L'audition débute à douze heures cinq.
Mesdames, Messieurs, notre matinée s'achève par une table ronde sur l'administration et l'emploi associatif. Les associations sont concernées par la question de l'emploi à plusieurs titres : une partie d'entre elles se consacre spécifiquement à la réinsertion dans l'emploi ; la majeure partie utilise abondamment les dispositifs publics de soutien à l'emploi ; enfin, toutes peuvent vivre sous la menace de voir requalifier en contrat de travail les liens qu'elles entretiennent avec leurs bénévoles. Le monde associatif est-il un employeur comme un autre ou bien est-il à part ? Les emplois aidés dont il fait tant usage sont-ils bien adaptés à ses besoins ? Peut-on sécuriser davantage le recours au bénévolat ?
Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je dois vous demander de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(Mme Emmanuelle Wargon, M. Vincent Guérinet, M. Stéphane Holé et Mme Évelyne Fleuret prêtent serment)
Le nombre d'associations en activité est estimé à 1,3 million, parmi lesquelles un peu moins de 200 000 ont recours à l'emploi de professionnels salariés. Les associations emploient quelque 1,8 million de salariés soit environ 8 % des effectifs du secteur privé. L'emploi salarié dans les associations se maintient dans la période récente. En stagnation légèrement positive, il réagit mieux que l'emploi du secteur privé. Seuls 47 % des emplois associatifs sont en contrat à durée indéterminée (CDI), ce qui est inférieur à la moyenne nationale, et le temps partiel y est très développé. Enfin, la moitié des associations sont de tout petits employeurs qui n'emploient qu'un ou deux salariés.
La politique de l'emploi interagit avec les associations à plusieurs niveaux.
Tout d'abord, ont été institués en 2002 les dispositifs locaux d'accompagnement (DLA), soutenus par le ministère de l'emploi et la Caisse des dépôts et consignations. Ils visent à soutenir la professionnalisation de la fonction employeur dans le secteur non lucratif en général, et, de facto, à 96 % dans les associations. Ces dispositifs d'appui se déclinent aux niveaux territorial, régional et national. Ils ont pour objet le conseil, l'expertise et l'accompagnement des associations dans leur fonction d'employeur, l'objectif étant d'aider celles-ci à devenir des employeurs de qualité et à les guider s'agissant des aides auxquelles elles peuvent avoir droit. L'État finance le dispositif de façon constante autour de 11 millions d'euros par an, le reste étant financé par la Caisse des dépôts et consignations à hauteur de 5 millions d'euros, par des crédits du Fonds social européen à hauteur de 4 millions d'euros et par les collectivités territoriales à hauteur de 5 millions d'euros. Depuis la création du DLA, 46 000 structures ont bénéficié du dispositif et le nombre d'emplois accompagnés s'établit à 562 000.
La politique de l'emploi interagit également avec les associations par le biais des emplois aidés. Ceux-ci ne relèvent cependant pas d'une politique d'aide à l'emploi dans les associations mais d'une politique d'aide à l'emploi des personnes éloignées de l'emploi qui, pour une part importante d'entre elles, sont employées par des associations. En effet, la conception des emplois aidés part davantage des besoins des personnes que de ceux des structures employeurs.
Ainsi, 46 % des contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE) sont conclus avec des associations – soit 140 000 contrats aidés – et les associations sont les premiers employeurs de CAE, bien devant les collectivités locales et les établissements publics locaux. Un tiers des emplois d'avenir, soit 30 000 cette année, relèvent des associations. Nous menons une politique de ciblage de ces contrats : les emplois d'avenir sont réservés à des jeunes non qualifiés, avec une exception qualifiante dans les zones prioritaires de la politique de la ville et en zone rurale. Quant aux contrats aidés, ils sont ciblés sur les demandeurs d'emploi de longue durée et sur les personnes ayant de grandes difficultés à s'insérer. Il peut donc y avoir un décalage entre le type de personnes que souhaitent embaucher les associations et le type de personnes éligibles aux mesures de la politique de l'emploi – décalage que nous assumons dans la mesure où les outils de cette politique sont d'abord ciblés vers les besoins des personnes et où ce n'est que dans un second temps que nous cherchons à trouver des employeurs en mesure d'employer ces personnes et de les accompagner. Par ailleurs, nous insistons davantage qu'auparavant sur l'importance du parcours d'insertion : une fois qu'une association a embauché une personne dans le cadre d'un contrat aidé ou d'un emploi d'avenir, elle a une responsabilité non seulement en matière de contenu de l'emploi offert mais aussi en termes de formation et d'accompagnement pendant la durée du contrat.
