La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.
Je vous remercie, madame la présidente, de me permettre de faire une mise au point indispensable et urgente. En présentant la semaine dernière à la commission le rapport relatif à la coopération européenne avec les pays du Maghreb qui concluait les travaux de la mission d'information présidée par M. Guy Teissier, j'ai mentionné la fragilité de ces États, évoquant le grand âge ou l'état de santé de leurs dirigeants. Ces propos, rapportés par un organe de presse, ont été présentés comme des révélations sur l'état de santé du roi du Maroc. Cela a provoqué un grand émoi à Rabat et Mohammed VI, qui sait d'autre part que je juge élogieusement sa gouvernance, m'a fait dire être affecté par les informations ainsi relatées.
Je démens solennellement détenir des informations médicales sur l'état de santé du roi du Maroc et donc, contrairement à la manière dont mes propos ont été interprétés, avoir fait quelque révélation que ce soit à ce sujet.
Les propos rapportés, ainsi interprétés, ont provoqué une émotion compréhensible au Maroc. Cette mise au point est donc bienvenue, d'autant que, dans le rapport d'information comme dans votre commentaire oral, vous avez souligné, comme je l'ai fait, combien avait été courageux le discours à la nation prononcé par le roi du Maroc le 20 août dernier.
Nous en venons maintenant à notre ordre du jour, qui nous donne le plaisir d'accueillir, pour une audition ouverte à la presse, M. Bruno Foucher, président de l'Institut français. Nous le connaissons bien car il était précédemment ambassadeur en Iran ; il est devenu le quatrième président de l'Institut français il y a près d'un an, après le décès du regretté Denis Pietton, dont la présidence fut brève. Ces circonstances expliquent le temps qui aura été nécessaire pour définir le nouveau contrat d'objectifs et de moyens (COM) qui structurera l'action de l'Institut français pendant trois ans.
Si notre commission a longuement débattu de l'opportunité du rattachement des établissements du réseau culturel à l'Institut français, nous reconnaissons tous que la création de l'Institut a constitué une étape très constructive ; c'est un très bel outil qu'il nous apparaît nécessaire de conforter autant que possible. Cela justifie les inquiétudes publiquement exprimées à propos de la baisse drastique et continue de ses moyens, notamment dans le cadre de l'examen des projets de loi de finances.
Le projet de COM s'inscrit dans une contrainte budgétaire très forte que traduit un certain vocabulaire – rationalisation, synergies, mutualisation, partenariats, ressources propres… – dont nous connaissons les limites. Ce projet maintient l'universalité des missions en privilégiant un double axe d'action, l'appui au réseau et la programmation, et en insistant sur la mobilité, le numérique et la traduction, tous volets illustrant la plus-value qu'apporte l'Institut français. La différence avec le précédent COM tient à l'inscription formelle des principes de concentration des moyens sur des axes prioritaires et d'adaptation en fonction des pays.
La contrainte budgétaire obligeant à des choix, on en vient à une structuration en trois étages : une politique d'accompagnement du réseau ; des projets relatifs à des thèmes prioritaires, dans une dynamique régionale, pour des pays figurant dans des zones géographiques stratégiques – je note que les Balkans occidentaux y figurent, ce qui est une excellente chose ; enfin, un contrat cadre triennal d'action pour 39 pays prioritaires « à partenariats de long terme », qu'ils soient prescripteurs, émergents, en développement ou à haut enjeu politique. On souhaiterait évidemment pouvoir allonger cette liste mais, au regard du potentiel de nos instituts et alliances et des considérations politiques qui doivent primer, les choix faits me paraissent judicieux.
Bien que le budget du ministère de la culture et de la communication ait augmenté, sa dotation n'est toujours pas inscrite dans le projet de COM. Parviendra-t-on enfin à une contribution satisfaisante de ce ministère qui exerce désormais la cotutelle sur l'Institut français ? Le partenariat avec ce ministère vous permet-il de répondre à l'objectif de mise à disposition de la connaissance de la scène culturelle et artistique française ? Avez-vous réussi à préserver de manière satisfaisante les programmes de mobilité avec la rive sud de la Méditerranée ? Présidente de la Fondation Anna Lindh pour le dialogue des cultures, je suis convaincue qu'il est indispensable de maintenir la mobilité entre les deux rives ; au moment où, comme elle le doit, l'Union européenne renforce les contrôles à ses frontières extérieures pour des raisons de sécurité, il faut ouvrir des portes légales, et l'Institut français en est une. Enfin, quelle part du budget de l'Institut sera consacrée à la politique du livre et au soutien au cinéma, notamment étranger ?
Monsieur Foucher, vous avez la parole. Après votre audition, comme la loi sur l'action extérieure de l'État le lui permet, la commission donnera son avis sur le projet de COM.
Je vous remercie, madame la présidente, pour vos propos encourageants sur l'Institut français, son rôle comme opérateur de l'État chargé de promouvoir la culture française à l'international et sa mission de dialogue entre les cultures. Je puis vous assurer que les équipes de l'Institut français que je vois travailler au long des semaines, le jour mais aussi la nuit, ne ménagent ni leurs efforts ni leur temps pour permettre à la France de rayonner partout où elle le peut sur les deux hémisphères, au travers de notre réseau composé de quelque 160 services d'action culturelle,97 instituts français, 817 alliances françaises et de très nombreux autres partenaires, partenaires étrangers ou français, institutions culturelles ou collectivités territoriales.
Le contrat d'objectifs et de moyens (COM), qui fixe pour les trois années à venir ses axes stratégiques, est pour l'Institut français l'outil indispensable à la conduite de son action à l'étranger. L'Institut a été pensé et construit pour être un opérateur d'influence au service du pays. Les options qui avaient été envisagées lors de son installation – le rattachement du réseau en particulier – ayant été clarifiées, il n'y a pas lieu d'y revenir : l'Institut est aujourd'hui en ordre de marche.
Il a pour mission première, est-il dit dans le COM, « de développer l'influence et l'attractivité de la France par sa culture et sa langue ». « Par sa culture », dans sa diversité créative, avec une inclination particulière pour les formes nouvelles, l'émergence artistique et les nouvelles tendances, avec la volonté de rencontrer de nouveaux publics, de détecter les innovations dans la palette très vaste de nos talents, jeunes ou confirmés. « Par sa langue » parce que le français est une langue de demain et qu'il faut veiller à ce qu'elle soit largement parlée à la maison, au travail et sur internet, et qu'elle le soit correctement – ce qui me semble être le grand défi de demain, souligné par le président de la République lors du dernier sommet de la francophonie, qui s'est tenu à Madagascar. « Par la langue » aussi parce que « la pensée se fait dans la bouche » selon les mots de Tristan Tzara : notre façon de concevoir et d'exprimer le monde, notre approche universelle et humaniste restent une référence et, de l'étranger, on attend souvent que nous exprimions notre point de vue, en français, sur les grands problèmes contemporains, philosophiques ou scientifiques. Demain, 26 janvier, se déroulera, sur seize fuseaux horaires, de Tokyo le matin à Los Angeles tard le soir, La Nuit des idées : dans 40 pays, 50 villes, 70 lieux de culture et de savoir en liaison avec notre réseau, et même 100 en tenant compte des partenaires associés via le réseau participatif. Cet événement illustre parfaitement l'approche ambitieuse que le COM nous assigne et que l'Institut français entend suivre.
