COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Mardi 15 juillet 2014
Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission
La séance est ouverte à 16 h 30
I. Communication de la présidente Danielle Auroi, de Mme Marie-Louise Fort, de MM. Rémi Pauvros et Joaquim Pueyo sur la mission de la commission en Ukraine (3-6 juillet 2014)
Je tenais à vous présenter dans un délai rapide un bref compte-rendu de la mission que j'ai conduite en Ukraine du 3 au 6 juillet 2014, qui s'est avérée particulièrement intéressante, même si elle a eu lieu dans le cadre d'une situation encore fluctuante.
J'étais pour cette mission accompagnée de notre Collègue Rémi Pauvros, président du groupe d'amitié France-Ukraine, et de plusieurs membres de notre groupe de suivi sur la « Proximité orientale » de l'Union : Bernard Deflesselles, Marie-Louise Fort, Jérôme Lambert et Joaquim Pueyo, qui est également vice-président du groupe d'amitié France-Ukraine.
Au cours de cette mission, qui nous a conduits à Kiev et à Odessa, nous avons eu de nombreux contacts et entretiens.
À Kiev nous avons donc eu des entretiens avec :
– la Première vice-ministre des affaires étrangères ;
– des membres de la Commission pour l'intégration européenne de la Rada (le Parlement monocaméral ukrainien) ;
– le représentant à la Rada des Tatars de Crimée, province annexée par la Russie et dans laquelle il lui est interdit de retourner ;
– des députés du groupe d'amitié Ukraine-France ;
– l'ancien ministre des affaires étrangères de Mme Timochenko et actuel président de la sous-commission parlementaire pour l'intégration euro-atlantique ;
– des chefs d'entreprises françaises installées à Kiev ;
– des directeurs de Think Tanks ;
– des spécialistes des questions d'énergie et d'environnement, au cours d'une table ronde sur « l'efficacité énergétique » ;
– des journalistes, un « point presse » ayant été organisé (au Centre de presse ukrainien de crise) ;
– des représentants de la communauté française ;
– des représentants de la « société civile » : je tiens en effet particulièrement, lors de mes déplacements dans de telles missions, à rencontrer ces représentants de la société civile, qui sont les plus à même de nous donner « le baromètre » de l'opinion publique dans le pays et leur appréciation des évolutions en cours.
Nous avons par ailleurs eu à Odessa des contacts et entretiens avec :
– le vice-gouverneur d'Odessa et l'adjoint au maire d'Odessa ;
– un jeune député, membre du Conseil régional, pressenti pour devenir peut-être le prochain gouverneur d'Odessa ;
– le directeur et des membres de l'Alliance française. Je profite de ce compte-rendu pour relayer leur appel à une aide financière, notamment via les « réserves parlementaires » ; il n'y a d'ailleurs pas que l'Alliance française d'Odessa qui rencontre des difficultés financières ;
– et là encore, bien entendu, des représentants de la société civile et des « activistes pro-Maïdan ». Il y a en effet des « pro-Maïdan » dans à peu près toutes les villes.
Par ailleurs, nous sommes, durant cette mission, restés en contact avec des membres de notre ambassade et notre ambassadeur, qui nous ont apporté des éléments d'information sur l'évolution de la situation en Ukraine.
Quels principaux enseignements pouvons-nous tirer, dans l'immédiat, de cette mission ?
Sans recenser toutes les problématiques évoquées, quelques premières impressions se dégagent, mes collègues me compléteront ensuite sur ce point :
– Il est primordial que le Président Petro Porochenko, élu le 25 mai dernier, dispose rapidement d'une majorité sur laquelle s'appuyer à la Rada. Pour cela, il faut que les élections législatives anticipées, prévues en principe le 26 octobre 2014, puissent effectivement avoir lieu. Si la condition d'amélioration de la situation dans l'Est du pays semblait, lors de notre mission, en voie de réalisation (reprise par les autorités ukrainiennes du contrôle de la ville de Slaviansk), il n'est pas acquis que la Rada accepte de se dissoudre … En effet, comme cela nous a été expliqué sur place, les conditions de dissolution par le Chef de l'État ne sont pas réunies. Or, il n'est pas évident que des députés élus en 2012 acceptent de « s'auto-dissoudre », d'autant plus que le système en place favorisait jusqu'à présent « l'achat de sièges », et que donc ces élections leur ont coûté sans doute parfois fort cher … De plus, il semble bien que certains craignent même pour leur vie s'ils prennent ce risque.
Nous avons beaucoup insisté, notamment auprès des représentants des ONG, sur la nécessité de maintenir une « pression » pour que ces élections puissent avoir lieu et je pense que la communauté internationale doit également rester vigilante sur ce point . Le Président Porochenko bénéficie actuellement d'une légitimité certaine, tant au niveau interne qu'international (du fait des bonnes conditions de tenue de l'élection présidentielle du 25 mai), mais cette légitimité ne durera pas s'il n'est pas en mesure de faire passer dans des délais suffisamment rapides les paquets de réformes attendues par la société civile, notamment en matière de lutte contre la corruption, véritablement institutionnalisée à tous les niveaux (accès à la santé, à l'éducation etc..) et dont souffre beaucoup la population.
