La séance est ouverte à dix-neuf heures quinze.
Merci, monsieur le ministre, de votre disponibilité pour ce point de situation sur l'opération Sangaris, dont je ne doute pas qu'il se renouvellera régulièrement, comme vous l'aviez fait pour l'opération Serval.
Après la démission du Président Djotodia, des décisions sont attendues sur la mise en place de nouvelles instances politiques.
Nous désignerons mercredi prochain les rapporteurs pour les missions d'information créées après discussion au sein de notre bureau à la fin du mois de novembre dernier. L'une d'entre elles a trait, dans le sillage du Livre blanc, à l'évolution de notre dispositif militaire en Afrique, ainsi qu'au suivi des opérations en cours – nous pressentions déjà, alors, que la situation en République centrafricaine (RCA) deviendrait un sujet majeur. Ces deux questions nous semblent en effet devoir être abordées de concert, car c'est l'ensemble de la zone sahélo-saharienne qui intéresse la sécurité, non seulement de la France, mais aussi de l'Europe.
Il appartiendra aux futurs rapporteurs d'ajuster le périmètre de leurs travaux, ainsi que l'intitulé même de leur futur rapport : sur ce point, je fais confiance à leur esprit de responsabilité.
Enfin, puisque certains ont allumé une polémique sur le sujet, je rappelle que cette mission pourra se rendre sur place dès que les conditions de sécurité seront réunies : il en avait été de même avec l'opération Serval au Mali, où une mission avait pu se déplacer, en avril dernier, avant l'échéance de quatre mois.
Le déplacement de cette mission sera bien entendu possible sitôt la zone sécurisée, c'est-à-dire, je l'espère, dans les prochaines semaines. Toute la difficulté est d'assurer la sécurité de nombreuses personnes, en réaffectant à cette fin certains effectifs militaires.
J'étais retenu, comme vous le savez, par la conférence de presse du Président de la République ; je vous remercie donc, mesdames et messieurs les députés, de m'avoir attendu.
Je vous dirai aussi un mot du redéploiement des OPEX et de nos prépositionnements car, étant auditionné sur ce thème jeudi par la commission des Finances, je souhaite informer convenablement au préalable la commission de la Défense.
S'agissant de la Centrafrique, la situation politique a sensiblement évolué depuis la tenue, jeudi et vendredi, du sommet extraordinaire de la CEEAC, la Communauté économique des États d'Afrique centrale. Au cours de cette réunion, M. Djotodia, chef d'État de transition, et son Premier ministre, M. Tiangaye, ont annoncé leur démission. M. Nguendet, Président du Conseil national de transition (CNT) assure l'intérim ; dans quelques jours, le même CNT devrait choisir un nouveau Président de transition, lequel aura pour mission de préparer les élections, afin que celles-ci aient lieu avant la fin de l'année.
Cet après-midi, lors de la conférence de presse, on a demandé au Président de la République s'il fallait se réjouir de ces décisions, dont la France a, en tout état de cause, pris acte. De fait, la situation était bloquée. Les accords de Libreville, signés en janvier 2013 après la tentative des Séléka de renverser le Président Bozizé, étaient antérieurs au coup d'État de M. Djotodia de mars ; ils avaient permis une solution bien fragile, puisqu'elle avait volé en éclats trois mois plus tard, avant la mise en oeuvre du processus de N'Djaména 1, puis 2. Le but du Gouvernement de transition était la mise en place d'une conférence de réconciliation, le recensement de la population et le rétablissement de l'administration : aucun de ces objectifs n'a été atteint. Lors de mon premier déplacement en RCA, je m'étais rendu à Bossangoa, deuxième ville du pays, qui avait été le théâtre d'affrontements très violents avant le 5 décembre. J'y avais rencontré l'imam et l'archidiacre. Entre l'école coranique, où étaient accueillis des réfugiés musulmans, et la mission catholique, où s'entassaient quelque 20 000 réfugiés chrétiens, on trouvait, non seulement les forces françaises et congolaises, mais aussi la préfète, seule représentante de l'État centrafricain ; elle n'avait ni bureau, ni collaborateurs, ni domicile personnel. C'est vous dire la situation de l'État.
