Commission des affaires étrangères

Réunion du 24 octobre 2012 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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Mission Médias, livre et industries culturelles (Action audiovisuelle extérieure) du projet de loi de finances pour 2013

La séance est ouverte à neuf heures trente.

La commission examine, sur le rapport pour avis de MM. Jean-Jacques Guillet et François Rochebloine, les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles (Action audiovisuelle extérieure) du projet de loi de finances pour 2013 (n° 235).

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Je dois préciser que nous avons travaillé à deux sur cet avis budgétaire – ce fut d'ailleurs une expérience intéressante que je recommande. Je me concentrerai, pour ma part, sur la réforme et les crédits de RFI et de France 24, puis François Rochebloine vous présentera la situation assez spécifique de TV5 Monde.

Du fait des missions assignées à RFI, Monte Carlo Doualiya, France 24 et TV5 Monde, l'AEF présente une importance particulière pour notre commission. Du reste, trois missions d'information ont été créées sur ce sujet, les deux premières, en 2003 et 2007, sous la présidence de François Rochebloine, et la troisième, en 2011, avec Christian Kert et Didier Mathus comme co-rapporteurs.

Un autre rapport a été remis, en juin dernier, par M. Jean-Paul Cluzel, ancien président de RFI, au ministre des affaires étrangères et à la ministre de la culture et de la communication, qui ont partiellement suivi ses recommandations. La multiplication de ces rapports témoigne certes d'un véritable intérêt pour l'audiovisuel extérieur, mais aussi de problèmes dans sa gestion.

Je ne reviens pas sur la contribution stratégique de l'audiovisuel extérieur en ce qui concerne la place, l'image et l'influence de notre pays dans le monde. Je tiens à souligner, en revanche, que l'audience des différentes chaînes s'est considérablement accrue. On peut penser que les progrès enregistrés par France 24 et MCD à l'occasion du printemps arabe ont permis de renforcer la présence de la France.

Celle de la francophonie a également progressé : France 24 est aujourd'hui regardée au Maghreb et en Afrique francophone, bien sûr, mais aussi au Proche-Orient où l'on observe une progression constante de son audience, même si les instruments de mesure sont encore imparfait. Ses concurrents sont des chaînes arabes, notamment Al Jazeera et Al Arabiya, ainsi que BBC Arabic dont l'enracinement dans la région est historiquement assez différent.

Il faut aussi noter la présence importante de RFI en Afrique francophone, où elle est de loin la première radio, toutes chaînes confondues. Son taux de pénétration dépasse 60 % dans certaines capitales. Cela me paraît important au moment où le Gabon adopte l'anglais comme deuxième langue officielle et où le Sénégal s'interroge sur le maintien du français comme seule langue officielle. J'ajoute que RFI est aussi écoutée en Afrique non-francophone grâce à sa diffusion en d'autres langues que le français, notamment le swahili.

Du point de vue de l'audience, l'audiovisuel extérieur fonctionne donc plutôt bien. C'est hélas moins vrai pour sa gestion. Je ne reviens pas sur certaines affaires qui appartiennent désormais au passé, ni sur la démission d'Alain de Pouzilhac, le 12 juillet, après la publication du rapport de M. Cluzel, sauf pour rappeler que Marie-Christine Saragosse, jusque-là directrice générale de TV5 Monde, lui a succédé après avoir fait l'objet d'un consensus au sein des commissions appelées à donner un avis sur sa nomination. Son succès à la tête de TV5 Monde est unanimement reconnu.

Deux décisions importantes ont été prises, au mois de juillet, concernant RFI et France 24 : d'une part, l'arrêt de la fusion des rédactions, très contestée et dont la mission d'information commune avait beaucoup débattu sans parvenir à un consensus, tout en émettant de fortes réserves ; d'autre part, la poursuite du déménagement de RFI, lui aussi critiqué.

Le « dé-fusionnement » des rédactions, qui pourrait susciter quelques difficultés en raison des nominations déjà décidées par M. de Pouzilhac, est justifié par des raisons de fond.

Tout d'abord, s'il y a incontestablement une convergence des médias à l'ère du numérique, la spécificité des métiers demeure. On ne peut pas fusionner entièrement les rédactions, comme le montrent l'exemple de la BBC et celui de Deutsche Welle. Cela ne signifie pas que des coopérations ou des « rencontres », pour reprendre l'expression de Mme Saragosse, sont impossibles ; en revanche, il ne suffit pas de filmer une émission de radio pour faire de la télévision, ni de faire de la télévision sans image pour produire une émission de radio. Du reste, la taille des équipes et la nature des studios varient.

En second lieu, l'identité et les spécificités de RFI et de France 24 constituent un capital, chèrement acquis, qu'il convient de préserver et de faire fructifier dans un contexte de concurrence très vive au plan international.

Pour autant, l'arrêt de la fusion ne doit pas conduire à un retour en arrière. La mutualisation des fonctions support, déjà effective, doit être préservée, car elle permet de véritables synergies. On peut aussi mutualiser certains équipements, notamment des studios. De même, l'objectif d'introduire plus de cohérence au sein de l'AEF conserve toute sa pertinence.

La seconde décision prise au mois de juillet concerne le déménagement de RFI à Issy-les-Moulineaux : il sera mené à son terme. Nous avons d'ailleurs pu constater, en visitant les locaux, que les fonctions support étaient déjà installées.

Le déménagement s'impose en raison de l'investissement financier réalisé par l'Etat – 24,3 millions d'euros, versés sous la forme d'une dotation exceptionnelle et d'une compensation pour une partie des doubles loyers dus pendant la période des travaux. Il ne serait pas compréhensible de passer cet investissement par pertes et profits. Si l'on prend en compte l'installation de France 24 dans le bâtiment voisin, l'Etat aura investi 60 millions d'euros au total.

Il nous semble que les difficultés techniques évoquées par les syndicats – des problèmes d'aménagement des espaces de travail, de climatisation, de vibrations et de bruit –devraient pouvoir être réglées dans le cadre d'une information-consultation du CHSCT et, le cas échéant, de travaux supplémentaires, sans doute minimes.