L'Institut français a pour mission seconde « d'animer le dialogue et de favoriser les échanges avec les cultures étrangères en France, en Europe et dans le monde ». Il ne s'agit pas d'amener le monde à penser comme nous. Il ne s'agit pas non plus de soft power comme je l'entends souvent dire, concept forgé pour exprimer l'épuisement des ressources du hard power – des termes que j'énonce tout exprès en anglais. Il s'agit de mettre en relief l'apport pour la culture française du frottement avec l'étranger, et de reconnaître que le dialogue avec l'autre est une source d'inspiration, de développement, de sérénité et donc de paix autant que de découverte.
L'Institut français a promu de nombreuses « Saisons culturelles » ; elles constituent l'un des principaux vecteurs de cette philosophie. La saison France-Corée, au cours de laquelle quelque 500 événements croisés se sont déroulés en un an, a été close le 15 décembre dernier et, le lendemain, l'année France-Colombie a été lancée par une fête des lumières organisée par la Ville de Lyon ; selon la municipalité de Bogota, elle a réuni 900 000 personnes en huit jours. En 2017, la France sera l'invitée d'honneur de la Foire du livre de Francfort, la plus grande foire mondiale de ce type. Ce choix résulte du constat fait par nos autorités que les jeunes générations, en Allemagne et en France, se connaissent moins bien et échangent moins que ne le faisaient les générations précédentes. Pour faire se rapprocher la jeunesse franco-allemande, il a paru utile d'utiliser le vecteur du livre. En favorisant les contacts entre éditeurs allemands et français, nous escomptons créer de nouveaux ponts entre nos deux pays au moment où, sur fond de « Brexit » et d'incertitudes américaines, la dynamique du couple franco-allemand revêt une importance particulière. Le pavillon français sera ouvert aux éditeurs du Sud et une nette dimension francophone caractérisera notre présence à la Foire de Francfort.
Les résidences – à la Cité internationale des arts, à la Villa Kujoyama au Japon et hors les murs, c'est à dire partout dans le monde –, que l'Institut français cherche à mettre en valeur, ont la faveur des artistes. C'est un autre exemple de l'importance que nous attachons au dialogue des cultures.
Comme le souligne le COM, nous faisons d'autre part bénéficier de notre expertise les pays du Sud, l'Afrique et les Caraïbes en particulier, en concevant in situ des événements structurants pour les jeunes créateurs qui leur permettent de se mettre en rapport avec des réseaux professionnels. C'est le cas pour la danse à Ouagadougou : la dixième édition du festival Danse l'Afrique danse ! qui a eu lieu en novembre dernier a rassemblé 43 compagnies de 13 pays africains et permis la signature de quinze contrats par ces compagnies en une semaine. C'est le cas aussi pour la Biennale de la photographie à Bamako, et encore pour le cinéma, au Burkina Faso et à Madagascar, et pour nos programmes « Cinéma du monde » et « La Fabrique du cinéma » : 70 % de nos lauréats étrangers trouvent à Cannes un partenaire pour poursuivre leur aventure.
Il va de soi que ces réunions professionnelles profitent aussi à nos artistes. Par ce vecteur, nous réussissons à promouvoir nos créateurs, dans toutes les disciplines, sur les scènes internationales ou dans les lieux prescripteurs.
Dans le cadre de ce dialogue permanent avec les autres cultures, nous sommes en mesure, grâce à des instruments éprouvés tels les « labs » d'identifier et d'animer des réseaux d'influence intergénérationnels qui constitueront nos relais de demain dans des pays en mutation importants pour notre diplomatie, notamment au Moyen Orient. Les programmes de mobilité avec la rive Sud de la Méditerranée sont particulièrement utiles. Nous en avons mis trois au point : « Safir Lab », avec les pays arabes, connaît un énorme succès ; « Culture Lab » couvre le monde entier ; « Afrique Lab », monté avec l'Allemagne pour identifier les entrepreneurs de demain, se déroulera bientôt au Cameroun, au Ghana, en Côte d'Ivoire, au Sénégal, au Nigéria et, bien sûr, à Berlin et à Paris. La réaffirmation de cet objectif dans le COM est donc très pertinente.
L'Institut français continuera évidemment – c'est le troisième objectif qu'il lui est demandé de satisfaire – d'appuyer le réseau par des formations destinées à toutes les catégories de personnels, et de mettre à sa disposition les outils numériques existants et ceux que nous finalisons pour l'année qui s'ouvre.
Le COM qui vous est soumis diffère du précédent par deux aspects. Le premier est la recherche plus systématique de transversalité. Il s'agit, à l'ère du numérique, de tenir compte d'une tendance profonde de la création, tous domaines confondus, vers l'interdisciplinarité et l'hybridation. Pour autant, il ne s'agit pas de recenser, de montrer ou d'exporter n'importe quoi, et de nombreux experts du ministère de la culture sont là pour nous aider. Le secrétaire général du ministère le rappelait lors de notre dernier conseil d'administration : il s'agit de promouvoir la culture mais assurément une « bonne » culture, dans laquelle le public se retrouve, se projette et se construit.
Le second point concerne la « géographisation ». En annexe du COM figure la cartographie des priorités de l'Institut français. Trois catégories sont déterminées. Le premier cercle comprend les 39 pays et territoires désignés prioritaires qui concentreront à l'avenir la majorité de nos actions culturelles, lesquelles seront contractualisées sur un triennat afin de donner la lisibilité nécessaire à notre stratégie commune ; nous avons commencé l'élaboration de ces documents avec une dizaine de ces pays. Le deuxième cercle comprend onze zones de mutualisation couvrant 63 pays où notre intervention sera conditionnée par le partage des coûts et la mise en oeuvre de synergies. Le troisième cercle regroupe les autres pays, qui continueront de bénéficier de l'ensemble des outils mis à la disposition du réseau et des actions de formation.
