Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du 21 janvier 2015 à 10h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • PIB
  • indicateur
  • inégalité
  • richesse

La réunion

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La Commission examine la proposition de loi visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques (n° 2285) (Mme Eva Sas, rapporteure).

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Pour élaborer cette proposition de loi, nous avons procédé à de nombreuses auditions, afin notamment de dresser un état des lieux, cinq ans après les travaux de la Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social, dont le rapport, publié en 2009, a eu un retentissement mondial. Nous avons ainsi auditionné MM. Joseph Stiglitz et Jean-Paul Fitoussi, président et coordonnateur de la commission, mais également des membres de l'Association des régions de France – ARF –, qui travaille à la mise en place de nouveaux indicateurs de richesse dans les régions, ainsi que les représentants des services statistiques, que nous avons interrogés sur ce qui était techniquement possible de produire dans des délais raisonnables ; enfin, nous avons auditionné la direction générale du Trésor pour connaître sa capacité à évaluer les politiques publiques à partir de ces nouveaux indicateurs.

Notre proposition de loi a vocation non à remplacer mais à compléter le PIB, qui demeure un indicateur important, robuste et fiable, permettant des modélisations et des comparaisons internationales, mais également des prévisions de recettes budgétaires. Le compléter par d'autres indicateurs permettrait néanmoins d'avoir une vision plus globale et plus juste de l'état de notre société.

L'ensemble des personnes que nous avons auditionnées nous ont en effet confirmé que le PIB était un indicateur incomplet qui, notamment, ne permettait pas d'anticiper les crises. M. Jean Pisani-Ferry nous a ainsi fait remarquer que les crises grecque, espagnole et irlandaise démontraient qu'une croissance soutenue du PIB pouvait ne pas être soutenable et être suivie d'un effondrement.

Quant à M. Joseph Stiglitz, il a rappelé que le PIB, comme d'autres indicateurs, reposait sur des hypothèses, des approximations et des conventions élaborées au fil du temps, ce qui ne l'empêchait pas d'être aujourd'hui un indicateur robuste et consensuel. Il ne s'agit donc pas d'attendre des nouveaux indicateurs qu'ils correspondent à des données parfaites.

S'il faut compléter le PIB, c'est qu'il s'agit d'un indicateur de flux, qui ne permet donc pas de mesurer l'état de notre patrimoine. Il ne prend pas en compte la dégradation, le maintien ou l'amélioration du capital naturel et environnemental, pas plus qu'il ne permet d'évaluer la dette ou le déficit en regard du patrimoine économique de la nation. Rapporter la dette publique au PIB occulte notamment la question des investissements. Du fait de sa « règle d'or » budgétaire, l'Allemagne, par exemple, connaît un mouvement de désinvestissement important qui appauvrit le patrimoine que le pays lèguera aux générations futures.

Nous avons également besoin d'indicateurs permettant d'évaluer, au-delà du PIB, la soutenabilité sociale des politiques publiques, notamment en mesurant les inégalités. Aux États-Unis, par exemple, le PIB a augmenté de 12 % depuis le début de la présidence Obama, tandis que le revenu médian baissait, signe que, malgré l'augmentation de la production, la situation des Américains se dégradait. Un indicateur renseignant sur l'écart entre revenu moyen et revenu médian aurait, dans ce cas, permis de mieux appréhender les inégalités et évité sans doute au président Obama ses récentes déconvenues aux élections de mi-mandat.

Si la France a été pionnière en la matière, un mouvement international se dessine aujourd'hui en faveur de la création de nouveaux indicateurs de richesse. De nombreuses initiatives se sont ainsi fait jour sous l'égide de l'OCDE, dans le prolongement des travaux de la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi, qui a ainsi connu des prolongements intéressants quoique mal connus en France. Citons en particulier le lancement de l'indicateur du « mieux vivre » – Better Life Index – qui intègre onze composantes, elles-mêmes déclinées en plusieurs indicateurs : le logement, par exemple, est appréhendé à travers son coût, l'accès aux équipements sanitaires de base et le nombre de pièces par personne. Cela permet d'obtenir une photo sociale et écologique de la société, qui complète utilement le PIB.

