La commission a examiné pour avis le projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique (n° 4000), sur le rapport de M. Serge Letchimy.
La commission s'est saisie pour avis du projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, déposée le 3 août 2016. Nous avons désigné notre collègue Serge Letchimy comme rapporteur : c'est donc lui qui défendra demain les amendements adoptés par la commission des affaires économiques auprès de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, saisie au fond.
La commission des affaires économiques s'est toujours impliquée sur les textes relatifs à l'outre-mer. Nous n'examinerons qu'une partie du projet de loi, à savoir les articles 11 à 15 regroupés au titre IV et qui concernent les opportunités économiques à créer en faveur de l'égalité réelle. Ils prévoient notamment des dispositions visant à renforcer la concurrence, l'accès au droit économique et à lutter contre la vie chère.
Sur ces articles, vingt et un amendements ont été déposés, dont un a été retiré et trois déclarés irrecevables – les amendements CE2, CE3 et CE4 de M. Jean-Paul Tuaiva –, car situés hors du champ de la saisine ; il reste donc dix-sept amendements à examiner.
Je tiens à souligner, Madame la présidente, que, quelles qu'aient été vos fonctions antérieures, vous vous êtes toujours montrée très attentive aux problèmes des pays, départements et régions d'outre-mer.
La décision du Président de la République et du Gouvernement de confier à M. Victorin Lurel un rapport sur l'égalité réelle outre-mer doit être saluée. On pourrait avoir le sentiment d'une simple posture, d'un simple égrenage de chiffres alors qu'il s'agit bel et bien, je l'affirme avec force, d'un engagement politique majeur. Le processus de départementalisation engagé en 1946 visait à atteindre l'égalité au sens global du terme, autrement dit dans tous les domaines – justice, social, économique, infrastructures de développement – tout en garantissant le respect de la culture, de la géographie, bref de l'identité propre à chaque pays. C'était la volonté exprimée par les populations de La Réunion, de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane. Il s'agissait, en d'autres termes, pour la France, d'assurer à l'ouvrier martiniquais ou guadeloupéen le même traitement social et familial que celui auquel avait droit l'ouvrier du Languedoc-Roussillon ou de la banlieue parisienne. Cet accès au droit social est fondamental. Or, au cours des vingt années qui ont suivi 1946, l'égalité ne s'est pas construite outre-mer suivant la dynamique souhaitée par de nombreux parlementaires : le processus s'est révélé très lent et très long. Il a fallu plusieurs dizaines d'années pour appliquer les droits sociaux, en particulier les droits familiaux, pour garantir tout ce qui touche à la sécurité sociale, aux indemnités chômage, au droit au logement… Non seulement ce processus a été, je le répète, lent et long, mais il a fallu des luttes sociales pour faire appliquer le droit social outre-mer. Car la dynamique lancée était davantage celle d'une assimilation sociale que politique : le but était de permettre aux Martiniquais, aux Guadeloupéens, aux Réunionnais ou aux Guyanais l'accès à la même liberté et à la même justice sociale qu'en métropole.
Cela étant, si le Président de la République a pris cette initiative, c'est parce qu'il a considéré, tout comme les députés de la majorité, que ce processus était inachevé : certaines réalités apparaissaient même inacceptables. Le rapport de M. Victorin Lurel dresse ainsi des constats parfois dramatiques : le taux de chômage est de 19,4 % en Martinique, de 21 % en Guadeloupe et même de presque 24 % à La Réunion – le décalage avec la métropole est grave. Le produit intérieur brut (PIB) par tête y est de 30 à 40 % inférieur au PIB par tête national. Et ne parlons pas de l'indice de développement humain (IDH) qui est de 100 à 120 points inférieur à ce qu'il est dans l'hexagone. Plus grave encore, l'exemple de Mayotte, qui vient de faire valoir son droit à bénéficier de l'article 73 de la Constitution : les écarts y sont extrêmes. Je ne reviens pas sur les considérations du rapport de M. Victorin Lurel sur l'échec scolaire ou sur l'accès aux soins.
Le processus aujourd'hui engagé, et c'est toute l'intelligence du texte, ne consiste pas à décréter l'égalité réelle – ce qui ne manquerait pas de décevoir certains qui, au lendemain du vote, déploreraient n'avoir toujours rien obtenu. Il faut rassurer tout le monde en rappelant qu'il s'agit bien d'un processus : le chapitre Ier du titre II définit clairement une stratégie de convergence vers l'égalité réelle sur tous les points évoqués, de la santé au social, en passant par les équipements structurants, l'éducation, la formation professionnelle, etc. Cette démarche me paraît d'autant plus intelligente que ce processus s'inscrit dans un plan de convergence fondé sur un partenariat entre l'État et les collectivités – communes, établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), départements, régions –, de façon à pouvoir définir, grâce au dialogue, les objectifs à atteindre pour les dix, voire les vingt années à venir. C'est la raison pour laquelle le texte s'intitule « projet de loi de programmation » en ce qu'il vise à inscrire cette démarche dans le temps et à se donner les moyens d'évaluer ces plans de convergence. Le texte précise à cet effet que le contrat de partenariat signé entre l'État et les collectivités de chaque territoire devra être évalué localement mais aussi par la Commission nationale d'évaluation des politiques publiques de l'État outre-mer (CNEPEOM).
Une telle démarche n'avait encore jamais été mise en place, même s'il convient de saluer les bienfaits de la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM), que, du reste, nous entendons modifier sur plusieurs points. Notre seule crainte a trait aux défaillances budgétaires qui peuvent se produire tant au niveau national qu'au niveau local ; c'est pourquoi je me réjouis que le processus de vérification de l'implication financière de l'État et des collectivités soit aussi un des enjeux du texte : il ne sera pas possible de fuir ses responsabilités après avoir signé un contrat. Je vois mal, en effet, l'État animer des plans de territoire sans que ces plans ne prévoient des moyens financiers – ce serait, sinon, un leurre politique pouvant se révéler très dangereux. La commission des affaires économiques doit donc y veiller.
