La réunion

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Sandrine Gaudin, chef du service des affaires bilatérales et de l'internationalisation des entreprises à la direction générale du Trésor

La séance est ouverte à quatorze heures quinze.

Présidence de M. François Rochebloine, président

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Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Sandrine Gaudin, responsable des affaires bilatérales et de l'internationalisation à la direction générale du Trésor.

Cette mission vise à faire le point sur les relations politiques et économiques entre la France et l'Azerbaïdjan au regard des objectifs de développement de la paix et de la démocratie dans le Caucase du Sud.

La croissance des revenus tirés de l'exportation de produits pétroliers a constitué jusqu'ici un puissant adjuvant au développement économique pour l'Azerbaïdjan, qui pourrait cependant commencer d'éprouver les conséquences des aléas qui affectent les cours mondiaux des matières premières, lesquels ont connu une nette tendance à la baisse ces derniers mois.

Pouvez-vous, madame, nous dresser à grands traits le tableau économique de l'Azerbaïdjan et nous présenter sa politique économique, y compris les mesures de diversification des activités économiques ? Quelle est la position de l'Azerbaïdjan concernant les projets d'oléoducs et de gazoducs servant à acheminer et à exporter les produits pétroliers vers l'Ouest ? Enfin, quel est l'état des relations commerciales entre la France et l'Azerbaïdjan ? À quel niveau se situent les investissements privés français en Azerbaïdjan – et inversement – et de quelle nature sont-ils ?

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Sandrine Gaudin, chef du service des affaires bilatérales et de l'internationalisation des entreprises à la direction générale du Trésor

Pour la France, l'Azerbaïdjan présente un enjeu de premier plan, même s'il traverse des difficultés économiques somme toute classiques en lien avec le faible niveau des cours des hydrocarbures. La présence française en Azerbaïdjan se confirme et s'appuie sur le vif intérêt que nos entreprises manifestent pour ce pays, en dépit du « trou d'air » dû à la conjoncture actuelle, qui incite la France à assurer un suivi plus étroit de certains projets de financements.

L'Azerbaïdjan est la première puissance économique du Caucase, et notre premier partenaire commercial dans la région. Il figure au quatrième rang des destinations des exportations françaises dans la Communauté des États indépendants (CEI), derrière la Russie, l'Ukraine et le Kazakhstan. Cette puissance énergétique, bien que modeste – elle assure 1,1 % de la production mondiale de pétrole et 0,5 % de la production mondiale de gaz – est un partenaire stratégique pour la France et l'Union européenne, car il nous permet de diversifier nos sources d'approvisionnement énergétique et d'éviter de nous cantonner aux fournitures de pétrole et de gaz en provenance de la Russie, du Golfe et d'Afrique du Nord.

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Peut-on considérer l'Azerbaïdjan comme un pays émergent ?

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Sandrine Gaudin, chef du service des affaires bilatérales et de l'internationalisation des entreprises à la direction générale du Trésor

Oui, et même davantage, puisqu'il n'est déjà plus éligible à un certain nombre d'instruments d'appui aux exportations en raison de son niveau de richesse.

La relation économique et commerciale entre la France et l'Azerbaïdjan est forte. Un élan lui a été donné lors de la visite qu'y a effectuée le Président de la République en mai 2014 ; notons que dans les pays de la CEI, encore très centralisés, les relations personnelles entre chefs d'État ont un effet sur le volume des grands contrats. C'est ainsi que notre relation bilatérale s'appuie sur la réunion régulière d'une commission mixte ; de même, les visites officielles, a fortiori présidentielles, constituent des moments importants qui accélèrent la conclusion de contrats majeurs. La visite du Président Hollande en 2014 a donné lieu à la signature d'une multitude de contrats pour un montant de plus de 400 millions d'euros, ainsi qu'à la conclusion d'une dizaine d'accords de coopération.

Si l'Azerbaïdjan est riche de son énergie, il dépend largement de la rente qui en découle. De ce fait, sa croissance est fortement affectée par le choc de la baisse des prix au point qu'il est entré dans une phase de récession prononcée en 2016, son économie ayant connu une contraction de 1,9 %, même si une reprise est attendue pour 2017. Cette récession est comparable à celle que traversent plusieurs pays voisins, également producteurs de pétrole et de gaz.

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Outre la baisse des cours, cette récession ne s'explique-t-elle pas également par la hausse des coûts de production à mesure qu'il faut forer plus profondément pour atteindre le pétrole ? Quel est l'état des stocks ?

