Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du 12 mars 2013 à 18h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • CNDP
  • citoyens
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  • préfet

La réunion

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Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a auditionné M. Christian Leyrit, dont la nomination à la présidence de la Commission nationale du débat public (CNDP) est envisagée par le Président de la République.

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Je suis heureux d'accueillir M. le préfet Christian Leyrit dont le Président de la République envisage la nomination au poste de président de la Commission nationale du débat public (CNDP), en remplacement de M. Philippe Deslandes, que nous avions reçu et dont le mandat est arrivé à échéance. M. Christian Leyrit est actuellement vice-président du Conseil général de l'environnement et du développement durable.

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Je vous remercie de votre accueil, monsieur le président. Je suis particulièrement honoré d'être entendu par votre commission à la suite de la proposition du Premier ministre de me nommer à la présidence de la Commission nationale du débat public, honoré aussi de me soumettre à vos suffrages, ce qui n'est pas pour moi, je l'avoue, très habituel... (Sourires)

Je souhaite, dans un premier temps, me présenter à vous, vous dire pourquoi, à la lumière de mon expérience de quarante années au service de l'État et de l'intérêt général, je crois répondre aux exigences de cette responsabilité, vous dire enfin quels sont pour moi les enjeux de la Commission nationale du débat public, et peut-être tracer quelques perspectives.

S'agissant de mon parcours professionnel, il est marqué à la fois par la diversité, la mobilité, et l'alternance entre le terrain et le niveau central. Quatre grandes étapes jalonnent ce parcours : j'ai d'abord été ingénieur de terrain pendant quinze ans, puis, après un passage dans les cabinets des ministres de l'équipement, Maurice Faure et Michel Delebarre, directeur des routes durant dix ans, de 1989 à 1999, sous l'autorité de huit ministres successifs. J'ai ensuite poursuivi une carrière de préfet pendant onze ans : préfet de département, de Charente-Maritime et du Val d'Oise ; puis préfet de région, en Corse et en Basse-Normandie. Enfin, depuis près de trois ans, je suis vice-président du Conseil général de l'environnement et du développement durable, organisme de conseil du Gouvernement, d'audit, d'évaluation, d'inspection et d'appui aux services. Ce conseil est né de la fusion du Conseil général des ponts et chaussées, vieux de plus de deux siècles, et de l'Inspection générale de l'environnement, de création plus récente. Cet organisme, qui n'est pas une direction de l'administration centrale, a pour ambition de promouvoir les trois piliers du développement durable, en s'appuyant sur des équipes pluridisciplinaires, venant d'horizons très divers. Ce conseil comporte également deux formations particulières, l'Autorité environnementale, qui a de nombreux échanges avec la CNDP, et l'Autorité pour la qualité de service dans les transports, créée par le législateur en 2012.

De toutes ces fonctions, un fil rouge se dégage : l'écoute des citoyens, le dialogue avant l'action, mais aussi l'approche pluridisciplinaire et la collégialité.

Écoute et dialogue avec les riverains des autoroutes de Seine Saint-Denis pour la réalisation de protections phoniques ou pour l'élaboration du plan d'exposition au bruit de l'aéroport Charles-de-Gaulle, comme préfet du Val d'Oise, mais aussi écoute des victimes de la tempête du 27 décembre 1999 en Charente-Maritime, avec une présence quotidienne sur le terrain.

Écoute et dialogue avec les habitants des dix-huit quartiers les plus sensibles du Val d'Oise pour mesurer les progrès réalisés un an après la fameuse crise des banlieues de 2005, alors que beaucoup a été fait. J'ai organisé, dans les nombreux quartiers difficiles de ce même département, des réunions publiques avec les maires, en présence de tous les chefs de service de l'État (police, éducation, équipement, logement, affaires sociales ...). Ce fut très intéressant et formateur.

Écoute et dialogue en Corse aussi pour régler des conflits dans des entreprises privées qui menaçaient gravement l'ordre public, en conduisant les négociations jour et nuit à la préfecture. L'État n'était pas partie prenante de ces conflits mais j'avais pris l'habitude, compte tenu des enjeux, de réunir l'ensemble des acteurs à la préfecture pour trouver des solutions. Cela a plutôt bien fonctionné.

Écoute et dialogue encore avec les élus, associations et citoyens afin d'élaborer les projets autoroutiers nécessaires au désenclavement des régions dans les années 90, ou avec une participation active à la rédaction de la circulaire dite Bianco en 1992, qui était une novation avant la loi Barnier de 1995.

Écoute et dialogue, enfin, pour traiter les nombreuses situations de crise rencontrées, de la neige dans la vallée du Rhône à la dramatique catastrophe du Mont-Blanc en passant par la crise laitière en Normandie.

Mon souhait d'une approche pluridisciplinaire et collégiale s'est traduit par la création, dès mon arrivée à la direction des routes en 1989, d'un collège d'experts « environnement-paysage » – cela paraît banal aujourd'hui mais ne l'était pas à l'époque – comprenant paysagistes, architectes, urbanistes, géographes, historiens, écologues et même philosophes, porteurs d'une approche nouvelle, avec l'idée que la réalisation d'une autoroute était une affaire trop sérieuse pour être confiée aux seuls ingénieurs des ponts ! J'ai aussi créé le « 1 % paysage et développement » qui a été expérimenté en premier lieu sur les autoroutes du Massif central et qui a mobilisé les élus locaux. Enfin, j'ai eu l'honneur de suivre pendant plus de dix ans la conception et la réalisation du viaduc de Millau.

