La commission des Finances a décidé de créer une mission d'évaluation et de contrôle (MEC) relative aux financements et à la maîtrise de la dépense des organismes extérieurs de langue française. Cette mission est amenée à faire le point sur les actions en faveur du développement de la langue française et de la francophonie menées par les organismes partenaires auxquels l'État français verse des crédits budgétaires ou apporte d'autres formes de soutien – moyens matériels ou humains – pour les aider à accomplir leur tâche. L'existence de cette contribution justifie que le Parlement s'intéresse à la manière dont ces organisations utilisent les ressources mises à leur disposition. Cette mission sera menée par trois co-rapporteurs : moi-même rapporteur spécial pour l'action extérieure de l'État, M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial sur les crédits de la mission Aide publique au développement, et M. Jean-René Marsac, membre de la commission des Affaires étrangères.
Nous commençons nos travaux par l'audition de responsables de la direction des Nations unies, des organisations internationales, des droits de l'homme et de la francophonie du ministère des Affaires étrangères et du développement international. Madame Malausséna, vous avez la parole pour une présentation générale de votre mission.
Outre Béatrice d'Huart qui travaille sur les questions francophones depuis quatre ans et Johan Shitterer qui fait partie de l'équipe depuis trois ans, la Délégation aux Affaires francophones compte un autre rédacteur, Lucien Bruno, qui s'occupe des questions économiques. Je suis moi-même arrivée à la délégation il y a un an et demi.
La Délégation aux affaires francophones s'occupe de la Francophonie, avec un grand F, qui renvoie à la dimension institutionnelle du phénomène, et non de la francophonie – notion chère à Jacques Attali – qui désigne, bien plus largement, la défense de la langue française en France et dans le monde. Rattachée à la direction des Nations unies, des organisations internationales, des droits de l'homme et de la francophonie, elle gère la relation avec l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) – dont le siège se trouve à Paris – et ses quatre opérateurs : l'Agence universitaire de la francophonie (AUF), l'université Senghor d'Alexandrie, l'Association internationale des maires francophones (AIMF) et TV5 Monde. Je n'aborderai pas cette dernière car, au sein du ministère des Affaires étrangères, l'audiovisuel extérieur est traité par la direction générale de la mondialisation, et la contribution budgétaire est versée à TV5 Monde par le ministère de la Culture. Quant à l'Association parlementaire de la francophonie (APF), la vigie démocratique du système, son rôle ne se réduit pas à celui d'un simple opérateur.
Comment fonctionne notre relation avec les institutions de la Francophonie ? Comment la France fait-elle entendre sa voix et ses préoccupations ? Comment décide-t-elle de ses contributions ? Que représentent, budgétairement, les acteurs de la francophonie institutionnelle ?
Les crédits alloués aux acteurs de la Francophonie par le ministère des Affaires étrangères et du développement international – y compris les contributions statutaires à l'OIF – relèvent du programme 209, action 5 Coopération multilatérale, qui renvoie aux actions de coopération et de développement international auxquelles la Francophonie était historiquement rattachée. Au cours des dernières années, ces crédits ont connu une baisse sensible, passant de 56 millions d'euros dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2011 à 50,4 millions dans le PLF pour 2014 et à 49,4 millions dans le PLF pour 2015. À ces crédits il faut ajouter le loyer de la Maison de la Francophonie – le siège de l'OIF, situé rue Bosquet depuis 2010. Les crédits de paiement correspondants s'élèvent dans le PLF pour 2015 à 5 millions d'euros. En 2014, la France a contribué à hauteur de 40 % au budget de l'OIF, qui s'élève à 72 millions d'euros au total, et à hauteur de 65 % à celui de l'AUF, qui atteint 37 millions d'euros. Pour l'université Senghor d'Alexandrie, la contribution de la France s'élève à 55 % sur un budget d'un peu moins de 3 millions d'euros ; elle atteint 20 % pour l'AIMF. Enfin, la subvention versée à l'APF représente cette année 117 000 euros.
Le pourcentage que vous évoquez inclut-il la partie obligatoire de la participation de la France au budget de l'OIF ?
Les 40 % renvoient à l'ensemble de la contribution française qui se décompose en une part statutaire et une part volontaire.