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Sandrine Gaudin, chef du service des affaires bilatérales et de l'internationalisation des entreprises à la direction générale du Trésor

L'Azerbaïdjan a atteint un pic de production de pétrole en 2010 avec 50 millions de tonnes. Ce volume n'a cessé de reculer depuis. L'objectif national de production s'établit à 42 millions de tonnes par an. Comme dans d'autres pays producteurs, la baisse de la production de pétrole s'accompagne d'une hausse parallèle de la production de gaz, qui constitue un relais de croissance. Ainsi, l'Azerbaïdjan n'exploitait que 9 milliards de mètres cubes de gaz en 2006 ; il en produit aujourd'hui 29 milliards. La recherche et l'exploitation du gaz se sont intensifiées à la suite de la découverte de l'un des plus grands gisements détectés au cours des vingt dernières années, celui de Shah Deniz.

Si la récession due à la chute des cours du pétrole et du gaz peut sembler forte, l'Azerbaïdjan s'appuie sur de solides bases économiques : le niveau d'endettement est très faible – de l'ordre de 20 % du PIB – et un fonds pétrolier souverain, le SOFAZ, détient entre 35 et 40 milliards de dollars d'actifs. Les perspectives de production de gaz sont immenses, car tous les gisements ne sont pas encore exploités. Les exportations de gaz vers la Turquie sont prometteuses, et plusieurs corridors sont en cours d'ouverture vers l'Union européenne, d'où des perspectives intéressantes qui pourront se concrétiser à partir de 2020.

Dans la région, le Kazakhstan est très affecté par la chute des cours du pétrole, qui a entraîné une dévaluation de la monnaie bien plus importante qu'en Azerbaïdjan. Le Turkménistan connaît lui aussi une récession. Comme ces deux pays, néanmoins, l'Azerbaïdjan demeure pour la France un enjeu majeur en termes de grands contrats pétroliers et gaziers. De ce point de vue, les entreprises françaises attendent que le trou d'air soit passé.

En raison de la crise des hydrocarbures, nous assurons tout de même un suivi particulier de ce pays, et les soutiens qu'accorde la Coface font l'objet d'une attention plus grande afin de tenir compte de ses vulnérabilités.

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Sandrine Gaudin, chef du service des affaires bilatérales et de l'internationalisation des entreprises à la direction générale du Trésor

La viabilité du pays n'est pas en cause : vu le faible niveau de la dette, les perspectives de remboursement des prêts sont bonnes. En revanche, il existe des risques concernant l'exécution des contrats, les autorités pouvant décider de reporter des décisions ou d'allonger les délais de mise en oeuvre de tel ou tel projet en raison de la situation d'incertitude qui prévaut. À l'évidence, le risque d'incident est plus élevé en période de récession qu'en période de croissance forte et durable, car les mesures prises peuvent se traduire par le ralentissement du rythme des affaires et la contraction de leur volume. Peut-être faisons-nous preuve d'une prudence excessive, mais nous avons fait le choix de placer ce pays, comme d'autres pays de la région, sous une surveillance particulière par notre ambassade et notre service économique.

Un mot sur la structure de nos échanges commerciaux bilatéraux. Il va de soi que nous importons davantage que nous n'exportons, puisque 86 % de nos échanges avec l'Azerbaïdjan consistent en importations d'hydrocarbures. Nos importations représentent un montant total de 1,129 milliard d'euros, et nos exportations 174 millions d'euros. Nous exportons principalement du matériel roulant – matériel ferroviaire et véhicules automobiles – ainsi que des produits chimiques, des cosmétiques, des machines industrielles et des machines agricoles. Notre déficit commercial est assez classique s'agissant d'un pays auquel nous achetons des produits énergétiques.

Une quarantaine d'entreprises françaises est présente en Azerbaïdjan, y compris les principaux grands groupes : Total, bien entendu, mais aussi Alstom, Iveco et Thalès dans le secteur des transports, Suez et CNIM dans le domaine de l'environnement. Nous entretenons une coopération dynamique dans le secteur aéronautique et aérospatial : Airbus et Thalès Alenia Space (TAS) fournissent des satellites. La France est le cinquième investisseur en Azerbaïdjan, où ses investissements sont consacrés à 75 % au secteur de l'énergie.