La géographisation ainsi conçue, qui résulte aussi de la contraction de nos moyens, nous permettra de mieux cibler nos actions. Il va de soi qu'il ne s'agit pas d'un instrument absolument rigide : cette carte sera adaptée en tant que de besoin si de nouvelles priorités politiques apparaissaient, et nous veillerons à ne pas nous faire surprendre – le moment viendra, par exemple, de réinvestir la Syrie et la Lybie. Nous avons déjà entrepris, en liaison avec la Direction générale de la mondialisation, de confronter nos priorités géographiques avec celles des directions politiques du ministère des affaires étrangères pour recueillir leur point de vue et préciser les instruments spécialisés que nous entendons mettre en oeuvre selon les régions. De même, j'entreprendrai plusieurs missions dans les pays « de la ligne du front », Pologne et Ukraine par exemple, et sans doute aussi en Asie centrale, pour me mettre à l'écoute de pays dont la position nous dicte de rester attentifs à leurs évolutions politiques ou économiques, et où la culture peut jouer un rôle plus important.
La géographisation n'est pas une nouveauté complète puisque le dernier conseil d'orientation stratégique, en 2012, avait dressé la liste de 78 pays prioritaires. Elle doit s'accompagner d'une mobilisation adaptée du réseau par la meilleure information des ambassadeurs sur leur positionnement et ce qu'ils peuvent en retirer et par la sensibilisation des conseillers de coopération et d'action culturelle à la nécessaire connaissance et coordination des programmations dans une région donnée. En résumé, la géographisation doit être comprise comme un principe d'action et non comme la gestion vaille que vaille d'un budget qui rétrécit comme une peau de chagrin.
Il va de soi que, pour faire face à l'ensemble de ses missions, dont le périmètre n'évolue pas en substance, l'Institut français cherchera à consolider ses capacités de pilotage. C'est le quatrième objectif qui lui est dicté.
Pour ce qui est des dépenses, beaucoup a été fait déjà. L'Institut français a su préserver l'ensemble de ses missions et actions en dépit de la réduction de 24 % de son budget depuis sa création, et de 34 % de ses crédits d'intervention. Cette année encore, la baisse de 3 % que nous avons subie s'est traduite par une réduction homothétique de 8 % de notre capacité d'action ; tous nos programmes ont été touchés.
Hors Foire de Francfort, le budget consacré au livre – qui est la première industrie culturelle française et la première industrie culturelle française à l'exportation – est aujourd'hui inférieur à 1 million d'euros. La majeure partie de ces ressources, soit 450 000 euros, est consacrée au soutien à la traduction et à l'aide à la cession de droits étrangers et audiovisuels ; 120 000 euros vont à la formation de traducteurs et 280 000 euros à la modernisation des médiathèques des établissements français à l'étranger.
Pour le cinéma et plus particulièrement le cinéma étranger, la baisse du budget sur six ans a été de moitié. Le budget alloué au cinéma étranger au travers de l'aide aux cinémas du monde – 208 projets soutenus en provenance de 72 pays –, de la fabrique du cinéma –124 réalisateurs et producteurs accueillis depuis 2009 – et des autres actions que nous menons en faveur de la cinémathèque Afrique ou des résidences d'écriture, est maintenant légèrement inférieur à un million d'euros. C'est dommage, car sur ces programmes uniques en leur genre, conduits avec le Centre national du cinéma, notre visibilité est excellente et les résultats obtenus sont remarquables : ainsi, douze des films sélectionnés à Cannes en 2016 avaient bénéficié de l'aide aux cinémas du monde.
L'ambition qui sous-tend le COM 2017-2019 demande que ces moyens soient au minimum reconduits pour les trois années à venir, faute de quoi l'écrémage rendra inopérante la mise en oeuvre d'une partie de la stratégie qui nous est assignée.
Pour ce qui est des recettes, l'Institut français est très dépendant des subventions qu'il reçoit de ses ministères de tutelle. Nous avons mentionné à plusieurs reprises à notre nouvelle cotutelle, le ministère de la culture et de la communication, que nous espérions de sa part un engagement plus marqué à l'avenir. Il reste que la diversification des ressources est une préoccupation constante de notre établissement. Toutes les pistes qui nous ont été offertes sont exploitées : mécénat, financements européens, partenariats avec les collectivités territoriales, cours de français en ligne… D'autres – les offsets des contrats obtenus à l'étranger pour intégrer une offre culturelle, ou les nouveaux partenariats institutionnels – sont à l'étude, sans résultats encore.
Soyez certains que les missions que vous nous assignez nous tiennent à coeur. Les enjeux pour l'influence de la France nous paraissent essentiels. Les équipes de l'Institut français sont fières de participer à notre diplomatie et au rayonnement de notre pays à l'étranger par ce qui le définit sans doute le mieux pour le plus grand nombre : la culture, l'échange et le dialogue, notre langue, l'esprit français et celui de ses créateurs. C'est un capital qu'il nous faut absolument préserver pour les générations présentes et à venir.
Je vous remercie. Nos félicitations vont à vos équipes pour l'engagement soutenu dont ils font preuve dans un contexte budgétaire très difficile. La parole est pour commencer à M. François Loncle, qui a été rapporteur pour avis au nom de notre commission sur le projet de budget de la diplomatie culturelle et d'influence pour 2017.
J'ai fait valoir, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2017, la remarquable vitrine qu'est l'Institut français pour notre pays et son importance pour notre rayonnement culturel et intellectuel dans le monde. Nul autre que nos entreprises et que nos instituts culturels, Alliances françaises comprises, ne peuvent donner une meilleure image de la France à l'étranger, je l'ai constaté en plusieurs lieux. Un exemple parmi tant d'autres : il n'y a plus un seul cinéma à Dakar sinon celui de l'Institut français, et il attire évidemment une affluence considérable.
Si la démonstration de l'utilité de ce réseau n'est plus à faire, son budget n'est pas à la hauteur des missions qui lui sont assignées. Au sein du budget, honorable, de l'action culturelle extérieure de la France en général, celui de l'Institut français n'est pas sorti gagnant des arbitrages. Le fait que les crédits destinés à sécuriser ses établissements à l'étranger bénéficient cette année d'une ligne spécifique non négligeable ne suffit pas. Dans ces conditions, tous les agents impliqués dans les missions de l'Institut français ont un mérite exceptionnel: ils accomplissent un travail extraordinaire avec de bien pauvres moyens.
Je tiens aussi à souligner les limites du mécénat. J'étais à New York lorsque la directrice de l'Alliance française a organisé un grand dîner destiné à lever des fonds ; en rassemblant tout ce que New York compte de mécènes francophiles, elle a collecté en une soirée une somme considérable. Mais qui imagine parvenir à semblable résultat lors d'un dîner organisé dans le même but à Bamako ? Quel équilibre trouver, si l'on privilégie cette source de recettes, entre les pays riches et ceux qui n'ont pas assez d'argent pour promouvoir leur propre culture ?