Enfin, nous nous appuyons beaucoup sur les associations pour favoriser l'insertion par l'activité économique. Nous disposons pour ce faire de 4 000 structures d'insertion, toutes financées par l'État : il s'agit pour moitié de chantiers d'insertion et pour le reste, d'entreprises d'insertion ou d'associations intermédiaires. 2 150 structures ont un statut associatif : c'est le cas de la quasi-totalité des chantiers d'insertion et, par définition, de toutes les associations intermédiaires. C'est moins le cas des entreprises d'insertion. Les modalités de financement de ces structures ont été substantiellement modifiées cette année sous l'égide du Conseil national de l'insertion par l'activité économique. Les chantiers d'insertion bénéficient désormais de l'aide au poste, ce qui signifie que nous leur garantissons un volume de postes d'insertion financés. En contrepartie, nous leur imposons un financement légèrement modulé en fonction de leur performance, selon trois critères : le fait que ces chantiers aillent chercher des personnes réellement éloignées de l'emploi, le fait qu'ils leur proposent un parcours positif en leur sein et qu'ils les y accompagnent, et enfin, le fait que ces chantiers fassent le lien avec le monde économique à la sortie.
Je complèterai les chiffres d'Emmanuelle Wargon en précisant que la masse salariale dans le monde associatif représente 37 milliards d'euros et que les associations ont liquidé 14,7 milliards de cotisations sociales en 2013. Les associations sont majoritairement de toutes petites structures : 80 % des structures ont moins de 9 salariés, et 55 %, moins de 3 salariés.
Sur le plan économique, le taux de reste à recouvrer est un indicateur nous permettant de mesurer la capacité des entreprises et des associations à respecter leurs échéances de paiement. En 2013, ce taux s'élevait pour les associations à 0,39 %, ce qui signifie que 99,71 % des cotisations sont réglées par les associations. Ce taux est très bas comparé à l'ensemble du taux de reste à recouvrer de la branche qui s'élève à 0,97 %. On constate cependant que pour les associations, ce taux s'est détérioré ces dernières années : de 0,16 % en 2008, il est passé à 0,28 % en 2009, puis à 0,34 % en 2011 et à 0,39 % en 2013. Cette évolution traduit probablement un accroissement des difficultés de financement des associations. La branche accompagne d'ailleurs celles-ci, comme toutes les autres entreprises, dès lors qu'elles rencontrent une difficulté d'échéance : elle leur accorde alors dans 98 % des cas des délais de paiement de trois mois pour régulariser leur dette – délais qui sont respectés dans la plupart des cas.
Le contrôle que nous effectuons auprès des associations s'inscrit dans le cadre d'un plan de contrôle classique. Au regard des objectifs de contrôle que nous nous sommes fixés vis-à-vis de l'ensemble des cotisants – sécuriser le financement de la protection sociale en contrôlant les masses financières les plus importantes, garantir les droits des salariés et intervenir de façon neutre pour les acteurs économiques –, les associations sont pour nous des acteurs économiques comme les autres. Elles ne font l'objet ni de plus ni de moins de contrôles. En 2013, 8 000 associations ont été contrôlées pour un redressement de 51 millions d'euros dont 8 millions ont été restitués aux cotisants associatifs, à la suite d'erreurs d'appréciation de la réglementation, et notamment du dispositif Fillon.