– L'accord d'association signé avec l'Union européenne le 27 juin dernier permettra une véritable coopération avec l'Ukraine et comporte des dispositions dans de très nombreux domaines qui lui permettront, conformément à ses aspirations, de se rapprocher de l' Union. Il faudrait néanmoins pour cela qu'il soit ratifié, outre par les États membres, par l' Ukraine elle-même. Or, nous avons été informés, lors de cette mission, que cela n'était pas du tout acquis : il ne semble pas y avoir – jusqu'à présent – de majorité claire en ce sens à la Rada. Il convient néanmoins de rester optimistes : les députés devront demeurer disponibles durant l'été, en cas d'inscription à l'ordre du jour du projet de loi de ratification. À défaut, il devra être ratifié par l'Assemblée issue des élections anticipées, d'où l'importance également de la tenue rapide de ces élections.
– Nous avons dû, à plusieurs reprises, rappeler à nos amis ukrainiens qu'association et adhésion sont deux processus différents, car une certaine confusion persiste sur ce point, et pas seulement dans la population et parmi les ONG. Nous avons simultanément reçu le message qu'il ne fallait pas enlever à cet égard tout espoir à l'Ukraine et nous nous sommes donc positionnés sur la ligne suivante : mettons d'abord en oeuvre l'accord d'association, avec ses multiples potentialités, et lorsque ce sera fait, alors nous verrons, en fonction de la capacité de l'Union européenne à dépasser ses problèmes actuels. Si vous avez lu le discours de M. Juncker paru aujourd'hui, il a précisé qu'il n'y aurait pas de nouvelles adhésions dans les cinq ans à venir.
– De même, nous avons été interrogés à de nombreuses reprises sur la question de la livraison des Mistral à la Russie. Notre réponse a été qu'il s'agit d'un contrat conclu de longue date et qu'il est donc nécessaire pour la France de le mener à terme, mais qu'en tout état de cause ce n'est pas la livraison de ces deux navires qui sera susceptible d'influer sur l'issue de la crise entre la Russie et l'Ukraine. Cette livraison ne doit en aucun cas être interprétée comme une manifestation de soutien de la France à Vladimir Poutine.
Nos amis Ukrainiens ont semblé très sensibles au fait que nous leur assurions que la France et le peuple français avaient, dans cette crise, pris clairement le parti de l'Ukraine. Nous leur avons également expliqué que l'Allemagne n'a pas soutenu davantage l'Ukraine que ne l'a fait la France, contrairement à une idée qui semble répandue.
Eux-mêmes tenaient avant tout à nous faire passer le message suivant : contrairement à ce qu'affirme la propagande russe, il n'y a pas à l'heure actuelle de guerre civile en Ukraine, mais bien une guerre de la Russie contre l'Ukraine. Ils étaient visiblement inquiets de l'impact auprès des Français de cette propagande russe : nous avons donc pu les rassurer sur ce point. Nous leur avons néanmoins rappelé qu'il nous fallait maintenir le dialogue avec la Russie.
J'ajouterai que ce qui m'a frappée à Odessa, c'est que le tourisme est en souffrance et que des intérêts économiques sont en jeu, y compris pour les Ukrainiens, qui n'ont à cet égard eux-mêmes pas intérêt à ce que tout dialogue avec la Russie soit rompu.
Je souhaiterais maintenant passer la parole à mes collègues et d'abord à Rémi Pauvros, en sa qualité de président du groupe d'amitié France-Ukraine, pour qu'il complète ce premier compte-rendu.
Je souligne que lors de cette mission nous avons tous parlé de la façon la plus complémentaire possible, rappelant que nous représentions la diversité de l'échiquier politique. Et que nous devrons, dans le cadre du groupe « Proximité orientale », dialoguer aussi avec la Russie.
Je partage pleinement votre impression d'une mission bien organisée et très efficace. L'urgence commande l'intervention de la diplomatie française, mais les derniers événements montrent que la suite du conflit sera très liée au sort de Donetsk. La situation reste très tendue. Je confirme que la corruption active est permanente tout en soulignant qu'elle existe à tous les niveaux. Malgré nos questions nous n'avons pas pu approfondir le sujet de la situation de la population, même si nous avons bien compris qu'elle souffre. Or c'est très important pour la suite des événements, car la légitimité du Président Porochenko en dépendra également.
Il est par ailleurs évident que pour certains députés de la Rada, plus est durable le statu quo, mieux c'est…
Nous avons également noté un discours « va-t-en guerre » chez beaucoup de nos interlocuteurs, avec une réelle détermination, y compris parmi les représentants de la société civile, à aller jusqu'au bout, notamment vis-à-vis de la Russie.
La presse a systématiquement présenté la livraison des deux navires Mistral à la Russie comme un acte très négatif de la part de la France ; à cet égard nos explications n'ont probablement pas toujours convaincu.
Le groupe d'amitié France-Ukraine attendra que les élections législatives anticipées aient eu lieu, avant d'inviter des députés ukrainiens du groupe d'amitié homologue.
