La réunion débute à 16 heures 15.
Présidence de M. Dominique Raimbourg, président.
La Commission procède à l'audition de Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable, sur le parcours d'intégration des migrants.
Je suis particulièrement heureux d'accueillir aujourd'hui Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable. Vous intervenez devant notre Commission sur un sujet important – le parcours d'intégration des migrants –, dont nous avons d'ailleurs déjà débattu avec Bernard Cazeneuve hier matin, lors de l'examen en commission élargie des crédits relatifs à l'immigration. Sans doute aborderez-vous aujourd'hui la question de façon plus générale, Madame la ministre.
Cette réunion est particulièrement cohérente puisque nous entendrons ensuite MM. Christian Assaf et Guy Geoffroy présenter le rapport de la mission d'information tendant à évaluer l'efficacité des mécanismes européens de prise en charge des flux migratoires exceptionnels.
Je suis très heureuse d'intervenir devant vous, ayant rarement l'occasion de le faire sur les questions de logement et d'hébergement. Il me semblait important de vous fournir des éléments quant à la prise en charge actuelle des migrants, non seulement à Calais mais aussi à Paris.
Je rappellerai tout d'abord le cadre général de l'intervention de l'État en matière d'hébergement : il est régi par l'article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles qui prévoit que toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence. Cet article pose ainsi le principe de l'accueil inconditionnel dans l'hébergement, qui explique la mobilisation très importante de l'État en faveur de ces structures d'hébergement destinées à tous les publics. Si je fais ce rappel, c'est que de nombreux migrants primo-arrivants peuvent, de fait, se retrouver pris en charge par nos structures d'hébergement classiques avant d'entrer dans le dispositif de l'accès au droit d'asile.
Je dois aussi rappeler – même si Bernard Cazeneuve vous l'a indiqué à plusieurs reprises – que nous avons à faire face non seulement à l'accueil de personnes provenant du bidonville de Calais mais aussi à l'arrivée de migrants qui se retrouvent sur les trottoirs parisiens. Cela nous a amenés à engager un grand nombre d'opérations de mise à l'abri depuis un an ainsi qu'une politique d'accueil particulière pour ces personnes, avant même qu'elles puissent entrer dans la procédure de demande d'asile, qui a été réformée et accélérée. Depuis 2012, nous avons donc ouvert 20 000 places supplémentaires en centre d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) si bien que nous en aurons 42 000 en 2017. Dans le même temps, et pour accueillir les plus précaires, nous avons considérablement augmenté le nombre de places pérennes d'hébergement à l'échelle nationale : 118 650 places depuis juin 2016, contre 93 591 en 2013.
J'en viens plus précisément à Calais et à l'Île-de-France.
J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer la situation de Calais tout à l'heure, lors des questions au Gouvernement. Au moment où je vous parle, nous avons mis à l'abri et transporté vers des centres d'accueil et d'orientation (CAO) 4 196 personnes et accueilli dans notre centre d'accueil provisoire, situé sur la Lande de Calais, 886 mineurs, qui, jusque-là, ne rentraient pas dans nos structures. En ce moment même, des bus quittent encore la zone, notre objectif étant de terminer cette nuit l'évacuation de ce bidonville. C'est une question de sécurité : en partant, en effet, beaucoup de migrants mettent le feu à leur tente, non par défiance mais plutôt pour clore une histoire. Or les risques sont grands compte tenu de la présence sur place de bonbonnes de gaz. Il y a d'ailleurs eu un blessé la nuit dernière.
Depuis octobre 2015, 165 CAO avaient été ouverts. Ces centres, financés sur le BOP 177, ont accueillis 6 000 personnes provenant en grande majorité de la Lande de Calais, et qui ont d'ores et déjà engagé le processus administratif. Dans le cadre de l'opération de démantèlement, nous avons par ailleurs ouvert plusieurs centaines de CAO – 287 à l'heure actuelle – sur l'ensemble du territoire national. Je rappelle qu'un CAO est une structure d'hébergement d'urgence accueillant spécifiquement des migrants. Il arrive que nous accompagnions ces populations dans des logements vacants : ce sont alors de petites unités de quatre à six personnes. Les CAO sont tenus par des associations spécialisées dans l'hébergement d'urgence et l'accueil des publics vulnérables et des personnes migrantes. En juillet dernier, nous avons institué une charte des CAO qui fixe des normes minimales d'accueil. Elle reprend en fait nombre des règles applicables dans nos structures d'hébergement d'urgence. Il était important de le faire, les fédérations nationales d'associations souhaitant s'assurer de la qualité de l'accueil offert. Par ailleurs, un prix de journée a été fixé comme dans les autres centres, avec un suivi départemental de la gestion. Les lieux que nous utilisons sont multiples : certains locaux sont mis à disposition pour plusieurs mois, d'autres pour plusieurs années ; certains relèvent de la propriété de l'État ou d'opérateurs publics, tandis que d'autres appartiennent à des entreprises privées ou à des municipalités.
Une grande partie des migrants venus de Calais depuis octobre 2015 ont d'ores et déjà présenté une demande d'asile dans le cadre de leur prise en charge en CAO. La très grande majorité d'entre eux relève d'une telle procédure. Nombre de ceux qui ont été accueillis depuis un an sont donc restés de manière temporaire en CAO pour ensuite être placés en CADA en tant que demandeurs d'asile. Beaucoup d'entre eux ont d'ores et déjà obtenu un titre de réfugié : nous travaillons actuellement à leur relogement dans des habitations pérennes, de droit commun.
S'agissant de l'Île-de-France, depuis juin 2015, des migrants sont apparus de façon progressive et régulière dans les rues de Paris où ils ont formé des campements illicites. Nous avons donc décidé avec le préfet de la région Île-de-France de mener des opérations massives de mise à l'abri. Depuis le 29 juin 2015, quelque 20 000 personnes ont été concernées. Les derniers chiffres sont les suivants : 17 389 propositions d'hébergement ont été faites par l'État et 2 000 autres par le département car il s'agissait de familles ou de femmes accompagnées d'enfants de moins de trois ans. Soixante-dix-neuf centres, gérés par une vingtaine d'organismes, ont été ouverts en Île-de-France. Cela représente un total de 5 664 places occupées, auxquelles peuvent s'ajouter, en fonction des besoins et des opérations, 1 800 places en hôtel ; nous avions également mobilisé de manière temporaire 153 places en gymnase. L'objectif était en effet de pouvoir accueillir toutes les personnes présentes et non pas d'arrêter ces opérations dès lors que nous n'avions plus de places d'hébergement pérennes. Nous avons donc utilisé très temporairement des gymnases.
Sur les 7 564 personnes actuellement hébergées en Île-de-France, 3 500 ont déjà demandé l'asile et 2 702 ont entamé les procédures. Au final, 6 000 personnes vont être orientées dans les semaines à venir vers des CAO et le dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile (DNA). Parmi les personnes hébergées actuellement, il y a également des réfugiés dont un certain nombre est déjà dans un processus d'insertion réelle, avec pour certains, un emploi. Nous menons un travail important avec la Délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL) et la plateforme nationale du relogement des réfugiés pour qu'ils puissent accéder à des logements de droit commun et s'intégrer pleinement. Plus de 80 % des personnes que nous avons mises à l'abri en Île-de-France relevaient du droit d'asile.