Enfin, il est particulièrement décevant que le ministère de la culture et de la communication, qui exerce désormais la cotutelle de l'Institut français et dont le budget est en hausse de 5 % et que le ministère de l'Éducation nationale, alors qu'il en va de l'enseignement du français à l'étranger, traînent les pieds et ne participent pas au-delà du symbole à l'action culturelle extérieure menée par le ministère des affaires étrangères. Je continuerai de me battre pour qu'il en aille autrement en cours d'exercice budgétaire ; mieux vaudrait renoncer à la tutelle partagée que l'exercer de manière dommageable pour l'Institut français, et donc pour l'image extraordinaire qu'il donne de la France à l'étranger.
Je pense que nous sommes nombreux à approuver vos observations. Je vous proposerai donc d'adresser un courrier au ministère de la culture et de la communication pour rappeler qu'exercer la tutelle d'une institution aussi prestigieuse implique d'assumer les responsabilités financières qui lui sont liées.
Nous suivons et approuvons vos travaux, monsieur le président, et je partage le point de vue de M. François Loncle, mais la politique française me paraît teintée de schizophrénie. D'une part, l'Institut français mène l'action que vous avez décrite, d'autre part, les pouvoirs publics méprisent notre langue. Ainsi, dans les institutions de l'Union européenne, nos propres diplomates et les fonctionnaires de nationalité française foulent aux pieds les usages en n'utilisant pas le français – il y a quelques jours encore, l'un des collaborateurs de M. Michel Barnier m'a donné sa carte de visite, qui était écrite en anglais seulement ! Je propose une rédaction en français et en arabe – cela montrera les enjeux du monde à venir ! (Mouvements divers). Comment expliquer que tous les panneaux dressés sur l'esplanade des Invalides lors d'une exposition sur la technologie française aient été rédigés uniquement en anglais ? Si nos propres ministres, de toutes couleurs politiques, ne parviennent pas à comprendre qu'utiliser sa langue c'est ouvrir un portail économique, on peut tirer le rideau ! Et encore : est-il acceptable que l'avance sur recettes soit allouée à des cinéastes qui réaliseront des films en anglais ? Que la main droite ignore ce que fait la main gauche est la preuve d'une incohérence majeure des politiques publiques ; cela doit cesser.
Quels sont les liens entre l'Institut français et la chaîne de télévision France 24, qui fait un excellent travail ? Vous avez évoqué un projet franco-allemand de recherche des « entrepreneurs de demain » en Afrique ; je vous incite à une grande vigilance, car l'Allemagne a une puissance de mobilisation en matière économique que nous n'avons pas et tout porte à croire que ce type de partenariat risque de se faire à son bénéfice plutôt qu'à celui de la France.
Je préférerai que le premier objectif de l'Institut français, tel que défini dans le COM, soit de « développer l'influence et l'attractivité de la France par sa langue et sa culture » – dans cet ordre, car je tiens que la langue est l'ouverture d'un portail culturel et économique.
Enfin, vous désignez enfin Israël comme « pays prescripteur », autrement dit, comme chef de file au Moyen Orient. Certes, la francophonie se porte très bien en Israël, mais vous paraît-il véritablement judicieux, sur le plan géostratégique, de qualifier ainsi ce pays dans cette région ? Vous avez notre soutien, monsieur le président, mais nous devrons nous battre car nous semblons parfois marcher sur la tête.
Je pense comme vous que les responsables politiques français doivent avoir à coeur d'user de notre langue, même s'ils savent l'anglais.
Je m'interroge, comme d'autres, sur ce que recouvre précisément la tutelle partagée par le ministère de la culture et en quoi le ministère de l'Éducation nationale est « associé » à l'action de l'Institut français ; nous devons inciter ces deux ministères à s'engager davantage. Ne peut-on imaginer, pour renforcer vos moyens humains, de développer le volontariat – qu'il s'agisse de jeunes gens ou de retraités – pour remplir des missions ponctuelles de quelques mois ? Cela aurait aussi pour intérêt de développer la culture internationale dans notre propre pays. Vous avez évoqué quelques pistes en matière de développement numérique, enjeu majeur ; quels sont précisément la stratégie proposée et les moyens mis en oeuvre ?
Dans le rapport d'information relatif à la coopération européenne avec les pays du Maghreb concluant la mission que M. Jean Glavany et moi-même avons conduite six mois durant, nous avons fait état du net recul de la langue française, notamment au « petit Maghreb » – Algérie, Maroc et Tunisie. Le français n'est plus enseigné dans les classes primaires ni parlé dans les medias et dans la vie politique. Notre langue aurait donc perdu sa capacité à rassembler les deux rives de la Méditerranée. À cela s'ajoute le renouvellement des élites, dont les générations actuelles n'ont pas connu la présence française. Il s'ensuit l'étiolement de nos relais avec les autorités de ces pays ; c'est l'amorce d'une nouvelle séquence des relations franco-maghrébines. Autant dire que la promotion de la francophonie n'est pas une lubie mais un enjeu politique crucial que nous devons savoir relever. La France doit concentrer des efforts très importants sur ces trois pays où l'apprentissage de l'anglais progresse désormais plus vite que celui du français.
C'est pour noustous une grande satisfaction que l'Institut français oeuvre en faveur du rayonnement de notre pays. L'engagement des personnels de l'Institut français et des Alliances françaises est perceptible où que l'on aille. Les Saisons croisées qui s'enchaînent avec succès mobilisent fortement les mécènes, mais qu'advient-il quand elles prennent fin ? La mobilisation perdure-t-elle et permet-elle de poursuivre des actions culturelles à long terme ? Depuis les attaques terroristes, les étudiants, notamment asiatiques, sont beaucoup moins nombreux dans les Alliances françaises, dont certaines éprouvent de ce fait des difficultés budgétaires. Quelle est votre approche à ce sujet ? Je partage le point de vue plusieurs fois exprimé que l'absence d'engagement du ministère de la culture et de la communication et du ministère de l'Éducation nationale est fort dommageable ; on sait pourtant l'influence que peut avoir l'enseignement dans les lycées français à l'étranger.
Je m'associe aux propos des intervenants précédents tant sur les questions financières que sur la promotion de notre langue et de notre culture.
Pouvez-vous préciser la nature de vos relations avec les Alliances françaises ? Peut-on parler de complémentarité ? Quelles sont les difficultés que vous pouvez éventuellement rencontrer ?
Comment se passe la collaboration avec le Goethe-Institut au sein du centre culturel franco-allemand à Ramallah ? Envisagez-vous d'autres collaborations de ce type pour mutualiser les frais ?
Quelles sont vos relations avec TV5 Monde ? Comment cette dernière contribue-t-elle à la promotion de la langue et de la culture française ?