Nous avons relevé une forte demande d'accompagnement en matière de formation, pour des cadres en particulier. Notre sentiment est que les Ukrainiens sont à la veille de la construction d'une nouvelle Ukraine, plus indépendante et plus libre, à condition toutefois que la situation soit stabilisée. L'attente, notamment chez les jeunes, est à cet égard très forte.
La société civile que nous avons rencontrée, en particulier son élite, se tourne beaucoup vers la France : elle demande en particulier plus d'accueils de jeunes sur notre territoire, pour des formations universitaires et de recherche. Il nous faut répondre à cette attente et nous transmettrons des propositions à l'Exécutif, relatives à la politique des visas et à l'accueil dans nos universités.
Pour ce qui concerne « l'esprit Maïdan », la situation n'apparaît pas aussi tranchée que la presse le présente parfois. L'image que l'on en a ne correspondant plus tout à fait à la réalité d'aujourd'hui. Sur cette place Maïdan, il y a maintenant des stands, on y pique-nique, etc. Mais c'est là aussi que se trouve l'hôtel Ukraine, où siège le Centre de presse ukrainien de crise, dans lequel nous nous sommes rendus pour une conférence de presse. Tout est en contraste sur cette place Maïdan, de même pour ce qui concerne les bâtiments officiels : ainsi, à la Rada, nous avons constaté une multiplicité de gardes en uniformes divers, alors qu'au ministère des affaires étrangères il n'y a quasiment plus de gardes, et que les drapeaux européen et ukrainien flottent sur la façade.
L'ambiance est particulière et contrastée également car la vie quotidienne continue, mais l'on sent que subitement des manifestations pourraient éclater et faire des victimes. Cela explique une aspiration au calme et à la sérénité de la part des Ukrainiens. Ils vivent en outre beaucoup au rythme des rumeurs : celle d'une invasion russe imminente, celle selon laquelle les Russes seraient à la recherche d'une bande de territoire leur permettant d'aller jusqu'en Crimée, etc.
Nous avons par ailleurs effectivement eu l'impression que beaucoup de députés resteraient volontiers en place jusqu'en 2017. Et qu'il existe un ressentiment à l'encontre de la France et une préférence pour la réaction de l'Allemagne, jugée plus favorable. Cela vient bien sûr de l'affaire des Mistral, mais cela tient aussi au fait que le positionnement de la France vis-à-vis de la crise est moins bien reçu par la presse ukrainienne que celui des Allemands. Nous avons essayé de rééquilibrer cette fausse impression, notamment en évoquant les cérémonies commémoratives du Débarquement en Normandie, auxquelles a été invité le Président ukrainien.
Mon sentiment est que les Russes laissent passer à dessein beaucoup de rumeurs dans cette crise ; d'où la nécessité pour notre Commission de s'intéresser aussi à la Russie.
Ce déplacement a été bien organisé et les nombreuses rencontres prévues nous ont permis d'avoir une analyse plus objective de la situation. La plupart de nos interlocuteurs étaient pro-européens et j'ai pu constater qu'il y a beaucoup plus de drapeaux européens à Kiev qu'à Paris…
En ce qui concerne l'accord d'association, il me semble qu'il a été davantage apprécié par les Ukrainiens que par la Rada qui tarde à l'entériner…
Quant aux jeunes, nous en avons vu beaucoup et ils sont très motivés par une volonté de changement. Ils aspirent à la suppression des visas pour vernir dans l'Union européenne et ont un goût très fort pour tout ce que représente l'Europe, au niveau des libertés individuelles notamment.
Il ne faut pas oublier que des pays comme la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie par exemple ont pu jouer un rôle dans la manière dont les Ukrainiens perçoivent les bienfaits européens…
Enfin je pense moi aussi qu'il serait utile d'aller rencontrer des responsables russes, dont l'avis sera peut-être plus nuancé qu'on ne le pense. Il y a d'ailleurs en Ukraine des radios financées par des Russes…
C'est un autre sujet. Je terminerai mon propos en soulignant que le peuple ukrainien a fait preuve de beaucoup de sérénité dans cette crise ; à titre d'exemple, il n'y a pas eu de pillage pendant les manifestations de l'hiver dernier.
En ce qui concerne l'accord d'association, je précise qu'il a bien été signé par l'Ukraine, et que ce qui tarde actuellement, c'est sa ratification.
D'autre part, je confirme qu'il faut que nous ayons une discussion avec les Russes dans le cadre de notre groupe de suivi « Proximité orientale » ; nous déterminerons ultérieurement selon quelles modalités.
Je vous remercie pour toutes ces informations et je voudrais vous demander quelques précisions. Le Président Porochenko a certes été élu dans des conditions de majorité confortable mais sa légitimité va-t-elle persister ? Quid de la Crimée ? S' agissant de l'Est, les autorités ukrainiennes vont-elles parvenir à en reprendre le contrôle ? Enfin où l'Ukraine en est-elle en matière énergétique et parviendra-t-elle à réduire sa dépendance ?