Si nous n'adoptons pas une approche différente de la gestion des associations, nous leur offrons en revanche des services et des modalités de gestion particuliers. Mme Évelyne Fleuret vous présentera tout à l'heure les deux dispositifs phares que nous destinons aux associations de moins de neuf salariés : le chèque emploi associatif et Impact emploi association, dispositifs de simplification du régime déclaratif et d'aide à la déclaration pour les associations. Nous partons en effet du postulat que celles-ci sont, pour beaucoup, de petites structures recourant à de nombreux bénévoles.
Les petites associations bénéficient par ailleurs aussi de dispositifs d'assiette particuliers, compte tenu du fait qu'elles recourent à des personnes qui contribuent à leur objet social sans y être des permanents. Il existe notamment des régimes déclaratifs forfaitaires simplifiés, en particulier pour les petites associations sportives, qui permettent de traiter la question du bénévolat : en effet, les associations ne comprennent pas toujours pourquoi elles peuvent être redressées dans le cadre d'un contrôle. Or, on considère une personne comme bénévole dans une association si elle y exerce une activité subsidiaire par rapport à sa participation, qu'elle n'est pas rémunérée pour cette activité et qu'il n'existe aucun lien de subordination entre elle et les dirigeants de l'association. Si un inspecteur constate sur place que l'un de ces critères n'est pas rempli, il peut requalifier comme salariat la relation existant entre la personne active et l'association concernée, cette dernière devant alors s'acquitter de cotisations sociales.
Pour éviter aux associations de se retrouver dans une telle situation, la branche propose des dispositifs en amont. Nous avons notamment conclu des partenariats avec plusieurs fédérations d'associations afin de les informer des évolutions législatives et réglementaires. Par ailleurs, chaque association peut solliciter l'URSSAF directement si elle s'interroge sur un cas particulier. Et, dans le cadre du rescrit social, l'URSSAF peut prendre position en amont d'un contrôle sur la situation réelle de la personne au sujet de laquelle l'association l'aura interrogée : si l'URSSAF estime que cette personne est bénévole, cela sécurisera pour l'avenir la situation de cette dernière. Dans le cas contraire, elle invitera l'association à entrer dans le processus déclaratif applicable aux salariés. La réglementation admet évidemment qu'un bénévole puisse être indemnisé de ses repas ou de ses frais de déplacement. Mais si un inspecteur constate qu'un défraiement couvre un montant supérieur aux frais réellement occasionnés, il pourra éventuellement requalifier la situation de la personne concernée.
C'est surtout lors d'événements particuliers que les associations mobilisent de nombreux bénévoles. La branche préconise alors aux URSSAF de prendre contact avec les autorités organisatrices de ces événements afin de les informer des règles en vigueur.
Parmi les 165 000 associations employeurs, 80 % emploient moins de neuf salariés. C'est pour celles-ci que nous avons mis en place il y a dix ans deux offres particulières : Impact emploi association et le chèque emploi associatif. Sur ces 80 %, soit 132 000 associations, 10 % ont recours aux services d'Impact emploi association et 25 % au chèque emploi associatif. Quant aux 65 % restants, ils ont opté pour un mode de déclaration équivalent à celui de n'importe quelle autre entreprise. Cela ne veut pas dire que nous n'ayons pas atteint notre cible ni que nos offres ne correspondent pas aux attentes des entreprises. Au contraire, nos offres ont pour but d'aider les structures souhaitant éviter des problèmes d'illégalité quand elles recourent à ce qu'elles estiment être du bénévolat alors qu'il s'agit de salariat, et de sécuriser juridiquement ces structures employeurs en leur permettant de déclarer correctement les ressources qu'elles emploient. Quant aux associations aguerries qui embauchent en contrat à durée déterminée ou à mi-temps mais qui ont une certaine habitude du salariat, elles utilisent tout naturellement le système de droit commun.