Dans ces conditions, il me semble utile d'avoir de nouveaux interlocuteurs. Lors de la réunion de N'Djaména étaient présents la plupart des 135 membres du CNT – transportés en avion depuis Bangui –, parmi lesquels les ex-Séléka, les anti-balaka et les représentants des autorités religieuses. Un Gouvernement de transition devrait donc être installé dans les prochains jours.
La réunion de N'Djaména a permis des avancées encore inimaginables il y a quelques semaines à Bangui : scènes de fraternisation entre ex-Séléka et anti-balaka, ou retour des Forces armées centrafricaines (FACA) dans leurs casernes, à l'appel du général Bombayéké, chef d'état-major.
Le niveau des violences a sensiblement diminué depuis le début de notre intervention, malgré des risques toujours présents d'exactions ou de règlements de comptes. La situation humanitaire s'améliore lentement, même si elle demeure très critique puisque près de la moitié de la population a besoin d'une aide d'urgence, avec 1,5 million de personnes déplacées et, à l'aéroport de M'Poko, la présence d'une centaine de milliers de réfugiés, venus chercher la protection de nos forces et de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique, la MISCA ; de nombreuses personnes rejoignent ce camp la nuit, pour retourner dans leurs quartiers le lendemain. Quoi qu'il en soit, des progrès ont été accomplis en coopération avec les associations humanitaires ; en particulier, la zone sécurisée par Sangaris dans le cinquième arrondissement de Bangui permet un désengorgement partiel de la zone aéroportuaire de M'Poko.
Nos soldats, placés sous le commandement du général Soriano, sont environ 1 600 sur place. Les forces africaines, conduites par les généraux Mokoko et Tumenta, comptent pour leur part 4 400 hommes à ce jour, et en compteront bientôt 6 000 avec l'arrivée de bataillons du Congo et du Rwanda. Nous avons renforcé l'état-major de la MISCA avec une dizaine d'officiers insérés. Nos forces s'articulent avec celles de la MISCA, afin d'enrayer la spirale de la violence entretenue par les tensions confessionnelles, et d'assurer le retour des humanitaires et le rétablissement des structures étatiques. Cela passe par le désarmement progressif de l'ensemble des parties.
Nos militaires, comme ceux de la MISCA, ont à assurer, au sein de la mission globale que leur ont confiée les Nations unies – sécurisation du territoire, désarmement et préparation de la transition politique –, des opérations de maintien de l'ordre, en plus de la riposte militaire contre certaines milices désireuses d'en découdre. Ils doivent ainsi faire preuve d'un sang-froid exceptionnel, qui me laisse admiratif.
J'en viens aux perspectives. Sur le plan militaire, l'objectif est de poursuivre le quadrillage de Bangui et le désarmement des milices. Des exactions sont toujours possibles de la part de certains musulmans qui, après le départ du Président Djotodia, pourraient être portés à croire que l'action de nos forces et de celles de la MISCA est à sens unique ; il y a quelques jours, les communautés chrétiennes avaient d'ailleurs fait l'interprétation inverse. Nous nous efforcerons donc de poursuivre les opérations de sécurisation et de désarmement à Bangui en bonne intelligence avec la nouvelle présidence du CNT, ce qui n'était guère le cas avec la précédente. Nos forces, également présentes à Bossangoa, se redéploieront ensuite sur l'ensemble du territoire centrafricain, en prenant en compte la répartition régionale décidée par le général commandant la MISCA.
Dans cette période sensible de la transition, des interventions complémentaires, avec le renfort de certaines de nos forces prépositionnées, sont possibles ; mais, pour l'heure, aucun risque majeur de nouveaux affrontements ne s'est manifesté. Les patrouilles mixtes, qui ont débuté il y a une quinzaine de jours, se poursuivent dans les quartiers de Bangui. Parce qu'elles associent nos forces à celles de la MISCA – principalement des Tchadiens et des Burundais dans les quartiers musulmans et des Congolais dans les quartiers chrétiens –, elles donnent, auprès des populations, une autre image de notre action.
