Commission de la défense nationale et des forces armées

Réunion du 4 février 2015 à 9h00

Résumé de la réunion

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  • militaire
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La réunion

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

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Mes chers collègues, je passe la parole à nos trois rapporteurs. Je dis bien trois, car MM. Jean-Michel Villaumé et Francis Hillmeyer ont de fait été accompagnés activement dans leurs travaux par Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes, qui s'est intéressée particulièrement à la question de la féminisation.

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Nous sommes ici pour vous présenter les travaux de la mission d'information sur la formation des militaires.

La formation des militaires représente, vous le savez, un enjeu stratégique pour nos armées. Elle constitue un capital immatériel sur lequel repose leur qualité opérationnelle. Elle assure, tout au long de leur carrière, un continuum entre les enseignements académiques, techniques et opérationnels.

Alors qu'elles sont fortement sollicitées sur les théâtres tant intérieurs qu'extérieurs, nos armées doivent maintenir des compétences de qualité et en nombre suffisant à l'intérieur d'une trajectoire de baisse de leurs effectifs. Elles doivent également s'adapter en permanence à l'évolution de leurs nouveaux équipements, dont la mise en oeuvre est de plus en plus complexe, tout en conservant les savoir-faire suffisants à la mise en oeuvre d'équipements plus rustiques demeurant en service. Elles doivent, enfin, tenir compte des évolutions de la société française et être capables de transformer de jeunes civils en militaires opérationnels, disposant des savoir-faire et savoir-être indispensables à l'accomplissement de leurs missions.

Nous avons rencontré un grand nombre d'interlocuteurs des trois armées : directeurs des ressources humaines, major général des armées, ancien commandant de force internationale et avons effectué plusieurs déplacements en France.

Nous nous sommes ainsi rendus dans les trois grandes écoles militaires que sont Saint-Cyr Coëtquidan, l'école navale et l'école de l'air. Nous avons également visité les écoles de sous-officier de l'armée de terre de Saint-Maixent et de la gendarmerie de Chaumont. Nous sommes allés aux centres d'instruction navale de Brest et de Saint-Mandrier, où sont enseignées toutes les spécialités de la marine, et à la base aérienne de Cazaux, où se déroule la dernière étape du cursus de formation de nos pilotes de chasse. Nous avions prévu de nous rendre au centre d'information et de recrutement des armées (CIRFA) de Paris et à l'école des sous-officiers de l'armée de l'air de Rochefort mais n'avons pas pu visiter tous les centres de formation et écoles de spécialité des armées – il aurait fallu prolonger la mission de plusieurs mois ! Nous avons cependant pu nous faire une idée assez précise du système de formation des militaires.

Celui-ci impose des parcours très exigeants à nos militaires, quel que soit leur corps ou leur armée. La condition de militaire, plus que tout autre métier probablement, impose en effet d'acquérir des compétences nouvelles, à chaque étape du parcours professionnel, à chaque changement d'affectation – et ils sont nombreux.

L'appareil de formation, ensuite, est très dense car notre format d'armée exige de disposer d'une palette de compétences extrêmement variée. Il a néanmoins connu de profondes mutations ces dernières années et a été largement rationnalisé.

Il est, enfin, en constante évolution, pour tenir compte des réorganisations au sein du ministère de la Défense, de la montée en gamme technologique ou pour faire face aux nouvelles menaces.

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Intéressons-nous tout d'abord aux parcours de formation.

Ils sont divisés en deux phases : la formation initiale, dispensée en école, éventuellement complétée d'une formation de spécialité, et la formation continue qui comprend à la fois des formations d'adaptation à l'emploi et, pour progresser dans la hiérarchie, des formations de cursus, ainsi que, pour les officiers, un enseignement militaire supérieur.

Les officiers, vous le savez, sont formés en trois ans par les trois grandes écoles militaires. Ils sont recrutés principalement par voie de concours à l'issue de classes préparatoires aux grandes écoles. Le taux de sélection, très élevé, permet de garantir l'excellence des futurs élèves-officiers. Des voies nouvelles d'admission ont été ouvertes ces dernières années pour diversifier le profil des recrues et toutes les écoles recrutent désormais également à bac + 3 et bac + 5 des étudiants venus de toutes les filières : écoles de commerce, instituts d'études politiques, université.

Si les effectifs concernés par ces nouvelles voies d'admission demeurent relativement marginaux, ils permettent néanmoins d'apporter aux profils des futurs officiers une diversité bienvenue, quand la grande majorité des élèves-officiers ont suivi leur classe préparatoire dans un lycée militaire. Dans la mesure où ils accomplissent une scolarité plus courte, leur formation est en outre moins coûteuse pour les armées.

C'est pour cela que nous encourageons les écoles militaires à poursuivre dans cette voie et à offrir davantage de places à ces profils nouveaux. Cela fait l'objet de notre première proposition.

Les cursus et les diplômes proposés par les écoles se sont également diversifiés. Au traditionnel diplôme d'ingénieur se sont ajoutées des filières nouvelles – master de l'école navale, parcours « études politiques » de l'école de l'air – ainsi que de plus en plus de partenariats avec d'autres universités ou grandes écoles qui permettent aux élèves de décrocher un double diplôme avec l'institut d'études politique d'Aix-en-Provence, l'école supérieure des sciences économiques et commerciales (ESSEC) ou encore l'école centrale de Nantes.

Nous avons pu aussi constater que les échanges de semestres avec des universités partenaires étaient de plus en plus nombreux et qu'une part croissante des promotions effectuait une partie de sa scolarité à l'extérieur, en France ou à l'étranger, et effectuait également des stages ou des projets de recherche. Il faut renforcer ces échanges et cela fait également l'objet d'une proposition de notre part.

Nos grandes écoles d'officiers nous semblent donc plutôt bien intégrées dans leur environnement universitaire – mais aussi industriel – et participent au rayonnement des armées. Il faut renforcer cette dynamique d'ouverture.

Pour consolider ces actions, comme le Livre blanc sur la défense de 2013 les y invite, nous pensons nécessaire de faire évoluer leurs statuts pour en faire des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP). Simples formations militaires, les écoles ne disposent en effet pas à l'heure actuelle d'une autonomie suffisante. Avec la réforme du soutien, elles n'ont pas la pleine maîtrise de leurs infrastructures ce qui les empêche de s'inscrire dans le long terme et rend plus difficile leur gestion. Un statut d'EPSCP leur permettrait de disposer d'une autonomie financière plus grande et de développer des activités pour valoriser l'utilisation de leurs infrastructures par des usagers extérieurs et de compléter ainsi leurs allocations budgétaires par des ressources propres. La marine réfléchit à ce statut pour son école navale et nous encourageons les autres armées à accélérer dans cette voie. Il s'agit de l'une de nos propositions.