Le Royaume-Uni, pays dirigé par des conservateurs, s'est également emparé de la question, ce qui montre bien qu'il s'agit d'un sujet transpartisan. Soutenu personnellement par le Premier ministre David Cameron, un programme national a abouti à la création d'une « roue du bien-être » – ou Well-being wheel – comportant plus de quarante indicateurs objectifs et quantitatifs, auxquels s'ajoutent des indicateurs subjectifs – « Dans l'ensemble, à quel point êtes-vous satisfait de votre vie ? à quel point vous sentiez-vous anxieux, hier ? » – qui offrent un reflet des sentiments qui traversent la société.

En Allemagne, ont été imaginés neufs indicateurs venant compléter le PIB, dans trois domaines – l'économie, la qualité de vie et l'écologie – ainsi que neuf indicateurs d'alerte, dont nous pourrions nous inspirer : le taux d'investissement net, la distribution des revenus et la soutenabilité financière, pour l'économie ; le taux de sous-emploi, le taux de formation continue et l'espérance de vie en bonne santé pour la qualité de vie ; les émissions de CO2, la concentration d'azote et la biodiversité, pour l'écologie.

L'ARF a beaucoup travaillé sur la question des nouveaux indicateurs de richesse, dans le dessein d'établir des comparaisons entre les différentes régions et, au sein même des régions, entre les différents territoires. Elle a opté pour la mise en place de trois grands indicateurs synthétiques : l'empreinte écologique, l'indicateur de développement humain – IDH-2 – et l'indicateur de santé sociale – ISS – qui regroupe seize composantes. Une convention a, par la suite, été signée avec l'Insee, permettant de s'appuyer sur des données robustes. Ces indicateurs permettent notamment aux régions qui le veulent de mieux cibler leurs aides sur certains territoires en fonction des enjeux écologiques ou sociaux qu'ils mettent en lumière.

Le choix des indicateurs est éminemment politique puisqu'il correspond à des choix de société. C'est la raison pour laquelle, afin de laisser ouvert le débat, cette proposition de loi se borne à en proposer le principe sans les définir d'emblée. Il nous paraît essentiel en effet que le choix de ces indicateurs fasse, comme cela a été le cas dans les autres pays, l'objet d'une consultation citoyenne.

J'insisterai ici sur la tension qui peut exister entre la lisibilité et le caractère opérationnel des indicateurs. À titre d'exemple, en matière environnementale, les conférences de citoyens organisées par la région Nord-Pas-de-Calais ont plébiscité, pour sa portée pédagogique, l'empreinte écologique, qui permet de mesurer la pression exercée par les hommes sur les ressources naturelles ; les économistes, eux, lui préfèrent l'empreinte carbone, qui mesure les émissions de CO2 contenues dans notre consommation, importations comprises.

Il n'est pas nécessaire enfin d'adopter les mêmes indicateurs à l'échelle régionale, nationale ou internationale, même s'il est important de s'inscrire dans le cadre des initiatives internationales pour se doter d'outils de comparaison.

Après avoir été pionnière dans le domaine, la France prend désormais du retard dans la mise en place opérationnelle de ces nouveaux indicateurs de richesse. Je rappelle ici l'importance des travaux de la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi, qui préconisait de mettre l'accent sur les revenus des ménages, de prendre en compte le patrimoine – c'est-à-dire l'actif – en même temps que les revenus et la consommation, d'améliorer les mesures chiffrées de la santé, de l'éducation, des activités personnelles et des conditions environnementales, de procéder enfin à une évaluation exhaustive et globale des inégalités.

À la suite de ces travaux, de nombreux indicateurs ont été développés. Je vous renvoie ici à l'annexe XI du rapport économique, social et financier, qui est présenté chaque année avec le projet de loi de finances et qui recense vingt-trois indicateurs de soutenabilité environnementale et sociale, recoupant l'essentiel de nos préoccupations. On peut regretter néanmoins que les séries présentées ne soient pas toujours à jour et que certains indicateurs ne soient produits que tous les cinq ans. Plus problématique à nos yeux est le manque de visibilité conférée à ces données. Aussi plaidons-nous pour la production d'un petit nombre d'indicateurs qui, accolés au PIB, puissent faire l'objet d'un véritable débat au Parlement et influer sur le cours de nos politiques publiques. C'est tout l'objet de notre proposition de loi.