Plusieurs cas nous ont conduits à intervenir de manière particulière – parmi lesquels celui des mineurs étrangers isolés. Les enfants accompagnés de leur mère font l'objet d'une prise en charge spécifique au centre Jules Ferry. S'agissant des mineurs, qui ont entre dix et dix-huit ans, une partie d'entre eux relève du regroupement familial et a les moyens de prouver des attaches en Grande-Bretagne. Un certain nombre a déjà été admis dans ce pays et nous nous efforçons de faire en sorte que les Britanniques en accueillent davantage très rapidement. Il faut se souvenir que depuis les accords d'Amiens, la Grande-Bretagne avait admis soixante-douze mineurs en six mois ; elle en a admis 200 en une semaine et nous essayons d'accélérer encore le mouvement. D'autres mineurs, dont certains vivaient dans la Lande de Calais et bénéficiaient d'un accueil particulier avec notamment un suivi éducatif, n'ont pas d'attaches outre-Manche et projettent de rester en France. Nous allons évidemment prendre en charge ces mineurs. Nous discutons actuellement de ce sujet avec les ministères de l'intérieur, de la famille et de la justice et allons proposer aux départements d'offrir à ces jeunes une prise en charge particulière, financée par l'État. Ces mineurs, en nombre assez important, ont besoin d'un suivi éducatif et social fort, qui n'est pas exactement le même que celui qui peut être offert classiquement dans les foyers d'aide sociale à l'enfance. En effet, ils n'ont pas les mêmes parcours de vie, la même maturité ni les mêmes besoins. Nous sommes donc en train de travailler avec des centres dédiés.
Je porte une attention particulière aux femmes, certes moins nombreuses que les hommes isolés mais néanmoins présentes. Elles ont souvent été victimes d'exploitation tant sur le parcours de l'exil que dans ces campements de fortune – même si elles n'en parlent pas. Au-delà des soins primaires et de l'accès à leurs droits, elles ont donc besoin d'un suivi psychique très important.
Enfin, nous menons une action en faveur du relogement des réfugiés relocalisés depuis la Grèce ou la Turquie. Ces personnes sont notamment prises en charge par la plateforme de relogement des réfugiés, pilotée par la DIHAL que dirige Sylvain Mathieu. Cette plateforme, qui est en relation avec les bailleurs sociaux et les collectivités, mobilise des logements vacants, sociaux ou privés, qui nous ont d'ores et déjà permis de reloger 2 815 personnes – essentiellement des réfugiés syriens venus des hotspots grecs et italiens. Nous avons aussi accueilli des personnes qui ont été réinstallées depuis les camps turcs, libanais et jordaniens. Nous sommes en mesure d'en accueillir plus – je tiens à le dire ici. La lenteur avec laquelle ces réfugiés arrivent n'est pas due à la difficulté à trouver des logements en France mais plutôt à celle rencontrée dans les hotspots.
Enfin, j'ai lancé en août dernier un appel à projets visant à soutenir des associations qui encouragent l'hébergement citoyen des réfugiés, notre volonté étant de financer le suivi social de ces derniers. Nous avons reçu de la part des associations des réponses en nombre important, qui nous permettront de soutenir l'hébergement de 1 390 réfugiés. Le ministère du logement a, dans ce cadre, défini des chartes de qualité d'accueil prévoyant que les personnes soient accueillies dans une chambre autonome, sans contrepartie, pour une durée minimale. Nous avons également souhaité nous assurer que les associations, quand elles placent un réfugié chez un particulier, prévoient une solution de relogement en cas de difficultés – il y en a peu mais il faut les anticiper – et un accompagnement social, que nous finançons.
Voilà en quelques mots quelle est la situation. Je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.
Je suis satisfait de la manière dont le Gouvernement a pris en main la situation très complexe de Calais. Peut-être faudra-t-il également agir dans d'autres zones, notamment à Paris. La collectivité dont je suis maire fait partie de celles qui accueillent un CAO. Je déplore à cet égard que certains partis politiques organisent des manifestations à l'encontre des réfugiés : cela n'honore ni notre démocratie ni notre République.
Les conseils départementaux prennent-ils bien en charge les mineurs isolés ? D'autre part, lorsqu'un réfugié se voit octroyer le droit d'asile, l'État prend en charge tous ses frais pendant un an. Cela ne coûte donc pas un centime au contribuable local. Mais au-delà d'un an, c'est le droit commun qui s'applique. Si l'on veut réussir l'insertion de ces familles, il faut les accompagner tant sur le plan social qu'éducatif. Je me félicite d'ailleurs que dans les communes, des associations de bénévoles se constituent dès à présent à cette fin. Ainsi, dans ma ville, deux bénévoles seront affectés à chaque famille. L'État alloue aux communes 1 000 euros par personne. Mais il conviendrait qu'il donne davantage car il y a beaucoup de travail à faire à moyen et à long termes. Quelle est votre position sur cette dotation ? J'ai posé la même question hier en commission élargie mais n'ai pas obtenu de réponse très précise. Je me demande aussi si l'Union européenne ne pourrait pas abonder un fonds pour les collectivités qui participent à l'accueil. J'ai entendu les cris de détresse du Premier ministre italien. Il a raison : 153 000 migrants ont été secourus grâce à l'opération Sophia en Méditerranée et plus de 2 000 rien que dans la journée de lundi. Je souhaiterais donc un peu de discrimination positive en la matière.
Je voudrais vous remercier, madame la ministre, ainsi que Bernard Cazeneuve. L'opération que vous avez menée fait l'honneur de la France. Ces personnes sont ici. Elles étaient en situation de détresse et vous leur avez trouvé une solution et offert un accueil digne de notre pays.
Bien que nécessaire, le suivi social des migrants est difficile à assurer en milieu rural : qu'en pensez-vous ? Quant à l'initiative citoyenne, elle présente une richesse insoupçonnée : j'ai pour ma part reçu à ma permanence des personnes souhaitant s'investir dans cet accueil. Je rejoins donc la suggestion de mon collègue quant à la nécessité de clarifier les choses.
Je m'associe aux remerciements qui ont été adressés au Gouvernement : il a procédé au démantèlement du bidonville de Calais avec beaucoup d'humanité.
Vous avez évoqué la nécessité de mettre en place des CAO afin d'assurer le succès de ce démantèlement. De tels centres ayant déjà été ouverts dans le passé, connaît-on la durée moyenne de séjour des migrants qui y sont installés avant d'être réorientés vers des CADA ou reconduits à la frontière ?
S'agissant de l'implantation de ces centres, le département de l'Hérault, par exemple, va accueillir un peu moins de 300 réfugiés dont à peu près 120 dans la ville de Montpellier et 90 – du moins était-ce le chiffre initialement prévu – dans la commune de Saint-Bauzille-de-Putois qui compte quelque 1 400 habitants. On peut comprendre que dans l'urgence, on ait saisi tous les locaux vacants disponibles mais envisagez-vous une implantation plus équilibrée de la « charge » sur l'ensemble du territoire, une fois l'opération terminée ?
Enfin, le sort des mineurs isolés nous préoccupe : dans le rapport que nous vous présenterons avec Guy Geoffroy, nous insistons beaucoup sur cette question. J'ai pris note de votre volonté de faire en sorte, d'une part, que la Grande-Bretagne accueille davantage des mineurs isolés apportant la preuve que leur famille se trouve outre-Manche et, d'autre part, que les autres rentrent à terme dans le droit commun. Or nous pointons dans notre rapport les difficultés financières que leur prise en charge représente pour les conseils départementaux voire pour les régions. Il me semblerait opportun que les régions, dans le cadre de la formation professionnelle, les départements, dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance, mais aussi les communes, qui ont in fine à supporter la responsabilité de l'intégration de ces populations, puissent être associés pour mener une politique que vous pourriez coordonner – les régions pouvant d'ailleurs constituer une formidable interface entre l'Europe, qui a promis des aides financières et le Gouvernement, qui souhaite que l'accueil des réfugiés se fasse avec humanité.
Présidence de M. Jean-Yves Le Bouillonnec, vice-président.
Je vous remercie, madame la ministre, d'être venue nous parler de cette question très importante. Je salue l'action menée par le Gouvernement : il a adopté une approche humaine et humaniste et trouvé – ce qui n'était pas si simple – des solutions sur l'ensemble du territoire national, hors Île-de-France et Corse.