Enfin, nous voulons souligner le caractère novateur du projet stratégique de l'école de l'air qui veut créer, à terme, une école unique en décloisonnant ses formations. Les élèves, quel que soit leur mode de recrutement, se verraient ainsi proposer des parcours de formation en fonction de leurs résultats et non plus seulement du mode de recrutement. Les sous-officiers ayant réussi le concours pourraient donc aller jusqu'au master, alors qu'ils s'arrêtent aujourd'hui au niveau licence. Un insigne unique « école de l'air » constituerait un repère commun d'identité collective. Là aussi, nous proposons aux armées de suivre cette voie-là.

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Les sous-officiers des trois armées suivent une formation de quelques mois, essentiellement pratique, dans leurs écoles respectives (Saint-Maixent, Rochefort et l'école de maistrance de Brest). Leurs choix de carrière sont plus contraints puisqu'ils sont directement recrutés sur une spécialité et ne peuvent en changer au cours de leur formation. Si le niveau général des candidats a augmenté, beaucoup de candidats étant diplômés de l'enseignement supérieur, la marine encourage le recrutement de bacs professionnels qui font, nous a-t-on dit, d'excellents marins sur la durée. La pédagogie de l'école de maistrance a été adaptée à ces nouveaux profils.

Le niveau des militaires du rang et des quartiers-maîtres de la flotte a aussi augmenté ces dernières années : plus de la moitié sont désormais titulaires du bac, alors qu'aucune condition de diplôme n'est exigée. J'ai pu constater au CIRFA de Poitiers que les armées recrutent en disant : « nous ne sommes pas une compensation à vos échecs scolaires » et encouragent les candidats à l'engagement à terminer leurs parcours scolaires avant de franchir le pas.

Leur formation, essentiellement militaire, ne dure que quelques semaines. Les candidats sont en nombre suffisant mais l'inconstance de notre jeunesse réserve parfois quelques surprises, et la découverte de l'institution militaire en fait partir quelques-uns dès les premiers jours.

À la sortie de leur école, officiers et sous-officiers poursuivent leur formation dans diverses écoles de spécialité quand les militaires du rang et les quartiers-maîtres de la flotte poursuivent leur apprentissage en unités.

Nos interlocuteurs ont bien insisté sur le caractère fondamental de cette formation initiale car c'est dans ces écoles que se forgent l'identité des aviateurs, marins et terriens ainsi que leur savoir-être.

La marine nationale, dans le cadre du plan « égalité des chances » a recréé son école des mousses en 2009 : 180 jeunes de 16 et 17 ans, y suivent une formation académique de niveau seconde professionnelle et une formation militaire et maritime. Les trois quarts d'entre eux s'engagent ensuite dans la marine en qualité de quartiers-maîtres de la flotte. C'est une formule originale, qui fait de bons marins mais, surtout, qui remet en selle un grand nombre des jeunes à qui le système scolaire ne convient pas. C'est pour cela que nous souhaitons que les deux autres armées adoptent des dispositifs de ce type. Cela fait l'objet de notre cinquième proposition.

Tout au long de leur carrière, les militaires vont ensuite, à travers la formation continue, prolonger leur formation à de nouveaux matériels et à de nouvelles missions. La formation continue comprend deux types de formation :

– des stages d'adaptation à l'emploi, aux changements d'affectation ;

– les formations de cursus, qui délivrent généralement des qualifications pour progresser en technicité et accéder à des emplois supérieurs.

Le parcours est particulièrement ardu pour les officiers car la formation joue pour eux un véritable rôle de sélection et que l'échec à un concours ou à un examen peut arrêter leur progression ou les conduire à quitter l'institution.

Au cours de leur première partie de carrière, les officiers se voient ainsi dispenser par les armées un enseignement militaire supérieur de premier degré. En fonction de leur réussite, ils pourront ensuite prétendre au deuxième degré de l'enseignement supérieur, dans un cadre interarmées, que représente l'école de guerre. Seule une minorité d'entre eux (moins d'une trentaine) pourra ensuite accéder au troisième degré, le centre des hautes études militaires, avant d'accéder aux grades d'officier général.

L'escalier social fonctionne assez bien dans les armées : les officiers de l'armée de terre sont, par exemple, à 70 % des anciens sous-officiers et les 23 des sous-officiers sont d'anciens militaires du rang. À l'intérieur de leur corps, les sous-officiers et militaires du rang passent également un certain nombre de qualifications qui leur permettent de gagner en technicité et de progresser en responsabilité.

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Venons-en à présent à l'organisation de l'appareil de formation. Il est en constante mutation, pour s'adapter aux exigences opérationnelles, aux nouveaux équipements et à la réduction du format des armées.

Il est cependant impossible d'en connaître le coût global, aujourd'hui. Nous y reviendrons plus tard.

La responsabilité de la formation des militaires est du ressort de chacun des chefs d'état-major mais un comité coordinateur de la formation, coprésidé par un représentant de l'état-major des armées et le directeur des ressources humaines du ministère de la Défense (DRH-MD), est chargé de la réflexion, de la concertation et de l'arbitrage pour ce qui concerne les actions de création, de mutualisation, de rationalisation de la formation du personnel civil et militaire du ministère de la Défense.

Cette instance a permis de procéder à un grand nombre de regroupements et de mutualisations dans l'appareil de formation, qui est aujourd'hui largement rationalisé.

Des regroupements d'écoles ont déjà eu lieu au sein de chacune des armées, principalement dans l'armée de terre. Pour ne citer que quelques exemples, l'école d'application de l'infanterie de Montpellier et l'école d'application de l'artillerie se sont regroupées en 2010 pour former les écoles militaires de Draguignan ; l'école militaire supérieure d'administration et de management a rejoint le site des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, fusionnant ainsi avec l'école militaire du corps technique et administratif, pour former l'école d'administration militaire.

Si quelques efforts de regroupements de sites peuvent certainement encore être accomplis, les coûts en infrastructure pourraient s'avérer dirimants dans de nombreux cas. En outre, la fermeture d'écoles, conjuguée à la fermeture de plusieurs régiments pour répondre aux exigences de la loi de programmation militaire (LPM), risquerait de se heurter à des impératifs d'aménagement du territoire, à l'heure où les déserts militaires se font de plus en plus nombreux.

Chacune des armées dispense par ailleurs aujourd'hui, en fonction de ses spécialités, des formations au profit d'une ou plusieurs autres armées. Les formations en question nécessitent des structures dédiées souvent significatives et spécifiques au métier concerné et dont la duplication s'avérait trop couteuse.