Par ailleurs, le Conseil européen des affaires étrangères se tiendra le 20 janvier prochain à Bruxelles ; il sera précédé par le comité politique et de sécurité (CoPS) qui, réuni aujourd'hui et demain, devrait valider le principe d'une opération militaire de l'Union européenne dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) ; après quoi, chaque nation devra décider des modalités de son engagement. Notre statut prévisible de nation-cadre nous permettra une bonne coordination avec la force Sangaris ; quant aux missions, elles seront définies en fonction de la montée en puissance du niveau de participation des uns et des autres. Les deux objectifs initiaux envisagés, du point de vue strictement militaire, seront, d'une part, la protection de l'aéroport de M'Poko – ce qui déchargera partiellement nos forces, qui doivent aussi en assurer la sécurité –, et, de l'autre, l'ouverture permanente de la route reliant Bangui au Cameroun – et que bloquaient certaines milices en rançonnant, voire pire, ceux qui l'empruntaient –, puisque c'est notamment par elle qu'arrive l'aide humanitaire.
Sans doute l'Union européenne acceptera-t-elle aussi de créer ultérieurement une mission de formation de la future armée de RCA, sur le modèle de ce qui s'est fait au Mali. Il faudra aussi y ajouter, compte tenu du délitement de l'État centrafricain, une mission de formation de forces de police et de gendarmerie ; en d'autres termes, associer une mission de type « EUTM » et une autre de type « EUCAP ».
Enfin, il convient de renforcer la mission du BINUCA, le Bureau intégré des Nations unies pour la consolidation de la paix en Centrafrique. Il faut en effet y inclure l'autorisation, par une décision attendue fin janvier, d'une opération européenne qui, nous l'espérons, ouvrira la voie à une opération de maintien de la paix. Celle-ci, sous l'égide des Nations unies, présenterait l'avantage d'être financée par elles, ce qui permettrait d'adjoindre d'autres forces à celles de la MISCA et d'assurer une complémentarité entre différents types d'actions – humanitaires, militaires et de formation.
Je conclus en évoquant, comme je l'annonçais, la réorganisation de nos OPEX et prépositionnements. Les OPEX, sous mandat national ou international, sont aujourd'hui une vingtaine ; elles mobilisent en moyenne de l'ordre de 8 000 militaires, 4 000 autres étant prépositionnés au Sénégal, au Gabon, à Djibouti et aux Émirats arabes unis. Le Livre blanc prévoit une réévaluation de ce dispositif afin de le rendre plus cohérent avec les nouveaux contrats opérationnels de nos forces, de mieux répondre aux priorités nouvelles et de concentrer nos capacités dans les zones jugées prioritaires.
Nous allons réduire la voilure dans un certain nombre d'opérations, tout d'abord en Afghanistan : après le retrait de nos forces opérationnelles, nous retirerons, à la fin de 2014, celles qui géraient l'aéroport de Kaboul, et fermerons l'hôpital de KAIA. Au total, ce sont environ une centaine d'hommes qui resteront en Afghanistan fin 2014 ; le dispositif que nous maintiendrons ensuite, dont le volume n'est pas encore déterminé, aura pour mission d'assurer la mise en oeuvre du traité franco-afghan – j'ai reçu la semaine dernière mon homologue afghan à ce sujet.
La mission au Kosovo touchant à sa fin, nous nous en retirerons également, comme nous le ferons de l'opération Tamour, en Jordanie, engagée au titre de l'assistance humanitaire au plus fort de la crise syrienne, et dont certains de nos partenaires ont pris le relais. Nous allégerons par ailleurs notre participation à l'opération Atalante sur la corne d'Afrique : elle a donné de bons résultats et, là aussi, certains de nos partenaires en assurent la bonne continuité.
Nos effectifs au Mali passeront dans les semaines qui viennent de 2 300 hommes actuellement à 1 600, puis à 1 000 à la fin du printemps, essentiellement concentrés à Gao. Ces diminutions seront compensées par une réorientation de notre dispositif en Afrique. Quelque 3 000 hommes au total resteront présents dans la zone saharo-sahélienne – qui reste prioritaire en termes d'intervention et de prévention –, à N'Djamena, Ouagadougou, Niamey et sur le sol malien. Nous sommes en train de définir l'organisation de ce dispositif pérenne, pour le rendre le plus cohérent possible.