Je souhaiterais comme mon prédécesseur évoquer la situation de la petite commune de Saint-Bauzille-de-Putois, au nord de Montpellier, et la réaction de son maire. L'accueil des migrants n'est pas seulement une affaire de politique publique, menée par des opérateurs publics : il dépend aussi de la capacité des associations à accompagner le mouvement. Il y a à Saint-Bauzille-de-Putois, au sud des Cévennes, une forte tradition historique d'accueil – dans le même esprit qu'à Montpellier où a récemment été ouvert un CADA. Le travail associatif y est considérable. À l'évidence, il y a eu une petite difficulté mais elle est en train d'être résolue. Je voudrais donc saluer le travail du préfet Pouëssel et du maire de cette commune : ils ont trouvé une solution pour avancer, en divisant par deux la charge d'accueil initiale et en prévoyant de mettre un terme à cet accueil à la fin de l'année 2017. On a beaucoup entendu dire que les collectivités auraient dû être consultées au préalable. Certes. Mais l'important était d'être efficace. L'État a pris ses responsabilités. Il revient à présent aux collectivités de trouver des réponses avec le secteur associatif. Le travail a été fait – et bien fait – avec beaucoup d'humanité. Il faut dire les choses avec simplicité et cohérence afin que tout le monde puisse comprendre. Il s'agit de mineurs, de femmes, qui ont été victimes de violences, de familles…
Au bout du compte, la France est un pays un peu étrange, toujours en train de considérer qu'il faudrait tout faire, tout le temps, mais sachant par ailleurs qu'il faut avancer pas à pas, de manière à la fois déterminée et simple. Je crois que l'objectif a été atteint. Dans cette affaire, vous avez été, madame la ministre, d'une très grande discrétion, tandis qu'on entendait beaucoup le ministre de l'Intérieur qui est « parti au charbon », et vous êtes finalement parvenue à trouver toutes les solutions. Bravo !
Vous ne serez peut-être pas en mesure de répondre à la question que je m'apprête à vous poser, compte tenu de vos responsabilités ministérielles. Mais vous représentez ici le Gouvernement, c'est pourquoi je me permets de le faire. La majeure partie, si ce n'est la totalité, des migrants installés à Calais ont comme objectif de rejoindre l'Angleterre. On peut donc penser que la demande d'asile en France n'est pas pour eux un point de passage obligé. Or, au moment où le démantèlement s'achève, le Gouvernement fait savoir que 80 % des migrants de la jungle de Calais seraient demandeurs d'asile. Comment avez-vous pu établir cette estimation ? Quels éléments concrets et objectifs peuvent-ils venir à l'appui de cette affirmation que je n'ai aucun moyen de contester mais dont je me permets de soulever le caractère paradoxal en apparence – et peut-être plus qu'en apparence ?
Mes collègues ont parfaitement exprimé ce que je ressens, moi qui ai été confronté comme d'autres ministres de l'intérieur à la situation de Calais et de Sangatte. Chapeau ! La préparation, la méticulosité et l'humanité sont indispensables dans ce type d'opération d'envergure. Cela ne peut réussir que si suivi et transparence sont assurés. On a vu, jadis, l'échec de la suppression brutale de Sangatte et de l'évacuation de la jungle, quelques temps après, faute de suivi. La transparence, qui est cette fois au coeur de votre démarche, restera-t-elle la règle tout au long des mois à venir de sorte que l'on sache combien de personnes auront droit au titre de réfugié, combien seront reconduites à la frontière, combien de mineurs isolés sont finalement accueillis ? Ce sera la meilleure manière d'éviter la surenchère, dans le contexte démocratique qui sera le nôtre prochainement. Il faut dire la vérité. En tout cas, le Gouvernement a parfaitement préparé cette opération extrêmement dangereuse.
Qu'en sera t-il du maintien de la zone de Calais, à l'issue de son évacuation ? Comment cette zone sera-t-elle réinvestie par le droit ?
Enfin, je suis préoccupé – non par égoïsme mais par humanisme – par la situation de l'avenue de Flandre. Comment faire disparaître, tout aussi humainement, le campement en place et éviter que ne viennent s'y implanter des personnes sortant des CAO de province ? Calais est tout proche de la frontière maritime avec la Grande-Bretagne mais la Gare du Nord n'est guère plus loin de ce pays. Attention à ne pas concentrer sur un espace restreint des populations qui penseraient que l'un des moyens de parvenir en Grande-Bretagne est d'être à Paris ! Cela pose des difficultés d'ordre public importantes, sur un espace plus contraint.
Pour m'être rendue lundi à Calais, je peux aussi témoigner de cette bonne organisation, à laquelle participent bien évidemment les services de l'État – l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) – mais aussi les associations présentes. D'un point de vue humanitaire, il est effectivement bon que les personnes puissent dormir dans du « dur » et être accueillies, d'autant qu'il s'agit, à hauteur de 70 %, de demandeurs d'asile.
Les femmes isolées avec enfants peuvent être la proie de nombreux trafics, mais, une fois en CAO, que deviendront-elles ? Seront-elles accueillies en centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) ? Iront-elles en CADA ? Peut-être n'y a t-il pas suffisamment de places, mais ce sont vraiment les personnes les plus vulnérables.
Par ailleurs, des familles, notamment dans ma circonscription, seraient volontaires pour accueillir des migrants – familles ou mineurs isolés – mais vers quel interlocuteur les orienter ? Du moins démontrent-elles ainsi que tout le monde ne refuse pas de faire preuve de solidarité !
Ma question concerne peut-être plus le ministère de l'intérieur que Mme Cosse. La préfecture du Morbihan m'a renvoyé à la préfecture de région lorsque j'ai voulu savoir où étaient passées trois familles à propos desquelles on m'interpellait. J'aimerais donc être éclairé sur le fonctionnement, l'articulation entre les différents services, et savoir à qui m'adresser pour obtenir un certain nombre de renseignements.
Les questions sont nombreuses, madame la ministre. Avant de vous laisser y répondre, je veux souligner à quel point les modalités des opérations en cours, scrutées par tout le monde, sont satisfaisantes. C'est la fierté de la France. L'État sait agir avec humanité, et son action peut être relayée par les associations – c'est aussi important.
Merci, tout d'abord, pour vos propos et vos encouragements. J'y suis d'autant plus sensible qu'un certain nombre d'entre vous ont exercé des responsabilités importantes.
En effet, l'opération se passe bien. Lorsque Bernard Cazeneuve et moi-même nous sommes engagés la fin du mois d'août sur le démantèlement de ce bidonville, nous ne savions pas si ce serait le cas. Mais comment aurions-nous pu ne pas nous indigner ? Je fais référence au livre de Stéphane Hessel : Indignez-vous ! Tous les jours, je suis indignée de voir des gens à la rue, et, comme vous, je suis indignée par les dysfonctionnements de l'État, car, si nous nous battons collectivement, les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous.
La réalité, au-delà du débat sur les migrations et le statut de ces personnes, c'est que nous ne pouvons accepter ces campements de fortune – d'infortune –, ces bidonvilles, nous ne pouvons accepter que des personnes n'aient pas accès à leurs droits. Disons les choses telles qu'elles sont.
Aussi Bernard Cazeneuve s'est-il, avec l'OFPRA, saisi dès le mois d'octobre 2015 de la question de l'accès au droit d'asile et les CAO ont-ils été créés. Parmi les personnes se trouvant à Calais, certaines relèvent entièrement du droit d'asile mais, pour d'innombrables raisons, n'ont pas eu accès au guichet. La réforme du droit d'asile a quand même changé la donne et permis une accélération du traitement des situations.
Par ailleurs, il n'est pas vrai que la plupart des personnes présentes dans ce campement veulent aller en Angleterre ; je le sais notamment pour m'y être rendue plusieurs fois avant d'être nommée ministre, ce qui me permettait des déplacements très libres. En fait, il y a autant d'histoires et de cas qu'il y a de personnes présentes sur le site. Certains arrivent avec un projet d'émigration vers l'Angleterre. D'autres arrivent sans connaître de Calais autre chose que son nom, parfois appris sur la route de leur exil. D'autres encore veulent retrouver des proches. D'autres, enfin, veulent seulement vivre sereinement – ce qui peut tout simplement signifier : dormir sous un toit. Rendez-vous compte d'où viennent ces personnes ! Nous commençons à connaître assez bien leurs nationalités. Afghans, Érythréens, Somaliens et Soudanais forment la très grande majorité, mais des ressortissants d'autres pays sont également présents, notamment des Libyens.