Du fait de son expertise en milieu aéronautique, l'armée de l'air assure par exemple la formation initiale des pilotes d'avions de l'aéronautique navale au profit de la marine.

L'école de l'aviation légère de l'armée de terre de Dax assure la formation initiale des pilotes d'hélicoptère de l'armée de terre, de la marine, de l'armée de l'air et de la gendarmerie.

L'école des fourriers de Querqueville de la marine assure la formation des militaires de la marine, de l'armée de terre et de l'armée de l'air aux métiers de l'administration, de la gestion des ressources humaines et de l'hôtellerie et de la restauration, ainsi que la formation des spécialistes de la restauration de la gendarmerie nationale.

Cette politique de mutualisation s'est accompagnée de la constitution et du développement de pôles d'excellence interarmées dans de nombreux domaines de spécialité : cyberdéfense ; munitions et pyrotechnie ; nucléaire – radiologique – bactériologique et chimique (NRBC) ; ciblage ; renseignement, pour lesquels la satisfaction du contrat opérationnel exige un niveau technico-opérationnel performant.

De l'avis des personnalités entendues, la marge de manoeuvre en matière de mutualisation est, au terme de quinze années d'efforts, désormais relativement restreinte et il semble difficile d'aller plus avant dans cette voie.

Une plus grande mutualisation des formations pourrait ainsi aller à l'encontre du principe de « juste besoin » identifié par chacune des armées. Plus un programme s'adresse à un profil diversifié d'élèves, plus le risque est en effet important qu'il ne réponde pas parfaitement à leurs attentes. La mutualisation peut donc, dans certains cas, comporter un risque de sur-formation en plus d'une perte de temps.

La logique du milieu ne doit également pas être négligée – toutes les armées sont très vigilantes sur ce point. La « décontextualisation » d'une formation hors du milieu maritime peut, par exemple, se traduire pour un marin par l'incapacité à transposer des apprentissages théoriques en une compétence pratique à bord de son unité, comme dans le cas particulier de l'exploitation des ondes hertziennes et des systèmes de chiffrement.

Le coût en infrastructures, je l'ai déjà dit, peut également s'avérer dissuasif dans certains cas.

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Cette politique de rationalisation se traduit également par un recours croissant à des partenaires civils pour des formations très techniques ou dans des domaines pour lesquels l'armée ne possède pas de compétence. Beaucoup de militaires suivent déjà des formations « externalisées » à Météo France, l'école nationale de l'aviation civile (ENAC), aux langues orientales, l'école des mines de Paris, Supélec ou Dauphine, par exemple. C'est un mouvement qu'il faut amplifier, la politique RH du ministère pour 2025 insiste là-dessus : certaines spécialités reposent sur des populations très faibles et il est plus intéressant de les faire former ailleurs (on le fait, dans un domaine marin, pour nos pilotes de l'aéronautique navale).

Les rapprochements avec nos partenaires étrangers sont en revanche plus timides. Les échanges entre académies militaires de pays partenaires sont solides mais mériteraient d'être encore développés, comme nous le proposons. Saint-Cyr a développé une initiative intéressante : elle accueille des cadets étrangers en semestre international pour des enseignements dispensés en langue anglaise. Cela attire de plus en plus nos partenaires étrangers qui disposent d'armées de taille plus modestes que la nôtre et y voient une voie possible d'externalisation.

Si les échanges s'amplifient, les exemples de coopération internationale sont en revanche plus rares.

Le plus poussé est probablement l'école franco-allemande de pilotage d'hélicoptères Tigre, basée à Luc, qui, depuis 2003, forme les équipages allemands et français au système d'armes avec un encadrement bi-national.

Le centre de formation franco-allemand des personnels technico-logistiques, situé à Fassberg, en Allemagne, forme pour sa part les maintenanciers de l'hélicoptère Tigre et relève de l'autorité du général commandant les écoles militaires de Bourges.

On peut enfin citer l'exemple de l'armée de l'air qui, à Cazaux, au sein de son école de transition opérationnelle « Commandant René Mouchotte » intègre depuis 2004 l'Advanced Jet Training School qui forme pilotes de chasse français et belges. Les belges ont en effet externalisé l'intégralité de la formation de leurs pilotes à la France.

Cela appelle de notre part d'autres initiatives.

Nous voulons également évoquer la question du partenariat avec les industriels. Ceux-ci sont très intéressés par les infrastructures proposées par les armées et les prestations de formation qu'elles peuvent délivrer. L'école des sous-officiers de Rochefort a déjà noué des partenariats fructueux avec plusieurs industriels. Cela pourrait constituer une source de revenus significative pour les armées, à condition qu'elles se dotent d'une véritable stratégie en la matière. Nous plaidons donc pour que l'état-major et la DRH-MD se saisissent pleinement du sujet et réfléchissent aux structures adéquates, EPSCP, fonds de dotation, pour que les écoles valorisent leurs savoir-faire et en recueillent directement les fruits. Cela fait l'objet d'une proposition de notre part.

Pour poursuivre ces mutations, les armées doivent impérativement se doter rapidement d'une comptabilité analytique de leur appareil de formation. Depuis 2009, les armées sont en effet incapables, comme nous venons de le dire, de produire les coûts complets de leur système de formation ! La réorganisation des chaînes du soutien et la création des bases de défense rendent impossible une vision consolidée des coûts de la formation. On n'a pu nous fournir qu'une estimation globale, un milliard d'euros par an, sans qu'il soit possible d'en connaître la répartition par armée, corps, type de formation – initiale ou continue. Ce point a été soulevé par la Cour des comptes et le contrôle général des armées et un groupe de travail devrait fournir de premiers résultats dans le courant du premier semestre 2015 avant une mise en oeuvre complète en 2016. Cet outil est indispensable aux choix qui doivent être faits en matière d'externalisation, de mutualisation et de valorisation.

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Nous nous sommes intéressés, pour finir, à quatre défis que devront relever les armées dans les années qui viennent.

Le premier défi est de renforcer la mixité dans les grandes écoles militaires.

La féminisation des admissions dans les grandes écoles militaires a commencé en 1972 avec l'école polytechnique mais ne s'est achevée qu'en 1993 avec l'école navale. Les femmes représentent aujourd'hui un peu plus de 10 % des élèves à l'école spéciale militaire (ESM) de Saint-Cyr et 14 % à l'école de l'air. Ces taux sont à peu près stables depuis une dizaine d'années et semblent satisfaire les commandements de ces écoles alors que l'on considère le seuil de 30 % comme décisif pour l'acceptation de la mixité.