C'est dans ce cadre renouvelé et, il faut l'espérer, enfin stabilisé et apaisé, que les crédits pour 2013 seront exécutés. La dotation totale pour l'AEF, incluant TV5 Monde, devrait être stable par rapport à 2012, à hauteur de 314,2 millions d'euros. On ne peut que s'en féliciter dans le contexte budgétaire actuel. C'est probablement une sorte de cadeau de bienvenue pour Marie-Christine Saragosse, qui devrait ainsi avoir les marges de manoeuvre nécessaires pour mettre en oeuvre la réforme. C'est aussi une bonne nouvelle par rapport au projet de contrat d'objectifs et de moyens (COM) qui avait été arrêté par la tutelle, mais non signé par la direction de l'AEF. Il était prévu une réduction de 8 millions d'euros des crédits en 2013.

Malgré ces éléments positifs, je dois vous faire part de quelques réserves. La stabilisation des crédits est « conservatoire », car elle ne correspond à aucune priorité clairement établie dans le « bleu » budgétaire. Elle s'explique surtout par la nomination de Mme Saragosse, qui aura de lourds chantiers à mener : le déménagement, la pacification du climat social et l'élaboration d'un véritable projet d'entreprise. Il ne fallait pas la mettre en difficulté. En outre, l'AEF n'a pas aujourd'hui de projet clair, ni d'orientations stratégiques, ni de trajectoire financière, faute de contrat d'objectifs et de moyens. La stabilisation des crédits est donc un choix a minima qui n'engage pas l'avenir. Au-delà de 2013, le budget triennal laisse malheureusement peu de doutes sur l'évolution des dotations, et les ressources publicitaires risquent de connaître une évolution similaire.

Du reste, l'AEF devra réaliser des efforts dès l'année prochaine, car la stabilisation de ses crédits en valeur signifie une perte en euros constants – je rappelle que la prévision d'inflation du Gouvernement est de 1,75 % pour 2013. Même si elle a évoqué un certain nombre de pistes, Mme Saragosse n'a pas encore fourni d'indications sur les futures orientations. On peut le comprendre, puisqu'une stratégie devrait bientôt être définie dans le cadre de la négociation du COM, mais il en résulte un flou que l'on peut regretter tant il rend difficile l'appréciation des dotations pour 2013.

Une rationalisation et une optimisation des moyens s'imposent, mais il faudra veiller à ne pas abandonner l'objectif d'une présence globale dans le monde. L'idée d'un basculement sur Internet dans des langues ou des espaces géographiques jugés non-prioritaires, évoquée par Jean-Paul Cluzel, nous paraît également prématurée, car le développement du multimédia ne se traduit nullement par la caducité des autres formats, encore prédominants. On a toujours besoin de la diffusion hertzienne et du câble. Enfin, la suppression de la diffusion de RFI et de MCD en ondes courtes et moyennes conduirait à sacrifier une grande partie de l'audience. MCD a vu la sienne remonter spectaculairement alors qu'on envisageait de fermer la chaîne en 2008. Une mutualisation peut avoir lieu avec le pôle arabophone de France 24, mais la disparition de MCD n'aurait pas de sens.

D'autres incertitudes planent sur les dotations pour 2013 : l'absence de contrat d'objectifs et de moyens, contraire à la loi de 1986, ainsi que des zones d'ombre sur le coût final du déménagement. Une fois qu'elle aura été réalisée, l'installation à Issy-les-Moulineaux sera budgétairement neutre, mais il y aura des surcoûts transitoires. A cela s'ajoute la nécessité de renégocier les accords d'entreprise en raison de la fusion juridique, tout en établissant un « socle social » commun pour harmoniser les statuts. Tout nécessaire qu'il soit, ce chantier risque d'être long et coûteux.

Bien que des doutes entourent encore l'avenir de l'AEF, les résultats que cette société a obtenus contribuent à en faire un succès. Il y a une attente à l'égard de la France et je salue le travail réalisé par les journalistes. Il est vrai que la comparaison avec BBC World Service et World News peut conduire à espérer encore des efforts supplémentaires, mais l'AEF n'a pas la même expérience que ses concurrentes britanniques, ni le même soutien que celui fourni par la BBC. En outre, je tiens à rappeler la grande qualité des émissions en arabe de France 24 et les efforts engagés pour adapter sa politique éditoriale aux enjeux de la zone de diffusion.

Il faut espérer que la nouvelle réforme, tout juste engagée, permette à l'AEF de poursuivre son développement en engrangeant de nouveaux succès dans le paysage audiovisuel mondial, malgré les efforts de rationalisation et d'optimisation des moyens déjà indispensables et les évolutions budgétaires probables à l'avenir.

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Je m'associe aux propos de Jean-Jacques Guillet sur notre travail commun, en soulignant toutefois les difficultés que nous avons éprouvées pour obtenir des réponses à certaines de nos questions.

TV5 Monde est, elle aussi, concernée par la nouvelle réforme de l'AEF. Comme Jean-Paul Cluzel le recommandait dans son rapport, le Gouvernement a annoncé qu'il envisageait un changement de portage capitalistique. Il s'agit de remplacer l'AEF par France Télévisions dans le capital de TV5 Monde pour tenter de remédier aux dysfonctionnements actuels.

Je rappelle que la société en charge de l'AEF est devenue l'actionnaire principal, mais minoritaire, de TV5 Monde à la suite de la réforme de 2008. Si l'on y ajoute les participations détenues par France Télévisions, Arte France et l'INA, la France détient 66,67 % du capital, contre 11 % pour chacun des autres partenaires francophones

L'insertion de l'AEF dans TV5 Monde avait un sens, car la chaîne contribue à assurer la mission culturelle de promotion de notre patrimoine qui incombe à l'AEF, notamment au plan linguistique. On pouvait également espérer un certain nombre de coopérations entre les chaînes, voire des synergies.

En réalité, comme l'a constaté la mission d'information commune à notre commission et à celle des affaires culturelles et de l'éducation, dans son rapport de mars dernier, cette configuration a plutôt conduit à des dysfonctionnements. Il y avait d'ailleurs unanimité sur ce constat.

Tout d'abord, en tant que société de second rang, TV5 Monde n'a plus de relation directe avec la tutelle française, et elle n'a pas été associée à l'élaboration du projet de COM de l'AEF, alors qu'elle est directement intéressée : la contribution française à son budget est incluse dans les dotations prévues pour l'AEF dans son ensemble.