Madame la Présidente, vous avez évoqué les propos de M. Jean-Claude Juncker selon lesquels aucune nouvelle adhésion à l'Union européenne ne devrait avoir lieu au cours des cinq prochaines années. Ils sont d'une grande sagesse. Ce sont les États baltes qui ont entretenu l'idée d'une entrée de l' Ukraine dans l'Union. C'est une erreur majeure venue de ce que les institutions européennes ont-elles-mêmes fait miroiter cette perspective. D'un autre côté, il est certes difficile de dire aux Ukrainiens qu'on les adore mais qu'ils doivent rester en dehors de l'Union européenne … D'où ma question : nous en veulent-ils car ils sont conscients qu'une entrée dans l'Union sera impossible ?
Je suis frappée de constater qu'il y a différents États aspirant à entrer dans l'Union européenne, alors même que ceux qui y sont déjà ont parfois du mal à se reconnaître dans le système européen. C'est pour le moins troublant. Pour ce qui concerne les accords d'association, la question est celle des moyens : il faut les ratifier car sinon les soutiens financiers européens n'arriveront pas. Il est clair qu'il faudra envisager avec lucidité les élargissements futurs.
Il est évident qu'une entrée de l'Ukraine dans l'Union européenne amènerait de gros problèmes avec la Russie. D'autre part, l'Union n'a pas les moyens d'accorder des aides structurelles importantes. Le Sommet de Bucarest a posé clairement la question de l'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN. Or, ce serait un casus belli avec la Russie ! Ou alors, il faudrait y faire entrer aussi cette dernière, comme d'ailleurs François Mitterrand y avait songé … Il convient donc de rester très prudent : la Russie est notre partenaire sur le plan géostratégique.
Dans le cadre de nos entretiens nous avons toujours essayé de valoriser la prudence. C'est pourquoi d'ailleurs je propose que nous rencontrions également des Russes.
Nous avons toujours veillé à ne pas donner de faux espoirs et à être très honnêtes dans nos propos. Nous avons également souligné que nous représentions dans cette mission quasiment tout l'éventail de la vie politique française. Notre tâche est compliquée par le fait qu'il y a une véritable francophilie en Ukraine : aussi, ce que nous avons pu ramener comme idées concrètes se concentre notamment autour de l'aide à la venue en Europe de jeunes Ukrainiens, ce qui leur permettra en outre de se rendre compte de la réalité de l'Europe …
En ce qui concerne les demandes de précisions sur la légitimité du Président Porochenko, je réaffirme qu'il bénéficie pour le moment d'une véritable assise démocratique, mais elle risque de s'effondrer si la situation stagne et qu'il n'y a pas d'élections législatives anticipées. Cela engendre une tension politique forte entre d'un côté l'Exécutif et la société civile, de l'autre le Législatif où l'on note certaines « réticences » à la Rada …
Certes le Chef de l'État joue une partie de son va-tout avec la reconquête de l'Est. Les soldats ukrainiens y partent souvent sans équipements efficaces, voire sans gilets pare-balles ou sans casques mais leur motivation est très forte : et plus la Russie veut attaquer l' Ukraine, plus se propagent les idées d'un parallèle avec la seconde guerre mondiale, d'un Poutine qui serait un véritable Hitler russe etc … Nous avons sans cesse au cours de cette mission essayé de faire du « déminage ». Je suis d'accord pour dire que ce qui a dû particulièrement contrarier la Russie, c'est bien la perspective d'une adhésion de l'Ukraine à l' OTAN.
Dans le secteur de l'énergie, la situation est encore bien pire que ce que l'on pensait ! Les Ukrainiens dépendent en effet également de l'uranium russe, et pas seulement du gaz. Il sont à 40 % dépendants de la Russie. Certes ils pensent à développer les énergies renouvelables et bougent sur ce terrain, mais ils restent quand même dans une situation particulièrement difficile.
Pour ce qui concerne la Crimée, les sentiments sont partagés. Le député tatar que nous avons rencontré est désespéré par le sort de cette région et par le fait qu'il ne pourra sans doute jamais retourner chez lui. Beaucoup pensent que les nouveaux arrivants en Crimée sont de véritables mercenaires auxquels la Russie livre la Crimée. Nous avons entendu parler de l' objectif de reprise de la Crimée à Odessa, mais ce sujet n'a pas été réellement abordé à Kiev, ce qui peut conduire à l'idée qu'elle est un peu « passée » par pertes et profits ! En revanche la volonté de reconquérir l'Est est prégnante.
La presse ukrainienne a beaucoup titré sur le thème : la France a vendu des armes à nos ennemis. C'est un message reçu au premier degré par la population mais nous n'avons pas de vision manichéenne de la Russie. Quand on touche aux droits humains, aux libertés fondamentales, on peut comprendre que l'Union européenne soit une perspective. Nous devons travailler pour que cela ne soit pas oublié par ceux qui y sont déjà. Mais nous avons également intérêt à investir sur une génération, pour ne pas retrouver l' Ukraine sous l'emprise de la Russie … C'est loin d'être gagné, lorsque l'on voit que notre ambassadeur rencontre des difficultés à convaincre, ne serait-ce que pour l'octroi de quelques visas étudiants …
Les États baltes ont certes tout fait pour que l'accord d'association soit perçu comme une marche vers l'Union européenne. Mais s'ils l'ont fait, tout comme la Pologne, c'est bien parce qu'ils sont inquiets ! Cette inquiétude explique aussi que la Pologne ait demandé des manoeuvres de l'OTAN sur son territoire. Quant aux parlementaires lituaniens, ils ont tout simplement peur que la Russie les envahisse …
Nous ne pouvons pas affirmer, ici, dans cette commission, que l'Ukraine ne rentrera jamais dans l'Union européenne, mais nous devons dire la chose suivante : il faut tout faire pour que l'accord d'association soit pleinement mis en oeuvre.