En 2015, le budget de l'OIF s'élève à 72,5 millions d'euros et provient des contributions statutaires des États – pour 54 % –, des contributions volontaires – pour 28 % –, de quelques contributions exceptionnelles à des programmes particuliers – pour 9 % – et des reports budgétaires d'une année sur l'autre. Comme dans toutes les organisations internationales, la contribution statutaire des États est calculée en tenant compte de plusieurs paramètres tels que le produit intérieur brut (PIB), le PIB par habitant et, pour les pays les plus pauvres, l'endettement. Avec 14 millions d'euros en 2014, la France est le premier contributeur pour cette part obligatoire, le Canada suivant en deuxième position. Ce système de calcul – le même pour tous les États membres, sauf les observateurs qui versent une contribution forfaitaire – est contesté par le Qatar, membre associé de l'OIF, qui en raison de sa richesse par habitant donne davantage qu'un pays comme le Ghana. La contribution statutaire de la France apparaît relativement stable : autour de 13 millions d'euros en 2011-2012, 14,2 millions en 2014 et 14,3 millions en 2015 à la suite de la révision des paramètres de calcul et parce qu'il a été décidé que le budget de l'OIF augmenterait de 1,5 % entre 2014 et 2015. La France, qui défend la position de la « croissance nominale zéro » pour les organisations internationales, n'était pas favorable à cette augmentation. Isolés, nous avons cependant dû l'accepter avant le sommet de Dakar, mais nous avons obtenu que cette augmentation annuelle ne s'applique pas à la programmation quadriennale en cours et que la progression du budget soit réexaminée chaque année.
En France, c'est la part volontaire – en baisse notable depuis plusieurs années – qui cristallise la plupart des commentaires. Notre pays la fixe unilatéralement. S'élevant à 17,8 millions d'euros en 2010, elle est passée à 14 millions en 2011, 13,4 en 2012, 12,6 en 2013 et à un peu plus de 10 millions en 2014 – chiffre qui tient compte du dégel des crédits. Enfin, au 1er avril 2015, nous avons annoncé la somme de 8 167 000 euros. Cette baisse de la contribution volontaire – surtout marquante entre 2010 et 2011 – est notamment due à la prise en compte du loyer de la Maison de la Francophonie, entièrement pris en charge par la France, qui a progressé de 4,3 millions en 2010 à 5,6 millions cette année.
Tous les membres de l'OIF versent-ils une contribution volontaire ? S'acquittent-ils dûment de leurs contributions, ou bien certains cumulent-ils des arriérés de paiement ?
La Francophonie représentant un lieu de solidarité, ce sont plutôt les principaux contributeurs – la France, le Canada, la Suisse et la Fédération Wallonie-Bruxelles – qui versent cette part volontaire. Le Gabon le fait également.
Depuis deux ans, l'OIF a accompli un effort important pour récupérer les arriérés de contributions statutaires. Cette pression a contribué à réduire le nombre d'États qui ne payaient pas d'une quinzaine à six. Le Niger, par exemple, a versé tous ses arriérés – un effort considérable pour un pays aussi pauvre. De son côté, Djibouti a obtenu une remise partielle de sa dette, mais s'est engagé en contrepartie à reprendre les paiements.
Existe-t-il des cas d'exclusion pour non-paiement de la cotisation pendant plusieurs années ?
La Charte de la Francophonie ne prévoit pas d'exclusion pour non-paiement, mais les pressions amicales renforcées se sont montrées relativement efficaces.
J'espère qu'aucun État ne demande à la France de le subventionner pour payer ses cotisations.
Membre associé, le Qatar cumule en effet plus de 2 millions d'euros d'arriérés. Le seul moyen de pression dont on dispose est de priver les États qui ne paient pas du droit à la parole, mais le Qatar ne demande pas à en bénéficier…
Le barème des contributions est examiné par des groupes de travail. Il fait ensuite l'objet d'un avis des instances de la Francophonie. Parmi ces instances, le Sommet de la Francophonie – institution suprême – se réunit tous les deux ans : après celui de Dakar, fin 2014, le prochain aura lieu à Madagascar en 2016. Il y a ensuite la Conférence ministérielle de la Francophonie (CMF) qui se tient une fois par an et le Conseil permanent de la Francophonie (CPF), constitué des représentants personnels des chefs d'État et de gouvernement – ministres ou personnalités diverses. En France, Jean-Pierre Raffarin a ainsi été représentant personnel quand Alain Juppé était ministre des Affaires étrangères. Aujourd'hui, Annick Girardin est à la fois secrétaire d'État siégeant à la CMF et représentante personnelle du Président de la République auprès du CPF. Ce dernier se réunit trois fois par an – et plus à titre exceptionnel. Au-delà des commissions quotidiennes, c'est cet organe qui valide la programmation et le budget de l'organisation.