De ce fait, alors que la subvention de TV5 Monde est théoriquement fongible au sein du budget de l'AEF, elle a tendance à être sanctuarisée par cette dernière, qui ne sent pas responsable du bon usage des crédits. Le rapport d'octobre 2011 de l'Inspection générale des finances et celui de la mission d'information commune étaient pleinement en accord sur ce point.

Par ailleurs, le processus de fusion entre France 24 et RFI a suscité des inquiétudes chez les autres partenaires francophones : la nouvelle société doit désormais répartir les moyens qui lui sont alloués entre TV5 Monde et elle-même – et non plus RFI et France 24. On peut comprendre que cette curieuse situation ait conduit TV5 Monde à redouter une marginalisation au sein de l'AEF.

Afin d'améliorer son positionnement, le rapport de Jean-Paul Cluzel a proposé de rétablir France Télévisions dans son rôle historique d'actionnaire de référence. Le Gouvernement a indiqué que tel était son souhait dans un communiqué du 12 juillet, sans préciser quel serait le niveau de participation de France Télévisions. Il nous a été indiqué, très laconiquement, que « des contacts appropriés ont été pris avec les Etats francophones partenaires ».

Deux hypothèses sont dès lors envisageables : soit rétablir France Télévisions comme actionnaire minoritaire, détenant 49 % des parts de TV5 Monde, comme c'est aujourd'hui le cas de l'AEF, soit en faire l'actionnaire majoritaire. Quel que soit le choix retenu, il faudra réviser « l'entente intergouvernementale » conclue avec les autres partenaires francophones.

M. Cluzel a semblé être plutôt favorable à la deuxième solution qui ferait de TV5 Monde une filiale de France Télévisions au regard de la loi française. La contribution française à TV5 Monde pourrait alors être discutée dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions, dont elle constituerait un volet spécifique.

Nos partenaires risquent toutefois de voir cette solution d'un mauvais oeil, étant très attachés à la clause interdisant à toute société et à ses filiales de détenir ensemble plus de 49 % du capital, mesure qui vise à sauvegarder l'autonomie et le caractère multilatéral de la chaîne.

Comme pour France 24 et RFI, une stabilisation de la dotation française est prévue en 2013 pour TV5 Monde, à hauteur de 75 millions d'euros. En revanche, contrairement au reste de l'AEF, pour qui ce budget implique seulement des efforts de rationalisation et d'optimisation des moyens, la direction de TV5 Monde nous a dit être face à une impasse financière.

Du fait de l'accroissement mécanique d'une partie des dépenses, TV5 Monde aurait notamment besoin d'une hausse de 2 millions d'euros de la dotation française pour maintenir son activité.

Il faudrait également reconstituer le budget d'achat des programmes français, amputé de 2 millions d'euros entre 2007 et 2012, cette enveloppe ayant servi de variable d'ajustement pour la réduction des efforts de la France par rapport à ses engagements.

A cela s'ajoute le défi de la bascule technologique : TV5 Monde est dans l'obligation de renouveler intégralement son dispositif technique de production, post-production et diffusion au cours de l'année 2013. La direction évalue à 3 millions d'euros les surcoûts qui résulteront, à titre transitoire, de la double exploitation des systèmes pendant une durée d'au moins six mois.

Enfin, TV5 Monde bénéficie jusqu'à la fin de l'année 2012 d'un minimum garanti sur les ressources publicitaires qui ne sera pas reconduit. Compte tenu du chiffre d'affaires réalisé et des faibles perspectives de croissance du marché publicitaire, il paraît prudent de tabler sur une perte d'au moins un million d'euros.

Face à de tels surcoûts, TV5 Monde estime être quasiment arrivée à la limite des redéploiements possibles au plan interne, et craint un gouffre de 5 ou 6 millions d'euros.

On pourrait envisager de solliciter les autres partenaires francophones s'ils n'avaient pas consenti des efforts importants. Or, leur contribution a augmenté de plus de 60 % depuis 2008, quand la dotation française ne suivait même pas le niveau de l'inflation. De plus, certains partenaires se trouvent, eux aussi, dans une situation financière difficile.

Nous craignons donc une crise au sein de TV5 Monde : sans effort supplémentaire, il faudra soit « sortir » de certains pays pour diminuer les coûts, soit réduire le sous-titrage, pourtant essentiel afin de développer l'audience et les ressources propres, soit abandonner une partie des productions propres de la chaîne, soit amputer les investissements en matière de marketing et de communication. Toutes ces solutions constitueraient une régression et mettraient en péril le développement, voire la survie de la chaîne dans l'univers très concurrentiel qui est le sien.

Ce serait d'autant plus regrettable que TV5 Monde a obtenu de très beaux résultats depuis sa création, il y a déjà 28 ans : elle est parvenue à se hisser dans le peloton de tête des plus grands réseaux internationaux. Sa distribution a ainsi augmenté de 25 % par rapport à 2008 et elle s'est encore accrue de 6,5 % entre le 30 juin 2011 et le 30 juin 2012. La chaîne est aujourd'hui disponible dans plus de 235 millions de foyers TV.

Malgré ces réserves, je vous propose d'adopter les crédits prévus pour l'action audiovisuelle extérieure. Il nous semble que la réforme en cours va dans le bon sens et nous faisons confiance à Mme Saragosse, qui a réalisé un travail remarquable à la tête de TV5 Monde, à la suite de Serge Adda, pour rétablir de bonnes relations avec la tutelle comme avec les salariés et pour faire émerger un projet réaliste et partagé par tous, qui permettra à l'AEF de poursuivre son développement sur une ligne plus consensuelle.

S'agissant du lien avec le reste de l'AEF, le président Edouard Balladur s'était interrogé sur la possibilité de faire appel à TV5 Monde pour la création d'une « CNN à la française ». L'attelage finalement retenu, qui différait nettement des conclusions adoptées par la mission d'information, à l'unanimité, n'a pas donné satisfaction. On a fini par racheter à un prix relativement élevé les parts acquises par TF1 pour 18 500 euros. Ce rappel historique ne me semble pas inutile.

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Ayant participé à la mission d'information commune sur la réforme de l'audiovisuel extérieur, j'ai écouté nos rapporteurs avec intérêt, mais mon avis est quelque peu différent du leur.

