Audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur.
La séance est ouverte à dix-huit heures.
Nous avons le plaisir de recevoir une nouvelle fois le ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve, très disponible pour notre Commission, ce dont je le remercie.
Nous parlerons, monsieur le ministre, de la coopération en matière de lutte contre le terrorisme, en particulier au plan européen, mais auparavant j'aimerais que vous nous donniez votre point de vue sur le projet d'accord de coopération policière et judiciaire qui a été signé avec les États-Unis et doit être examiné par notre Commission la semaine prochaine. L'ambassadrice américaine a demandé à me voir et je l'ai reçue avec Philippe Baumel, rapporteur du projet. J'ai bien compris l'importance que le Gouvernement des États-Unis accordait à cet accord.
La question des migrations a été le principal sujet des derniers Conseils européens des 17 et 18 décembre. À cet égard, le processus de relocalisation auquel nous avons donné notre accord prend du retard. Où en est-on ?
Quelle est par ailleurs votre appréciation de notre coopération avec la Turquie, coopération indispensable pour limiter le flux de réfugiés ?
En ce qui concerne la lutte contre la menace terroriste, nous sommes conscients de la nécessité d'accroître la coopération entre services de renseignement au plan européen ainsi que les échanges d'informations, en particulier dans le cadre d'Europol et du système d'information Schengen (SIS). Vous avez alerté à plusieurs reprises la Commission européenne sur les conditions de contrôle, ou plutôt de non-contrôle, aux frontières extérieures de l'Union. De nombreuses usurpations d'identité ont lieu par le biais de passeports volés ou récupérés dans les territoires passés sous le contrôle de Daech. Pouvez-vous faire le point sur ce sujet ?
Voilà quelques questions, auxquelles mes collègues en ajouteront d'autres après votre exposé préliminaire.
Je vais, sur chacun des sujets sur lesquels vous m'interrogez, tâcher de répondre le plus précisément possible.
En ce qui concerne, tout d'abord, la lutte contre le terrorisme, et notamment l'agenda européen, je dirai ce que nous avons obtenu et ce que nous devons obtenir encore, et ce d'urgence, si nous voulons éviter que Schengen ne s'effondre, dans un contexte où les menaces sur la libre circulation, compte de la situation migratoire et du danger terroriste, sont sérieuses.
Nous avons défendu en 2015 un agenda que nous avions présenté dès le mois d'août 2014, avant même que la crise migratoire ne prenne la dimension que nous connaissons et que les attentats ne frappent notre pays.
Premier élément de cet agenda, la mise en place de contrôles aux frontières extérieures de l'Union européenne nous apparaissait d'autant plus nécessaire que ces contrôles sont la condition du maintien de la libre circulation, et que nous constations que les flux arrivant vers l'Italie ou la Grèce, en leur absence, pouvait conduire à des tensions au sein de l'Union susceptibles de remettre en cause l'accueil de ceux qui relèvent du statut de réfugiés.
Le deuxième élément de cet agenda est la mise en place de dispositifs de rétention en vue de l'identification des migrants et de la distinction de ceux qui relèvent du statut de réfugiés et de ceux qui relèvent de l'immigration économique irrégulière, de manière à procéder à la reconduite dans leurs pays de ces derniers.
Le troisième élément est la négociation par la haute commissaire, Mme Mogherini, qui a reçu mandat pour ce faire, d'une convention de retour des migrants économiques irréguliers dans les pays de la bande sahélienne, et de la mise en place de centres de maintien.
Nous avons également accepté le principe, dès lors que l'ensemble de ces conditions seraient réunies, d'un dispositif de relocalisation et de réinstallation de migrants relevant du statut de réfugiés arrivés sur le territoire européen.
Nous avions ajouté à cet agenda des éléments concernant la lutte antiterroriste. Nous avons ainsi proposé une modification de l'article 7-2 du code frontières Schengen destinée à mettre en place des contrôles systématiques et coordonnés de l'ensemble de nos ressortissants revenant sur le territoire de l'Union, certains d'entre eux s'étant engagés dans des opérations à caractère terroriste en Irak ou en Syrie. Cette modification a enfin été présentée l'Union européenne, en décembre ; il faut à présent qu'elle soit adoptée et mise en oeuvre.
Nous avons également obtenu que la Commission LIBE (Civil Liberties, Justice and Home Affairs) du Parlement européen – et ce n'était pas du tout évident quand je me suis rendu pour la première fois devant cette Commission – se déclare en faveur du PNR européen, qui permettra d'établir la traçabilité de ceux qui franchissent les frontières de l'Union européenne en utilisant des moyens aériens. Notre agenda concernant le PNR a lui aussi été entendu, en grande partie, puisque les vols charters intra-européens ont été pris en considération, la durée de conservation des données sera de cinq ans, et la durée de masquage de six mois, là où nous demandions un an.
Enfin, la demande que je formulais depuis dix-huit mois, à savoir la révision de la direction 91 relative aux armes à feu, que la Commission européenne a tardé à mettre sur le métier en raison du fait, m'a-t-on dit, que certains experts du marché intérieur affirmaient que les armes devaient être traitées comme des marchandises à part entière, a été, après un long bras de fer, entendue, et la Commission européenne a proposé un projet de directive révisée le 15 décembre.
