La séance est ouverte à quatorze heures
Mes chers collègues,
Avant de passer à notre ordre du jour, je souhaiterais vous donner quelques informations qui figureront dans le rapport présentant le bilan de cette législature. A ce jour, nous nous sommes réunis pendant 664 heures et dix minutes dont 60 heures et trente minutes pour l'examen des projets de loi de finances, et, demain, la commission tiendra sa 466ème réunion. C'est davantage en durée que sous les XIIIème et XIIème législature. Nous avons adopté 183 accords internationaux, soit moins que sous les législatures précédentes où nous en avions examiné 254 et 237. Le nombre d'auditions a fortement augmenté, notamment celles de membres du Gouvernement qui ont représenté plus du tiers du nombre d'auditions. Nous avons auditionné le ministre des affaires étrangères 44 fois, le ministre de la défense 18 fois, le ministre des affaires européennes 18 fois et le ministre de l'intérieur 6 fois. Le nombre de rapports d'information et de groupes de travail est resté stable.
Je remercie en votre nom le secrétariat de la commission pour son assistance et son professionnalisme tout au long de cette législature et vous remercie pour tout ce que nous avons accompli ensemble en m'excusant de ne pouvoir présider demain ce qui pourrait être la dernière réunion de notre commission avant les élections législatives. Je dois en effet accompagner le Premier ministre dans sa visite officielle en Chine.
L'ordre du jour appelle l'examen, ouvert à la presse, du rapport de la mission d'information sur les acteurs bilatéraux et multilatéraux de l'aide au développement présidée par M. André Schneider et dont le rapporteur est M. Jean-René Marsac.
Madame la Présidente, mes cher(e)s collègues,
Il y a un peu moins d'un an était créée la mission d'information sur les acteurs bilatéraux et multilatéraux de l'aide publique au développement. Il s'agissait en effet de faire un bilan de la politique française d'aide publique au développement alors que nous arrivions au terme de cette quatorzième législature au cours de laquelle ce sujet a fait l'objet d'une attention soutenue de notre part.
Au cours de ces cinq ans ont eu lieu des événements internationaux importants comme le sommet d'Addis-Abeba, l'adoption des Objectifs du Développement durable à New York en septembre 2015 et la COP21 à Paris, en décembre de la même année. Nous avons adopté en juillet 2014 la loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, et le dispositif français d'aide publique au développement s'est réorganisé avec la création d'Expertise France et le rapprochement entre l'AFD et la Caisse des Dépôts et Consignations.
Nous sommes amenés chaque année à nous pencher brièvement sur la politique française en matière d'aide publique au développement à l'occasion de l'examen du budget, et dans ce domaine, on peut dire que l'action du Parlement est utile puisque nous avons plusieurs fois obtenu une hausse des budgets de l'aide.
Nous avons aussi eu l'occasion d'auditionner les dirigeants de l'AFD et, depuis peu, d'Expertise France, organisme au sein duquel j'ai l'honneur de siéger avec notre collègue François Loncle, notamment lors de l'examen des contrats d'objectifs et de moyens qui lient ces institutions à l'État.
Mais il était important que nous puissions, une dernière fois avant de nous séparer, porter un regard d'ensemble sur la politique d'aide française et essayer de rendre compte de son adaptation à un monde en pleine évolution.
Afin de mesurer cette évolution, il convient d'abord de prendre acte du fait qu'il n'y a plus de « tiers monde ». Nous sommes bel et bien sortis de l'ancien schéma dans lequel un Nord riche et minoritaire vivait à côté d'un Sud représentant la plus grande partie de la population mondiale et vivant dans la pauvreté. Pour simplifier, on peut diviser le monde en développement en deux groupes principaux.
Il y a bien, d'un côté, des zones de pauvreté, et même de grande pauvreté, où le développement n'a pas eu lieu ou n'a eu lieu que très partiellement. Ces pays, dont beaucoup sont situés en Afrique subsaharienne, sont prioritaires pour la politique française. Ce sont des États où le développement économique s'est parfois heurté à une instabilité politique qui a paralysé l'économie, et où la croissance démographique a souvent annulé la croissance économique du point de vue des populations.
Le deuxième groupe est beaucoup plus varié. Il est constitué des pays qui ont effectué depuis les années quatre-vingt-dix un rattrapage souvent spectaculaire et qui ont bien souvent atteint les objectifs fixé par l'agenda des Objectifs du Millénaire adopté en l'an 2000.
Pour s'en tenir à un seul chiffre, entre 1990 et 2015, le nombre de personnes dans le monde touchées par l'extrême pauvreté dans les pays en développement est ainsi passé de presque deux milliards à 136 millions, c'est-à-dire de 47 % à 14 % de la population mondiale.
Mais bien sûr, ce n'est là qu'une moyenne, et la réalité est que ces progrès énormes en matière de développement ont eu lieu en ordre dispersé. Les écarts de richesse entre pays, mais aussi entre territoires à l'intérieur de beaucoup de pays, et au sein même des populations, se sont creusés, et de nouvelles problématiques sociales et environnementales sont apparues dans le paysage de l'aide au développement.
La croissance rapide de certaines régions a aussi créé ses propres problèmes. La maîtrise du climat et l'égalité entre hommes et femmes sont ainsi devenus des sujets majeurs dans les réflexions sur le développement.
Ces dernières ont ainsi abouti en septembre 2015 à l'adoption des Objectifs du Développement durable, qui font du développement un objectif universel auquel doivent s'atteler aussi bien les pays du Nord que ceux du Sud. Le développement durable n'est plus une simple question de richesse, mais englobe désormais des objectifs sociaux et environnementaux. La croissance économique est toujours recherchée, mais elle doit désormais être mieux maîtrisée afin d'éviter les déséquilibres et les inégalités qui s'aggravent lorsqu'elle est trop rapide. L'accord de Paris de décembre 2015 a pour sa part fait de la lutte contre les dérèglements climatiques une composante majeure des politiques d'aide au développement, dont elles doivent désormais tenir compte à toutes les étapes de leur mise en oeuvre.