Impact emploi association est un dispositif qui s'appuie sur des tiers de confiance auxquels on délègue la gestion d'associations et pour le compte desquelles ils vont déclarer le salariat, procéder aux contrats d'embauche, déclarer les cotisations sociales et demander à l'association employeur de payer ses salariés. En 2014, on recense 258 tiers de confiance partenaires des URSSAF répartis sur l'ensemble du territoire. La couverture du territoire national est donc importante et relativement équilibrée entre les différentes régions – les disparités existantes pouvant s'expliquer par une présence variable du tissu associatif au niveau local. Ces tiers travaillent pour 13 500 associations employeurs. Le dispositif est encadré par des conventions signées en 2008 avec le Comité national olympique français qui a contractualisé avec l'ACOSS et la Fédération de triathlon. Nous avons également conclu une convention avec le Groupement national Profession sport et loisirs. En 2008, en effet, s'est manifestée la volonté forte de sécuriser l'emploi dans l'ensemble du monde associatif sportif – qui s'appuyait beaucoup sur le bénévolat et dont la situation juridique n'était pas toujours claire. Dans le cadre de la convention précitée, les comités nationaux olympiques sportifs et le Groupement national Profession sport et loisirs se sont engagés à accompagner l'ensemble de leurs adhérents afin de les sensibiliser au mode déclaratif ainsi qu'à la distinction entre statut bénévole et statut salarié, et de les amener à être en phase avec leur responsabilité d'employeurs. Ces organismes peuvent procéder à des formations. Ils se sont appuyés sur Impact emploi association et ont aussi permis de développer l'usage du chèque emploi associatif.
Impact emploi association et le chèque emploi associatif concernent des emplois à court terme ouvrant droit à de faibles salaires, de 850 euros en moyenne par bulletin de salaire pour l'offre Impact emploi, et 500 euros par volet social pour le chèque emploi associatif, alors que dans le droit commun, ces salaires se situent autour de 20 000 euros. Le chèque emploi associatif fonctionne exactement comme le chèque emploi service universel (CESU). Le Centre national du chèque emploi associatif est joignable par téléphone afin d'accompagner l'ensemble des employeurs en les aidant notamment à déclarer leurs salariés et à appliquer correctement la convention collective à laquelle ils sont partie. En effet, d'une convention collective à l'autre, les règles diffèrent – Stéphane Holé a d'ailleurs souligné que certaines assiettes et exonérations spécifiques varient en fonction de la nature de l'activité de l'association concernée.
Pour aider les associations, nous disposons d'une ligne front office ouverte de 9 heures à 17 heures durant la semaine. Cette offre fonctionne de manière dématérialisée, avec un volet social et une étape qui vaut déclaration préalable à l'embauche. Après l'étape valant déclaration préalable à l'embauche du salarié s'ensuit le circuit déclaratif sur internet.
En Île-de-France, le tissu associatif présente certaines particularités : 35 000 associations y emploient près de 350 000 salariés – soit 7 % de l'effectif francilien. Comme dans le reste de la métropole, le tissu économique associatif se porte relativement bien en région parisienne, comparé au régime général. Ainsi les restes à recouvrer sont-ils plus faibles dans le monde associatif : 0,5 % contre un peu plus de 1 % dans le régime général. L'Île-de-France présente la particularité d'accueillir des associations employant de nombreux salariés : 20 % du fichier cotisant associatif en Île-de-France a une moyenne de 41 salariés. Les associations relevant de la catégorie des moins de 10 salariés représentent 80 % du nombre total des associations inscrites ; elles ont en moyenne moins de 2 salariés.
Comme l'a rappelé Stéphane Holé, l'accompagnement des difficultés économiques, qui ne fait pas l'objet d'un traitement particulier lorsqu'il s'agit d'associations, aboutit à un taux d'accord de délais comparable en région parisienne à celui du reste de la France – 98 % environ. Pourtant, la problématique est différente lorsqu'il s'agit de très grosses structures. En termes de gestion du compte cotisant, nous disposons en Île-de-France comme dans huit autres URSSAF en métropole d'un dispositif de versement en lieu unique de sorte que lorsque des associations sont présentes sur l'ensemble du territoire, plutôt que de les contraindre à payer leurs cotisations à l'ensemble des URSSAF, la branche leur permet de les verser toutes auprès d'une seule URSSAF. Ce dispositif bénéficie à de très grosses associations telles que la Croix rouge.
