Commission des affaires sociales

Réunion du 2 juillet 2014 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • addictives
  • alcool
  • conduites addictives
  • drogue
  • prévention
  • salle

La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 2 juillet 2014

La séance est ouverte à neuf heures quarante.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission procède à l'audition, ouverte à la presse, de Mme Danièle Jourdain Menninger, présidente de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) sur le plan addiction.

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Je souhaite la bienvenue à Mme Danièle Jourdain Menninger, accompagnée des docteurs Gilles Lecoq et Ruth Gozlan.

Madame, vous êtes présidente de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), dénommée auparavant MILDT (Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie). Le remplacement du mot « toxicomanie » par l'expression « conduites addictives » dans l'intitulé de la Mission que vous présidez marque la nouvelle inflexion donnée à cette politique par le Gouvernement. En effet, les questions relatives à l'addiction doivent être abordées sous l'angle de l'ensemble des conduites addictives, et non plus seulement des substances.

Chacun peut être concerné un jour – nous-mêmes, nos proches – par des comportements addictifs. Notre mode de vie nous y expose de plus en plus. Dans un monde soumis au culte de la performance, à la recherche du plaisir, l'accessibilité grandissante de toutes sortes de produits, via Internet notamment, favorise la consommation de produits divers et le développement de comportements addictifs – nous l'avons constaté notamment pour les jeux sur Internet.

Nous le savons : notre société est anxiogène. Cela explique sans doute pourquoi notre pays est l'un des moins bien placés, ou malheureusement l'un des champions, en termes de comportements addictifs.

En octobre 2012, un mois après votre nomination, le Premier ministre vous a adressé une lettre de mission dans laquelle il vous demandait de vous atteler à l'élaboration du nouveau plan de lutte contre les drogues et les conduites addictives pour la période 2013-2017. La Mission interministérielle que vous dirigez a donc élaboré ce plan en partenariat avec les ministères concernés et, en janvier dernier, vous avez établi une déclinaison de ce plan pour la période 2013-2015 prévoyant 131 actions.

Nous avions souhaité vous auditionner dès l'annonce du plan, mais le calendrier parlementaire ne nous l'a malheureusement pas permis. Je me réjouis donc de votre présence parmi nous aujourd'hui.

Avant de vous céder la parole, madame, je voudrais citer trois phrases figurant dans l'introduction du plan. Vous écrivez : « Les conduites addictives résultent de l'interaction de multiples facteurs biologiques, psychiques, familiaux, économiques, sociaux et environnementaux » ; « Il faut aller au-devant de "ceux qui ne demandent rien" » ; « C'est un défi individuel, personnel, presque intime. » Je tenais à faire ces trois citations, car elles montrent toute la complexité de ce fléau, de ces fléaux.

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Danièle Jourdain Menninger, présidente de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, MILDECA

Mesdames, messieurs, je vous remercie d'être venus aussi nombreux pour m'écouter. Étant auditionnée par la commission des affaires sociales, j'ai choisi de me faire accompagner par deux médecins, mais j'aurais tout aussi bien pu venir avec la commissaire divisionnaire de police, le colonel de gendarmerie, le douanier ou encore la magistrate pour témoigner de l'approche intégrée de MILDECA. Celle-ci est en effet compétente tant en matière de réduction de la demande qu'en matière de réduction de l'offre et, à ce titre, la lutte contre le trafic fait partie des domaines où sa coordination s'exerce.

Le plan gouvernemental a été préparé avec les ministères, mais aussi les associations. Il s'agit en effet d'une politique difficile pour laquelle la seule vision de l'administration ne suffit pas, et qui est dans une large mesure mise en oeuvre par les associations.

Je voudrais tout d'abord rappeler quelques chiffres. Concernant le cannabis, 1,2 million de personnes en consomment au moins dix fois par mois. Plus de 41 % des jeunes de dix-sept ans l'ont expérimenté et 6,5 % en font un usage régulier.

Pour la cocaïne, 0,9 % des dix-huit - soixante-cinq ans et 2 % des moins de trente-cinq ans en ont consommé au cours de l'année. À dix-sept ans, les jeunes sont 3 % à avoir expérimenté cette drogue.

S'agissant de l'alcool, 3,8 millions de personnes ont une consommation à risque. Les alcoolisations ponctuelles importantes augmentent chez les jeunes – surtout chez les jeunes femmes de dix-huit à vingt-cinq ans – puisqu'elles sont passées de 30 % en 2005 à 42 % en 2010. Tout comme la consommation de cannabis, ce phénomène préoccupe énormément les familles.

Quant au tabac, 33 % des hommes et 27 % des femmes fument quotidiennement. Nous n'arrivons pas à faire baisser cette consommation.

Pour l'élaboration de ce plan 2013-2017, je me suis appuyée sur plusieurs travaux : le rapport d'information sur les toxicomanies de MM. Blisko et Pillet ; des expertises collectives de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), dont l'une sur la réduction des risques, et une autre sur les pratiques et addictions chez les adolescents ; et de multiples rapports de professionnels.

Sur ce sujet particulièrement empreint d'idéologie, nous avons souhaité développer une approche équilibrée, en proposant au gouvernement des stratégies visant à améliorer les réponses en matière de prévention et de soins, mais aussi en matière de sécurité et de justice.

Cette stratégie s'inscrit dans une durée plus longue que celle ayant prévalu à la présentation des plans précédents. En effet, en matière de prévention notamment, vous savez à quel point il est difficile de mesurer les impacts immédiats des politiques, surtout pour un phénomène aussi complexe et en mutation constante.

Au surplus, ce plan offre un cadre pour coordonner l'action de l'ensemble des acteurs impliqués dans cette lutte contre les drogues et les conduites addictives – administrations, associations, professionnels, familles.

Ce « plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les conduites addictives 2013-2017 », édité par La Documentation française, traduit la stratégie gouvernementale. Je l'ai fait traduire en anglais et en espagnol, la MILDECA participant à un grand nombre de réunions internationales. À l'étranger, je peux ainsi mettre en avant la politique offensive de la France en la matière.