Le classement en sortie des femmes est dans la moyenne mais leur orientation les guide plus particulièrement dans certaines filières : elles représentent 46 % des effectifs totaux de la filière administration et gestion, 47 % de la filière santé mais seulement 4 % des unités de combat.

Vous le savez, le ministre de la Défense n'a pas attendu la parution de l'ouvrage La guerre invisible, en février 2014, pour saisir pleinement des problèmes rencontrés par les femmes, notamment les violences sexuelles, au sein des armées. Il s'est doté d'un plan d'action depuis un an à la suite de deux rapports confiés au contrôle général des armées et à l'inspection générale des armées.

Ces deux rapports soulignaient l'acuité du problème dans les écoles de formation initiale, en particulier dans les écoles d'officier.

Le rapport Chevalier évoque ainsi, dans le cas de l'ESM de Saint-Cyr, le comportement « d'une petite minorité affichant une vision dépassée de la place de la femme dans la société et se traduisant par des insultes inadmissibles, des incivilités ridicules » ou, au mieux une « indifférence courtoise ». Les jeunes femmes, analyse-t-il, semblent avoir « intégré que le fait d'être femme constituait un handicap, que leur carrière en serait « naturellement » plus difficile et que se faire traiter de « grosse » faisait en quelque sorte partie du paquetage… » Le terme de « grosse » est employé couramment pour désigner les élèves féminines à Saint-Cyr… Le rapport Debernardy-Bolleli constate pour sa part « à quel point un certain nombre de ces jeunes [garçons] sont fermés à la réalité contemporaine de la défense » et relève que les évolutions notées en cours de scolarité « ne suffisent pas à rendre normale la situation des jeunes filles qui restent discriminées. »

Si nous n'avons pas relevé de difficultés particulières au cours des entretiens que nous avons conduits – dont la plupart ont été faits en présence de la hiérarchie, ce qui ne facilite pas ce genre d'enquête – personne n'a nié l'existence de comportements inacceptables.

Nous proposons quelques mesures pour relever ce défi de la mixité.

Il semble que l'origine du problème ne vienne pas tant des écoles que des classes préparatoires des lycées militaires, qui fournissent chaque année plus de 80 % des admis à Saint-Cyr.

C'est pour cela que nous réaffirmons la nécessité de diversifier les filières de recrutement, en ouvrant plus de places aux titulaires de bac + 3 ou bac + 5, et d'augmenter la proportion d'élèves-officiers qui accomplissent un semestre de scolarité dans un autre établissement. J'ai trouvé, pour ma part, qu'il y avait beaucoup de consanguinité au sein de ces écoles. Il faut les aérer ! Aujourd'hui, le continuum classes prépas-école fait que les futurs officiers restent en milieu fermé pendant cinq à six ans, ce qui n'est pas bon ! Il faut aussi proposer, en cours de scolarité, plus de possibilités d'effectuer un semestre dans une autre université ou à l'étranger.

Nous proposons également, dans la lignée des différents rapports remis au ministre l'année dernière, de féminiser davantage l'encadrement des écoles, en particulier ceux qui sont « au contact » des élèves, pour affirmer le caractère irréversible de la présence des femmes parmi les officiers. Aujourd'hui, et cela reflète bien le fonctionnement général de l'armée, l'essentiel des cadres féminins de Saint-Cyr est chargé des fonctions d'administration et de gestion !

Des actions de sensibilisation à l'égalité doivent également être mises en place dans les différentes écoles de formation initiale. L'état-major est en train d'élaborer un plan d'action en ce sens.

Des correspondantes mixité doivent enfin être accessibles à tous, ce qui n'est pas encore le cas dans les différentes écoles que nous avons visitées.

L'armée a tout à gagner d'une mixité plus importante. Les élèves sous-officiers que j'ai rencontrées à Saint-Maixent disaient tout le bien qu'elles pensaient de la mixité. Mais il faut atteindre un seuil de 30 % pour que cela ne pose plus de problème.

Le ministre devra certainement avoir une action plus volontariste si nous voulons relever ce défi.

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Le deuxième défi que nous avons mis en avant est celui des moyens de simulation utilisés pour la formation. Leur rôle est appelé à s'accroître dans les parcours grâce aux évolutions technologiques qui rendent leur conception moins coûteuse. Ils permettent en outre d'économiser des heures de vol ou de navigation, que l'on sait précieuses lorsque l'on connaît les tensions qui existent sur la disponibilité des équipements. Nous avons pu en voir plusieurs à l'occasion de nos différents déplacements. Il existe en fait de deux sortes :

– ceux qui simulent un système d'armes ou un matériel spécifique (avion, navire) pour acquérir un savoir-faire technique ;

– ceux qui simulent un centre de commandement ou une mise en situation, qui apprennent avant tout à travailler en réseau.

Le troisième défi est celui de la formation à la cyberdéfense. Le pacte défense cyber présenté il y a un peu plus d'un an par le ministre est très ambitieux. L'école des transmissions de Rennes, spécialisée dans les technologies de l'information et de la communication, développe aujourd'hui son catalogue de formations. Les écoles d'officiers sont également très actives : de chaires dédiés à la cyberdéfense sont en train d'y être créées, et Saint-Cyr et l'école navale participent activement au pôle d'excellence en cyberdéfense de Bretagne, créé il y a un an. L'activité en termes de publications est également importante, ce qui est fondamental pour nous aider à nous doter d'une pensée stratégique en la matière.

Enfin, nous pensons que les armées doivent adopter une stratégie plus ambitieuse en matière d'enseignement à distance et de certification professionnelle.

Ces deux outils permettent de diminuer le temps passé en formation.

Le catalogue d'enseignements à distance est en train d'être développé par les armées et, là aussi, les évolutions technologiques offrent des potentialités intéressantes dans les années qui viennent.

La certification professionnelle peut se faire par la reconnaissance de la validation des acquis de l'expérience (VAE) ou la délivrance d'un double diplôme civilmilitaire. Cette démarche demeure encore trop timide : seules 3 700 personnes ont bénéficié de la VAE depuis dix ans, ce qui est très faible. La politique RH du ministère à l'horizon 2025 s'est dotée d'un plan d'action ambitieux en la matière et il faut l'accompagner. Les parcours professionnels des militaires seront certainement plus courts à l'avenir et il importe donc de préparer au mieux leur reconversion, par la certification professionnelle, mais aussi par une politique d'échanges plus importante avec les institutions civiles, comme nous l'avons déjà dit.