Les effectifs seront allégés au Gabon et à Djibouti et renforcés à Abidjan, point d'appui permanent qui offre beaucoup de facilités logistiques.
Nous conserverons notre prépositionnement aux Émirats arabes unis, diminuerons nos effectifs à Libreville et à Djibouti et maintiendrons ceux qui sont présents à Dakar.
Merci de votre disponibilité, monsieur le ministre.
En décembre dernier, j'avais indiqué la position du groupe GDR sur l'opération Sangaris. Le caractère d'urgence a été reconnu par les Nations unies ; la France fut la première et à ce jour la seule à s'être portée volontaire, ce que je déplore au regard de son statut d'ancien colon et de ses relations passées avec des dictateurs tels que Bokassa.
Le contribuable français, aujourd'hui, paie la note, la situation se dégrade et le Président Djotodia et son Premier ministre ont démissionné ; bref, nous sommes dans un bourbier. Au reste, ce n'est pas avec 1 600 hommes que nous pourrons rétablir durablement la situation. La communauté internationale doit se mobiliser au plus vite. J'espère donc qu'à l'occasion du Conseil européen du 20 janvier, nos partenaires prendront leurs responsabilités. Les Belges, d'après ce que j'ai lu, enverraient quelque 150 soldats…
Je suis tout à fait d'accord sur la nécessaire mobilisation européenne dans le cadre de la PSDC, la politique de sécurité et de défense commune. J'ai bon espoir sur ce point, notamment sur cette étape importante que constituerait la formation de la future armée centrafricaine.
En revanche, je puis témoigner que la situation s'améliore : avant notre arrivée, les morts se comptaient par milliers – mais les journalistes n'étaient pas là. Le 5 décembre, jour du vote de la résolution aux Nations unies, les violences avaient encore fait plusieurs centaines de morts.
Nos forces ont pu se mobiliser très rapidement, non seulement grâce à notre prépositionnement à Libreville, mais aussi parce qu'elles avaient commencé à entrer par le Cameroun et par le Nord. Depuis, le niveau de tension a significativement baissé : j'ai pu même le constater entre mes deux déplacements, à la mi-décembre et à la fin de l'année. Certes, des exactions ont encore lieu dans certains quartiers et communes, mais on a évité des massacres à grande échelle : si l'on avait laissé faire, vous vous en seriez sans doute indigné. Les quelques représentants de l'autorité que j'ai pu rencontrer remercient tous la France ; le marché a repris, les gens circulent et les taxis fonctionnent à nouveau…
Sur le plan politique, le CNT doit désormais assurer la succession, en d'autres termes préparer les élections et rétablir l'état civil : ce sera le rôle du Gouvernement, qui en a les moyens techniques. Les chefs d'État des pays voisins s'impliquent dans ce processus. Toute solution politique, quoi qu'il en soit, passe par un désarmement des uns et des autres. Nous devons aussi empêcher les représailles inspirées par l'esprit de revanche : nous craignions celles des chrétiens après le départ du Président Djotodia mais, heureusement, il n'en a rien été.
L'opération de maintien de la paix devra enfin prendre le relais de l'intervention européenne.
La Séléka est-elle toujours un mouvement structuré, doté d'une direction politique et militaire ? Dans l'affirmative, l'influence de cette direction s'étend-elle à l'ensemble du territoire ? Autrement dit, les Séléka sont-ils capables d'une action coordonnée ? Enfin, si cette direction existe encore, quels sont ses liens internationaux, notamment avec des mouvements terroristes ?
Selon nos estimations, les Séléka représentent, sur l'ensemble du territoire centrafricain, environ 5 000 combattants armés ; ils sont soudanais, tchadiens et centrafricains.
La présence de commerçants tchadiens en Centrafrique est ancienne ; ce sont eux qui, le plus souvent, sont victimes des pillages. Par ailleurs, certains Tchadiens, qui sont loin d'être proches de M. Déby, appartiennent à la Séléka. Il y a enfin le contingent des forces régulières tchadiennes envoyé par le Président Déby. Tous ces hommes se connaissent, et ont même, parfois, des liens de parenté.