Ce plan stratégique se décline en deux plans d'actions successifs. Le premier « plan d'actions 2013-2015 » prévoit des expérimentations mises en oeuvre par la MILDECA, mais aussi des actions déclinées sur le terrain, puisque je délègue la moitié de mon budget aux chefs de projet dans les départements et les régions, placés auprès des préfets et qui travaillent avec les collectivités locales, les agences régionales de santé (ARS), les forces de police et de gendarmerie, et les douanes. Une évaluation sera menée à mi-parcours – à la fin de ce premier plan d'actions – en vue d'éventuelles réorientations.

En se fondant sur une approche intégrée, ce plan associe respect de la loi et promotion de la santé. Dans notre esprit, ces deux aspects sont complémentaires : l'application de la loi est la première étape d'une politique de prévention, les objectifs de santé et de sécurité publique ne sont pas exclusifs l'un de l'autre. L'accompagnement et le soin ne s'arrêtent pas aux portes des établissements et des services spécialisés. C'est tout l'enjeu de l'insertion sociale et professionnelle, les situations d'inactivité – décrochage scolaire, situation de chômage –, favorisant la consommation de tabac, d'alcool et de drogues. De surcroît, il me semble important de prévoir des actions de médiation sociale, notamment en direction des riverains, pour faire comprendre ce qu'est la réduction des risques et changer notre regard sur les usagers de drogues.

Ainsi, il est temps de dépasser le clivage contreproductif entre les tenants de la seule réponse sanitaire et ceux de la seule réponse judiciaire.

Sur ce sujet qui confronte des postures idéologiques, il faut fournir des éléments qui permettent de s'appuyer sur des données scientifiquement validées. L'effort de recherche est donc un axe stratégique, et c'est pourquoi je consacre une partie de mon budget à financer des actions de recherche avec mes partenaires – Institut national du cancer (INCA), Agence nationale de la recherche (ANR), Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) –, afin d'observer l'évolution des comportements et permettre d'ajuster les actions de prévention et les stratégies thérapeutiques.

En outre, nous souhaitons lancer des initiatives en direction des jeunes. Avec l'Éducation nationale et des établissements scolaires, nous avons conclu un partenariat avec des laboratoires de l'INSERM pour nous appuyer sur le dispositif « Apprentis chercheurs », qui permet à des jeunes de troisième et de première de mener un projet de recherche au sein d'un laboratoire et de découvrir concrètement les conduites addictives – observation d'un souris alcoolisée, découpage du cerveau d'une souris pour observer les effets du cannabis, etc.

Nous voulons partager ces connaissances avec les décideurs publics dont vous faites partie. L'expertise collective de l'INSERM sur les conduites addictives chez les adolescents, qui comporte notamment une étude sur les stratégies marketing de l'industrie du tabac et de l'alcool, doit permettre de mieux cibler les actions de prévention. Des études sur le rapprochement de la santé et de la justice, le contenu des sanctions prononcées par les juges dans les affaires liées à ces consommations, l'atténuation ou l'aggravation de responsabilité – pour lesquelles nous ne savons pas avec précision dans quels cas elles interviennent – vous seront aussi d'une grande utilité dans votre réflexion. Le plan prévoit également une étude sur les réponses judiciaires à l'usage de stupéfiants.

Les chiffres que je vous ai indiqués en introduction montrent que notre pays n'est pas efficace en matière de prévention. En effet, les actions en la matière sont nombreuses, mais souvent réalisées de manière assez traditionnelle. En outre, d'après les différentes études que j'ai citées, quand elles s'adressent à l'ensemble des jeunes, notamment dans les établissements scolaires, ces actions de prévention ont parfois comme conséquence de susciter la curiosité, voire d'inciter à la consommation.

Aussi avons-nous souhaité, au-delà de la commission de validation des outils de prévention, installée par mes prédécesseurs, élaborer des programmes de prévention mis en oeuvre par nos partenaires et dont la MILDECA finance l'évaluation. Il faut en effet veiller aux effets pervers des dispositifs et s'adresser avec le bon discours aux publics concernés, en particulier les jeunes. Dans cet objectif, nous allons créer une banque de données qui comprendra ces programmes de prévention et à laquelle les partenaires pourront se référer.

Ces programmes de prévention seront orientés vers les populations les plus exposées : les jeunes, les femmes enceintes consommatrices de tabac etou d'alcool, mais aussi les personnes les plus éloignées des dispositifs de prévention – personnes marginalisées –, mais aussi public inséré et consommateur d'héroïne mais craignant la stigmatisation. À cette fin, nous finançons l'envoi postal de seringues et les bus mobiles qui se déplacent dans les territoires ruraux où la consommation de drogue, notamment d'héroïne, tend à se développer. C'est ce que nous appelons la démarche du « aller vers ».

Cette démarche consiste également à amener les professionnels à rencontrer les consommateurs et à s'adresser à eux avec les bons messages. Dans cet objectif, nous souhaitons valoriser les « consultations jeunes consommateurs », mises en place en 2004 par la MILDT, dispositifs anonymes et gratuits dans lesquels peuvent se rendre les jeunes, seuls ou en famille, mais aussi les parents seuls pour obtenir des conseils. Nous envisageons de lancer une grande campagne de communication sur ces dispositifs, au nombre de 400 en France, mais mal connus et sous-utilisés, en nous appuyant sur un manuel réalisé par les professionnels à l'intention des jeunes et des parents.

Parallèlement, en nous appuyant sur la technique du « repérage précoceintervention brève », nous préconisons le renforcement de la formation en direction des professionnels : médecins, sages-femmes, protection maternelle et infantile (PMI), intervenants sociaux, personnels de la protection judiciaire de la jeunesse en contact avec les jeunes sous main de justice.

Nous souhaitons également que l'ensemble des professionnels comprenne le rôle de chacun en matière de réduction des risques. Pour cela, nous envisageons des formations communes à l'intention des associations présentes dans les bus mobiles, des médecins, des policiers et gendarmes, bref de tous les professionnels susceptibles de se retrouver ensemble dans une situation difficile. Je pense en particulier aux policiers qui interviennent à proximité des bus de réduction des risques et pour lesquels une formation leur permettra de mieux comprendre que la distribution de seringues ne revient pas à légaliser la drogue, mais qu'elle s'inscrit dans une stratégie de santé publique.