En outre, une étape semble avoir été franchie puisque le texte concerne non seulement les départements et régions relevant de l'article 73 de la Constitution, mais aussi les collectivités d'outre-mer relevant de l'article 74, comme Saint-Martin ou la Polynésie française, ou encore la Nouvelle Calédonie dont le statut est régi par le titre XIII de la Constitution. Or, lorsqu'on évoque « les » outre-mer, on croit qu'il existe une sorte d'uniformité institutionnelle, ce qui n'est pas exact : les statuts des collectivités que je viens de mentionner sont très différents les uns des autres. Ainsi le dialogue partenarial se fera à la Martinique avec la collectivité unique, conformément à la décision qu'elle a prise récemment, alors qu'il s'effectuera parallèlement avec deux collectivités en Guadeloupe.
La trajectoire politique, économique, sociale, culturelle, géographique et écologique de la Polynésie française n'est pas la même que celle de La Réunion qui elle-même diffère de celle de la Martinique. Les bassins géographiques n'ont pas la même taille : celui de La Réunion compte près d'un million de personnes alors que celui de la Martinique n'en rassemble que 381 000. Et la Guyane est encore plus spécifique. C'est pourquoi il faut souligner l'intelligence de la stratégie choisie par le Gouvernement, sur proposition de M. Victorin Lurel, en ce qu'elle spécifie les stratégies de développement, sans chercher à mettre tout le monde dans le même sac. Les stratégies économiques doivent correspondre aux réalités. Il ne s'agit pas de promouvoir l'uniformité au nom d'une République une et indivisible, modèle qu'on peut certes admettre dans tel ou tel cas mais pas forcément quand on prend en considération les différences géographiques : l'égalité n'est pas l'uniformité et, du coup, l'accès à l'égalité peut être très différencié.
Ce dispositif est d'une importance capitale pour nous ; il devrait impliquer l'État, les collectivités mais également, bien entendu, les hommes, les entreprises, les acteurs culturels, etc. dans une véritable dynamique d'accession à l'égalité dans le respect de chacun.
Cela étant, je ne cesse de le répéter, l'égalité réelle présuppose l'émancipation économique et le développement endogène. Si l'on n'assortit pas au droit à l'égalité le droit au développement interne, on manquera quelque chose et nous en reviendrons à cette idée simpliste qui a de plus en plus cours dans la sphère politique : celle de l'assimilation pure et simple. C'est dans cette perspective que, dans son rapport, M. Victorin Lurel a fait des propositions dans le domaine économique. Ce volet économique, nous entendons bien, avec les membres de la commission, tenter de l'enrichir au maximum.
En attendant d'étayer ce point, je souhaite dire un mot sur Mayotte. Lorsqu'on m'a confié le rapport sur l'article 349 du traité de Lisbonne, je me suis rendu à Mayotte et j'ai très vite constaté qu'il fallait non seulement faire un effort exceptionnel, mais également tenir les engagements politiques pris antérieurement. Or la partie du texte consacrée à Mayotte est très importante car elle pose les bases de l'accession à l'égalité. C'était la revendication du peuple de Mayotte et il est important que la République respecte cet engagement, que les droits sociaux en vigueur sur le territoire hexagonal valent aussi à Mayotte moyennant bien sûr des adaptations. De ce point de vue, les dispositions concernant les prestations familiales, les aides aux personnes handicapées, les aides aux personnes âgées, etc., semblent aller dans le bon sens.
Pour en revenir à l'émancipation, nous proposons une série d'amendements visant à accroître le potentiel de développement. Je prendrai deux exemples.
En premier lieu, le Gouvernement va-t-il laisser s'éteindre, sans rien proposer d'autre, les avantages de la LODEOM – extinction prévue pour la fin de l'année 2017 –, notamment en ce qui concerne les zones globales d'activité ? Un de mes amendements vise à prolonger la LODEOM de deux ans. Je considère, en effet, que la durée d'une année envisagée par le Gouvernement ne sera pas suffisante. Cet amendement pourrait rassurer les investisseurs et les entreprises qui pourraient ainsi mieux organiser leur investissement ; du reste, le Gouvernement, et j'en suis très heureux, partage ce point de vue.
Ensuite, nous faisons des propositions très importantes concernant la pluriactivité. L'un des plus graves problèmes de nos départements et régions d'outre-mer est le chômage et en particulier celui des jeunes. Dans le cadre de l'application du compte personnel d'activité (CPA), on pourrait anticiper et donner de vrais droits à des personnes qui exercent plusieurs activités, ce qui permettrait d'ailleurs de traiter en partie la question des activités informelles – il n'est pas question ici du travail au noir. Ces activités informelles peuvent en effet parfaitement être intégrées à une dynamique d'encouragement de la pluriactivité. Il ne s'agit pas de créer un statut de pluriactif, mais de donner de vrais droits à quelqu'un qui, pendant six mois, peut travailler dans l'hôtellerie ou le tourisme et, pendant six mois, travailler dans un autre secteur.
Nous avons, en outre, déposé des amendements d'appel. Nous proposons pour Mayotte, par le biais du dispositif « cadres d'avenir », au titre de la mobilité territoriale, de permettre à de jeunes diplômés de revenir au pays au bout de quatre ans d'expérience professionnelle, et donc de renforcer l'encadrement local. La même dynamique pourrait être envisagée pour les collectivités qui ont besoin de cadres mais où ces jeunes ne peuvent occuper des postes de fonctionnaires en dehors des processus dérogatoires prévus par la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.