Alors que les problématiques de l'aide sont devenues plus nombreuses et plus complexes, les acteurs, aussi bien bilatéraux que multilatéraux, se sont multipliés au cours des dernières décennies. De nouveaux organismes multilatéraux ont été créés : des fonds thématiques ou « verticaux » ont été constitués tels que le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, la Facilité financière internationale pour la vaccination ou l'Initiative pour l'alimentation en eau et l'assainissement en milieu rural en Afrique. De nouvelles institutions internationales se sont créées comme la Banque asiatique d'Investissement dans les infrastructures, dont les opérations ont commencé l'année dernière.
Dans le domaine bilatéral, les acteurs privés ou semi privés se sont également multipliés, qu'il s'agisse des ONG, d'acteurs de l'économie sociale et solidaire, d'organismes de microcrédit ou de fondations privées, tandis que les collectivités territoriales continuent à mettre en oeuvre des actions de coopération décentralisée pour lesquelles l'État cherche à définir une forme de coordination.
L'aide elle-même prend des formes plus diverses. Aux transferts de fonds publics qui constituaient l'essentiel de l'aide se sont ajoutés des fondations privées, dont les contributions peuvent être considérables, ou les transferts monétaires des diasporas vers leurs pays d'origine.
Ce foisonnement d'acteurs de l'aide, bilatéraux et multilatéraux, publics et privés, ne va pas sans poser de nouvelles questions.
Il en va ainsi de la coordination des acteurs de l'aide. La mission a ainsi pu constater au fil des auditions et lors de son déplacement qu'il ne suffit pas de mettre en place des procédures de coordination ou, encore mieux, de créer des organismes chargés de coordonner les actions des acteurs de l'aide, pour régler le problème.
Cela est vrai des actions de coopération décentralisée, qui restent dispersées et trop peu soutenues malgré l'existence de la Délégation pour l'action extérieure des collectivités territoriales ou d'organismes comme Cités Unies France, dont la mission a auditionné les dirigeants. Les ONG pour leur part ont mis en place des organismes tels que Coordination SUD, mais le paysage français des ONG se compose principalement de petites organisations, dont une coordination trop stricte affaiblirait le dynamisme et réduirait la capacité d'initiative.
Comme on le voit parfois au niveau international et européen, les efforts de coordination aboutissent fréquemment à une multiplication et à un alourdissement des procédures, voire à la mise en place de nouveaux organismes, ce qui ne règle le problème que partiellement, voire le complique encore un peu plus.
Dans ce contexte, la France a cherché à adapter son outil institutionnel et sa politique d'aide. Une série de réformes, depuis la suppression du ministère de la coopération en 1998 jusqu'à la loi de juillet 2014 qui a notamment créé le Conseil national du développement et de la solidarité internationale, ont abouti au dispositif actuel, parfois critiqué en raison du partage du pilotage de l'aide entre plusieurs ministères.
Plutôt qu'un retour en arrière ou un nouveau partage des rôles entre administrations, la cohérence de la politique d'aide française serait cependant mieux assurée par un renforcement du suivi des politiques. C'est pourquoi le rapport contient des recommandations dans ce sens : des réunions plus régulières du CICID d'une part, conformément à son décret de création, et un renforcement des moyens de contrôle du Parlement d'autre part, avec notamment la tenue tous les trois ans d'un débat sur la stratégie française en matière d'aide publique au développement.
La réorganisation de l'aide publique au développement a aussi concerné les opérateurs, avec notamment la mise en place d'Expertise France et le rapprochement entre l'Agence française de développement et la Caisse des Dépôts et Consignations.
Le rapprochement entre l'AFD et la CDC a été réalisé le 6 décembre dernier avec la signature par les deux organismes d'une Charte d'Alliance stratégique ambitieuse, qui doit permettre la mise en commun d'une partie de leurs moyens et l'émergence d'une agence de développement d'une taille conforme aux ambitions françaises dans ce domaine. Il est cependant trop tôt pour évaluer le résultat de ce rapprochement encore très récent.
La création d'Expertise France vise également à concentrer les capacités françaises en matière d'expertise au sein d'un opérateur auquel ont été assignés des objectifs ambitieux, puisque les objectifs du Contrat d'objectifs et de Moyens (COM) passé par Expertise France et l'État et approuvé par notre commission en juin 2016, consistent à doubler le chiffre d'affaire d'Expertise France et à atteindre l'autofinancement en cinq ans.
Il reste que le regroupement de l'expertise en son sein, combinée au fait de confier à l'AFD le secteur de l'expertise en matière de gouvernance ont inévitablement abouti à priver les ambassades d'une partie de leurs attributions, de leur capacité propre d'appréciation des projets de coopération, ainsi que de relais auprès des administrations et de la société civile qui peuvent leur faire défaut aujourd'hui. La création d'Expertise France étant récente, il est sage d'attendre encore un peu pour en évaluer le bon fonctionnement. Le COM de juin 2016 s'étendant sur une durée de trois ans, notre rapport propose donc, en plus du renforcement des capacités d'Expertise France, d'évaluer à l'occasion du prochain COM entre Expertise France et l'État le bon fonctionnement de la relation entre Expertise France, l'AFD et les postes diplomatiques. Le rapport propose également, afin de renforcer le rôle des ambassades dans la politique d'aide française, de rallonger la durée des COM liant l'État et l'AFD de trois à cinq ans, et que soit recueilli dans sa phase préparatoire l'avis des ambassades auprès des pays destinataires de l'aide sur les orientations stratégiques de la France et de l'AFD en matière d'aide publique au développement.
Je vais maintenant laisser la parole à mon collègue Jean-René Marsac, qui présentera les principales propositions faites par la mission afin de consolider la stratégie française d'aide publique au développement dans ce paysage riche et complexe.
Madame la Présidente, mes cher(e)s collègues,
Il convient tout d'abord de souligner que la réorganisation institutionnelle, qui date déjà de quelques années mais qui se poursuit, et la réorientation stratégique de l'aide publique au développement française ne rendront cette dernière plus efficace que dans la mesure où son financement sera à la hauteur de ses besoins, ce que nous n'avons cessé de dire. Cette mission est l'occasion de rappeler que le budget de l'aide française, qui en 2017 a retrouvé une trajectoire d'augmentation, doit poursuivre dans cette direction. Le rapport recommande par conséquent une augmentation annuelle du budget de la mission « aide publique au développement » de 5 %, ce qui était le chiffre à l'entrée de notre débat pour le budget 2017. Nous avons abouti à une augmentation de 3,7 % environ. Ce rythme de 5 % est celui qui nous permettrait d'atteindre en 2030 l'objectif des 0,7 % du RNB.