À côté du renforcement des dispositifs, de l'accompagnement des pratiques des professionnels et de l'amélioration de l'accessibilité aux dispositifs spécialisés, nous préconisons un meilleur accès au matériel de réduction des risques et aux traitements de substitution. Nous voulons également que les quartiers prioritaires de la politique de la ville ne soient pas oubliés. À cet égard, nous allons développer le système SOS par téléphone et la géolocalisation des structures situées dans les territoires. Nous proposons également le renforcement de certains dispositifs qui relèvent à la fois de la santé publique et de la tranquillité publique, comme la salle de consommation à moindre risque, dont le principe est inscrit dans le plan gouvernemental.

Voilà pour le volet prévention, soins et accompagnement de la stratégie gouvernementale.

Le plan comprend également un volet lutte contre le trafic, puisque nous poursuivons également des objectifs de sécurité publique. Il nous semble essentiel de soutenir le travail de déstabilisation des ventes dans les quartiers, où la situation est très difficile au quotidien pour les riverains, mais aussi aux abords des établissements scolaires. À cet égard, je vais engager avec le ministère de l'intérieur un travail de sensibilisation de la communauté éducative, associant les commissariats de quartier et les équipes mobiles de sécurité. En la matière, je souhaite que soient développés tous les partenariats – conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, équipes mobiles de sécurité –, en coordination avec l'ensemble des dispositifs.

Nous avons affaire aujourd'hui à des trafiquants extrêmement professionnels, qui essaient toujours d'avoir une stratégie d'avance par rapport aux pouvoirs publics. L'argent de la drogue leur permet en effet de se procurer du matériel plus perfectionné que nos policiers, de mettre en place des stratégies de contournement, de créer de grosses PME du cannabis où sont discutés l'évolution du prix, les vecteurs de lutte contre le trafic, etc. À nous de nous montrer performants, notamment grâce au recueil et à l'exploitation de l'information. Face au trafic sur Internet et à la cybercriminalité, en plein développement, les priorités sont notamment l'action contre les produits de synthèse, substances entre le médicament et la drogue, et la cannabiculture, qui engendre des luttes entre gangs dans les quartiers, comme à Marseille.

Pour finir, je dirai un mot de l'action internationale de la MILDECA. Comme mon prédécesseur, je préside le Groupe Pompidou du Conseil de l'Europe, qui réunit 36 pays et rassemble des professionnels – douaniers, policiers, médecins, chercheurs – sur divers sujets : trafic dans les aéroports et les aérodromes secondaires, cybercriminalité, réduction des risques, prévention, etc. En effet, la lutte contre la drogue ne s'arrête pas à nos frontières : elle se situe à l'échelle internationale. Dans ce travail, nous avons associé les pays de la rive Sud de la Méditerranée, puisque nous finançons des observatoires des consommations au Maroc et, prochainement, en Tunisie – et développons un appui à ces pays. Cela est particulièrement important pour le Maroc, pays producteur et situé sur la route du trafic en Afrique de l'Ouest. Tous ces travaux sur la réduction des risques au sein du groupe Pompidou témoignent de la volonté de chacun de ces pays d'agir à la fois en termes de prévention, de santé publique et de tranquillité publique.

En conclusion, la lutte contre les drogues et les conduites addictives est une question de société que nous devons prendre à bras-le-corps car elle concerne les familles, chacun d'entre nous. Lors de ma présentation du plan gouvernemental devant les préfets, ces derniers ont manifesté un intérêt limité à cette question, mais au moment où j'ai évoqué la participation éventuelle de leurs filles et de leurs fils à des soirées festives organisées par les grandes écoles d'ingénieur ou de commerce – et où « binge drinking » et cannabis se répandent –, ils ont fait preuve d'une très grande attention dans un silence absolu. Ces phénomènes touchent en effet tous les milieux.

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Le plan gouvernemental nous permettra de préparer la stratégie nationale de santé (SNS).

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Danièle Jourdain Menninger, présidente de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, MILDECA

C'est l'élément addiction de la stratégie nationale de santé.

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Je rappelle que le comité d'évaluation et de contrôle (CEC) de l'Assemblée a inscrit à son programme une évaluation de la lutte contre les usages de substances illicites, avec Mme Anne-Yvonne Le Dain et M. Laurent Marcangeli comme co-rapporteurs. Dans ce domaine, nous ne sommes pas les meilleurs, comme l'a souligné à juste titre Mme Jourdain Menninger.

Par ailleurs, étant présidente du groupe d'études de l'Assemblée nationale sur la prévention et la lutte contre la toxicomanie, j'ai également invité à cette audition nos collègues en faisant partie.

Enfin, je tiens à souligner que nous aurons forcément un débat sur l'alcool. Rien ne doit être minimisé : même la consommation de bière n'est pas anodine chez nos jeunes de douze ou treize ans. Il est, à mes yeux, essentiel de garder à l'esprit que les conduites addictives peuvent détruire des vies, même si la substance en cause est autorisée.

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Merci, madame, d'avoir détaillé le plan d'actions. Les chiffres sont toujours aussi effrayants : 30 % de fumeurs, 3,8 millions de personnes ayant « un problème avec l'alcool », plus de 1 million de fumeurs de cannabis. Ce problème de société est certes vieux comme le monde, mais il s'est considérablement accentué.

Les causes en sont multiples, notamment le mal-être dans une société anxiogène. De multiples facteurs entrent en ligne de compte, et chacun a ses raisons de succomber. Notre société essaie de traiter le sujet depuis longtemps ; pour autant, les consommations n'ont pas reculé. Certaines addictions sont même culturelles : boire fait partie d'une manière de vivre ensemble, et toutes les formes d'alcool sont consommées par un grand nombre de nos concitoyens. Et pourtant, l'alcool et le tabac engendrent des dégâts beaucoup plus graves que la drogue, pour laquelle la société se montre plus sévère.