Je m'associe aux propos qui ont été tenus sur l'usage de la langue française. J'ai le souvenir d'une intervention de Jean-Claude Trichet, alors président de la Banque centrale européenne, devant le Conseil de l'Europe – il a fallu l'intervention des députés français pour qu'il abandonne l'anglais.
Je me félicite de notre unanimité sur la promotion de langue et de la culture, en espérant que les successeurs des ministres actuels, quels qu'ils soient, prendront plus en considération ces préoccupations.
Je tiens moi aussi à dire toute l'importance que j'attache à notre réseau culturel. Le « pouvoir doux » – j'emploie le terme français que personne ne comprend – est essentiel dans l'influence qu'exerce la France. Dans un monde à la recherche de repères, il est essentiel de porter nos valeurs partout dans le monde. Je ne suis pas de ceux qui pensent qu'un pays devrait s'abstenir de promouvoir son approche de la société hors de son territoire. Chaque fois que le réseau est conforté et se développe, c'est une bonne chose. Reconnaissons qu'il a été fragilisé ces dernières années.
À la différence de Jacques Myard, je considère que le rayonnement de la France ne passe pas seulement par sa langue mais également par la diffusion de ses valeurs, quitte à le faire en anglais. J'approuve le modèle de France 24 – avec une chaîne en arabe, une chaîne en anglais et une chaîne en français – qui permet, au travers des langues étrangères, de porter nos valeurs. Il ne faut pas s'arc-bouter sur un monde rêvé qui n'existe pas. Mes propos ne visent évidemment pas les dirigeants politiques qui doivent s'exprimer en français dans leurs fonctions officielles.
S'agissant des priorités géographiques que le COM définit, je suis frustré que la France ne soit pas suffisamment présente dans certains pays francophiles, qui adhérent à nos valeurs et pourraient être un relais pour un développement régional, je pense en particulier à l'Arménie.
Vous avez raison de rappeler que les remarques sur l'emploi de la langue française n'empêchent pas d'approuver la diffusion de France 24 en plusieurs langues.
En tant que député des Français de l'étranger de la zone Asie, je visite presque chaque semaine des Instituts français ou des Alliances françaises. Partout dans cette zone, le constat, qui n'est pas nouveau, est le même : malgré la qualité des responsables de ces structures, le français recule très nettement au profit de l'anglais mais aussi, de plus en plus, du chinois. Parmi les raisons avancées pour expliquer ce recul, nombre d'ambassadeurs citent la diminution du nombre de bourses allouées aux élèves les plus méritants, qui permettaient souvent à des élèves des lycées français de poursuivre leurs études en France. À terme, nous paierons très cher ce choix. Le réseau des lycées français parvient à se maintenir mais les moyens pour les Instituts et les Alliances sont de plus en plus limités.
Il existe une piste de financement : les fonds européens. Je prends l'exemple du Laos, mais je pourrai en citer d'autres. Notre ambassadrice, Claudine Ledoux, déplore le manque de moyens pour l'Institut, où Mme Laurence Amigues réalise un excellent travail. Dans le même temps, 60 millions d'euros sont mis à disposition par l'Union européenne en faveur de l'éducation. L'ambassadrice raconte que le précédent programme financé par l'Union européenne a été monté avec l'Australie, dont j'ignorais qu'elle était un État membre. Il faut vraiment se battre pour que les fonds européens bénéficient aux partenaires européens. Lorsque l'ambassade, le lycée français et l'Institut font savoir qu'ils sont en mesure de monter des programmes – le gouvernement laotien a décidé d'allonger la scolarité obligatoire –, l'Union européenne répond qu'elle préfère l'aide budgétaire – c'est-à-dire donner de l'argent directement au gouvernement laotien. Je ne mets pas en doute la qualité et l'efficacité de l'administration de ce pays, mais on peut raisonnablement craindre des pertes en ligne. Que peut-on faire pour que ces fonds européens profitent aux partenaires européens et soient fléchés vers des opérations payantes pour la francophonie ?
Nous sommes souvent le seul État européen à posséder des instituts et des lycées dans ces pays capables de monter des programmes sur l'éducation. Soyons honnêtes, il est peu probable que les fonds français augmentent à l'avenir, il faut donc exploiter le gisement que représentent les crédits européens.
Je reviens pour la seconde fois ce matin sur le rapport que j'ai présenté avec Guy Teissier pour préciser ce que celui-ci vient d'indiquer. Si nous avons constaté un recul du français dans le Maghreb dans la période postérieure à la décolonisation, dû à la volonté d'arabisation des autorités, mais ce mouvement est en train de s'interrompre. Nous avons pu observer un retour du français au Maroc, mais aussi en Algérie ainsi qu'en témoignent les files d'attente que nous avons observée devant l'Institut français, dirigé par un homme remarquable, d'Algériens désireux de s'inscrire à des cours de français.
Il faut se réjouir de ce retour du français dans les pays du Maghreb dans lequel l'Institut français a un grand rôle à jouer, ce qu'il fait déjà très bien.
Je suis en phase avec tout ce qui vient d'être dit, qu'il s'agisse de l'ambition de notre pays, de l'importance de l'Institut français, de l'insuffisance des moyens, ou de la nécessité de concentrer son action sur un cercle de pays plus restreint.
Toutes les interventions s'accordent sur un point : la langue est le vecteur majeur de l'influence et de la culture française. Mais qu'est-ce exactement que la culture française ? Vous évoquez l'évolution de la création vers l'hybridation. L'action culturelle suit-elle l'air du temps ou s'enracine-t-elle dans une culture plus classique ? En vous écoutant, je me suis souvenu d'une citation d'Henri Guitton : « être dans le vent, c'est avoir le destin des feuilles mortes ».
Je vous remercie de m'accueillir dans votre commission. Ce COM est extrêmement intéressant alors que les dernières réformes ont considérablement abîmé le réseau.
Les COM insistent sur les liens entre les différents opérateurs – Institut français, Agence pour l'enseignement français à l'étranger, France Médias Monde – qui sont matérialisés dans des conventions ; les relations avec l'Alliance française sont très bonnes, ce qui a rarement été le cas par le passé : tous les signaux sont donc au vert s'agissant de la coopération entre nos différents outils. L'Institut a pour objectif de conquérir des publics tiers et de développer des coopérations – la coopération ne consiste pas à faire circuler des crédits à l'intérieur du réseau français – en essayant de toucher les ministères étrangers. Comment voyez-vous cette coopération compte tenu de vos moyens modestes ?
Quelle est votre stratégie en matière immobilière, sachant que le choix du local fait parfois beaucoup ? Dans de nombreux États, les locaux des Instituts sont dans un état préoccupant, y compris celui de Londres en dépit des efforts considérables pour la cinémathèque. L'Institut a peut-être à gagner à une mutualisation des locaux mais aussi à une stratégie de long terme avec l'aide de personnes qui connaissent le marché immobilier et le droit local afin d'éviter les « erreurs de casting » que l'on a connues.