L'approche pluridisciplinaire et collégiale prévaut également au Conseil général de l'environnement et du développement durable.

Écoute, dialogue et collégialité ont été indispensables pour organiser un conseil des ministres en Corse ou les cérémonies du 65ème anniversaire du débarquement sur les plages de Normandie, avec la visite de cinq chefs d'État, dont le Président Barack Obama, même si pour de tels événements, le souhait d'une plus grande participation du public dut être quelque peu tempéré pour des raisons bien compréhensibles...

Cette expérience et les quatre métiers que j'ai exercés (ingénieur de terrain, directeur d'administration maître d'ouvrage, préfet et responsable d'une inspection générale) m'ont préparé, je le crois, pour assumer la présidence de la Commission nationale du débat public.

Depuis qu'elle est devenue une autorité administrative indépendante en 2002, la CNDP a organisé soixante-trois débats publics, dont trois débats dits de politique générale sur la gestion des déchets radioactifs, les transports de la vallée du Rhône et les nanotechnologies. Pour 2013, neuf débats ont d'ores et déjà été décidés. Deux sont en cours : l'anneau des sciences à Lyon, c'est-à-dire le tronçon Ouest du périphérique, et le projet de port de Port-la-Nouvelle dans la région Languedoc-Roussillon. Sept autres débats vont débuter prochainement : quatre concernent des projets d'éoliennes offshore à Courseulles-sur-Mer, Fécamp, Saint-Brieuc et Saint-Nazaire ; l'un est relatif au projet complexe de Centre industriel de stockage géologique profond de déchets radioactifs (CIGEO) à Bure ; un autre concerne deux projets de canalisation de transport de gaz naturel, entre la Drôme et l'Ain, et entre l'Ain et la Haute-Marne. Enfin, le dernier débat est relatif au projet de la Fédération française de rugby de création d'un grand stade à Ris-Orangis en Essonne.

De plus, cinq concertations ont été recommandées aux maîtres d'ouvrage par la CNDP qui a désigné des garants pour des projets tels que le tram-train de Lille ou la ligne orange du Grand Paris Express...

Dix ans après sa création, et grâce à l'action de ses responsables, la CNDP s'est imposée. Le temps est venu de faire un bilan de son action et de la participation du public dans notre pays.

Le cadre a été fixé il y a plus de vingt ans, lors du sommet de la terre à Rio, lors duquel vingt-sept principes généraux avaient été proclamés. Selon le principe 10, « la meilleure façon de traiter les questions d'environnement est d'assurer la participation de tous les citoyens concernés ». Le droit pour les citoyens d'être informés et de participer résulte aujourd'hui d'une triple exigence : internationale, du fait de la convention d'Aarhus (1998) ; européenne, avec la directive de 2003 ; et nationale, en vertu de l'article 7 de la Charte de l'environnement de 2005, de valeur constitutionnelle.

De manière générale, on constate depuis dix ans le développement d'une culture du débat public en France avec la montée en puissance de professionnels de la concertation, une explosion des programmes de recherche et des associations ou think tank comme « Décider ensemble » présidée par un député présent dans cette salle, ainsi qu'une multiplication des initiatives des collectivités territoriales (la région Nord Pas-de-Calais, la communauté urbaine de Bordeaux, la ville de Paris ...).

Ce n'est pas un hasard si le rapport public du Conseil d'État en 2011 avait pour titre : « Consulter autrement, participer effectivement ». Le Conseil d'État y fait des propositions pour dessiner les traits de ce qu'il appelle une administration délibérative. Selon ce concept, ce sont la clarté et la loyauté de la procédure et du débat qui fondent la légitimité de la décision.

Le sociologue Michel Callon va plus loin lorsqu'il écrit à propos du débat public : « ce qui s'y joue de plus profond, c'est la reconstruction du lien social, à partir de l'existence reconnue de minorités ». Un ancien vice-président de la CNDP, Georges Mercadal, précisait dans un ouvrage récent : « Le débat n'a pas pour objet, pour le maître d'ouvrage, de donner à la société civile une leçon de rationalité, mais de répondre aux interrogations des citoyens. »

Bien sûr, il ne peut être question de remplacer les méthodes d'évaluation socio-économiques des projets – je pense notamment à la commission « Mobilité 21 » à laquelle certains d'entre vous participent – par le débat public, mais il faut articuler le débat et ces méthodes. La CNDP n'a pas pour rôle de donner un avis sur le fond. En revanche, le débat doit être le révélateur des positions de chacun.

C'est d'autant plus important aujourd'hui que le public nourrit, à l'égard de l'État et des institutions, une méfiance, souvent une défiance, et parfois même une révolte. Il est bien loin le temps où un seul homme, Paul Delouvier, pouvait dessiner le schéma directeur de la région parisienne ! En quelques décennies, les choses ont évolué de manière incroyable.

Dix ans après sa création, il est nécessaire de réévaluer les enjeux de la CNDP. Si vous me faites confiance, fort de l'expérience acquise par mes prédécesseurs et m'appuyant sur une équipe renouvelée, trois maîtres mots guideront mon action : rénover, relégitimer, innover.

La CNDP, en tant qu'autorité administrative indépendante, doit affirmer son autorité et sa légitimité. Elle doit permettre d'articuler, en amont de la décision, la démocratie représentative et la démocratie participative, que Pierre Rosanvallon concevait comme « un processus d'implication, d'intéressement des citoyens à la chose publique ». S'appuyant sur les chercheurs et les professionnels de la concertation, la CNDP doit faire évoluer la doctrine, diversifier ses méthodes d'intervention, être visible à l'international, et se faire mieux connaître des citoyens français.