Il y avait nécessité d'agir, madame. À travers cette stratégie nationale, l'État se positionne en acteur de premier plan. Les associations, tous ceux qui s'emploient à faire reculer ces addictions sur le terrain, sont également des acteurs essentiels. La prévention en France, vous y avez fait allusion, est décousue, parcellaire. Nous avons tous des proches concernés, auxquels il est particulièrement difficile de faire admettre la nécessité d'arrêter l'alcool et le tabac, dont ils ont pourtant conscience de la dangerosité. J'ai moi-même eu un mal fou à convaincre mes enfants d'arrêter de fumer.

Vous avez raison, il faut faire une bonne communication, essayer de convaincre les gens sur la nécessité de mettre un terme le plus vite possible à ces addictions redoutables – qui représentent un coût pour la santé, mais aussi pour nos comptes sociaux. Cette communication doit en outre être bien orientée, car on ne peut pas s'adresser de la même manière à nos jeunes et à des personnes plus âgées.

Le volet répression est tout aussi essentiel. La drogue est interdite dans notre pays, et il faut l'affirmer avec force. La presse fait état régulièrement de saisies records de drogue à bord de « go fast » ; on peut donc penser que beaucoup de drogues circulent.

J'en viens à mes questions, madame.

Est-ce la demande qui crée l'offre, ou l'inverse ?

Que pensez-vous de la dépénalisation du cannabis ? J'aborde cette question, sur laquelle j'avoue ne pas avoir d'opinion arrêtée, sans polémique. La répression n'aboutit pas à des résultats spectaculaires, puisque les chiffres continuent de progresser. La répression à l'égard des fumeurs de cannabis doit-elle être poursuivie ? Ou bien faut-il légaliser cette drogue, ce qui permettrait de mettre un terme au trafic et, par voie de conséquence, aux morts et aux dégâts qui en découlent ?

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Vous êtes accompagnée de deux soignants ; je partage ce choix symbolique. Le volet prévention est le corollaire du volet répression, et je n'imagine pas d'opposition dogmatique sur ce point avec nos collègues de la majorité. Au demeurant, dans un contexte économique difficile, tous les groupes politiques doivent se montrer vigilants quant au respect de votre budget, car les conduites addictives sont un sujet capital de santé publique.

J'ai été frappé de votre remarque sur la réaction des préfets. Il y a un chef de projet dans chaque préfecture ; or les agences régionales de santé (ARS) sont des « préfets sanitaires ». Comment se fait-il que le chef de projet soit basé dans une préfecture, et non dans une « préfecture sanitaire » ?

Vous avez peu évoqué les associations. Or il existe aujourd'hui un vrai militantisme associatif sur le terrain. Comment votre Mission prend-elle en compte ce phénomène ?

Par ailleurs, la réforme territoriale aboutira à la disparition des départements. Les fonctionnaires départementaux du secteur médicosocial devront-ils rejoindre les ARS ? Il s'agit là d'un sujet majeur pour vous, car ce corps administratif sera alors au service de la prévention sur le terrain.

Vous financez la recherche médicale sur les addictions. Comment se répartit votre budget entre les actions prévention, formation, collectivités et répression ?

En matière de prévention secondaire, comment touchez-vous vos cibles ?

Enfin, vous avez abordé, avec beaucoup d'élégance et de pudeur, les salles de consommation à moindre risque – que nous appelons « salles de shoot ». Ce sujet clivant a-t-il fait l'objet d'études d'impact ?

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Merci, madame la présidente, de votre exposé.

Les jeunes sont de plus en plus « accros » aux réseaux sociaux, notamment Facebook et Twitter. Loin de moi l'idée de penser que ces réseaux sont un danger, mais comme pour tout moyen de communication, la société a besoin d'un temps d'adaptation afin d'en comprendre les mécanismes. Ces réseaux peuvent être vecteurs d'incitation à des conduites addictives ; des phénomènes ont d'ailleurs été observés récemment, comme la désignation d'une personne de son réseau pour exécuter un gage impliquant l'ingurgitation de fortes doses d'alcool. Avez-vous pensé mettre sur pied des rencontres avec les équipes de ces réseaux, notamment avec Twitter dont un bureau est basé à Paris, pour élaborer des stratégies de prévention et de sensibilisation à l'abus d'alcool, par exemple ?

Sans nier les méfaits et les risques des drogues, nous savons que la dédiabolisation des consommateurs de drogues est le premier pas vers une prise en compte de ce problème sanitaire. Quelle est pour vous la place des salles de shoot ? Je pense qu'il faut nous offrir de réelles possibilités de comprendre et d'accompagner les usagers vers une sortie progressive et encadrée de leur dépendance. La MILDECA s'est-elle penchée sur l'élaboration de politiques publiques permettant une dédiabolisation des consommateurs de drogues ?

Enfin, j'ai pris connaissance de l'avis du Haut Conseil de la santé publique (HCSP), à la suite de la parution des premiers résultats de l'enquête ETINCEL-OFDT révélant que 18 % des Français ont essayé la cigarette électronique et que son usage quotidien concerne aujourd'hui entre 1,1 et 1,9 million de consommateurs. Le HCSP a considéré que le rapport bénéficesrisques de l'e-cigarette peut varier d'un profil de personne à l'autre et que les risques individuels de la cigarette électronique portent clairement sur le non-fumeur qui s'initie au vapotage et risque très fortement de devenir dépendant et de passer au tabac. Il estime que la re-normalisation du tabac et, pour les non-fumeurs, l'entrée dans la dépendance à la nicotine – risque particulièrement élevé chez les jeunes – sont à craindre, comme je l'ai souligné dans une question au gouvernement le 4 juin dernier. La MILDECA juge-t-elle raisonnable que ce produit demeure sous statut de produit de consommation courante, dans le non-respect de la loi Évin – qui impose la vente dans des bureaux agréés, soumise aux taxes et interdite de publicité –, et sans intervention des professionnels de santé actifs dans la prévention et la prescription de traitements classiques d'aide au sevrage par substitut nicotinique ?

