La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (nos 2188, 2230).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de six heures et trente-six minutes pour le groupe SRC, dont 430 amendements sont en discussion, six heures et une minute pour le groupe UMP, dont 1 162 amendements sont en discussion, deux heures et quarante minutes pour le groupe UDI, dont 103 amendements sont en discussion, une heure et vingt-deux minutes pour le groupe écologiste, dont 221 amendements sont en discussion, une heure et vingt-neuf minutes pour le groupe RRDP, dont 86 amendements sont en discussion, une heure et huit minutes pour le groupe GDR, dont 71 amendements sont en discussion, et quarante minutes pour les députés non inscrits.
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 658 à l’article 1er.
La séance, suspendue à vingt et une heures trente-deux, est reprise à vingt et une heures quarante.
suite
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 658 et 1808 rectifié .
La parole est à M. Alain Leboeuf, pour soutenir l’amendement no 658 .
Avant que la séance de cet après-midi ne soit levée, nous nous étions mis d’accord sur le fait que l’essentiel était la lutte contre les gaz à effet de serre. Cet amendement propose, dans un esprit constructif, de l’inscrire dans le texte comme un objectif prioritaire.
Du point de vue écologique, la seule urgence qui vaille concerne la question climatique. Pour préserver l’environnement, il est essentiel de réduire drastiquement, dans les décennies à venir, les émissions de gaz à effet de serre. Dans son dernier rapport de mars 2014, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – le GIEC – a indiqué qu’une limitation à 2° C de la hausse de la température moyenne terrestre nécessiterait d’ici à 2050 une réduction de 40 à 70 % des émissions mondiales. Il s’agit d’un effort colossal, jamais réalisé auparavant.
Je propose que, sur notre territoire national, nous fassions preuve d’exemplarité. Ce texte est l’occasion d’afficher cet objectif comme prioritaire. Nous devrions pouvoir nous mettre d’accord sur cet objectif !
La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement no 1808 rectifié .
Comme l’a dit notre collègue, du point de vue écologique, l’urgence concerne la question climatique. Pour préserver l’environnement, il est essentiel de réduire drastiquement, dans les décennies à venir, les émissions de gaz à effet de serre.
Nous avons déjà eu ce débat tout à l’heure, madame la ministre : un des grands défauts de votre projet de loi est de ne pas fixer d’objectif prioritaire. Le groupe UMP considère pour sa part qu’il est fondamental de définir comme tel la réduction des gaz à effet de serre, puis, comme nous l’avons proposé dans un amendement fondateur, de prévoir un certain nombre de trajectoires qui sous-tendent cet objectif, de manière à répondre à l’urgence qu’est la question climatique. Je crois que nous pourrions tous nous rejoindre sur ce point.
Je le répète : nous pensons que tous les objectifs n’ont pas la même valeur et qu’il importe de faire de la réduction des émissions de gaz à effet de serre une priorité.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.
Comme cela a été dit lors de la précédente séance, l’article L. 100-4 du code de l’énergie assigne à la politique énergétique nationale une série d’objectifs qui forment système. Ainsi, la réduction des émissions de gaz à effet de serre passera inévitablement par la réduction de la consommation énergétique, l’augmentation de la part des énergies renouvelables, la réduction de la consommation d’énergies fossiles et la réduction de la part du nucléaire. Il ne paraît pas pertinent de fixer comme seul objectif prioritaire la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de ne faire des autres objectifs quantitatifs que des moyens pour y parvenir. Avis défavorable, donc.
La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, pour donner l’avis du Gouvernement.
Même avis que la rapporteure : il n’y a pas qu’un seul objectif prioritaire, mais plusieurs :…
…la réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi la performance énergétique et la baisse de la consommation.
Il y a deux piliers essentiels : l’économie décarbonée et la réduction de la consommation énergétique. En insistant sur une des deux jambes, vous risquez de tout déséquilibrer ; or nous devons marcher sur les deux jambes de la transition énergétique que sont, d’une part, la réduction de la consommation et la performance énergétique, d’autre part, la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Madame la ministre, décréter qu’un objectif est prioritaire ne signifie pas que l’on passe par pertes et profits les autres objectifs inscrits dans le texte !
Je voudrais évoquer la réunion qui se tenait aujourd’hui à quelques mètres d’ici, à l’Hôtel de Lassay, où le président Bartolone consacrait les « mardis de l’avenir » à l’organisation de la conférence Climat de 2015, la COP21.
Madame la ministre, vous êtes partie prenante, c’est le moins qu’on puisse dire, dans l’organisation de cette conférence. D’ailleurs, toutes et tous, sur l’ensemble des bancs de cet hémicycle, notamment Sophie Errante, Bertrand Pancher et moi-même, nous souhaitons que ce grand rendez-vous, en France, à Paris, de la COP21, débouche sur le grand accord international qui nous permettrait de nous donner une dernière chance, en quelque sorte, de tenir cet objectif : que les températures n’augmentent pas de plus de deux degrés. Comment pourrait-on ne pas commencer, compte tenu du délai de promulgation de cette loi, à manifester la contribution de la République française et à afficher que l’objectif prioritaire est bien de contenir l’élévation des températures ?
Vous nous avez répondu, en discussion générale, madame la ministre, qu’il fallait que nous nous projetions dans le futur, qu’il fallait parler de l’avenir, encore et toujours. Eh bien, l’avenir, c’est, l’an prochain, la COP21, à Paris. Je pense donc que cet amendement est fondamental et qu’il faut envoyer un signal, aux Françaises et aux Français, à l’Europe, au monde entier : nous sommes encore capables de relever le défi des deux degrés, nous avons encore la capacité d’atteindre cet objectif. Il y a donc lieu d’affirmer dans ce texte qu’il est prioritaire.
Les amendements identiques nos 658 et 1808 rectifié ne sont pas adoptés.
La parole est à Mme Cécile Duflot, pour soutenir l’amendement no 2109 .
Cet amendement vise à renforcer les moyens que nous nous donnons pour lutter contre le renforcement climatique. Il vise à substituer le taux de 55 % au taux de 40 %. Il y a une corrélation avec le taux que les écologistes défendent au niveau européen, qui permet de tenir l’objectif du facteur 4, l’objectif d’une division par quatre des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050.
Je suis très heureuse de constater que plus personne ne nie non seulement la réalité mais aussi les conséquences du dérèglement climatique ; ce n’était pas le cas lors de débats qui se sont tenus ici il y a quelques années. Nous commençons à être très clairement victimes de ces conséquences, alors même que les scientifiques pensaient qu’elles n’apparaîtraient que d’ici à dix ou quinze ans.
Je rappelle que la première décennie du XXIe siècle est la plus chaude que nous ayons vécue depuis 1850, que les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont augmenté de 31 % depuis 1990, surtout depuis ces dix dernières années. Je rejoins donc tous ceux qui pensent que l’enjeu de la COP21, l’an prochain, est absolument décisif, mais je pense aussi que nous avons une responsabilité particulière. Le dérèglement climatique est un héritage de l’ère industrielle, particulièrement des Trente Glorieuses. Il est tout particulièrement le fait des pays comme le nôtre, des pays européens, des pays du Nord, qui ont le plus contribué aux émissions de gaz à effet de serre. Nous avons donc une responsabilité toute particulière pour engager la solidarité. À ce titre, le choix fait par le Président de la République d’abonder un fonds en faveur de la transition énergétique est absolument décisif, mais nous devons aussi agir nous-mêmes, ici, sur nos émissions. Voilà pourquoi les écologistes défendent cet amendement qui vise à relever nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Je comprends, madame Duflot, que vous visiez un tel objectif, mais il faut néanmoins, me semble-t-il, rester réaliste. Fixer des objectifs inatteignables décrédibiliserait ce projet de loi et, à terme, la France. Les objectifs qui figurent actuellement dans le texte sont déjà très ambitieux.
Je n’ai en revanche aucun doute quant à notre volonté. Si nous sommes en mesure d’aller plus loin, je ne vois aucune raison pour que nous ne poursuivions pas notre action afin de dépasser les objectifs, mais, à ce stade, la commission a émis un avis défavorable.
Même avis.
Je soutiendrai l’amendement de Mme Duflot, même si, évidemment, un objectif plus ambitieux que 40 % est sans doute encore plus difficilement atteignable. Cependant, on sait très bien que si on ne tend pas vers une réduction aux alentours de 50 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030 on ne sera pas sur la trajectoire du facteur 4 en 2050. Et si on n’est pas sur cette trajectoire en 2050, cela signifie – le fait ne souffre aucune controverse, c’est certain – que l’augmentation des températures dépassera les deux degrés. Je pense donc que fixer un cap ambitieux est indispensable pour montrer à l’ensemble de nos concitoyens l’ampleur des efforts à fournir.
On nous objectera évidemment qu’il y a l’économie, l’emploi, le court terme, la consommation, etc. Oui, mais si on se fracasse tous contre un mur, on nous demandera ce que nous aurons fait pour l’éviter, puisque nous le savions. Je ne veux pas être de ceux qui, l’ayant su, n’auront rien fait pour montrer le cap.