Comme dans d'autres pays de la CEI qui ont hérité d'une économie centralisée et où les réflexes de marché ne sont pas encore enracinés, les entreprises naviguent en terrain difficile et le climat des affaires n'est pas optimal. Il existe notamment des problèmes d'ordre réglementaire liés aux normes et procédures héritées de l'époque soviétique, les formalités bureaucratiques freinant quelque peu les processus de décision, à quoi s'ajoutent des questions relatives aux taxes et autres licences. En clair, les affaires sont encore largement soumises aux autorisations délivrées par des administrations. De surcroît, certains services douaniers font parfois du zèle et les contrôles fiscaux peuvent se multiplier. L'administration, issue d'un monde où la vie des affaires n'était pas naturelle, demeure tatillonne, d'où un climat parfois contraignant.

Il faut cependant reconnaître la nette prise de conscience du gouvernement de l'Azerbaïdjan en la matière, contrairement à d'autres pays de la région comme le Turkménistan, par exemple. Le gouvernement azerbaïdjanais a adopté un train de réformes – un sujet dont s'est d'ailleurs saisi notre commission mixte, qui se réunit chaque année – visant par exemple à améliorer les conditions de concurrence en créant une autorité de la concurrence. C'est un signe de maturité et de volonté de créer un environnement des affaires qui soit conforme aux normes internationales. L'Azerbaïdjan figure à la 63e place du classement Doing Business de la Banque mondiale. Ce classement a cela d'utile qu'il incite à faire des réformes ; c'est ce à quoi s'est attelé l'Azerbaïdjan. Plusieurs procédures électroniques ont été instaurées pour alléger les formalités de douane, y compris en substituant une procédure de déclaration aux anciennes autorisations ex ante. En somme, la situation s'améliore, même si l'Azerbaïdjan n'atteint pas encore les normes européennes : les entreprises françaises nous signalent régulièrement des difficultés.

J'en viens au soutien financier accordé aux entreprises françaises qui souhaitent exporter vers l'Azerbaïdjan. De ce point de vue, notre politique d'assurance-crédit est ouverte : nous apportons une garantie publique aux bons projets afin de couvrir des risques éventuels lors de l'exécution du contrat. Chaque cas, cependant, est examiné avec attention, compte tenu de la crise économique qui affecte le pays. Le cas échéant, l'avis des ministres compétents est sollicité. À ce jour, nous n'avons jamais refusé de couvrir un contrat passé avec l'Azerbaïdjan. Ouverture, donc, mais prudence.

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Sandrine Gaudin, chef du service des affaires bilatérales et de l'internationalisation des entreprises à la direction générale du Trésor

La Coface agit pour le compte de l'État ; de ce fait, elle se fonde sur sa propre analyse et sur celle que fait l'État du niveau de risque qui prévaut dans le pays. Sa position est celle-ci : il faut agir, mais avec prudence.

Étant donné son niveau de richesse, l'Azerbaïdjan ne peut plus bénéficier de prêts concessionnels ; il demeure en revanche éligible aux prêts du Trésor non concessionnels, même si aucune demande ne nous a été adressée à cet effet. L'Agence française de développement (AFD) est autorisée à intervenir en Azerbaïdjan depuis 2012 au titre de son mandat relatif à la croissance verte et solidaire. Elle accorde régulièrement des prêts, en particulier des prêts souverains. L'un d'entre eux, par exemple, a contribué au financement des ateliers d'entretien d'une usine de fabrication de nouvelles locomotives installée par Alstom. L'AFD conduit d'autres projets dans le domaine du développement urbain, de l'énergie et du tourisme durable.

La commission mixte est présidée par le ministre du commerce extérieur. Sa prochaine réunion se tiendra en décembre. Le Medef dépêche régulièrement des missions en Azerbaïdjan, avec un certain succès : trente à quarante entreprises y participent à chaque fois, y compris des entreprises qui ne sont pas encore présentes dans le pays. Je vous communiquerai la composition de la dernière délégation qui s'est rendue sur place.

L'enjeu principal auquel fait face l'Azerbaïdjan – comme tous les autres pays producteurs de pétrole et de gaz – est celui de la diversification de son économie. La volonté de réformer existe ; il reste à lui donner corps et, pour ce faire, l'Azerbaïdjan doit s'appuyer sur des acteurs extérieurs. À cet égard, toutes les institutions internationales sont présentes sur place : outre l'AFD, l'agence de coopération allemande, KfW, intervient aussi, ainsi que toute la palette des institutions financières internationales : la Banque mondiale, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et la Banque asiatique de développement (BAD). La diversification de l'économie suppose de nouer de coopération pour fabriquer de nouveaux produits d'exportation. De ce point de vue, le Gouvernement manifeste son souhait de s'appuyer sur des compétences extérieures. C'est un signe encourageant, d'autant plus que la France est déjà présente et a fait ses preuves sur place.