L'augmentation du FSD doit aussi être poursuivie, et le rapport recommande de mettre en oeuvre l'extension de l'assiette de la TTF aux transactions dites « intraday » en janvier 2018, conformément à notre vote.
L'augmentation de la part des dons dans l'aide publique au développement est également nécessaire et une des recommandations du rapport vise à ce que soit examinée la possibilité de renforcer les dons, entre autres, en utilisant une partie des dividendes de l'AFD. L'AFD a en effet progressivement, ces dernières années, étendu son activité de prêt aux pays émergents afin de financer des projets qui s'inscrivent dans le cadre des ODD, donc qui relèvent bien de l'aide publique au développement, mais avec une faible concessionnalité.
L'élargissement du champ d'action de l'AFD ces dernières années a permis à celle-ci non seulement d'étendre les bénéfices de son activité et de diversifier son expérience, mais également d'accroître ses dividendes. Même si nous sommes conscients des contraintes pesant sur l'agence en matière de fonds propres résultant du statut de Bâle III, il demeure souhaitable qu'une réflexion soit engagée afin qu'une partie des gains de l'AFD puisse renforcer la part de l'aide publique au développement effectuée sous forme de dons.
Cependant, la question du financement de l'aide publique au développement va bien au-delà de ses seuls aspects budgétaires. Au niveau international, la réflexion sur les objectifs du développement, qui a abouti à l'Adoption des Objectifs du millénaire en 2000 et des Objectifs du Développement durable en 2015, s'est accompagnée d'une réflexion parallèle sur le financement de l'aide, avec le consensus de Monterrey en 2002, la conférence de Doha en 2008 et le programme d'action d'Addis-Abeba en 2015. Cette réflexion a mis en évidence l'importance du financement local du développement et la nécessité de rechercher des moyens de favoriser l'émergence des secteurs privés des pays du Sud, sous des formes qui peuvent aller de la microfinance au commerce équitable par exemple.
La mission a ainsi auditionné des représentants de fondations privées ou d'associations actives dans ces domaines et a pu ainsi mesurer l'importance du soutien au secteur privé, sous des formes qui peuvent aller de la prise de participation dans des entreprises locales par Proparco, par exemple, au soutien apporté à la microfinance par un organisme tel que la Fondation Grameen-Crédit agricole. Le soutien au secteur privé apparaît comme un élément essentiel de l'aide aussi bien dans les pays émergents ou en voie d'émergence que dans les pays les plus pauvres, où l'aide sous forme de dons n'atteint pas un niveau suffisant.
Le soutien au secteur privé est notamment essentiel dans les pays où l'économie est encore largement informelle, et il passe notamment par une aide à la formation professionnelle, dont les dirigeants du Burkina Faso que nous avons rencontrés ont été unanimes à nous dire combien elle était actuellement insuffisante.
Le soutien à la microfinance, pour sa part, vise à stimuler l'émergence de secteurs bancaires embryonnaires dans les régions les plus pauvres, notamment les zones rurales, où le secteur bancaire traditionnel ne va pas, même si nous avons constaté que des technologies de bancarisation par le biais du téléphone, par exemple, se développaient fortement en Afrique, entre autres. Le soutien au commerce équitable et à l'économie sociale et solidaire s'inscrivent plus pour leur part dans une logique de maîtrise des effets de la croissance dans le domaine social et en matière environnementale.
Le rapport fait des propositions pour appuyer ces formes d'aide innovantes, mais il propose surtout la création d'une Fondation pour le Développement solidaire, française ou francophone, chargée de recueillir des fonds et de coordonner une partie de l'aide publique au développement effectuée sous forme de dons. Cette fondation pourrait bénéficier d'une première dotation en provenance du fonds de solidarité pour le développement (FSD), sur les nouvelles ressources de la taxe sur les transactions financières. Je crois que c'est le moment de les mettre en oeuvre. Elle constituerait une interface entre les financements publics et les acteurs privés de l'aide publique au développement et elle servirait de cadre à une augmentation de l'aide sous forme de dons.
Enfin, les travaux de la mission nous ont amené à la conclusion que ce foisonnement d'acteurs et d'initiatives rend nécessaire une nouvelle approche de l'aide au développement, plus partenariale et plus contractuelle.
Plus partenariale parce que l'aide au développement n'est plus désormais un simple transfert de richesses du Nord vers le Sud visant à aider ce dernier à rattraper son retard sur les pays riches, ou du moins cela n'en est pas l'unique objet. S'il demeure essentiel d'aider les pays les moins développés à sortir de l'ornière du sous-développement afin que leurs populations puissent à leur tour sortir de la pauvreté, l'aide au développement est désormais avant tout un investissement sur l'avenir. Les pays donateurs ont autant que les pays destinataires de l'aide un intérêt au succès des politiques d'aide. Qu'il s'agisse de la stabilité politique de régions comme le Sahel, étroitement liée au développement des économies locales, de la maîtrise des flux migratoires qui dépend de celle de la croissance démographique et du soutien à l'emploi agricole, par exemple, ou qu'il s'agisse de problématiques partagées comme la préservation de l'environnement ou l'égalité entre hommes et femmes, le constat sur lequel repose les Objectifs du développement durable s'impose à nous tous. Le développement durable et maîtrisé est un objectif commun aussi bien pour le Nord que pour le Sud.
C'est pourquoi nous avons été sensibles, notamment lors du déplacement effectué par la mission au Burkina Faso et au Maroc, au fait que beaucoup de nos interlocuteurs nous aient fait remarquer que l'expression « aide au développement » n'était plus adaptée à la réalité actuelle, ou en tout cas, pas à la totalité de cette réalité, non seulement en raison de son caractère condescendant aux yeux de certains, mais simplement parce qu'elle ne reflète plus la réalité, qui est aujourd'hui celle d'une relation basée sur des intérêts partagés.
La conclusion à laquelle est parvenue la mission est que c'est en tenant compte de cette réalité que l'on pourra évoluer vers une politique d'aide plus adaptée à la complexité des enjeux actuels et à la diversité des acteurs et des initiatives. C'est en renforçant le rôle des pays destinataires de l'aide et en reconnaissant qu'il ne s'agit plus tant d'une aide que d'un partenariat que nous pourrons avancer vers une clarification des rôles et, sans doute, une plus grande cohérence des politiques.