Je me rallie donc à cet amendement, même si j’aurais plutôt retenu le taux de 50 %. Disons que qui peut le plus peut le moins. C’est en tout cas vraiment un objectif très ambitieux.
« Très bien ! » sur les bancs du groupe écologiste.
Il y a dans cette loi la magie des chiffres : 20 % en 2020 ; 30 % en 2030 ; 40 % en 2040 ; 50 % en 2050. Ce que je regrette, c’est que tous ces chiffres qu’on avance ne reposent sur aucune étude d’impact, que rien ne les explique. Pourquoi 55 % ?
J’aimerais qu’on réponde à cette question. Pourquoi pas 49 %, 56 %, 54 %, 60 % ou 90 % ? D’où vient ce chiffre ? Je pose une seule question : d’où vient ce chiffre ? Il y a sans doute une raison qui l’explique.
Vous avez parlé de corrélation, mais la corrélation ce n’est pas précis. L’idée est qu’il y a une tendance qui est mauvaise et qu’il faut donc augmenter le chiffre, mais pourquoi 55 % ?
Ensuite, nous aurons peut-être un débat.
Le chiffre, monsieur le président, mes chers collègues, vient d’un organisme auquel tout le monde accorde de l’importance : le GIEC. Comme l’a souligné à très juste titre notre collègue Pancher tout à l’heure, si l’on veut atteindre le facteur 4 en 2050, il faut une continuité, donc une étape décisive en 2030 qui permette d’atteindre la division par quatre des émissions de gaz à effet de serre en 2050. Tous les experts, non seulement ceux du GIEC mais aussi ceux de toutes les organisations non-gouvernementales, disent qu’il faut que le taux de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 passe de 40 % à 55 %.
C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons que maintenir cet amendement, et abonder dans le sens des propos que tenait tout à l’heure Mme la ministre : on doit avancer sur deux jambes, la réduction des émissions de gaz à effet de serre mais également la recherche de la sobriété énergétique, qu’on appelle aussi l’efficacité énergétique. C’est indispensable.
Nous avons donc franchi la première étape : c’est le GIEC qui est la source de ce chiffre de 55 %.
Là où je ne vous suis pas, monsieur Mamère, c’est que le GIEC ne dit pas que la France, avec ses spécificités, ses singularités, doit réduire ses émissions de 55 %.
Non, mais, attendez : on n’est pas en train de faire une loi européenne, on n’est pas au Parlement européen, on est au Parlement français ! On est en train d’essayer d’établir une trajectoire française, par rapport à une économie française. Premier argument, nous ne sommes pas l’Allemagne, nous ne sommes pas les autres pays, nous partons d’un niveau bien plus décarboné que les autres. Vous le niez, mais c’est un fait : par rapport à celle de nos voisins, notre économie est massivement décarbonée.
Si, c’est vrai : 90 % de l’électricité produite en France est décarbonée. Le taux d’émission de CO2…
Je ne vais pas vous le refaire à chaque fois, vous allez m’accuser de faire de l’obstruction, mais j’entends M. Mamère dire que ce n’est pas vrai, que l’économie française n’est pas décarbonée. Sur la partie électrique, nous sommes largement décarbonés.
Exclamations sur les bancs du groupe écologiste.
Merci, monsieur le président.
Si on était logiques, on fixerait évidemment un objectif européen mais on ne demanderait pas la même chose à ceux qui polluent beaucoup et à ceux qui polluent moins.
On ne part pas de la même base. On ne peut donc pas dire : que tu pollues beaucoup ou que tu pollues, que tu aies une électricité carbonée ou une électricité décarbonée, tu dois atteindre exactement le même objectif. Voilà un premier argument contre votre amendement.
J’en viens à un deuxième. Pendant que la France dit qu’il faut augmenter les efforts, passer de 40 % à 55 %, la Chine émet en une année autant de CO2 que toute l’Europe en dix ans et ne fait strictement aucun effort. Si tous les autres pays du monde faisaient des efforts, je vous dirais que nous devons effectivement nous coordonner, mais nous savons que, malgré tous nos efforts, et même si on réduisait à zéro nos émissions de CO2, ce qui est impossible – j’espère que vous en conviendrez –, nous serions quand même confrontés au problème soulevé par le GIEC : certains pays ne jouent pas le jeu.
Il faut donc, à mon avis, être un peu pragmatiques. Il y a quand même un degré de résistance physique de l’économie. Même avec la meilleure volonté du monde, il y a des choses qu’on ne peut pas faire. On ne peut pas dire : « Je vais supprimer la moitié des émissions de CO2 en quelques années. » À un moment donné, l’économie va souffrir, elle ne tiendra pas le choc. Si c’est pour démobiliser l’économie française dans sa recherche de compétitivité, nous mettre des poids aux pieds, tout cela pour faire mieux, pour faire plus, pour compenser l’inaction des autres, je ne vois pas l’intérêt.
L’objectif fixé à 40 % est déjà très ambitieux. Personnellement, pour avoir examiné les trajectoires et les différentes hypothèses, je pense, même si ce n’est pas l’avis de tous les membres du groupe UMP, que, s’il est un objectif très noble, le facteur 4 reste quand même très largement hors d’atteinte. Je ne vous reproche pas de vouloir l’atteindre, il faut être ambitieux, mais enfin, je n’y crois pas beaucoup. Soyons donc raisonnables, d’autant que cet objectif de 55 %, comme le débat vient de le révéler, n’est pas une préconisation qu’aurait faite le GIEC à la France par rapport à son profil énergétique. Il me semblerait d’ailleurs intelligent que des préconisations de ce type soient faites.
Mesdames et messieurs les écologistes, prenons un exemple dans un autre domaine : celui de la limitation des armements nucléaires avec les accords SALT et les traités START. Lorsque les grandes puissances militaires nucléaires ont voulu réduire les arsenaux, les petites puissances nucléaires, comme la France, ont dit ne pas vouloir y participer. Pourquoi donc ? Parce qu’évidemment, quand les États-Unis et l’URSS pouvaient réduire de milliers d’ogives leurs arsenaux, le nombre d’ogives dont disposait la France était quasiment nul.
C’est pourquoi la France s’est exclue de ce mouvement.
Transposons les choses au domaine qui nous occupe. Aujourd’hui, les géants, ce sont les États-Unis et la Chine. Nous, nous comptons quasiment pour epsilon, pour une virgule, dans le problème du réchauffement climatique.
Cela ne veut pas dire que cela doit nous dédouaner de nos engagements dans le cadre du processus de Kyoto, mais nous devons rester raisonnables.
Je voudrais dire les choses simplement en ce qui concerne le facteur 4. Le facteur 4, c’est l’engagement pris par le Président de la République française en 2003, un homme que vous connaissez : Jacques Chirac. Le facteur 4, c’est la part des Européens dans le facteur 2, qui est l’obligation de division par deux des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990 que s’est assignée l’ensemble de la planète, en considérant qu’un certain nombre de pays, les pays du Sud, verraient nécessairement leurs émissions augmenter.
La France, au sein de l’Europe, certes, mais quand même, doit atteindre cet objectif, voté dans le cadre du Grenelle – pas par vous, monsieur Aubert, vous n’étiez pas député et je ne connais pas le curriculum vitae de tous les députés de l’opposition actuellement présents, mais quand même. Il ne s’agit donc que d’un rappel de cet objectif que vous avez voté. Pour atteindre le facteur 4, sur lequel nous nous sommes engagés, sur lequel le Président de la République de l’époque s’est engagé, un engagement que nous avons inscrit dans la loi Grenelle, il faut, aujourd’hui, ajouter ce chiffre dans les objectifs que nous fixons. C’est aussi simple et évident que cela.
Il s’agit, si on y arrive, M. Pancher l’a dit, non pas d’empêcher, mais de limiter à deux degrés le dérèglement climatique. Toutes les dernières études du GIEC montrent que la situation s’aggrave, et la fonte des glaces polaires le confirme. Ce n’est donc pas un petit sujet, ce n’est pas un sujet de chiffres, ce n’est pas un sujet totalement désincarné, c’est un sujet extrêmement concret. Il s’agit de la vie de nos enfants, de nos petits-enfants, il s’agit tout simplement de la vie sur notre planète, des conséquences dramatiques du dérèglement climatique. Il y a eu, en 2013, plus de réfugiés climatiques que de réfugiés à cause des conflits. C’est la première fois dans l’histoire. Voilà dans quelle situation nous nous trouvons, voilà dans quelle situation se trouve notre planète.
Donc, oui, chacun a une responsabilité, et la France en a elle aussi une importante.
Cher collègue Aubert, vous avez gagné votre billet pour voyager sur le Titanic ! Avec un raisonnement comme le vôtre, c’est sur le Titanic qu’on embarque, et à coup sûr !
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
Dire « Nous, petits Français, que pouvons-nous y faire ? », c’est vraiment le discours du désespoir le plus total !