Je suis enfin parfaitement d'accord pour faciliter l'entrée des jeunes Ukrainiens dans les États membres de l'Union européennes. Les jeunes Polonais sont fiers de dire qu'ils n'ont pas besoin de visa pour y venir !
Je voudrais ajouter qu'il n'y a pas de la part des Ukrainiens de haine contre le peuple russe ; c'est envers les dirigeants russes que ce ressentiment se manifeste. C'est là un élément qui nous permet de rester optimistes pour l' avenir.
Je voudrais remercier mes collègues pour la disponibilité dont ils ont fait preuve. Nous allons continuer les travaux de notre groupe sur la proximité orientale de l'Union, en prenant contact avec les Russes tout en continuant bien entendu à suivre l'Ukraine. N'oublions pas en effet que le premier semestre 2015 sera placé sous la présidence de la Lettonie : il est clair que la question ukrainienne restera pour elle une priorité.
Pour terminer, je vous lis cet extrait du discours prononcé aujourd'hui 15 juillet par le nouveau candidat à la présidence de la Commission européenne, M. Jean-Claude Junker :
« En ce qui concerne l'élargissement, je reconnais pleinement qu'il s'agit d'un succès historique qui a apporté la paix et la stabilité à notre continent. Aujourd'hui cependant, l'Union et nos citoyens doivent digérer les dernières adhésions qui ont vu 13 États membres rejoindre l'Union européenne en 10 ans. L'Union européenne a besoin de faire une pause dans son processus d'élargissement afin de consolider ce qui a été réalisé à 28. C'est pourquoi, sous ma présidence de la Commission, les négociations en cours continueront, notamment avec les Balkans occidentaux qui ont besoin d'une perspective européenne. Cependant, il n'y aura pas de nouvel élargissement dans les cinq prochaines années. Avec les pays de notre voisinage oriental, tels que la Moldavie ou l'Ukraine, nous devrons intensifier les efforts de coopération, d'association et de partenariat pour resserrer encore nos liens économiques et politiques. »
II. Communication de la présidente Danielle Auroi sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au clonage des animaux des espèces bovine, porcine, ovine, caprine et équine élevés et reproduits à des fins agricoles (COM(2013) 892 final - E 8975) et la proposition de directive du Conseil relative à la mise sur le marché des denrées alimentaires obtenues à partir d'animaux clonés (COM(2013) 893 final - E 8976)
Les conclusions que je vous propose portent sur le paquet législatif relatif au clonage des animaux d'élevage présenté par la Commission européenne en décembre dernier.
Le clonage animal n'est aujourd'hui pas pratiqué à des fins alimentaires dans l' Union européenne. Toutefois, cela ne signifie pas que les consommateurs européens ne consomment pas déjà des denrées issues de descendants d'animaux clonés ! Par exemple, en 2010, une enquête de l'Agence britannique de sécurité des aliments avait révélé que la viande de la progéniture d'une vache clonée aux États-Unis avait été consommée au Royaume-Uni.
Ce sujet du clonage n'est pas nouveau dans l'agenda européen. En 2008, la Commission européenne a présenté une proposition de règlement visant à réviser le règlement relatif aux nouveaux aliments. Cette proposition comportait une disposition relative aux denrées issues d'animaux clonés, prévoyant que celles-ci soient soumises à une autorisation spécifique préalable avant de pouvoir être mises sur le marché. Alors que le clonage n'était pas au coeur de la proposition de règlement, ce sujet est rapidement devenu un point de blocage lors des négociations. En effet, le Parlement européen, très hostile au clonage, a amendé la proposition de règlement afin d'interdire la pratique du clonage ainsi que la mise sur le marché d'aliments issus d'animaux clonés et de leur descendance. Une procédure de conciliation s'est engagée entre les deux législateurs, mais a échoué en mars 2011 du fait de dissensions majeures sur la question de l'étiquetage obligatoire des denrées alimentaires issues de descendants d'animaux clonés.
Plus de deux ans après cet échec, la Commission européenne a présenté en décembre dernier un « paquet législatif » composé de trois textes : une proposition de règlement relative aux nouveaux aliments sur laquelle notre commission s'est déjà prononcée, une proposition de directive relative au clonage des animaux d'élevage et une proposition relative aux denrées alimentaires issues d'animaux clonés.
Le texte relatif au clonage des animaux d'élevage prévoit d'interdire provisoirement, pour une durée qui n'est toutefois pas précisée, le clonage des animaux des espèces bovine, porcine, ovine, caprine et équine élevés ou reproduits à des fins agricoles.
La proposition exclut explicitement d'autres motifs du champ d'application de la directive : la recherche, la production de médicaments, la conservation des races rares ou des espèces menacées, des manifestations culturelles et sportives. Les personnes auditionnées m'ont par exemple indiqué que le clonage était notamment pratiqué pour les chevaux de course.