La mission d'information propose ainsi de s'inspirer du modèle des Contrats de désendettement et de développement, dits C2D, qui ont été mis en place afin de régler le problème de surendettement qui concernait dans les années quatre-vingt-dix un certain nombre de pays très pauvres, mais qui avaient néanmoins accédé aux prêts. Parallèlement aux initiatives d'annulations de dettes prises par les bailleurs internationaux, la France a alors mis en place un dispositif, le C2D, dans lequel les sommes remboursées par le pays concerné sont encaissées mais immédiatement reversées par la France, mais dans le cadre d'un programme d'aide qui a préalablement été élaboré précisément et soigneusement, et qui a été négocié conjointement par la France, le pays destinataire et les opérateurs concernés.
La mission propose donc d'inscrire l'aide bilatérale de la France dans un contrat international de développement solidaire, d'une durée relativement longue de huit à dix ans, avec une révision intermédiaire à mi-parcours, afin qu'il fasse l'objet d'un suivi de ses grandes orientations.
Un tel dispositif visera quatre objectifs principaux :
- du fait de sa durée et du suivi dont il fera l'objet, il permettra de donner une véritable orientation stratégique aux politiques qu'il mettra en oeuvre ;
- faisant l'objet d'une négociation de haut niveau entre les pays concernés, ce contrat pourra plus facilement mettre l'accent sur des domaines fondamentaux tels que, selon les cas, la gouvernance, les droits de l'homme, la maîtrise démographique ou l'égalité entre hommes et femmes ;
- Ce dialogue politique permettra également d'inclure des sujets connexes au développement, notamment celui des mobilités et des délivrances de visas, du côté français comme de celui du pays destinataire ;
- Il contribuera enfin à résoudre le problème de la coordination aussi bien des projets de coopération décentralisée, que des initiatives des ONG, en permettant à la France et au pays destinataire de faciliter conjointement les projets s'inscrivant dans le cadre ainsi défini en orientant, de façon préférentielle, les aides publiques en fonction des priorités négociées conjointement.
Il s'agira donc de mettre en place une relation plus partenariale dans un cadre bilatéral. Le contrat international de développement solidaire pourra être élargi aussi bien du côté des pays destinataires que des pays contributeurs.
Du côté des pays destinataires, il sera possible à des pays voisins de rejoindre le contrat international de développement solidaire afin que des coordinations régionales soient possibles dans les secteurs où l'échelon national n'est pas suffisant.
Du côté des pays contributeurs, le contrat international de développement solidaire devra d'abord permettre de sortir de l'opposition en partie injustifiée entre une aide bilatérale conforme à nos intérêts et une aide multilatérale inévitablement dispersée et affaiblie par le filtre d'organisations internationales très lourdes et au sein desquelles la France exerce une influence insuffisante.
Cette approche n'est certes pas entièrement infondée mais il convient de la nuancer. L'aide française transitant par les organisations multilatérales est en effet fortement concentrée, en particulier sur l'Union européenne pour 45 %, l'Association internationale pour le Développement de la Banque mondiale pour 21 % et le Fonds mondial sida pour 15 %. Les travaux de la mission l'ont amenée à conclure que plutôt qu'une réduction globale de son aide multilatérale, la France gagnerait à l'optimiser en faisant mieux valoir ses priorités dans l'enceinte internationale et en y agissant de manière coordonnée. Le rapport propose que le Conseil national du développement et de la solidarité internationale émette régulièrement un avis sur les contributions françaises aux organismes multilatéraux et qu'il auditionne les représentants de la France auprès de ces organismes préalablement à leurs nominations, ce qui permettrait d'associer plus étroitement les ONG et les collectivités territoriales, entre autres, aux orientations de la stratégie d'aide française au sein des organismes multilatéraux.
Cela n'exclut pas de modifier certaines contributions afin de rééquilibrer notre aide. C'est pourquoi le rapport recommande également de rediriger une partie du montant versé annuellement au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme au profit de l'aide bilatérale sous forme de dons, et de réorienter ces sommes pour consolider et amplifier les systèmes de soins locaux.
Le contrat international de développement solidaire proposé par la mission listerait aussi les contributions françaises à l'aide multilatérale mise en oeuvre dans le pays concerné, afin d'accroître la visibilité de l'aide française. Il permettrait par ailleurs de renforcer l'impact de l'aide bilatérale française à travers la création de partenariats internationaux, en particulier avec l'Union européenne, avec des pays francophones émergents et entre les outre-mer et leurs régions environnantes, pour construire des actions coordonnées.
Avec l'Union européenne, la négociation pour la mise en place d'un nouveau partenariat entre l'Europe et les pays ACP succédant à celui de Cotonou, en 2020, doit être l'occasion de prévoir la possibilité pour l'Union d'être partie prenante aux contrats de développement solidaire.
Avec les pays francophones, il s'agit de mieux s'appuyer sur le rôle que jouent déjà des pays comme le Maroc, où nous nous sommes rendus en janvier. Le Maroc s'est en effet positionné à la fois comme un relais économique et commercial vers l'Afrique et comme un pays bénéficiant d'une expertise et d'une expérience récente en matière de développement dont notre politique peut davantage profiter. Le contrat de développement solidaire permettrait précisément d'inscrire les coopérations tripartites, qui sont souhaitées, comme les Marocains nous l'ont redit, avec les pays francophones dans des politiques plus globales.
L'idée de développement solidaire enfin aux outre-mer et à leurs régions environnantes. Il est apparu au cours des auditions que le potentiel de ces territoires et leur capacité à mettre en oeuvre des projets de coopération avec leurs régions environnantes n'est pas exploité comme il pourrait l'être, notamment du fait de la segmentation des outils d'aide français et du pilotage ministériel qui n'est pas complètement interministériel, comme on nous l'a dit à plusieurs reprises. La mission propose donc de mettre en oeuvre des expérimentations dans ce domaine, afin de renforcer la capacité d'initiative des outre-mer.