Plusieurs pistes peuvent être envisagées. S'agissant du fonctionnement de la CNDP, on pourrait ainsi :

- former les nouveaux membres dès leur arrivée et faire en sorte que tous (à l'exception des élus sans doute) participent à une Commission particulière du débat public (CPDP) – je rappelle que les vingt-cinq membres actuels représentent les six familles du Grenelle de l'environnement et le Parlement – ;

- évaluer et renouveler le vivier des présidents et membres de CPDP, en veillant à ce qu'ils ne soient pas trop proches de l'administration ou des maîtres d'ouvrage – c'est un élément fondamental pour l'ouverture, la transparence, la crédibilité et l'acceptation par les citoyens de la Commission – ;

- procéder à une évaluation du déroulement de chaque débat ;

- élargir les méthodes d'expression du public, développer les outils numériques ;

- développer, avec les maîtres d'ouvrage, la « concertation garantie » après le débat public jusqu'à la réalisation – le débat public se déroule parfois cinq ans avant l'enquête publique. Que se passe-t-il pendant ce laps de temps ?

Il faudrait enfin multiplier la coopération avec les chercheurs et les professionnels et faire travailler des thésards.

Il convient également de développer une action volontariste en direction des futurs responsables de l'administration et des futurs maîtres d'ouvrage (élèves des écoles d'ingénieurs, des écoles de commerce ou de l'ENA). Il s'agit d'ajouter à la technique et à l'ingénierie économique, une compétence d'ingénierie sociale, une capacité d'écoute et d'empathie. C'est un enjeu essentiel. Des progrès ont été accomplis, mais beaucoup reste à faire.

Enfin, la CNDP doit être plus largement ouverte vers l'extérieur en multipliant les contacts avec les collectivités territoriales et en favorisant l'émergence de commissions régionales utilisant la méthodologie CNDP ; en engageant une action proactive en direction des élus, des ONG, des syndicats, du patronat, des associations professionnelles et du grand public, en étudiant les pratiques des institutions étrangères homologues, en Europe et dans le monde, pour faire évoluer nos méthodes. Certains pays ont une pratique du débat public bien plus ancienne que la nôtre. On a toujours beaucoup à apprendre des méthodes des autres. Enfin, nous devons valoriser la CNDP à l'international en tissant un réseau européen et mondial.

À très court terme, nous devrons mettre en oeuvre la loi du 27 décembre 2012. Le Parlement a, en effet, souhaité que la CNDP désigne une personne qualifiée pour rédiger la synthèse des observations des citoyens sur tous les projets de décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. Un décret est en préparation sur ce point.

Viendra ensuite le décret sur les plans-programmes prévu par la loi Grenelle II et peut être d'autres évolutions imaginées par certains ...

Dans son rapport public de 2011 que j'évoquais précédemment, le Conseil d'Etat indique qu'une « solution consisterait à conférer un champ de compétence général à la CNDP, pour contrôler l'organisation de tous les débats publics à dimension nationale. Elle deviendrait l'institution de référence, connue du grand public ». Mais nous n'en sommes pas là. C'est au Gouvernement et au Parlement d'en décider.

Voilà, mesdames, messieurs les députés, quelques réflexions qui devront évidemment faire l'objet d'échanges avec vous-mêmes et avec les vingt-cinq membres de la CNDP. Vous l'aurez compris, c'est l'engagement de quarante années au service des citoyens, l'engagement d'une vie professionnelle que je souhaite poursuivre à la CNDP, pour une cause qui est essentielle dans notre société française : faire en sorte que les citoyens retrouvent une plus grande confiance dans l'État, dans ses institutions, et dans leurs représentants.

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La CNDP participe à la définition de l'intérêt général qui est l'un des défis permanents de la démocratie, fût-elle participative. Rien n'est évident en ce domaine.

La Commission est aujourd'hui saisie très en amont de la décision, au regard de l'enquête publique qui intervient pour évaluer les inconvénients éventuels d'une décision déjà prise. Mais les contours du projet dont elle est saisie ont déjà été définis et ont déjà donné lieu à des choix. Est-il, selon vous, pertinent de placer le débat public plus en amont du processus de décision, afin qu'il porte sur les grandes orientations du projet ?

Par ailleurs, comment la qualité d'un débat public peut-elle contribuer à la consolidation de la décision finale ? Peut-elle permettre une limitation du contentieux ?

Les institutions cherchent à définir l'intérêt général dans les meilleures conditions. Mais, si celui-ci est in fine reconnu, nombreux sont ceux qui le contestent. Dans la société actuelle, l'avis de chacun peut devenir rapidement public grâce à la technologie et être échangé à travers les réseaux sociaux. Comment peut-on selon vous combiner une expression individuelle, multiple et partagée sur les réseaux sociaux, d'une part, et les choix collectifs, au travers d'une institution comme la CNDP, au nom de l'intérêt général, d'autre part ?

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Nous avons noté que votre parcours vous conduisait naturellement vers les fonctions qui vous sont aujourd'hui proposées. La diversité de celui-ci est un atout indéniable.

Vous avez évoqué la nécessité de « relégitimer » l'institution. Il serait intéressant que vous développiez cette idée.

Par ailleurs, connaissez-vous le coût du débat public ?