Pour ma part, j'ai souhaité une politique de mise à l'abri avant même le démantèlement de Calais, y compris à Paris. C'est à ce titre que le ministère du logement intervient. En charge de l'hébergement d'urgence et donc de ces mises à l'abri, nous devions agir plus rapidement. Il ne s'agit pas de jouer à se demander qui de l'État ou des départements est compétent ; nous devons relever un défi important, qu'il s'agisse des hommes majeurs, des femmes avec enfants, des mineurs, qui ont des besoins particuliers.
Tel est le cadre dans lequel nous avons engagé l'opération en cours, résolument humanitaire, et pour laquelle nous avons voulu nous donner les moyens nécessaires. Il s'agit d'abord de créer autant de places qu'il en faut. Je veux rappeler qu'au campement de la Lande nous gérons aujourd'hui, certes par le biais d'une association, un camp d'accueil provisoire de 1 500 places, le centre Jules-Ferry, avec un accueil spécifique pour les femmes, et nous finançons la distribution de repas. L'État n'a donc jamais été absent du camp de la Lande, mais nous souhaitions passer à autre chose.
Bernard Cazeneuve et moi-même avons décidé de créer autant de places de CAO que possible, d'où un plan de création de 9 000 places. J'ai proposé une répartition de ces places dans l'ensemble des régions en proportion de leur population ; la Corse est exclue de ce dispositif, pour éviter de devoir recourir – cela nous paraissait un peu compliqué – aux transports aériens, de même que l'Île-de-France, qui compte d'ores et déjà 7 000 places.
Nous avons laissé les préfets libres de choisir les sites, en retenant pour critères la disponibilité de bâtiments permettant un accueil digne et la présence d'associations compétentes pour gérer cet accueil, pour que les territoires fournissent tous un effort en adéquation avec leurs capacités. Il s'agit non pas simplement de fournir des repas et des produits d'hygiène mais d'assurer un suivi social et administratif. Et si nous avons choisi la commune de l'Hérault à laquelle vous avez fait allusion, ce n'est pas pour ennuyer tel ou tel élu, c'est parce qu'il y a là-bas une association avec laquelle nous travaillons habituellement, qui nous a confirmé disposer des moyens requis. Nous avons eu une discussion avec l'élu concerné, et, finalement, 44 personnes y seront accueillies. Autre exemple, la commune de Forges-les-Bains compte quatre hectares de libres, avec des bâtiments inoccupés. Or nous avons besoin de capacités d'hébergement dans cette partie de l'Essonne, et un acteur associatif est présent. Il se trouve, en outre, que les locaux concernés appartiennent à la ville de Paris. Sporadiquement, une certaine hostilité se manifeste, mais, dans la très grande majorité des cas, les élus sont favorables à l'accueil ou, tout simplement, laissent l'État remplir sa mission, car c'est bien l'État qui assume cette mission et son coût, même si nous considérons toujours la qualité de l'opérateur envisagé pour ce travail d'accueil social
Au-delà de cette mission de mise à l'abri, de très nombreux acteurs demandent à être associés : des élus, des municipalités, des associations locales, quel que soit leur champ d'activité – je l'ai encore constaté avant-hier, lundi, à Nogent-le-Rotrou. Je pourrais citer les Restaurants du coeur, le Secours catholique, le Secours populaire, la Croix-Rouge, mais aussi des associations familiales qui luttent contre le surendettement ou d'autres qui aident les élèves à faire leurs devoirs – elles veulent donner des cours d'alphabétisation dans les centres –, ou encore des associations sportives et culturelles. En effet, les personnes qui arrivent en CAO vont entamer leurs démarches, mais cela prend des mois, il leur faut donc des occupations. À Paris, des associations d'insertion commencent, dans un centre que nous avons créé, à travailler avec les personnes concernées avant même qu'elles aient obtenu leur statut de réfugié. J'ai aussi vu des représentants syndicaux. Tout le monde répond présent pour nous aider, et c'est ce qui nous permet de faire ce que nous faisons.
C'est aussi pour cette raison que nous avons laissé aux préfets, qui connaissent quand même mieux la réalité des territoires que nous, le soin de décider de la taille des centres créés : quelques dizaines de personnes, ou bien deux cents personnes. De nombreux sites peuvent accueillir quinze personnes, d'autres quarante ou quatre-vingts. Ce ne sont pas que les lieux qui déterminent le nombre de places, c'est aussi la capacité de mener à bien les opérations. Pour ma part, j'ai demandé que la solidarité soit portée par tous les territoires, selon une approche fine. Ainsi, des territoires très ruraux ne sont pas exclus, si les transports permettent de rejoindre l'hôpital ou la sous-préfecture, de mener les actions nécessaires ; nous évitons simplement les zones très enclavées – par exemple, des centres de vacances en zone montagneuse, peu propices à la mobilité des personnes.
Je souhaite répondre à un certain nombre de questions.
Je n'entrerai pas dans les détails du débat entre l'Assemblée des départements de France (ADF) et l'État sur la prise en charge des mineurs isolés. Je peux en revanche vous dire qu'il arrive, à Calais, que des mineurs se disent majeurs dans le but de partir en CAO – arrivés en CAO, ils commencent à retrouver leurs esprits et un peu de sécurité. Disons-le très clairement : la préservation de l'intégrité, des hommes comme des femmes, n'est pas assurée dans le camp de Calais. C'est aussi pour cette raison que les gens n'en peuvent plus. Aux prises avec la violence, sous le joug des passeurs, ils vivent au jour le jour. Très vite, des travailleurs sociaux se sont rendu compte, en CAO, que certains étaient mineurs. Les services départementaux les ont pris en charge sitôt que nous le leur avons demandé. Il n'y a pas de problème de ce point de vue.
France terre d'asile nous a aidé à plusieurs reprises à compter les mineurs de la Lande de Calais ; ils pouvaient les approcher, mais ces mineurs ne voulaient absolument pas gagner nos structures. Nous sommes finalement parvenus à les y faire entrer. Je pense que nous avons réussi à les libérer quelque peu du joug de certains réseaux mafieux. Certains de ces mineurs ne partiront pas en Angleterre et seront pris en charge en France. Notre volonté est de travailler avec les départements – nous sommes en train de discuter avec l'ADF. La prise en charge immédiate se fait, par exception, sur les crédits de l'État ; nous ne voulons pas remettre en cause le partage des compétences, mais il nous semble important, vu l'urgence, de nous engager ainsi. À terme, ces personnes seront prises en charge par les départements, prise en charge qui comportera tout un volet de formation – je n'ai pas encore entamé de discussions avec les régions. Nous nous demandons par ailleurs si certains jeunes ne relèvent pas de la « garantie jeunes ». Pour leur part, les ministres Thierry Mandon et Najat Vallaud-Belkacem travaillent à une meilleure prise en charge de mineurs et de jeunes majeurs inscrits dans des systèmes éducatifs, qui ont besoin d'un suivi important. Cette importante question des mineurs doit être traitée.
Comment l'Union européenne pourrait-elle, finalement, nous aider ? Je ne suis pas sûre d'être habilitée à répondre à une telle question, mais il me semble en effet que l'Union européenne doit s'interroger sur sa politique d'accueil au niveau global. Pour notre part, nous avons prévu une aide aux communes dans le cadre du premier plan migrants, mais qu'en sera t-il à terme ? Compte tenu de la situation au Moyen-Orient, nous allons être confrontés à de nouveaux développements. Il me semble donc important d'y réfléchir.