Un rapport de France Stratégie, publié en juin 2014, va dans le même sens et préconise de mettre en place sept indicateurs, dans les trois domaines de l'environnement, des inégalités et du patrimoine : les actifs productifs rapportés au PIB, la part des diplômés de niveau supérieur au brevet, la proportion artificialisée du territoire, l'empreinte carbone, les inégalités, la dette publique nette rapportée au PIB et la dette extérieure nette rapportée au PIB.

Comme nous l'expliquait M. Joseph Stiglitz, les freins les plus sérieux à l'adoption de nouveaux indicateurs de richesse sont souvent politiques et dépendent des orientations politiques retenues par les gouvernements : en l'occurrence, veut-on vraiment centrer le débat politique français sur la question des inégalités ou de l'environnement ? C'est ainsi que, sous l'administration Reagan, une proposition de loi avait été déposée pour mettre fin à la collecte de données sur la pauvreté, ses auteurs partant du principe que si la pauvreté n'était pas tangible, personne ne s'en préoccuperait !

Les choix politiques étant arrêtés, reste la question des obstacles techniques. Il faut aujourd'hui un délai de deux ans et demi pour produire un indicateur d'inégalités pertinent, délai porté à trois ans pour l'empreinte carbone. Réduire ces délais implique, selon l'INSEE, de consacrer à la production de ces indicateurs des enquêtes spécifiques, ce qui a nécessairement un coût. C'est évidemment, à mes yeux, un investissement à consentir.

Il ne s'agit pas pour nous de produire des indicateurs pour produire des indicateurs, mais pour se doter d'outils stratégiques et opérationnels permettant un meilleur ciblage et un meilleur ajustement des politiques publiques. Dans cette perspective, notre proposition de loi entend favoriser à terme le développement de modélisation permettant plus spécifiquement d'agir contre les inégalités et pour la préservation de notre environnement.

Elle se compose d'un article unique proposant la remise au Parlement par le Gouvernement, chaque premier mardi d'octobre, lors de la présentation du projet de loi de finances, d'un rapport présentant l'évolution d'indicateurs de qualité de vie et de développement durable, et évaluant sur l'année écoulée l'impact des politiques publiques et des réformes engagées, au regard de ces indicateurs.

Elle doit se comprendre comme la première étape d'une démarche qu'il reviendra ensuite à l'exécutif de faire sienne pour définir les nouveaux indicateurs de richesse à retenir et les intégrer au pilotage des politiques publiques.

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Je salue ici l'opiniâtreté d'Eva Sas qui, le 23 janvier 2014, avait déjà présenté en séance publique une proposition de loi organique visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse, dont le Gouvernement n'avait pas souhaité l'adoption.

La proposition de loi qui nous est présentée aujourd'hui a reçu, elle, l'agrément du Gouvernement. Elle propose la remise d'un rapport annuel au Parlement sur l'évolution à moyen terme d'indicateurs de qualité de vie et de développement durable, comportant par ailleurs une évaluation quantitative et qualitative de l'impact des réformes engagées ou envisagées.

Compte tenu de l'enjeu que constitue désormais le développement durable en termes de politiques publiques, de nouveaux indicateurs de soutenabilité doivent en effet être mis en oeuvre et, sans aller jusqu'à imiter le Bhoutan avec son « bonheur national brut », il semble nécessaire aujourd'hui au groupe SRC de déplacer le centre de gravité de la mesure statistique.

Ce qu'ont fait les régions en la matière est d'autant plus important que la future réforme territoriale renforce leur pouvoir économique. L'ARF a ainsi fait la promotion de trois indicateurs : l'empreinte écologique, l'indicateur de développement humain et l'indicateur de santé sociale. Quant à la région Midi-Pyrénées, elle a élaboré un tableau de bord partagé de vingt-deux indicateurs de contexte de développement durable et mis en place les agendas 21.

Quant aux délais de production des indicateurs, des progrès sont nécessaires, notamment pour garantir l'information de nos concitoyens. Mais, dès lors que nous aurons engagé la démarche, elle s'améliorera au fil du temps et les résultats suivront.