La proposition interdit également la mise sur le marché, y compris à l'importation, d'animaux et d'embryons clonés. En revanche, elle n'interdit pas l'importation de matériel reproductif d'animaux clonés, afin de garantir, selon la Commission européenne, l'accès des éleveurs et des sélectionneurs à du matériel génétique compétitif.
Le deuxième texte interdit provisoirement la mise sur le marché de denrées alimentaires obtenues à partir d'animaux clonés.
Quels sont les dangers liés à la consommation d'aliments issus de clones ou de leurs descendants ?
Du seul point de vue de la sécurité alimentaire, rien n'indique aujourd'hui qu'il existe des différences entre la viande et le lait obtenus à partir d'animaux clonés ou de leur descendance et ceux issus d'animaux conçus de manière traditionnelle.
Si la consommation de denrées issues d'animaux clonés et de leurs descendants n' est pas un danger pour les humains, elle pose toutefois des questions éthiques liées au bien-être animal. En effet, lors de la gestation, les mères de substitution souffrent notamment de dysfonctionnements placentaires. Le syndrome du « gros veau » est particulièrement courant : le placenta et le foetus se développent de manière anormale, avec une taille et un poids très élevés et des organes hypertrophiés. Ces souffrances sont également importantes une fois les animaux nés, avec une mortalité très forte. À l'INRA par exemple, 30 % des veaux nés vivants meurent avant l'âge de trois mois. En revanche, après les premiers mois, les animaux survivants sont « normaux » : aucune différence en matière de santé n'apparaît par rapport aux animaux issus d'une reproduction naturelle. Le bien-être animal doit évidemment être pris en compte afin d'évaluer l'intérêt du clonage animal à des fins alimentaires.
Enfin, le clonage ne répond absolument pas aux attentes des consommateurs européens. Selon un rapport Eurobaromètre publié en 2008, 58 % des consommateurs européens seraient même fondamentalement opposés au clonage animal à des fins alimentaires.
Quels pays pratiquent le clonage à des fins agricoles aujourd'hui ?
Selon la Commission européenne, il n'existe pas en Europe de pratique de clonage à des fins alimentaires. Aucune demande d'autorisation de mise sur le marché de denrées alimentaires issues d'animaux clonés n'a jamais été introduite auprès de l'EFSA.
En revanche, le clonage d'animaux d'élevage est pratiqué sur le territoire d'États tiers, et notamment aux États-Unis, en Australie, au Brésil et au Canada.
Aux États-Unis, la « Food and Drug Administration » a déclaré en janvier 2008 qu' elle considérait les clones de bovins, de porcins et de caprins et leurs descendants totalement sûrs. L'administration américaine a instauré malgré cet avis un moratoire sur la viande issue d'animaux clonés, mais ce moratoire ne concerne pas les produits issus des descendants de clones. 1 100 clones de bovins existeraient actuellement aux États-Unis.
Le clonage est également pratiqué de manière certaine en Australie, en Argentine, au Brésil et au Canada, mais une grande opacité règne sur l'étendue de cette pratique, essentiellement due au comportement des quelques entreprises de biotechnologie clonant des animaux d'élevage.
Quel est le sens de la proposition de conclusions que je vous présente aujourd'hui ?
Je tiens à souligner l'hypocrisie de la proposition de la Commission européenne, qui ne répond pas au vrai problème avec ce paquet législatif.
En effet, la technique du clonage étant très coûteuse - le coût d'un clone de bovin est estimé à 25 000 dollars environ aux États-Unis -, les clones ne sont pas produits dans l'objectif d'obtenir de la viande ou du lait mais uniquement dans un objectif de reproduction.
La véritable question réside donc dans le problème des descendants de clones. Or, la proposition de la Commission européenne va moins loin que la position du Conseil de 2011, qui proposait la mise en oeuvre d'un système de traçabilité pour le matériel reproductif et les descendants d'animaux clonés, ainsi qu'un étiquetage de la viande fraîche issue des descendants de bovins clonés.
Légiférer sur les descendants d'animaux clonés est ambitieux mais nécessaire.
Contrairement aux OGM, que l'on peut déceler dans un produit dès lors que l'on connait la séquence de la modification génétique, il n'existe actuellement aucun moyen technique pour distinguer un clone ou ses descendants d'un animal issu de techniques classiques de reproduction.
L'identification des descendants de clones est donc possible dans l'Union européenne, où le système de traçabilité est déjà exigeant, mais est beaucoup plus difficile à mettre en oeuvre pour les importations : une traçabilité complète des animaux clonés, de leur matériel reproductif et des denrées alimentaires obtenues à partir de ces animaux seraient des préalables nécessaires à la mise en oeuvre d'un tel étiquetage.
La mise en place d'une législation spécifique sur les descendants d'animaux clonés nécessiterait donc de repenser nos relations commerciales avec les partenaires commerciaux de l'Union européenne susceptibles de mettre des produits issus du clonage sur le marché. Des accords spécifiques pourraient être passés avec ces États tiers afin qu'ils garantissent de ne pas exporter de produits issus d'animaux clonés.
