La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes procède à l'audition de Mmes Sabine Fourcade, directrice générale de la cohésion sociale au ministère des Affaires sociales et de la santé, déléguée interministérielle aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes, et Nathalie Tournyol du Clos, chef du service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes, sur les thèmes : Mise en oeuvre de la politique en faveur de l'égalité ; organisation, fonctionnement et moyens des délégations régionales aux droits des femmes :
Présidence de Mme Catherine Coutelle, présidente.
La séance est ouverte à 18 heures 30.
Chaque année, la Délégation aux droits des femmes publie un rapport d'activité qui comporte une partie d'étude thématique. Pour la première année de cette législature, nous avons décidé de nous intéresser au réseau des délégations aux droits des femmes, choix dont la pertinence vient à l'instant d'être confirmée, s'il en était besoin, par le grand nombre de questions qui ont été posées à la ministre des Droits des femmes sur ce sujet lors de l'audition qui a précédé cette réunion.
J'ai le sentiment que ces délégations ont été, au cours des dernières années, la variable d'ajustement de la révision générale des politiques publiques (RGPP) appliquée aux préfectures. On observe que les délégués régionaux dépendent désormais des secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR) – nous aurions aimé qu'ils soient placés auprès du préfet - alors que les délégués départementaux relèvent de la direction générale de la cohésion sociale. Comment ces deux niveaux s'articulent-ils ? L'organisation est-elle identique dans toutes les régions ? De quelle marge de manoeuvre disposent les délégués pour exercer leurs missions ?
Le Gouvernement comporte aujourd'hui un ministère des Droits des femmes de plein exercice, ce dont nous nous réjouissons. L'absence d'un tel interlocuteur nous a beaucoup gênés sous la précédente législature. Pourriez-vous nous préciser si votre direction générale relève de ce ministère et, sinon, duquel ? Comment est-elle organisée ? Comment a-t-elle l'intention de mettre en oeuvre les expérimentations pour le financement desquelles une action spécifique a été créée au sein du programme Égalité entre les femmes et les hommes de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances ? Sous la précédente législature, nous ne sommes pas parvenus à imposer que l'étude d'impact des projets de loi inclue une partie consacrée à l'égalité entre les femmes et les hommes ; je suis sûre que nous allons maintenant introduire une telle obligation. Vos services seront-t-il en mesure de faire ces études eux-mêmes ou seront-elles externalisées ?
La direction générale, qui est interministérielle, est placée sous l'autorité de plusieurs ministres en fonction des questions qu'elle traite : tantôt la ministre des Affaires sociales et de la santé et ses ministres déléguées, tantôt la ministre des Droits des femmes, tantôt le ministre de l'Économie sociale et solidaire, tantôt la ministre de l'Égalité des territoires et du logement. La direction générale est organisée pour que chaque action soit conduite sous l'autorité du ministre qui en assure le pilotage politique et pour que tous les sujets soient traités de manière cohérente entre eux. Ses missions principales consistent à promouvoir l'égalité réelle, notamment par la déconstruction des stéréotypes, et le développement des potentialités de chacun selon ses capacités, notamment via l'égalité professionnelle, et à protéger les plus vulnérables, par la lutte contre les violences par exemple. La création de la direction générale, il y a deux ans et demi, visait à assurer la coordination entre les différentes politiques qui concourent à ces objectifs, que ces politiques visent plus particulièrement les droits des femmes, la famille, le logement, le développement économique, etc. Lorsqu'il existe des divergences entre les ministres concernés, le fait qu'ils recourent à une même administration évite les blocages entretenus par la concurrence entre services et permet aux ministres de disposer des éléments d'information présentant tous les aspects des sujets. Au sein de cette direction générale, le service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes compte quarante-cinq personnes. Vingt-cinq s'occupent directement des politiques d'égalité, les vingt autres sont en charge des fonctions support, qui sont mutualisées pour l'ensemble des politiques de cohésion sociale, comme les ressources humaines, la communication ou le budget.