Cette diversification porte sur des domaines habituels dans ce type de situation : produits d'exportation, valorisation et transformation de la production agricole, tourisme. C'est un processus ardu. Le Fonds monétaire international (FMI) encourage fortement l'Azerbaïdjan à aller en ce sens en renforçant l'implication du secteur privé face à l'emprise de certaines entreprises publiques héritées de l'ère soviétique, et en restructurant le secteur bancaire. Pour relever ce défi, l'Azerbaïdjan s'est doté cette année d'une autorité de supervision bancaire – signe qu'il lui reste encore du chemin à parcourir pour atteindre les normes internationales en la matière. Pour améliorer l'environnement des affaires, le FMI préconise également une politique monétaire plus flexible permettant de faire face à la volatilité du cours du pétrole. D'autre part, l'Azerbaïdjan a beaucoup fait pour s'adapter aux normes internationales de transparence fiscale, de lutte contre la fraude et l'optimisation et d'échange d'informations depuis son adhésion au Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales. C'est là encore, à notre sens, un signe très encourageant.

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Selon quelles modalités, pour quels types de bénéficiaires et pour quels montants le Trésor a-t-il, au cours des cinq dernières années, ouvert aux entreprises françaises établies en Azerbaïdjan les concours du Fonds d'étude et d'aide au secteur privé (FASEP) ?

À votre connaissance, quelles ont été les suites, en termes d'échanges commerciaux et de contrats, de la participation des entreprises françaises au Forum économique de Bakou en mai 2014 ? La visite d'une délégation du Medef à Bakou, deux ans plus tard, a-t-elle permis des avancées et des clarifications à ce sujet ? Avez-vous contribué à la préparation de cette visite ?

Permettez-moi de citer un document officiel : « La faible diversité de l'économie locale, la vulnérabilité de ses comptes extérieurs aux fluctuations des cours des matières premières, la mauvaise gestion des ressources, la corruption, un climat des affaires difficile et l'absence de concurrence risquent de faire obstacle au développement à long terme du pays ». Que pensez-vous de cette analyse ? À votre connaissance, comment se caractérise la corruption en Azerbaïdjan, notamment dans les activités économiques des entreprises et dans les échanges commerciaux avec l'étranger, le cas échéant avec la France ? La direction du Trésor intègre-t-elle les comportements à adopter en la matière dans les conseils qu'elle donne aux entreprises françaises ?

Enfin, quelle est votre appréciation du respect par l'Azerbaïdjan des obligations de transparence financière imposées par le comité d'experts ad hoc du Conseil de l'Europe, Moneyval, et de ses obligations fiscales édictées par le Forum mondial pour la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales ?

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Vous nous avez indiqué, madame Gaudin, que le pic de production pétrolière de 2010 avait été relayé par une montée en puissance de la production de gaz, liée notamment aux perspectives ouvertes par le gisement de Shah Deniz. Quels sont les principaux opérateurs intervenant sur ce champ gazier ? Quelle est l'incidence – que l'on sait forte – du cours du pétrole sur le prix du gaz ? Celui-ci est-il toujours indexé directement sur le prix du pétrole ou a-t-il été désindexé comme dans d'autres parties du monde ? À quel niveau s'établissent les coûts de prospection par rapport au prix actuel de vente du gaz ?

Nos opérateurs Total et Engie renforcent-ils leur engagement en Azerbaïdjan ou, au contraire, demeurent-ils prudents ?

Qu'en est-il des gazoducs, en particulier du corridor Sud, important pour l'Europe parce qu'il peut lui permettre de réduire sa dépendance à l'égard du gaz russe ? Les volumes nécessaires à sa rentabilité ont-ils été obtenus ?

J'en viens au statut de la mer Caspienne. Le fait qu'il soit encore régi par les accords de 1921 et 1940 ne limite-t-il pas les possibilités de prospection dans les eaux azerbaïdjanaises ?

Quels sont les secteurs dans lesquels les entreprises françaises se distinguent de leurs concurrents et possèdent des avantages comparatifs, outre le secteur ferroviaire – par exemple le secteur de la grande distribution et de l'alimentation ?

Enfin, l'engagement des bailleurs internationaux que vous avez mentionnés – AFD et KfW, mais aussi Banque mondiale, BAD et BERD – est-il important ou marginal par rapport à la structure économique du pays ?