Il me semble évident que les très fortes réticences de la Commission européenne sur ce sujet sont directement liées aux négociations du traité de libre-échange avec les États-Unis. Notre commission avait déjà évoqué la question du clonage et la nécessité de respecter les préférences collectives des consommateurs européens lors de nos travaux sur le traité.
En matière de libre-échange, le risque de contentieux devant l'OMC est également une contrainte. Toutefois, selon un avis rendu par le service juridique du Conseil en 2011, une simple mesure d'étiquetage des descendants de clones pourrait être considérée comme légitime par l'OMC.
Enfin, je souhaite attirer votre attention sur la base juridique choisie par la Commission européenne pour ces deux propositions de directive. En effet, la proposition de directive relative à la technique du clonage est fondée sur l'article 43 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, relatif à l'agriculture. En revanche, la Commission européenne a choisi d'avoir recours pour la deuxième directive à la « clause de flexibilité ». Selon cette clause, lorsqu'une action correspond à un ou plusieurs objectifs du traité mais que le traité n'a pas prévu les pouvoirs d'action correspondant, le Conseil peut statuer à l' unanimité. Dans ce cas, le Parlement européen est simplement consulté via une procédure d'approbation : il ne peut pas amender la proposition de texte. Au vu des positions très fermes du Parlement européen contre le clonage, le choix de cette base juridique est évidemment très ambigu.
Je me permets d'ajouter que dans le programme proposé par M. Jean-Claude Juncker aujourd'hui, il a affirmé - je cite : « je ne sacrifierai pas les normes européennes de sécurité, de santé, les normes sociales, les normes de protection des données ou notre diversité culturelle sur l'autel du libre-échange. Notamment la sécurité alimentaire et la protection des données personnelles seront pour moi non-négociables ». C'est une déclaration, nous attendons les faits.
Je ne vais pas revenir sur la base juridique très ambiguë choisie par la Commission européenne pour la deuxième directive, qui me semble symptomatique des pratiques de la Commission européenne.
Nous avions évoqué la question du clonage au cours des auditions menées avec Marietta Karamanli lors de notre précédent rapport sur la sécurité alimentaire. Comme vous l'avez souligné, le point clivant de la proposition est celui de l'étiquetage des aliments issus de descendants de clones, souhaité par le Parlement européen précédent et dont la Commission européenne ne veut pas entendre parler. Un tel étiquetage est extrêmement difficile à mettre en place, puisqu'il est impossible de différencier par des contrôles ADN un clone ou un descendant de clone d'un animal « normal ». Il faudrait donc qu'un système de traçabilité très complet soit mis en place dans les pays produisant des clones, qu'il s'agisse des États-Unis, du Canada, du Brésil ou de l'Argentine. Or, comme nous l'avions évoqué dans notre rapport avec Marietta Karamanli, le système de traçabilité américain est beaucoup moins performant que le nôtre.
Je me pose par ailleurs la question de l'intérêt économique du clonage pour l' industrie agro-alimentaire, qui ne me semble pas évident.
Les États-Unis étant les premiers producteurs de clones – en tout cas officiellement – il y a, vous l'avez évoqué, des tensions fortes sur ce sujet dans le cadre de la négociation de l'accord de libre-échange.
Interdire la nourriture issue de clones et de descendants de clones n'a pas de fondement sanitaire : toutes les études scientifiques, notamment celles de l'INRA, montrent qu'il n'y a absolument aucune différence entre le lait et la viande issus de clones et ceux issus d'animaux dits normaux.
Cependant, nous sommes face à des consommateurs, qu'il faut respecter, et qui sont profondément contre la mise sur le marché d'aliments issus d'animaux clonés. On fait donc face au même débat que celui évoqué dans notre rapport : la viande de cheval n'était pas nocive pour la santé sur le papier, mais on peut tout de même estimer que les consommateurs européens sont en droit de savoir ce qu'il y a dans leur assiette et de faire des choix de manière éclairée.
Toutefois, il faut relativiser à mon sens cette question du clonage : très coûteuse, son utilisation reste très marginale et elle ne s'est pas vraiment développée aux États-Unis depuis qu'elle est devenue légale. Il serait peut-être dommage que ce soit un spectre que l'on agite pour faire peur aux consommateurs, alors que nous avions abordé d'autres sujets, moins connus mais plus préoccupants comme les poulets chlorés, pour lesquels il y a vraiment urgence.
J'ai appris des choses en lisant votre communication, et je trouve que ce sujet est assez inquiétant. Je suis d'accord avec Arnaud Richard, qui a eu raison de souligner que ce n'est pas forcément au niveau sanitaire que c'est inquiétant, mais au titre des choix de société que nous faisons les uns et les autres, que les consommateurs font, et que l' on a tenté d'appeler au niveau de l'Union européenne les « préférences collectives ». On nous explique que les Américains ne supportent pas l'idée d'un développement microbien dans les êtres vivants et que c'est pour cela qu'ils se sentent plus sécurisés à l'idée de manger du poulet chloré ou de ne pas manger du fromage au lait cru – je viens d'une région qui en produit, je trouve à titre personnel que c'est regrettable mais c'est leur choix de société. En Europe, nous sommes beaucoup plus « détendus » sur la question microbienne, et moins « détendus » sur la javellisation du poulet ! Chacun doit se respecter dans ses intentions.