Pour ce qui est des délégués régionaux et des chargés de mission départementaux, leurs effectifs ont diminué, comme dans toutes les administrations, au cours des dernières années. Le plafond d'emploi n'a pas été abaissé plus fortement que pour l'ensemble des services de l'État, mais un nombre important de personnels mis à disposition n'a pas été remplacé. Parler de ces services comme de variables d'ajustement est donc excessif, du moins en termes strictement quantitatifs. Les délégués régionaux sont placés au sein des SGAR pour être en mesure d'avoir une vision globale et de mobiliser les fonds européens, ce qui est capital. Au niveau départemental, les chargés de mission sont intégrés dans une direction départementale interministérielle. Le recrutement n'a pas été déconcentré, ce qui permet à la direction générale nationale de veiller à la qualité des personnels affectés à ces postes – il arrive qu'un candidat ne présentant pas un profil adapté soit écarté.
Si le poids des délégués régionaux et des chargés de mission départementaux a diminué, c'est moins pour des raisons quantitatives que pour des raisons politiques. Aujourd'hui, la lutte pour l'égalité entre les femmes et les hommes est redevenue une priorité politique : la ministre des droits des femmes l'a dit aux personnels concernés à l'occasion d'une réunion des fonctionnaires chargés de missions interministérielles, notre nouvelle directive nationale d'orientation annuelle le souligne également. Cette volonté se traduira dès 2013 en termes de moyens humains : alors que les effectifs des administrations sociales diminueront – quoique plus faiblement qu'en 2012 – le réseau chargé des droits des femmes est exonéré de ces réductions et, au niveau de l'administration centrale, cinq postes seront créés pour suivre les expérimentations et réaliser les études d'impact que Mme la Présidente a mentionnées.
Au sein de mon service, vingt personnes sont en charge de l'égalité entre femmes et hommes. Parmi les cinq nouveaux emplois évoqués par Sabine Fourcade, deux se consacreront aux expérimentations souhaitées par la ministre des Droits des femmes et assureront, pour cela, le suivi de l'utilisation des fonds européens mais aussi des appels à projet. Deux autres personnes seront en charge du futur observatoire sur les violences faites aux femmes, observatoire dont l'appellation n'est pas encore définitivement arrêtée mais dont la création n'est pas, dans son principe, remise en cause.
Non seulement l'idée de la création d'un observatoire n'est pas abandonnée mais la ministre des Droits des femmes a une ambition plus grande, puisqu'elle souhaite mettre en place une plateforme de production d'études, afin que le rôle de la nouvelle instance aille au-delà d'une simple mission d'observation.
Concernant les études d'impact, et pour répondre aux objectifs fixés par la ministre, nous sommes en train de mettre au point une sorte de « boîte à outils », avec l'aide de différents partenaires dont l'Institut d'études politiques et l'École d'économie de Paris. Nous envisageons le recrutement d'économistes et de statisticiens pour procéder aux études d'impact et d'évaluation.
Les études d'impact revêtent une grande importance : il est primordial d'anticiper les conséquences futures d'une loi sur les droits des femmes. Le manque de vision à long terme peut soulever des difficultés, comme nous avons pu le constater lors de l'adoption de la loi sur les retraites dont les conséquences néfastes pour les femmes n'ont pas été anticipées, malgré les alertes émises par le Comité d'orientation des retraites. Je pense aussi au prochain projet de loi sur le mariage ouvert à tous, dont l'une des conséquences serait de faire disparaître le féminin dans un certain nombre d'articles du code civil.
J'étais présente au Conseil supérieur de l'adoption ce mardi 23 octobre et, effectivement, comme le projet de loi entend ouvrir le mariage aux personnes de même sexe, il sera nécessaire d'opérer certaines modifications dans les textes déjà existants. Ainsi, le terme générique « parent » devrait se substituer aux mots « père » et « mère » afin que les dispositions législatives soient applicables à tous les couples, qu'ils soient ou non de même sexe.
C'est donc bien une disparition du féminin dans le code civil… Pour en revenir à un niveau plus général, sans mettre en cause la qualité et la neutralité du travail des ministères, force est de constater que les projets de loi comme les études d'impact associées proviennent des mêmes services ministériels : cela ne pose-t-il pas un problème ?