Pour conclure cette présentation, je dirai simplement que l'ensemble des recommandations contenues dans ce rapport visent à inscrire nos politiques d'aide dans le temps long, en les dotant des moyens dont elles ont besoin, en créant un cadre souple pour notre aide bilatérale, en permettant un suivi plus régulier de nos politiques et des stratégies déployées, et surtout en tenant compte du fait que le développement n'est pas un simple rattrapage du Nord par le Sud, mais plutôt une politique à caractère universel, visant à un accroissement régulier et maîtrisé des richesses et du niveau de vie des populations.
Vous nous avez donné une bonne idée à travers votre rapport et vos propositions de tous les débats que nous avons pu avoir - d'ailleurs très convergents dois-je dire - au sein de notre Commission pendant ces cinq ans sur ce que nous voulons et ce que nous souhaitons pour l'aide au développement. Je sais que c'est une mission – comme les autres – qui a beaucoup travaillé car c'est notre sujet fétiche et ce dans un laps de temps réduit avec une participation de tous ses membres, y compris vous monsieur le président et monsieur le rapporteur.
Je passe tout de suite la parole à Michel Destot.
Merci Madame la Présidente, à mon tour de féliciter le président et le rapporteur pour cet excellent travail de synthèse. Nous avons évoqué toutes ces questions à de nombreuses reprises ici. Il en ressort beaucoup d'idées et je pense qu'avec mon collègue Jean-Marie Tétart, nous en ferons notre miel pour intervenir au sein du conseil d'administration de l'AFD.
Ce rapport me semble particulièrement utile car il s'inscrit d'abord dans le temps long et cela est absolument nécessaire si l'on veut établir une stratégie basée sur des contrats d'objectifs et de moyens. Il est d'autant plus utile afin d'inscrire une aide financière conséquente si l'on veut finalement atteindre cet objectif de 0,7% du PIB d'ici 2030. Il permet aussi à mon sens de clarifier ce qui doit ressortir de l'aide multilatérale par rapport à ce qui doit relever de l'aide bilatérale. Au sujet du multilatéral, il ne s'agit pas simplement de ce qui se constitue à partir des fonds internationaux mais également en ce qui concerne les capacités d'aider des pays concernés par cette aide publique qui se regroupent. Cela devrait être une stratégie davantage affirmée et menée car elle me semble être de nature plus efficace et apte à mieux tenir compte de la rareté de ces fonds publics.
Dans cet esprit, pouvez-vous me préciser ce qui, pour vous et pour la France, doit davantage relever d'une part du bilatéral et d'autre part du multilatéral ? Ne devrait-on pas éviter de s'engager trop fortement au titre de l'aide bilatérale quand il s'agit de grands investissements – la plupart du temps couverts par les fonds internationaux, notamment du côté de l'ONU, investissements pour lesquels par ailleurs on a tendance à vouloir y aller afin d'exister – afin de se concentrer en termes d'aide bilatérale sur les thématiques qui mettent plus en avant et valorisent davantage le savoir-faire français et l'influence française ? Je pense évidemment à l'aide rurale, à l'aide urbaine, à l'éducation et à la santé, à la culture et à la langue française.
Enfin, quelles préconisations suggérez-vous pour une aide plus concertée et plus efficace de la France, de l'Union européenne et de l'Afrique au moment où la Grande-Bretagne se retire de l'Union européenne, et au moment où nous redéfinissons à travers une aide confortée une nouvelle stratégie d'aide publique au développement ?
Je tiens simplement à faire une petite précision car aussi bien le rapporteur que Michel Destot ont remercié ceux qui ont participé à l'élaboration de ce rapport, je ne voudrais donc pas oublier Marylise Lebranchu et notre collègue de Mayotte, Boinali Said.
Merci Madame la Présidente, ce travail est fondamental parce que je crois qu'il est aujourd'hui la pierre angulaire d'une possibilité de maitriser notamment les flux migratoires et donc la paix du monde… Il faut regarder les choses telles qu'elles sont ! Néanmoins, j'ai quelques interrogations sur les recommandations qui nous sont faites. Il est évident qu'augmenter le budget de 5% par an d'ici à 2030 est un objectif et il va falloir véritablement y mettre beaucoup d'audace.
A ce titre, l'une des clés de cette augmentation serait – pardon Madame la présidente - de rapatrier un certain nombre de fonds européens qu'on ne maitrise plus, notamment sur les fonds structurels sur lesquels j'ai beaucoup d'interrogations, et de consacrer donc véritablement cet argent public à l'aide au développement.
Deuxièmement, lorsque vous dites qu'il faut – parce que l'on voit très bien quel est l'objectif sous-jacent – favoriser la part de l'aide qui transite par rapport aux ONG, peut-être mais à une condition express, à savoir que l'on ait à l'égard de ces ONG une politique claire et que l'on voie exactement ce qu'elles font car cela peut être parfois la langue d'Esope. Cela peut être efficace dans certaines situations, tout comme peu efficient dans d'autres cas.
Je souhaite également saluer la recommandation numéro 16 lorsque vous voulez mobiliser le dispositif du Livret de Développement durable en faveur de l'aide au développement. Il s'agit en fait d'une idée relativement ancienne. Lorsque j'étais au cabinet de Michel Aurillac qui a été un grand ministre de la Coopération, nous avons justement essayé de mettre en place un plan épargne-logement dès lors qu'il y avait un retour et qui aurait été abondé par l'aide française avec la possibilité d'allers et retours permanents entre ce qui est une création d'entreprise dans un pays en voie de développement et la France. Je ne peux donc que saluer cette recommandation mais qui tarde à venir, à l'évidence.
De manière plus générale, permettre effectivement aux outre-mer de mieux s'intégrer dans leur région tout en jouant un rôle de développeur me parait une bonne idée sauf que – vous le savez – il existe également des immigrations locales qui font que, parfois, nos territoires et départements d'outre-mer subissent aussi des immigrations illégales, et il s'agit d'un problème majeur à maîtriser.
Monsieur le président, Monsieur le rapporteur, votre dernière recommandation portant sur l'outre-mer suggère la mise en place d'expérimentations visant à permettre à ces territoires de piloter des projets d'aide au développement dans leurs régions respectives. Selon vous, quelles formes pourraient prendre la concrétisation de cette recommandation ?