Existe-t-il une différence entre le métier de journaliste à la radio et celui de journaliste à la télévision ? Les syndicats l'affirment. Or nous connaissons de nombreux exemples de journalistes passés et repassés de l'une à l'autre ; d'ailleurs, le métier de journaliste impose de plus en plus de s'adapter à des médias différents, avec le développement des médias électroniques. Et nous-mêmes, députés, savons passer de la télévision à la radio sans avoir besoin de cours ! Il me paraît très critiquable d'arrêter la fusion pour des raisons purement syndicales, et je reste persuadé qu'il y aura d'autres fusions.

Je ne partage pas non plus l'avis général sur la BBC. Sauf exception, ses programmes sont hachés par la diffusion de bandes annonces, ce qui est totalement insupportable.

Le rattachement de TV5 au groupe France Télévisions me laisse également perplexe. Je crains que cette chaîne ne soit plus qu'une danseuse dont on ne s'occupe pas. Il y a eu de graves problèmes de personnes à l'AEF, mais le rattachement de TV5 offrait d'intéressantes perspectives, notamment dans le domaine de l'information. C'est d'ailleurs ce qui pêche sur TV5 : on n'y voit pas ces bandeaux d'annonces que diffusent la plupart des chaînes d'information, non plus que des bulletins d'information toutes les heures. Et il y aurait beaucoup à dire sur l'intérêt de certaines émissions.

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Les conflits qui ont traversé l'AEF ne tenaient pas seulement à des problèmes de personnes, mais aussi à des questions de fond.

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En tout état de cause, je souhaite que nous n'assistions plus à ce genre de combat d'ego aux frais de la République. Il serait également souhaitable que notre commission auditionne Mme Saragosse ; il est normal que nous demandions des comptes.

Je remercie les rapporteurs pour leur travail très fouillé sur le fonctionnement des différents organismes, mais il me semble que nous devons aussi nous poser la question des finalités et celle des territoires qui doivent être couverts en priorité. J'aimerais notamment savoir quelles sont les orientations prévues pour la Chine et l'Inde.

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Je suis bien décidée à convier Mme Saragosse à une audition. Je pense que nous devons cependant attendre qu'elle ait pu s'installer dans ses nouvelles fonctions.

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Je crois qu'il y a effectivement un problème en ce qui concerne la qualité et l'actualité des programmes de TV5. D'autres émissions pourraient parfois intéresser davantage le public.

Je voudrais interroger les rapporteurs sur le modèle à adopter pour une diffusion mondiale. Existe-t-il un paradigme qu'il faudrait suivre ? La BBC, souvent citée en exemple, est-elle si bonne ? Et nous, Français, sommes-nous si mauvais ?

Par ailleurs, comment pouvons-nous accroître la présence de nos médias internationaux dans les pays émergents – l'Inde, la Chine, mais aussi ceux d'Amérique latine ?

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Je m'interroge sur la manière dont on assure la complémentarité entre ces chaînes si différentes dans leur nature et leurs objectifs. TV5 a un rôle de coordination entre partenaires au sein de la francophonie ; or on a tendance à la traiter comme si elle était de même nature que France 24 ou RFI.

Il y a aussi une contradiction dans la manière dont la France se comporte : elle demande à ses partenaires d'augmenter leur contribution et dans le même temps elle continue à essayer de tout imposer. Là encore, on parle beaucoup de francophonie, mais on décourage nos partenaires. Ils n'en peuvent plus de voir le pays qui devrait servir de phare ne pas montrer l'exemple.

Il me semble également nécessaire de maintenir un lien entre l'AEF et TV5, sans qu'il soit nécessairement de subordination : si on laisse partir TV5 du côté de France Télévisions, tout sera séparé.

Enfin, les rapporteurs pourraient-ils nous présenter un tableau comparatif des budgets des grands pays pour l'audiovisuel extérieur ? Je pense au Royaume-Uni avec la BBC, mais aussi à l'Allemagne ou aux chaînes arabes telles qu'Al Jazeera. Il y a là des enjeux fondamentaux d'influence.

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Jacques Myard a raison : le métier de journaliste est le même à la radio et à la télévision. Pour ma part, j'ai commencé à travailler à FR3 avant de passer à Radio France. Seul le matériel est différent. Il y a même une entreprise, BFM, où les journalistes font à la fois de la radio et de la télévision.

En ce qui concerne TV5, je suis aussi d'accord : il faudrait une programmation plus intéressante.

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Nous devons apporter notre soutien aux femmes journalistes, qui sont de plus en plus souvent agressées, notamment en Egypte. Il y a quelques jours, cela a encore été le cas pour une correspondante de France 24, au Caire. Comment pouvons-nous lutter contre ce fléau ?

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Je voudrais revenir sur la question du multilinguisme. Je sais que je suis minoritaire sur ce sujet, mais je reste opposé à ce que des médias français soient diffusés en langue étrangère.

Dès lors qu'ils sont financés par l'Etat, leur mission première est, en effet, d'être au service de la francophonie et non d'une prétendue influence de la France qui serait exercée dans une autre langue que la nôtre. Ces médias ne parlant pas au nom de la France, cette influence ne peut être que celle de leurs rédactions.

De plus, alors que nous constatons un recul de la langue française en proportion, notamment au Maghreb et en Afrique dans les jeunes générations, je trouve choquant que des fonds publics servent à financer le développement de l'arabe ou de l'anglais.

S'ajoute à cela un argument budgétaire : quand les moyens diminuent, il faut réduire les coûts ; or la diffusion multilingue est très coûteuse.

Cette question du choix de la langue de diffusion se pose en particulier pour RFI, dont 90 % des auditeurs se trouvent en Afrique. RFI doit suivre avant tout sa vocation qui est l'éducation à la langue française.

Quant à France 24, je vous mets au défi de la regarder dans notre langue en Asie et dans la plupart des pays arabes. L'argument tiré de la limitation du nombre de canaux et de la difficulté à renégocier les contrats, qu'avait fait valoir devant nous Alain de Pouzilhac, ne suffit pas à justifier cette situation.

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Dans ma circonscription, qui est très vaste, la couverture est correcte pour France 24, du moins en anglais et dans les hôtels ; pour TV5, elle est franchement médiocre. Mais j'aimerais surtout savoir quelle est l'audience réelle en Asie et dans le Pacifique.

Par ailleurs, qu'en est-il du développement de ces médias sur internet ? C'est une question qui importe, notamment en raison du décalage horaire. Nos 2,5 millions de compatriotes expatriés veulent avoir accès à des programmes sur Internet. Ce ne sont pas des vieilles séries ou des documentaires déjà diffusés à de nombreuses reprises qui les intéressent le plus.