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Sandrine Gaudin, chef du service des affaires bilatérales et de l'internationalisation des entreprises à la direction générale du Trésor

Parmi les aides, soutiens et financements que la Coface et le Trésor accordent, le FASEP vise à financer la réalisation d'études de faisabilité de projets de grande ampleur afin d'en orienter les spécifications de sorte que les entreprises françaises puissent y répondre plus favorablement. Actuellement, le FASEP accorde à Suez Environnement une aide de 1 million d'euros pour financer une étude concernant un projet de cogénération à partir des boues résiduelles du traitement de l'eau et un plan directeur de réduction des pertes en eau dans le réseau d'eau potable.

La Coface, quant à elle, conduit plusieurs opérations de soutien et de garantie pour un encours total qui s'élevait à 862 millions d'euros au 31 août 2016. Sont notamment couverts les contrats suivants, conclus lors de la visite du Président de la République en 2014 : la fourniture par Airbus d'un satellite d'observation, pour 127 millions, la contribution d'Arianespace au lancement d'Azerspace, pour 56 millions, la fourniture par Alstom de cinquante locomotives fabriquées sur place, pour 266 millions, le prospect par MBDA d'un système de défense antiaérien pour 291 millions, et la fourniture par Iveco de 150 autobus, pour 46 millions.

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Précisons que nous devons ce contrat d'Iveco au secrétaire d'État chargé des sports, M. Braillard, qui, lors des Jeux européens de 2015, a convaincu le président Ilham Aliyev d'acheter des autobus d'Iveco.

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Sandrin Gaudin

L'Azerbaïdjan figure au cinquième échelon du classement de l'OCDE par niveau de risque, qui en compte sept par ordre croissant de risque – les scores des pays voisins n'étant guère meilleurs puisque le Kazakhstan figure au même niveau, l'Arménie au niveau 6, le Turkménistan au niveau 7. C'est donc un classement médiocre qui s'explique principalement par le climat des affaires et l'absence de transparence dans certains domaines. C'est pourquoi nous exerçons un suivi étroit des projets que nous soutenons.

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Les activités de nos entreprises donnent-elles lieu à un nombre élevé de contentieux fiscaux et juridiques ?

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Sandrine Gaudin, chef du service des affaires bilatérales et de l'internationalisation des entreprises à la direction générale du Trésor

Non. Nous nous heurtons cependant à l'insuffisance, pour dire le moins, des renseignements fiscaux fournis par l'Azerbaïdjan. Quoi qu'il en soit, l'avis du ministre est systématiquement sollicité pour tout projet de soutien de la Coface dépassant 50 millions d'euros ; en-deçà de ce montant, la Coface décide en interne. Le volume d'aide – 862 millions d'euros – est assez important ; à titre de comparaison, il atteint 1 milliard d'euros au Kazakhstan, un pays pourtant bien plus vaste.

La délégation du Medef qui s'est rendue à Bakou comptait une quarantaine d'entreprises, preuve que ce pays, qui est notre premier partenaire dans le Caucase malgré le contexte difficile, suscite un fort intérêt.

L'Azerbaïdjan est membre du comité Moneyval, le pendant du Groupe d'action financière (GAFI) pour l'Europe. L'évaluation du pays, réalisée en 2008, a révélé un certain nombre d'infractions et de défaillances fondamentales concernant le régime de lutte contre le blanchiment des capitaux. À la suite de la publication de ce rapport d'évaluation très négatif, et même à charge – au point que l'Azerbaïdjan a décidé en 2010 de quitter le processus de suivi du GAFI –, l'engagement politique a néanmoins été pris au plus haut niveau de faire progresser le pays en adoptant des réformes. En 2014, le GAFI et Moneyval ont publié un nouveau rapport constatant les progrès accomplis en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux. Les principales défaillances observées en 2008 avaient été surmontées, même si des progrès sont encore attendus pour que le pays se hisse aux normes – assez élevées – prescrites par le GAFI. Fin 2015, celui-ci a également examiné le dispositif de lutte contre le financement du terrorisme de l'Azerbaïdjan et l'a jugé satisfaisant, même si la procédure de gel des avoirs internationaux demeure lente – ce qu'explique encore une fois la pesanteur administrative qui prévaut dans le pays.