Que fait-on de nos contributions et quelle part prend la France dans les décisions ? L'utilisation du budget et la programmation des actions de l'OIF se décident au sein des quatre commissions de l'organisation : la commission administrative et financière – où siège Béatrice d'Huart –, la commission de coopération et de programmation (CCP), la commission politique et la commission économique. La commission politique prend, tous les mois, connaissance du rapport d'activité et du rapport sur les situations politiques dans l'espace francophone. En effet, à côté de son action culturelle, la Francophonie déploie également une action politique, qui a été largement développée par le président Abdou Diouf : observation d'élections locales, aide en amont des processus électoraux et assistance dans les situations de crise dans les pays qui en font la demande. Cette action est menée par la direction de la démocratie, de la paix et des droits de l'Homme, dirigée par le Français Christophe Guilhou. Quant à la commission économique, longtemps restée le parent pauvre de l'organisation, elle a pris une importance nouvelle à partir du sommet de Kinshasa où l'on a décidé de donner corps à une stratégie économique pour la Francophonie. C'est cette commission qui a élaboré le texte de stratégie économique adopté à Dakar. J'ai eu l'honneur de la présider jusqu'à récemment ; à partir du mois d'avril, elle sera présidée par la Fédération Wallonie-Bruxelles.
La programmation quadriennale pour 2015-2018, décidée à Dakar, s'inscrit dans un cadre stratégique sur huit ans, également adopté à Dakar. Quatre grandes missions ont été arrêtées pour 2015-2022 : langue française, diversité culturelle et linguistique ; paix, démocratie et droits de l'homme ; éducation, formation y compris professionnelle, enseignement supérieur et recherche ; enfin, développement durable, économie et solidarité. Cette dernière mission comprend la lutte contre le changement climatique, un sujet qui nous est cher et que nous accentuons en vue de la préparation de la conférence Paris climat 2015. À ces grandes missions correspondent quatre objectifs stratégiques globaux : accroître le rayonnement international et le développement de l'usage de la langue française ; renforcer le rôle et la place de la Francophonie sur la scène internationale pour améliorer le multilatéralisme et la gouvernance mondiale ; renforcer le rôle des femmes et celui des jeunes en tant que vecteurs de paix et acteurs de développement – thème du sommet de Dakar ; soutenir l'innovation et la créativité au service de l'économie dans une perspective de développement durable. En effet, la stratégie économique au sein de la Francophonie s'inscrit toujours dans le cadre du développement durable et de la solidarité. Certes, certains pays ont tendance à considérer que c'est à eux que cette action économique doit avant tout bénéficier, mais nous sommes convaincus que les échanges sont mutuellement profitables.
Comment contrôlons-nous et évaluons-nous l'exécution de ces actions programmées ? Tout d'abord, la commission de programmation fait un compte rendu annuel de la réalisation de la programmation ; nous en prenons connaissance et l'amendons. Des consultants externes à l'OIF donnent également leur avis à l'occasion de la procédure d'évaluation des CCP (commissions de coopération et de programmation). Par ailleurs, la Cour des comptes française a suivi l'activité de la Francophonie pendant huit ans, produisant divers rapports. Elle vient de passer le relais, pour au moins quatre ans, à la Cour des comptes marocaine. Enfin, une direction de l'audit interne a été créée au sein de l'OIF en janvier 2015. Elle est en cours de constitution. En tant que principal contributeur, la France a demandé de disposer d'un représentant au sein du comité d'audit et Béatrice d'Huart a déjà participé à la première réunion. Si quatre pays font aujourd'hui partie de ce comité : la France, le Canada, le Gabon et le Niger, cette composition est amenée à évoluer. Enfin, à la demande de Mme Annick Girardin, le ministère des Affaires étrangères et du développement international projette de confier lui-même un audit à des consultants extérieurs ; la décision devrait prendre forme dans le courant de l'année 2015. Mes collègues de la Direction générale de la mondialisation, qui piloteront ce projet, pourront vous donner davantage de précisions.