Nous proposons par ailleurs de relancer la question du fret et de l'accès à certains droits : je veux parler de la possibilité de bénéficier d'aides pour diminuer le coût des activités et d'avoir accès aux financements européens relatifs à l'accompagnement des intrants. Ce droit doit bénéficier aux entreprises qui importent d'Europe, mais ces intrants pourraient aussi bien provenir de pays limitrophes à La Réunion ou bien limitrophes à la Guadeloupe et à la Martinique, et pour un coût écologique moins élevé. Du reste, il semble que la relation avec la seule Europe tient moins au respect du droit communautaire qu'à une stratégie purement nationale.
Je me ferai un plaisir de défendre en commission des lois tous ces amendements qui visent à améliorer le texte, après bien sûr que nous en aurons débattu au sein de la commission des affaires économiques.
Je partage totalement les propos de M. Serge Letchimy. L'égalité réelle est attendue sur le plan social mais aussi sur le plan économique puisque le développement économique, le rapporteur l'a souligné, doit favoriser l'emploi. Or nos taux de chômage sont en moyenne deux fois, voire deux fois et demie plus élevés que celui de la France hexagonale.
M. Serge Letchimy a rappelé que toutes les avancées que nous avons obtenues depuis soixante-dix ans furent d'abord le fruit de la mobilisation sociale. Le texte qui nous est soumis offre pour la première fois une opportunité formidable : celle de construire l'égalité réelle. C'est à nous, les élus d'outre-mer, qu'il appartient de lui donner un contenu, mais notre rapporteur a raison : cela ne se fera pas en neuf ou dix mois.
Le monde économique a su jusqu'à présent se saisir des différents dispositifs législatifs, la LODEOM en particulier ; mais il évolue désormais dans un contexte d'opportunités nouvelles : la révolution numérique supprime les distances, réduit considérablement les temps de traitement ; la croissance se crée désormais au sein de nos bassins géographiques respectifs. Ainsi, La Réunion compte dans son voisinage des pays à forte croissance : l'Afrique du Sud, le Mozambique, l'Éthiopie – qui a connu jusqu'en 2014 un taux de croissance de 10 % par an, de 8,5 % aujourd'hui ; or un Réunionnais met moins de temps à se rendre en Éthiopie qu'en France hexagonale. Nos entreprises attendent par conséquent de nous que nous créions les conditions devant leur permettre de saisir toutes ces opportunités. Notre développement économique reposait jusqu'à maintenant exclusivement sur deux éléments : l'import-substitution et la commande publique. Chacun voit bien que ce système atteint ses limites. Il faut donc, j'y insiste, saisir les opportunités que j'ai mentionnées et mettre le paquet sur la formation – j'y reviendrai.
Je me félicite que l'article 12 du texte définisse un nouveau dispositif de continuité territoriale financé par l'Agence de l'outre-mer (LADOM) pour répondre à des besoins bien identifiés dans nos territoires. Il faut en effet aller plus loin en matière de mobilité car celle-ci est essentielle à notre développement. Elle favorise le développement culturel, économique et social des territoires ultramarins dans leur zone géographique. Un rapprochement avec les pays de la zone favoriserait aussi l'insertion des outre-mer et de leurs populations dans leur environnement. C'est pourquoi je proposerai deux amendements visant à mettre en place un dispositif de type « Eramus régional » favorisant les échanges entre les jeunes ultramarins – étudiants, demandeurs d'emploi, salariés devant suivre une formation – et les jeunes des pays de leur zone géographique. L'outil ainsi créé a vocation à revaloriser la mobilité des jeunes ultramarins et à offrir de nouvelles opportunités d'insertion professionnelle.
Je regrette que, dans l'Océan Indien, dans les Caraïbes, en Amazonie ou en Océanie, l'Union européenne ne conduise pas de véritables politiques régionales de développement, bien qu'elle y consacre des moyens considérables ; cela, faute d'une vision stratégique et géographique qui devrait prévaloir sur la considération du statut juridique des bénéficiaires.
L'article 11 crée un dispositif « cadres d'avenir » à Mayotte, s'inspirant de ce qui se fait en Nouvelle-Calédonie, pour permettre aux jeunes d'accéder à des formations puis à des emplois de haut niveau dans l'administration publique et dans le secteur privé.
L'article 13 étend la possibilité d'intégrer les travailleurs informels dans une démarche de validation des acquis de l'expérience en contrepartie de leur insertion dans un parcours de formalisation progressive de leurs activités.
Je proposerai également une dérogation au nombre maximum de stagiaires pouvant être accueillis dans les start-up. Les outre-mer connaissent, en effet, je le répète, un taux de chômage deux fois plus important que dans l'hexagone, mais ils regorgent aussi de volonté d'innovation.
J'en profite pour souligner qu'à La Réunion nous avons créé une zone d'activité concernant plusieurs secteurs, parmi lesquels les nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC). En moins de vingt ans, plus de 200 entreprises s'y sont installées et plus de 1 200 emplois se sont créés.
Le titre IV que nous examinons contient également des dispositions pour lutter contre la vie chère et pour renforcer la concurrence et l'investissement.
Quand elle était députée, Mme Ericka Bareigts, à laquelle j'ai succédé quand elle a été nommée au Gouvernement, a été rapporteure de la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer. Ce texte traduisait l'engagement n° 29 de François Hollande pendant la campagne présidentielle : « Je lutterai sans concession contre les monopoles et les marges abusives pour réduire la vie chère. » De nombreuses avancées ont été obtenues, telles que la mise en oeuvre du bouclier qualité-prix, la limitation des tarifs bancaires, ou encore l'aide au développement des filières de production pour lutter contre les structures monopolistiques. Au-delà de ce texte, la majorité a également obtenu la fin du roaming qui causait une inégalité entre ultramarins et hexagonaux en matière de frais téléphoniques. Le projet de loi poursuit cette ambition : l'article 14 élargit ainsi la liste des opérateurs économiques participant à la négociation du bouclier qualité-prix aux transporteurs maritimes et aux transitaires.