Cet arsenal suffit-il à faire face à la situation ? Une grande partie du chemin a été accomplie, et il faut que les décisions prises soient à présent appliquées, mais elles doivent aussi être complétées.
Ces compléments feront l'objet d'une nouvelle expression de demandes françaises à l'occasion du Conseil Justice et affaires intérieures (JAI), la semaine prochaine à Amsterdam. Il n'est pas admissible, au moment où nous assurons le contrôle des frontières extérieures de l'Union européenne, que l'ensemble des pays de l'Union qui disposent d'informations sur le caractère terroriste de l'activité de tel ou tel individu ne versent pas au SIS, comme nous le faisons nous-mêmes, l'ensemble des informations dont ils disposent. C'est un point sur lequel nous serons fermes. Lorsque nous interrogeons le SIS dans nos pays, au moment du franchissement des frontières extérieures de l'Union, par voie aérienne ou bien aux frontières de la Grèce ou de l'Italie, les fiches doivent sonner pour tous ceux qui présentent un risque.
Le deuxième point non négociable à nos yeux est la création d'une task force européenne mobilisant Europol et nos services de police spécialisés dans la lutte contre les faux documents, pour qu'un contrôle des documents soit assuré au moment du franchissement des frontières extérieures. Daech, c'est connu, a récupéré, en Irak, en Syrie, en Lybie, des passeports vierges et monté une véritable industrie du faux document. Les individus munis de faux papiers se font prendre les empreintes au moment du franchissement des frontières extérieures sous des identités fausses. Cette task force européenne pour l'identification des faux documents est donc centrale, sinon nous n'avons pas fini de disserter, après les drames, sur les trous dans la raquette et l'inefficacité des services de renseignement. Le problème n'est pas national, mais européen et global.
Troisième point : il faut obtenir l'interopérabilité du SIS avec d'autres fichiers criminels. Nous devons disposer, à travers le SIS, d'une banque de données européenne des empreintes digitales de ceux qui ont commis des infractions, à défaut de quoi la lutte contre le crime organisé restera parcellaire et insuffisante.
Cet agenda n'est pas négociable. Il n'est pas possible de mettre en oeuvre les dispositions que nous avons prises si ceux que nous avons raison d'accueillir parce qu'ils sont persécutés n'entrent pas dans le territoire de l'Union européenne avec toutes les garanties nécessaires. C'est notre responsabilité, si nous sommes attachés à ce que l'Europe demeure fidèle à l'esprit de ses pères fondateurs.
Il y a dix-huit mois, en août 2014, lorsque la France a fait la tournée des capitales européennes pour présenter ses propositions, tout le monde pensait que nous n'obtiendrions jamais le PNR, personne ne savait quoi mettre dans la réforme du code frontières Schengen – et chacun expliquait qu'il n'en voulait pas il y a encore six mois –, et je vous ai rappelé aussi ce qu'était la philosophie des experts du marché intérieur concernant la directive sur les armes. Sur tous ces sujets, notre agenda a finalement été retenu. Trop tard eu égard à ce qu'était l'urgence mais encore suffisamment tôt pour pouvoir être efficace.
L'« accord Prüm » transatlantique, à présent, représente une avancée particulièrement importante, dans un contexte marqué par une menace qui ne connaît pas de frontières ; les événements de ces derniers jours à Istanbul, Jakarta, Ouagadougou montrent l'intensité de la menace, qui peut frapper partout. Pour lutter contre le terrorisme et la criminalité organisée, cet accord, déjà approuvé par le Sénat français le 4 juin dernier, prévoit de renforcer la coopération entre la France et les États-Unis en matière d'enquêtes judiciaires. Il n'existait jusqu'à présent aucun accord bilatéral entre la France et les États-Unis, alors qu'une vingtaine d'autres États membres de l'Union européenne ont signé un tel accord.
À l'heure actuelle, la coopération judiciaire opérationnelle est déjà excellente entre nos deux pays. À titre d'exemple, c'est un renseignement américain qui a permis la saisie en juin 2012 de quantités très importantes de cocaïne dans le port du Havre. Si utile qu'elle soit, cette coopération n'est pas suffisamment institutionnalisée, en raison de la multiplicité des acteurs fédéraux américains, qui relèvent de différents ministères. Une fois ratifié, cet accord permettra de renforcer considérablement les échanges opérationnels entre nos deux pays, en les intégrant dans un cadre plus clair et plus efficace.
Aujourd'hui, seules les données dactyloscopiques et génétiques permettent d'établir avec certitude l'identité des personnes recherchées et de procéder à des identifications précises lors de l'utilisation par un même individu d'états civils différents. Lorsque l'on se penche, par exemple, sur le parcours de l'assaillant du commissariat du dix-huitième arrondissement, on voit qu'il est passé par de nombreux pays de l'Union européenne avec des identités systématiquement différentes, et des documents falsifiés. Il faut que toutes les vérifications puissent être faites par la consultation des fichiers existants, dans le plein respect des libertés et droits fondamentaux.