Nous travaillons actuellement à la mise en place d'une méthodologie des études d'impact, avec le concours de l'École d'économie de Paris et de l'Institut d'études politiques. Lorsque cette méthodologie aura été établie, la réalisation des études d'impact et leur publication devront se faire sous le contrôle du secrétariat général du gouvernement, qui sera chargé de vérifier que l'ensemble des ministères à l'origine d'un projet de loi ont bien appliqué la méthodologie commune et que, par conséquent, l'étude d'impact est conforme au modèle. Par ailleurs, l'ensemble des études d'impact sera rendu public sur le site internet du ministère des Droits des femmes.
J'aimerais revenir sur un point : votre direction générale est-elle rattachée à un ou plusieurs ministères ?
Il s'agit d'une administration interministérielle, j'exerce donc mes fonctions sous l'autorité de plusieurs ministres. Je peux aussi, en tant que déléguée interministérielle, aller voir n'importe quel directeur d'administration centrale pour évaluer la mise en oeuvre de la politique de l'égalité hommes-femmes.
Quelles sont vos relations avec les hauts fonctionnaires en charge de l'égalité des droits ?
Je suis chargée d'animer le réseau de ces hauts fonctionnaires, qui se sont réunis pour la première fois au mois de septembre en présence de Madame la ministre des droits des femmes. C'est également dans ce cadre administratif transversal qu'oeuvre le Comité interministériel aux droits des femmes, comité dont j'indique qu'il tiendra sa prochaine réunion le 15 novembre prochain.
Est-ce aussi de manière transversale que vous travaillez à la mise au point du décret d'application de l'article 99 de la loi sur les retraites du 9 novembre 2010 ?
Ce sujet particulier est piloté par le ministère des Droits des femmes, en lien avec la direction générale du travail, étant donné que le code du travail est concerné. Lorsqu'une difficulté survient entre deux directions, le sujet est tranché, si besoin, par le premier ministre.
L'étude du budget du programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes des années précédentes amenait à constater, d'une part, qu'il oscillait d'une année à une autre, d'autre part, que la grande majorité des crédits était absorbée par les emplois. Où se situent les crédits de personnel de votre direction générale ?
Notre budget correspondant au personnel se situe dans le programme 124 Conduite et de soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative, plus précisément dans le titre 6 relatif aux interventions, à la ligne « moyens de fonctionnement ». Le budget « communication » est porté par plusieurs ministères : les crédits inscrits sont tant ceux du service d'information du Gouvernement, le SIG, que ceux qui peuvent être inscrits au budget des ministères sociaux.
Les moyens de communication courants, comme notamment les actions locales, font partie des frais de fonctionnement de l'administration concernée. En cas d'actions de communication de grande envergure, celles-ci peuvent être financées par les services de communication de Matignon.
Je voudrais évoquer un problème particulier, celui de la date du versement des retraites, qui intervient vers le 8 de chaque mois, ce qui est bien tard. Quel est le ministère compétent pour procéder à une modification de cette date ?
Comme beaucoup des sujets abordés dans le cadre du comité interministériel, cette question peut relever du ministère des droits des femmes, s'agissant notamment du soutien et de l'accompagnant des femmes en situation vulnérable, mais aussi de la direction de la sécurité sociale, car c'est elle qui procède au versement des retraites. Mais j'observe que verser les retraites en tout début de mois entraînerait de manière automatique un coût de trésorerie non négligeable pour l'ACOSS
Pour en revenir au budget relatif à la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes, quatre actions prioritaires sont inscrites. L'action 11 Egalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, économique, politique et sociale subit une baisse, résultant du transfert de deux dispositifs dans l'action 14 relative aux actions de soutien, d'expérimentation en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes. Il s'agit d'une part, du prix de la vocation scientifique et technique visant à favoriser la mixité dans les métiers. L'objectif est d'encourager les jeunes filles à s'intéresser aux métiers scientifiques et de lutter contre l'évincement des hommes dans certains corps de métiers. Ainsi, cette action est transférée vers le fonds d'expérimentation, qui pourra délivrer des prix aux établissements scolaires qui auront accompli des actions visant à faire découvrir différentes possibilités d'orientation aux élèves, en rompant avec les stéréotypes. L'autre dispositif transféré à l'action 14 concerne les contrats pour la mixité des emplois et l'égalité professionnelle. Il s'agira de développer cette action avec neuf régions partenaires afin de favoriser l'insertion des femmes dans l'emploi. Un crédit de 1,6 millions d'euros était inscrit dans la loi de finances pour 2012 au titre des « autres subventions », qui basculent vers le fonds d'expérimentation, afin que les déléguées régionales les orientent davantage dans le sens de l'égalité professionnelle et la lutte contre les stéréotypes.