Il ne faut pas oublier que bon nombre des territoires ultramarins sont insulaires. Il est important, en ce sens, d'ouvrir notre espace maritime : le Gouvernement a réaffirmé à plusieurs reprises l'ambition maritime de la France pour qu'elle soit présente au grand rendez-vous de l'économie bleue. C'est que, grâce à ses outre-mer, la France dispose de la deuxième puissance maritime mondiale. C'est pourquoi je proposerai un amendement visant à évaluer la mise en place d'une école supérieure des métiers de la mer, outre-mer, pour permettre à nos jeunes de devenir officiers de marine, capitaines de navire ou encore ingénieurs – d'autres métiers apparaîtront d'ici là. Des formations professionnelles continues de haut niveau permettront à nos jeunes de trouver rapidement une activité professionnelle et aux filières de bénéficier de salariés formés, étape indispensable à la structuration d'une force économique encore sous-estimée.
L'article 15, enfin, permet de suspendre la décision des commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) à la remise de l'avis de l'Autorité de la concurrence. Cet avis est en effet important pour certains projets considérables qui peuvent avoir des conséquences durables sur la structuration du paysage et sur la situation concurrentielle d'un territoire. Le but est de se prémunir des situations oligopolistiques ou monopolistiques sur les territoires ultramarins.
Encore une fois, il s'agit pour nous de donner une nouvelle dimension au développement économique ultramarin, qui dépendra de notre capacité à saisir les opportunités pour les décennies à venir.
L'étape que les outre-mer sont sur le point de franchir est cruciale. Depuis une dizaine d'années, en effet, les outre-mer se cherchent, qu'il s'agisse des responsables politiques, de la rue – je pense aux événements de 2009 et de 2011 – ou des législateurs, qui ont tenté de mettre en place des dispositifs de développement, l'Union européenne s'interrogeant elle aussi de son côté. Au-delà, et on l'a constaté à l'occasion du colloque sur le soixante-dixième anniversaire de la départementalisation, on voit bien que, pour ce qui concerne les quatre vieilles colonies, nous sommes arrivés au bout de quelque chose.
Notre ambition doit donc être au moins égale à celle de 1946. J'entends par là que les travaux que nous conduirons, une fois le texte voté, devront donner une crédibilité à cette égalité réelle. Pour l'heure, en outre-mer, beaucoup s'interrogent : est-ce un slogan, est-ce un argument de campagne électorale ? Non : c'est, je le répète, une nouvelle étape, très importante, qui exige que nous lui donnions toute la crédibilité nécessaire. Il va falloir, à cette fin, que nous libérions les énergies de tous les acteurs que nous appelons au rendez-vous de cette nouvelle étape, les acteurs politiques comme les acteurs économiques. Or libérer les énergies suppose de l'inventivité, de l'innovation, mais également de la confiance, une confiance reposant sur la permanence des dispositifs que nous allons mettre en place. Il n'y a rien eu de pire, ces dernières années, en matière de développement économique outre-mer, que les incertitudes liées aux dispositifs votés année après année et aux atermoiements budgétaires, alors que les acteurs économiques ont besoin de se projeter dans le temps.
Nous allons mettre en place des plans de convergence d'une durée de dix à vingt ans selon les territoires. Dix à vingt ans, c'est une durée longue ; ils ne pourront avoir de sens que pour autant que les outils mobilisés pour leur mise en oeuvre suscitent la confiance, qui elle-même dépendra de leur durabilité et leur efficacité. Certains dispositifs en vigueur devront être prolongés, comme l'a précisé M. Serge Letchimy, afin de nous laisser le temps, dans les deux années à venir, de mieux définir ceux dont nous aurons besoin pour réaliser cette nouvelle ambition. Or, les outils que nous serons amenés à expérimenter devront, si je puis dire, être globaux.
Nous allons devoir définir une stratégie pour assurer toute sa cohérence à ce texte qui se présente comme un projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer, mais qui porte également d'autres dispositions en matière sociale et économique. Il serait bon que ces dispositions, sauf exception, tendent toutes vers cet objectif d'égalité réelle, notamment par la résorption des handicaps. Reste que nous sommes toujours quelque peu bridés par la nécessité de respecter l'article 40 de la Constitution et il n'est pas toujours évident pour nous, en l'espèce, de faire des propositions, en particulier sur les nombreux articles qui prévoient des expérimentations. Mais comme le Gouvernement nous a invités à co-construire un texte qui vient de loin, nous entendons bien répondre à son invitation.
On notera que plusieurs propositions de différentes commissions se recoupent. La commission des affaires économiques est saisie du titre IV, qui ne figurait pas dans l'avant-projet ; aussi devons-nous le renforcer afin de proposer un dispositif pérenne.
Pour ce qui est du territoire de Mayotte, nous avons engagé le processus de départementalisation en 2011. Depuis lors, j'ai été de ceux qui se sont battus pour que soit défini un plan stratégique « Mayotte 2025 », afin de nous aider à hiérarchiser les priorités tant elles étaient nombreuses. Il nous manquait, pour appliquer certaines dispositions, un appui législatif ; or le présent projet de loi peut constituer cet appui législatif. On a mentionné, par exemple, le dispositif « cadres d'avenir », mais il n'est pas le seul.