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Cette proposition de loi revient sur un sujet déjà débattu l'an dernier. Le groupe écologiste avait alors, à l'issue des débats, retiré sa proposition de loi.

Vous critiquez l'usage du PIB comme indicateur global de référence et vous souhaitez le compléter. Mais nous sommes dans une situation économique difficile et notre croissance est aujourd'hui très dégradée ; il faut accorder toute notre attention aux indicateurs qui traduisent vraiment la réalité de notre économie : le cours de l'euro, le cours du baril de pétrole, la croissance, le déficit. N'essayons pas de les relativiser ou de ternir leur image en inventant de nouveaux indicateurs. C'est bien l'aggravation de nos déficits qui doit retenir toute notre attention.

Votre démarche n'est pas inintéressante, mais il faudra être prudent : certains indicateurs ont un caractère approximatif ou subjectif et risquent donc d'être très imparfaits. Vous dites qu'ils refléteraient ainsi le sentiment de nos concitoyens : ces termes me paraissent bien vagues. C'est pour nous un sujet d'inquiétude.

Un seul indicateur, ce n'est sans doute pas assez ; mais il ne faudrait pas que nous en ayons trop. La profusion d'indicateurs nouveaux nous éloignerait de l'essentiel, c'est-à-dire des indicateurs de référence qui révèlent la dégradation de nos finances publiques et notre situation économique.

Je suis très choquée par la rédaction de votre amendement CF3, qui laisse penser que vous considérez l'inégalité comme une forme de richesse !

Votre proposition de loi prévoit la possibilité d'un débat au Parlement après la présentation du rapport, dont nous ne savons pas encore quels indicateurs il présentera. Il faudrait, me semble-t-il, écrire que ce rapport fait obligatoirement l'objet d'un tel débat.

Enfin, ce rapport n'est-il pas redondant avec d'autres qui existent déjà ? Quel sera son coût pour l'État ?

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Un nouveau rapport, est-ce vraiment utile ? Le rapport économique, social et financier existe : ne suffirait-il pas de l'enrichir ?

Les limites du PIB sont connues. Alfred Sauvy écrivait : « Épousez votre femme de ménage, et vous ferez baisser le PIB ! » N'oublions pas non plus les savants travaux de l'INSEE sur l'apport économique des femmes qui restent à la maison pour élever leurs enfants : si l'on tenait compte de ces heures, en les valorisant au SMIC, le PIB augmenterait d'au moins 15 % ! Si l'on sous-traitait entièrement l'éducation des enfants, notre PIB augmenterait considérablement, mais notre richesse s'en trouverait-elle accrue ?

Le groupe UDI est en revanche fermement opposé au calcul d'un indice du bonheur national brut. C'est un concept de pays totalitaire ! Le bonheur de chacun ne relève pas de la loi ou des compétences du Gouvernement.

L'une des plus graves critiques que l'on peut faire au PIB, qui cherche à mesurer les richesses produites chaque année dans un pays, c'est de négliger le capital. Nos systèmes comptables n'oublient pas, c'est vrai, le capital matériel. Mais nous valorisons mal le capital humain : je suis de ceux qui pensent que les entreprises, ou à tout le moins les grandes entreprises, devraient présenter dans leur comptabilité des annexes consacrées au capital humain, retraçant par exemple leurs actions de formation. Celles-ci constituent bien une forme d'investissement, alors qu'elles sont aujourd'hui considérées comme des dépenses courantes ! Nous négligeons aussi le capital naturel et nous l'utilisons sans attendre qu'il se reconstitue.

Pour autant, faut-il demander un nouveau rapport annuel au Gouvernement ou plutôt enrichir le rapport économique, social et financier ? Je penche pour la seconde solution. Vous avez raison, en revanche, de ne pas prévoir dans votre texte la nature de ces nouveaux indicateurs, qui évolueront avec le temps.

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Je salue l'initiative salutaire d'Eva Sas. Dans un contexte de rétrécissement de la pensée et d'impasses économiques, il est important de se tourner vers de nouveaux horizons. Les dégâts causés par notre système actuel à notre société et à notre environnement sont trop souvent négligés.