Enfin, des exemples récents ont montré la difficulté de concilier ce débat avec l'expression de points de vue extrêmes. Je pense au débat sur les nanotechnologies qui n'a pas permis d'aborder le sujet avec suffisamment de sérénité. Votre expérience vous permet-elle d'imaginer comment faire en sorte que les débats publics ne soient pas dominés par l'expression des avis les plus tranchés au détriment de ceux qui souhaitent prendre en considération l'intérêt général ?

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La Commission nationale du débat public renouvelle ses instances. Par une bizarrerie de notre organisation, nous n'auditionnons que l'éventuel prochain président alors que deux vice-présidents doivent bientôt être désignés par le Gouvernement. Le premier est l'ancien directeur adjoint de cabinet de Mme Cécile Duflot. Pour le second, le dossier est encore soumis à l'arbitrage du Président de la République. La rumeur a couru de la désignation d'un ancien syndicaliste à qui il fallait proposer une fonction. Nous avons certainement échappé au ridicule.

Je ne suis a priori pas hostile à votre désignation, monsieur le préfet, d'autant que votre intervention était de qualité. Je n'en dirais pas autant de la désignation de M. Jacques Archimbaud, qui me fait étrangement penser à un parachutage. Son audition nous aurait peut-être permis de lever ces ambiguïtés.

Je ne vous cache pas que j'ai toujours été opposé à la nomination d'un préfet au poste de président de la CNDP, car cela donne le sentiment que le « cordon ombilical » n'a pas été coupé avec l'État et peut altérer l'image d'indépendance de la CNDP. Je dois néanmoins reconnaître que, par le passé, les préfets ont souvent compensé par leur professionnalisme les inconvénients d'un manque d'indépendance. Comment envisagez-vous d'exercer vos fonctions dans une réelle indépendance ?

Vous préconisez d'améliorer le fonctionnement de la CNDP et la participation du public. Il est vrai que les défis sont immenses : généralisation de l'information et souvent de la désinformation par internet, quasi-disparition des journalistes spécialisés pour former l'opinion publique, élévation du niveau de culture des citoyens, résurgence de peurs en tous genres, trop faible mobilisation des jeunes dans les concertations…

Pensez-vous réunir les moyens nécessaires à votre ambition ? Il faut des moyens nouveaux pour la CNDP. Je pense notamment à la trop faible rémunération des membres des commissions particulières.

Vous avez avancé plusieurs idées : une plateforme de retours d'expériences qui est vraiment nécessaire et a été jusqu'à présent sous-traitée à des organisations, dont celle que je préside ; la formation des acteurs ; des conseils à l'État et aux grands élus dans l'évolution de leur propre pratique. À cet égard, je n'oublie pas que le débat sur le Grand Paris a été initié grâce à l'engagement votre prédécesseur alors que le ministre de l'époque était réticent. Beaucoup d'actions restent à entreprendre.

Si votre nomination ne pose pas de difficultés, votre passé de directeur des routes, qui vous confère pourtant la légitimité pour appréhender votre nouvelle fonction, suscite l'inquiétude de certains acteurs. Vous serez désormais de l'autre côté de la barrière et vous aurez à organiser des débats publics sur des projets que vous pourrez avoir initiés par le passé comme directeur des routes. Comment pouvez-vous répondre aux questions qui ne manqueront pas de se poser ?

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M. Bertrand Pancher vient de souligner brillamment la nomination de Jacques Archimbaud comme vice-président de la CNDP. Je le rejoins pour considérer qu'une audition de l'ensemble de l'équipe aurait été judicieuse. Nous pourrions y remédier lorsque la nouvelle équipe sera en place.

Je me permets, même si je sais que cela n'est pas de votre ressort, monsieur le préfet, d'insister sur la nécessité de désigner une femme comme vice-présidente, non seulement pour respecter la parité, mais aussi parce que la gent féminine est supérieure aux hommes dans la manière de mener la concertation. Je le dis très ouvertement, même si certains ont du mal à l'accepter ou à l'entendre. (Murmures sur divers bancs)

La concertation est un exercice difficile qui nécessite de travailler avec ceux qui ont des points de vue différents pour construire un avenir commun, mais elle est le socle de la démocratie du XXIème siècle, celle vers laquelle nous devons tendre afin de parvenir à des projets partagés.

La CNDP est un outil formidable qui doit être davantage utilisé. Peut-être pourriez-vous approfondir vos projets pour relancer cette institution qui avait tendance ces dernières années à ronronner. Cela passe, selon moi, par une plus grande diversité de ses membres qui pourraient comporter moins d'experts pour être plus représentatifs de la société.

Pouvez-vous indiquer quel est le budget annuel de la CNDP ?

Comment peut-on faciliter la contre-expertise des associations et associer véritablement la population aux débats ?

Comment élargir le champ d'intervention de la CNDP, aujourd'hui trop souvent réduit aux seules infrastructures alors qu'il faudrait plutôt s'intéresser aux perspectives de développement ? Je prendrai l'exemple du difficile débat sur le projet de métropole dans les Bouches-du Rhône. Une centaine de maires, de la majorité et de l'opposition, s'opposent au projet du Gouvernement, mais nous pourrions éviter la confrontation si nous étions dans une démarche de débat public.

Enfin, le seuil de 300 millions d'euros qui oblige à soumettre un projet au débat public est-il toujours d'actualité ? Ne peut-il évoluer ? Le projet d'incinérateur de Fos-sur-Mer a ainsi échappé au débat public, car le budget initial était de 290 millions d'euros : nous savons aujourd'hui qu'il coûtera 350 ou 400 millions. Comment déjouer ce type d'astuce qui permettent de contourner l'obligation de débat public ?