C'est que nous sommes bien loin, à Mayotte, de l'égalité réelle : il s'agit déjà d'obtenir l'égalité dans les domaines les plus basiques comme l'éducation, la santé… L'égalité réelle apparaît à Mayotte comme un luxe : si déjà nous pouvions franchir l'étape de l'égalité tout court ! Nous allons donc faire deux étapes en une, conduire deux processus en même temps alors que la stratégie de développement des autres départements d'outre-mer pourra consister en un processus unique. Rappelons que Mayotte a été la première collectivité territoriale d'outre-mer à se doter d'une collectivité unique et la première à avoir modernisé ses outils de gouvernance. Nous mènerons donc ce double processus avec toujours la volonté de donner à notre action de la crédibilité. J'insiste sur ce mot car le programme « cadres d'avenir » faisait partie de l'accord signé entre l'État et les élus de Mayotte en 2001 – c'en était même l'une des points fondamentaux puisque nous savions que nous ne pouvions pas engager la transformation juridique alors à l'oeuvre sans cadres. Or ce point n'a pas été appliqué, ce qui explique les difficultés que nous rencontrons dans la mise en oeuvre de la départementalisation. S'il l'avait été, nous n'aurions pas à proposer de nouveau aujourd'hui un programme de formation de cadres, indispensable au renforcement des capacités des collectivités locales. Espérons que l'on n'aura pas à nous reprocher, dans vingt ans, de n'avoir pas appliqué les dispositions que nous nous apprêtons à voter.
Je vous informe, chers collègues, qu'aucun des amendements déposés dans le cadre de cette saisine pour avis n'a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution : cet article, certes, nous bride, mais rien n'empêche les fins législateurs que vous êtes de négocier avec le Gouvernement qui, lui, n'y est pas soumis.
Puisque nous voulons tout à la fois obtenir l'égalité dite réelle et travailler au développement endogène, il semble intéressant de préciser que le Gouvernement a prévu la possibilité de procéder aux expérimentations prévues aux articles 37-1, 72 et 73 de la Constitution. Ainsi, des expérimentations pourront être menées de façon différenciée entre la Guadeloupe, La Réunion et la Martinique, afin que des dispositifs d'accompagnement pour l'accès à l'égalité soient adaptés aux réalités locales. Les collectivités pourront solliciter l'État pour bénéficier de ce droit à l'expérimentation dans le domaine social, dans celui des normes, etc. Nous ne devons pas avoir le sentiment, en effet, qu'il suffit de décréter l'égalité pour avoir accès à l'égalité. Il s'agit de combiner l'investissement local et la solidarité de l'État, faute de quoi nous nous engagerions dans un processus assez mortifère qui ne permettrait pas de créer une dynamique durable.
On doit donc, d'une part, s'approprier les grands enjeux – mutations énergétiques, écologiques, révolution numérique –, en faisant appel à des outils modernes qui dépassent le seul cadre de la loi ou du règlement ; car si l'on attend la publication de lois ou de décrets pour s'en sortir, on n'ira pas très loin. Mais, d'autre part, on doit pouvoir s'appuyer sur l'article 73, alinéa 3, de la Constitution, en vertu duquel la loi ou le règlement peut habiliter les collectivités – à l'exception, malheureusement, de La Réunion – « à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement ». C'est une avancée considérable.
La commission en vient à l'examen du titre IV du projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dont elle est saisie pour avis.
TITRE IV
DISPOSITIONS ÉCONOMIQUES EN FAVEUR DE L'ÉGALITÉ RÉELLE
Article 11 (art. L. 1803 2 1 [nouveau] et art. 1803 5 du code des transports) : Soutien à la formation en mobilité à Mayotte
La commission examine l'amendement CE20 du rapporteur pour avis.
Cet amendement a pour objet de compléter le dispositif prévu par l'article 11 du projet de loi pour Mayotte à l'ensemble des territoires ultra-marins. L'accès aux emplois offerts par les collectivités territoriales est régi par la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; nous proposons d'introduire un mécanisme particulier permettant d'intégrer directement des jeunes titulaires d'un master, afin de renforcer l'encadrement des collectivités pendant une durée maximale de trois ans. Les jeunes martiniquais, guadeloupéens et guyanais seraient ainsi incités à revenir dans leur pays pour y exercer des responsabilités locales.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 11 modifié.
Article 12 (art. L. 1803-2 et art. 1803-5-1 [nouveau] du code des transports) : Soutien à la formation professionnelle en mobilité des ultramarins
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 12 sans modification.
Article 13 : Conditions d'accès à la validation des acquis de l'expérience
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 13 sans modification.
Article 14 (art. L. 410 5 du code de commerce) : Intégration des transporteurs maritimes et des transitaires dans les négociations de modération des prix
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 14 sans modification.
Article 15 (art. L. 752 6 1 du code de commerce) : Caractère suspensif de la saisine de l'Autorité de la concurrence par les commissions départementales et territoriales d'aménagement commercial
La commission étudie l'amendement CE9 du rapporteur pour avis.
L'article 15 dispose que lorsqu'une commission départementale demande à l'Autorité de la concurrence de donner son avis sur l'une de ses décisions, celle-ci doit répondre dans un délai de trois mois, période qui suspend l'entrée en vigueur de cette décision. Nous proposons que l'Autorité n'ait plus trois mois, mais vingt-cinq jours ouvrés pour se prononcer. Nous avons auditionné des membres de l'Autorité, qui soutiennent cette mesure, sous réserve que le dossier transmis par la commission départementale soit complet. Cet amendement, en proposant d'accélérer le processus de consultation, s'inscrit dans l'esprit de la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer, qu'avait portée M. Victorin Lurel.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 15 modifié.
Après l'article 15
La commission est saisie de l'amendement CE14 du rapporteur pour avis.
Cet amendement est extrêmement important, car les enjeux relatifs au bâtiment et aux travaux publics (BTP) sont cruciaux partout dans notre pays. « Quand le bâtiment va, tout va », dit-on ; ce n'est malheureusement pas le cas chez nous. Le secteur connaît une forte récession dans nos régions, et nous devons relancer la machine ; j'ai suggéré de prolonger de deux années la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (LODEOM), afin de disposer du temps nécessaire à l'élaboration de nouveaux mécanismes et de garantir une certaine lisibilité au secteur. Cet amendement vise à intégrer le BTP dans les dispositifs prioritaires de la LODEOM pour qu'il bénéficie d'un renforcement des exonérations des cotisations patronales. Cela répond à un engagement pris en avril dernier par Mme George Pau-Langevin, alors ministre des outre-mer.