Depuis quatre ans, l'URSSAF d'Île-de-France a accentué ses efforts auprès des associations afin de les accompagner dans la dématérialisation de la déclaration et du paiement de leurs cotisations. Le taux de télé-déclaration et de télépaiement des cotisations des associations, qui s'élevait il y a quatre ans à moins de 40 %, est aujourd'hui de plus de 90 %. Un effort considérable d'accompagnement de ces structures a donc été accompli, sur le fondement de deux types d'offres. Les associations structurées qui n'ont pas besoin de bénéficier de dispositifs particuliers utilisent notre système de télé-déclaration classique. Par ailleurs, 5 000 cotisants bénéficient du chèque emploi association. Ce dispositif a non seulement permis de faire adopter par les petites associations un modèle déclaratif respectueux de la législation pour l'embauche du premier salarié mais aussi accéléré la dynamique d'embauche. Les évolutions constatées depuis l'instauration du CESU en termes de régularisation de l'emploi particulier ayant également été constatées dans le domaine associatif avec le CEA, il semble que ce dispositif ait satisfait tant les associations que l'URSSAF et les salariés.
Nous ne ciblons pas particulièrement les associations dans le cadre de nos contrôles, notre ciblage portant plutôt sur l'assiette et les risques liés à certaines activités. Les associations étant confrontées à la complexité de la législation au même titre que les autres employeurs, nos contrôles et redressements sont sans doute liés à un manque d'expertise des petites structures et à l'activité propre aux associations – qui octroient certains avantages en nature et emploient de nombreux bénévoles. C'est souvent la définition du périmètre des défraiements qui donne lieu à redressements, davantage que la nature du lien unissant le bénévole aux responsables associatifs. Nous vérifions ainsi si les remboursements sont proportionnels aux frais engagés ou s'ils constituent une forme de rémunération de l'investissement du bénévole dans l'association. L'assiette forfaitaire, autre dispositif de simplification du régime déclaratif, peut elle aussi constituer un motif de redressement, de même que les dispositifs d'exonération de l'aide à domicile.
S'agissant des opérations spécifiques que nous menons, nous avons développé en Île-de-France des partenariats avec les grandes fédérations sportives : une opération est notamment en cours avec l'ACOSS auprès de la Fédération française de football pour préparer l'euro 2016.
Enfin, nos enquêtes de satisfaction, qui sont communes à l'ensemble du réseau, ne font pas apparaître de demandes particulières de la part du monde associatif.
Mme Emmanuelle Wargon nous a indiqué que les collectivités locales versaient 5 millions d'euros par an au profit de la professionnalisation des associations. Or, ces collectivités vont voir leurs dotations baisser de manière substantielle ; cela ne risque-t-il pas d'avoir un impact sur leur implication financière en la matière ?
S'agissant du décalage, observé sur le terrain, entre le besoin des associations et le profil des personnes qui peuvent bénéficier des contrats aidés ou des emplois d'avenir, vous nous avez expliqué que la politique de l'emploi consistait surtout en une aide au poste – notamment pour les chantiers d'insertion – s'appuyant sur des critères tels que l'éloignement de l'emploi ou le soutien à la personne embauchée tout au long de son parcours. Cela étant, la « sortie positive » de ces personnes continue à poser problème : en effet, de plus en plus d'associations nous expliquent avoir accompli des efforts pendant un ou deux ans – puisque ces contrats ne peuvent durer plus de 24 mois – et souhaiterent disposer de temps supplémentaire pour pouvoir garantir cette sortie positive.
Je me félicite par ailleurs que des efforts aient été accomplis en matière de simplification car, comme on s'en est aperçu dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire, cela correspondait à une attente très forte des associations. Je suis cependant très étonnée que le chèque emploi associatif ne touche que 25 % des associations. Vous expliquez très justement que les autres associations sont soumises au droit commun. Cela étant, n'auraient-elles pas intérêt à utiliser ce chèque ?