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Le plan gouvernemental préconise d'agir spécifiquement pour l'outre-mer, car les départements ultramarins doivent faire face à des problématiques spécifiques. La Réunion, dont je suis élue, figure à la deuxième place des régions les plus touchées de France, avec une mortalité directement liée à l'alcool supérieure de 70 % à la moyenne nationale, et environ 268 décès par an sur la période 2008-2010. Le nombre de morts par cirrhose du foie et psychose alcoolique y serait deux fois plus élevé que dans l'Hexagone. Même si ces chiffres sont stables depuis le début des années 2000, ce problème de santé publique majeur est connu et reconnu, et concerne surtout les jeunes, touchés plus précocement que ceux de l'Hexagone. En effet, 31 % des Réunionnais de treize ans auraient déjà été ivres ; ce pourcentage grimpe à 44 % chez les quatorze-quinze ans ; et 80 % des filles et des garçons entre treize et quinze ans ont déjà bu un verre. Ces chiffres sont quasiment deux fois plus élevés que ceux des mineurs du même âge en métropole, où 16 % des mineurs de treize ans ont connu l'ivresse. Chez certains jeunes réunionnais, la consommation d'alcool est souvent associée à la prise d'Artane – 32 000 boîtes ont été saisies en 2011 – et de Rivotril. Or ces associations ont des effets dévastateurs sur le comportement des jeunes et provoquent des ravages dans les familles.

Madame la présidente, un plan d'actions est prévu pour lutter contre ces risques en outre-mer. Pouvez-vous nous en indiquer le calendrier ? De quels moyens disposez-vous pour déployer ce plan, notamment à La Réunion ? Avec quels acteurs privilégiés allez-vous travailler ?

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Depuis la création des ARS en 2009, la prévention, les soins et la réinsertion des toxicomanes et des personnes souffrant d'addiction ne relèvent plus de la compétence préfectorale, mais sont du ressort des directeurs généraux des ARS.

À la suite de ce transfert de compétence, la Mission interministérielle a régionalisé ses crédits, notamment de prévention, et créé les dispositifs d'appui régional (DAR) qui, sous l'égide du préfet de région, interviennent essentiellement dans le champ de la prévention et de la promotion de la santé. Pourquoi alors ne pas avoir confié aux ARS la responsabilité des DAR et des crédits de prévention qui auraient avantageusement abondé le FIR, sans négliger la coopération avec la justice et les services de sécurité ?

Cette question est relayée dans le rapport d'évaluation de mars 2014 établi par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), l'Inspection générale de l'administration (IGA) et l'Inspection générale des services judiciaires (IGSJ), sur « le pilotage territorial de la politique de prévention et de lutte contre les drogues et la toxicomanie », qui indique page 23 : « Le résultat obtenu est une mosaïque d'organisations régionales plus ou moins abouties, qui décrédibilisent la légitimité des consignes transmises par la MILDT. L'absence de crédibilité est d'autant plus forte que les décisions prises par la MILDT en 2013 sont le résultat d'une succession "d'hésitations" et de "contrordres". »

Vous avez vous-même reconnu, madame, que l'action de prévention n'est pas satisfaisante. Pouvez-vous nous éclairer sur cette remarque des trois corps d'inspection ? Ne serait-il pas plus cohérent et efficace de confier exclusivement aux ARS le pilotage de la stratégie de prévention et de soin ?

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Madame la présidente, merci de cette présentation.

Les enquêtes nationales DRAMES (décès en relation avec l'abus de médicaments et de substances) ont montré une augmentation notable entre 2010 et 2012 des décès par overdose imputables à la méthadone, un des traitements de substitution des opiacées, alors que le nombre de patients traités, pendant cette même période, par ce médicament n'a pas évolué. L'enquête surveille également des cas de décès associés à la prise de Subutex.

Vous avez évoqué la salle de réduction des risques, qui, je l'espère, sera bientôt expérimentée, notamment en région parisienne. Vous semble-t-il possible de s'appuyer sur ce type de dispositif pour expérimenter de nouveaux modes d'action dans la lutte contre les décès par overdose et contre les addictions ? Je pense à la mise à disposition de la naloxone, antidote des opiacées, qui permettrait – si une personne de confiance proche du toxicomane et formée procédait à une injection à la suite d'une overdose – de diminuer les décès par mort subite en cas d'overdose. Ce dispositif a été initié en Europe, notamment en Allemagne et au Royaume-Uni. Aux États-Unis, la naloxone est distribuée assez largement aux usagers de drogues qui bénéficient de programmes spécifiques de prévention depuis 1999.

Par ailleurs, que pensez-vous de l'accès à des médicaments injectables pour la prise en charge médicalisée de patients dépendants des opiacées et chez lesquels l'utilisation de produits de substitution per os n'a pas permis le sevrage ? Je pense notamment au Subutex qui pourrait être utilisé quelques jours chez les grands toxicomanes intraveineux pour les mettre sur le chemin du sevrage, avant de passer à une forme per os classique. Dans ce domaine également, des expérimentations sont menées dans plusieurs pays avec des résultats positifs.

Enfin, ne pensez-vous pas nécessaire d'améliorer l'évaluation des circonstances de décès chez les toxicomanes et abuseurs de substances médicamenteuses ? Certes, les études sur les causes de mort subite chez les toxicomanes soulèvent des questions éthiques, mais l'amélioration de la connaissance des circonstances ayant pu contribuer au décès d'usagers de drogues et de médicaments aux effets indésirables dangereux permettrait – là encore – de renforcer les politiques de prévention et d'éviter des décès.

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Merci, madame la présidente, de votre exposé.

Vous avez indiqué que nous ne sommes pas assez efficaces en matière de prévention. Mais lorsque des acteurs réunis dans un but commun mènent des opérations à l'échelle d'un territoire, des résultats sont à la clé. Je pense aux centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA), dont la fréquentation est en hausse et où tous les acteurs sont mobilisés autour de la prévention, notamment auprès des jeunes.

Les crédits dédiés du budget de l'État sont-ils en augmentation ?

Vous gérez le fonds de concours, alimenté par le produit des avoirs criminels, avec deux utilisations possibles : la lutte contre le trafic et les actions de prévention. Or la lutte contre le trafic est plutôt du ressort du préfet, et les actions de prévention devraient relever de la compétence des ARS. Comment évolue ce fonds de concours ?