La France, avec le « trois fois vingt », a entraîné l’Europe, qui a la capacité d’entraîner le monde. Si on ne fixe pas des objectifs aussi ambitieux, a fortiori à votre âge, car vous êtes jeune, c’est assez désespérant.
Certes, c’est très compliqué : il ne faut pas se voiler la face, cet objectif est très difficilement atteignable. Cependant, ne pas se fixer d’objectif ambitieux, c’est se résigner au désespoir.
Je rappelle que ce projet de loi ne vient pas de nulle part. Avant d’arriver au Parlement, il est passé par un certain nombre de stades, par un certain nombre de consultations. Le Conseil national de la transition écologique, en particulier, a choisi ce chiffre de 40 %. La présentation par Jean Jouzel du rapport sur le climat de la France au XXIe siècle, lors d’une séance du Conseil économique, social et environnemental, m’a conduit à ajouter à ce projet de loi le facteur 4 qui n’y figurait pas à l’origine. Je considère que la lutte contre le dérèglement climatique et en faveur de la transition énergétique a besoin de l’adhésion des forces vives de la nation. Il ne s’agit pas simplement de sortir, comme cela, des chiffres en séance à l’Assemblée nationale ! Certes, cet objectif est ambitieux : c’est un idéal à atteindre. Ce qui me paraît très important pour réussir la transition énergétique, c’est d’adhérer à une ambition commune. Cette adhésion doit être très large : au-delà de cet hémicycle, il faut rassembler les forces vives, les ONG, les partenaires sociaux, les experts qui ont fixé cet objectif.
À l’avenir, peut-être arriverons-nous à dépasser cet objectif : ce serait tant mieux ! Mais il ne faut pas que nous nous fixions des normes encore plus ambitieuses sans savoir si nous pourrons les atteindre, et surtout en faisant fi du processus consultatif qui a conduit à l’adoption de ce chiffre de 40 %, auquel a été ajouté le facteur 4. Cela poserait un véritable problème démocratique, et nuirait à la co-construction de notre objectif commun.
Seconde observation : nous en sommes toujours à l’article 1er. Certes, le débat se déroule librement ; d’ailleurs, ces sujets sont très importants, mais au-delà des chiffres, les Français qui nous écoutent et les forces vives qui effectueront, concrètement, la transition énergétique, attendent des mesures concrètes. C’est quand même cela l’important : faire en sorte que les objectifs théoriques que nous fixons soient traduits dans la réalité, que les actions sur le terrain se multiplient afin d’améliorer la performance énergétique, de réaliser des économies d’énergie, d’accompagner la montée en puissance des énergies renouvelables, et de réduire la consommation énergétique. Pour tout cela, ce texte est très attendu. Nous devons consacrer notre énergie – sans jeu de mots – à examiner les conséquences sur le terrain de l’adoption de ce projet de loi.
Il est important de rappeler ces éléments. D’une part, c’est un processus très long qui nous a conduits à fixer ces objectifs : il importe à présent de susciter l’adhésion. D’autre part, nous devrions passer à l’action sur les articles opérationnels de ce texte, pour pouvoir ensuite démultiplier leur effet sur les territoires. Il y aura un travail considérable à accomplir par la suite, avec les régions ; le ministère jouera son rôle, comme vous tous, dans vos territoires. Il faudra entraîner, fédérer, former et sensibiliser les forces vives.
Je pense que les dissensions et les débats sur des pourcentages sont vraiment très éloignés de la réalité de la transition énergétique. Je propose donc de conserver les objectifs tels qu’ils figurent dans le projet de loi, car ils sont le fruit d’un long processus démocratique de consultation. Mon avis est défavorable.
Madame la ministre, à ce stade de nos débats, je suis troublé. Nous avons longuement débattu des pourcentages en commission. Nous n’en sommes qu’à l’article 1er, mais comment examiner les articles suivants s’il y a un désaccord sur les grands principes de ce projet de loi ? Nous comprenons bien que l’article 1er a pour objet de réaffirmer, précisément, les grandes lignes de ce projet de loi. Je rappelle que vous avez refusé il y a quelques instants un amendement qui rendait prioritaire le fameux combat des deux degrés, alors même que nous devrions tout faire pour que la conférence Paris Climat 2015 – dite aussi COP 21 – soit une réussite.
Quelques minutes après, une partie de la majorité – et pas n’importe laquelle : les écologistes – défend cet amendement pour dire que la lutte contre le réchauffement climatique n’est pas une priorité de ce projet de loi.
Je vous avoue que je suis troublé, et anxieux pour la suite de nos travaux. Je pense que la majorité aurait été bien inspirée d’accepter l’amendement présenté tout à l’heure qui rendait prioritaire l’évolution du climat. Cela nous aurait évité ces combats de chiffres – 40 % ou 55 % – et nous aurait permis d’afficher qu’au-delà des chiffres, nous nous donnons pour objectif, tant que cette loi sera en application, de limiter par tous les moyens et à tous les échelons le réchauffement climatique à deux degrés.
Vous avez refusé, madame la ministre, cet amendement présenté par l’opposition. À présent, des députés de la majorité déposent un amendement pour surenchérir sur ces objectifs. Cela jette un doute sur la priorité donnée à la lutte contre le réchauffement climatique par votre projet de loi.
Je ne vous cacherai pas, monsieur Saddier, que votre intervention me déçoit. Ce débat est fondamental : le dénaturer en petite polémique à propos des relations internes à la majorité, franchement, ce n’est pas à la hauteur du sujet.
Madame la ministre, je respecte parfaitement le choix du Gouvernement : le chiffre issu des débats au sein de la commission tient en effet compte d’un certain nombre d’impératifs et d’inquiétudes. Simplement, je rappelle que ne pas retenir le facteur 4 nous fait courir le risque d’aller au-delà des deux degrés. Nos compatriotes d’outre-mer sont les premiers concernés par les conséquences du dérèglement climatique et l’élévation du niveau des océans : il faut en être conscient. Ce projet de loi lance un chantier décisif : nous espérons que son adoption, et surtout les moyens qui seront alloués à la transition énergétique, lanceront une dynamique qui nous permettra de dépasser cet objectif.
Si nous voulons respecter les engagements pris en 2003 et atteindre le facteur 4 en 2050, alors c’est le chiffre proposé par cet amendement qu’il faut choisir. Je comprends pourquoi ce n’est pas celui qui a été retenu, mais vous pardonnerez aux écologistes d’avoir l’honnêteté intellectuelle de rappeler ce fait ! Il ne s’agit pas d’une polémique médiocre : ce débat ne le mérite pas.
L’amendement no 2109 n’est pas adopté.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 1677 .
Nous débattons du facteur 4, mais comme cela a été rappelé, le facteur 4 figure dans le Grenelle 1. Cela ne sert donc à rien de le rappeler dans ce texte, puisqu’il figure déjà dans la loi. Je vous propose donc, par cet amendement, de supprimer la fin de la première phrase de l’alinéa 24, qui est superfétatoire. Dire qu’il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % en 2030, cela a un sens par rapport à ce qui est déjà dans la loi.
Permettez-moi quelques observations. En 2012, la France émettait 417 millions de tonnes de CO2. Or selon l’étude d’impact, l’objectif pour l’année 2020 est de 359 millions de tonnes. Cela représente une baisse annuelle de l’ordre de 1,7 % : ce n’est pas déraisonnable. Mais entre 2020 et 2030, nos émissions devraient passer de 359 à 283 millions de tonnes, soit une baisse annuelle de plus de 2,5 %. Ce ne sera pas simple ! Je trouve que ces objectifs seront déjà assez difficiles à atteindre : il ne faut donc pas en rajouter.
Dernier élément : nous légiférons aujourd’hui pour l’année 2030. D’ici là, trois législatures se succéderont. Le taux d’attrition étant très élevé dans cette assemblée, je doute qu’il y ait beaucoup de survivants en 2030 pour comparer les objectifs que nous votons et la réalité future.
Sourires.
Contentons-nous de fixer cet objectif pour 2030, puisque de toute façon le facteur 4 pour 2050 figure déjà dans la loi. Ce ne sera déjà pas si mal !
Même avis.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Puisque le Gouvernement n’utilise pas son temps de parole, je le ferai à sa place !
C’est pour vous en laisser un peu !
C’est très gentil, madame le ministre.
Le raisonnement tenu par notre collègue de l’UDI est très exact. J’apprécie cette approche concrète : fixer des objectifs, c’est facile ; les difficultés apparaissent quand il s’agit de mesurer l’effort. Examiner les efforts que nous accomplissons aujourd’hui, et ceux que nous pourrons accomplir dans le futur, cette démarche me paraît très pragmatique.
Nous devrions appliquer la même logique en matière budgétaire, car il est trop facile de bâtir le budget sur des prévisions de croissance trop optimistes, et s’apercevoir à la fin qu’on ne respecte pas les objectifs de déficit. On peut toujours voter un taux de croissance de 3 %, mais s’il s’avère que la croissance n’est que de 0,8 %, les ressources fiscales ne seront pas aussi élevées qu’espéré !