Enfin, dans le cadre du dispositif « argent de poche », les communes rurales proposent à des mineurs de les aider pendant les vacances scolaires afin de développer leur sens citoyen. Dans ma circonscription, plusieurs communes ont recouru à ce dispositif qui permet aux jeunes de toucher un chèque très modique mais surtout d'accomplir un acte civique. Or, celles-ci ont vu l'URSSAF vouloir requalifier ces actes en travail. Bien que la situation soit désormais réglée localement, si le dispositif venait à se généraliser à toute la France, il conviendrait de résoudre le problème une bonne fois pour toutes.
Je remercie Emmanuelle Wargon d'avoir rappelé que les emplois aidés n'étaient pas réservés aux associations mais bien destinés aux personnes les plus éloignées de l'emploi. Il est vrai qu'au cours de ces dernières années, la variation du nombre de contrats aidés de même que la forte diminution de leur durée ont posé de nombreux problèmes aux associations. Car, alors que ces contrats ont vu leur durée réduite à six mois, une association a besoin pour bien fonctionner de dix à douze mois de visibilité. Enfin, l'accompagnement de ces contrats aidés dans les associations a posé problème lui aussi, de même que le tutorat, l'accompagnement, la professionnalisation et la qualification des personnes bénéficiant d'un emploi d'avenir. En effet, le but n'est pas de maintenir ces personnes éloignées de l'emploi dans des contrats aidés ad vitam aeternam mais de favoriser leur sortie positive de ces contrats. Dans quelle mesure la situation a-t-elle évolué à cet égard au cours de ces dernières années, sachant que la période de récession forte que nous traversons n'est pas propice à la diminution des contrats aidés ?
Enfin, les intervenants de l'URSSAF n'ont pas évoqué un dispositif dérogatoire dont bénéficient les associations sportives et qui concerne les rémunérations soumises à cotisations et à contribution sociale : le mécanisme de franchise mensuelle de cotisations sociales sur la rémunération de sportifs ou d'éducateurs sportifs pendant cinq manifestations par mois, en deçà d'un plafond de 120 euros. Pourriez-vous nous expliquer ce mécanisme et nous préciser à combien d'associations sportives il s'adresse ?
Je souhaiterais vous soumettre un cas concret : il y a quatre ans, dans ma région, une course pédestre, organisée depuis trente ans par trois communes et rassemblant 1 200 participants et 3 000 personnes dans le public, a été annulée. En effet, les responsables de cette course, qui, outre les droits dus à la SACEM, doivent désormais payer le soutien de la gendarmerie, ont – sacrilège fiscal – donné 50 euros à chacun des 42 signaleurs bénévoles, souvent sans emploi, nécessaires pour le bon déroulement de la manifestation. Cela a bien fonctionné à deux reprises. Puis ils ont eu un contrôle de l'URSSAF sur ces 2 100 euros au total. Comment prévenir ce type de situations ? Car il n'est pas question ici de sportifs qui s'octroieraient une rallonge de salaire sous couvert de défraiements mais bien d'une association qui contribue grandement au maintien de la vie et de l'animation sur le territoire.
Le financement du DLA par les collectivités locales a plutôt augmenté dans la période récente – il était de 7 % l'an dernier – non pas que les collectivités aient été plus généreuses mais elles ont été plus nombreuses à soutenir le dispositif. Aujourd'hui, 20 conseils régionaux, 58 conseils généraux et 57 intercommunalités financent des DLA départementaux, Parmi eux, 2 régions, 9 conseils généraux et 11 intercommunalités le font depuis l'an dernier. Nous ne sommes donc pas inquiets à cet égard.
En ce qui concerne le parcours d'insertion et les structures d'insertion par l'activité économique, je ne verrais pas d'inconvénient à ce que l'on supprime les limitations de durée des contrats concernés au profit d'une contractualisation avec ces structures. La durée moyenne du parcours d'insertion pourrait ainsi varier de quelques mois à deux ans selon les cas. Il s'agit cependant à ce stade d'une position personnelle car nous n'avons pas discuté de cette question avec les structures concernées. Et une telle mesure nécessiterait des garde-fous afin que l'exception ne devienne pas la règle. L'aide au poste présente aussi l'avantage de permettre aux structures d'insertion de conclure des contrats d'une durée de travail hebdomadaire très courte au début de la période d'accompagnement, qui deviennent progressivement des contrats à temps plein. Nous en avons fait l'expérience avec des associations de lutte contre l'exclusion telles qu'Emmaüs.