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Pour conclure, nous pouvons dire que l'appareil de formation des militaires est réactif et déjà largement rationnalisé. Nos militaires suivent des parcours exigeants, qui font la qualité de leur engagement en opérations. Afin de conforter la place des armées dans la Nation et rester en phase avec les évolutions technologiques et sociétales, l'appareil de formation doit aujourd'hui poursuivre son ouverture vers les institutions civiles, tout en gardant ce qui constitue son ADN : développer chez ces hommes et femmes le sens de l'engagement au service des autres et du dépassement de soi.

Nos propositions sont les suivantes :

– augmenter, dans les écoles d'officiers, la proportion de places offertes aux étudiants ayant déjà accompli un premier parcours universitaire ;

– encourager les grandes écoles militaires à décloisonner leurs cursus pour tendre vers des modèles d'écoles uniques, assorties d'un insigne commun ;

– augmenter la proportion d'élèves-officiers effectuant un semestre de scolarité dans un autre établissement d'enseignement supérieur et accueillir, dans le même temps, une plus grande proportion d'étudiants issus de ces établissements ;

– augmenter la proportion d'élèves-officiers effectuant un semestre de scolarité dans une académie militaire étrangère et accueillir, dans le même temps, une plus grande proportion de cadets issus de ces établissements ;

– encourager les écoles militaires à adopter un statut d'établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) ;

– favoriser la création, dans chacune des armées, d'écoles à destination des élèves en situation d'échec scolaire, en y consacrant des moyens spécifiques ;

– doter au plus vite les armées d'un outil complet de connaissance des coûts de l'appareil de formation ;

– définir une méthodologie, commune aux trois armées, permettant de préparer et de développer des partenariats de formation avec les industriels ;

– amplifier la féminisation des effectifs des cadres des écoles et des centres de recrutement pour promouvoir la mixité des choix de carrière des femmes.

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L'intérêt de ce rapport, qui traite d'un sujet fondamental, mérite d'être souligné.

Vous n'avez pas abordé la question de l'enseignement des langues – je pense notamment à l'anglais – dont on sait qu'il est loin d'être le point fort du système d'enseignement français en général. Pourtant, une bonne maîtrise des langues étrangères me paraît particulièrement cruciale pour les forces armées, non seulement parce que nous appartenons à l'OTAN, mais aussi parce que nous intervenons le plus souvent dans le cadre de coalitions internationales. Dans certains domaines, comme les opérations aériennes ou la cyberdéfense, l'anglais est d'ailleurs incontournable.

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Avez-vous étudié les difficultés que rencontrent les militaires du rang pour faire carrière au sein des armées ? Hier soir, le chef d'état-major des armées faisait valoir que dans nos armées, on peut s'engager comme militaire du rang et finir général de brigade ; je ne suis pas certain que cela soit fréquent… En somme, comment relancer l'ascenseur social dans les armées ?

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Avant tout, je tiens à vous dire combien je suis étonné que l'on ne puisse pas connaître le coût de la formation des militaires : c'est une situation proprement inimaginable, et il est à craindre que le même constat pourrait être fait pour beaucoup de corps de l'État. Quant à votre proposition qui tend à développer des périodes d'immersion dans le secteur privé dans le cursus de formation des militaires, je pense qu'elle mériterait même d'être étendue, et rendue obligatoire, pour tous les corps de l'État, tant la méconnaissance du secteur privé est grande parmi les agents publics.

Vous avez souligné la qualité de la formation de nos militaires, y compris de nos gendarmes, or la formation peut aussi rapporter des ressources financières : une plus grande ouverture de nos écoles militaires à d'autres étudiants ne permettrait-elle pas d'obtenir des financements supplémentaires ?

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Vous n'avez pas mentionné le service de santé des armées, alors même qu'une bonne formation de ses personnels est cruciale pour la capacité opérationnelle. Or le projet de service intitulé « SSA 2020 » prévoit la suppression de 345 équivalents temps plein, dont 85 pour les personnels de formation. Cette situation ne doit-elle pas appeler notre vigilance ?

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Notre dispositif de formation à l'anglais est bon – ce n'est d'ailleurs plus tout à fait une langue étrangère pour nos militaires… Nous avons pu observer dans les écoles la qualité des équipements affectés à son enseignement.

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Les laboratoires de langue sont en effet bien équipés, mais « à l'ancienne ». Cela confirme d'ailleurs l'intérêt qu'il y a à donner aux écoles militaires une plus grande autonomie de gestion, qui faciliterait l'acquisition de matériels informatiques plus modernes.

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Un statut d'autonomie accrue permettrait aussi à ces écoles de percevoir la taxe d'apprentissage, et de développer divers partenariats.

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Pour ce qui est de la question de la promotion sociale au sein des armées, que soulevait notre collègue Jean-Jacques Candelier, il faut souligner qu'elle fonctionne mieux que dans le secteur civil ! Toutes les possibilités d'évolution sont offertes à celui qui s'engage comme militaire du rang, pourvu qu'il en ait les capacités.

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Rappelons à ce propose que les trois quarts des officiers de l'armée de terre sont issus du rang. Dans la marine, la moitié des officiers mariniers sont issus du rang et 40 % des officiers de marine sont d'anciens officiers mariniers.

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La progression dans les armées fonctionne d'autant mieux aujourd'hui que désormais, les recrues ont presque toutes le baccalauréat, voire un bac + 2.

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Le cas du service de santé des armées, qu'évoquait notre collègue Philippe Vitel, mériterait une étude spécifique. Mais l'organisation de son système de formation a connu à peu près les mêmes évolutions que celui des autres armées et services, comme en témoigne le regroupement à Lyon-Bron de plusieurs de ses écoles.

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En tout état de cause, le projet « SSA 2020 » méritera un examen particulier dans nos prochaines discussions sur l'actualisation de la loi de programmation militaire.

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S'agissant de la gendarmerie, qu'a citée Monsieur Boisserie, nous nous sommes déplacés à l'école de Chaumont, dont nous avons pu apprécier sur place le bon niveau d'équipement. Elle dispose par exemple d'une « cyberbrigade » tout à fait intéressante.

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Nos écoles auraient tout intérêt à exporter leurs capacités de formation.

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Nos écoles militaires s'attachent aujourd'hui à se comparer aux universités et aux grandes écoles françaises. Mais, pour l'heure, il n'existe pas de comparaisons internationales : il n'y a pas de « classement de Shanghai » des académies militaires. Au niveau national, nos écoles militaires ont su développer des programmes d'échanges. Certaines écoles françaises, à l'instar de Sciences-Po, envoient systématiquement leurs étudiants passer un an à l'étranger. Mais deux freins limitent cette possibilité pour nos écoles militaires : d'une part, cela a un coût financier et, d'autre part, une année entière à l'étranger représenterait une part jugée trop importante du temps de scolarité, qui n'est que de trois ans.