Dans sa lettre du 18 février adressée à Mme Michaëlle Jean, Mme Annick Girardin lui fait part des contributions – statutaires et volontaires – que la France versera en 2015 à l'OIF, mais également à l'AUF, à l'université Senghor et à l'AIMF. En effet, les contributions françaises passent par un fonds multilatéral unique au sein de l'OIF, qui répartit immédiatement les crédits, déjà fléchés, entre les différents opérateurs de la Francophonie. La procédure est différente pour TV5 et pour l'APF à laquelle la contribution est versée directement après la présentation de son rapport d'activité.
À quoi servira l'audit prévu en 2015 ? Au regard des missions que vous avez rappelées, quels sont les résultats de l'OIF et comment évoluent-ils dans le temps ?
Cet audit portera-t-il sur l'ensemble de l'activité de cette organisation internationale ou uniquement sur les actions liées au financement français ?
Les organisations internationales étant souvent marquées par des dérives en cette matière, il faut notamment s'interroger sur la part que représente le coût de gestion – rémunération des personnels, en particulier des dirigeants, et frais de fonctionnement – par rapport aux sommes qui bénéficient réellement à l'action.
Vous mettez le doigt sur une difficulté majeure : l'OIF étant une organisation multilatérale, les contributions – statutaires comme volontaires – des États, et en particulier de la France, ne sont pas « fléchées ». On ne contrôle donc pas la destination des sommes que l'on verse. Il serait sans doute plus satisfaisant pour le contribuable de savoir quel programme on soutient en priorité. Mais dans les organisations internationales multilatérales, c'est au moment de l'adoption de la programmation que l'on approuve les actions à mener et l'on ne peut se positionner plus spécifiquement sur une seule partie d'entre elles. Au demeurant, la France étant le premier contributeur, l'argent qu'elle verse couvre nécessairement l'ensemble de la programmation. Un pays ayant fait une contribution très réduite pourrait plus facilement demander de la « flécher » sur une action particulière ; mais pour la France, le fléchage équivaudrait à l'exclusion de certaines actions. Aucun autre État, pas même le Canada, ne suit l'affectation de ses contributions. Dans ces conditions, les auditeurs auront du mal à évaluer l'utilisation des seules contributions françaises. L'exercice prendra donc les allures d'un audit général de l'activité de l'OIF.
La France rappelle régulièrement aux opérateurs la nécessité de maîtriser les dépenses de fonctionnement et la masse salariale. Cette année, alors que le Canada se montre d'ordinaire plus sourcilleux sur cette question, nous avons été les seuls à tenir ce discours.
Dans le projet de budget 2015 de l'OIF – qui s'élève à 72,5 millions d'euros –, les dépenses de fonctionnement représentent 31,1 millions, et la programmation 38,8 millions d'euros.
Les coûts de fonctionnement représenteraient donc 42 % du budget ? Une partie de ces sommes doit concerner les actions ; qu'en est-il des seuls frais de gestion de la structure ?
En comptabilité analytique, le fonctionnement représente entre 18 et 20 %, une grande partie des charges de personnel sur le terrain relevant en fait de la programmation. Il est toujours difficile de savoir ce que l'on doit mettre dans chaque rubrique ; l'audit interne devrait se pencher sur la présentation du budget.
C'est toujours beaucoup, c'est pourquoi la position française consiste à défendre la « croissance nominale zéro » dans l'espoir que les économies seront faites sur les dépenses de fonctionnement et non sur la programmation. Malheureusement, ce n'est pas toujours ainsi qu'elle est interprétée.
Au-delà des missions et des objectifs globaux de l'OIF, on peut entrer dans le détail de la programmation. Par exemple, à l'objectif de valoriser l'usage et l'influence de la langue correspondent des programmes concrets qui portent sur la connaissance et la promotion du français, « le français dans les relations internationales » – programme qui vise à promouvoir l'apprentissage du français par les diplomates internationaux – ou encore « le français langue étrangère ». À l'objectif de contribuer à la prévention et à la gestion des conflits répondent des programmes concernant les transitions et les processus électoraux, le maintien et la consolidation de la paix, etc. L'ensemble des actions sont également déclinées par pays. Au total, la programmation apparaît donc assez fine.