Cette disposition permettra de lutter contre les difficultés rencontrées par le BTP, de réaliser des gains de productivité et de consolider un secteur exposé, fondamental pour le développement économique et qui représente un gisement d'emplois considérable dans nos pays.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement CE15 du rapporteur pour avis.
L'aide fiscale à l'investissement doit s'appliquer aussi bien aux investissements initiaux qu'à ceux de renouvellement. Nous proposons donc de modifier les articles 199 undecies B, 217 undecies et 244 quater W du code général des impôts afin d'indiquer très clairement la possibilité d'appliquer ces aides au renouvellement des investissements – le remplacement d'un camion en fin de vie, par exemple –, comme nous y autorise la réponse de la Commission européenne à notre notification des régimes d'aide en octobre 2007, qui n'avait jamais écarté cette possibilité.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle aborde l'amendement CE13 du rapporteur pour avis.
L'enjeu du fonds d'investissement de proximité (FIP) est considérable. On a mis en place un FIP pour l'outre-mer et un autre pour la Corse, mais une différence existe entre les deux : seuls les habitants ultra-marins peuvent déposer des fonds auprès du FIP pour l'outre-mer, alors que tous les Français peuvent le faire pour celui de la Corse. Le FIP Corse a ainsi pu collecter 200 millions d'euros contre seulement 5 millions d'euros pour celui de l'outre-mer en 2013… Nous demandons donc depuis très longtemps que l'ensemble des Français puissent participer au FIP pour l'outre-mer. L'adoption de cet amendement corrigerait cette incompréhensible injustice et constituerait un vrai pas vers l'égalité réelle.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CE19 du rapporteur pour avis.
Le Gouvernement a déployé un plan pour le logement outre-mer, qui va dans le bon sens. Il faut augmenter la construction de logements sociaux et réhabilités, car l'objectif du plan fixé à 10 000 logements par an n'a pas été atteint malgré un effort budgétaire soutenu. M. Victorin Lurel propose de fixer un objectif beaucoup plus ambitieux – entre 12 000 et 14 000 logements par an ; encore faut-il s'en donner les moyens. Quand un objectif est affiché par l'État mais que, de l'autre côté, on actionne le frein à main, cela pose un problème… En 2013, on recensait 7 000 logements locatifs sociaux (LLS) et 5 000 deux ans plus tard ; en Guadeloupe, on ne comptait plus que 1 118 logements sociaux, logements locatifs très sociaux (LLTS) et prêts locatifs sociaux (PLS) en 2015 contre 1 453 l'année précédente ; en Martinique, on ne construit que 600 à 800 logements de ces trois catégories par an, alors que le besoin s'élève à 1 500 logements.
On constate également une réelle panne dans le logement intermédiaire, et nous proposons de lever un obstacle majeur en ne restreignant plus le crédit d'impôt aux seuls organismes d'habitations à loyer modéré (HLM) et sociétés d'économie mixte (SEM). La défiscalisation reste ouverte pour les autres opérateurs, mais seulement si leur chiffre d'affaires n'excède pas 20 millions d'euros ; les autres n'ont droit ni au crédit d'impôt, ni à la défiscalisation.
Nous proposons d'ouvrir le crédit d'impôt aux entreprises n'évoluant pas dans le champ de l'immobilier social classique – HLM ou SEM –, sans limite de chiffre d'affaires, afin de stimuler l'investissement.
Je comprends bien le problème décrit par M. Serge Letchimy ; le plan logement prévoit que 30 % des nouveaux logements sociaux doivent appartenir au secteur intermédiaire, mais seuls 450 des 3 000 logements livrés relevaient de cette catégorie l'année dernière à La Réunion.
Néanmoins, je vais m'abstenir de voter cet amendement, car les HLM et les SEM doivent conserver la maîtrise du logement intermédiaire social. En effet, les entreprises dont le chiffre d'affaires excède 20 millions d'euros qui entrent dans ce marché sont mues par des motivations essentiellement fiscales.
Cet amendement porte sur le bénéfice du crédit d'impôt et non sur un mécanisme de défiscalisation. Si l'on veut augmenter le volume de logements, force est de reconnaître que seuls la défiscalisation et le crédit d'impôt permettent de faciliter le financement du logement intermédiaire. M. Philippe Naillet, votre raisonnement sur les entreprises réalisant plus de 20 millions d'euros de chiffre d'affaires pourrait se tenir pour l'ensemble des sociétés, puisqu'il s'agit d'un bénéfice octroyé à une entreprise investissant hors du champ des HLM. Je comprends néanmoins votre objection.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle étudie l'amendement CE18 du rapporteur pour avis.
En réponse à une question posée au Gouvernement par M. Victorin Lurel, le Premier ministre, M. Manuel Valls, a décidé de simplifier le mode d'instruction de l'agrément fiscal des programmes de logement social pour la défiscalisation et pour le crédit d'impôt. Cet amendement propose de supprimer l'agrément fiscal préalable pour les programmes sociaux de location-accession (PSLA) ; cela concernera notamment les acquisitions réalisées à terme dans le cadre d'un processus de location-vente.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement CE17 du rapporteur pour avis.
Cet amendement vise, là encore, à accroître le nombre annuel de constructions de logements. Le Gouvernement a l'intention de substituer progressivement le crédit d'impôt à la ligne budgétaire unique (LBU), celui-ci s'ajoutant à la défiscalisation. Une dynamique s'est enclenchée, et certains logements, construits dans le cadre de montages de défiscalisation dans le logement social, sont affectés à des personnes âgées ou à des ménages modestes, voire démunis. L'investisseur bénéficie de la défiscalisation et les sociétés HLM assurent le portage du programme puis rachètent le patrimoine après une période de cinq ans au cours de laquelle les logements sont sous-loués. Nous proposons d'intégrer dans ce système les institutions gérant les foyers et les résidences sociales, qui ne jouent pas le rôle de structures intermédiaires gérant la défiscalisation.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement CE16 du rapporteur pour avis.