Le PIB oublie aussi bien des choses qui contribuent au bien-être – Charles de Courson a cité l'exemple de l'économie domestique. On pourrait d'ailleurs estimer, inversement, que le développement des emplois familiaux a gonflé artificiellement notre PIB. Parmi ce que ce dernier laisse de côté, on pourrait également citer une grande partie du bénévolat et presque toute l'économie collaborative. La réflexion sur des indicateurs complémentaires est donc bienvenue. En revanche, le PIB inclut des activités de réparation, nombreuses : réparations de dégâts sociaux, environnementaux – assainissement des eaux, traitement des déchets – ou atteintes à la santé. Là aussi, nous devons réfléchir : si l'on excluait du PIB les réparations, il diminuerait énormément ! D'ici à la séance publique, nous pourrions peut-être avancer notre réflexion sur ces points.

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Le groupe GDR votera cette proposition de loi.

On pourrait certes dire qu'il s'agira d'un rapport de plus, un rapport qui ne fera que compiler des données qui existent déjà. Mais, si de nombreux pays essayent d'imaginer de nouveaux indicateurs, c'est parce que ceux-ci éclaireront des réalités aujourd'hui occultées : épuisement des ressources naturelles, montée des inégalités – bien soulignée par l'ONG Oxfam ces derniers jours. Le chiffre de la croissance du PIB ne nous dit pas en quoi consiste cette croissance.

De plus, durant les Trente Glorieuses, conformément à la théorie du ruissellement, la croissance finissait par concerner tout le monde. Aujourd'hui, même lorsqu'elle revient, elle ne profite qu'à quelques-uns, et les inégalités augmentent. Le PIB est certes un outil incontestable, mais il faut le compléter pour mieux calculer nos dettes sociales et environnementales.

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Le PIB, on le sait, est menteur ! Le rapport du Club de Rome, en 1972, montrait dès avant le choc pétrolier qu'il est un indicateur quelque peu frelaté.

Vous parlez des Trente Glorieuses : c'est une invention de Jean Fourastié, conçue dans la douceur de la bibliothèque du Conservatoire national des arts et métiers ! Sur le terrain, la situation n'était pas glorieuse pour ceux qui n'appartenaient pas aux classes favorisées : cinq classes d'âge sous les drapeaux en Algérie, destruction de l'épargne populaire par l'inflation, pollution géante de l'air et des rivières, accidents du travail par milliers… Nous sommes tous aujourd'hui, politiques, économistes, journalistes, influencés par cette idée des Trente Glorieuses, mais elle est très contestable !

Il est temps, en effet, de mettre en place de nouveaux indicateurs. N'en choisissons pas trop : un gros effort de synthèse est nécessaire. Ne fondons pas non plus trop d'espoirs sur ce rapport et sur la fiabilité des indicateurs.

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J'approuve ce qui vient d'être dit. Il me semble aussi que des indicateurs subjectifs seraient sujets à toutes les interprétations, et rendraient risquées les comparaisons internationales. Le Royaume-Uni comptabilise maintenant dans son PIB le trafic de drogue et la prostitution : j'espère que nous n'en arriverons pas là ! Mais la prise en compte d'indicateurs nouveaux me paraît dans l'ensemble une bonne chose. Je voterai donc cette proposition de loi.

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Je salue ce travail de qualité, et votre détermination à convaincre l'Assemblée nationale de l'importance pour notre pays de se doter de nouveaux indicateurs. En raison de notre agenda chargé, je regrette de n'avoir pu participer aux auditions des personnalités de très haut niveau qui ont été organisées par la rapporteure.

Pour avoir travaillé, en région, sur ces nouveaux indicateurs, je connais bien le retard de l'État par rapport aux collectivités territoriales : les élus locaux sont très conscients du décalage entre le PIB et les réalités du territoire. À cet égard, la carte établie par l'ARF est édifiante.

L'un des arguments de poids en faveur de ces nouveaux indicateurs est peu utilisé : c'est celui de l'écart qui peut exister entre le flux de valeur monétaire créée, que mesure le PIB, et la situation de notre patrimoine national.

Le rapport demandé par la proposition de loi sera donc très intéressant. Nous arriverons ainsi à élaborer des compromis entre les tenants de la croissance à tout crin et les partisans de la décroissance – qui, je le crois, nous mènerait à l'échec.