Je voulais vous demander si la présentation des budgets et des comptes permettait de distinguer les dépenses de fonctionnement au sens strict du terme et les frais liés à des actions. Vous avez commencé à y répondre ; quels outils permettraient d'y voir encore plus clair ?
Par ailleurs, tout l'argent que la France verse à l'OIF vient-il du ministère des affaires étrangères ou bien, sur des actions précises, d'autres ministères y contribuent également ?
Pour l'OIF, le ministère des Affaires étrangères est le principal contributeur. L'Agence française de développement (AFD) participe au financement de certaines actions, par exemple à celui du programme Initiative francophone pour la formation à distance des maîtres (IFADEM), sur lequel l'OIF et l'AUF travaillent en partenariat avec divers organismes, notamment de l'Union européenne. La part du ministère de la Culture est passée, quant à elle, de 500 000 à 190 000 euros au fil des ans et le ministère de l'Enseignement supérieur verse 2 millions d'euros par an à l'AUF. Enfin, entre 2011 et 2013, des crédits du cabinet du ministre des Affaires étrangères dits de « sortie de crise », d'un peu plus d'un million d'euros, ont été accordés pour des actions « fléchées », notamment en Guinée ou à Madagascar. En 2013, par exemple, ils ont atteint 1,3 million d'euros.
L'OIF peut-elle être appelée à participer à des opérations bilatérales menées par le secrétariat d'État à la Francophonie ? Peut-elle subventionner des actions du Gouvernement français ?
L'OIF ne peut pas accorder de subventions, mais la France, l'AUF et l'OIF peuvent mener des actions communes et cohérentes, notamment en matière d'enseignement numérique et à distance.
Le soutien à la démocratie dans les pays francophones figure parmi les missions de l'OIF. Quels sont les pays qui en ont le plus bénéficié, notamment en Afrique ? Soutenons-nous le gouvernement tunisien qui fait face à d'importantes difficultés ? Lui fournissons-nous des appuis d'ordre logistique dans la lutte contre les intégristes ?
Parmi les pays qui en ont bénéficié, on trouve la Guinée-Conakry, Madagascar, le Niger, la République centrafricaine – un peu –, les Comores, le Tchad, la République démocratique du Congo (RDC) et la Tunisie ; mais ces crédits concernent la période 2010-2012.
Notre pays intervient souvent pour surveiller des élections dans le cadre européen ; existe-t-il également des missions de ce type dans le cadre au de la Francophonie ?
Oui, il existe des missions d'observation électorale, mais également d'accompagnement et de conciliation, comme au Burkina Faso. Ces missions ne concernent que l'espace francophone.
Existe-t-il des programmes de soutien à l'éducation incluant un suivi sur cinq ou six ans susceptible de montrer l'évolution des jeunes qui en bénéficient ?
C'est tout le rôle de l'Agence universitaire de la Francophonie (AUF). L'Agence, dont le siège est situé à Montréal, dispose également de bureaux à Paris, près de la Sorbonne. Son président, Abdellatif Miraoui, est un universitaire marocain, et son recteur jusqu'à la fin de cette année, Bernard Cerquiglini, est français. L'AUF n'étant pas une organisation internationale, mais une agence, il n'est plus question de contributions statutaires ou obligatoires. Les subventions gouvernementales volontaires représentaient en 2014 environ 75 % des ressources de l'organisation. Ces subventions ne sont pas versées par l'ensemble des États membres de la Francophonie, mais uniquement par la France, le Canada, le Québec, la Fédération Wallonie-Bruxelles et la Suisse. L'Agence bénéficie également de contributions contractuelles, qui représentent 12,2 % de ses ressources et viennent de l'Union européenne, de l'AFD ou de différentes universités. Ainsi, en 2015, un partenariat avec l'Union européenne devrait apporter 6 millions d'euros au programme IFADEM, le programme de formation à distance des instituteurs dans le primaire mené conjointement par l'OIF et l'AUF. La France plaide pour le développement de ces contributions contractuelles. L'Agence dispose enfin de quelques ressources propres que lui fournissent les cotisations des universités adhérentes et la vente de son expertise. La part des ressources propres restante encore faible, la France a suggéré à plusieurs reprises de réévaluer la cotisation des universités, qui représente un peu moins de 5 % du budget de l'AUF. Au total, les ressources de l'Agence s'élevaient en 2014 à 37,12 millions d'euros, la part de la France dans ce budget représentant environ 65 %.