À mon tour, je voudrais saluer la qualité du travail effectué par le président et le rapporteur, et pour leur courage sur certains sujets. Je crois que cela n'est pas facile de dire que le temps est peut-être venu de prélever un peu d'argent sur le Fonds mondial SIDA afin de l'affecter au bilatéral. Il s'agit là d'une proposition qui va dans le bon sens même si elle n'est pas facile à mettre en oeuvre. Je crois que cela est infiniment nécessaire.
Il existe peut-être un point sur lequel mes attentes vont au-delà de ce qui est proposé dans le rapport, à savoir que l'on ne met pas suffisamment le focus sur les pays du Sahel alors que ces derniers sont de fait le maillon faible. Il s'agit des pays les plus pauvres et ce sont ceux qui mettent en proportion de leur budget beaucoup d'argent dans la Défense, et nous en avons bien besoin dans le Nord, afin de lutter contre le terrorisme. Cela est vrai surtout pour le Burkina Faso et également pour le Tchad. Ces pays sont à la limite aujourd'hui de ce qu'il est vraiment possible de faire et c'est la raison pour laquelle j'avais été personnellement très sensible aux propos de M. Serge Michailof que l'on avait auditionné à plusieurs reprises dans le cadre de cette mission. Ce dernier suggérait en effet la création d'un fonds fiduciaire pour venir en aide à ces pays de façon plus concentrée et plus massive. Je pense que c'est une bonne idée qu'il ne faut pas laisser tomber et je tenais ainsi à faire cette observation puisqu'il faudra nécessairement y revenir étant donné que ces pays sont extrêmement fragiles et l'intérêt de la France n'est par ailleurs certainement pas de les voir tomber dans des difficultés plus grandes encore.
Merci cher collègue et je m'associe à cette remarque que vous venez de faire sur le Sahel.
Je voudrais revenir sur votre recommandation numéro 8 concernant la diminution du Fonds mondial au profit d'une aide bilatérale, recommandation que je ne trouve pas pertinente du tout contrairement à vous. J'estime en effet que, pour des problèmes de santé aussi grave que le sida, la tuberculose ou le paludisme – des maladies qui n'ont pas de frontières – le rôle du Fonds mondial est crucial. On voit les problèmes que l'on a avec la tuberculose notamment puisque, lorsqu'on laisse faire le bilatéral, peu de fonds sont finalement alloués pour vaincre cette maladie que l'on sait pourtant guérir, que l'on n'arrive pas à guérir et qui fait au final plus de morts chaque année que le sida. Qu'est-ce qui vous fait donc dire que l'aide bilatérale sous forme de dons serait plus efficace qu'une aide versée annuellement au fonds mondial qui permet à tous les chercheurs du monde entier de se réunir et de travailler, de soigner tous les gens de la planète lorsqu'il le faut ? On a vu avec Ebola que la coordination du Fonds a permis d'arriver à bout de cette épidémie, alors que si cela n'avait été que du bilatéral, je ne suis pas sûre qu'Ebola aurait été aussi vite endiguée. J'aurais donc aimé connaître les raisons sous-jacentes à cette recommandation.
Je souhaite saluer à mon tour le travail effectué. Je trouve très raisonnable la proposition d'une augmentation linéaire à raison de 5% par an jusqu'à 2030. Cela donne une ligne directrice et je crois qu'elle serait facilitée si – lorsque nous décidons comme nous l'avons fait pendant toutes ces années de faire accepter des financements de type non budgétaire, à savoir des financements de solidarité TTF ou taxes sur les billets d'avion -, nous essayions de peut-être avoir des assiettes moins grandes ou des taux moins importants si l'on appliquait l'ensemble de la recette à l'aide au développement. Nous jouons de fait un double jeu : l'État se laisse faire à l'issue des débats parlementaires pour créer la taxe mais ensuite met un plafond. D'un certain côté, la solidarité a bon dos car elle permet d'apporter des éléments au budget de l'État sur le prétexte de la solidarité. Il faudrait donc être raisonnable sur ces questions.
Second point : dans le bilatéral et le multilatéral, nous parlons beaucoup de ces rapports-là alors qu'il faudrait plus se focaliser sur le FSD. Tous ces financements innovants sont en plus fléchés sur le FSD (Fonds social de développement) et non pas sur l'APD. Je suis donc surpris que le rapport n'exige pas plus de transparence dans le FSD car nous ne sommes pas du tout associés. Après toutes les discussions que nous avons eues dans l'hémicycle, je m'aperçois qu'en décembre dernier, presque en catimini, un décret visant à allonger la liste des organismes multilatéraux qui vont bénéficier du FSD a été adopté. Je crois donc que ce sujet en particulier, c'est-à-dire la question du multilatéral passant avant tout par le FSD à discrétion de l'État et des gouvernements en place, nécessiterait une recommandation.
Enfin, je suis assez d'accord avec ce que dit ma collègue Chantal Guittet, et je crois que la clé réside dans l'articulation du multilatéral et du bilatéral - pour ce qui est notamment du sida - sur les pays donnés. C'est là qu'on trouve la véritable efficacité d'actions qui sont conduites sous le drapeau français mais qui se raccrochent à une armature multilatérale qui est de bon aloi.
Je crois, pour terminer, qu'il faut également distinguer le multilatéral de l'Union européenne. Mon collègue Jacques Myard est très friand de ramener l'argent de l'Union européenne mais c'est ce qui est fait de plus en plus par l'AFD. Nous avons un taux de retour de nos contributions au FED (Fonds européen de développement) qui est très importante dans les nouveaux mécanismes de financement que l'AFD est en train de mettre en place.
Merci beaucoup madame la présidente. Je voudrais souligner la qualité du travail, à la fois de mon ami André Schneider et de Jean-René Marsac.
Je souhaite souligner cependant qu'il faudrait peut-être une vingt-et-unième recommandation sur la mise en place d'un observatoire pour assurer le bon usage des fonds destinés à l'aide. Ce que l'on constate le plus souvent, c'est que les fonds qui pourraient être attribués n'arrivent pas à leurs destinataires. Sinon un observatoire, peut-être faudrait-il donc une commission de suivi.
Quant à la recommandation numéro 8, je voudrais à mon tour, comme Chantal Guittet ou Jean-Marie Tétart, dire que je suis quelque peu sur ma faim quant au fonds sida, paludisme et tuberculose. Il ne faudrait pas en effet déshabiller Paul pour habiller Jacques et nous sommes encore en difficulté sur ces questions aussi bien du sida, du paludisme ou de la tuberculose. Il faudrait donc trouver un équilibre sur ces questions.