Pourquoi parlons-nous d'à peu près 80 % de personnes qui pourraient se voir accorder l'asile ? D'où vient ce chiffre ? Nous avons deux moyens de voir ce qui se passe. Tout d'abord, nous savons qu'ont été accueillies en CAO 6 000 personnes depuis le mois d'octobre 2015. Ensuite, nous voyons ce qui se passe à l'échelle francilienne. Dans les CAO, nous avons constaté des départs presque immédiats, parfois au bout d'une seule journée – mais certains sont revenus, après un retour ponctuel dans des campements parisiens. À la suite de discussions avec d'assez nombreuses associations, je crois important de souligner que nous avons affaire à des personnes désemparées, qui ont parfois vécu des choses très dures et qui n'ont pas forcément confiance en la parole de l'État – pas spécialement la parole du nôtre, mais la parole de l'État en général. Nous nous sommes donc appuyés sur des réfugiés déjà admis. Les agents de l'OFII et de l'OFPRA se sont aussi appuyés sur des sortes de représentants communautaires et religieux au sein du campement de la Lande de Calais pour expliquer ce qu'il en était de la prise en charge, car certains migrants n'imaginent pas que l'État puisse vraiment les mettre à l'abri. Ayons-en conscience.
Si certains sont partis, nous avons constaté que plus de la moitié des personnes accueillies et mises à l'abri restaient. Plus le temps passe, plus elles restent, et, effectivement, plus de 80 % des personnes actuellement hébergées peuvent prétendre à l'asile en raison du pays dont elles viennent, si l'on en juge d'après les dossiers déjà déposés – par des personnes en mesure de prouver leur situation. Nous avons par ailleurs constaté que certaines populations sont confrontées à des problèmes spécifiques. Une communauté d'Éthiopie a ainsi été évoquée dans la presse ; l'OFPRA travaille sur la question, qu'il ne connaissait pas particulièrement.
Je ne peux vous donner un chiffre précis, mais le séjour en CAO dure entre trois et cinq mois. Ensuite, les personnes concernées gagnent les dispositifs classiques – notamment les CADA de l'Association pour la solidarité active (APSA). C'est aussi pour cette raison que nous avons demandé au ministère de l'intérieur d'accélérer l'ouverture des places de CADA prévues, ce qu'il a fait. Ce sont 20 000 places qui ont été ouvertes, pour parvenir à une plus grande fluidité. De même, nous accélérons le relogement des personnes aujourd'hui en CADA qui pourraient en sortir. S'y trouvent effectivement des réfugiés qui, aujourd'hui, doivent pouvoir accéder aux logements de droit commun. Le processus est différent parce qu'ils commencent à avoir des revenus propres, mais c'est une mission très importante pour nous.
M. Vaillant m'interroge sur la transparence. Bernard Cazeneuve et moi-même ne sommes guère portés sur la communication mais nous avons voulu que l'opération de Calais soit menée en toute transparence. C'est le meilleur moyen pour que cela fonctionne bien. Je ne vous cache pas que ce fut également mon ambition dès le début. Après le démantèlement de la zone sud de la « jungle », j'ai souhaité un comité de pilotage avec les associations impliquées. Nous l'avons lancé avec Bernard Cazeneuve au mois de mars, et nous y avons associé les grandes associations du travail social et de l'hébergement, les associations présentes sur la Lande de Calais. Nous avons donc eu un dialogue régulier avec elles, en dehors du dialogue hebdomadaire avec la préfète. Cela nous a permis de nous mettre d'accord, parfois de confronter nos positions, notamment lorsqu'il fut prétendu, il y a quelques semaines, que le démantèlement de Calais entraînerait une chasse aux migrants, et c'est cette transparence qui nous permet d'avancer aujourd'hui. Nous avons aussi souhaité que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et les grandes organisations non gouvernementales internationales soient présents sur place. Nous avons aussi des discussions constantes avec l'UNICEF sur la question des mineurs. Nous poursuivrons évidemment tout cela.
Vous avez parlé de la vérité des chiffres. Nous n'avons aucune difficulté à les produire. En Île-de-France, le préfet donne régulièrement le nombre de personnes à l'abri, le nombre de personnes qui ont demandé l'asile, le nombre de personnes qui ont obtenu le statut de réfugié. Nous allons continuer à le faire, cela nous semble important.
Par ailleurs, de nombreuses opérations de mise à l'abri ont eu lieu à Paris, où beaucoup de personnes s'installent dans la rue. Nous avons souhaité accompagner la maire de Paris, qui demande à avoir un centre d'accueil provisoire. Celui-ci, financé par l'État, doit ouvrir au cours des prochaines semaines – les travaux sont en cours de finalisation. Dans un centre d'accueil de jour, les personnes préciseront leur statut juridique. Toutes les personnes qui relèvent de l'asile, des primo-arrivants, seront immédiatement dirigées vers le centre d'hébergement, tout voisin, qui compte 400 places, et nous sommes en train de construire un centre à Ivry-sur-Seine pour des publics vulnérables : des femmes, des personnes qui présentent des pathologies, d'autres qui ont besoin d'un suivi particulier. Toutes les personnes reçues à l'accueil du jour auront droit à une visite médicale et leurs besoins primaires feront aussi l'objet d'un examen attentif. À l'issue de l'examen de leur situation administrative, qui pourra durer une dizaine de jours, elles seront envoyées en CAO. L'idée, c'est vraiment, chaque fois, de diriger ces personnes vers le processus de l'asile : c'est la meilleure façon de les sortir des campements, les libérer du mythe du passage en Angleterre que certains réseaux leur vendent à prix d'or et aussi leur expliquer dans quelle situation elles sont, leur présenter le pays, les règles de droit applicables, etc.
Je ne peux pas vous répondre sur le maintien des forces de l'ordre à Calais, car cela relève de la compétence de Bernard Cazeneuve, mais nous imaginons que des gens continueront de « naviguer » autour de Calais. Nous maintiendrons donc des moyens d'accueil légers, qui permettent de prendre en charge ces personnes et de les installer en CAO le plus rapidement possible. Nous conserverons donc aussi ce dispositif régulier de transport en autobus vers les CAO. Tout cela suppose une fluidité du système ; c'est un pari qu'il est important de tenir.
Pour l'accueil des femmes, que ce soit à Paris ou à Calais, j'ai souhaité des CAO spécifiques, avec des places dédiées. Pourquoi ne mélangeons-nous pas les hommes et les femmes ? C'est là une règle de l'hébergement, qui vaut pour les femmes françaises et pour l'ensemble des femmes, pour leur sécurité, et pour leur suivi. Leur prise en charge en CAO suivra cependant le même processus. En outre, si certaines personnes doivent être accueillies dans des centres spécifiques, ou en CHRS, ce sera possible.
Vers qui renvoyer des familles françaises qui veulent agir dans cette bataille difficile ? Nous avons souhaité accompagner un certain nombre d'associations. De nombreuses associations cultuelles organisent l'accueil des réfugiés et font un peu de formation. Elles rappellent notamment quelques principes simples : l'hébergement citoyen, c'est formidable, mais cela entraîne aussi des contraintes, qu'il faut assumer. Ce n'est pas pour quelques semaines, et on n'accueille pas quelqu'un à son domicile parce qu'on le quitte pour les vacances. C'est vers ces associations qu'il faut se tourner. Évidemment, j'aurai l'occasion, au cours des prochaines semaines, de poursuivre ce travail sur l'hébergement citoyen. Nous oeuvrerons à la visibilité des associations concernées.
Nous menons cette action de mise à l'abri avec des créations de places supplémentaires, une mobilisation de budgets complémentaires, l'engagement d'associations au-delà de ce qu'elles font déjà. À aucun moment je n'ai réduit l'action en faveur de l'hébergement d'urgence classique. Nous en sommes, je le répète, à 118 000 places pérennes. Pour la préparation de l'hiver, comme chaque année, je vais ouvrir 10 000 places d'hébergement supplémentaires, utilisées au moment des vagues de froid. Elles sont ouvertes au début du mois de novembre, jusqu'au mois de mars, mais non plus au gré des températures : selon les besoins locaux. Nous poursuivons ce processus de pérennisation des places pour que les fermetures massives de l'été ne succèdent plus aux ouvertures massives de l'hiver. Il s'agit d'assurer plus d'accueil dans les territoires, parce que des publics en grande précarité se retrouvent à la rue. Je sais que l'hébergement d'urgence n'est pas encore suffisamment efficace dans certains territoires, mais nous avons considérablement accru nos propositions de logement et de relogement. Nous travaillons par ailleurs pour que les personnes qui en relèvent soient logées dans des logements de droit commun. En Île-de-France, 45 % des personnes en hébergement d'urgence relèvent du logement de droit commun : elles sont salariées, éventuellement en CDI, relèvent d'Action Logement. Nous menons une action très importante auprès des bailleurs sociaux, des municipalités et de l'ensemble des organismes de logement social pour que ces personnes aient accès en priorité au logement de droit commun car elles en ont les moyens financiers et y sont éligibles. C'est l'objet d'un effort budgétaire sans précédent. Le montant consacré à ces efforts a déjà augmenté en 2016, il augmentera encore en 2017.