Le champ de l'AUF excède de loin le périmètre de l'OIF. Cette dernière regroupe quatre-vingt États et gouvernements – cinquante-trois membres de plein droit, trois membres associés et vingt-quatre observateurs –, mais la francophonie ne s'arrête pas aux frontières de la Francophonie institutionnelle. Beaucoup d'études interrogent la définition d'un pays francophone, proposant par exemple d'y inclure les États où plus de 20 % de la population parle réellement français – à ce titre, l'Algérie est un pays francophone – ou ceux dont le français est la langue officielle. Israël ne devrait-il pas être membre de l'OIF ? Beaucoup – notamment Jacques Attali qui s'est exprimé à deux reprises devant la commission économique de l'OIF – estiment que l'approche de l'Organisation est trop étroite, la francophonie concernant le monde entier. Ainsi, si l'on fait l'effort de soutenir les francophones du Nigeria, leur nombre, actuellement faible, peut représenter jusqu'à plusieurs millions. Jacques Attali pense également aux francophiles et évoque la « francophilophonie » pour désigner l'attachement à la France et au français. L'AUF élargit déjà ce périmètre institutionnel de l'OIF puisqu'elle regroupe plus de 800 universités francophones dans plus de cent pays – dont certains ne sont pas membres de l'OIF –, qui trouvent grand intérêt à coopérer, à partager des programmes et à échanger des boursiers avec d'autres universités du réseau. L'OIF ne peut pas s'étendre au monde entier pour devenir une petite ONU. Mais des pays intéressés par la francophonie – l'Azerbaïdjan qui a nommé une diplomate ambassadrice pour la francophonie, le Kazakhstan qui y réfléchit ou le Mexique, devenu observateur à l'OIF – trouvent dans l'AUF une façon d'avancer sur ce chemin. J'y reviendrai lorsque j'évoquerai l'AIMF mais des actions sont également possibles par le biais des municipalités.
La programmation de l'AUF – également quadriennale, mais décalée d'un an par rapport à celle de l'OIF – a été arrêtée en 2013 à Sao Paulo. Quatre axes ont été retenus pour la période 2014-2017 : promouvoir les formations en valorisant la mobilité des personnes et des savoirs et l'acquisition des compétences utiles au développement – thème récurrent de nos échanges – ; faciliter la mise en réseau des chercheurs, des équipes et des laboratoires et leur rayonnement ; accompagner les institutions dans leur démarche de modernisation de la gouvernance universitaire ; contribuer au rayonnement international de l'Université et de la communauté scientifique francophone. Les universités concernées délivrent des formations linguistiques, juridiques, en matière d'environnement ou de développement durable.
Pour faire entendre ses préoccupations au sein de l'AUF, la France dispose d'un siège au conseil d'administration de l'Agence. Le conseil – qui se tient deux fois par an, alternativement à Paris et à Montréal – donne l'occasion aux États contributeurs de poser des questions, d'examiner le budget et de formuler des recommandations. Au sein du ministère des Affaires étrangères, les questions universitaires relèvent de la compétence de la Direction générale de la mondialisation. Aussi, lorsque je reçois le dossier du conseil d'administration, je me concerte avec mes collègues pour apprécier la cohérence des programmes de l'AUF avec l'action de la France. Lors des conseils d'administration, j'ai été amenée à insister sur quelques priorités, notamment sur le développement de l'enseignement numérique à distance – Massive open online course (MOOC) ou cours en ligne ouverts et massifs (CLOM) – et des diplômes correspondants, que la France promeut également au travers de programmes bilatéraux. L'AUF est particulièrement bien placée pour mener cette action : en effet, il faut s'assurer que les élèves disposent déjà d'un accès à un ordinateur – à cette fin, l'AUF développe des campus numériques –, qu'ils sont encadrés et peuvent, au moins, recevoir le soutien d'un maître, et enfin que l'apprentissage est sanctionné par un diplôme.