Le réseau EUNIC fonctionne-t-il ou est-ce seulement une grand-messe ? Cela aurait du sens dans le moment que vit l'Europe d'investir davantage dans les pôles EUNIC.
La modernisation de notre outil de comptabilité, annoncée dans le COM, peut-elle être un moyen de renforcer les coopérations alors que le mode de fonctionnement actuel de l'Institut est compliqué pour attirer des partenaires ?
Quelle est la visibilité de l'Institut dans les actions multilatérales ? Je m'interroge également sur la lisibilité du fonds multilatéral de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF).
La question posée par M. Guibal est une question récurrente à laquelle je ne peux pas répondre. Elle ouvre un débat sans fin.
Deux philosophies s'expriment en matière de culture : les tenants de la culture patrimoniale, qui est très forte en France, et ceux de la culture contemporaine. Les deux coexistent très bien. L'Institut français n'a pas la prétention de porter toute la culture française. Certains grands musées en France développent leur propre politique internationale, sans avoir besoin de s'associer à l'Institut français. Nous entretenons néanmoins avec eux des relations très régulières.
C'est le mariage de ces deux formes d'action qui nous permet d'assurer le rayonnement de la culture française à l'étranger – ce qu'elle a été dans l'histoire, ce qu'elle est aujourd'hui et ce qu'elle sera demain. Certains pays sont très sensibles à la culture patrimoniale quand d'autres sont très demandeurs de création contemporaine.
Je me suis rendu il y a deux mois en Chine dans une ville dont le nombre d'habitants est passé de 30 000 il y a trente ans à 1,3 million aujourd'hui. Cette ville possède un musée d'art contemporain dont les 70 000 mètres carrés sont complètement vides. Le propriétaire du musée souhaite faire appel à la création contemporaine pour remplir cet espace. Le public chinois est très demandeur de ce type de culture.
Le mariage de la culture patrimoniale – le Louvre Abu Dhabi sera une très belle opération – et de la culture contemporaine – qui présente toutes les scènes, les créations, les nouveaux talents – se fait sans aucune difficulté. L'une et l'autre trouvent facilement leurs publics.
Nous sommes très dépendants des subventions versées par les ministères – elles représentent 75 % de notre budget. Le montant des subventions allouées par le ministère des affaires étrangères est dix-huit fois plus élevé que celui des subventions du ministère de la culture qui exerce pourtant la co-tutelle depuis juillet dernier. Nous avons lancé un appel à ce dernier pour qu'il rééquilibre sa participation. Mais nous souhaitons que ce rééquilibrage s'opère par le haut : que le ministère augmente sa participation sans que le Quai d'Orsay en profite pour diminuer la sienne. Je ne vois pas l'horizon se dégager pour l'instant. Le ministère de la culture, avec lequel nous travaillons très bien au quotidien, affirme que le ministère des affaires étrangères restera la tutelle principale, ce qui signifie qu'il ne faut pas espérer un rééquilibrage dans l'immédiat. Nous allons nous employer à le convaincre de s'intéresser aux programmes qu'il finance mais aussi à nos coûts de structure. Il est normal que les coûts de structure, qui sont importants malgré nos efforts en faveur de leur réduction, soient partagés entre les tutelles.
Sur la langue française, le sujet qui a suscité le plus grand nombre de questions de votre part, je ne partage pas la vision dramatique de l'état du français dans le monde. Le français reste la deuxième langue enseignée, la troisième langue pour les affaires et la quatrième dans le numérique. Les perspectives de croissance sont importantes.
Il ne faut toutefois pas s'endormir sur ces chiffres. Il ne suffit pas de compter un grand nombre de francophones, il faut de vrais francophones qui parlent véritablement le français. Je fais le même constat que vous au Maghreb mais aussi en Europe centrale et orientale : le français est moins enseigné.
La Chine compte 220 000 francophones pour 1,4 milliard d'habitants. C'est très peu. L'un des verrous au développement de l'apprentissage du français tient à l'impossibilité de présenter l'examen d'entrée à l'université dans une autre langue que l'anglais. Les étudiants chinois abandonnent le français au moment de l'examen au profit de l'anglais pour être sûrs d'intégrer la meilleure université.
Le développement de la langue française repose sur trois piliers. Le premier d'entre eux est la coopération. Le coeur de cible, ce sont les 115 millions d'apprenants et les 900 000 professeurs. Notre intérêt est d'inciter les pays dans lesquels on apprend le français à consacrer des crédits à la politique éducative. Le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 30 novembre dernier ouvre des perspectives en permettant à l'Agence française de développement (AFD) de consacrer plus de moyens à l'enseignement du français, faisant écho au discours du Président de la République à Madagascar lors du sommet de la francophonie qui évoquait la formation des 180 000 professeurs dont l'Afrique a besoin pour continuer à y enseigner un français de qualité. Dès que nous avons eu connaissance de ce message présidentiel, nous avons pris l'attache de l'AFD pour voir comment relancer la campagne d'enseignement du français en Afrique ou ailleurs, grâce aux nouveaux crédits. Le sujet est à l'étude, j'espère qu'il débouchera assez rapidement sur des mesures concrètes qui permettront de consolider l'enseignement du français dans des pays qui ont une longue tradition francophone.
Deuxième pilier, l'Institut français, qui enseigne le français à 360 000 apprenants. Les Instituts connaissent des difficultés financières car ils dépendent du succès des cours qu'ils dispensent. Compte tenu de la réduction constante des subventions, ces difficultés affectent la modernisation de leur appareil pédagogique ou son développement. L'Institut apporte son aide à l'ensemble du réseau au travers de plateformes numériques qui offrent aux enseignants du matériel pédagogique sur lequel ils peuvent s'appuyer.
Troisième pilier, les Alliances françaises qui sont des associations de droit local. Ces structures légères connaissent plus ou moins de succès selon les pays. À Cuba et en Amérique latine, elles sont très performantes. Dans certains pays dans lesquels les alliances aimeraient se développer, les associations de droit local subventionnées ou assistées par des pays étrangers sont moins bien accueillies ; je pense au Moyen-Orient et aux pays de l'Est. Les autorités de ces pays se méfient du pouvoir de pénétration et d'influence étrangère de ces associations. Le choix entre les deux structures est lié à des considérations budgétaires : les Instituts sont plus lourds à déployer – il faut une politique immobilière – mais ils sont à la main de l'ambassade ; les alliances sont plus faciles à multiplier mais avec le risque de s'exposer politiquement vis-à-vis des pays hôtes. C'est le cas en Égypte. Ce n'est pas neutre de choisir de déconcentrer l'Institut français ou de créer une Alliance française.