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Je ne sais pas si la CNDP ronronnait sous l'autorité du préfet Philippe Deslandes. En revanche, je peux témoigner que le débat public sur le Grand Paris, qu'il a organisé, a été une réussite.

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L'élue de Charente-Maritime que je suis tient à vous dire tout le plaisir qu'elle a à vous retrouver ici, monsieur Christian Leyrit. En tant que préfet de Charente-Maritime, vous avez en effet laissé un très bon souvenir à tous les élus, en raison notamment de votre capacité d'écoute et de dialogue.

Je voulais vous poser une question sur la démocratie participative, qui a déjà été abordée par nombre de mes collègues. La CNDP ne devrait-elle pas, après le débat public, avoir la possibilité d'imposer une personne, un garant selon votre expression, chargé de veiller à la bonne information et à la participation du public jusqu'à l'enquête publique ?

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Monsieur Leyrit, je salue en vous le grand commis de l'État, porteur de l'intérêt général.

Je veux témoigner d'une expérience positive de débat public organisé en 2006 sur un projet de ligne à grande vitesse Sud-Est Atlantique. La qualité du débat, les outils d'information mis en place et la prise en compte de la diversité des opinions m'ont paru remarquables. La CNDP s'était intéressée à la desserte du Béarn et de la Bigorre et avait entendu les acteurs de l'aménagement du territoire dont je faisais partie. Ce débat pourrait d'ailleurs resurgir.

J'ai cependant une inquiétude. Il est vrai que la démocratie n'a pas de prix. Cependant, nous savons déjà que le coût d'un débat public sur la desserte du Béarn et de la Bigorre s'élèverait à environ deux millions d'euros à partager entre l'État, Réseau ferré de France et les collectivités territoriales. Je souhaite bien sûr que le rôle de la CNDP se développe, mais cela se traduira par un coût qui risque d'être difficile à supporter pour les collectivités concernées.

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Je vais éviter de répéter ce qu'a dit fort justement Catherine Quéré. Vous avez été accueilli en Charente-Maritime par la tempête de 1999 et le naufrage de l'Erika, monsieur le préfet. Cela nous a permis d'apprécier à la fois votre sens de l'écoute et votre esprit de décision.

Le débat public est un enjeu majeur à notre époque. C'est un véritable défi démocratique, une tâche pleine d'écueils et de pièges.

Comment concevez-vous votre indépendance et celle de la Commission par rapport aux maîtres d'ouvrage ?

Pour éviter des débats creux et verbeux, il faut une méthodologie rigoureuse et partagée, qui doit être annoncée, tenue, vérifiée et évaluée en permanence. Que comptez-vous mettre en place en la matière ?

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J'ai eu l'occasion, comme d'autres ici, de participer à un débat public, en l'occurrence sur le projet « Calais Port 2015 » de doublement du port, qui est sur le point d'être mis en oeuvre.

J'ai ainsi pu constater qu'il était indispensable, dans un débat public, de ne pas donner la parole aux seuls professionnels de la concertation, pour reprendre votre expression. Cela suppose une réflexion sur les outils proposés. Je pense aux cahiers d'acteurs dont j'ignore s'ils sont systématiques. Ils sont un élément fondamental du débat public, car ils permettent à tous les citoyens d'y prendre part, au-delà du rôle indispensable des associations.

La concertation est bien organisée en amont. En revanche, je note une difficulté, voire une réserve, sur le rôle du garant que nous avons évoqué dans nos débats récents sur le principe de participation. Pourtant, celui-ci demeure essentiel pour assurer une participation effective du public tout au long du processus. Il faut améliorer la crédibilité de la démarche de concertation et de participation de la CNDP. Des progrès restent à faire sur ce point.

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Je vous remercie, monsieur le préfet, pour ce rappel historique tant de votre parcours que du rôle de la CNDP, laquelle a été sur certains grands projets à la hauteur de sa mission – cela a notamment été le cas pour le Grand Paris. J'ai constaté le succès populaire de la concertation. J'ai aussi noté, comme Yann Capet, l'intérêt du cahier d'acteurs pour garantir l'expression plurielle des nombreux acteurs concernés, quels qu'ils soient, et pour sortir du débat trop fermé entre acteurs institutionnels. C'est là que réside selon moi la clé du succès de ce débat.

Ma question est d'ordre plus général. Depuis près de trente ans, notamment à partir de la convention d'Aarhus, la France s'est engagée, à travers une évolution forte de sa réglementation, en faveur de plus larges possibilités d'expression et de prise en compte de la parole citoyenne et des associations dans tous les projets. Cette évolution met la France au diapason d'autres pays. Malgré cela, les citoyens peuvent s'interroger sur la dilatation des délais entre la phase de concertation et la phase opérationnelle, sans parler des délais de mise en oeuvre qui sur certains projets sont interminables. Certains projets sont évoqués pendant quinze ou vingt ans. J'aimerais avoir votre avis sur la possibilité de concilier l'exigence démocratique et la prise en compte pragmatique des contraintes de réalisation des projets.

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Je veux vous remercier, monsieur Christian Leyrit, pour le niveau de votre exposé et son intérêt.

Je souhaiterais avoir votre appréciation, au vu de votre formation initiale et de vos fonctions précédentes, sur la tolérance de plus en plus limitée de nos concitoyens à l'égard des grandes infrastructures. Comment cela peut-il se résoudre, indépendamment de « l'arbre à palabres » qu'est la CNDP ?