L'accord soumis au Parlement vise à faciliter les échanges d'informations dans ces domaines avec les États-Unis. L'objectif est de permettre aux points de contact nationaux de consulter les bases de données dactyloscopiques et génétiques de manière automatisée et au cas par cas.
Le point de contact national de l'État requérant est informé par voie automatisée d'une concordance ou de son absence dans les données indexées. Les consultations de données dactyloscopiques s'opèrent dans le respect de la législation nationale de l'État à l'origine de l'interrogation. La consultation automatisée de données génétiques n'est permise, pour procéder à des comparaisons sur la base d'une interrogation, que lorsque chaque législation nationale l'autorise et selon le principe de réciprocité. Pour la France, les fichiers interrogés sont le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) et le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED). À ce stade, cette information ne constitue pas une donnée à caractère personnel ; la seule information qui parvient à l'État est la confirmation que l'empreinte de l'individu figure dans la base des données interrogées, par la transmission des données indexées qui ne permet toutefois pas l'identification directe de la personne concernée. Cette identification n'est nullement automatique et n'intervient que lors d'une seconde étape.
Les dispositions de l'accord limitent les droits de consultation aux fins de prévention et de détection des infractions entrant dans son champ d'application ainsi qu'aux enquêtes exclusivement dans les domaines du terrorisme et de la grande criminalité.
Cet accord Prüm s'inscrit dans un contexte particulier. Le Gouvernement fédéral américain a mis en place, dès 1986, un programme d'exemption de visas pour les pays développés, dans le but de faciliter le tourisme et les voyages d'affaires sur son territoire pour des séjours n'excédant pas trois mois. Or, depuis les attentats du 11 septembre 2001, le maintien du programme implique que les pays bénéficiaires développent des échanges d'informations avec les États-Unis ; les États-Unis ont proposé la conclusion d'accords de coopération pour lutter contre le terrorisme et la grande criminalité.
En ce qui concerne la Turquie, la pression migratoire aux frontières de l'Union européenne est extrêmement importante : près de 870 000 entrées en 2015. La pression à la frontière méridionale de la France est toutefois la plus faible que nous ayons connue depuis de nombreuses années. Elle est un peu plus forte sur la façade septentrionale mais l'augmentation de la demande d'asiles reste, compte tenu du contexte, maîtrisée : nous sommes passés de 65 000 demandes en 2014 à 80 000 en 2015, à comparer aux 800 000 arrivées en Autriche et en Allemagne. Certains s'emploient à présenter les images de migrants traversant d'autres pays de l'Union européenne comme caractérisant la situation en France, mais cela ne correspond pas du tout à la réalité enregistrée par nos services ni aux statistiques de la direction générale des étrangers en France.
En contrepartie d'une aide financière de 3 milliards d'euros pour accompagner la maîtrise des flux migratoires, nous exigeons davantage d'actions de la part de la Turquie. Ce pays doit réaliser des réformes conséquentes en termes d'amélioration de sa législation sur les étrangers et la protection internationale, afin d'offrir un cadre de protection plus étoffé aux réfugiés syriens présents sur son territoire et d'éviter des départs. Il est par ailleurs essentiel de prévenir le transit par la Turquie de ressortissants d'États tiers, et nous attendons également des efforts substantiels en matière de réadmissions. Des engagements doivent être recherchés pour lutter contre le trafic de migrants en Turquie, pays où agissent des réseaux de passeurs. Il n'est pas non plus question de ne pas exiger un renforcement de la coopération en matière de lutte antiterroriste, même si cette coopération s'est déjà considérablement renforcée après les contacts que j'ai eus avec mon homologue turc en octobre 2014, contacts qui ont permis de régler un grand nombre de sujets, concernant par exemple la mise en rétention de nos ressortissants passant par la Turquie.
Je me rendrai en Grèce les 3 et 4 février pour évoquer ces sujets, et je serai également en Turquie, où j'aurai à m'exprimer sur les exigences que je viens de vous présenter.
Merci. Je partage pleinement votre analyse sur Schengen et la nécessité de renforcer le contrôle aux frontières extérieures, en plus des autres mesures que vous avez rappelées.
Les hot spots, que vous avez contribué à mettre en place, notamment en Grèce et en Italie, fonctionnent-ils ? Par ailleurs, des actions précises sont-elles conduites en matière de lutte contre les passeurs ?
Nous partageons tous votre analyse sur Schengen, mais je voudrais insister tout particulièrement sur l'urgence. Des réunions sont prévues à Bruxelles en février et en mars. Quel espoir avez-vous de recréer une solidarité réelle en Europe ? Nous avons tous été frappés par les décisions prises à certaines frontières de l'Europe, telles que l'installation de barbelés, décisions qui ont affaibli nos principes européens et internationaux. La présente crise est l'occasion de redonner à l'Europe l'image de la solidarité, de la défense, de la sécurité, dans le respect des principes internationaux.
Par ailleurs, comment considérez-vous l'évolution de la liberté d'expression en Europe ? Un certain nombre de mouvements tendent, me semble-t-il, à en réduire la portée. La France ne peut-elle retrouver un leadership, dans une approche d'équilibre entre la sécurité et la liberté ?