Enfin, préconisez-vous la sanctuarisation, voire l'augmentation, des crédits consacrés aux CSAPA ? Ce sont en effet ces centres qui sont au plus près des territoires – et donc des patients.

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J'ai pu observer en milieu professionnel, à tous les échelons de la hiérarchie, notamment dans le secteur tertiaire, que des salariés pouvaient avoir des difficultés au travers de signes fonctionnels – loin des clichés sur les consommateurs d'alcool ou de cannabis. Quel est votre sentiment sur ce phénomène qui touche un grand nombre de salariés ? Quelles actions envisagez-vous en la matière ?

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Madame la présidente, nous sommes conscients des conséquences graves des addictions. La lutte contre les drogues et les toxicomanies est essentielle, en particulier les consommations excessives d'alcool et de vin chez les jeunes.

S'agissant du vin, la prévention est primordiale. Je crois à une véritable campagne d'information sur les repères de consommation, que les professionnels pourraient relayer, l'éducation étant la seule façon de répondre efficacement aux enjeux de santé publique. Je pense que la filière viticole devrait être associée à ce grand débat ; or elle se heurte à une forme de refus lorsqu'elle exprime son souhait d'être intégrée aux travaux de réflexion de la Mission et de voir la mise en place d'une instance de concertation interministérielle dédiée au vin.

Vous préconisez, madame, de grossir le logo à l'intention des femmes enceintes, voire d'en modifier la présentation. Des études scientifiques démontrent-elles que l'agrandissement de ce logo va dans le sens de l'amélioration de la prévention ? Si l'on considère que ce sont les professionnels – médecins, sages-femmes – qui sont compétents pour fournir l'information, on peut en effet se demander si cette modification du message sanitaire à destination des femmes enceintes va réellement modifier la situation.

Le marquage des unités d'alcool sur les étiquettes a été évoqué ; or exprimés en unités d'alcool sur les bouteilles, les repères de consommation seraient à mon sens totalement incompréhensibles pour le consommateur. Ne faut-il pas écouter la filière qui propose plutôt une véritable campagne d'information sur les repères de consommations responsables, permettant à chacun de comprendre les conséquences de l'abus d'alcool ?

Enfin, il est envisagé de supprimer la mention sanitaire « l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération », par l'expression : « l'alcool est dangereux pour la santé ». Cela me semble inadapté, car une consommation modérée, voire très modérée, n'est pas obligatoirement néfaste pour la santé. Une telle radicalisation du message sanitaire pourrait remettre en cause un certain attachement à la culture, à la gastronomie.

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Les maisons des jeunes, les maisons de quartier et autres centres sociaux, qui travaillent en lien étroit avec les collèges et les lycées, se trouvent confrontés à ces problèmes d'addiction. Or les personnels sont bien souvent démunis, ne sachant pas toujours comment s'y prendre ni à qui s'adresser.

Vous avez parlé des bus mobiles dans les zones rurales. Le même dispositif peut-il être envisagé en ville ? Vous avez également évoqué le dispositif SOS téléphone pour les quartiers relevant de la politique de la ville. Des moyens peuvent-ils être mis en place pour informer ces structures associatives dans les quartiers et les associer à ce travail de prévention ?

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En tant que médecin retraité, j'ai reçu des toxicomanes dans mon cabinet venus me demander de la drogue, notamment un jeune homme héroïnomane et alcoolique, qui travaillait dans une centrale atomique comme ingénieur spécialisé, et pour lequel les choses ont été compliquées pour moi du fait du secret professionnel.

Les addictions sont un problème de société. Mais ce sont avant tout des maladies. Pour toutes les drogues, il faut d'abord un diagnostic et ensuite un traitement.

Or les salles de shoot ne sont pas un traitement : elles permettent aux personnes de continuer à se droguer avec des produits qu'elles achètent très cher et peut-être en recourant à la délinquance.

Par conséquent, il faut prendre en charge ces personnes dans des centres thérapeutiques. S'il s'avère nécessaire, pour les soigner, de continuer à leur prescrire les produits, autant que cela se fasse en milieu hospitalier avec des produits de qualité et un suivi psychologique. La délivrance de doses dégressives les maintiendra à un niveau leur permettant d'avoir une vie normale.

Bref, des centres de soins dans des hôpitaux sont préférables à des salles de shoot pour soigner les personnes dépendantes qui n'ont rien à faire en prison. La répression ne doit en aucun cas remplacer le soin et le suivi.

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Je salue le plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les conduites addictives.

Les politiques sont actées, mais la mise en place dans les territoires ruraux est beaucoup plus compliquée. Comment déployer l'action des pouvoirs publics dans les territoires ruraux ?

La prévention en direction des jeunes est essentielle, car ces derniers sont concernés de plus en plus tôt. Quel travail peut-être mené avec les collectivités, par exemple les communautés de communes, pour renforcer la prévention ?

L'accompagnement et la prise en charge sont tout aussi nécessaires. Comment travailler avec les réseaux médicosociaux et – pourquoi pas ? – les associations.

Tout cela implique des moyens. Quels sont les crédits dédiés à ces actions ?

Pouvez-vous nous dire un mot de l'action menée par la France dans les enceintes internationales pour combattre ces addictions ?

Enfin, la France a-t-elle engagé un travail avec d'autres pays pour combattre cette économie souterraine ?

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Loin de moi l'idée de contester les chiffres que vous avez cités au début de votre propos, mais je crois que les conduites addictives sont rarement déclaratives – l'auto-culpabilisation, le regard des autres, la dimension pénale y sont pour quelque chose. Encore que la consommation de cannabis et d'alcool n'est pas forcément considérée comme dévalorisante dans notre société au regard du côté festif…

J'imagine que vous avez obtenu ces chiffres grâce à des données croisées. Sont-elles pondérées ? Si oui, quels sont vos critères de pondération, sachant qu'ils peuvent être révélateurs des comportements ?

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Pour avoir travaillé en milieu scolaire, j'ai constaté le manque de lisibilité et l'absence de modèle opératoire pour la prise en charge des jeunes drogués. Il y a la prévention, mais il y a aussi la prise en charge quand la situation est déclarée.