Vous citiez un sociologue affirmant que le débat public avait l'intérêt de tisser un lien avec les minorités. Je crois que nous sommes plutôt dans une phase de désenchantement de la participation. Ce sont toujours les mêmes qui participent et qui sont consultés, ce sont toujours les mêmes qui se mobilisent. Faudrait-il recourir à des méthodes plus intrusives ? On constate en effet que les citoyens se mobilisent de moins en moins collectivement et de plus en plus dans la sphère domestique par l'intermédiaire de moyens de communication qui arrivent directement chez eux. Ils se forgent une opinion dans la sphère intime.

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Une question est souvent revenue, tant ici qu'au Sénat : saurai-je faire preuve d'indépendance, compte tenu de mon passé de directeur des routes et de préfet ?

Depuis près de trois ans, je suis vice-président du Conseil général de l'environnement et du développement durable. Il s'agit non pas d'une administration centrale, mais d'un organisme dont la mission consiste à conseiller le Gouvernement – non seulement la ministre de l'environnement, du développement durable et de l'énergie, mais chacun des ministres – et à promouvoir le développement durable. De plus, la composition du CGEDD est marquée par la pluridisciplinarité : ingénieurs des mines ou des ponts, vétérinaires, spécialistes de l'environnement, de la sphère sociale ou de la communication.

J'ai, depuis ma nomination au CGEDD, développé une approche beaucoup plus collégiale et mis l'accent sur la déontologie. La culture des services de l'environnement différait sensiblement de celle du Conseil général des ponts et chaussées, où les rapports individuels primaient. À mon arrivée, j'ai constaté avec étonnement que le CGEDD fonctionnait de manière beaucoup moins collégiale que l'Inspection générale des finances ou l'Inspection générale des affaires sociales, alors qu'il devait en principe prendre en compte de la même manière les trois dimensions du développement durable : environnementale, économique et sociale. En outre, si la compétence du CGEDD et la richesse de son expérience ne faisaient pas de doute, je souhaitais connaître sa véritable valeur ajoutée.

J'ai donc immédiatement mis en place un comité d'évaluation du CGEDD, présidé par un ancien ministre et comprenant des personnalités très diverses : un ancien premier président de la Cour des comptes, la présidente de la section des travaux publics du Conseil d'État, des élus, des experts étrangers, des spécialistes de l'écologie, des défenseurs de l'environnement – dont la vice-présidente de France nature environnement (FNE). Le comité d'évaluation a également relevé un manque de collégialité, auquel nous avons remédié.

Certes, le CGEDD est présidé par la ministre de l'environnement, du développement durable et de l'énergie, mais il jouit néanmoins d'une relative indépendance par rapport aux directions générales. En outre, le CGEDD comprend en son sein l'Autorité environnementale, qui émet des avis lorsque le ministre ou un établissement public comme Réseau ferré de France (RFF) est décideur. Depuis sa création, celle-ci n'a jamais fait l'objet de critiques concernant son indépendance, laquelle est garantie par ses méthodes de travail. Elle comprend tant des membres du CGEDD que des personnalités extérieures, notamment des conseillers d'État ou des élus, parfois des parlementaires. Elle publie ses avis sous forme de communiqués de presse, sans la moindre interférence préalable d'un opérateur ou d'une autorité politique.

S'agissant de la CNDP, la collégialité – le nombre de ses membres est passé de vingt et un à vingt-cinq – et la déontologie constituent également des garanties d'indépendance. De plus, le président de la CNDP n'anime jamais lui-même les débats publics. Pour ma part, il ne me viendrait pas à l'idée d'en présider un, ni sur des projets routiers ni sur aucun autre projet. Comme je l'ai fait valoir à vos collègues sénateurs, j'ai achevé ma carrière administrative, ce qui me confère une certaine indépendance. Quant à mes fonctions de directeur des routes, je les ai quittées depuis quatorze ans. À cet égard, je rappelle que les règles de déontologie n'imposent qu'un délai de trois ans aux fonctionnaires qui souhaitent exercer, dans le secteur privé, une activité professionnelle ayant un lien avec leurs fonctions précédentes.

La CNDP doit remplir deux tâches fondamentales. Premièrement, elle doit s'assurer que les dossiers soumis par les maîtres d'ouvrage sont de qualité. M. Badré, président de l'Autorité environnementale, et moi-même, au CGEDD, avons souvent reçu des dossiers destinés à informer le public parfaitement incompréhensibles pour nous. Dès lors, comment voulez-vous que les citoyens les comprennent ? Dans de tels cas, la CNDP peut demander au maître d'ouvrage de revoir son dossier. Deuxièmement, la CNDP choisit les membres des commissions particulières du débat public (CPDP). À cet égard, il est essentiel que les présidents de CPDP ne soient pas perçus comme proches de l'administration.

Plusieurs d'entre vous ont soulevé la question – complexe – du moment auquel doit intervenir le débat public par rapport à l'enquête publique et de l'opportunité de l'organiser encore plus en amont. À ce jour, sur les soixante-trois débats organisés par la CNDP, soixante ont porté sur des projets d'infrastructures et trois sur des « options générales », dont celui sur le développement et la régulation des nanotechnologies. Si la méthodologie de la première catégorie de débats est aujourd'hui bien établie, celle de la seconde catégorie reste à inventer.