J'en viens aux questions fiscales. L'Azerbaïdjan est membre du Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales depuis février 2013 : c'est un signe positif, d'autant plus que tous les États de la CEI n'y participent pas. Ce forum ausculte régulièrement les dispositifs légaux et réglementaires de ses membres afin d'évaluer leur conformité aux normes internationales, et l'examen de l'Azerbaïdjan est en cours. Plusieurs problèmes ont d'ores et déjà été constatés, en particulier le respect lacunaire de l'obligation faite à toutes les entreprises du pays de tenir une comptabilité, l'accès insuffisant de l'administration fiscale à l'information et les difficultés entravant l'échange de renseignements entre administrations fiscales car, bien que l'Azerbaïdjan soit signataire de la Convention de l'OCDE concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale, il n'a pas encore manifesté de velléité de l'appliquer. De ce fait, il pourrait rejoindre dès l'année prochaine la liste des juridictions non coopératives que l'OCDE établit afin d'exercer une pression supplémentaire de sorte que les pays concernés ne se contentent pas d'adopter le cadre juridique, mais qu'ils le traduisent en pratique en répondant à toute demande d'information à caractère fiscal. Précisons que plusieurs pays de la région sont dans le même cas. Cela étant, l'Azerbaïdjan a accepté de participer au Forum mondial, ce qui atteste de sa bonne volonté en la matière.

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Que pensez-vous de l'extrait que je vous ai cité, qui est issu de la fiche du ministère des affaires étrangères sur l'Azerbaïdjan ?

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Sandrine Gaudin, chef du service des affaires bilatérales et de l'internationalisation des entreprises à la direction générale du Trésor

Cette position reflète le constat que fait le FMI, et nous ne craignons pas de l'aborder en commission mixte. La corruption, en effet, est pour nous une préoccupation majeure : nous tenons à ce que nos partenaires adhèrent aux mécanismes internationaux les plus exigeants en la matière et qu'ils les appliquent. Or, de ce point de vue, on constate souvent des pratiques d'un autre âge dans cette région, dans la CEI en général et, hélas, partout ailleurs. Beaucoup reste à faire, par exemple, pour que les procédures douanières échappent à toute corruption. De même, l'acharnement dont sont parfois victimes les entreprises étrangères de la part de l'administration fiscale de l'Azerbaïdjan ne cesse souvent que moyennant des actes de corruption. Encore une fois, nous abordons régulièrement ces sujets en commission mixte, et le ferons de nouveau en décembre.

L'Azerbaïdjan détient les 20e réserves mondiales de pétrole et les 25e réserves mondiales de gaz. Cet exportateur net de gaz alimente la Géorgie, la Russie, la Turquie et l'Iran, et alimentera demain l'Union européenne. La production gazière est passée de 9 milliards de mètres cubes en 2006 à 29 milliards en 2015, soit une progression importante. La deuxième phase d'exploitation du gisement de Shah Deniz offre des capacités d'extraction atteignant 36 milliards de mètres cubes, soit l'équivalent de la consommation de la France en 2014 et un peu moins que sa consommation l'année suivante. L'ensemble du gisement de Shah Deniz contiendrait des réserves globales d'environ 1 200 milliards de mètres cubes de gaz et de 240 milliards de mètres cubes de condensat ; autrement dit, c'est un gisement gigantesque. La deuxième phase d'exploitation de Shah Deniz est destinée à couvrir les perspectives de hausse de la demande sur les marchés turc et européen grâce à la construction déjà quasiment achevée des gazoducs transanatolien (Tanap) et transadriatique (TAP). Le consortium qui exploite et achemine le gaz depuis Shah Deniz est dirigé par l'entreprise BP, à hauteur de 30 %, en partenariat avec un opérateur turc, un autre russe et le Malais Petronas. BP pilote également le projet de corridor gazier Sud avec la SOCAR, la société nationale azerbaïdjanaise. Total a revendu sa participation dans l'exploitation de ce champ en 2014 dans le cadre d'une recomposition générale de ses activités mondiales – la rentabilité de cette opération étant jugée trop faible – et a préféré redéployer son activité vers le gisement d'Apchéron en lien avec la SOCAR et Engie.

Dans cette région, les coûts de prospection et de production sont relativement élevés. L'extraction en mer coûte cher en raison de la profondeur des forages et des difficultés géologiques. De plus, les coûts d'exploitation sont plus élevés s'agissant d'une mer fermée. S'y ajoute le fait que l'acheminement est très onéreux, le projet de corridor Sud n'étant pas encore abouti. Selon la SOCAR, le coût de production d'un baril s'établit à 20 dollars ; à titre de comparaison, il est de 4 à 6 dollars en Arabie Saoudite, 15 à 18 dollars au Kazakhstan et 40 dollars en Angola. Autrement dit, c'est un coût non négligeable, qui renforce d'autant l'impact de la chute du cours mondial des hydrocarbures. Cela étant, la deuxième phase d'exploitation de Shah Deniz devrait permettre de ramener ce coût à 18 dollars.