Je rends hommage au travail des associations, pas toujours reconnu, alors que leurs moyens sont souvent insuffisants. Comment accompagner ces associations, madame la présidente ?

Par ailleurs, de quelle manière accompagner la communauté éducative, mais aussi les parents, souvent démunis ? Je pense en particulier aux infirmières scolaires, trop peu nombreuses sur le territoire.

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Danièle Jourdain Menninger, présidente de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, MILDECA

Les jeunes ont facilement accès à ces consommations. En période d'adolescence, où ils doivent gérer leurs émotions et leur stress, ils se tournent vers ces substances psychoactives – ou pas. C'est pourquoi les actions de prévention portent de plus en plus sur le développement de leurs compétences psychosociales – apprendre à dire « non » aux dealers, à résister à la pression des copains. Parallèlement, il est nécessaire de décourager l'usage, en particulier aux abords des établissements scolaires, pour réussir à limiter l'offre. Voilà ma réponse sur la question relative à l'offre et la demande, qui sont évidemment liées.

Je ne puis vous donner mon avis personnel sur la dépénalisation du cannabis – la MILDECA est une instance placée auprès du Premier ministre. La position du Gouvernement est très claire en la matière : la loi ne sera pas modifiée. Dans les États où l'usage a été légalisé – Uruguay, Colorado, Washington –, les cannabis factories créent des ravages sur le plan environnemental et des forces de l'ordre ne sont pas affectées à la poursuite des usagers puisque la production, le transport et la consommation sont organisés dans ces pays. Par contre, mon homologue américain se montre très interrogatif, car des forces de police sont indispensables pour contrôler la traçabilité, mais aussi la vente aux mineurs pour lesquels la consommation est interdite. Ainsi, l'argument économique sur la légalisation ne tient pas.

Aujourd'hui, les simples usagers de drogue ne sont pas envoyés en prison. La vraie question est de savoir ce que la société peut faire pour eux après leur interpellation. C'est le volet traitement judiciaire de l'usage de stupéfiants, qui passe par des stages de sensibilisation, les consultations jeunes consommateurs, les médecins relais, etc. Par conséquent, je dirais qu'il ne faut pas faire une fixation sur la question de la dépénalisation : d'autres réponses existent en matière judiciaire.

À mon arrivée à la MILDECA en septembre 2012, le dispositif territorial ne fonctionnait pas bien ; mais c'était déjà le cas en 2004, à l'époque où les DDASS étaient chefs de projet. Mon prédécesseur en 2004 a souhaité placer les chefs de projet auprès des préfets pour valoriser l'approche intégrée selon laquelle le problème de la drogue ne se réduit pas à la prévention et au soin, puisqu'il nécessite aussi une réponse du procureur et la lutte contre le trafic. Je souhaite qu'un travail soit mené, dans le cadre de la modernisation de l'action publique (MAP), pour une réorganisation du dispositif territorial car la bonne réponse n'est pas auprès des agences régionales de santé.

En effet, les chefs de projet, auxquels je délègue la moitié de mon budget, constituent le levier pour obtenir d'autres fonds et travailler avec les ARS. Dans les comités de pilotage qu'ils organisent, figurent les ARS, mais aussi tous les autres partenaires – directions de la cohésion sociale, placées auprès du préfet, justice, forces de police, Éducation nationale. Les ARS doivent entendre la voix des autres administrations, et non être les seules à avoir la charge de la prévention et des conduites addictives. Vous l'avez compris : la tendance aujourd'hui est de mettre tout le monde autour de la table.

À la suite de cette mission MAP, j'ai fait réaliser une étude sur les rapports d'activité de mes chefs de projet dont la synthèse montre que, pour un euro donné à un chef de projet, deux à trois euros sont rassemblés autour de projets de prévention, notamment en direction des associations. C'est cet effet de levier qu'il faut préserver.

Les associations sont les porteurs de nos projets sur le terrain. Nous travaillons bien entendu en permanence avec elles.

La répartition du budget prévu pour l'exécution du premier plan d'actions, pour la période 2013-2015, par origine de financement est la suivante : 14,220 millions d'euros pour la MILDECA ; 28,673 millions pour les ministères ; 15,950 millions pour la sécurité sociale. Soit un total de 58,843 millions d'euros qui se répartissent, par type d'actions, de la façon suivante : prévention et communication, 8,711 millions ; accompagnement et soin, 36,210 millions ; lutte contre les traficsapplication de la loi, 3,056 millions ; application de la loi, 260 000 euros ; recherche et observation, 4,298 millions ; formation 987 700 euros ; action internationale, 5,580 millions. Vous le voyez : la recherche est financée de façon importante.

Dans notre approche populationnelle, nos cibles privilégiées en matière de prévention secondaire sont les usagers les plus éloignés des dispositifs et les femmes usagères de drogues. Ces dernières étant stigmatisées dans les dispositifs spécialisés, et le premier initiateur de l'injection étant souvent le compagnon, il est important de prévoir des espaces de prise charge spécifique pour ces femmes, par exemple avec des plages horaires dédiées.

Mme Marisol Touraine a souhaité que la MILDT porte le sujet de la salle de consommation à moindre risque. Actuellement, 90 salles de ce type se répartissent dans neuf villes du monde. L'évaluation de Vancouver a conduit les autorités canadiennes – qui entendaient remettre en cause ce dispositif, avant de porter le dossier devant les instances juridiques de l'État fédéral – à préconiser le maintien et même l'ouverture de salles supplémentaires.

En effet, et c'est la logique que nous entendons développer, ces salles de consommation à moindre risque s'inscrivent dans un parcours de soins, mais aussi d'insertion, en encourageant les personnes, qui ne fréquentent jamais ce type de dispositif, à y venir. À Vancouver, ont été ouvertes successivement une salle de consommation, une salle de réduction des risques, puis une salle de sevrage. Il s'agit donc d'un réel parcours, loin de la banalisation et la légalisation.