Au début des années 90, lors de l'élaboration de la circulaire Bianco relative à la conduite des grands projets nationaux d'infrastructures, le Conseil d'État avait estimé nécessaire d'organiser le débat public en amont de l'enquête publique, à un moment où il était encore possible de faire des choix. Mais il est toujours difficile de déterminer le moment opportun : pour pouvoir mesurer les éventuelles conséquences négatives d'un projet et organiser un débat public fructueux, au cours duquel les citoyens puissent se prononcer, encore faut-il disposer d'éléments suffisamment précis sur les caractéristiques du projet. Je n'ai pas de réponse toute faite à ce sujet. J'ai d'ailleurs eu une discussion de cet ordre avec l'Autorité environnementale à propos de la ligne rouge du Grand Paris Express.

Organiser le débat public très en amont revient à discuter des « options générales », comme l'a fait la CNDP sur les nanotechnologies. C'est alors un débat d'une autre nature. D'ailleurs, si nous avons pu tenir le débat sur les nanotechnologies en Basse-Normandie, tel n'a pas été le cas partout en France, en raison de l'opposition de groupes très organisés.

Comme certains d'entre vous l'ont relevé, notamment Mme Catherine Quéré, il arrive qu'un intervalle assez long – deux à huit ans – sépare le débat public de l'enquête publique. La loi dite « Grenelle 2 » a apporté une amélioration : le maître d'ouvrage doit désormais informer la CNDP des modalités d'information et de participation du public qu'il met en oeuvre pendant la phase postérieure au débat public jusqu'à l'enquête publique ; le CNDP peut émettre des avis et recommandations sur ces modalités.

À cet égard, je me permets de suggérer une nouvelle avancée législative : il serait très utile que la CNDP puisse, pendant cette phase, imposer d'elle-même une concertation et désigner un garant, et que les élus ou les associations puissent également la saisir à cette fin. Cela constituerait un réel progrès et éviterait peut-être les difficultés que nous connaissons aujourd'hui sur certains projets qui ont pourtant fait l'objet d'un débat public. De telles difficultés apparaissent notamment lorsque les maîtres d'ouvrage cessent de s'intéresser à l'information et à la participation du public. En outre, au bout d'un certain nombre d'années, la pertinence d'un projet n'est plus nécessairement la même et les conditions peuvent se révéler moins favorables à sa réalisation.

S'agissant du renouvellement des membres de la CNDP, je n'ai bien sûr pas d'éléments à apporter concernant les nominations qui ne dépendent pas de moi. J'espère néanmoins que l'un des deux vice-présidents sera une femme.

J'ai évoqué la nécessité de redonner de la légitimité à la CNDP. Je précise ma pensée : il convient d'éviter que les débats publics ne deviennent une pratique routinière. Chaque débat doit constituer une phase importante du projet considéré et amener le maître d'ouvrage à se poser des questions nouvelles. La CNDP doit y veiller et dispose, à cet égard, d'une arme puissante : elle peut refuser de lancer un débat lorsqu'un projet n'est pas suffisamment clair.

Redonner de la légitimité passe sans doute également par le recours aux nouveaux outils de communication. Pour autant, l'organisation d'un forum sur internet ne peut remplacer à lui seul un débat public.

Quoi qu'il en soit, un très bon connaisseur des débats publics a écrit dans un ouvrage paru récemment que « le public sait déceler l'honnêteté intellectuelle, le sérieux du travail, le caractère “langue de bois” ou non des réponses, les arguments qui cachent des intérêts particuliers ou les ordres reçus ». Je partage pleinement ce point de vue : les citoyens sont de mieux en mieux informés et disposent de compétences nombreuses ; ils sont en mesure de faire la part des choses et de repérer les éventuels messages délivrés à la demande des maîtres d'ouvrage. J'ai pu constater plus d'une fois que des experts dans leur domaine se sont posés des questions nouvelles, voire ont vu leurs certitudes ébranlées, à l'issue d'un débat public. C'est là un point essentiel.

Monsieur Bertrand Pancher, vous êtes plutôt opposé à la nomination d'un préfet au poste de président de la CNDP. Si j'ai exercé ces fonctions pendant onze ans, j'ai néanmoins été un préfet un peu atypique.

Il convient d'accorder une très grande attention au choix des cinq à sept membres qui composent chaque CPDP, ainsi qu'à leur formation. Il est essentiel, d'une part, que le président de la CPDP ait de réelles qualités d'animateur et, d'autre part, que l'équipe soit pluridisciplinaire. S'il n'est pas nécessaire, ni même souhaitable, que les experts les plus pointus du domaine considéré siègent au sein de la CPDP – ils sont auditionnés par ailleurs, à la demande des associations ou des maîtres d'ouvrage –, les membres de la CPDP doivent néanmoins disposer d'une connaissance suffisante des technologies en cause pour être en mesure d'interpréter les expertises à l'attention du grand public. Enfin, même si plusieurs anciens président ou vice-présidents de CPDP y ont été hostiles, il me paraît indispensable d'évaluer le travail des CPDP – certaines fonctionnent très bien, d'autres moins –, ainsi que le déroulement des débats publics.

Le coût d'un débat public est en moyenne de 800 000 euros à 1 million d'euros, ce qui est relativement modeste au regard du montant des projets considérés : en tout état de cause plus de 300 millions d'euros et, souvent, plusieurs milliards. Ce coût ne me paraît pas devoir être un obstacle à l'organisation du débat public, qui seul permet l'expression de tous les citoyens. Le budget de la CNDP est, pour sa part, très modeste : 2,396 millions d'euros en 2012, dont 1,582 millions ont été effectivement dépensés.

Le coût des débats publics est à la charge des maîtres d'ouvrage…

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Qui le partagent de plus en plus souvent : ainsi, RFF demande aux collectivités locales de participer à leur financement !

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Il n'y a pas que dans ce domaine qu'on demande une participation des collectivités locales.