Nous ne menons donc pas cette politique en faveur des migrants au détriment d'autres publics. Nous poursuivons notre action en faveur des publics précaires, notamment les jeunes qui sortent de l'aide sociale à l'enfance, notamment des femmes et des hommes sans domicile. Nous travaillons à réduire ces situations d'extrême précarité, parce que nous savons que chaque jour passé à la rue est un jour de dégradation très forte de l'être humain, ce qui a ensuite des répercussions sociales extrêmement fortes.
Merci, madame la ministre, pour ces réponses. Nos collègues ont exprimé leur satisfaction par rapport aux opérations conduites actuellement, mais ils demeurent attentifs au parcours d'intégration. Notre commission aura à revenir sur ces sujets, et j'espère que nous aurons encore le plaisir de vous accueillir. Vraiment, nous sommes favorablement impressionnés de ce que vous-mêmes et Bernard Cazeneuve faites actuellement.
La Commission procède ensuite à l'examen du rapport de la mission d'information tendant à évaluer l'efficacité des mécanismes européens pour prendre en charge des flux migratoires exceptionnels (MM. Christian Assaf, président et rapporteur, et Guy Geoffroy, vice-président et co-rapporteur).
Chers collègues, nous avions confié à nos collègues Christian Assaf et Guy Geoffroy la tâche de mener une réflexion très importante. Ils vont nous présenter les éléments les plus substantiels de ce rapport qui leur a donné beaucoup de travail et qui, par ailleurs, les a conduits à examiner les réalités dont nous avions besoin de prendre la mesure. Je voudrais d'ores et déjà, au nom du président de la Commission Dominique Raimbourg, leur exprimer notre gratitude pour ce travail remarquable.
Monsieur le président, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme des travaux de notre mission d'information, créée par la commission des Lois le 16 décembre 2015, avec pour objet d'évaluer l'efficacité des mécanismes européens pour prendre en charge des flux migratoires exceptionnels.
Notre commission ne pouvait manquer en effet de se pencher sur les conséquences de l'exode d'innombrables réfugiés chassés par la guerre et par les exactions en Irak, en Syrie et en Libye, et sur les conditions juridiques et politiques de leur accueil en Europe. Rappelons en effet que plus d'un million de migrants irréguliers ont rejoint l'Union européenne en 2015. De façon plus dramatique encore, les milliers de noyés en Méditerranée ne pouvaient que conduire les membres de notre commission à s'interroger sur la pertinence et l'adaptation des dispositifs de l'Union européenne en matière de gestion des flux migratoires. Pourquoi des réactions aussi tardives et en ordre si dispersé ? Pourquoi tant de divergences entre les États membres ? De tels drames humanitaires auraient-ils pu être évités ? Quel avenir pour le droit d'asile et la libre circulation en Europe ?
C'est en gardant ces questionnements présents à l'esprit que nous avons mené nos travaux. Nous avons auditionné de très nombreuses personnalités : ministre, hauts fonctionnaires, membres de l'OFII et de l'OFPRA, diplomates français et étrangers, universitaires, magistrats, représentants associatifs, etc. Je tiens à remercier aujourd'hui l'ensemble de ces personnes pour le temps qu'elles nous ont consacré. Nous sommes également allés sur le terrain recueillir un éclairage précieux, que ce soit à Athènes, à la frontière gréco-macédonienne, à Ankara ou encore à Izmir. Nous nous sommes par ailleurs rendus deux fois à Bruxelles.
Notre travail lui-même a été rythmé par l'actualité : la conclusion de l'accord entre l'Union européenne et la Turquie, le 18 mars dernier, l'évolution de la situation politique en Turquie, les différents sommets européens ou encore la publication de propositions de directives et de règlements communautaires ont ponctué le déroulement de nos travaux.
Notre mission d'information a finalement examiné et adopté hier son rapport, auquel elle a donné le titre suivant : « Flux migratoires exceptionnels : l'Europe face à ses responsabilités ». Il vous revient désormais d'en autoriser la publication.
Permettez-moi, avant de vous en esquisser les grandes lignes, de dire un mot du champ de cette mission. Conformément à son intitulé, elle a délibérément choisi de se concentrer sur la dimension européenne du phénomène migratoire, les aspects strictement français étant traités par ailleurs. En outre, si son champ n'incluait pas, en tant que telles, la lutte contre le terrorisme et la préservation de la sécurité des citoyens européens, cette préoccupation n'a bien sûr pas été absente de nos travaux.
Sur le fond, nous nous sommes efforcés, dans un premier temps, de poser un diagnostic précis. Nous avons tenu ainsi à donner au phénomène que nous analysions ses dimensions exactes. Les mouvements migratoires de grande ampleur ne sont en effet pas sans précédents, même s'ils n'avaient jamais atteint sur notre continent l'ampleur qu'ils ont connue au cours des deux dernières années. Au XXe siècle, l'Europe a déjà démontré sa capacité à absorber des afflux très importants de personnes déplacées. Du point de vue géographique, nous avons rappelé que les pays industrialisés n'accueillaient qu'une faible partie des réfugiés dans le monde : selon le HCR, 86 % des 21,3 millions de réfugiés se trouvent aujourd'hui dans des pays en voie de développement !
Cela précisé, il reste que les entrées irrégulières au cours des deux dernières années sur le territoire européen, à la suite notamment de la guerre en Syrie, ont connu une ampleur inédite. Ces flux migratoires se sont traduits par une forte augmentation des demandes d'asile notamment en Allemagne et, dans une moindre mesure, en Italie et en France.
Ces mouvements migratoires sont par ailleurs à l'origine de situations humaines souvent dramatiques. Je songe aux noyés en Méditerranée : 3 770 en 2015, 3 654 à ce jour en 2016. Je songe aussi aux migrants présents dans les hotspots des îles grecques, centres surpeuplés et où la violence est palpable. Je pense également aux 46 000 migrants bloqués en Grèce continentale, du fait de la fermeture de la route des Balkans, et accueillis dans des camps tenus soit par l'armée grecque, soit par les autorités civiles. Ceux tenus par les autorités civiles sont d'une qualité plus que contestable, comme nous avons pu le constater à Ellinikó.
L'accueil de trois millions de réfugiés en Turquie nous a semblé en revanche globalement acceptable. Les camps, où réside 10 % environ des réfugiés, sont considérés par les associations comme étant au-dessus des normes internationales. Nous souhaitons toutefois attirer l'attention sur la situation des enfants de réfugiés en Turquie. Beaucoup ne sont pas scolarisés. Certains sont contraints de travailler, dans des ateliers de textile par exemple, pour subvenir aux besoins de leurs parents. Le gouvernement turc assure avoir pris la mesure de ces problèmes. Il nous semble toutefois qu'il faut rester très vigilant sur ce point, notamment dans le cadre des discussions concernant l'usage des financements mobilisés par l'Union européenne.
Les mineurs en général nous sont, d'ailleurs, apparus comme les grands oubliés des débats sur les flux migratoires. Plus du quart du million de migrants arrivé en Europe en 2015 était constitué de mineurs. Plus de 7 000 enfants non accompagnés ont effectué la traversée d'Afrique du Nord vers l'Italie au cours des cinq premiers mois de l'année 2016. Ils sont exposés aux risques de mauvais traitements et d'exploitation, y compris sexuelle, voire de disparition. Cette question ne doit pas être éludée.