Par ailleurs, je rejoins l'avis d'Axel Poniatowski sur le multilinguisme, en tout cas pour France 24. Nous n'avons plus les moyens de le financer, et je ne considère pas que la voix de la France puisse s'exprimer en langue étrangère. C'est la voix des journalistes que l'on entend et elle ne représente qu'eux-mêmes. De plus, la couverture est insuffisante dans des pays autrefois de tradition française, comme l'Indochine. Ne faudrait-il donc pas concentrer les efforts sur la version française ?

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J'ai fait partie d'une mission d'évaluation et de contrôle sur le français dans le monde, qui a auditionné tous les responsables des grandes chaînes internationales, et il se trouve que j'ai présidé pendant cinq ans la commission politique de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie. Les débats sont les mêmes qu'ici. Où placer le curseur pour le français ? Peut-on assurer une heureuse mixité avec une autre langue, et une seule, que ce soit l'arabe, le portugais ou l'anglais ? Il y aussi la question du curseur financier. Les crédits qui nous sont proposés pour 2013 suffiront-ils ?

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On dit que la meilleure façon d'agir pour que les autres parlent notre langue, c'est de parler la leur. Pourquoi ne pas diffuser en français avec un sous-titrage dans la langue du pays ?

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La place du français est une vraie question, de même que celle des moyens. Contrairement à M. Mariani, je pense qu'en diffusant en anglais ou en arabe on ne véhicule pas seulement l'opinion des journalistes. Autre question, s'il n'y avait pas de diffusion dans d'autres langues, y en aurait-il une en français à la place ? Par ailleurs, il me semble que l'on peut effectivement s'interroger sur la qualité de certaines émissions et sur le sous-titrage. Cette dernière idée me paraît intéressante.

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Le fait de diffuser aussi en anglais et en arabe est-il bénéfique pour France 24 dans sa version française ? C'est difficile à mesurer, notamment parce que le pôle arabophone est relativement récent. Il s'est beaucoup développé au cours des deux dernières années et le « printemps arabe » a joué un rôle considérable. Comme je l'ai déjà indiqué, la diffusion en français et celle en arabe présentent des différences, notamment en matière de contenus. Il est probable, mais ce n'est pas certain, que la diffusion en français bénéficie de celle en arabe, notamment en Egypte et au Liban. On sait qu'il s'agit d'une télévision française.

Par ailleurs, dans la mesure où les jeunes du Maghreb parlent moins français qu'avant et où, plus généralement, notre langue a beaucoup reculé au Proche-Orient, la diffusion en arabe présente une véritable utilité. Est-ce le cas pour l'anglais ? On nous a dit qu'il était indispensable de diffuser en anglais pour être repris dans les grands médias internationaux tels que CNN. Mais est-ce nécessairement l'objectif ? Je continue à me demander si la diffusion de France 24 en anglais s'impose. Le fait qu'on ne puisse souvent la regarder qu'en anglais, en particulier en Asie, est un problème. Pour faire connaître notre pays et assurer notre présence, le sous-titrage est une solution à envisager, vous avez raison. TV5 Monde et la CCTV y ont déjà recours.

Le budget de BBC Global News, comprenant notamment BBC Arabic et BBC Persian, s'élevait à 362 millions d'euros à la fin de l'année 2010, celui de la Deutsche Welle à 286 millions d'euros et celui de l'AEF à 368 millions. Quant aux recettes publicitaires, elles étaient de 34 millions d'euros pour la BBC et de 7,5 millions d'euros pour l'AEF – la Deutsche Welle n'en avait pas. Vous voyez que nous ne sommes pas ridicules. J'ajoute que la BBC et la Deutsche Welle ont subi des compressions budgétaires au cours des dernières années, ce qui n'est pas le cas de l'AEF.

La mesure de l'audience est difficile, car les indicateurs varient selon les zones, mais nous utilisons les mêmes méthodes que la BBC et la Deutsche Welle. France 24 avait 9 millions de téléspectateurs en 2008, 20 millions en 2009, 30 millions en 2010 et 43,4 millions en 2011. On peut penser que le développement du pôle arabophone permettra d'aller encore plus loin en 2012.

Le multimédia fonctionne bien. Il emploie plusieurs dizaines de personnes à France 24, ce qui n'est pas négligeable, et il y a de vraies coopérations.

La fusion des rédactions de France 24 et RFI, que souhaitait surtout M. de Pouzilhac, se heurte certes à des problèmes syndicaux, mais ils sont aussi techniques. Je ne suis pas d'accord avec M. Myard : pour le journaliste, la radio n'est pas identique à la télévision. Le fonctionnement des studios ne nécessite pas les mêmes effectifs et les conditions de reportage sont tout aussi différentes. Un journaliste radio est plus mobile qu'une équipe de télévision dont le matériel est plus imposant. Enfin, les conditions salariales ne sont pas les mêmes à RFI et à France 24, ce qui pourrait entraîner certaines difficultés.

Existe-il un modèle idéal ? La BBC n'en est pas un. Elle est parfois plus agréable à regarder, mais la qualité des émissions y est moins grande que sur France 24. Je pense en particulier à l'émission « Les observateurs », dont l'impact est très fort.

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La question des langues faisait déjà l'objet de vifs débats lors de la création de France 24. Au Maghreb, 65 % des téléspectateurs regardent la chaîne exclusivement en arabe, 6 % exclusivement en français et 29 % en arabe et en français. Cela permet de porter une « vision française », même s'il ne s'agit pas, bien sûr, de la voix de la France.

En application de la loi de 1986, Mme Saragosse devrait présenter un rapport sur l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens devant les commissions chargées des affaires culturelles, des finances et des affaires étrangères, ce qui me paraît très positif.

Je le reconnais, je suis un défenseur de TV5 Monde. De grands progrès ont été faits. S'agissant des journaux télévisés, certains avaient envisagé, à l'époque de M. de Pouzilhac, de les supprimer sur TV5 Monde pour favoriser France 24, ce qui aurait été très dommage. Je tiens aussi à rappeler que la chaîne est francophone. Nos partenaires belges, suisses, canadiens et québécois ont d'ailleurs augmenté leur participation.