Parce qu'elle accorde des bourses pour des échanges interuniversitaires, l'AUF se présente également comme un outil de mobilité étudiante. Nous avons aussi beaucoup insisté sur la création d'un système pour répertorier les étudiants qui en ont bénéficié. Ce dispositif, essentiel pour le rayonnement et l'influence de l'Agence, est en train de se mettre en place avec le réseau « Confluence ».
La subvention française est fixée dans une convention d'objectifs et de moyens (COM) que nous signons chaque année, avec un cadre quadriennal.
Quel est le coût de fonctionnement réel – en termes de comptabilité analytique – de l'AUF ?
L'Université Senghor d'Alexandrie est un petit établissement de quelques 200 étudiants, dirigé par un recteur français, Albert Lourde. Située en plein coeur d'Alexandrie, l'Université est abritée dans un immeuble en très mauvais état mis à disposition par les Égyptiens, où règne une ambiance chaleureuse. Les subventions gouvernementales – versées par la France, le Canada, le Québec, la Suisse et Wallonie-Bruxelles – représentent 70 % du budget général de l'établissement. Les autres recettes viennent des formations professionnelles externalisées – les « campus Senghor » – dans les universités d'Afrique. En 2014, les ressources de l'université s'élevaient à 2,97 millions d'euros, la part de la France dans ce budget global atteignant 55 %. Le suivi se fait au sein du conseil d'administration où je siège aux côtés des représentants des autres États contributeurs.
L'Université Senghor est sans doute l'outil le plus en adéquation avec notre volonté de développer les formations professionnelles courtes dans les domaines tels que la gestion de l'eau ou des villes. Aux termes de ses statuts, l'Université a pour objectif premier le « développement africain », mais le succès de ses formations, légères et concrètes, est tel qu'elle est sollicitée au-delà des frontières de ce continent. Ainsi, lors d'un précédent conseil d'administration, l'on a évoqué la demande d'une université chinoise de bénéficier d'un campus Senghor, système qui permet aux établissements africains – au Sénégal, en Côte d'Ivoire ou au Burkina Faso – de voir une équipe d'enseignants français du réseau Senghor mettre sur pied une filière d'enseignement professionnel. Cette activité s'avère aussi intéressante sur le plan budgétaire car ces formations sont totalement financées par les gouvernements des pays concernés, voire engendrent des recettes pour l'Université Senghor.
Comme pour l'AUF, le conseil d'administration adopte un projet quadriennal et signe chaque année une convention d'objectifs et de moyens. Le mandat du recteur français se termine fin 2016.
Les enseignants de l'Université sont-ils tous des expatriés ou bien compte-t-elle des enseignants égyptiens ?
À Alexandrie, les quatre filières diplômantes recrutent dans toute l'Afrique. 30 % des enseignants sont Égyptiens. Quant aux campus Senghor, ce sont généralement des Français ou des Canadiens du « réseau Senghor » qui vont sur place pour former des enseignants.
Non, ils sont pris en charge par l'Université Senghor. Le Recteur Lourde essaie de recruter au maximum des Français. Il y a un fort retour sur investissement.
Confier l'enseignement à des Égyptiens et non à des Français ponctuellement expatriés contribuerait mieux au développement de notre langue et permettrait à de jeunes Égyptiens de faire des échanges avec la France.
C'est toute la stratégie de Senghor, initiée par la France au conseil d'administration : à partir de 2015, l'université accueillera des doctorants, l'idée étant de créer une nouvelle génération d'enseignants-chercheurs locaux, conformément à la volonté de l'AUF. Cela étant, les partenariats tissés par le Recteur Lourde entre l'Université Senghor et le réseau des établissements français et canadiens interviennent à des tarifs très compétitifs. L'Université ayant pour objectif de favoriser le développement de l'Afrique, la scolarité y coûte bien moins que dans les universités anglo-saxonnes.
Selon les documents présentés au conseil d'administration, les dépenses de personnel administratif – salaires, restauration, primes de fin de service – représentent 1 158 000 euros ; le personnel enseignant associé, 338 000 euros ; les formations externalisées, 327 000 euros – mais ces dépenses sont couvertes par des ressources propres. Les frais de fonctionnement – fournitures, énergie, bibliothèque, réceptions, cantine, assurances et colloques – représentent 332 000 euros.