Les Séléka comptent aussi un bon nombre de mercenaires. Ils sont dotés d'un conseil, mais il est peu structuré ; certains responsables, dont les noms nous sont connus, dirigent des groupes de 200 à 300 personnes. Quelques-uns de ces groupes ont déjà regagné le Soudan ; d'autres, sont toujours sur place.
Quant aux sélékistes tchadiens ayant participé au coup d'État qui avait installé le Président Djotodia au pouvoir, ils ont désormais perdu de leur influence ; mais ils ont toujours des représentants au sein du CNT et une capacité de contrôle des milices. Géographiquement, ils sont essentiellement présents à Birao et Ndélé, dans le Nord-Est.
Les Séléka sont mieux armés que les anti-balaka ; ces armes proviennent essentiellement de trafics et du pillage des FACA. Les Séléka ont soutenu le Président Djotodia, et ont commis de nombreuses exactions. Le but est désormais de les cantonner, ce qui est chose faite, puis de les désarmer, ce qui ne l'est pas encore. La ligne suivie est celle du « DDR » : désarmement, démobilisation, réintégration. Elle ne pourra toutefois être menée à bien qu'avec une reconversion des sélékistes – sur ce point, le problème est proche de celui qui se pose au Mali.
Aucun lien n'existe avec les terroristes djihadistes à ce jour, mais le prosélytisme islamiste, la proximité de Boko Haram et des Chebab dans la corne d'Afrique font peser des risques réels ; reste qu'aucune solution politique ne pourra émerger, je le répète, sans la reconversion des sélékistes centrafricains.
Les anti-balaka restent plus désorganisés, bien que certains, y compris dans la famille Bozizé, se soient employés à y remédier.
Le bon schéma serait l'élection d'un Président qui ne serait ni mêlé aux événements passés, ni candidat aux prochaines élections – en application des accords de Libreville et de Ndjamena 1 et 2 –, des candidatures se sont déjà manifestées. La Cour constitutionnelle a validé la démission de M. Djotodia hier matin ; désormais, c'est M. Nguendet qui doit assurer la transition.
Tout cela rappelle la phrase du général de Gaulle : « Vers l'Orient compliqué, je volais avec des idées simples. » En l'occurrence, la situation est particulièrement compliquée…
Mais nos idées doivent rester simples : éviter les massacres, permettre la transition politique et assurer le relais par la MISCA et les Nations unies.
Sans l'intervention française, je le répète, nous aurions assisté à des massacres épouvantables. Quelque 250 militaires français étaient d'ailleurs présents à l'aéroport de Bangui M'Poko, dans le cadre de la mission Boali, engagée en 2003. Fallait-il les rapatrier ? Les laisser spectateurs des massacres ? Cela eût été catastrophique pour l'image de la France.
Des débordements et des exactions sont toujours possibles, mais l'évolution, s'agissant notamment du processus de transition, est positive.
Je vous remercie à mon tour, monsieur le ministre, de venir nous rendre compte de l'opération Sangaris, comme vous l'aviez fait pour l'opération Serval. J'aimerais que vous transmettiez l'hommage de la représentation nationale à nos soldats, engagés dans une mission peut-être plus complexe encore que ne l'était celle du Mali.
Nous nous félicitons de votre optimisme, même si la situation risque de durer plus longtemps que prévu, ne serait-ce qu'en raison de l'absence d'État – ce qui n'était pas le cas au Mali.
Le 18 décembre dernier, lors des questions au Gouvernement, je vous avais interrogé sur un éventuel déploiement des forces de gendarmerie européennes. Demander à des piliers de jouer à l'aile, ou l'inverse, n'est pas évident : les tâches de maintien de l'ordre, dont nos soldats s'acquittent avec sang-froid et retenue, ne sont pas le coeur de leur métier.
Au sein de la MISCA, le nombre de gendarmes et policiers devrait passer de 400 à 800. Le déploiement de gendarmes français est-il prévu, ne serait-ce que pour encadrer des forces de l'ordre venues de pays de l'Union africaine ? Cela permettrait de redéployer nos soldats vers des missions plus spécifiquement militaires.
