais qu'un rapprochement existe. Je rechercherai des informations complémentaires. Il en est de même pour la question des infrastructures dédiées au low cost, dont l'accord ne traite pas en tant que tel.
Quels sont les avantages comparatifs de cet accord par rapport aux accords bilatéraux antérieurs ? Je pense que nous avons des gains en matière de transparence et l'affirmation d'une volonté de travail en commun. Des avantages plus concrets sont attendus, notamment un développement des liaisons.
Dans le cadre des accords bilatéraux, nous avions déjà les « cinq libertés » du transport aérien. Avec le présent accord, c'est la même chose. On pourrait à la limite imaginer qu'une organisation mondiale se charge de faire appliquer ces libertés. Mais là n'est pas la question. La vraie question est de savoir quelles seront les compagnies aériennes assez puissantes pour tirer leur épingle du jeu.
Nous avons l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) pour assurer la régulation
Sur la question de l'emploi, cet accord est novateur, d'où la rédaction de l'article 19. Enfin, s'agissant de la taxation du kérosène, il n'y a pas de stipulation la concernant dans l'accord.
Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 9).
La séance est levée à dix heures quarante-cinq.