Malgré la baisse des cours du pétrole et du gaz, aucune entreprise française engagée en Azerbaïdjan n'a quitté le pays ; comme ailleurs, la stratégie adoptée est celle de l'attente d'un retournement du marché. Total a conclu avec la SOCAR un accord de partage de production concernant le gisement en mer d'Apchéron. Engie va devenir le premier acquéreur européen de gaz azerbaïdjanais et participe avec Total à l'exploitation du gisement d'Apchéron.

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Sandrine Gaudin, chef du service des affaires bilatérales et de l'internationalisation des entreprises à la direction générale du Trésor

Oui, avec la SOCAR, mais BP exploite le gisement de Shah Deniz. Total exploite celui d'Apchéron mais s'intéresse également deux nouveaux gisements, Ümid et Babek, et répondra à l'appel d'offres que lancera la SOCAR afin de trouver un partenaire d'exploitation.

Le corridor gazier Sud permettra à l'Union européenne d'accroître ses importations de gaz azerbaïdjanais et, du même coup, de réduire sa dépendance à l'égard de la Russie. L'Azerbaïdjan devrait ainsi pouvoir acheminer 16 milliards de mètres cubes de gaz par an vers la Turquie et l'Union européenne, dont environ 10 milliards vers l'Union – et même 20 milliards à terme. Reste à savoir quelle position les pays de la région adopteront à l'égard de ce projet, en particulier le Turkménistan, que l'Azerbaïdjan cherche à associer au projet de corridor vers l'Europe mais qui envisage également la réalisation d'un corridor vers l'Afghanistan, le Pakistan et surtout l'Inde, très gros importateur. Ce choix politique n'est pas encore tranché.

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Le projet de corridor Sud est-il stratégique de notre point de vue ?

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Sandrine Gaudin, chef du service des affaires bilatérales et de l'internationalisation des entreprises à la direction générale du Trésor

Oui, et nous sommes très favorables à sa réalisation. Il est vital, en effet, que nous puissions diversifier nos sources d'approvisionnement en construisant les « tuyaux » nécessaires.

Outre le secteur de l'énergie, la France a d'autres intérêts majeurs en Azerbaïdjan. Dans le secteur des transports, Alstom et Iveco sont présentes, mais aussi Thalès, qui fournit des équipements de contrôle et d'automatisation de la gestion des trains et du métro de Bakou. Dans le domaine spatial, la présence française est très forte : un satellite d'observation à des fins civiles a été fourni, et un deuxième satellite d'observation plus précis à des fins de défense pourrait l'être même si, à ce stade, la décision d'achat est gelée en raison de restrictions budgétaires. Arianespace a conclu un contrat de lancement des satellites de télécommunications, l'un d'entre eux ayant déjà été lancé en février 2013. La coopération spatiale est donc dense et, à ce stade, uniquement à des fins civiles. Dans le domaine de l'environnement, du traitement des déchets et de l'eau, la France compte également plusieurs entreprises en pointe – Suez, Veolia, Sade – qui ont d'immenses possibilités à saisir en Azerbaïdjan. De même, plusieurs entreprises françaises y sont en position de force dans le secteur de la ville durable et de l'aménagement urbain : Bouygues, Eiffage, Vinci, Egis, Veolia ou encore Keolis proposent des offres compétitives.

Un mot sur les institutions financières internationales, enfin : la Banque mondiale accorde des prêts pour des projets d'assainissement, de gestion des déchets et de développement rural à hauteur de 300 millions de dollars environ. La BAD accorde des financements de plusieurs types en faveur du développement du secteur privé et de la diversification de l'économie, pour plus de 1 milliard de dollars. La BERD intervient dans plus de 155 projets de diversification de l'économie pour un montant cumulé d'investissement de 2 milliards de dollars, y compris via des prises de participation dans des entreprises locales, dont certaines financent la deuxième phase de développement du gisement de Shah Deniz. La Banque islamique intervient à hauteur de 1,7 milliard de dollars. Les montants engagés par la KfW et l'AFD sont plus modestes : la première consacre 120 millions d'euros à un projet de gestion de l'eau, la seconde un peu plus de 100 millions d'euros à trois projets différents.