Si, comme vous l'espérez, une opération européenne a lieu, le quartier général sera-t-il établi en France, éventuellement au mont Valérien comme ce fut le cas pour d'autres opérations ? Y a-t-il, outre l'envoi d'un contingent belge, d'autres perspectives de participations, qu'elles soient humaines ou, surtout, financières ?
Les Estoniens ont manifesté leur intention de participer, même dans un cadre bilatéral.
L'État centrafricain existe encore par lambeaux ; le réactiver est donc possible, pour organiser des élections avant la fin de l'année, si l'autorité de transition en a la volonté. Une évolution positive est possible si cette dernière gagne le respect de tous. Le Président et le Premier ministre ne pourront se présenter à l'élection présidentielle ; les membres du Gouvernement, eux, le pourront.
Pour nos soldats, l'opération est peut-être moins difficile physiquement qu'au Mali, mais plus difficile nerveusement. Leur action me laisse admiratif. Ils doivent souvent passer, en très peu de temps, d'une opération de maintien de l'ordre à une autre, plus spécifiquement militaire.
La présence de gendarmes européens me paraît effectivement nécessaire ; elle devient au demeurant visible au sein de la MISCA. L'une des difficultés de la situation que nous avons trouvée en arrivant sur place était que les gendarmes et policiers centrafricains, réputés réguliers, étaient en réalité des Séléka déguisés.
L'assemblée du CNT vient d'annoncer que l'élection aurait lieu samedi, et que les candidatures peuvent être déposées jusqu'à jeudi. Comme je l'indiquais, le processus de transition se met en oeuvre.
Je ne serai pas aussi pessimiste que M. Candelier.
La situation, en Centrafrique, n'a rien à voir avec celle du Mali : les conflits, si j'ai bien compris, sont plutôt d'origine religieuse ou ethnique et se concentrent majoritairement autour de Bangui. Dans ces conditions, la mission de nos forces ne s'apparente-t-elle pas plutôt à du maintien de l'ordre, comme ce fut le cas en d'autres lieux il y a environ soixante ans ? N'aurait-on pas intérêt à envoyer des gendarmes français, plus aguerris à ce type de mission ?
Nous y réfléchissons, mais je rappelle que les affrontements avec les milices armées sont bel et bien des opérations de combat. À Bangui même, d'autres forces doivent effectivement intervenir : celles de la MISCA le font de plus en plus, mais l'hypothèse de la gendarmerie, y compris européenne, reste posée, surtout si la situation continue d'évoluer favorablement.
Quoi qu'il en soit, il a bien fallu, au départ, pour éviter les massacres, mener des opérations militaires ; il faudra les poursuivre sur l'ensemble du territoire car, jusqu'à présent, elles ont été largement limitées à Bangui et Bossangoa. La population s'est en effet réfugiée dans les lieux où elle pouvait trouver un minimum de sécurité. À Bozoum, des maisons sont toujours incendiées.
Nous profiterons de la venue en France, la semaine prochaine, des responsables religieux de la RCA pour les auditionner conjointement avec la commission des Affaires étrangères.
Tous trois jouissent en Centrafrique d'une autorité morale considérable, et ils dialoguent en permanence. L'imam, qui était menacé par des milices catholiques mais aussi musulmanes, a d'ailleurs trouvé refuge chez l'archevêque.
Vous avez évoqué, s'agissant de la réorganisation de notre prépositionnement, une réduction de nos effectifs en Afghanistan, au Kosovo et dans le cadre de l'opération Atalante. Celle-ci, qui a pour objectif de lutter contre la piraterie, a bien réussi ; c'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous pouvons envisager un désengagement partiel. Cela dit, la piraterie s'est déplacée du côté du golfe de Guinée. En tout état de cause, ce changement de dispositif résulte-t-il d'une intention de remplacer les EPE, les équipes de protection embarquées, par les ESSD, les entreprises de services de sécurité et de défense ? Y a-t-il un lien avec le projet de loi relatif aux activités privées de protection des navires que nous aurons bientôt à examiner ?