Il est vrai que la situation difficile sur le marché de l'emploi ne facilite pas les sorties positives. Mais il ne me paraît pas opportun de retenir un système identique à celui qui est pratiqué dans les entreprises adaptées aux personnes handicapées – où il n'y a quasiment aucune sortie. Il convient au contraire, selon moi, de maintenir une exigence de sortie positive. En revanche, il serait envisageable de faire évoluer les critères qualitatifs que nous retenons et d'examiner en particulier le lien qu'entretient la structure d'insertion avec le monde économique. On pourrait ainsi vérifier si la structure concernée a répondu à des clauses sociales prévues par des marchés publics ou privés et si elle a formé le salarié à des qualifications utiles sur le marché du travail. Il importe en effet que les structures d'insertion ne soient pas complètement déconnectées de l'activité économique – c'est-à-dire qu'elles n'aient pas une activité tellement spécifique que les personnes qu'elles accueillent n'ont aucune chance de retrouver un travail à l'issue de leur contrat.
Dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté, nous avons effectivement accompli un effort important pour allonger la durée moyenne du premier contrat d'insertion. Il y a deux ans, la durée moyenne d'un CAE était de six mois. Les personnes concernées restaient cependant plus longtemps en poste car leur contrat était renouvelé. Mais deux contrats de six mois n'équivalent pas à un contrat d'un an. C'est pourquoi nous avons beaucoup insisté auprès de nos services déconcentrés ainsi qu'auprès des employeurs pour qu'ils portent la durée de leurs contrats à un an. Certaines associations et collectivités jugent cette durée trop longue et la solution antérieure, plus souple. Mais tout dépend de quel point de vue l'on se place. Désormais, la durée moyenne des conventions initiales est de 11 mois.
Enfin, en ce qui concerne les perspectives budgétaires pour 2015, 350 000 CAE ont été financés cette année et 270 000 sont inscrits au budget prévisionnel 2015. Cela étant, des discussions éventuelles pourraient permettre de dépasser ce chiffre. 85 000 emplois d'avenir ont été financés en 2014 et 50 000 sont prévus l'an prochain dans le projet de loi de finances.
Il est légitime de se demander pourquoi toutes les associations ne recourent pas aux dispositifs simplifiés qui leur sont proposés. Mais les associations, une fois qu'elles sont bien installées et qu'elles ont appréhendé la complexité de la convention collective dont elles relèvent, ne voient aucun inconvénient à utiliser le système déclaratif normal. Il importe aussi de préciser que ces offres de service se présentent comme des guichets uniques traitant de l'ensemble des frais auxquels les associations sont assujetties, y compris en matière de prévoyance et de retraite complémentaire. On peut donc comprendre qu'un employeur préfère garder la main sur la gestion de ce type de cotisations. Voilà sans doute pourquoi le système déclaratif de droit commun semble convenir à de nombreuses associations.
Enfin, s'agissant de l'exemple que vous avez cité, si je ne peux répondre dans le détail, je rappellerai que le CEA vise précisément à faire face à ce type de cas puisqu'il est destiné aux associations qui embauchent moins de neuf équivalents temps plein (ETP) au cours d'une année. Les utilisateurs du CEA sont donc majoritairement des entreprises faisant appel à de l'emploi occasionnel.
L'audition s'achève à douze heures cinquante-cinq.
Membres présents ou excusés
Commission d'enquête chargée d'étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, de proposer des réponses concrètes et d'avenir pour que les associations puissent assurer leurs missions, maintenir et développer les emplois liés à leurs activités, rayonner dans la vie locale et citoyenne et conforter le tissu social.
Réunion du 16 octobre 2014 à 12 h 05
Présents. – M. Alain Bocquet, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Régis Juanico, Mme Isabelle Le Callennec, M. Jean-René Marsac, M. Frédéric Reiss, M. André Schneider.
Excusés. – M. Martial Saddier, M. Jean-Louis Bricout.