L’approche de M. Courson, parce qu’elle est concrète, doit être saluée. Elle témoigne de la sagacité et de l’expérience de ce membre éminent de la commission des finances. C’est pourquoi le groupe UMP votera cet amendement.
L’amendement no 1677 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 1786 .
L’amendement no 1786 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Jacques Krabal, pour soutenir l’amendement no 1955 .
Il s’agit de prendre en compte la spécificité des secteurs économiques lors de l’élaboration des trajectoires pour les budgets carbone. Lors du débat national sur la transition énergétique, il a été prouvé qu’il était impossible pour certains secteurs, dont le secteur agricole, d’atteindre le facteur 4 dont nous venons de parler. Des propositions ont donc été formulées. Ainsi, selon nous, la comptabilisation normalisée des gaz à effet de serre de l’agriculture et de la forêt doit être révisée, pour éviter de conduire à des incohérences.
Les modes de comptabilisation doivent prendre en compte les possibilités de stockage, de substitution, et considérer dans leur ensemble les contributions de l’agriculture, des forêts et des sols à l’atténuation du changement climatique. Les objectifs à fixer au niveau européen ou national n’auront de sens que dans cette vision élargie. C’est ce que nous proposons par cet amendement.
Cet amendement est satisfait par l’alinéa 20 de l’article 48 du projet de loi, que nous avons évoqué tout à l’heure. Je vous demande donc de retirer cet amendement. Faute de quoi, l’avis sera défavorable.
Même avis.
C’est une deuxième tentative. Tout à l’heure, j’ai défendu un amendement semblable. Mme la rapporteure et Mme la ministre m’ont alors fait la même réponse, au demeurant tout à fait respectable.
On nous renvoie à cet article assez lointain. Comme l’a regretté M. Mamère tout à l’heure, je ne suis pas certain que nous aurons encore du temps de parole au moment où cet article sera abordé. Quant aux dispositions réglementaires, nous ne pourrons pas les examiner – même si on peut vous faire confiance, madame la ministre, pour que toute la représentation nationale soit associée à l’élaboration des textes réglementaires.
Il n’en reste pas moins qu’un certain nombre de secteurs économiques auront des difficultés pour respecter le facteur 4. Je pense notamment, comme beaucoup de mes collègues, à l’agriculture, dans tous les territoires. Il serait bon, pour la sérénité de nos débats, que Mme la rapporteure et Mme la ministre acceptent de prendre en compte les caractéristiques de l’agriculture, ou alors disent clairement – ce qui serait louable aussi – : « Non, monsieur le député, nous ne partageons pas votre point de vue ». Cela n’a pas été fait tout à l’heure.
Vous pouvez assumer, et dire : « Non, les particularités de l’agriculture ne seront pas prises en compte, et l’agriculture devra se soumettre aux mêmes règles que les autres secteurs. » C’est votre droit.
À l’instant où je vous parle, et dans l’attente de vos réponses, madame la ministre, madame la rapporteure, il y a une intense émotion.
Si le président de la commission spéciale pouvait lui aussi contribuer à la défense de l’agriculture, ce serait une immense joie. D’avance, je l’en remercie.
Une quinzaine d’amendements traitant de l’agriculture et de la situation particulière des éleveurs de ruminants seront examinés à l’article 48, qui fait partie du titre VIII, dont c’est M. Baupin qui est le rapporteur.
Nous ne disposerons plus du temps de parole nécessaire !
L’amendement no 1955 n’est pas adopté.
Cet amendement vise à conditionner l’objectif de réduction des émissions de gaz à effets de serre à la conclusion d’un accord climatique international ambitieux. La France figure parmi les économies industrialisées les moins émettrices de gaz à effet de serre, du fait de ses choix historiques d’une production électrique fondée sur le nucléaire et sur les énergies renouvelables.
L’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre est chiffré de manière extrêmement ambitieuse dans le projet de loi. La France doit continuer à faire la course en tête, mais ne doit pas la faire seule. Il convient donc d’assortir les objectifs climatiques proposés à l’alinéa 19 à la teneur d’un accord climatique ambitieux en 2015, afin de ne pas créer de distorsions au détriment de la France, faute d’engagements et de contraintes concrètes identiques pour les autres pays.
Avis défavorable. La France n’a pas besoin d’être liée par un accord international contraignant pour mettre en place une politique énergétique ambitieuse. Je tiens aussi à rappeler que la France est liée par le paquet énergie-climat, dont je ne rappellerai pas ici toutes les composantes.
Même avis.
L’amendement no 1339 n’est pas adopté.
Sourires.
L’impossibilité, pour le secteur agricole, d’atteindre le facteur 4 a été reconnue lors du débat national sur la transition énergétique – DNTE. Le document de synthèse du DNTE reprend ce constat : « dans la mesure où il sera impossible pour certains autres secteurs, comme l’agriculture, d’atteindre cet objectif ». D’autres secteurs connaîtront également des difficultés pour l’atteindre. Il est donc proposé d’insérer, après l’alinéa 24, l’alinéa suivant : « La spécificité de certains secteurs est prise en compte lors de l’élaboration de la trajectoire dans les budgets carbone. »
La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement no 1503 .
Je veux d’abord remercier Mme la rapporteure, qui a répondu pour partie à ma question. Les amendements en question faisaient partie des amendements « guillotine » du samedi, dont nous n’avons pu débattre en commission.
Il est évident que la procédure du temps programmé, voulue par la majorité, nous empêchera de discuter de ces amendements à l’article 48. Cela, ajouté au choix de la procédure accélérée, fait qu’il sera très difficile aux députés de l’opposition de défendre l’agriculture, ce pilier historique, culturel et économique de notre pays auquel vous êtes, comme nous, attachés. Heureusement, les grands électeurs auront mis un terme à la procédure accélérée, et nous aurons l’occasion d’y revenir.
Merci, madame la rapporteure, d’avoir fait référence à l’agriculture de notre beau pays. Il est nécessaire d’insister sur la spécificité du monde agricole et de prévoir pour elle une trajectoire particulière dans le texte.
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l’amendement no 1678 .
Même avis.
L’amendement no 1678 n’est pas adopté.
Tout le monde convient qu’il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre et que cela peut se faire via le mode de production de l’énergie. Mais il faut jouer davantage sur l’efficacité énergétique, et ce plutôt que d’ériger, au côté du totem de la réduction de la part de l’énergie d’origine nucléaire, le totem de la diminution de la quantité d’énergie consommée.
Ces objectifs supposent de prendre des mesures dont le rendement, en termes d’objectifs, sera faible et dont le coût sera extrêmement élevé. De fait, le prix de l’électricité, que vous l’acceptiez ou non, augmentera considérablement, ce qui pénalisera les ménages mais grèvera aussi la compétitivité. Ce sera là un petit coup de main donné à la désindustrialisation, que vous le vouliez ou non.
Au lieu de « décarboner », vous risquez de désindustrialiser encore un peu plus notre pays. Vous déplacez le problème : le gaz carbonique ne sera plus produit ici, mais en Chine. Où est le bénéfice ? Ce n’est pas en éteignant la France que l’on résoudra la question. C’est pourtant ce à quoi nous amènent les deux objectifs visés à l’alinéa 25, que je suggère de supprimer.
La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement no 886 .
Sourires.
Mêmes sourires
Mes chers collègues, vous avez refusé hier des amendements qui visaient à donner une dimension européenne à nos débats et notamment à créer une communauté européenne de l’énergie, ce qui aurait eu un sens et permis que soit pris à l’échelle européenne un engagement de diminution de la consommation énergétique.
Supprimer l’alinéa 25 permettrait d’éviter que ne figurent dans le texte des objectifs démesurés et que l’on ne fasse, une fois de plus, peser des mesures et des contraintes sur l’outil de production français, au prix d’un nouvel affaiblissement de la compétitivité de nos entreprises vis-à-vis de leurs concurrentes européennes.
Tout à l’heure, nous avons débattu de l’absence de priorité donnée à la lutte contre le réchauffement climatique et de la limitation du réchauffement à deux degrés. Il aurait été bien inspiré de faire de la France la locomotive de l’ambition et des objectifs européens, plutôt que de vouloir faire peser sur un outil de production déjà bien mal en point des objectifs quasiment inaccessibles. Nous devons nous ressaisir et faire en sorte que des engagements soient pris à l’échelle européenne en termes à la fois de compétitivité et de réduction des émissions de gaz à effets de serre.
Même avis.
Je n’ai pas compris l’argumentation, assez limitée, de Mme le rapporteur. Depuis le début, nous défendons une logique prioritaire, celle de la réduction des émissions de gaz à effets de serre. Ce n’est pas moi qui ai évoqué tout à l’heure le Titanic.
Ces deux dernières années, plusieurs versions de ce que doit être la transition énergétique se sont succédé. Il s’est d’abord agi d’une version écologiste, enfin disons très écologique. Mme Batho a pu regretter, d’ailleurs, que se soit perdue la grande ambition écologique qui présidait initialement à cette transition. Puis est arrivée une logique très industrielle. Celle-ci a fait place ensuite au bâtiment et aux économies d’énergie.