La réponse est non, très clairement.
Si notre participation à l'opération Atalante sera réduite, c'est parce que d'autres pays s'associeront à la lutte contre la piraterie dans cette zone, à commencer par le Japon. Il faudra en revanche renforcer la protection maritime dans le golfe de Guinée ; certains États riverains doivent nous y aider.
Preuve du succès de l'opération Atalante, les tentatives d'attaque sont passées de près de 200 en 2010-2011 à seulement sept en 2013.
Vous avez évoqué le quadrillage de Bangui et le déploiement des forces sur l'ensemble du territoire, notamment des patrouilles mixtes, ainsi que le calendrier électoral, la présence française et la montée en puissance des forces africaines. Quelle contribution précise espérez-vous de la coopération européenne ? Peut-on également attendre de l'Union européenne, dans une vision à plus long terme, qu'elle contribue aux OPEX et au prépositionnement dans l'espace saharo-sahélien ? Les forces françaises, on le voit bien, ne sont pas extensibles.
En premier lieu, nos forces n'ont pas vocation à rester engagées dans des opérations qui arrivent à leur terme ; et, dans certains cas, les effectifs ne dépassent pas une dizaine d'hommes.
Une organisation cohérente dans la zone sahélienne nous permet une meilleure réactivité.
La contribution de nos partenaires européens restera en tout état de cause limitée, mais même un nombre réduit de soldats pourrait nous aider à protéger l'aéroport de M'Poko et à engager le retour chez elles des quelque 100 000 personnes réfugiées autour de la piste. L'action humanitaire est également indispensable ; mais, comme je l'ai indiqué, elle dépend aussi de l'ouverture de l'axe routier reliant Bangui au Cameroun. Des troupes européennes pourraient également nous aider à assurer cette sécurité. Surtout, je le répète, elles pourraient participer à la formation, comme au Mali. Une telle mission est essentielle pour la sécurité à long terme.
Depuis de nombreuses années, le Nord de la RCA est délaissé par le pouvoir central de Bangui. Dans ces régions vivent de nombreux musulmans qui, animés par le ressentiment, s'enrôlent dans les Séléka. Si l'on veut éviter une nouvelle spirale de cette nature, le Nord doit être pris en compte : c'est d'ailleurs l'une des conditions posées lors de la conférence de N'Djamena. Chacun doit aussi retrouver sa place au sein d'une armée reconstituée.
La France entend par ailleurs se mobiliser pour que les Européens prennent conscience qu'ils jouent leur sécurité au Sahel. Des opérations telles que EUTM-Mali ou EUCAP Sahel Niger sont particulièrement bénéfiques, et des coopérations existent, notamment avec les Britanniques pour le renseignement. Mais rien n'existe, par exemple, pour la Libye.
Votre collègue des Affaires étrangères se mobilisera-t-il sur cette question de la participation européenne ?
Il l'a déjà fait, et le fera encore au Conseil du 20 janvier prochain. Mes homologues européens sont déjà sensibilisés sur le sujet ; lundi prochain, je l'évoquerai avec mon homologue allemande. L'Allemagne, par le fait, est très active dans l'opération EUTM-Mali, et je rappelle que les Néerlandais enverront 400 militaires au Mali. Pour notre part, nous adaptons notre dispositif dans le sens que j'indiquais ; le but initial de ma tournée africaine était d'ailleurs d'en exposer les contours aux différents chefs d'État concernés.
À terme, ne subsisteront donc que quatre OPEX – au Mali, en RCA, au Tchad et au Liban au sein de la FINUL –, le reste se résumant à des prépositionnements, c'est bien cela ?
Oui. J'ajoute que, sur l'année, le surcoût de l'opération menée en RCA est estimé à environ 100 millions d'euros : la logistique est bien moindre qu'au Mali.
La famille d'un ancien empereur centrafricain pourrait-elle jouer un rôle politique ? On évoque parfois l'un de ses fils, qui a d'ailleurs fait des études en France…
Non, il ne fait pas partie des candidats potentiels.
La séance est levée à vingt heures trente.