Je suis malheureusement obligée de vous quitter, je vous prie de m'en excuser. Je tenais à vous renouveler mes remerciements et je vous prie de transmettre nos éloges à l'ensemble de vos équipes.
Le gisement que constituent les financements européens ne nous a pas échappé. Nous avons créé une cellule spécifique pour suivre les appels d'offres et essayer de profiter des moyens mis à disposition par l'Union européenne. Ces appels d'offres ne portent pas seulement sur l'enseignement du français. Il y a moins de deux ans, nous avons gagné un appel d'offres pour un programme sur l'éducation au cinéma. Nous avons été désignés pays pilote pour ce programme baptisé « CinEd – European cinema education for Youth », financé pour la seconde année consécutive par la Commission, qui comprend une douzaine de pays et qui vise à former de nouveaux publics au cinéma.
Le réseau des instituts culturels nationaux de l'Union européenne (EUNIC) est un moyen de fédérer les actions européennes dans les pays dans lesquels les services culturels travaillent bien ensemble. J'espère que la stratégie en cours d'élaboration de Federica Mogherini, la Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité de l'Union européenne, qui place beaucoup d'espoir dans la culture, s'appuiera sur ce réseau qui a notre faveur et qui peut facilement tourner à notre avantage. Nous sommes forts dans tous les pays et nous sommes capables d'utiliser les moyens mis à disposition par l'Union pour favoriser des programmes de culture européenne dans lesquels le français occupe une place importante.
TV5 Monde et France 24 sont des partenaires permanents avec lesquels nous avons signé des conventions. Ils sont associés à toutes nos campagnes de promotion du français. L'entente entre les opérateurs est vraiment bonne. Je peux également citer Unifrance et d'autres opérateurs qui, tous, ont une bonne compréhension des enjeux de l'influence française à l'étranger et du rôle de la langue. Nous n'avons aucun mal à les associer à nos actions, ni à trouver auprès d'eux des relais constructifs.
La coopération avec l'Alliance française est bonne. L'Institut français siège au conseil d'administration de la Fondation Alliance française. Nous partageons les mêmes objectifs, avec un seul bémol : les alliances françaises sont principalement spécialisées dans l'enseignement du français. Or, elles se positionnent parfois en concurrence avec l'Institut français. C'est un peu dommage car nous ne sommes pas là pour nous disputer sur le terrain de la culture mais pour nous associer sur le terrain de l'efficacité de l'enseignement du français. C'est un message que nous répétons souvent. Le choix entre l'Alliance française – une construction légère – et l'Institut français – une construction en dur et durable – n'est pas neutre. Les objectifs sont les mêmes mais le poids est différent en termes de réalisation d'objectifs. Dans l'ensemble, les relations sont excellentes.
Les exemples de mutualisation sont rares. La collaboration se passe sans difficultés avec l'Allemagne à Ramallah. Nous étudions ce modèle, nous pourrions le reproduire, mais la réussite d'une association avec un pays étranger tient d'abord aux personnes. Nous verrons ce que nous pourrons retirer des expériences de cette nature qui vont sans doute se multiplier. Nous avons connu par le passé le schéma de l'ambassade franco-allemande qui a été tenté à plusieurs reprises avec des résultats très divers. Cela dépend beaucoup des personnes sur place.
Les 39 pays prioritaires ne sont pas tous prescripteurs. Israël n'est peut-être pas un pays prescripteur vis-à-vis de ses voisins du Proche-Orient mais il l'est vis-à-vis des pays occidentaux. Il faut savoir que, il y a deux ans, quarante séries ont été développées sur le modèle de séries israéliennes. Israël figure sur la liste au titre de son poids culturel sur la scène internationale.
Quant à la coopération, nos programmes dans ce domaine sont historiques – « Afrique et Caraïbes en créations » ou « Aide aux cinémas du monde ». Nous entendons poursuivre cette politique, puisque le dialogue avec les cultures étrangères fait partie des missions de l'Institut, mais celle-ci a pâti des baisses de budget subies ces dernières années. Nous avons dû adapter nos moyens. Nous continuons de développer cette politique avec des partenaires. Nous allons mener une opération sur l'urbanisme au Sénégal avec la Fondation Rotschild ; Bruno Foucher a mentionné le « Lab Africa » avec le Goethe-Institut ; nous organisons à l'automne prochain une grande manifestation au Mali que nous avons fait naître, la Biennale de photographie de Bamako. Nous continuons, avec les contraintes qui sont les nôtres, à remplir notre mission de coopération d'autant plus importante qu'elle est dans l'ADN de la culture française.
Nous nous appuyons constamment sur la culture patrimoniale. N'oublions pas que lors des inondations du printemps dernier, le New York Times a fait sa une sur la fermeture du Louvre. Mais la France est aujourd'hui connue dans le monde pour la « French touch ». Nous nous devons de nous appuyer sur tous les moyens mis à notre disposition. Le service culturel aux États-Unis nous rapporte – ce que nous savons – que, dans le domaine du spectacle vivant, la France est l'une des meilleures scènes artistiques mondiales grâce à ses capacités d'innovation ; nous sommes demandés dans le monde entier, notamment aux États-Unis qui sont sans conteste un pays prescripteur. Malheureusement les contraintes budgétaires nous empêchent de soutenir cette demande alors même que les acteurs de cette scène ont eux-mêmes besoin d'être présents à l'international pour construire leur carrière et leur modèle économique.
L'opération La Nuit des idées a été lancée, par l'Institut français, main dans la mainavec le réseau culturel. Pour 80 % des événements qui seront proposés, c'est lui qui est à la manoeuvre. Cette opération est le résultat d'une parfaite coordination entre le réseau culturel, les Alliances et l'Institut français.
J'ai évoqué le « Lab Africa » pour lequel, monsieur Myard, la coopération avec les Allemands est satisfaisante. Le MEDEF est demandeur de contacts intergénérationnels avec de jeunes entrepreneurs africains, qui sont souvent des artistes. Nous avons commencé à travailler avec lui sur ce sujet.
L'évaluation des Saisons fait partie de mes préoccupations depuis que je suis arrivé à la tête de l'Institut. Une Saison est un projet lourd à monter. Elle est évaluée immédiatement après qu'elle a pris fin au travers du nombre de spectateurs et de son écho dans les médias, mais nous souhaiterions mettre en place une évaluation sur le long terme. Les entreprises sont très impliquées dans les Saisons. L'impact de cet investissement ne peut être évalué que sur le long terme.