La lutte contre le terrorisme et le crime organisé est multiforme et complexe. Vous étiez hier à Grenoble, où vous avez fait des annonces importantes en matière de respect de l'ordre public. J'en profite pour vous remercier de votre décision d'augmenter les effectifs de police dans les zones de sécurité prioritaires, notamment dans le sud de ma circonscription. Comment comptez-vous répartir les moyens supplémentaires décidés par le Président de la République et vous-même après le 13 novembre entre les différentes sollicitations : lutte contre le terrorisme, renseignement, intervention, lutte contre l'insécurité et le sentiment d'insécurité ?
Pendant la dernière campagne européenne, nous avons entendu dire que l'Europe nous protégeait. Or l'idée européenne est aujourd'hui en train de mourir parce que les citoyens de nos pays ont le sentiment que l'Europe ne nous protège de rien. J'ai présidé pendant deux ans, jusqu'au 31 décembre dernier, la Commission des migrations du Conseil de l'Europe. Vous savez comme moi que plus d'un million de personnes sont déjà entrées en Europe, et les ONG que nous avons rencontrées nous annoncent entre 1,5 et 2 millions de personnes pour l'année à venir. Que fait-on, concrètement, pour contrôler un tant soit peu nos frontières ? Nous savons qu'une fois que les gens sont entrés, il est trop tard, et même si je comprends votre remarque, selon laquelle ce serait moins pire en France qu'en Autriche ou en Allemagne, nous sommes dans un espace ouvert.
J'approuve sans réserve vos conditions pour l'aide à la Turquie, mais comment comptez-vous faire pour qu'elles soient respectées ? Quel est le calendrier de versement des 3 milliards ?
Nous sommes loin de l'époque où l'on évoquait la Méditerranée par le prisme du processus de Barcelone ou de l'UPM. Au moment où la Méditerranée aurait besoin de réponses globales, à tout le moins européennes, sinon euro-méditerranéennes, on assiste à une balkanisation générale, l'Europe n'ayant pas conduit jusqu'à présent une politique unie et cohérente face au terrorisme et à l'évolution des migrations. Les images que nous voyons chaque jour à la télévision, notamment celles du No Comment d'Euronews, sont épouvantables et font honte à l'Europe. Il n'est pas permis de dire que la France s'en tire bien parce qu'il n'y a pas beaucoup de monde qui veut venir chez nous : nous sommes Européens, et vous avez, monsieur le ministre, évoqué votre exigence d'obtenir des solutions qui ne peuvent être qu'européennes, mais je ne vois hélas pas très bien où sont ces solutions et sur quoi peut se fonder un avenir relativement maîtrisé par rapport à ces questions. Si votre fermeté est reconnue, il n'y a plus aujourd'hui de frontière entre la guerre internationale, celle que la France mène avec ses soldats au Proche-Orient ou au Sahel, et la guerre que nous menons sur notre propre territoire pour sa sécurité, avec non seulement des forces de gendarmerie et de police mais aussi avec des forces militaires. À quel horizon voyez-vous une lueur d'espoir, à partir des exigences que vous avez rappelées ?
Vous avez débuté votre exposé en soulignant qu'il fallait éviter que Schengen ne s'effondre, mais Schengen s'est déjà effondré. Il existait dans le projet une utopie ab initio, qui consistait à croire qu'une frontière extérieure nous protégerait. Or la réalité géographique, structurelle, sociologique, politique, juridique de tous ces États n'est pas la même, et cela ne peut pas marcher de la même manière en Allemagne, où l'on applique Das Reglement, comme disent les Prussiens, et ailleurs. En outre, les bonnes choses qui existent dans Schengen, comme le SIS, ne fonctionnent pas, car tout le monde ne joue pas la même partition.
Le second problème, c'est l'extrême lenteur de l'adaptation du système. Ainsi, il est inadmissible d'entendre que ce fameux article 7-2 du code Schengen n'ait pas été modifié immédiatement après les attentats de Charlie. Vous constatez également la lenteur avec lequel le PNR se met en place.
L'Europe est une coalition, et vous connaissez le mot de Foch : « J'ai beaucoup moins d'admiration pour Napoléon depuis que j'ai commandé une coalition. » C'est la réalité et il convient d'en tirer les conséquences. Il faut cesser de jouer le jeu européen de cette coalition aux pieds nickelés, afin de pouvoir assurer la sécurité des Français. Vous savez qu'il existe une directive selon laquelle, dès lors qu'ils seront admis en Allemagne et auront des cartes de séjour, les 800 000 réfugiés circuleront librement. C'est la réalité européenne et cela pose donc problème, quand un État ouvre les portes de cette manière.
Je reste l'un des rares élus socialistes du nord de France à pouvoir encore évoquer avec vous la situation de Calais. J'observe avec intérêt le travail que vous y conduisez pour faire respecter avec fermeté les droits de la République, et vous avez de même fait évoluer les conditions de vie des migrants dans une exigence de dignité. Pour autant, je vous ferai les mêmes remarques que celles que je faisais à votre prédécesseur Daniel Vaillant lors de la crise du hangar de Sangatte. Le problème n'est pas à Calais, à Sangatte, ou dans la banlieue de Dunkerque, mais dans le flux qui continue d'être alimenté alors que l'Angleterre est aujourd'hui une voie sans issue. À l'époque de Sangatte, il y avait encore un goutte-à-goutte vers l'Angleterre, mais c'est terminé. Le problème doit donc être traité avant l'entonnoir de Sangatte. Il faut empêcher ces flux de s'engouffrer dans une poche désormais sans issue. Comment comptez-vous entraver l'accès à Calais ?