Encore une fois : nous ciblons les personnes très éloignées des dispositifs, totalement marginalisées, celles que vous croisez en bas de votre immeuble, dans l'escalier du parking, sur le trottoir jonché de seringues. En ce sens, ces dispositifs seront un plus pour les riverains. À Paris, où sera expérimentée la première salle, les policiers formés décourageront les dealers. C'est l'approche de tranquillité publique dont j'ai parlé dans mon propos liminaire.

C'est pourquoi la MILDECA va financer une évaluation portant sur une cohorte dans des villes ne comportant pas de salle de consommation et une cohorte d'usagers de drogue à Paris. L'expérimentation sera lancée lorsque vous aurez adopté le dispositif législatif, le Conseil d'État ayant préconisé de passer par la loi – celle de 2004 n'offrant pas suffisamment de sécurité juridique – pour autoriser cette exception. En fonction de l'expérimentation, le gouvernement prendra une décision.

Par ailleurs, le plan gouvernemental prévoit une expérimentation des modes de prévention des overdoses par opiacés, avec la naloxone, ainsi qu'une recherche pour ce qui est des produits injectables.

Quant à notre budget, il n'augmente pas – mais quel budget augmente de nos jours ? – et est bien sûr insuffisant pour financer toutes les actions que nous souhaiterions mener. Les recettes de notre fonds de concours « stupéfiants » – produit des confiscations des biens saisis aux trafiquants – se répartissent, conformément à un « bleu » de 2007, entre les ministères pour la lutte contre le trafic et la prévention. Elles ont, par exemple, financé l'acquisition d'un équipement destiné à la Direction des douanes, servant à détecter la composition des drogues de synthèses saisies à la frontière, ce qui permet une meilleure connaissance de ces drogues et d'informer les services des urgences.

L'évolution de ce fonds de concours dépend des confiscations. L'année 2011 a été faste avec, en plus des confiscations habituelles, 10 millions d'or confisqués, ce qui a porté le fonds de concours à 20 millions d'euros. Le rythme de croisière est en moyenne de 10 millions d'euros : 10 % financent des actions de prévention et 90 % les actions de lutte contre le trafic.

Les budgets des CSAPA sont financés par l'assurance maladie. Le plan préconise une évolution de ces centres, notamment avec un service supplémentaire de soins résidentiels pour femmes et enfants.

S'agissant de la drogue en milieu professionnel, notre approche n'est pas le dépistage, mais la prévention des risques psychosociaux. Dans cet objectif, nous souhaitons travailler avec les médecins du travail pour développer l'entretien motivationnel et le dispositif du repérage précoceintervention brève. Nous désirons également mettre en place avec les médecins, grâce à une formation financée par la MILDECA, un questionnaire anonymisé, afin de mieux appréhender la réalité des consommations d'alcool, de tabac et de substances psychoactives.

Pour les « femmes enceintes » la lisibilité du logo doit être améliorée. Chaque année, 300 enfants naissent avec un handicap majeur du fait du syndrome d'alcoolisation foetale. Toutes les études internationales montrent que la prise d'alcool et de tabac pendant la grossesse est génératrice de petits poids et de troubles graves chez les enfants. Nous assumons totalement ces logos en direction des femmes enceintes et la sensibilisation des médecins à la nécessité du « zéro alcool et zéro tabac pendant la grossesse ».

Les maisons des jeunes et les bus mobiles s'inscrivent dans cette politique de prévention et de démarche du « aller vers ». Les bus mobiles dans les quartiers, dont l'un se trouve près de la gare de Nord, distribuent des seringues, des préservatifs, et nous souhaitons les développer en milieu rural.

Comme je l'ai dit, nous nous appuierons sur les outils de la politique de la ville. Une cartographie des dispositifs spécialisés renforcera le ciblage grâce à la géolocalisation des structures situées dans les territoires : consultations jeunes consommateurs, CSAPA, centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usager de drogues (CAARUD). Pour ce faire, nous travaillons avec le groupement d'intérêt public ADALIS (addictions drogues alcool info service) – numéros de téléphone SOS drogue, tabac, alcool.

Nous souhaitons également développer à l'intention des jeunes les messages de prévention par SMS et sur les sites Internet. Pour la campagne de communication sur les consultations jeunes consommateurs, qui sera mise en oeuvre par l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES), mon budget financera des actions sur Facebook notamment.

Par ailleurs, nous allons financer un état des lieux des messages délivrés sur les sites par le community manager. Cette action sera menée en lien avec l'INPES. Je vais en outre engager une formation à l'intention des modérateurs.

L'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) réalise des travaux d'enquête, comme ESCAPAD (enquête sur la santé et les consommations lors de l'appel de préparation à la défense), sur les niveaux de consommation. L'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) collecte les données nationales. On peut donc considérer que les chiffres que je vous ai donnés sont fiables.

En milieu scolaire, les associations, mais aussi les formateurs relais anti-drogue (FRAD) de la gendarmerie nationale et les policiers formateurs anti-drogue (PFAD) interviennent en apportant des éléments pour convaincre les jeunes de ne pas consommer ces produits. Ce discours commun sur les compétences psychosociales des jeunes – comment lutter contre le stress, résister aux copains, apprendre à dire « non » – doit être délivré dans tous les établissements scolaires, sans oublier les lycées professionnels, les lycées agricoles, les centres de formation des apprentis.

En ce qui concerne l'Éducation nationale, j'ai réussi – au prix d'un long combat – à faire inscrire cette année dans la circulaire de rentrée la prévention des conduites addictives dans les projets d'établissement. Un référent addiction, proviseur en charge de la vie scolaire, sera désormais placé auprès de l'inspecteur d'académie et sera l'interlocuteur privilégié des infirmières scolaires, des médecins scolaires, de l'ensemble de la communauté éducative, dont le déni en la matière doit cesser.

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Comme à l'Assemblée… Il ne faut pas oublier les mouvements sectaires, qu'on voit arriver sur les marchés pour proposer aux gens de sortir des conduites addictives, et qui ne visent en aucun cas l'accompagnement médical ou sanitaire, bien au contraire.

Merci, madame la présidente, de votre contribution.

La séance est levée à onze heures quinze.