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Si, comme nous le disait le chef d'état-major des armées hier soir encore, les armées françaises sont reconnues comme étant parmi les meilleures du monde, cela tient aussi à la qualité de la formation de leurs hommes et de leurs femmes !

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Puisque nous abordons la question de la promotion sociale au sein des forces armées, je tiens à souligner que 30 % des candidats qui entrent à l'école navale sont boursiers, et le fait qu'ils perçoivent une solde pendant leurs études contribue également à faciliter l'accès des jeunes issus de milieux défavorisés. La situation est sensiblement la même dans les autres écoles militaires, et je crois très important de le souligner.

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Il faut aussi souligner que les écoles militaires sont aussi, bien souvent, des « écoles de la deuxième chance ». Tel est le cas, par exemple, de l'école des mousses.

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Vous n'avez pas beaucoup évoqué la formation initiale des militaires du rang, qui s'effectue désormais non plus dans les régiments mais dans les centres de formation initiale des militaires du rang (CFIM). Il suffit de voir le comportement exemplaire de nos militaires du rang pour se convaincre de la qualité de l'instruction qui leur est délivrée. Quel est votre analyse sur ce sujet ?

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Vous nous avez fait le tableau d'une palette d'outils de formation à la fois large et organisée de façon rationnelle. Avez-vous cependant constaté des lacunes, ou des insuffisances ? Par ailleurs, quelle appréciation portez-vous sur les écoles dites « de la deuxième chance » ?

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On cite souvent l'école des mousses, mais elle n'est pas la seule en son genre : il existe aussi ce que l'on appelle encore les « écoles des enfants de troupe », comme celle d'Autun.

Je suis surpris que l'on ne soit pas capable d'évaluer le coût de notre dispositif de formation militaire. Ne pourrait-on en avoir une estimation, au moins approximative, en prenant pour base le montant que doivent rembourser à l'État les anciens élèves qui renoncent à leur engagement de servir dans les armées, comme tel est le cas, par exemple, d'un certain nombre de médecins formés par le service de santé des armées ?

Enfin, je me demande s'il n'y a pas quelque chose de paradoxal à recommander, comme vous le faites, d'accroître les capacités de formation de nos écoles, notamment d'officiers, alors que, dans le même temps, les effectifs du ministère de la Défense sont réduits d'année en année.

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Le rapport contient de nombreux éléments relatifs à la formation initiale des militaires du rang. Dans l'armée de terre, alors que le besoin annuel en matière de recrutement s'élève à 7 000 militaires du rang, on compte 2,4 candidats par poste. Ceci témoigne d'une certaine attractivité et permet d'assurer un recrutement de qualité. Dans l'armée de l'air, les recrues reçoivent une formation de huit semaines dans les centres de formation militaire élémentaire (CFME).

D'une manière générale, on constate une augmentation du niveau académique des candidats recrutés dans les centres de formation. À ce stade, la situation semble satisfaisante. C'est la raison pour laquelle nous insistions sur l'expérience l'école des mousses, qui nous semble originale et intéressante à reproduire. L'école des enfants de troupe d'Autun n'est pas l'équivalent de l'école des mousses : il s'agit d'un lycée militaire classique, qui délivre une formation académique, tandis que l'école des mousses bénéficie d'une pédagogie spécifique ainsi que d'une formation militaire.

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Michel Voisin évoquait les échanges avec le civil. Nous proposons d'augmenter les échanges entre les mondes militaire et civil. Un certain nombre d'étudiants issus de l'université pourraient rejoindre une école militaire pendant un trimestre et vice versa. Cela se pratique déjà actuellement, mais pas suffisamment selon nous. Il s'agit de donner aux universitaires le goût du monde militaire, qu'ils ne connaissent pas forcément très bien, et inversement. Les militaires vivent parfois dans une sorte de bulle ; nous souhaitons ouvrir un peu cette bulle.

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Nous souhaitons ouvrir le monde militaire au monde universitaire en augmentant, dans les grandes écoles militaires, la proportion d'étudiants admis aux niveaux licence, master 1 ou master 2.

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Sur la palette des formations, je dois dire que nous avons vu un éventail très large, qui va de la formation typiquement militaire stricto sensu à des formations mobilisables dans le civil – formations techniques notamment. D'où notre demande qu'il existe des équivalences entre les mondes civil et militaire.

Sur l'école de la deuxième chance, nous avons entendu des avis divers. Certains militaires estiment que l'armée n'a pas vocation à être l'endroit où l'on « recase » les personnes dépourvues de qualification au motif qu'il serait facile pour les armées de les accueillir. Ce n'est pas du tout le cas. La volonté est bien de donner une nouvelle chance à ces personnes, mais à condition qu'elles s'impliquent dans les études qu'on leur demande de suivre. On retrouve cet aspect au niveau du service militaire adapté (SMA) outre-mer, avec des formations à des métiers divers, mécanicien par exemple.

Concernant les coûts, c'est le changement du système militaire français qui fait qu'ils ne sont plus connus aujourd'hui. L'évaluation est en cours, nous savons que la Cour des comptes notamment y est très attachée. Nous devrions connaître, dès cette année, une première estimation du coût réel de la formation, c'est indispensable. Il faudra y veiller, c'est aussi le rôle de notre commission.

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À cet égard, nous comptons beaucoup sur la mise en place du logiciel Aramis, qui va être testé au deuxième semestre 2015 pour être généralisé à l'horizon 2016. Le chiffre d'un milliard d'euros a été évoqué mais, à ce stade, on en reste aux approximations. La Cour des comptes doit prochainement rendre un rapport sur le sujet.

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Il y a certes le coût de la formation, mais également le coût d'entretien des établissements. Nous avons notamment abordé ce sujet avec le général commandant l'école de Salon-de-Provence. Celui-ci nous affirmait que l'externalisation de services auparavant pris en charge en interne se révélait beaucoup plus coûteuse. Certaines personnes peuvent avoir des compétences acquises avant leur entrée en école militaire – en mécanique ou en électricité par exemple. Il s'agit peut-être de revoir ce système.

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Vaste sujet que celui de l'externalisation… Je souhaiterais revenir sur la question posée par Michel Voisin sur nos grandes écoles. Nos trois grandes écoles recrutent moins d'officiers du fait du dépyramidage. La question est donc : a-t-on besoin d'en former autant ? Dès lors, il faut que ces écoles s'ouvrent. Faute d'étudiants, et à plus forte raison dans le cadre de l'autonomie, des problèmes budgétaires pourraient se poser. Il est donc nécessaire d'ouvrir ces écoles qui forment aussi des ingénieurs. Elles pourraient accueillir des civils qui se formeraient au métier d'ingénieur. C'est une perspective que vous avez tracée dans le rapport et qui me semble très intéressante. Du reste, les commandants de ces écoles le souhaitent.