Ces objectifs ne sont pas contradictoires : réduire la consommation d’énergie peut permettre de réduire les émissions de CO2. Mais nos moyens financiers sont limités, ce qui signifie qu’il faut placer en priorité l’argent du contribuable et mobiliser le secteur privé là où l’efficacité économique sera la plus grande, au regard de l’objectif prioritaire de réduction des émissions de CO2. En poursuivant l’objectif de maîtrise de l’énergie, vous avez entamé une gigantesque opération de rénovation énergétique. Mais ce n’est pas parce que vous réduisez la consommation d’énergie que vous avez automatiquement un impact équivalent et homothétique sur les émissions de gaz à effet de serre !
Si je me chauffe au chauffage électrique et que je réduis de moitié ma consommation, l’impact sur les émissions de CO2 sera bien différent que si je me chauffe au fuel. Ce n’est donc pas la maîtrise de l’énergie qui est efficace en termes d’émissions de gaz à effet de serre, mais bien le type d’énergie consommée.
La stratégie énergétique que vous avez élaborée vous a amenés à disperser les moyens financiers sur toute une série de leviers. Cela fait perdre de vue l’objectif initial qui devrait être, je le répète, la réduction des émissions de gaz à effet de serre. C’est pour cette raison que nous proposons cet amendement, qui vise à clarifier la stratégie : l’objectif de la maîtrise d’énergie est supprimé, mais on garde l’objectif final, celui de la réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre. Cela permettra de faire d’autres choix dans les instruments.
Sourires.
Chers collègues communistes, vous auriez dû assister aux réunions de la commission spéciale. Quand on veut défendre la classe ouvrière, il ne faut pas le faire une semaine sur deux. Les 35 heures, ça n’est pas pour les députés !
Protestations sur les bancs des groupes GDR et SRC
Vous nous proposez un modèle à objectifs multiples, pour une France qui serait seule, à l’avant-garde, avec des partenaires européens très loin derrière. Nous vous proposons un modèle complètement différent, avec un objectif prioritaire, la réduction des émissions de CO2, une volonté européenne forte, et une communauté européenne de l’énergie, comme l’a très bien exposé notre collègue Martial Saddier. Cela crée une grande différence entre nous.
Madame la ministre, permettez-moi de vous dire ma surprise, car j’ai lu, comme vous, les déclarations du Président de la République lors de la conférence sur le climat : il en a appelé à une communauté européenne de l’énergie, à une politique énergétique européenne. Or force est de constater, au fil des débats et des amendements, que ce que vous souhaitez, c’est laver plus blanc que blanc ! Vous voulez une France qui fasse cavalier seul, portant des objectifs ambitieux mais irréalistes. Et plus l’objectif est ambitieux, plus la frustration est grande ! C’est dommage, car il faudrait que nous puissions nous rassembler pour créer une communauté européenne de l’énergie et donner une véritable dimension européenne à ce texte.
À y regarder de plus près, l’objectif que vous décrivez et que nous souhaitons supprimer est un objectif de décroissance. L’Europe n’est responsable aujourd’hui que de 10 % des émissions de gaz à effet de serre et sa consommation électrique s’élève à 4 %, en raison principalement de sa faible croissance. Or, nous souhaitons justement que l’Europe, et en particulier la France, renoue avec la croissance. Pourquoi ne pas consommer plus d’énergie si elle est décarbonée ? C’est le sens de notre amendement : pouvoir, le cas échéant, relancer la croissance en augmentant notre consommation énergétique, dès lors qu’il s’agit d’une énergie décarbonée. C’est cette cible-là qui doit être prioritaire.
Rappelons par ailleurs que dans le bilan carbone mondial, la consommation énergétique de l’Europe ne représente l’équivalent que de deux ou trois ans de croissance des pays émergents. C’est dire s’il nous reste encore du chemin à parcourir.
Mme la ministre vient de rejeter un amendement des Verts au motif qu’il aurait imposé des normes trop élevées, qu’il serait difficile et onéreux d’atteindre. C’est exactement ce que nous vous disons : sans parler d’un objectif de 55 %, si vous fixez la barre trop haut, il sera impossible de l’atteindre.
À mon sens, il faudrait que de telles mesures soient imposées par des accords internationaux car si nous sommes les seuls à agir dans cette direction, vous ne ferez que déplacer la production de CO2, à notre détriment. Celle-ci ne diminuera pas, bien au contraire, simplement elle aura lieu ailleurs que chez nous.
Cette considération devrait emporter votre accord et l’alinéa 25 ne pas trouver grâce à vos yeux.
Le Conseil européen qui se tiendra fin octobre se fixe justement comme objectif de réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre. L’économie de la France étant déjà très décarbonée, comme cela a déjà été souligné…
...cet objectif représente pour nous un effort supplémentaire déjà très important, ce qui explique que nous ne puissions pas passer à 55 %. Les organisations professionnelles ont largement discuté de la portée de cet effort. Rappelons que siègent au conseil national de la transition écologique les représentants du patronat et des organisations syndicales, les ONG, les élus, le Conseil économique, social et environnemental, au final l’ensemble des forces vives économiques, sociales et environnementales du pays. Ce chiffre est le fruit d’un consensus déjà très ambitieux. Si le Gouvernement inscrit cet objectif de 40 % dans la loi alors qu’il avait soulevé de fortes réticences et que notre économie est plus décarbonée que celle de nos voisins, c’est parce que nous avons la responsabilité d’entraîner les autres pays européens dans notre sillon. J’espère qu’il en sera ainsi au prochain Conseil européen.
De surcroît, en les entraînant derrière nous, nous aurons gagné la crédibilité nécessaire pour organiser la conférence Paris Climat 2015 qui nous permettra d’inviter les pays du monde entier à prendre leurs responsabilités pour limiter le réchauffement climatique à deux degrés d’ici la fin du siècle.
Je voudrais rendre hommage aux forces vives économiques et sociales de notre pays qui ont fait l’effort de prendre cet engagement. Il est de notre responsabilité à présent de leur donner les moyens opérationnels d’atteindre cet objectif. Nous devons également soutenir les entreprises car elles doivent s’engager elles aussi dans la performance énergétique, non seulement en utilisant leur propre énergie dans leur processus de production mais aussi en accélérant la réalisation des travaux d’amélioration de la performance énergétique des bâtiments. Les collectivités territoriales devront pas conséquent consentir elles aussi un gros effort, d’où la mobilisation des prêts de la Caisse des dépôts et consignations pour passer rapidement à l’action. Je me suis fixée une priorité : que ce projet de loi nous permette de passer rapidement à l’action et que nous ne nous contentions pas d’objectifs gravés dans la loi, en pourcentages, derrière lesquels les Français se demanderaient comment l’on passe de cet affichage ambitieux aux actions opérationnelles. Rien ne serait pire qu’une espèce d’accord d’auto-satisfaction sur des pourcentages théoriques sans objectifs ni actions opérationnelles. C’est pourquoi je vous invite collectivement à accélérer le débat sur cet article 1er afin que nous puissions passer aux suivants qui traitent de l’application opérationnelle des actions à même de nous permettre de réussir la transition énergétique.
Je vous remercie, Madame le ministre, pour votre réponse qui contient des éléments très importants.
En effet, je parle vrai, moi.
Je ne me serais jamais permis de prétendre le contraire malgré nos désaccords. En revanche, nous sommes d’accord sur un point essentiel. Je l’ai dit moi-même il y a quelques instants, l’économie de notre pays est plus décarbonée que celle de nos voisins. Or, j’ai entendu des cris d’orfraie sur tous les bancs.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Vous venez de dire exactement la même chose, madame le ministre. Il est donc admis que nous partons d’un potentiel plus décarboné que nos voisins. Je suis très content que vous le reconnaissiez malgré l’opposition d’une certaine composante moins coopérative de votre majorité.
Je viens par ailleurs de comprendre que vous liez l’ambition affichée de ce texte à la volonté d’entraîner les autres pays derrière nous. Dans la mesure où nous accueillons la conférence climat en 2015, vous souhaitez que nous fassions un effort supplémentaire. Je peux comprendre ce message politique mais à mon avis, même s’il est important d’encourager les autres et de faire preuve de volontarisme, il ne faudrait pas que la grande loi de stratégie énergétique de la France n’ait que l’année prochaine comme horizon. Je suis heureux que vous nous ayez parlé des objectifs opérationnels même si je ne suis pas tout à fait d’accord quant au choix des instruments. En tout cas, je comprends davantage votre philosophie même si la COP21 ne doit pas devenir l’alpha et l’oméga de notre réflexion en matière de stratégie énergétique.
Votre intervention soulève des interrogations, madame la ministre. Vous reconnaissez que le bilan carbone de la France est l’un des meilleurs des pays développés, le deuxième pour être exact. C’est d’ailleurs l’un des rares domaines où nous brillons. Dans le même temps, vous fixez des objectifs pour aller encore plus loin. Pourquoi imposer une telle contrainte à notre pays ? Déjà, le gouvernement précédent n’avait pas exploité cet avantage lorsqu’il avait négocié un certain nombre d’objectifs de diminution des émissions de gaz à effet de serre. Vous continuez dans la même direction, commettant ainsi une grave et dangereuse erreur car réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à 2012 et porter le rythme annuel de baisse de l’intensité énergétique final à 2,5 % d’ici à 2030 sont des objectifs complètement théoriques – vous l’avez reconnu vous-même – et de surcroît inatteignables.