Nos liens se sont concrétisés l'année dernière au travers du festival « Viva villa » dans lequel, pour la première fois, à l'occasion des journées du patrimoine, les trois villas de création à l'étranger – la villa Médicis à Rome, la casa de Velazquez à Madrid et la villa Kujoyama à Kyoto – ont présenté, dans un certain nombre de lieux parisiens, le travail des artistes qu'elles accueillent et qui suscite encore des questions. Cette année, nous organisons une nouvelle édition de ce festival.
En Italie, le rapporteur que je suis a pu faire le constat de l'excellence de l'action culturelle.
Madame la présidente a suggéré la rédaction d'une lettre au nom de la commission à l'attention du ministère de la culture pour demander de sa part une participation financière plus importante. Je pense que tout le monde approuve cette idée.
Ayant suivi l'Institut depuis sa création, je tiens à dire que la personnalité et la vision de celui qui dirige une institution comme celle-ci sont importantes. J'ai été heureux de travailler avec Xavier Darcos et Denis Pietton. Je tiens à saluer le travail remarquable de cette équipe, sous la houlette de M. Foucher et de Mme Tallineau.
Quant à l'Alliance française, les choses ont vraiment évolué depuis que Jérôme Clément a pris la présidence de la fondation. Il semble que la coopération entre les deux institutions est très positive, ce qui est assez nouveau.
La Commission émet, à l'unanimité, un avis favorable au contrat d'objectifs et de moyens de l'Institut français pour la période 2017-2019.
Nous examinons maintenant, sur le rapport de M. Thierry Mariani, le projet de loi, autorisant la ratification du traité entre la France et la République tchèque relatif à la coopération spatiale.
Nous sommes saisis d'un traité de coopération spatiale passé en 2014 avec la République tchèque. En tant que député des Français de l'étranger, je m'étonne d'ailleurs que le cosmos n'ait pas encore été attribué à l'un de nos collègues…
Pour revenir aux choses sérieuses, la République tchèque ne fait pas partie, historiquement, des grands pays associés à l'histoire de la conquête spatiale et ses activités dans ce domaine restent encore limitées. Cependant, en Europe centrale, c'est l'un des pays qui manifeste le plus grand intérêt pour l'espace. Dans le passé, les Tchèques ont développé des petits satellites ou instruments à des fins d'exploration scientifique de l'espace. Ils se sont dotés en 2010 d'un plan national de l'espace. Ayant adhéré à l'Agence spatiale européenne, ils ont également obtenu que le siège de l'agence européenne de supervision du programme Galileo soit implanté à Prague.
Le traité que nous examinons vise à traduire l'un des volets du Partenariat stratégique franco-tchèque qui remonte à 2008. La relation bilatérale s'appuie sur une sensibilité politique commune, des priorités européennes partagées, ainsi que des échanges économiques substantiels. La France était, en 2015, le deuxième investisseur en République tchèque, avec 500 entreprises françaises implantées représentant 100 000 emplois. Nous étions également le cinquième partenaire commercial de la République tchèque et le troisième partenaire scientifique.
Ce traité permettra à la fois de mener des activités de coopération spatiale au niveau institutionnel et d'ouvrir la voie à d'éventuelles coopérations entre les entreprises des deux pays. Il faut avoir l'honnêteté de dire que, vu le développement encore limité du secteur spatial tchèque, les perspectives de réalisations très significatives à court terme restent faibles. Cependant, les coopérations sont possibles, puisqu'il y a depuis 2011 une coopération scientifique, associant des laboratoires français et l'Université Charles de Prague, sur l'étude des phénomènes orageux dans la haute atmosphère. S'agissant des enjeux économiques, une journée industrielle spatiale franco-tchèque a été organisée à Paris en juin 2015. Elle a montré qu'il y avait un réel intérêt des entreprises des deux pays. Le secteur spatial est l'un des domaines d'excellence de notre offre à l'international. Nous ne devons pas manquer une occasion de le promouvoir.
La rédaction du présent traité est tout à fait classique pour un accord de coopération. Ses dispositions sont de portée générale et généralement peu contraignantes pour les deux parties. Le texte prévoit donc, à ses articles 2 et 3, une coopération scientifique dans les différents domaines intéressant l'espace et sous diverses formes habituelles : consultations, coordination des stratégies, échanges d'informations, d'étudiants et de chercheurs, projets communs... La coopération sera conduite par le Centre national d'études spatiales, le CNES, du côté français, et par le ministère des transports du côté tchèque. Les articles 9 à 12, complétés par une annexe, comprennent des dispositions habituelles mais utiles pour protéger la propriété intellectuelle et garantir la confidentialité des informations échangées, ainsi que le respect des régimes nationaux de classification des documents et de contrôle des exportations à usage militaire ou dual.
Vu la modestie des enjeux et le caractère générique et peu contraignant des clauses du traité, on peut s'étonner qu'il prenne la forme d'un traité international soumis à ratification parlementaire.
En effet, les coopérations bilatérales dans le domaine de l'espace font généralement l'objet d'accords passés par le CNES avec ses homologues étrangers, dits accords inter-agences. Mais le problème, en l'espèce, est qu'il n'y a pas encore d'agence spatiale tchèque. Le texte ne pouvait donc être signé que par le gouvernement tchèque, ce qui impliquait, par parallélisme, la signature du gouvernement français. Il fallait donc que ce soit un accord international.
Quant à sa soumission à ratification parlementaire, elle résulte d'une jurisprudence du Conseil d'État selon laquelle un accord international doit être approuvé par le Parlement dès lors que l'État engage les droits d'un tiers. Or, le texte du traité est certes signé par le gouvernement, mais engage le CNES, qui sera chargé de mener la coopération spatiale prévue et renonce à certains droits de recours dans un article du texte. C'est donc pour des raisons quelque peu formelles que ce texte à la portée modeste nous est soumis.
Pour autant, je vous invite bien sûr à l'approuver, car nous avons tout intérêt à développer des coopérations dans le domaine de l'espace, qui est l'un de nos points forts technologiques et économiques, a fortiori quand ces coopérations sont conduites avec un pays ami et démocratique qui est un partenaire important.
Je voudrais tout d'abord remercier le rapporteur. Je souhaiterais simplement avoir une petite précision concernant l'état des signatures et des ratifications. Je lis que « le processus de ratification a débuté en mars 2015 en République tchèque. Le parlement tchèque a donné son accord à la ratification du traité le 26 novembre 2015. Le traité a été transmis au président tchèque pour ratification ». Ce n'est pas le parlement tchèque qui ratifie ?
Je ne suis pas spécialiste du droit constitutionnel tchèque. Nous pourrons demander des précisions à nos collègues tchèques lors de la prochaine session du Conseil de l'Europe. Mais en France, le processus est le même que celui décrit : le Parlement autorise la ratification, qui relève ensuite de l'exécutif.
C'est un sujet spatial, donc il est par définition infini !
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi n° 3906 sans modification
La séance est levée onze heures trente.