Les services de renseignement français ont-ils des relations avec les services syriens, pour savoir ce qui se passe dans ce pays en matière de migrations et de terrorisme ? Par ailleurs, où en sont nos relations avec l'Algérie, notamment termes d'échanges d'informations ? Sont-elles franches et cordiales, et qu'en est-il des procédures de réadmission ?
La semaine prochaine, un certain nombre de députés siégeront à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), à Strasbourg. À l'ordre du jour est inscrit le point suivant : « Combattre le terrorisme international en protégeant les normes et les valeurs du Conseil de l'Europe ». Vous avez sans doute entendu les déclarations du Commissaire aux droits de l'homme. Le débat s'annonce compliqué. Par mon intermédiaire, la présidence de l'APCE a demandé qu'un ministre français vienne s'exprimer. Votre cabinet m'a fait comprendre que vous étiez retenu par des débats au Sénat et à l'Assemblée nationale, mais je voudrais insister car la discussion va être très difficile pour la délégation française : pourriez-vous, s'il ne vous est pas possible d'être présent, nous déléguer un autre membre du Gouvernement ?
Les cabinets ministériels ont pour principale caractéristique de ne jamais parler à leurs ministres des bonnes idées suggérées par les parlementaires… Cela mérite d'être regardé de très près, car les déclarations du Commissaire aux droits de l'homme appellent une réponse. Les propos qu'il a tenus sont d'une grande imprécision et méritent par conséquent une réponse très précise. Je suis assez désireux d'administrer moi-même cette ordonnance.
La base de la lutte mondiale contre le djihadisme, c'est l'échange de renseignements. Comment se passent ces échanges avec les pays européens, les pays sunnites, les pays chiites, les Anglo-Saxons, les Israéliens ? Beaucoup de choses se passent sur internet : parvient-on à mieux coordonner la lutte contre la cybercriminalité ?
Comme Michel Terrot, je souhaiterais connaître l'état de nos relations avec l'Algérie concernant la lutte antiterroriste. De quelle façon coopérons-nous avec ce pays ? L'Algérie joue-t-elle le jeu avec nous dans ce domaine ?
Les migrations vers l'Europe se font surtout, aujourd'hui, depuis des pays situés à l'Est de la France, ce pourquoi on évoque beaucoup moins le flux migratoire par Gibraltar et l'Espagne. Avez-vous des éléments sur ce point ?
Le 13 novembre, lorsqu'il s'est agi d'intervenir au Bataclan, il semblerait qu'une première unité qui se trouvait sur place n'ait pu intervenir pendant de très nombreuses minutes en raison du fait que la répartition entre les différentes unités de la police et de la gendarmerie ne le permettait pas. Est-ce vrai ? Je souhaiterais par ailleurs des éclaircissements sur les conditions de l'assaut lancé en Seine-Saint-Denis, qui restent assez énigmatiques. Plusieurs articles ont relayé une version très différente de ce qui a été communiqué dans un premier temps, faisant notamment état de la présence d'une porte blindée, d'armes, ou encore du fait que les forces de l'ordre se seraient tiré dessus. Si certains de ces éléments sont exacts, de quelle manière pouvons-nous améliorer notre organisation afin de lutter plus efficacement contre les terroristes ?
Je souhaite aborder la question du renseignement de proximité. Beaucoup de terroristes ont grandi en France. La réforme de 2008 conduite par Nicolas Sarkozy a tenté de rationaliser les services de renseignement en fusionnant la direction centrale des renseignements généraux (DCRG) et la direction de la surveillance du territoire (DST), mais nous avons du mal à percevoir l'efficacité de ce qui est devenu la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Cette réforme a conduit à une disparition des agents de terrain, alors que le réseau avait été très long à constituer et permettait de capter ce que l'on appelle des signaux faibles. Comment peut-on capter ces signaux aujourd'hui, avec un réseau affaibli ? Quelles dispositions comptez-vous prendre pour recueillir des renseignements efficaces ?
Monsieur Dufau, les premiers hot spots ont été mis en place en Grèce et en Italie, mais ils ne correspondent pas encore au niveau d'exigence que porte notre pays. Pour que ces hot spots jouent pleinement leur rôle, il faut que nous soyons garantis, après l'arrivée et la prise en charge des migrants, que les empreintes soient prises et les identités vérifiées. Il faut donc aussi, même si cela fait débat avec nos partenaires grecs, que la rétention soit possible tant que ces vérifications n'ont pas été effectuées. Un embryon de structure se met en place, témoignant de la volonté des commissaires européens de faire en sorte que les décisions soient appliquées. Ces décisions sont appliquées dans des pays tiers, ce qui implique que ces pays eux-mêmes se mobilisent.