Vous nous présentez une version atténuée de la proposition de loi débattue l'an dernier. Vous allez donc moins loin que vous ne le souhaiteriez, et que je ne le souhaiterais moi aussi. Il faut néanmoins réfléchir dès maintenant à la façon dont nos concitoyens pourront s'approprier ces indicateurs et à l'utilisation que nous ferons de ce rapport. Nous devrions nous fixer des objectifs. Aujourd'hui, nous réfléchissons à de nouvelles péréquations, à de nouvelles politiques territoriales. Dans les régions, ces indicateurs influent déjà directement sur les nouvelles politiques : que faire à l'échelon national ?

Pourquoi, enfin, ne pas en débattre également au niveau européen ? Les sociétés européennes évoluent souvent de façon similaire, sur la question du travail des femmes par exemple. Nous pourrions peut-être nous mettre d'accord pour que l'Union choisisse quelques indicateurs, dans un premier temps. Cela permettrait de sortir de la pensée unique du PIB.

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Encore un rapport ! Je suis stupéfaite de constater qu'encore une fois, en France, on demande des rapports, qui servent à enterrer les problèmes. Si vous voulez de nouveaux indicateurs, madame la rapporteure, il faudrait notamment penser à l'investissement de l'État et des collectivités. Les fortes baisses des dotations aux collectivités locales auront des conséquences énormes. Vous souhaitez que les citoyens s'approprient ces nouvelles données, mais ce qu'ils voient, c'est bien le recul de l'emploi dans leurs régions !

S'il suffisait d'un débat au Parlement sur les inégalités, s'il suffisait de changer d'indicateurs, pour que la France aille mieux, nous le saurions ! Je suis, je l'avoue, pantoise.

L'Union européenne n'est absolument pas prête à changer nos références communes. Il est illusoire d'adopter nos propres indicateurs : le PIB, qu'on le veuille ou non, est une référence reconnue. Elle est certainement imparfaite. Qu'on lui adjoigne d'autres indicateurs, pourquoi pas ? Mais que l'on voie notre économie au seul prisme de l'écologie, ce n'est pas possible, car c'est un prisme déformant !

Je suis en train de lire le livre d'Hubert Védrine, La France au défi. Lui qui ne fait pas partie de ma famille politique ne parle pas de modifier les indicateurs, mais bien de la nécessité de revenir à l'équilibre budgétaire. C'est un engagement collectif et c'est là, je crois, l'essentiel : nous ne gagnerons rien à regarder ailleurs.

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Merci de votre initiative, madame la rapporteure, et merci d'avoir organisé l'audition de M. Joseph Stiglitz, qui était passionnante.

Il l'a dit, le PIB a beaucoup de défauts, mais il a aussi des qualités ! Il a notamment la vertu de refléter les transactions marchandes. Nous devrions d'ailleurs nous intéresser au PIB marchand, qui représente 80 à 85 % du PIB global : nous constaterions que nos 47 % de prélèvements obligatoires deviennent plutôt 49 à 50 % du PIB marchand…

M. Stiglitz recommande l'usage d'un bouquet d'indicateurs. L'OCDE fournit d'ailleurs désormais des indicateurs très divers qui portent sur l'éducation, la santé, l'environnement, et qui permettent les comparaisons internationales.

Il ne faut pas confondre les flux et les stocks. Certes, lorsque nous utilisons des ressources, nous mettons à contribution le stock. Mais l'exploitation de ces ressources produira du flux. Le recyclage, le retraitement des déchets sont également des flux et apparaîtront comme tels de façon positive dans le PIB. Les problèmes de modélisation économique sont réels : le PIB, somme des flux, n'est pas toujours le bon indicateur pour mesurer des externalités. Pour ne pas tout confondre, il est donc logique de créer des indicateurs séparés.

Je voudrais souligner, pour conclure, que l'évaluation est au coeur de la loi organique relative aux lois de finances : pour chaque politique publique sont établis des indicateurs, qui visent à nous aider à prendre des décisions judicieuses, à toutes les échelles. Je regrette que nous n'y fassions que très rarement référence, même dans les rapports spéciaux : ces indicateurs sont souvent cités, mais nous ne nous interrogeons guère sur leur pertinence comme sur leur évolution. Nous les utilisons en réalité très peu.