Mes félicitations aux auteurs du rapport, je les ai vus travailler. Je crois comme vous tous que l'APD est l'outil de paix dont on attend aussi qu'il puisse stabiliser les flux migratoires, ce qui est un des enjeux considérables de notre époque.
Lors de notre déplacement au Burkina Faso et au Maroc, nous avons été frappés de l'écho que rencontrait le problème de la maîtrise de la croissance démographique. Je crois que l'APD pourrait apporter un concours plus significatif dans ce domaine car cela correspondait véritablement à une attente des personnes que l'on a pu rencontrer.
On constate par ailleurs en Afrique que l'on peut rattraper un certain nombre de retards. Cela s'est vu avec la téléphonie mobile pour passer à l'Internet en sautant la génération de l'Internet fixe – si je puis dire. Il faudrait donc aussi que l'APD puisse aider ce genre de rattrapages technologiques en se tournant vers la technologie de demain pour permettre aux pays en voie de développement d'aller plus vite vers les objectifs qu'on leur souhaite voir réaliser.
Merci madame la présidente, ainsi qu'à notre président, à notre rapporteur et à tous ceux qui se sont associés à ce rapport très intéressant.
Ce rapport dresse une stratégie sur le long terme et prend aussi en compte que, dans notre organisation collective, notre organisation institutionnelle est au fond très récente, qu'il s'agisse d'Expertise France, du rapprochement AFD-CDC. Je voulais simplement revenir sur un élément qui a beaucoup occupé nos débats durant cette législature, à savoir l'augmentation des dons. Vous évoquez la possibilité d'utiliser les dividendes de l'AFD, finalement le retour de prêts octroyés. Y-a-t-il aujourd'hui des éléments d'outils pratiques de mobilisation pour obtenir ce résultat ? Quels sont ces outils à actionner en pratique afin d'aboutir à cette réalité d'une augmentation des dons par rapport à cette éventuelle proposition de mobiliser les produits de l'AFD ?
Madame la Présidente, mes chers collègues, nous entendons bien toutes vos questions, et le rapporteur essaiera de vous donner le maximum de précisions. Notre objectif commun était double. D'abord, faire une analyse aussi complète que possible de ce qu'il se passe effectivement - c'était bien l'objectif de départ, Madame la Présidente, que vous nous aviez donné au début de cette mission. Ensuite, en fin de législature, et à un rythme accéléré, nous souhaitons vous apporter aujourd'hui – mais avec l'espoir que cela se poursuivra dans le temps – un certain nombre de préconisations sur des directions et des orientations. Nous n'avons pas pu entrer dans le détail de chaque volume. Nous avons aussi mis en exergue les opérateurs, les regroupements, que nous avons mis dans le rapport. Je laisse la parole au rapporteur.
Merci beaucoup pour vos questions et vos éclairages. Je vais essayer d'être bref et si possible complet.
Par rapport à ce que dit Michel Destot, effectivement dans le rapport nous n'avons pas pris d'options ni sur les questions d'investissements, infrastructures et autres dispositifs de soutien des opérations plus immatérielles, ni en termes de thématiques, parce que je considérais que nous n'avions pas l'expertise immédiate pour le faire. Mais l'idée, plus généralement, et en particulier à travers cette proposition de contrat de développement solidaire négociée de pays à pays ou de pays aux régions concernées, c'est peut-être de mettre davantage de stratégie et de choix politique en face de la montée en puissance - ce qui est très bien - d'opérateurs techniques comme l'AFD ou Expertise France. On l'a vu au Burkina Faso, l'AFD intervenant à 18% dans le montage d'un projet d'infrastructure, on peut s'interroger sur la pertinence de cette intervention. Mais il est vrai qu'Expertise France ou l'AFD raisonnent, et c'est normal, sur la qualité d'un dossier, l'intérêt d'être ou pas présent dans tel ou tel dossier - c'est un choix relevant de la stratégie de l'opérateur. Je pense qu'il faut que cela s'adosse à une autre démarche stratégique avec un dialogue dans le cadre de ce contrat passé de pays à pays : qu'est-ce que le pays concerné souhaite d'une intervention prioritaire de la France, dans quel endroit, dans quel domaine, y compris l'arbitrage entre ce qui est fait dans le cadre multilatéral et le cadre bilatéral ? C'est vrai que le rapport ne prend pas une option directe, mais la question mérite d'être posée. Moi je fais le pari que c'est dans le cadre de ces négociations pour un contrat bilatéral de développement solidaire, à moyen et long terme, que ces questions trouvent leur réponse.
Sur la Grande-Bretagne, le Fonds européen de développement (FED) n'étant pas budgété, la Grande-Bretagne peut rester au FED. On peut souhaiter qu'elle y reste, pour continuer à mener des actions coordonnées.
Jacques Myard évoquait la question de l'orientation budgétaire qu'il approuve. Sur les ONG, là aussi, tout le monde nous a parlé depuis le début des auditions de la question de la coordination des acteurs. Quand on va dans les pays concernés, on nous parle de la dispersion des acteurs, d'ONG multiples. Dans le rapport, nous le disons : il ne faut pas freiner l'initiative, elle est tout à fait positive, il faut au contraire l'accompagner, y compris les opérations de petite dimension des collectivités locales et territoriales. Pur autant il faut qu'elles trouvent un cadre global. Donc plutôt que de coordonner par des rassemblements, des coordinations nouvelles, un système administratif, un système d'évaluation, on préfère mettre cette question de manière prospective dans une négociation qui soit aussi portée peut-être plus fortement par le bénéficiaire. Cela signifie impliquer plus fortement le pays bénéficiaire dans la définition de la stratégie, qu'il ne soit pas simplement le réceptacle, voire quelque fois le spectateur de ce qui se passe sur son territoire. Parfois, trop souvent, il est plus en position d'observation que d'acteur impliqué, donc je pense que la question des ONG, en référence à ce cadre négocié, peut permettre d'apporter une réponse.