Nous obtenons en France de très bons résultats dans la lutte contre les passeurs. Le nombre de filières démantelées a augmenté de 25 % entre 2013 et 2014, et de plus de 25 % entre 2014 et 2015 ; les résultats depuis les quelques semaines du début de l'année sont également très bons. Ce sont des filières entières qui sont démantelées par les services de la direction centrale de la police de l'air et des frontières, en liaison avec des services étrangers, par exemple les Britanniques sur la façade septentrionale. Nous devons faire de la lutte contre les passeurs une priorité, par le biais du mandat donné à Frontex, et les coopérations avec Europol ainsi qu'entre nos services de police et de renseignement, pour que les résultats que nous obtenons en France soient obtenus dans la totalité des pays de l'Union européenne.
Madame Ameline, le lien entre solidarité et responsabilité est essentiel. En réponse également à MM. Mariani et Myard, qui évoquent la fin de Schengen, je dirai qu'il y a deux comportements possibles : soit l'on considère que l'Europe est un gigantesque chaos et qu'au nom du réalisme il faut en tirer les conséquences et donc ne plus rien faire, soit l'on considère que les difficultés sont une raison supplémentaire d'agir avec volontarisme, sur la base d'un agenda précis. Je préconise que la France défende la seconde stratégie au sein de l'Union. La passivité accentuerait considérablement le désordre, et agir de façon incantatoire serait également une manière d'affaiblir l'Europe.
Le contrôle des frontières extérieures fait partie des mesures déjà prises. Il a été décidé d'octroyer 250 millions de plus à Frontex, auquel nous nous-mêmes des personnels, et nous avons demandé la création d'un corps de garde-frontières et d'un corps de garde-côtes au sein de l'Union. Il faut par ailleurs que nous fassions le nécessaire sur les hot spots, et il est également indispensable que le contrôle soit assuré aussi par l'interrogation du SIS, ce qui suppose que celui-ci soit alimenté de façon identique par les différents pays de l'Union.
Ce n'est pas – je réponds à M. Vauzelle – un agenda inaccessible. Ces objectifs ne sont pas plus ambitieux que ceux des pères fondateurs de l'Union européenne ou de François Mitterrand et Helmut Kohl lorsque l'Europe était à la croisée des chemins. Si nous faisons tout cela, nous éviterons le rétablissement des frontières intérieures. Cela implique certes de la volonté et de l'exigence. L'Europe doit comprendre que le temps des décisions qui a été le sien jusqu'à présent n'est plus corrélé à l'urgence des problèmes : il faut prendre les décisions plus vite. C'est ainsi que nous aurons à la fois solidarité et responsabilité.
Considérer que l'Europe est à jeter à la poubelle et que plus rien n'est à faire offre une certaine facilité, en termes de posture, car il est toujours plus facile de ne rien faire que de prendre des risques, mais c'est susceptible de provoquer un désordre considérable.
C'est ce que je propose, selon un agenda précis. Vous dire que c'est l'agenda des vingt-huit serait vous mentir. Vous dire qu'il est impossible que cela le devienne serait démotivant : il peut le devenir car, sur de nombreux autres sujets, alors que notre agenda n'était pas celui des vingt-huit, nous avons obtenu des décisions. Notre positionnement est difficile, ingrat, et il essuie souvent des critiques beaucoup plus audibles que nos efforts eux-mêmes, j'en suis conscient, mais je pense que ces efforts ne sont pas vains, bien au contraire.
Monsieur Destot, nous aurons créé d'ici à la fin de la législature 9 000 emplois supplémentaires, après qu'il en a été supprimé 13 000 dans une période récente. Les 500 emplois créés chaque année dans la police et la gendarmerie sont répartis à hauteur de 60 % dans la police et de 40 % dans la gendarmerie, essentiellement sur les missions de sécurité publique. Les 1 400 postes créés par le plan de lutte antiterroriste décidé en janvier dernier ont été répartis de la manière suivante : 500 emplois au sein du service de renseignement territorial, 500 au sein du service de la sécurité intérieure, 100 au sein de la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris, 126 au sein de la direction centrale de la police judiciaire, quarante au sein du service central de la police de l'air et des frontières, trente au sein du service de protection des personnalités, cinq au service de la direction des libertés publiques du ministère de l'intérieur, et trente-trois au sein des services informatiques de ce même ministère.
Les 900 emplois annoncés pour faire face à la crise migratoire, et dont la création est en cours, serviront essentiellement à créer des unités de forces mobiles supplémentaires au sein de la police et de la gendarmerie, puisqu'il en a été supprimé treize au cours des dernières années et que ces forces doivent être reconstituées. Ils seront également affectés au sein de la direction centrale de la police de l'air et des frontières.
Quant aux 5 000 emplois dont il a été question au mois de novembre au Congrès, nous sommes en train de procéder à leur répartition, avec la volonté de conforter encore le renseignement territorial et la sécurité intérieure, de donner des moyens à la sécurité publique, notamment aux brigades anti-criminalité (BAC) et aux pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG), et de renforcer les forces d'intervention rapide GIGN, BRI, RAID.