Je pense que l'intérêt sur ce sujet du clonage est de générer du débat public, des débats citoyens, en dehors de tout enjeu de court-terme, afin d'éviter une instrumentalisation, comme lorsque la question du poulet chloré a émergé à la veille des élections européennes. Cela nécessiterait que l'Union européenne, d'habitude si prompte à prôner le débat citoyen, soit créatrice de débat sur ces sujets de consommation. Il ne me semble pas y avoir de sujet sanitaire, et vous dites que le clonage reste marginal à ce stade : il me paraît donc nécessaire d' en débattre maintenant, très en amont, pour ne pas ensuite aboutir à des postures figées qui n' amènent rien.
Sur l'étiquetage, je trouve que c'est un des moyens d'informer les citoyens et qu'il est important, pour exercer sa citoyenneté dans la consommation, de savoir d'où les produits viennent.
Je suis d'accord avec ce qui a été di,t mais je me pose la question de la prise en compte de la recherche scientifique dans ces conclusions. Pour moi, le clonage est intéressant, y compris dans l'agriculture, en matière de recherche, et il ne faudrait pas créer d'obstacles à celle-ci.
Effectivement, j'ai rencontré une chercheuse de l' INRA travaillant sur le clonage, qui a insisté sur le manque de moyens attribués à la recherche dans ce domaine. C'est un véritable sujet, mais j'ai fait le choix de centrer cette communication sur la question de l'alimentation.
Je trouve que les conclusions laissent entendre que nous serions favorables à la consommation de produits descendants d'animaux clonés à condition qu'ils soient étiquetés. Comme on sait que cela sera difficile de véritablement mettre en oeuvre un tel étiquetage, cela m'inquiète un peu.
C'est pour cela que j'ai précisé « a minima ». Ce que je crains, c'est que si on ne demande rien en matière d'étiquetage, on se retrouve dans la même situation que pour les OGM.
Si l'on considère que c'est un choix de société, soit on tient la digue, soit on ne la tient pas !
Si l'on dit que l'on rend l'étiquetage obligatoire, on admet que l' on peut accepter sur le marché ces produits alors que l'on souhaiterait qu'ils soient interdits.
Je vous suis volontiers sur cette question. Nous pouvons modifier cette proposition dans le sens d'une interdiction de ces produits.
Mais est-ce que ce débat public ne relève pas plutôt de la responsabilité des Etats membres ?
Il faudrait également remplacer le terme « souhaite » par « demande », afin d'être plus impératif.
Nous pouvons en effet remplacer le terme « demande » par « souhaite », et ajouter une phrase sur la nécessité d'un débat public.
Pour conclure, je tiens à souligner que je trouve assez pénible de voir la Commission européenne, quand elle considère que le Parlement européen ne la suit pas, trouver toutes les manoeuvres juridiques pour contourner le pouvoir politique.
La Commission a ensuite adopté les conclusions suivantes :
« La Commission des affaires européennes,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au clonage des animaux des espèces bovine, porcine, ovine, caprine et équine élevés et reproduits à des fins agricoles (COM [2013] 892 finaln° E 8975),
Vu la proposition de directive du Conseil relative à la mise sur le marché des denrées alimentaires obtenues à partir d'animaux clonés (COM [2013] 893n° E 8976),
Vu le règlement 25897CE du 27 janvier 1997 relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients alimentaires,
Vu la directive 9858CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant la protection des animaux dans les élevages,
1. Se félicite des propositions de la Commission européenne visant à interdire la technique du clonage à des fins agricoles ainsi que la mise sur le marché, y compris à l'importation, d'animaux clonés, d'embryons clonés et de denrées alimentaires obtenues à partir d'animaux clonés ;
2. Souhaite que cette interdiction soit étendue à la mise sur le marché de semences d'animaux clonés ;
3. Considère que la proposition de la Commission européenne est largement insuffisante, puisqu'elle ne prend pas en compte les denrées alimentaires issues de descendants d'animaux clonés ;
4. Demande l'interdiction de la mise sur le marché des denrées alimentaires obtenues à partir de descendants de clones, toutes espèces confondues ;
5. Estime qu'un système de traçabilité rigoureux sur les clones, leurs descendants et le matériel reproductif issu de ces animaux doit impérativement être mis en oeuvre dans l'Union européenne ainsi que dans les États tiers pratiquant le clonage à des fins agricoles ;
6. Invite la Commission européenne à favoriser la mise au point d'une méthode scientifique permettant l'identification des produits issus d'animaux clonés ;
7. Considère que ce sujet, de même que tous les sujets relatifs aux préférences collectives des consommateurs européens, devrait faire l'objet d'un véritable débat public. »
Sous réserve des observations formulées ci-dessus, la Commission a approuvé la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au clonage des animaux des espèces bovine, porcine, ovine, caprine et équine élevés et reproduits à des fins agricoles (COM(2013) 892 final- E 8975) et la proposition de directive du Conseil relative à la mise sur le marché des denrées alimentaires obtenues à partir d'animaux clonés (COM(2013) 893 final - E 8976).
La séance est levée à 18 heures