Certaines émissions sont peut-être moins intéressantes que d'autres, mais les résultats sont là. TV5 Monde est diffusée dans 235 millions de foyers, répartis dans 200 pays et territoires. Dans les hôtels, sa diffusion représente 830 millions de nuitées annuelles.

J'ajoute que TV5 Monde sous-titre ses programmes dans douze langues : l'allemand, l'anglais, l'arabe, le coréen, l'espagnol, le japonais, le néerlandais, le polonais, le portugais, le roumain, le russe et le vietnamien, en plus du français qui est sa signature identitaire. TV5 Monde le fait déjà !

En matière de distribution, il y a une concurrence. Les opérateurs ne veulent pas nécessairement deux chaînes en français. Dans les hôtels, on trouve plus souvent TV5 Monde que France 24 et lorsqu'on parvient à avoir cette dernière, c'est souvent en anglais. Je rejoins certains d'entre vous : là aussi, il serait intéressant de sous-titrer les programmes dans la langue du pays. Mais cela pourrait coûter assez cher.

Il est certain que la fusion des rédactions a été mal engagée. Celui qui dirigeait l'AEF n'était pas le mieux placé pour la mener à bien, et les plans de sauvegarde de l'emploi à RFI, dont le premier a conduit au départ de plus de 200 personnes, n'ont rien arrangé. Le climat a donc besoin d'être apaisé. Si le Sénat et l'Assemblée ont donné leur accord à la nomination de Mme Saragosse, c'est qu'elle a fait ses preuves à TV5 Monde. Nous ne pouvons que lui souhaiter bonne chance et bon courage.

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Philippe Cochet a souligné notre faiblesse en Asie, en particulier en Chine et en Inde. Nous y sommes peu présents, c'est vrai. Je regrette en particulier que l'accord de distribution entre TV5 et France 24 n'ait pas pu aboutir.

Partant du principe que le numérique pourrait se substituer à une diffusion traditionnelle, Jean-Paul Cluzel nous a suggéré qu'il fallait abandonner des pays comme la Chine et l'Inde et se concentrer sur notre pré carré traditionnel. Pour notre part, nous n'en sommes pas convaincus et personne d'autre ne semble l'être.

S'agissant de RFI, l'audience est de plus en plus faible pour certaines langues. On a ainsi pensé à abandonner la rédaction lusophone qui s'adresse notamment à l'Angola, à la Guinée Bissau, au Mozambique et au Cap vert. En Europe aussi, il y a des difficultés : en Roumanie, RFI est plus écoutée en français qu'en roumain, ce qui pose la question du maintien de cette langue. Mais plus on abandonne de langues, plus on change la conception même de RFI, et il ne faut pas oublier un dernier élément : l'abandon d'une langue signifie des licenciements.

En ce qui concerne les nouveaux médias, les chiffres sont corrects. Le site de France 24 a reçu 5,8 millions de visites mensuelles en 2010 et 9,9 millions en 2011, soit une hausse de 71 %. La progression est semblable pour le nombre de pages vues. En audience par langue, le français compte le plus de visites : 5,7 millions par mois en 2011, contre 2,5 millions pour l'anglais et 1 million pour l'arabe. Le support classique, c'est-à-dire via la télévision, reste donc prédominant.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles (action audiovisuelle extérieure) du projet de loi de finances pour 2013 (n° 235).

Mission Ecologie, développement et aménagement durables du projet de loi de finances pour 2013

La commission examine, sur le rapport pour avis de M. Jean-Marie Le Guen, les crédits de la mission Ecologie, développement et aménagement durables du projet de loi de finances pour 2013 (n° 235).

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Je ne rappellerai que brièvement les chiffres. Ceux-ci relèvent davantage du rôle des rapporteurs spéciaux de la commission des finances. Les dotations de l'ensemble de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables » diminuent de 4,4% pour les autorisations d'engagement, passant de 8,777 milliards d'euros ouverts en loi de finances initiale pour 2012 à 8,385 demandés pour 2013, et de 3,76% en crédits de paiement, passant de 8,704 à 8,379 milliards d'euros. L'essentiel de l'effort porte sur les dépenses de personnel du titre 2 et celles d'intervention du titre 6.

Je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.

D'abord, la politique de l'écologie et du développement durable, avec naturellement à l'arrière-plan la question énergétique, s'inscrit dans le cadre d'une véritable stratégie nationale. La perspective en a été présentée par le Président de la République lors de la conférence environnementale, le 14 septembre dernier. Il s'agit de commencer la transition énergétique avec notamment les énergies renouvelables et l'amélioration de l'efficacité énergétique, en particulier dans le logement, ainsi que d'assurer la protection des milieux et de la biodiversité.

S'agissant de l'énergie, l'année 2013 sera marquée par le débat national sur la transition énergétique organisé selon les grandes questions annoncés par la feuille de route : les modalités de l'efficacité et de la sobriété énergétique, la trajectoire pour atteindre le bouquet énergétique annoncé en 2025, les scénarios à plus long terme (2030 et 2050), le choix en matière de renouvelable et la stratégie industrielle et commerciale, les coûts de la transition énergétique et leur financement.

Ensuite, en matière de développement durable, l'Union européenne déploie une stratégie qui se veut complète et qui rencontre un succès certain, notamment en matière de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Grâce aux actions engagées en la matière, notamment au système européen de quota d'émission et, dans les dernières années, au paquet énergie climat et aux textes associés, on constate que dans la lutte contre le changement climatique, l'Europe se veut exemplaire et qu'elle est d'ailleurs le « bon élève ». D'une part, la proportion des sources d'énergie renouvelables hors hydroélectricité est de 5% pour l'ensemble de l'Union européenne, contre 1% pour la Chine et 2% pour les Etats-Unis, l'Inde et le Japon. L'Allemagne est très en pointe avec 8% de même que l'Espagne avec 9%.

D'autre part, les émissions de gaz à effet de serre sont en diminution de 11%, et même pour les 15 anciens Etats membres, de 14,5%, en 2011, par rapport à la référence de 1990. Le seul point un peu faible est en raison du poids de l'acquis, le volume des émissions par tête, qui reste plus élevé que le reste du monde, avec 8 tonnes par habitant et par an environ, mais représente moins de la moitié des émissions américaines. Ce critère est d'ailleurs avancé par des pays comme la Chine dans les négociations.

Enfin, le développement durable fait l'objet de manière maintenant continue de négociations internationales essentielles. Je rappellerai les trois plus importantes.