Tout compris, les frais de fonctionnement et le personnel administratif représentent donc quelques 30 % du budget, soit bien plus que dans les universités françaises.
L'Association internationale des maires francophones (AIMF), créée par Jacques Chirac quand il était maire de Paris, a pour particularité d'être toujours présidée par le maire de notre capitale. Ce réseau de 260 villes, réparties dans quarante-huit pays, est donc actuellement présidé par Anne Hidalgo. Les subventions de la Ville de Paris et des gouvernements de plusieurs pays – France, Canada, Québec, Wallonie-Bruxelles – représentent 52 % du budget de l'AIMF ; les cotisations des villes membres, 9,5 %. En 2014, des contributions exceptionnelles – en l'occurrence celles de l'Union européenne – ont représenté 5 %. Le reste des ressources est constitué de quelques produits divers et des reports d'une année sur l'autre dans le cadre des programmes pluriannuels. Ils sont souvent importants : ils ont ainsi atteint 31 % du budget en 2014.
En tant que bailleur de fonds, la France, par le ministère des Affaires étrangères et du développement international, a un observateur au bureau de l'AIMF – mission remplie par Béatrice d'Huart – qui fixe les cotisations des villes et des communautés membres à l'occasion de ses deux réunions annuelles. Les montants sont ensuite actés par l'assemblée générale annuelle, qui s'est tenue la dernière fois à Paris. Il n'existe pas de procédures construites d'évaluation, mais un auditeur externe réalise un examen des comptes. On observe une volonté de maîtrise des dépenses de fonctionnement, passées de 1,6 million d'euros en 2012 à 1,5 million en 2014, pour un budget global d'environ 8 millions d'euros.
Les missions de l'AIMF s'organisent autour de deux grands axes : décentralisation et gouvernance locale ; et développement socio-économique durable. Chacun d'entre eux se décline ensuite en programmes plus détaillés : démocratie locale participative, dialogue et renforcement des capacités, gestion financière des collectivités locales, État civil et citoyenneté, autorités locales dans la coopération internationale pour le premier ; eau et assainissement, santé, solidarité numérique, culture et patrimoine, développement économique général pour le second.
Comme pour l'AUF ou pour l'Université Senghor, nous contractualisons nos relations par une convention d'objectifs et de moyens. Pour 2015, la contribution française au budget de l'AIMF représente 1,2 million d'euros.
L'AIMF est un acteur de terrain qui assure une mission de gouvernance en matière de relations entre villes et d'aide à la décentralisation. Elle mène également des opérations de terrain liées à l'eau et à l'assainissement et propose des formations qui aident les municipalités à assurer les tâches d'État civil – lequel permet ensuite de lever les impôts. L'Association envoie des experts et finance des programmes en ce sens. Il y a deux ans, elle a mené un programme très important relatif à l'eau. Cette année, elle travaille sur la sensibilisation des maires à la lutte contre le réchauffement climatique.
Ils conseillent, mais financent aussi des programmes autour de quelques dominantes choisies par le bureau.
Quel est le coût de fonctionnement de cette structure dont le budget s'élève à seulement 8 millions d'euros ?
Il est passé de 1,6 à 1,5 million d'euros. C'est une toute petite équipe, le secrétariat général réunissant dix personnes.
L'Association est évidemment en lien avec la direction du ministère des Affaires étrangères qui suit la coopération décentralisée et travaille en harmonie avec nos priorités. Ainsi, cette année, elle va contribuer à préparer la COP21.
Notre relation avec l'Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) s'établit de la même façon par une convention d'objectifs et de moyens. Les ressources de l'APF – un peu plus de 2 millions d'euros – proviennent des cotisations des membres, de la subvention versée par le ministère des Affaires étrangères, des droits de chancellerie de l'Ordre de la Pléiade et de quelques recettes imprévues. En 2015, le ministère des Affaires étrangères s'est engagé à contribuer à son budget à hauteur de 117 000 euros – versement stable depuis plusieurs années. Chaque année, nous demandons la communication du compte rendu d'activité de l'exercice de l'année passée.
Il s'agit de décorations. Fin 2014, Pascal Terrasse a ainsi décoré de l'Ordre de la Pléiade les collaborateurs d'Abdou Diouf.
La France est le seul État à contribuer à l'APF. Cette subvention relève du budget du ministère des Affaires étrangères.