Il est d’ailleurs très inquiétant de vous entendre vous même, madame la ministre, dire que ces objectifs sont théoriques, car cela signifie que vous ne vous appuyez pas sur un bilan scientifique, mathématique, construit, calculé. Ce serait donc ainsi que vous fixez des objectifs lourds de conséquences pour notre pays.
De ce texte dépendra la compétitivité de notre pays pour les prochaines décennies et le pouvoir d’achat de nos compatriotes. Il va remettre en cause de filières dans lesquelles l’excellence de la France est reconnue dans le monde entier. Or, ces objectifs sont fixés dans la plus totale improvisation. Vous auriez pu nuancer, madame la ministre, en prévoyant simplement de viser à atteindre la réduction la plus ample possible. Mais non, vous avez préféré imposer une contrainte supplémentaire, alors que vous savez très bien que les contraintes sont autant de handicaps pour l’économie, l’emploi, l’avenir de notre pays.
Madame la ministre, vous nous avez quelque peu rassurés en nous soutenant qu’il existait, au niveau européen, une volonté de trouver un accord. Cela étant, vous avez précisé que notre niveau de décarbonation avait beau être meilleur que celui de nos voisins, nous allions tout de même essayer d’atteindre le même objectif qu’eux, fixé à 40 %. En d’autres termes, nous allons faire plus d’efforts !
Plutôt que de raisonner ainsi, ne serait-il pas plus judicieux de fixer des objectifs en grammes de CO2 par habitant et que la règle du jeu soit la même pour tout le monde ? Ainsi, notre chemin serait moins difficile à parcourir pour arriver au même résultat que les autres. Vous nous proposez au contraire un chemin plus difficile pour aboutir à un résultat meilleur que les autres, ce qui n’est pas un objectif en soi.
Par ailleurs, vous n’avez pas exploré une autre piste qui serait tout aussi intéressante : relancer efficacement le marché carbone.
Chaque mot de ce projet de loi a été pesé, chaque pourcentage de ce texte a été réfléchi. C’est vrai qu’après de nombreuses consultations, nous avons retenu l’objectif de 40 % alors même que notre économie était plus décarbonée, mais l’effort, au final, ne sera pas de 60 %, il sera de 42 % à 43 %. Il était légitime que la France affiche cet effort ambitieux de 40 % même si au final, elle consent un effort de 42 à 43 % – ce n’est pas 55 % non plus.
Par ailleurs, si l’Europe se fixe un tel objectif, c’est en raison des études d’impact qu’elle a menées concernant sa responsabilité dans les émissions de gaz à effet de serre et son obligation de contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique pour limiter le réchauffement à deux degrés. Des modèles économiques ont été présentés, nous nous sommes penchés attentivement sur des études très approfondies, avec mes services, en particulier avec le directeur général de l’énergie qui m’accompagne ce soir. Après les consultations dont j’ai parlé tout à l’heure et les discussions avec les climatologues, nous avons considéré que la France pouvait afficher un objectif de 40 %. Les filières industrielles, tout en reconnaissant que l’exercice serait difficile, ne s’y sont pas opposées, tout simplement parce qu’il leur donne un avantage économique comparatif et compétitif. Imaginez que la France, au prochain Conseil européen, invoque l’énergie nucléaire pour se contenter d’un objectif de 35 %. N’oublions pas que l’énergie nucléaire n’est pas une énergie sans problème.
Pour une fois, en partie grâce à moi, la France a cessé de faire la morale au monde entier dans les instances internationales en s’abritant derrière l’énergie nucléaire, énergie décarbonée, pour s’exempter de tout effort. Or, la transition énergétique ne se traduit pas par la seule diminution de l’émission des gaz à effet de serre : c’est aussi la réduction de la consommation d’énergie, la montée en puissance des énergies renouvelables qui favorisent l’indépendance énergétique, autre objectif de la transition énergétique, sans le problème de la gestion des déchets nucléaires, dont la France, qui a fait ce choix, a la responsabilité, au contraire des autres pays qui n’ont pas fait ce choix.
Il était dès lors tout à fait cohérent que la France, pour déclencher une dynamique européenne et internationale, reconnaisse qu’elle n’a pas forcément de leçons à donner au reste du monde et que son modèle énergétique ne domine pas tous les autres. Elle a fait le choix du nucléaire et l’assume. Cette sécurité énergétique obtenue à une époque où l’électricité était bon marché a contribué à élever le niveau de consommation d’énergie de la France bien au-delà du niveau des autres pays européens. Aujourd’hui, cependant, le système évolue : l’énergie nucléaire enchérit en raison des investissements à réaliser dans les centrales et, d’autre part, la question des déchets nucléaires est enfin posée de façon transparente et démocratique – y compris le coût que représente leur gestion. De même, la question de la sûreté nucléaire est posée ; nous en débattrons à l’occasion de ce texte.
Par conséquent, l’effort de 2 % à 3 % que consent la France en dépit d’une économie plus décarbonée que les autres correspond à un engagement politique essentiel. Les pays européens pourront ainsi s’entendre autour d’un chiffre commun arrêté par les instances européennes au terme d’études d’impact très approfondies, grâce auxquelles l’Europe conviendra enfin collectivement de l’effort à entreprendre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Elle peut poser dès la fin de ce mois les premières marches d’une Europe de l’énergie dans laquelle chacun affronte ses propres problèmes – le charbon en Allemagne, par exemple.
Aucun modèle énergétique ne peut en effet prétendre dominer celui du voisin. Au contraire, nous devons respecter nos modèles énergétiques et nos histoires respectives, tout en traçant le chemin de ce vers quoi nous pouvons converger ensemble en Europe, en particulier – c’est mon voeu le plus cher – en mettant en commun des moyens de recherche pour, par exemple, progresser en matière de stockage de l’énergie, car il s’agit là de la prochaine révolution énergétique qui donnera aux énergies renouvelables toute la mesure de leur développement à l’échelle européenne. Bien d’autres perspectives existent : le développement de l’avion solaire, celui de la voiture électrique. Comment se fait-il que l’Europe, avec tous les moyens technologiques dont elle dispose dans le secteur automobile, n’ait pas encore réussi à mettre sur le marché une voiture électrique populaire bon marché, à 5 000 euros tout au plus, abordable pour les catégories populaires et les jeunes et s’alimentant grâce à un réseau de bornes de recharge photovoltaïques comme celles que met au point l’entreprise française Schneider, pour ne pas la nommer ? Aujourd’hui, le prix est le principal obstacle aux transports propres. Comment se fait-il que l’on soit encore aussi en retard en matière de transports propres, de logements propres, d’économies d’énergie ou encore de compteurs intelligents alors même que nous disposons de savoir-faire et de compétences, que nous connaissons le problème du réchauffement climatique et que nous savons bien ce qui nous attend à la fin du siècle si nous ne faisons rien ? Voilà le véritable enjeu !
Si la France avait adopté une attitude mesquine en se contentant d’une réduction de 37 % des émissions de gaz à effet de serre au motif qu’elle dispose d’énergie nucléaire, alors croyez-moi, l’Europe n’aurait pas avancé, bien au contraire ; elle aurait reculé !
C’est pourquoi je suis fière d’avoir pu arracher l’inscription de ce taux de 40 % lors des arbitrages interministériels. Ce fut loin d’être simple, compte tenu de la réalité que nous connaissons. En décidant cette mesure, nous avons pris nos responsabilités de sorte que nous pourrons demain dire aux pays européens qu’il nous faut absolument montrer l’exemple à l’échelle mondiale. Nous avons pollué la planète, adopté des modes de développement qui ont conduit à la surconsommation des énergies fossiles, pillé les matières premières des pays du Sud, notamment en Afrique.
Et voilà que nous irions aujourd’hui donner des leçons au reste du monde en lui demandant des efforts alors que nous lui avons imposé des modèles de développement fondés sur les énergies fossiles dont on constate désormais les problèmes qu’ils posent ! Et voilà que nous irions dire au reste du monde de ne pas nous imiter et d’adopter d’autres modèles de développement durable !
Au contraire, il nous faut donner l’exemple. Et si l’Europe veut donner l’exemple, alors la France doit donner l’exemple !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR et sur quelques bancs du groupe écologiste.
Je m’excuse de consacrer une bonne part de mon temps de parole non pas à défendre des amendements, mais à revenir sur des débats de fond ; en l’occurrence, je tiens à insister quelques instants et à partager une certitude avec vous. Si nous renonçons à cet objectif de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030, chers collègues, ce ne sera même plus la peine de réunir la communauté internationale en 2015 à Paris ! Ce ne sera plus la peine car la preuve aura été faite que l’Europe est incapable de montrer l’exemple. Peut-être est-ce l’objectif de certains qui parient sur l’échec de la communauté internationale à conclure un accord lors de la Conférence de Paris qui se tiendra l’an prochain ; ce n’est pas mon cas, et ce n’est pas l’objectif de la formation politique que je représente.