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C'est la raison pour laquelle nous insistons beaucoup sur l'évolution des statuts de ces écoles, avec davantage d'autonomie et d'ouverture au monde universitaire et aux entreprises.

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Avait été évoquée la création d'une école commune d'officiers avec une spécialisation en dernière année uniquement, sur le modèle de l'école du commissariat des armées. Une telle évolution aurait été dramatique. La France a un besoin global d'ingénieurs dans de nombreux domaines. Perdre trois grandes écoles d'ingénieurs constituerait un très mauvais message. Il faut les conserver, mais il est effectivement nécessaire d'ouvrir ces grandes écoles. Je crois que la réflexion avance, notamment à l'école navale.

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Je souscris totalement à vos propos Mme la présidente : l'ouverture est effectivement nécessaire. Il est bon que nos étudiants puissent aller au contact de l'Union européenne et de l'OTAN en particulier. Mais il est également utile que nous recevions dans nos écoles supérieures d'officiers des étudiants étrangers, et particulièrement des étudiants africains. Ces élèves deviennent par la suite, dans leurs pays, des vecteurs de l'influence française dans la durée, des avocats de la France. Ayant effectué l'école du commissariat des armées, je l'ai vécu personnellement ; les liens tissés au cours de la scolarité durent toute la vie. J'ai cru comprendre que les coupes budgétaires avaient pu restreindre notre ouverture en la matière alors que celle-ci est, à mon sens, essentielle.

Je rejoins également la présidente sur l'importance de l'identité d'armée, y compris dans les écoles. Il y a eu des velléités – qui, je l'espère, sont passées – de massifier la formation et de l'uniformiser, en lui appliquant un simple vernis maritime, aérien ou terrestre en fin de parcours. Ce n'est pas bon. Les jeunes qui s'engagent le font car ils ont une envie de terre, d'air, de mer, de gendarmerie. Ils ne s'engagent pas dans l'absolu, sans rattachement particulier. Il est important que l'on garde, à tous les niveaux de formation, cette notion d'identité d'armée et que l'on ne massifie pas excessivement les formations.

Une dernière remarque concernant la mixité. Je ne connais pas la situation dans les écoles mais, ayant eu l'occasion de faire un rapport sur le dialogue social dans les armées, je n'ai pas senti de problèmes particuliers en la matière. Dans le cadre de nos travaux, nous avions reçu des femmes officiers et sous-officiers pour leur demander comment elles percevaient leurs relations avec les hommes, supérieurs ou subordonnés. Systématiquement, elles ont évoqué le respect et n'ont fait état d'aucun problème. Je ne suis évidemment pas naïf, cela ne signifie pas qu'il ne se passe rien. Mais je ne voudrais pas que l'angle d'analyse retenu donne corps à des préjugés dans ce domaine. Après avoir rendu le rapport que j'évoquais, j'ai été interrogé par un journal mensuel national qui tenait à tout prix à me faire dire qu'il avait du harcèlement sexuel dans armées. J'ai répondu qu'il m'était impossible de l'affirmer, que le phénomène existait dans l'armée de la même manière qu'il existe dans l'ensemble de la société, mais que rien ne permettait de certifier qu'il était plus répandu dans le monde militaire. Mon interlocuteur m'a répondu que, dans ces conditions, le rapport ne l'intéressait pas ! Certaines personnes s'avancent avec des idées préconçues et cherchent absolument à nourrir leur réflexion dans le sens de ces idées. Je pense que dans les armées – je ne parle des écoles – la mixité est bien acceptée, et que le respect y est même plus répandu que dans la vie civile.

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Votre proposition de créer des établissements publics est-elle réellement pertinente compte tenu de leurs difficultés actuelles ?

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Je souhaiterais formuler une observation sur l'établissement public d'insertion de la Défense (EPIDe). Il s'agit d'un dispositif un peu spécifique : l'esprit est militaire, mais le financement ne l'est pas. Avec Marianne Dubois nous menons une mission qui traite notamment de ce sujet et nous pourrons vous apporter des précisions en la matière. Nous souhaiterons faire un bilan de l'EPIDe et tracer des perspectives d'avenir avec l'idée de le renforcer, le cas échéant, dans le cadre d'un grand service civique.

Compte tenu des nouvelles menaces auxquelles sont confrontés actuellement les militaires – notamment ceux de l'armée de terre comme en témoigne le cas grave de Nice – et dans le cadre de l'opération Sentinelle, avez-vous eu des informations sur des formations complémentaires adaptées à ces nouvelles menaces ? Vous n'avez peut-être pas eu le temps d'analyser cette question eu égard à son actualité très récente, mais il s'agit à mon sens d'un vrai sujet.

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Vous avez rappelé à juste titre l'excellence de la capacité opérationnelle de nos armées, conséquence d'un haut niveau de formation de nos militaires. De fait, si le système fonctionne, on peut évidemment chercher à l'améliorer mais il ne faut pas tomber dans le piège du changement pour le changement.

Sur le harcèlement, je rejoins notre collègue Gilbert Le Bris. Ce phénomène existe partout et nous devons être intraitables en la matière, sachant qu'il touche les personnels féminins comme masculins. Il faut éviter de tomber dans une démagogie un peu facile et dans les pièges qui nous sont habituellement tendus.

Quant à la mixité, je rappelle que l'objet de nos écoles est de former des cadres opérationnels. Le fait que le candidat soit féminin ou masculin n'importe pas ; il faut qu'il soit opérationnel. J'estime que la politique de quotas n'est pas une bonne politique. Si une candidate de haut niveau se présente, il serait absurde de la refuser au motif qu'on a déjà atteint le quota de 30 %, le même raisonnement étant valable pour un candidat. Si les rapporteurs partagent cette vision, je souscris entièrement à leurs propositions en la matière.