La protection en France des mineurs isolés étrangers, dont le nombre en métropole est estimé à plus de 8 000, relève de la compétence des départements. Il nous semble que l'État devrait accroître fortement l'aide financière qu'il apporte aux départements au titre de l'accueil des mineurs non accompagnés. Les régions devraient également être davantage impliquées dans leur accueil.
Ce diagnostic posé, nous avons analysé les réponses apportées par l'Union européenne.
Des instruments juridiques tels que le règlement Dublin III et le code frontières Schengen ont montré leur inadaptation. Quant à l'absence, malgré l'objectif affiché depuis plusieurs années de progresser sur la voie d'un « régime d'asile européen commun », d'harmonisation des régimes d'asile nationaux, elle a manifestement encouragé les mouvements migratoires secondaires d'un État à l'autre.
La lutte contre les passeurs doit impérativement être renforcée et recentrée sur la Méditerranée centrale où se concentrent désormais les flux. Je rappelle que la proportion de migrants ayant reçu le concours de réseaux de passeurs est estimée à 90 %. Le chiffre d'affaires de ces derniers aurait atteint près de dix milliards d'euros en 2015.
Pour ce qui est des relocalisations d'urgence, destinées à soulager la Grèce et l'Italie, leur nombre ne s'élevait qu'à 5 651 à la fin du mois de septembre 2016. Or l'objectif fixé par l'Union européenne lors de la création du mécanisme en 2015 était de 160 000 personnes relocalisées ! Nous appelons ici les États membres à amplifier drastiquement leurs programmes de relocalisation, conformément à leurs engagements.
Je précise que notre pays n'a pas à rougir de son bilan puisqu'il occupe la première place en matière de relocalisations. Nous pourrions néanmoins accroître, nous aussi, nos efforts en la matière. Il nous paraît essentiel, en particulier, que l'objectif de proposer chaque mois à la Grèce la relocalisation de 400 personnes, fixé par le ministre de l'Intérieur, ne reste pas lettre morte. Nous pourrions aussi ouvrir la relocalisation aux mineurs étrangers isolés.
J'en viens à présent à l'accord du 18 mars conclu entre l'Union européenne et la Turquie. Comme vous le savez, il prévoit que les migrants arrivant dans les îles grecques ont vocation, après avoir été enregistrés, à être renvoyés en Turquie s'ils ne demandent pas l'asile ou si leur demande d'asile est jugée infondée ou irrecevable. Pour chaque Syrien renvoyé, un autre est appelé à être réinstallé de la Turquie vers l'Union européenne – ce que nous appelons le « un pour un ». Il prévoit aussi, entre autres choses, la libéralisation du régime des visas en faveur des citoyens turcs, pour autant que tous les critères de référence soient respectés.
Les réinstallations débordent bien entendu le cadre de cet accord. Elles sont pratiquées par l'OFPRA depuis 2013. Le Conseil de l'Union européenne a également décidé la mise en place d'un mécanisme de cette nature en juillet 2015, visant à la réinstallation de plus de 22 000 personnes.
Les réinstallations dans le cadre de l'accord entre l'Union européenne et la Turquie apparaissent satisfaisantes. À la fin du mois de septembre 2016, 1 614 Syriens avaient déjà été réinstallés en Europe dans le cadre de l'accord.
Toutefois, d'un point de vue global, le niveau des réinstallations demeure insuffisant. À la mi-juin 2016, 7 272 personnes seulement avaient été réinstallées dans le cadre du programme de l'Union européenne de juillet 2015. Là encore, nous préconisons un renforcement des programmes de réinstallations.
Quoi qu'il en soit, le volet « réinstallations » de l'accord a fonctionné. Le tarissement des flux à travers la mer Égée constitue également un succès. En revanche, très peu de migrants ont été renvoyés des hotspots grecs vers les ports turcs. Ils étaient moins de 600 à la fin du mois de septembre 2016, pour l'essentiel des non-Syriens ou des personnes volontaires ou n'ayant pas sollicité l'asile en Grèce. L'obstacle au renvoi tient au dépôt systématique par les migrants d'une demande d'asile en Grèce, à la saturation des services grecs de l'asile et à la reconnaissance très large de l'admissibilité des demandes. Les services grecs de l'asile sont réticents à considérer la Turquie comme un « pays tiers sûr », réticence renforcée par l'évolution récente de la situation politique en Turquie.
Nous partageons cette réticence en ce qui concerne les réfugiés non-syriens, qui ne peuvent solliciter qu'une protection dite « conditionnelle », dénuée de stabilité. Nous la partageons moins pour ce qui est des réfugiés syriens, notamment dans la mesure où les intéressés bénéficient d'un régime de protection plus élevée, dite « temporaire », et y ont accès au marché du travail.
S'agissant de l'avenir de l'accord, sa remise en cause n'est pas impossible. Les migrants et les passeurs pourraient prendre conscience du fait que les renvois en Turquie sont extrêmement limités, ce qui pourrait relancer les flux. La Turquie pourrait aussi relâcher la surveillance de ses côtes et sa lutte contre les trafiquants pour protester contre une absence de libéralisation des visas. Le directeur général des étrangers en France au ministère de l'Intérieur, M. Pierre-Antoine Molina, a toutefois jugé assez peu probable une réouverture des flux, la Turquie n'y ayant guère intérêt.
Je tiens à ajouter que des questions demeurent non résolues. Je pense au sort des migrants bloqués en Grèce continentale du fait de la saturation des services grecs de l'asile. L'aide française et européenne pourrait être encore renforcée à cet égard. Nous sommes également préoccupés par l'accroissement des flux en Méditerranée et préconisons un redéploiement de l'effort opérationnel de l'agence Frontex dans cette zone. En termes diplomatiques, l'enjeu majeur est bien sûr la stabilisation politique et l'émergence d'autorités légitimes en Libye.
Après avoir posé un diagnostic et passé au crible les réponses apportées par l'Union européenne et ses États membres, nous nous sommes attachés à dessiner les contours d'une future politique commune de l'asile, de l'immigration et des frontières.
La politique que nous appelons de nos voeux passe par un développement des voies légales d'accès des réfugiés au territoire européen, que ce soit par le biais d'une augmentation du nombre de visas délivrés à ce titre ou par une structuration de la politique de réinstallation depuis la Turquie, la Jordanie, le Liban, voire d'autres États tels que l'Égypte.
La migration légale, et plus précisément une politique d'immigration de travail assumée, nous semble devoir être encouragée tant elle pourrait constituer un atout pour une Europe vieillissante.
La réforme du règlement Dublin III, proposée par la Commission, nous paraît la bienvenue. Nous approuvons le maintien du critère de l'État de première entrée. Si nous appelons de nos voeux des progrès dans la mutualisation du contrôle des frontières extérieures, nous avons bien conscience que cette évolution ne peut être que de long terme. L'introduction d'un mécanisme correcteur, fondé sur une clé de répartition, nous semble aussi une bonne chose. Nous souhaiterions néanmoins l'intégration d'autres critères dans la clé de répartition, tels que le taux de chômage ou le nombre de bénéficiaires déjà accueillis.
Une réflexion s'impose également à propos de la progression de l'Union européenne vers une harmonisation des régimes nationaux d'asile. La Commission européenne a d'ailleurs présenté le 13 juillet dernier un nouveau « paquet asile ». Indépendamment des évolutions normatives, il nous semble nécessaire que l'Union européenne garantisse un contrôle approfondi du respect par les États membres de leurs obligations dans le domaine de l'asile. À plus long terme, nous invitons à réfléchir à un système uniforme d'asile dans l'Union européenne, sous l'égide d'une agence européenne de l'asile indépendante et compétente pour accorder la protection internationale.
S'agissant de l'espace Schengen, le rétablissement de contrôles aux frontières intérieures ne saurait constituer une solution pérenne : le principe de la libre circulation ne doit pas être remis en cause ! Il est donc essentiel de remédier rapidement aux déséquilibres qui affectent cet espace, en renforçant les contrôles aux frontières extérieures. Notre rapport insiste à ce sujet sur la nécessité pour les États membres de partager leurs informations via le système d'information Schengen (SIS) et la base de données d'Europol.