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Notre président a cité une note du ministère des affaires étrangères qui, en réalité, vaut également pour une centaine d'autres pays en vertu de ce que l'on pourrait appeler le principe du grand parapluie : une cellule de ce ministère décrète des zones rouges dans lesquelles il est déraisonnable de se rendre, y compris s'agissant de pays d'Afrique pourtant sûrs. Ces consignes, de mon point de vue, constituent l'une des aberrations de notre diplomatie.

S'agissant de l'AFD, pouvez-vous nous préciser la nature et le montant des prêts accordés ? Consent-elle des dons ?

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La France exporte-t-elle des armements et matériels militaires en Azerbaïdjan ? Quels sont nos liens avec ce pays en matière de défense ?

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L'Azerbaïdjan, vous nous l'avez rappelé, est notre premier partenaire dans la région et demeure un pays attractif pour nos grandes entreprises. Qu'en est-il des PME ? Il existe pourtant des domaines dans lesquels elles pourraient s'implanter dans ce pays. Je pense en particulier au tourisme de montagne, un secteur qui s'y développe à grande vitesse malgré des équipements encore lacunaires et dans lequel la France a incontestablement une expertise de pointe. Pourtant, ce sont des entreprises suisses et autrichiennes qui remportent les appels d'offres. Les grands hôtels luxueux de Bakou ne doivent pas masquer le besoin considérable de structures hôtelières plus modestes en province et, dans ce domaine, les entreprises françaises possèdent un véritable savoir-faire. Il en va de même dans le secteur du médicament. Sans doute conviendrait-il d'aborder la question de l'implantation des PME lors de la prochaine réunion de la commission mixte.

Permettez-moi enfin de vous interroger sur deux marchés sur lesquels les entreprises françaises et l'AFD pourraient intervenir : le premier concerne l'acquisition de patrouilleurs pour la mer Caspienne, et le second l'entretien des gares du réseau ferroviaire et du métro – la Compagnie internationale de maintenance, la CIM, s'intéresse à cet appel d'offres. Qu'en est-il ?

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Sandrine Gaudin, chef du service des affaires bilatérales et de l'internationalisation des entreprises à la direction générale du Trésor

L'AFD n'accorde pas de dons à l'Azerbaïdjan, mais des prêts uniquement, pour un montant de 112 millions d'euros dans le cadre de son mandat relatif à la croissance verte et solidaire, à quoi s'ajoutent les prêts de PROPARCO pour un montant de 23 millions. L'AFD intervient principalement dans les secteurs du développement urbain, des énergies propres et du tourisme durable. En l'occurrence, les 112 millions consacrés au financement des ateliers d'entretien de locomotives constituent un prêt souverain. Quoi qu'il en soit, l'Azerbaïdjan n'est pas un partenaire éligible aux dons de l'AFD.

J'en viens à notre relation de défense, sachant que l'objectif de l'Azerbaïdjan vise à sécuriser ses ressources naturelles, en particulier les gisements de gaz et de pétrole. Plusieurs prospects commerciaux sont actuellement à l'arrêt en raison de contraintes budgétaires (installation d'un système de défense antiaérienne et satellite d'observation). En matière de défense, notre principal concurrent en Azerbaïdjan est Israël.

En 2014, le Président de la République, lors de sa visite officielle, a signé un accord de coopération dans le domaine de la défense, et l'Azerbaïdjan intensifie sa relation avec l'OTAN, bien qu'il ne souhaite naturellement pas y adhérer à ce stade, compte tenu de sa situation géographique délicate entre Russie, Iran et autres. Cela étant, il entend diversifier ses fournisseurs d'équipements de défense, d'où son intérêt à entamer des discussions qui, quoiqu'étant allées assez loin, n'ont pas abouti concrètement faute de ressources budgétaires.

Les perspectives d'implantation et de renforcement des entreprises françaises en Azerbaïdjan sont importantes, y compris dans le domaine du tourisme de montagne, monsieur Mancel, même si les Autrichiens sont déjà très présents. En ce qui concerne les PME, en revanche, je préfère rester prudente, car le terrain n'est pas des plus faciles. Sans doute peut-on encourager les établissements de taille intermédiaire (ETI) déjà habitués à s'implanter à l'étranger, en particulier dans le Caucase et en Asie centrale, et proposant des produits compétitifs répondant à une demande, mais il ne serait pas responsable d'encourager un primo-exportateur à s'aventurer en Azerbaïdjan dans le seul but de diversifier ses activités.

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Je vous remercie, Madame, pour la clarté et la précision de votre intervention et de vos réponses.

La séance est levée à 15 heures 45.