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Les maîtres d'ouvrage ont tendance à reproduire la clé de répartition du financement du projet lui-même.

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…pourtant, en vertu des textes, c'est le maître d'ouvrage qui doit prendre en charge cette dépense.

Par ailleurs, lorsque le maître d'ouvrage demande à la CNDP de désigner un garant dans la phase intermédiaire entre le débat public et l'enquête publique, c'est lui qui le rémunère. Nous pourrions envisager que la CNDP le fasse désormais.

J'insiste, en outre, sur l'importance de la contre-expertise : la CNDP peut en demander une, de même que les associations, via le président de la CPDP correspondante. Or les citoyens ont souvent le sentiment que les dés sont pipés, qu'une seule expertise a été réalisée ou que la contre-expertise n'est pas accessible. C'est une des critiques adressées à la CNDP et une des raisons de la défiance à l'égard du débat public. Il convient donc de veiller aux conditions d'accès aux rapports de contre-expertise.

Quant au montant minimal des projets à partir duquel un débat public peut être organisé, certains le trouvent trop élevé ; d'autres estiment que la CNDP devrait intervenir dans des domaines nouveaux, tels que les projets de traitement des déchets ou les décisions de prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires.

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S'agissant du défi démocratique évoqué par Mme Suzanne Tallard, l'indépendance de la CNDP par rapport aux maîtres d'ouvrage est en effet essentielle. Je le répète : si la méthodologie des débats sur les projets d'infrastructures a fait ses preuves, celle des débats plus généraux reste à inventer.

Certains d'entre vous l'ont dit : les CPDP ne doivent pas comprendre uniquement des professionnels de la communication, même s'il est plutôt bienvenu qu'elles en comptent un.

D'une manière générale, il ne suffit pas de garantir une bonne participation du public à un instant donné : il convient de l'assurer tout au long de la phase d'élaboration du projet, jusqu'à la clôture de l'enquête publique.

Il est difficile de répondre à la question de M. Gilles Savary sur les raisons pour lesquelles les citoyens acceptent plus difficilement aujourd'hui les projets de grandes infrastructures. Au début des années 90, notre pays comptait encore de nombreuses zones enclavées et une demande forte de construction d'autoroutes se manifestait. Aujourd'hui, notre niveau d'équipement est sans commune mesure avec ce qu'il était alors, ce qui a sans doute une incidence sur l'acceptabilité des projets autoroutiers.

En outre, les citoyens s'interrogent légitimement sur certains projets de TGV très coûteux qui ne feraient gagner que quelques minutes aux voyageurs. D'autant que l'impact que peuvent avoir de tels projets sur l'environnement – la qualité de l'eau, la biodiversité – n'est pas nécessairement compensable. Depuis une vingtaine d'années, les citoyens sont de plus en plus conscients des limites de la compensation écologique, notamment en matière de changement climatique.

Enfin, avec le développement d'internet et des réseaux sociaux, les citoyens ont accès à une masse considérable d'informations, d'expertises et de contre-expertises, ce qui renforce la défiance accrue à l'égard de l'autorité : ils sont plus exigeants et nous ne saurions leur en vouloir.

En conclusion, je dirai que l'indépendance de la CNDP doit avoir pour corollaire une exigence accrue dans la manière dont elle rend compte, au Gouvernement et au Parlement, de ses projets, de ses actions et de ses résultats, voire de ses éventuels doutes et de ses perspectives d'avenir. Si vous m'accordez, mesdames, messieurs les députés, votre confiance, je serai heureux de venir évoquer ces points devant vous, chaque fois que votre Commission m'y invitera. Vous pouvez compter sur mon engagement, ma détermination et mon enthousiasme, pour faire en sorte que l'ensemble des citoyens – c'est leur exigence – se sentent mieux écoutés et davantage associés aux décisions qui les concernent. (Applaudissements)

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Nous vous remercions pour la précision de vos réponses. Nous aurons certainement l'occasion de vous retrouver.

Après le départ de M. Christian Leyrit, il est procédé au vote sur sa nomination par appel nominal à la tribune et à bulletins secrets, les scrutateurs d'âge étant MM. Alexis Bachelay et Yann Capet.

Les résultats du scrutin qui a suivi l'audition sont les suivants :

Nombre de votants

Bulletins blancs ou nuls

Abstention

Suffrages exprimés

Pour

Contre

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 12 mars 2013 à 18 h 30

Présents. - M. Christian Assaf, M. Alexis Bachelay, M. Philippe Bies, M. Jean-Louis Bricout, M. Vincent Burroni, M. Yann Capet, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, Mme Françoise Dubois, Mme Sophie Errante, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. François-Michel Lambert, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Jean-Luc Moudenc, M. Bertrand Pancher, M. Philippe Plisson, Mme Catherine Quéré, Mme Marie-Line Reynaud, M. Gilbert Sauvan, M. Gilles Savary, Mme Suzanne Tallard

Excusés. - Mme Sylviane Alaux, M. Yves Albarello, M. Julien Aubert, M. Denis Baupin, Mme Chantal Berthelot, M. Florent Boudié, M. Patrice Carvalho, Mme Florence Delaunay, M. Stéphane Demilly, M. David Douillet, M. Philippe Duron, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Christian Jacob, M. Jacques Krabal, Mme Viviane Le Dissez, M. Rémi Pauvros, M. Edouard Philippe, M. Martial Saddier, M. Jean-Marie Sermier, M. Gabriel Serville, M. Jean-Pierre Vigier, M. Patrick Vignal