Le renforcement des contrôles aux frontières extérieures implique de progresser vers une gestion plus intégrée de celles-ci. La mission se félicite de l'adoption du règlement relatif au corps européen de gardes-frontières et de garde-côtes. La nouvelle agence créée dispose d'un mandat élargi par rapport à Frontex, incluant le déploiement d'équipes de gardes-frontières en cas de défaillance d'un État membre ou de pression migratoire importante mettant en péril l'espace Schengen.
Enfin, les migrations nous paraissent devoir faire l'objet de partenariats avec des pays tiers, incluant des volets relatifs à la réadmission et à la lutte contre les trafiquants de migrants, mais aussi des incitations positives aux États tiers, qui peuvent être d'ordre financier, commercial ou concerner la migration légale.
Pour conclure, il me paraît important de souligner que le retour, encore hypothétique, à une forme de « normalité » en Syrie ou en Irak ne fera pas disparaître la question migratoire. Il nous appartient d'apprendre à vivre avec un Moyen-Orient durablement ébranlé, un pourtour méditerranéen instable et des voisins africains en très forte croissance démographique, et de forger dès aujourd'hui les réponses à ce qui sera l'un des enjeux majeurs du XXIe siècle.
Je n'aurai pas l'outrecuidance de paraphraser l'excellente présentation du président de la mission. J'insisterai seulement sur certains éléments du travail réalisé par la mission avec lequel je me trouve en total accord – accord que j'espère unanime au sein de la commission des Lois.
D'emblée, sous l'égide de son président, les travaux de la mission ont été marqués par une très grande ouverture d'esprit. Il n'était pas question, et fort heureusement, de faire de ce rapport un outil pour ceux qui souhaiteraient accroître encore la confusion dans les esprits de nos concitoyens et entraver l'action des décideurs. Le domaine concerné est en effet infiniment délicat et complexe et il s'agit d'assumer nos responsabilités, de faire face à d'importantes difficultés matérielles, cela sans sortir d'un cadre humanitaire.
Cette volonté d'ouverture n'a pas eu pour conséquence d'affadir la teneur de notre travail. Les analyses ici proposées, fondées sur une connaissance bien établie de la situation, ne sont pas tièdes mais réalistes et courageuses et elles débouchent sur des propositions qui s'inscrivent toutes dans le cadre fixé à l'origine en ce qu'elles visent à donner aux gouvernants européens, dans leur totalité, qu'il s'agisse du Conseil ou de la Commission européenne, la capacité de mieux prendre en compte l'évolution des enjeux et donc d'améliorer les dispositifs en vigueur.
Tout le monde s'accorde pour considérer que si le dispositif Schengen n'est pas mort, il doit au minimum évoluer fortement. Tout le monde a bien compris, également, que le règlement Dublin III devait être remplacé par un règlement Dublin IV ou bien qu'il fallait établir une nouvelle formule à même de mieux répondre à la réalité actuelle. Tout le monde, enfin, même s'il faut en saluer l'existence, a bien constaté les limites de l'accord entre l'Union européenne et la Turquie.
Les propositions qui sont faites peuvent sembler évidentes mais c'est leur force. Elles doivent permettre en effet à tous ceux qui ont le sens des responsabilités de les exercer, quels que soient les cas de figure auxquels ils auront à faire face dans les semaines et les mois à venir. Ce n'est pas un des moindres mérites de ce travail qui, plutôt que de se contenter d'une orientation purement théorique, ouvre le champ le plus large possible à l'expression de toutes les hypothèses et de toutes les volontés. C'est pourquoi ce travail est transpartisan au sens le plus positif du terme. Et donc, sur une question aussi lourde, dans une période aussi délicate, il doit être salué comme il se doit, c'est-à-dire comme un document utile, exigeant, contribuant non seulement à la bonne connaissance par nos concitoyens de cette problématique douloureuse, mais aussi, j'y insiste, à donner les moyens à ceux qui, demain, dirigeront les affaires de notre pays, de se montrer efficaces. La France doit en effet participer activement à l'harmonisation européenne des politiques d'asile en vue d'améliorer le dialogue avec les pays tiers – ceux notamment avec lesquels nous éprouvons des difficultés à discuter.
Je salue donc tous les membres de la mission et en particulier son président qui a, par son état d'esprit et par son implication, permis que nous aboutissions à ce résultat très positif.
Je vous remercie, cher collègue. Je vous renouvelle l'expression de la gratitude du président Dominique Raimbourg sur la qualité du travail que vous avez tous les deux dirigé. Je tiens à souligner le grand intérêt du présent rapport à la fois pour connaître les mécanismes européens et pour apprécier leur efficacité. Je ne saurais trop recommander à ceux qui suivent nos travaux de venir puiser dans ce document des éléments susceptibles de leur faire mieux comprendre la réalité. Les membres de la mission d'information ont, hier, approuvé à l'unanimité le contenu de ce rapport.
Je salue à mon tour le travail réalisé par les deux rapporteurs. J'apprécie ce type de rapport transpartisan qui permet de définir des solutions acceptées par tous – le président vient de rappeler que la mission l'avait accepté hier à l'unanimité.
Vous indiquez qu'il convient de renforcer les partenariats avec les pays tiers. Certains font un effort très important d'accueil, dans des conditions parfois difficiles. Je remarque que vous n'avez toutefois pas intégré des pays tels que l'Arabie Saoudite, le Qatar, le Koweït, l'Émirat d'Oman ou les Émirats Arabes Unis, souvent très proches des zones d'émigration comme l'Érythrée, la Syrie, l'Irak… Pourquoi ne les considérez-vous pas comme des pays tiers avec lesquels l'Union européenne pourrait conclure des accords d'accueil comme ce fut le cas avec la Turquie ?
Les pays tiers auxquels il est fait allusion sont d'abord les pays géographiquement limitrophes des zones de conflits, c'est pourquoi ont été évoqués le Liban, la Jordanie, l'Égypte, la Turquie… ou bien, quand on songe au flux de la Méditerranée centrale, des pays d'origine et de transit comme le Sénégal, le Niger, le Nigeria…
La question d'établir des partenariats avec des pays comme l'Arabie Saoudite ou le Qatar, présuppose qu'il s'agisse de pays tiers sûrs. Or, aujourd'hui, sans porter le moindre jugement de valeur, cette question fait débat. Il faut en effet, pour établir un partenariat avec un pays tiers, que les pays de l'Union européenne soient à peu près tous d'accord pour considérer ledit pays comme sûr dans le traitement sécuritaire, administratif, diplomatique et humain des flux migratoires exceptionnels, afin d'empêcher les migrants de traverser la Méditerranée.
La Commission autorise à l'unanimité la publication du rapport de la mission d'information.
La réunion s'achève à 18 heures.
Information relative à la Commission
La Commission a désigné :
– M. Jean-Paul Bacquet, rapporteur sur la proposition de loi relative aux sapeurs-pompiers professionnels et aux sapeurs-pompiers volontaires (n° 4044).
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Ibrahim Aboubacar, M. Christian Assaf, M. Jean-Paul Bacquet, Mme Marie-Françoise Bechtel, M. Dominique Bussereau, Mme Colette Capdevielle, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Jean-Michel Clément, M. Frédéric Cuvillier, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Olivier Dussopt, M. Guy Geoffroy, M. Yves Goasdoué, M. Philippe Houillon, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Anne-Yvonne Le Dain, M. Paul Molac, M. Joaquim Pueyo, M. Dominique Raimbourg, Mme Cécile Untermaier, M. Daniel Vaillant, M. Patrice Verchère, M. Jean-Luc Warsmann
Excusés. - Mme Huguette Bello, M. Sergio Coronado, Mme Sophie Dion, M. Marc Dolez, Mme Laurence Dumont, M. Guillaume Garot, M. Daniel Gibbes, Mme Françoise Guégot, Mme Marietta Karamanli, Mme Sandrine Mazetier, Mme Maina Sage, M. Roger-Gérard Schwartzenberg