Il s'agit d'une part du processus de Rio. La conférence dite Rio + 20 a adopté un document visant à orienter l'action de la communauté internationale, avec notamment des avancées institutionnelles sur le processus d'élaboration des objectifs du développement durable au niveau mondial et un certain renforcement du PNUE en tant qu'autorité mondiale reconnue en matière d'environnement.

La deuxième négociation clef concerne naturellement la lutte contre le changement climatique.

Il y a enfin la protection de la biodiversité. La conférence d'Hyderabad, qui s'est achevée le 19 octobre dernier, s'est achevée sur un engagement de doublement d'ici 2015 des aides aux pays en développement et sur un inventaire des zones marines d'intérêt écologique et biologique. Pour l'avenir, la question clef concerne la mise en oeuvre du protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation, pour éviter la biopiraterie et le pillage des ressources des pays pauvres.

Le rapport est centré sur les enjeux principaux.

Le premier est double. Ce sont deux des prochaines conférences des parties sur le climat. La première échéance est très proche. C'est la conférence de Doha qui aura lieu du 26 novembre au 7 décembre prochain. Il convient de fixer la deuxième période d'engagement du protocole de Kyoto. La première période d'engagement vient en effet à échéance le 31 décembre prochain. Le protocole est le seul instrument contraignant en la matière. Le principe de cette deuxième période a été acté à Durban. Il s'agit maintenant de fixer les modalités. Sur la durée, 5 ou 8 ans, l'Union européenne préfère 8 ans. Il s'agit également de fixer le champ des pays qui s'engagent, parmi les pays développés. 38 pays s'étaient engagés en 1997. La défection du Canada, qui est sorti du protocole, mais aussi de la Russie et du Japon, qui ne souhaitent pas de nouvel engagement sur des objectifs de réduction, sont préjudiciables. Enfin, il faut fixer les objectifs. Pour les pays européens, c'est relativement simple compte tenu du paquet énergie climat. Pour les autres cas, c'est moins clair.

La deuxième échéance est plus éloignée, mais tout aussi importante. C'est la conférence de 2015, celle au cours de laquelle il est prévu de fixer l'accord global, c'est-à-dire le régime applicable après la deuxième période d'engagement de Kyoto, autrement dit le régime de l'après 2020. Celui-ci devra être universel, c'est-à-dire concerner tous les pays, et les engager sur une trajectoire propre à limiter l'augmentation de la température terrestre. A l'arrière-plan, c'est le choix de notre futur modèle de développement économique que nous devons faire, pour la France comme pour le reste du monde.

Pour cette conférence de 2015, qui selon les règles de l'ONU doit avoir lieu dans un pays du groupe de l'Europe de l'Ouest et pays autres, le Président de la République a indiqué la disponibilité de la France. C'est une proposition que je souhaite saluer. Elle implique de notre part la nécessité de s'y préparer de façon à anticiper l'idée que notre candidature pourrait être acceptée.

La négociation s'annonce en effet difficile. Nous avons tous en mémoire l'échec de la conférence de Copenhague. Il faut construire des problématiques de diplomatie. L'Europe a cependant un savoir-faire sur le plan diplomatique, mais aussi sur le plan de l'exemplarité. En l'absence de mécanisme global, elle peut introduire dans son arsenal juridique un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières, pour contrer les effets du dumping environnemental des pays qui ne voudraient pas s'engager, mais aussi pour éviter les fuites de carbone, c'est-à-dire le transfert vers les pays tiers d'activités émettrices. Il est légitime d'arriver dans les négociations diplomatiques futures avec à la fois la volonté réelle d'aboutir à un accord global, mais en même temps celle de se préparer aussi aux conséquences éventuelles d'une non coopération d'un certain nombre de pays. L'Union européenne a un accord de fait avec certains pays, parmi lesquels les Etats insulaires, mais comme vous le savez, il y a des Etats réservés, sans parler des Etats-Unis, réticents à aborder ces questions.

Le deuxième point spécifique qui mérite cette année d'être évoqué, est celui de la création autour de la France et de l'Allemagne d'une véritable communauté européenne de l'énergie, comme l'a indiqué le Président de la République, lors de la conférence environnementale. Une coopération industrielle dans le solaire a été évoquée côté allemand. L'enjeu est pour nous double : économique, car il s'agit de se positionner de manière compétitive et anticipatrice sur l'énergie du futur ; politique, car l'indépendance énergétique de l'Union européenne, c'est la garantie d'échapper dans le futur aux pressions d'Etats qui feraient des matières, produits et équipements énergétiques un outil plus ou moins systématique de politique étrangère.

Enfin, le troisième point spécifique concerne le règlement des difficultés actuelles du système des quotas d'émission. D'abord, il convient de réformer le SEQE car le prix de la tonne de CO2 s'est effondré, autour de 7 à 8 euros la tonne, en raison d'un excès d'offre, alors qu'il faudrait qu'elle soit au triple pour que les investissements des entreprises au profit de technologies moins émettrices aient un équilibre financier. La Commission européenne a fait des propositions afin de régulariser la situation. Il convient qu'elles soient adoptées, comme l'a indiqué le Président de la République lors de la Conférence environnementale. Ensuite, il y a la question de l'inclusion du transport aérien dans le champ du dispositif. Les pays tiers y sont opposés. Des négociations sont en cours au niveau de l'OACI avec l'espoir d'aboutir à une première étape au niveau international. Dans cette attente, l'application du dispositif européen reste suspendu.

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Je voudrais ajouter un mot sur la communauté européenne de l'énergie. Toutes ces questions renvoient à la problématique des politiques convergentes, sur les emplois d'avenir, l'écologie et l'unification de l'action extérieure de l'Union européenne. Tout est en ordre assez dispersé actuellement et il faudrait renouer avec l'histoire en relançant des projets structurants.

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Je regrette la baisse des crédits de l'environnement, ce n'est pas un bon affichage d'une volonté politique. Le bilan en ce qui concerne les gaz à effet de serre est en baisse au sein de l'Union européenne. On annonce une diminution du nucléaire en France et dans d'autres pays européens. Avec la problématique du gaz de schiste, qui risque aussi de changer la donne, n'avez-vous pas d'inquiétude sur le fait que l'on risque d'avoir des effets contraires à ce qui est recherché ?