Un travail de fond doit être mené pour construire des indicateurs qui intègrent des éléments difficiles à quantifier, mais qui montrent la réalité des résultats de telle ou telle politique. La LOLF est une spécificité française, qui nous offre des instruments originaux : la commission des Finances devrait s'en saisir.

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Le débat sur les indicateurs, on le voit, est pleinement politique. Votre proposition de loi ne vise pas, me semble-t-il, à remettre en question l'usage du PIB comme indicateur de référence, madame la rapporteure.

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En effet, le PIB demeure essentiel : il ne s'agit pas de lui substituer de nouveaux indicateurs, comme le craignent Marie-Christine Dalloz et Véronique Louwagie, mais de le compléter.

Il est vrai, madame Rabin, que je n'ai pas cité précisément l'Union européenne : j'ai eu tort, car il est indispensable de mener cette réforme au niveau européen et international. Eurostat entame d'ailleurs une démarche proche de celle que j'ai exposée ici, proche aussi de ce que fait l'OCDE. Des indicateurs communs à tous les pays seraient vraiment utiles.

Il ne faut pas choisir trop d'indicateurs, c'est vrai. Quant à l'intégration du produit de la drogue et de la prostitution dans le PIB, j'y suis moi aussi fermement opposée, car c'est l'inverse de ce que nous prônons. Cela montre bien que le PIB ne reflète que ce qui peut être quantifié ; il est complètement déconnecté de l'idée du bien-être de chacun.

Madame Rabin, merci d'avoir insisté sur le travail des régions.

Monsieur Carré, vous insistez sur le fait que M. Stiglitz a montré que le PIB était un indicateur robuste et central ; il a aussi souligné qu'il était nécessaire de le compléter. Il allait donc dans notre sens.

La Commission en vient à l'examen de l'article unique de la proposition de loi.

Article unique

La Commission adopte l'amendement rédactionnel CF1 de la rapporteure.

Elle se saisit ensuite de l'amendement CF2 du même auteur.

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Plutôt que le « moyen terme » de la rédaction initiale, je propose de faire référence aux « années passées » : notre but n'est pas d'établir une prospective, mais d'examiner les évolutions passées.

La Commission adopte l'amendement.

Puis elle examine l'amendement CF3 de la rapporteure.

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Il s'agit d'un amendement de précision, qui spécifie que le Gouvernement devra en particulier retenir des indicateurs du niveau des inégalités. Madame Louwagie, il s'agit bien d'indicateurs de répartition des richesses.

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Après les observations d'Alain Rodet sur les Trente Glorieuses, et alors que nous voyons bien que la crise ne touche pas tous nos concitoyens de la même façon, cet amendement paraît d'autant plus pertinent.

La Commission adopte l'amendement.

Elle adopte ensuite l'amendement de précision CF4 de la rapporteure.

Elle adopte enfin l'article unique de la proposition de loi modifié.

Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné Mme Christine Pires-Beaune en tant que rapporteure pour avis sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe).

Membres présents ou excusés

Commission des Finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 21 janvier 2015 à 10 h 30

Présents. - M. Éric Alauzet, M. François André, M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, M. Laurent Baumel, M. Jean-Marie Beffara, M. Xavier Bertrand, M. Étienne Blanc, M. Jean-Claude Buisine, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Gaby Charroux, M. Pascal Cherki, M. Alain Claeys, M. Romain Colas, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Dassault, M. Jean-Louis Dumont, M. Alain Fauré, M. Olivier Faure, Mme Aurélie Filippetti, M. Marc Francina, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Claude Goasguen, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, M. Razzy Hammadi, M. Régis Juanico, M. Jérôme Lambert, M. Jean-François Lamour, M. Jean Lassalle, M. Jean Launay, M. Dominique Lefebvre, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-François Mancel, M. Hervé Mariton, M. Patrick Ollier, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, M. Alain Rodet, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Michel Vergnier, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Jean-Claude Fruteau, M. David Habib, M. Patrick Lebreton, M. Marc Le Fur, M. Victorin Lurel, M. Thierry Robert, M. Camille de Rocca Serra, M. Pascal Terrasse, M. Philippe Vigier, M. Laurent Wauquiez

Assistait également à la réunion. - M. Luc Belot