Monsieur Mariani, nous avons par ailleurs mis en place un contrôle aux frontières renforcé après les attentats du 13 novembre, qui mobilise plusieurs milliers de policiers et de gendarmes, de la police de l'air et des frontières mais aussi des unités de force mobile, sur toute la façade septentrionale mais pas seulement.
L'aide à la Turquie est conditionnée à l'arrêt préalable des flux de migrants illégaux vers l'espace Schengen. Les discussions sont actuellement en cours à Bruxelles pour déterminer la contribution des États membres aux 3 milliards d'aide. Il faut qu'aucun euro ne soit versé aussi longtemps que la garantie n'est pas donnée que les objectifs seront atteints.
Monsieur Vauzelle, je conviens avec vous que le panorama actuel n'est pas de nature à rendre optimiste, mais je pense qu'il existe un chemin d'espérance. Si nous laissons les choses se dégrader au sein de l'Union, beaucoup d'outils dont nous avons besoin pour lutter contre le terrorisme partiront en capilotade : le SIS, les possibilités d'interopérabilité avec les autres fichiers criminels, le PNR… Nous sommes dans une période, que l'Europe a déjà connue, où tout peut basculer dans le pire mais où la vision et la résistance de notre pays peuvent permettre de l'éviter. Cela ne saurait reposer sur l'incantation, et c'est pourquoi je suis attaché à des propositions concrètes. Quand nous proposons une révision de la directive sur les armes, pour obtenir leur marquage, lutter contre le trafic sur internet, démilitariser les armes circulant sur le territoire de l'Union européenne, c'est quelque chose de très concret, sur lequel nous pouvons obtenir des résultats.
C'est la même chose pour l'alimentation du SIS. Nous alimentons beaucoup ce système avec les fameuses « fiches S ». Or, quand nous créons une fiche sur une personne et que, par la suite, cette personne, parce que 100 % de précaution ne crée jamais un risque zéro, passe à l'acte, il s'ensuit des polémiques, ce qui peut dissuader certains pays de prendre le risque d'effectuer des signalements. Mais il faut prendre ce risque, car la coopération n'est pas possible autrement. Je n'ai pas, pour ma part, en dépit des polémiques parfois étonnantes sur les fiches S, donné d'instructions pour que l'on cesse de procéder à des signalements, et je constate d'ailleurs que ceux qui nous frappent aujourd'hui sont pour la plupart des étrangers qui ont préparé leurs attentats en dehors du territoire national, précisément parce qu'ils savent que ceux qui sont sous notre attention sont particulièrement contrôlés. Le vrai sujet, sur le renseignement, ce sont ces enjeux : la lutte contre les faux documents, le versement au SIS, l'interopérabilité avec les autres fichiers, le contrôle aux frontières extérieures, mais j'en entends à peine parler par les commentateurs.
Monsieur Myard, je partage votre sentiment, le temps de la décision est décalé de l'urgence. C'est la raison pour laquelle nous exerçons une pression constante, sur la base de notre agenda, pour éviter que le temps ne prenne encore son temps.
Vous affirmez qu'il est illusoire de vouloir contrôler les frontières extérieures, mais il est tout aussi illusoire de penser qu'une frontière, extérieure ou intérieure, puisse être totalement étanche.
Il ne faut surtout pas ne rien faire, mais au contraire mettre le paquet pour que les contrôles aux frontières extérieures soient puissants, et pour que nous soyons en même temps capables, à l'intérieur de l'espace Schengen, de procéder à tout moment aux contrôles qui permettent d'identifier les faux documents.
Monsieur Janquin, alors qu'il y a trois mois 6 000 migrants vivaient dans le camp de Calais, ils sont aujourd'hui quelque 3 800. Je suis comme vous convaincu que le problème ne peut se régler à Calais. C'est pourquoi j'essaie de convaincre les acteurs associatifs que vouloir créer une grande solution humanitaire à Calais, qui ne peut être un point de passage, est une erreur, et que la véritable solution humanitaire consiste plutôt à répartir ceux qui relèvent du statut de réfugié dans des centres d'accueil et d'orientation sur le territoire national. Calais est une impasse humanitaire.
Bloquer le flux : c'est ce que nous faisons puisque nous intervenons à partir des gares et des trains, en déployant la police de l'air et des frontières, qui agit partout pour démanteler les filières et faire en sorte que des solutions soient proposées en dehors de Calais. C'est bien pourquoi la population du camp n'augmente pas. Nous prenons également des mesures humanitaires à Calais même, bien sûr, et vous avez eu la gentillesse de le souligner. Nous avons une préoccupation commune, mais les résultats de notre action dépendront aussi de la capacité de l'Union européenne à maîtriser les flux.
Monsieur Terrot, nous n'avons pas de relations avec les services syriens. Les relations sont en revanche régulières avec l'Algérie, avec un très bon niveau de coopération concernant la lutte contre le terrorisme et la déradicalisation. J'ai rencontré mon homologue algérien très récemment et me rendrai avec le Président de la République en Algérie les 20 et 21 février. Notre coopération donne des résultats préventifs, sur lesquels je ne peux m'étendre ici. Les discussions sur la réadmission permettent en outre une nette amélioration des conditions de délivrance des laissez-passer consulaires. Ceci répond également à M. Loncle.