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Je souhaiterais des précisions sur la coopération entre la France et l'Allemagne en ce qui concerne les panneaux solaires. La Chine s'est emparée du marché avec des prix très bas. Qu'y a-t-il de nouveau quant à la volonté de renouer entre la France et l'Allemagne sur cette question ?

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Je remercie le rapporteur pour sa présentation d'un tableau dense et complet. Je voudrais rappeler que l'environnement est l'un des volets de notre diplomatie et j'ai le sentiment qu'on est en recul depuis quelques années, depuis Rio, Johannesburg, où l'idée de Jacques Chirac de transformer le PNUE en Organisation mondiale de l'environnement avait été défendue, pour avoir un dispositif complémentaire à celui de l'OMC. Cela était porté par la France et soutenu par l'UE ; on a patiné et c'est dommage.

En ce qui concerne la politique européenne de l'énergie, je suis d'accord avec Mme Elisabeth Guigou : on perd de vue que l'Europe s'est au départ construite sur l'énergie et il n'y a plus de politique cohérente. Il est regrettable que l'Allemagne ait décidé de sortir du nucléaire de manière unilatérale, sans concertation aucune, alors que tout est lié. C'est la même chose pour le marché européen des quotas d'émission. Les prix sont très faibles et la décision de l'Allemagne risque de provoquer un retour sur les productions thermiques, le charbon, voire même le lignite, fortement émettrices de gaz à effet de serre. Tout cela va à l'encontre de la politique européenne de l'énergie alors qu'il faudrait davantage de concertation.

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Ma question porte sur la mise en oeuvre du processus de Nagoya. Il y a de bonnes intentions, mais qu'en est-il des stratégies de financement ? C'est la même chose pour le climat. On a parlé de fond vert pour le climat. Le Canada, les Etats-Unis, le Brésil ne sont cependant pas parties prenantes à cette politique contre le réchauffement climatique. C'est inquiétant pour les pays pauvres et pour l'agriculture africaine qui risquent de souffrir du manque de volonté politique.

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On doit effectivement faire le constat que le sujet qui avait progressé au niveau international fait aujourd'hui l'objet d'une certaine régression. Il faut entendre ce que l'on dit aujourd'hui aux Etats-Unis, en Russie et dans d'autres pays : la problématique du réchauffement climatique disparaît et l'on parle d'un retour aux sources d'énergie fossiles, on fait un dumping par le bas sur la question des coûts pour relancer la croissance mondiale, et les Etats-Unis, où l'exploitation du gaz de schiste est très fortement soutenue, se voient comme un futur exportateur énergétique. Il y a un décalage très fort aujourd'hui entre notre approche européenne et celle d'autres régions, qui pèsera très lourd dans les négociations internationales.

On n'a effectivement pas avancé beaucoup sur la transformation du PNUE en OME et il faut reconnaître que ce n'est plus aujourd'hui une préoccupation partagée. On a même un changement de regard international sur cette problématique, qui est considérable.

La construction d'une position européenne qui ne soit pas uniquement diplomatique et normative est d'autant plus importante. La conférence de Paris sera une opportunité à saisir. Il faut davantage d'ambition sur les thématiques de la transition énergétique, et avoir une ambition industrielle et des outils industriels européens, à savoir des politiques cohérentes sur l'ensemble du territoire. C'est vrai qu'en ce sens, la décision de l'Allemagne pose la question de sa durabilité en termes de coûts et de sa sincérité. Sur le long terme, se pose la question des équipements producteurs et des modes de distribution. Quant à la sincérité de la proposition, elle est aussi marquée par la contrepartie d'un certain sacrifice de la problématique du CO2 et du réchauffement, voire de l'externalisation vers des pays comme la Tchéquie, la Pologne, ou la France avec sa fourniture d'énergie d'origine nucléaire. Il nous faut un débat à la fois technologique et politique et l'on ne peut accepter d'impasse sur la solidarité. Que la France soit mobilisée sur la fourniture énergétique, pourquoi pas, mais il faut que ce soit assumé.

Qu'en est-il de la stratégie nucléaire de notre pays ? Pendant la campagne électorale, François Hollande s'était prononcé pour une baisse de la part de l'énergie d'origine nucléaire et pour une réduction du parc, à compenser par l'augmentation des énergies renouvelables. L'une des interrogations porte sur la capacité de ces dernières à relever le défi de la substitution au nucléaire. Il ne faut pas avoir une vision figée des questions technologiques, mais s'assurer de la faisabilité des orientations stratégiques pour réussir l'articulation entre les ambitions en matière de productiion électriques et les capacités d'investissements.

L'exemple des panneaux solaires montre qu'il n'y a pas de politique intégrée. Malgré les intentions, on n'a pas de suivi industriel. Cela est un très mauvais exemple. J'ai été frappé par les propos du ministre allemand de l'environnement sur le projet solaire franco-allemand. Les industriels allemands ont lancé une action à Bruxelles sur le dumping chinois mais Angela Merckel s'est empressée de rassurer Pékin sur le fait que la plainte n'aurait pas de suite importante. Il faut davantage de cohérence.

Sur le plan diplomatique, notre capacité à être moteur va se voir sur le Fonds vert notamment. L'Union européenne doit mobiliser les plus fragiles et les pays en développement sur ces propositions pour faire évoluer le rapport de forces mondial, car il y aura beaucoup de freins de la part de beaucoup de monde. Si la Chine défend ses intérêts, elle est aussi sensibilisée sur ces questions ; en revanche, les plus grands producteurs énergétiques, le Moyen-Orient, la Russie, les Etats-Unis, le Canada, ont, semble-t-il, d'ores et déjà déserté le terrain.

En ce qui concerne la biodiversité, une réglementation européenne est en cours d'élaboration, mais Mme Auroi pourrait vous en parler mieux que moi. Elle fera bientôt une communication sur ce sujet.

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Il me semble que nous subissons non seulement les conséquences de la crise mondiale, mais aussi celles de l'affaiblissement de l'Union européenne. Après le paquet énergie-climat, qui est la seule réalisation vraiment innovante et porteuse au plan politique, industriel et écologique depuis une dizaine d'années, le fiasco de Copenhague a montré à quel point l'affaiblissement politique de l'Union pouvait compromettre les meilleurs projets dans ce domaine.

Suivant les conclusions du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Ecologie, développement et aménagement durables du projet de loi de finances pour 2013 (n° 235).

La séance est levée à onze heures trente.