Boinali Said posait une question sur la manière de faire en outre-mer en termes d'aide au développement : pour moi tout est ouvert. Simplement, ce qui nous est apparu fortement dans les auditions que nous avons eues, c'est qu'entre les ministères concernés il n'y a pas forcément un travail suffisant, même s'il y a un CICID qui a vocation à faire de l'interministériel de manière générale sur l'aide au développement. Entre le secrétariat d'État chargé du développement d'un côté, le secrétariat chargé des outre-mer de l'autre, il n'est pas certain qu'il y ait un travail approfondi au-delà du CICID pour définir un certain nombre de projets qui puissent porter sur l'eau, la santé, la pêche, etc. Il y a pleins de sujets qui peuvent être abordés de manière concordante dans les régions concernées. La forme que tout cela doit prendre reste à définir. L'AFD nous a avoué aussi que de leur côté, puisqu'ils interviennent également dans les DOM TOM parallèlement aux pays bénéficiaires de l'aide au développement, la coordination n'est pas complètement établie chez eux non plus. Donc à vous de faire des propositions à partir de cela.
Michel Destot, Chantal Guittet et d'autres ont relayé le débat sur le fonds SIDA, je n'ai pas à ce sujet une position complètement arrêtée, mais il s'agit d'un sujet récurrent. La France contribue plus que d'autres en moyenne, puisqu'elle est le deuxième contributeur dans ce dispositif, le sujet est venu à plusieurs reprises, donc je crois qu'il faut vraiment en débattre. La proposition que certains acteurs font est celle d'une réduction de notre contribution, pour y revenir peut-être sous une forme multilatérale. Il s'agit d'aller plus aujourd'hui vers la construction et la consolidation des systèmes de soin dans les pays concernés. Evidemment qu'il faut avoir des outils multilatéraux pour lutter contre les épidémies et les pandémies sur les graves crises sanitaires, évidemment que c'est dans le cadre multilatéral que cela peut se jouer. Pour autant, en termes de prévention, mais aussi en termes de suivi des malades, c'est par le biais d'un système de soin consolidé dans les pays concernés que cela peut se faire. Outre la question du bilatéral et du multilatéral, il y a la question de la meilleure stratégie pour atteindre les objectifs.
Jean-Marie Tetart, ceux qui seront dans la prochaine mandature pourrons suivre, ou pas, cette trajectoire des 5%, j'ai proposé ce chiffre parce que c'est celui avec lequel le gouvernement est entré dans le débat budgétaire cette année. On a atterri à 3,7. Je propose qu'on isole cette question des 5% concernant les lignes budgétaires, parce que c'est là-dessus que l'on peut intervenir de manière directe dans l'hémicycle.
Concernant la TTF, il y a une question à se poser sur le côté friable de l'assiette. On ne sait pas ce que sera l'avenir en termes de places financières, on ne sait pas ce que les pays proposeront, il ne faut pas que les oeufs soient mis dans le même panier. C'est pour cela que nous proposons d'autres démarches. Jacques Myard a souligné l'intérêt de la proposition sur le Livret de développement durable et solidaire. C'est la proposition que nous faisons à la suite de ce que Jean-Marie Le Guen a souligné lors de son audition sur l'idée de créer une ONG française qui prenne sa place dans le concert international. On a repris les choses sous un autre angle, en considérant qu'il s'agissait plutôt d'avoir une fondation qui permette de mobiliser des moyens nouveaux. Une ONG, par définition, c'est non gouvernemental, donc il y avait une contradiction.
Sur la question démographique que l'on a beaucoup évoquée avec nos interlocuteurs, en particulier au Burkina Faso, bien évidemment la question est relayée, mais l'on sait que la maîtrise de la natalité est un sujet lourd, compliqué, que les gouvernements aussi ont du mal à aborder. C'est aussi l'intérêt que l'on voit à une démarche concertée et contractuelle entre pays sur du moyen et long terme, c'est de pouvoir mettre en orientation stratégique un certain nombre de ces sujets qui vont demander du temps, pour se décliner en politiques locales qui permettent de changer la trajectoire.
Sur les dividendes de l'AFD, c'est un sujet qui a été abordé mais dans un contexte où l'orientation prioritaire était le renforcement des fonds propres, et cela reste encore une priorité au gré du renforcement des capacités d'adaptation de l'AFD. Mais on nous a rappelé dans quelques auditions que la justification de faire en sorte que l'AFD continue à intervenir dans les pays émergents, outre le fait qu'il y avait encore des questions de développement ciblées qui méritaient une intervention, c'était aussi de mutualiser une ressource pour aller plus fortement vers les pays non bénéficiaires d'aides suffisamment conséquentes, en particulier sous forme de dons, ce débat doit être ouvert.
Quel outil pour y parvenir ? Cela est peut-être à trouver dans le débat parlementaire puisque nous proposons qu'il y ait un débat structuré tous les trois ans. Dans la loi de 2014, nous avions inscrit le fait que le gouvernement fasse un rapport tous les deux ans, ce qui n'a au final pas été fait. Comme souvent lorsqu'on demande des rapports, tout le monde les oublie par la suite, soit par manque de temps pour les examiner ou alors après un examen quelque peu rapide. La proposition est donc de faire en sorte qu'il y ait une inscription – certes je ne sais pas vraiment sous quelle forme étant donné que je ne suis pas spécialiste de l'organisation des débats parlementaires – et des étapes beaucoup plus structurées dans l'hémicycle qui permettent de mettre ces objectifs sur la table.
Au sujet du Sahel, il existe plusieurs initiatives dont l'initiative de l'AFD sur la Facilité pour la lutte contre la vulnérabilité et la réponse aux crises. Un travail est donc en cours même si je ne sais pas si cela est satisfaisant ou pas.
L'intérêt, c'est qu'il soit doté d'au moins 250 millions d'euros. On ne peut pas opposer le multilatéral au bilatéral, mais il faut bien que le bilatéral soit suffisamment significatif pour entrainer les bailleurs internationaux à venir abonder.
Je suis persuadée qu'il s'agit d'un rapport que nous n'oublierons pas et que l'on s'en servira dans le futur. Vous avez fait un bilan exhaustif de ce qui existe avec des propositions qui méritent d'être discutées mais qui sont quand même très précises.
Etes-vous d'accord pour autoriser la publication de cet excellent rapport ?
La commission autorise la publication du rapport d'information à l'unanimité.
La séance est levée à quinze heures