Nous serons très attentifs aux expérimentations qui seront menées au titre de l'action 14, ainsi qu'à leur évaluation. Qu'en est-il des crédits alloués aux bureaux d'accompagnement individualisé vers l'emploi, les BAIE ?
L'action 11 inclut les subventions aux associations relevant du ministère des droits des femmes et notamment les CIDFF, les centres d'information des droits des femmes et des familles, soit 57 BAIE. Leurs crédits devraient être en 2013reconduits à l'identique par rapport à l'année précédente. Les conventions avec les CIDFF devraient être prochainement renégociées. Nous procéderons au ré-agrément de chaque CIDFF à la fin de l'année, ce qui permettra, le cas échéant, de réorienter les crédits. Il est vrai qu'il n'y a pas de CIDFF dans tous les départements, pour des raisons historiques ; et il y en a parfois plusieurs dans le même département, comme dans les Hauts-de-Seine, qui en compte quatre, car c'est le berceau historique des CIDFF ; le Pas-de-Calais en a aussi plusieurs. Nous devons veiller à la répartition des crédits en prenant en compte des critères de population et de bassins d'emploi et aussi des critères sociaux tels que le taux de chômage.
Je voudrais attirer votre attention sur les espaces neutres parents-enfants, particulièrement utiles et précieux en cas de violences liées au divorce. On assiste à la fermeture de certains de ces espaces parfois pour des problèmes financiers dérisoires. C'est tout à fait dommageable.
Nous ne sommes pas les seuls financeurs de ces espaces, qui dépendent aussi du ministère de la Justice. L'action 12 est principalement consacrée à la lutte contre les violences faites aux femmes, qui représente 62,2 % des crédits, pour un montant de 14,47 millions d'euros. Un quart de ces crédits s'oriente vers les grandes associations nationales, et au niveau local, nous agissons avec notamment les 180 lieux d'accueil de jour mais aussi les espaces neutres de rencontre parents-enfants, pour un montant de 1,37 million d'euros. Par ailleurs, 720 000 euros vont aux associations agissant dans le domaine de l'accès au droit.
Le montant de 1,87 million d'euros consacré à ce sujet correspond à des actions de prévention et d'accompagnement, notamment des maraudes. A cet égard, nous avons constaté que cette somme n'avait pas été consommée en 2011 pour des raisons qu'il faut identifier. Il convient sans doute de sécuriser l'action des associations par des conventions triennales.
L'enquête « Virage », qui succèdera à la dernière enquête ENVEFF, sera imputée sur l'action 14. Sur les 6,3 millions de cette action, 1 million est consacré à différentes études du Fonds d'expérimentation. Pour terminer sur la présentation du projet de budget pour 2013, je signale que l'action 13 correspond à une petite ligne de dépenses de fonctionnement, par exemple les frais engagés par des délégations qui louent des locaux, car non hébergées par les préfectures.
Concernant l'action 14, je me demandais si vous aviez la possibilité de faire de la prospective, d'anticiper, de mener en quelque sorte une réflexion politique sur des sujets comme, par exemple, l'articulation entre vie professionnelle et vie familiale.
Nous n'avons pas de volet prospectif mais notre souhait est d'établir un pont avec le milieu universitaire, pour mener des recherches. L'idée est de se nourrir mutuellement, d'identifier les programmes qu'on pourrait aider, au-delà de l'enquête « Virage » : il y a par exemple un programme « Genre et droit » très intéressant. Grâce aux CIDFF, nous bénéficions d'une remontée d'informations qui nous alertent sur des problématiques que nous pourrions aborder, telles la montée du chômage et de la précarité parmi les femmes âgées.
En effet, les sujets ne manquent pas et nous avons encore beaucoup à faire. Je vous remercie, Mesdames, d'avoir répondu à notre invitation.
La séance est levée à 19 heures 30.