Il manque à ce texte du courage et de la détermination pour le BTP. Dans le cadre de la rénovation du parc locatif HLM, les départements d'outre-mer ne sont pas éligibles aux crédits de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). J'ignore la raison de cette situation. L'ANRU intervient outre-mer, mais pas dans la rénovation du parc locatif. C'est d'autant plus paradoxal que ce parc est vieillissant : 40 à 45 % de ses 130 000 logements sont âgés de plus de vingt ans.
Les besoins de rénovation sont très importants, car, outre les travaux classiques, il faut ajouter le coût du désamiantage, très élevé outre-mer et des mises aux normes anti-sismiques. Du coup, les frais de rénovation d'un logement HLM, qui ne dépassent pas 20 000 euros en moyenne en métropole, atteignent 50 000 euros outre-mer. Nous proposons de relever le plafond du crédit d'impôt de 20 000 à 50 000 euros et son taux de 20 à 40 %. Cela permettrait d'accroître les efforts de restauration du patrimoine ancien.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle aborde l'amendement CE10 du rapporteur pour avis.
Cet amendement a pour objet d'accompagner l'économie sociale et solidaire et plus particulièrement les groupements d'employeurs. Outre la résorption du chômage, l'économie sociale et solidaire doit stimuler les prises en charge solidaires. Dans cette optique, nous souhaitons exonérer de TVA les groupements d'employeurs pendant deux ans et étendre le régime bonifié d'exonération des cotisations dues par les employeurs au titre de la législation de la sécurité sociale. Ces deux mesures stimuleront la création de groupements d'employeurs, ce qui améliorera la compétitivité, ces structures servant de relais aux entreprises dans les domaines du recrutement et de la formation.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CE11 du rapporteur pour avis.
Les activités non salariées bénéficient d'une exonération de cotisations sociales pendant vingt-quatre mois. Il convient de saluer cette disposition qui permet de diminuer le coût du travail, mais l'effet de seuil s'avère brutal. Nous souhaitons étendre de deux ans cette mesure pour la porter, à somme constante, à quatre ans en intégrant une progressivité qui lissera l'acquittement des charges sociales. On soutiendra ainsi la pérennité et la résilience des entreprises.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle étudie l'amendement CE21 du rapporteur pour avis.
Beaucoup d'habitants des territoires et des départements d'outre-mer ont plusieurs emplois – souvent un emploi dans le secteur formel et l'autre dans l'informel ; par ailleurs, l'activité outre-mer varie fortement selon la saison, notamment dans le tourisme. Je souhaitais créer un statut du pluriactif, mais j'ai abandonné provisoirement cette idée afin de ne pas créer de concurrence aux activités classiques ; je propose, en revanche, de mettre en oeuvre de manière anticipée, avant le 1er janvier 2018, le compte personnel d'activité (CPA) pour les travailleurs indépendants affiliés aux fonds d'assurance-formation de non-salariés ; ces derniers pourront ainsi conserver leurs droits tout en travaillant six mois dans un hôtel et le reste de l'année dans l'agriculture ou la pêche. Cette étape est très importante dans le chemin devant conduire à l'élaboration d'un statut du pluriactif. En outre, nous proposons d'expérimenter pendant trois ans le déploiement d'une stratégie de pluriactivité, coordonnée entre l'État, la région, les partenaires sociaux, les organismes consulaires et les opérateurs de l'emploi et de la formation, définie au sein d'une commission spécialisée du comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelle (CREFOP), contenant des actions précisées par un contrat de plan régional de développement des formations et d'orientation professionnelle (CPRDFOP), et mise en oeuvre par la convention régionale pluriannuelle de coordination de l'emploi, de l'orientation et de la formation.
Monsieur le rapporteur, je comprends le bien-fondé du III de votre amendement, mais les dispositions légales actuellement en vigueur interdisent-elles les expérimentations que vous proposez dans les I et II ?
Il faudra procéder à un moment donné à une codification sociale ; c'est la raison pour laquelle il ne s'agit que d'une première étape. Par ailleurs, la coordination de l'action entre l'État, la région, les partenaires sociaux, les organismes consulaires et les opérateurs de l'emploi et de la formation est indispensable à la réussite de cette stratégie, faute de quoi on ne pourra pas cibler les besoins et accompagner les individus. Ces derniers doivent pouvoir accéder à des plateformes de dialogue. Au cours des trois années d'expérimentation, on déploiera des conventions visant à mieux prendre en compte les besoins de financement complémentaires, notamment des personnes non-salariées. Ce processus devra déboucher sur des codifications sociales pour que chacun puisse assez facilement identifier son travail informel, lié à la pluriactivité, et son activité normée classique, cela se révélant important pour les pensions de retraite. C'est la raison pour laquelle nous avons préféré utiliser, dans un premier temps, le support du compte personnel d'activité. La question de la pluriactivité ne concerne pas seulement l'outre-mer : beaucoup de personnes travaillent en métropole dans une start-up tout en étant fonctionnaire ou artiste. Ou conduisent une voiture…
Mais de telles dispositions, non normatives, n'entrent-elles pas dans le périmètre des alinéas 6 et 7 de l'article 4 du présent projet de loi, relatifs aux instruments de mise en oeuvre de la convergence ?
Il importe de lier les plans de convergence aux stratégies de convergence et aux expérimentations.