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L'intervention de M. Gilbert Le Bris n'appelle pas de remarques particulières, dans la mesure où nous sommes d'accord avec son analyse consistant à ne pas tomber dans le piège qui nous est tendu. S'agissant de l'identité des armées, nous avons fait le constat unanime que les écoles sont toutes attachées à une formation spécifique, d'où d'ailleurs la mutualisation de la formation des aviateurs. Pour répondre à M. Joaquim Pueyo, qui s'inquiétait des nouvelles menaces terroristes pesant actuellement sur la France, je précise que nos militaires sont déjà aguerris à s'auto-protéger au cours des OPEX où ils ont acquis des réflexes de sécurité. Les rencontres que j'ai faites m'ont montré qu'ils savent parfois mieux remplir une mission de surveillance que les gendarmes locaux. Ceux qui sont déployés aujourd'hui sur le territoire national sont efficacement formés. Il faut certes disposer de gens compétents, dans la mesure où ils sont armés, mais les écoles de formation les préparent bien à cette mission.

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Je vous précise, après avoir posé la question au général Jean-Pierre Bosser, chef d'état-major de l'armée de terre, que tous les militaires déployés dans le cadre de l'opération Sentinelle ont déjà participé à une OPEX.

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Pour répondre à la question relative à l'identité des écoles, qu'il faut préserver, il convient de souligner que se développent parallèlement des pôles d'excellence interarmées, dans des domaines nécessitant un certain décloisonnement. C'est, par exemple, ce qui est en train de se faire en Bretagne en matière de cyberdéfense avec la participation de plusieurs écoles militaires mais aussi d'entreprises et d'universités. Le vice-amiral Arnaud Coustillière, officier général en charge de la cyberdéfense à l'état-major des armées, qui a d'ailleurs fait l'objet d'un récent article dans Paris Match, nous a confié que si la formation à la cyberdéfense est essentielle, il demeure difficile de mettre en place une nouvelle filière. Le ministre de la Défense nous l'a précisé hier, il s'agit bien d'une « quatrième armée ». C'est donc une filière d'excellence concernant l'ensemble de nos armées qu'il s'agit d'instaurer, d'où la nécessité d'ouvrir les écoles et d'instaurer des partenariats avec des organisations internationales, telles que l'OTAN ou l'Union européenne.

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En matière de cyberdéfense, il est essentiel de distinguer deux volets. Aujourd'hui nous disposons, dans la mesure où nous sommes engagés dans des cyberguerres, d'une formation professionnelle destinée à ceux qui vont devenir des spécialistes. Mais j'insiste sur la nécessité d'intégrer également cette matière dans le cadre de la formation de tous les militaires, quels que soient leur grade, corps ou mission. Chacun doit en effet être informé des risques en matière de cybersécurité, cyberprévention et cyberhygiène. La France est un exemple en la matière.

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Je précise que dans le cadre de la loi de programmation militaire, un crédit d'un milliard d'euros a été prévu à cet effet et qu'un recrutement de 550 personnels d'excellence est en cours.

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Concernant l'identité des écoles, il y a indéniablement une volonté de préserver une culture d'école qui explique les réticences à envoyer les élèves longtemps à l'extérieur, mais nous disposons d'une armée commune et il faut donc préserver une certaine cohérence d'ensemble. Sur la mixité, notre rapport énonce certes que si les membres de la mission n'ont pas relevé de difficultés particulières au cours de leurs entretiens, deux rapports, celui du contrôleur général Gilles Chevallier sur l'égalité des femmes et des hommes de la Défense ainsi que l'enquête du contrôleur général des armées Debernardy et du général Bolelli de l'inspection générale-terre, font des constats sévères de la situation des femmes dans certaines écoles, surtout pour Saint-Cyr. Mes propos se référaient ainsi davantage aux constats de ces deux rapports plutôt qu'à notre propre analyse. Saint-Cyr n'a d'ailleurs pas nié l'existence de problèmes, ce qui est compréhensible dans la mesure où l'armée est une société comme les autres. Il ne faut donc pas nier ou minimiser les problèmes mais dire qu'ils sont désormais traités.

Le ministre de la Défense a en effet réagi tout de suite par la mise en place de « correspondants mixité » afin que les victimes ne soient pas obligées de passer par la hiérarchie. Le projet de loi examiné en 2014, suite à une question prioritaire de constitutionnalité, a fait le constat d'un phénomène identique dans l'université. Il est donc essentiel de trouver des structures adaptées. Le directeur général de la direction des personnels militaires de la gendarmerie nationale, le général Philippe Mazy, a indiqué lorsque nous l'avons rencontré qu'il avait enregistré environ 300 appels par mois de femmes harcelées depuis la mise en place d'un numéro d'appel direct. Ce phénomène se produirait d'ailleurs plus au sein de la gendarmerie, dans la mesure où les équipes de patrouille, constituées de trois gendarmes, sont de petits formats. Vous savez que je suis contre les quotas depuis toujours et que je défends la parité dans toutes les lois. Ici je ne défends pas la parité : les femmes doivent être recrutées sur leurs compétences et non en raison de leur sexe. C'est un constat que l'on peut faire dans toutes sociétés, il n'y a pas d'acceptation de l'autre sexe, masculin ou féminin en-deçà d'une proportion de 30 % sinon la minorité est discriminée. Or, beaucoup d'écoles n'affichent que 10 % d'éléments féminins et beaucoup s'en contentent. On est souvent face à des choix sexistes dans la mesure où les femmes intègrent qu'elles vont devoir mener un double métier de soldat et de mère, ce qui explique qu'elles vont plus vers les métiers de la santé, par exemple, alors que certaines sont très bonnes pour le combat. Il est très déplaisant que certains nient les difficultés. Un général m'a ainsi affirmé qu'il n'avait constaté qu'un cas de harcèlement depuis 2001. Je lui ai répondu que je ne le croyais pas ! Je ne cherche pas à maximiser le problème, mais il faut qu'on puisse en parler et surtout que les femmes, qui sont majoritairement victimes, trouvent des solutions dans l'armée et les écoles, pour être écoutées et entendues.

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Il est en effet essentiel qu'elles ne se cantonnent pas à des fonctions subalternes et de support logistique.

La commission autorise à l'unanimité le dépôt du rapport d'information sur la formation des militaires en vue de sa publication.

La Commission examine, en application de l'article 88 du Règlement, les amendements à la proposition de loi relative au renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires (n° 1365) (M. Claude de Ganay, rapporteur). Le tableau ci-dessous récapitule ses décisions :

ArticleAmendementAuteurGroupeSort
1er1M. Denis BaupinÉcologisteRepoussé
1er2M. Denis BaupinÉcologisteRepoussé
1er3M. Denis BaupinÉcologisteRepoussé
1er4M. Denis BaupinÉcologisteRepoussé
1er5M. Denis BaupinÉcologisteRepoussé
Après l'article 1er8M. Denis BaupinÉcologisteRepoussé
Après l'article 1er9M. Denis BaupinÉcologisteRepoussé
27M. Denis BaupinÉcologisteRepoussé

La séance est levée à onze heures.