Monsieur Rouquet, si je ne peux me rendre à Strasbourg, j'adresserai tout de même au Commissaire aux droits de l'homme un argumentaire très précis sur chacun des points qu'il a soulevés.
Monsieur Habib, la loi sur le renseignement permettra d'améliorer considérablement les conditions dans lesquelles travaillent nos services sur internet : suivi en continu des terroristes, détection sur données anonymes, possibilité d'identifier les comportements anormaux ou singuliers sur les sites…
Monsieur Dupré, les dispositions prises par l'Espagne depuis de nombreuses années ont permis de tarir les flux sur la façade méridionale.
Madame Maréchal-Le Pen, les deux personnes neutralisées à Saint-Denis par le RAID étaient des terroristes hautement dangereux, dont l'un a été identifié comme le concepteur et commanditaire de l'attentat du 13 novembre ainsi que d'autres attentats déjoués par nos services. Entre le printemps et les attentats de novembre, six attentats ont en effet été déjoués, dont nous avons acquis la conviction que certains avaient été conçus par le même Abdelhamid Abaaoud. Bien que les conditions de cette intervention aient été extraordinairement difficiles, compte tenu de la dangerosité des individus en question, la neutralisation des terroristes ne s'est accompagnée d'aucun effet collatéral pour nos forces de l'ordre.
Des polémiques plutôt désobligeantes pour ces policiers, qui risquent leur vie, ont surgi, et vous vous faites l'écho de certains de ces propos. J'invite les commentateurs, la prochaine fois, à venir dans les colonnes d'assaut ; je pense qu'il y aura peu de candidats. Si ceux qui font ces commentaires étaient exposés à la difficulté des interventions, sans doute leur regard changerait.
Le 13 novembre, la BAC de nuit est intervenue dans des conditions difficiles et a été extrêmement courageuse. Les policiers m'ont expliqué la nature et la difficulté de leur intervention. Je pense qu'ils ne doivent pas avoir une grande estime de ceux qui disent aujourd'hui qu'ils n'ont rien fait.
Ce qui est vrai, c'est que le niveau d'équipement des BAC, face à des tueries de masse de ce type, doit être significativement rehaussé. J'ai à cet égard annoncé, avant même les événements de novembre, un plan de rehaussement des équipements des BAC et des PSIG, qui peuvent être primo-intervenants ou primo-arrivants et essuyer le feu. Si je reconnais cette nécessité, je ne peux cependant accepter que l'on dise qu'ils n'ont rien fait, car ils ont été en première ligne et ont contribué à sauver des vies, avec un grand courage. Immédiatement après, dans des délais extrêmement brefs, sont intervenus la BRI et le RAID, dans des conditions dont nous sommes en mesure d'établir sans difficulté la traçabilité, qui en montrera l'efficacité.
Les policiers et les gendarmes de France sont des hommes et des femmes particulièrement valeureux. J'ai eu à accompagner le cercueil de policiers et de gendarmes qui avaient essuyé le feu. Quand on voit, comme à Roye, alors que l'espace public était saturé de polémiques sur l'autorité de l'État et la capacité des forces de l'ordre à accomplir leur travail, le fils d'un gendarme, dont le visage montre que sa vie est brisée, endosser, derrière le cercueil, l'anorak de son père et proposer d'abandonner sa formation de plombier pour devenir à son tour gendarme, on éprouve quelque colère à entendre ces commentaires. Quelles que soient les différences politiques, ou les tentations plumitives, il convient de reconnaître le travail et l'engagement des forces de l'ordre.
Plutôt que de laisser ce type de propos se répandre, je souhaite donc dire deux choses. Tout d'abord, il y a des gens valeureux qui méritent de la considération, et je rends hommage à ceux qui accomplissent ce travail difficile. Ensuite, les drames qui peuvent survenir à l'occasion de ce travail appellent du discernement dans la manière dont on s'exprime. Il y a certes des choses à améliorer : je vous ai parlé du rehaussement de l'équipement, pour lequel j'ai pris la décision avant même les attentats. Des questions peuvent être posées et le ministère de l'intérieur répondra à chacune d'elles, de façon précise, dans le cadre du retour d'expérience que nous organisons. Aucune question ne doit rester sans réponse, mais il est possible de poser ces questions sans remettre en cause l'efficacité des forces de l'ordre ou leur détermination à intervenir de la manière la plus prompte pour sauver le maximum de vies.
Vous me prêtez des intentions qui ne sont pas les miennes. Le but de ces questions était, parce qu'il y a des polémiques que je ne cautionne pas non plus, de savoir si la sécurité de ces agents est bien assurée dans les meilleures conditions.
Dans ce cas, je vous remercie de l'hommage que vous rendez aux forces de l'ordre, ainsi que pour votre question, si votre intention était d'éviter à ces forces de l'ordre un procès qu'elles ne méritent pas.
Merci, monsieur le ministre, S'il y a quelques avancées et quelque espoir au niveau européen, c'est à vous que nous le devons, car vous avez été le seul à formuler des propositions, qui commencent, certes avec retard, à être appliquées. Tous nos voeux vous accompagnent pour la suite.
La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.