L'alinéa 6 dispose que les plans de convergence regrouperont l'ensemble des actions opérationnelles en matière d'emploi, de santé et de jeunesse ; l'alinéa suivant a trait aux demandes d'habilitation et d'expérimentation, ainsi qu'aux propositions de modification. Il va nous falloir arbitrer entre le cadre fixé par la loi et l'initiative laissée aux concepteurs des plans de convergence.
Ne nous faisons pas d'illusions : lorsque le partenariat se mettra en place dans un territoire, tous les acteurs seront réunis, mais ils auront besoin de moyens financiers, d'outils réglementaires et d'instruments fiscaux pour agir.
Si la Martinique ou la Guadeloupe ont besoin d'une modification d'un texte législatif pour mettre en oeuvre leur politique en matière de pluriactivité, il faudra changer la loi ou leur octroyer une habilitation pour élaborer un règlement.
Ce texte a l'avantage de tracer une perspective, mais il ne crée pas les outils techniques permettant de mettre en oeuvre le plan de convergence. Il conviendra de les inventer et de se montrer innovant, ce qui nécessitera de mobiliser les énergies et les intelligences locales. J'espère que le Parlement ne bridera pas les dynamiques locales. On s'inscrira dans une démarche de créativité permanente pendant dix à vingt ans, ce qui représente une longue période ! C'est une sorte de logiciel d'intelligence locale… Ce texte ouvre la possibilité de respirer, mais si personne ne saisit cette opportunité, il restera dans un tiroir.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement CE12 du rapporteur pour avis.
Cet amendement étend, pour les départements et les territoires d'outre-mer, le périmètre des dépenses éligibles au titre de la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle. Il y intègre la rémunération des salariés assurant le tutorat des étudiants ou des apprentis dans le cadre d'une convention signée avec un établissement de formation, ainsi que les éventuels compléments de salaire qui leur sont versés à ce titre.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement CE7 de M. Jean-Paul Tuaiva, repris par le rapporteur pour avis.
Je reprends l'amendement de M. Jean-Paul Tuaiva, car je suis très sensible à son objet. En effet, il nous semble que la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna devraient bénéficier de la contribution au service public de l'électricité (CSPE). Ce sujet se trouve au coeur du débat sur l'égalité.
On me dira que l'article 74 de la Constitution empêche ces territoires de bénéficier de cette solidarité, mais la question des limites de l'égalité est éminemment politique. Chaque partie de la République a droit à un minimum de solidarité, particulièrement lorsqu'il s'agit de questions aussi vitales que l'eau, l'accès à l'électricité, l'air et la géopolitique des océans ; on ne peut pas se gargariser de posséder le deuxième territoire maritime mondial – nos zones économiques exclusives atteignent 11 millions de kilomètres carrés, et seuls les États-Unis en possèdent de plus étendues – grâce à la Polynésie, à Wallis-et-Futuna et à la Nouvelle-Calédonie, et refuser de reconnaître que l'on doit l'accès à une électricité peu coûteuse à la Polynésie. La CSPE doit donc s'appliquer à ces territoires. Lors du débat qui a précédé le vote de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, le Gouvernement s'était engagé à remettre avant le 31 décembre 2015 un rapport portant sur les modalités d'application de la CSPE. Éti rapo-tala ? Où est-il, ce rapport ?
On a récemment modifié la CSPE, mais son chantier reste ouvert. Nous avons beaucoup de travail à accomplir.
Madame la présidente, vous êtes en train de dire que vous allez demander au Gouvernement de remettre ce rapport, n'est-ce pas ? Les Polynésiens n'ont toujours pas vu ce document, huit mois après la date prévue de sa publication, alors qu'il concerne un sujet crucial. Une fois qu'il aura été remis, il faudra en discuter pour permettre à ces territoires d'accéder à cette solidarité.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle aborde l'amendement CE6 de M. Jean-Paul Tuaiva, repris par le rapporteur pour avis.
Je reprends également cet amendement, qui prévoit le déploiement d'un plan de développement de valorisation énergétique des déchets dans les départements et les collectivités d'outre-mer à l'horizon de 2020. Ces plans existent déjà, au titre de l'article 73 de la Constitution, aux échelons intercommunal, départemental et régional. Compte tenu de l'importance du sujet pour la Polynésie française, Wallis-et-Futuna et la Nouvelle-Calédonie, il convient d'adopter cette proposition.
La rédaction de l'amendement ne concerne pas uniquement les collectivités au sens de l'article 74 de la Constitution.
Vous ne pouvez pas rectifier l'amendement, monsieur le rapporteur pour avis, puisque vous n'en êtes pas l'auteur. Je vous propose de le voter en état et de le retravailler d'ici à la séance publique si la Commission des lois l'adopte.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CE8 de M. Jean-Paul Tuaiva, repris par le rapporteur pour avis.
Je reprends cet amendement, car j'ai moi-même subi le désagrément que M. Jean-Paul Tuaiva propose de faire disparaître. En effet, les personnes possédant un compte bancaire domicilié outre-mer s'en voient refuser l'usage dans 85 % des cas en métropole – cela concerne notamment les cartes de fidélité ou les financements bancaires. Nous souhaitons qu'un rapport sur le sujet soit rédigé, mais il s'agit surtout d'un sujet non négligeable pour l'égalité réelle. C'est parfaitement inacceptable.
On pourrait demander au Gouvernement d'insérer dans le texte une disposition plus décisive que la rédaction d'un rapport.
La commission adopte l'amendement.
L'amendement CE5 de M. Jean-Paul Tuaiva n'est pas défendu.
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du lundi 26 septembre 2016 à 17 heures
Présents. – M. Serge Letchimy, Mme Frédérique Massat, M. Philippe Naillet
Excusés. – Mme Jeanine Dubié, M. Laurent Furst, M. Georges Ginesta, M. Philippe Armand Martin, M. Bernard Reynès
Assistait également à la réunion. – M. Ibrahim Aboubacar