Pourquoi fixer cet objectif d’une réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030 ? Parce que les pays européens ont convenu de cet objectif l’an dernier, lors de la COP de Varsovie. Ils en ont fait un élément de négociation au plan international. En effet, cet objectif ne suscite aucun désaccord entre nous, mais il suffit d’assister aux négociations internationales – en tant que parlementaire, j’ai eu la chance de participer aux cinq dernières conférences sur le changement climatique – pour constater ce que nous disent les pays émergents : c’est d’abord à vous, pays occidentaux, qui avez émis des gaz à effet de serre et vous êtes développés en déclenchant le réchauffement climatique, nous disent-ils, qu’il revient de montrer l’exemple ! Nous ne pouvons pas leur retourner le conseil : c’est voué à l’échec.
Cet amendement vise à supprimer l’objectif de réduction de 50 % de la consommation énergétique finale en 2050. Je crois en effet qu’il nous faut revoir cette question tous ensemble, car il est évidemment impossible de prévoir une telle diminution dans un tel délai si, dans le même temps, nous voulons redresser notre pays. Comment peut-on aujourd’hui prétendre à un tel objectif ?
La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement no 1814 .
Cet amendement vise à supprimer la mention de la réduction de la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à la référence de 2012. En effet, viser une telle réduction n’est ni nécessaire ni atteignable et compromettrait l’ambition de mettre la transition énergétique – sujet majeur – au service du redressement industriel et de la croissance.
Cet objectif n’est pas compatible avec notre redressement. Les investissements massifs à financer seraient pour une large part très peu rentables au plan économique et pourraient peser lourdement sur l’économie, creuser davantage les déficits publics et handicaper tout à la fois le pouvoir d’achat des ménages, déjà matraqués fiscalement, et la compétitivité des entreprises au-delà des gains espérés sur la facture d’énergie.
Le combat que nous menons avec cet amendement est le même qu’avec le précédent. Pour le grand public, que concerne la loi, c’est l’accès à une énergie moins chère et moins carbonée qui justifie tout texte ayant trait à la transition énergétique. Notre objectif doit être de permettre à notre pays de renouer avec des infrastructures de qualité qui permettent précisément de produire cette énergie, mais aussi, je le répète, de renouer avec la croissance. Voilà ce que devrait être notre unique objectif : consommer plus mais mieux, créer des emplois et améliorer le niveau de vie de nos concitoyens. Il se peut, le cas échéant, que la croissance attendue provoque l’augmentation de la consommation énergétique. Si la France était capable de se doter d’un environnement et d’infrastructures de production d’énergie de qualité, nous serions alors bien plus vertueux qu’en ne visant que la seule réduction de la consommation d’énergie !
Défavorable.
De véritables questions vous sont posées, qui nous interdisent de nous contenter d’un avis défavorable de Mme la rapporteure et de Mme la ministre. Nos collègues ont développé une argumentation consistant à dire que les objectifs fixés ne sont pas réalistes. Nous attendons autre chose que de simples avis laconiques !
Je vais donc poursuivre ma leçon d’énergie… Vous prétendez que l’on ne pourra pas réduire de 50 % la consommation d’énergie si la croissance économique reprend.
Je vous ai donc bien suivie. Je rappelle néanmoins qu’il existe une différence entre la consommation finale d’énergie et l’intensité énergétique, visée dans la deuxième partie du même alinéa. La mesure de la consommation d’énergie en termes d’intensité tient compte de la croissance économique, puisqu’elle ne se fonde pas sur des valeurs absolues, mais sur l’intensité. En d’autres termes, si la consommation d’énergie augmente à facteurs économiques identiques, alors le taux de réduction fixé ne sera pas atteint. Au contraire, à production constante et toujours à facteurs économiques identiques, c’est la consommation d’énergie finale qui doit diminuer. Il va de soi que toute augmentation de la production est suivie d’une augmentation de la consommation. C’est l’intensité énergétique qui mesure ce rapport : le taux d’intensité d’énergie de 2,5 % est mesuré au prorata du volume de la production. On tient donc compte de ce rapport, et non pas de la valeur absolue de la consommation qui demeure stable quel que soit le volume de la production.
Puisque vous avez satisfaction, je vous invite à retirer votre amendement.
La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement no 1278 .
Pour rebondir sur vos propos, madame la ministre, je précise que la croissance n’entraîne pas automatiquement la hausse de la consommation. J’en veux pour preuve toutes les villes de France dont la population augmente et qui, pourtant, diminuent leur consommation d’eau potable. Cela s’explique par des modes de consommation plus intelligents et des efforts de sobriété.
Là est la véritable différence entre les deux côtés de l’hémicycle. Nous pensons que nous pouvons réinventer un modèle énergétique qui permette la croissance – c’est-à-dire le bonheur des gens – sans pour autant provoquer l’augmentation de la consommation énergétique.
J’en viens à notre amendement qui est au coeur d’un débat déjà abordé en commission : il vise à remplacer l’expression « consommation énergétique finale » par les mots « consommation énergétique primaire ».
Je ne reviens pas, après un débat qui a duré presque trois quarts d’heure, sur notre crainte de pénaliser lourdement notre outil de production, notamment l’industrie, en excluant l’usage de certaines matières premières.
Parler d’énergie finale et non d’énergie primaire revient à prendre le risque de favoriser des schémas énergétiques efficaces à l’utilisation mais qui, in fine, aboutiraient globalement à consommer plus d’énergie. Or quel est notre objectif commun ? Ne pas augmenter la consommation globale de nos ressources. C’est l’objet de cet amendement qui vise à substituer à la notion de consommation énergétique finale celle de consommation énergétique primaire.
Il est en effet possible de réduire la consommation d’énergie primaire sans réduire la consommation d’énergie finale, par exemple en substituant du gaz à l’électricité, ce qui va totalement à l’encontre des objectifs poursuivis dans ce projet de loi. Avis défavorable.
Même avis.
L’amendement no 1278 n’est pas adopté.
La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement no 926 .
L’amendement no 926 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’alinéa 25 de l’article 1er est sans doute l’un des plus important de ce projet de loi car il inaugure une nouvelle logique en matière de consommation énergétique et ce n’est pas un hasard si nos collègues de l’opposition s’y sont opposés frontalement et on tenté de bloquer l’avancement du débat. Je les invite à regarder ce que font l’Allemagne et la Grande-Bretagne qui ont décidé elles aussi de réduire de 50 % leur consommation énergétique à l’horizon 2050, s’inscrivant ainsi clairement dans la voie de l’efficacité énergétique.
Diminuer la consommation relève de l’efficacité énergétique.
Si nous avons déposé cet amendement, c’est notamment parce que, à la suite des débats qui ont pu avoir lieu au Conseil national de la transition écologique ou au CESE, nous avons eu le sentiment que 2050 était une date un peu lointaine et qu’il serait opportun de fixer un objectif intermédiaire en 2030 de façon à vérifier si la courbe de réduction de la consommation énergétique dans laquelle nous nous sommes inscrits est crédible.
Nous proposons donc d’inscrire, en complément de l’objectif fixé en 2050, un objectif de réduction de notre consommation énergétique de 35 % en 2030. Cet objectif est calé sur celui que nous avons proposé tout à l’heure de réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre, qui correspond à l’ambition des partis Verts européens qui souhaitent que nous nous engagions à faire les efforts nécessaires pour contenir l’élévation de la température en-dessous de 2 °, ce qui est notre objectif commun.
Notre inquiétude vient du fait que malgré les efforts déjà très significatifs que nous devrons faire pour atteindre les objectifs inscrits dans la loi, nous risquons de ne pas être à la hauteur des résultats attendus.
Monsieur Baupin, pouvons-nous considérer que votre amendement no 2204 est défendu ?
L’amendement no 2204 est un amendement de repli, monsieur le président. Vous ne nous laissez même pas le temps de mettre en scène la présentation de nos amendements et d’obtenir les réponses que nous attendons ! Mais il me paraît cohérent de le présenter dans la foulée dans la mesure où notre amendement prévoyant une réduction de 55 % des gaz à effet de serre n’a pas été adopté. La loi fixe une réduction de 40 % à l’horizon 2030. Il est donc logique de fixer à 20 % l’objectif intermédiaire à l’horizon 2030. D’ailleurs, cet objectif correspond au scénario de l’ADEME qui consiste à atteindre le facteur 4 et à réduire la consommation de 50 % à l’horizon 2050 et de 22 % en 2030.
Un objectif de réduction de 20 % correspond donc à la trajectoire préconisée par la très sérieuse ADEME, agence officielle.
Les modalités seront définies dans le plan de performance énergétique– PPE –, néanmoins je pense que le Gouvernement vous a entendu puisque Mme la ministre va proposer dans quelques instants un amendement qui répond à votre préoccupation. Quoi qu’il en soit, j’émets un avis défavorable à votre amendement.
Monsieur le président, la ministre peut-elle présenter dès maintenant l’amendement qui devrait satisfaire M. Baupin ?
Naturellement. La parole est donc à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 1892 .
Cet amendement propose de viser un objectif intermédiaire non pas de 35 %, mais de 20 % en 2030 afin de tenir compte de l’incidence d’une éventuelle croissance du PIB et de la production. La date de 2050 pouvant paraître lointaine pour les Français, cet objectif intermédiaire permettra de tracer une trajectoire.
Cet amendement remplace l’objectif de baisse d’intensité énergétique par un objectif intermédiaire de 20 % de réduction de la consommation énergétique finale en 2030.
L’objectif de 20 % s’inscrit en cohérence avec l’objectif de baisse de 30 % de la consommation énergétique primaire d’énergies fossiles mentionnée au code de l’énergie. Nous sommes déterminés à atteindre cet objectif mais nous sommes conscients des efforts qu’il représentera et de son impact potentiel sur le développement économique, c’est pourquoi l’amendement précise que « Cette dynamique soutient le développement d’une économie efficace en énergie, notamment dans les secteurs du bâtiment, des transports, de l’économie circulaire, et préserve la compétitivité et le développement du secteur industriel ».
Je vous remercie, madame la ministre, pour cet amendement très important. Je sais combien vous avez dû vous impliquer pour que le Gouvernement accepte de le présenter parce que cet objectif intermédiaire n’était pas prévu dans le texte initial. Cet amendement, dont nous nous réjouissons, était très attendu par les ONG et les acteurs de l’écologie. En conséquence, nous retirons nos deux amendements précédents au profit de celui-ci.
Nous aimerions que soit fixé un objectif pour la réduction des énergies fossiles car nous considérons que ce projet de loi est trop centré sur la transition énergétique et l’énergie nucléaire. Nous souhaitons appliquer la même stratégie aux énergies fossiles, dont nous proposons de réduire la part dans la consommation à 50 % d’ici à 2050.
La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement no 445 .
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?
Ces amendements visent à remplacer un objectif de réduction de consommation des énergies fossiles à l’horizon 2030 par un objectif de réduction de la part de ces énergies dans la consommation totale à l’horizon 2050, sans proposer par ailleurs de baisse de la consommation globale des énergies fossiles au-delà de la baisse de leur part dans la consommation totale. Cela va tout à fait à l’encontre des objectifs du texte. Avis défavorable.
Ce qui est important, monsieur le député, c’est la réduction de la consommation des énergies fossiles, et non la baisse de leur part. Votre objectif affaiblit l’exigence de transition énergétique prévue dans le projet de loi. Par ailleurs, trop d’objectifs tuent l’objectif…
Nous avons défini suffisamment d’objectifs. Commençons par respecter ceux qui sont inscrits avant d’inventer de nouvelles normes. Au contraire, nous devons simplifier les normes, nous fixer quelques objectifs très clairs et nous concentrer pour les atteindre.
Madame le ministre, vous faites un peu de provocation. Si j’ai bien compris, vous avez beaucoup d’objectifs, qui sont tous bons et dont aucun ne doit être supprimé. Nous, lorsque nous en proposons un de plus ou que nous souhaitons en modifier un autre, il est mauvais… Est-ce là ce que vous appelez la co-construction ?
Je ne suis pas d’accord avec votre objectif. Vous avez fixé à 2050 la baisse de la consommation énergétique ; nous avons choisi le même horizon. Mais pour nous, le véritable enjeu consiste à réduire la part des énergies fossiles dans la consommation énergétique. Nous voulons porter cette part, actuellement de deux tiers, à la moitié. Cet objectif me paraît, pour les Français qui nous regardent, beaucoup plus compréhensible que certains objectifs comme l’intensité énergétique – je ne suis pas certain que tous nos concitoyens comprennent quels efforts il leur faudra faire pour réduire chaque année de 2,5 % l’intensité énergétique...
En revanche, abaisser de deux tiers à la moitié la part des énergies fossiles est un enjeu très compréhensible, qui a en outre un véritable impact en matière d’émissions de CO2. Que vous n’ayez pas envie de modifier vos objectifs parce qu’ils sont meilleurs que les nôtres, soit, mais ne dites pas que trop d’objectifs tuent l’objectif, tout d’abord parce que c’est moi qui l’ai dit le premier, ensuite parce que votre article 1er fourmille d’objectifs.
Alors n’en rajoutez pas !
Permettez-moi de vous faire une critique : le citoyen averti, mais néanmoins néophyte, qui prendra connaissance de cette loi y découvrira une multitude de trajectoires et d’horizons : 2025, 2030, 2050, avec des étapes intermédiaires !
Si nous voulions faire en sorte que personne ne comprenne exactement ce sur quoi nous nous engageons, nous n’aurions pas rédigé autrement ce projet de loi, et je vous renvoie à l’excellent rapport de la Cour des comptes sur le paquet énergie-climat. La Cour y souligne que ce paquet comporte tant d’objectifs qu’il en devient un ensemble hétérogène très difficile à piloter. Je pense que le Parlement aurait gagné à simplifier, à digérer et à harmoniser ces objectifs et ces trajectoires, comme nous l’avions proposé. Mais, je comprends en creux de vos propos, comme nous ne cessons de le dire depuis le début de ce débat, vous êtes obsédée par l’électricité, madame le ministre, et vous ne voulez pas fixer d’objectifs en matière d’énergies fossiles.
Chers collègues de l’UMP, vous aurez compris que réduire à 50 % la part du nucléaire, même en dix ans seulement, est un objectif louable et atteignable, tandis que décider de réduire de moitié, à l’horizon de trente ans, notre consommation d’énergies fossiles est un objectif inapproprié. Rappelons tout de même que dans notre pays, le coût des énergies fossiles s’élève à 70 milliards d’euros.
Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 90 rectifié , 446 et 1146 .
La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement no 90 rectifié .
Encore une kyrielle d’amendements ajoutant des objectifs aux objectifs. Contrairement à ce qui vient d’être dit, je rappelle que le projet de loi prévoit une baisse de 30 % de la consommation des énergies fossiles.
Trop d’objectifs tuent l’objectif : n’en rajoutez pas !
Les amendements no 90 rectifié , 446 et 1146 ne sont pas adoptés.
Oui, justement ! En vue d’acheter la paix dans votre propre camp, vous venez, madame la ministre, de faire adopter un amendement du Gouvernement proposant un objectif intermédiaire de 20 % en 2030. C’est donc bien vous, madame la ministre, qui venez d’inscrire dans la loi un objectif intermédiaire. On avait tout eu, l’incohérence des objectifs au sein de la majorité comme l’absence de priorités, et alors que vous venez d’y ajouter un objectif intermédiaire, vous nous reprochez, à nous, de vouloir débattre des objectifs !
Je vous en prie ! Nous avons les uns et les autres au minimum le droit d’avoir un vrai débat sur les objectifs au début de la discussion, comme nous l’avons eu en commission. En effet, comment avoir un débat serein sur tous les autres articles s’il demeure dès l’article 1er au sein même de la majorité – avec nous, on pourrait le comprendre – un débat inachevé sur les objectifs ?
Pour ce qui est de l’amendement no 927 , il consiste à compléter l’alinéa 26 par les mots « en modulant cet objectif par énergie fossile en fonction du facteur d’émissions de gaz à effet de serre de chacune ».
Il fait référence à la classification de l’Autre débat sur la transition énergétique qui tente d’établir quelques nuances, quelques gradations de gris dans les énergies fossiles et les hydrocarbures entre ce que nous appelons les énergies rouges et les énergies orange. Moduler par énergie fossile en fonction du facteur d’émissions de gaz à effet de serre de chacune les objectifs soumis à l’alinéa 26 permettrait en particulier de ne pas mettre dans le même tonneau le gaz, le pétrole et le charbon. Le gaz présente certes des désavantages en matière d’émission de CO2 mais demeure une énergie pivot car on ne peut malheureusement pas passer de 70 % à zéro en dix ans – ni d’ailleurs de 75 % à 50 % d’énergie nucléaire, mais c’est un autre sujet.
La parole est à M. Jean-Paul Tuaiva, pour soutenir l’amendement no 1 680 .
Le projet de loi affiche l’ambition de réduire la consommation énergétique finale des énergies fossiles de 30 % en 2030 par rapport à la référence de 2012. Les membres du groupe UDI pensent qu’il est nécessaire de moduler cet objectif par énergie fossile en fonction du facteur d’émissions de gaz à effet de serre de chacune. En effet, la réduction de 30 % en 2030 de la consommation énergétique des énergies fossiles est un objectif ambitieux qui doit être précisé. Si toutes les sources d’énergies fossiles rejettent du CO2 dans l’atmosphère, la quantité émise diffère substantiellement en fonction de l’énergie fossile considérée. Par exemple, le gaz naturel émet moins de CO2 que les autres énergies fossiles, le charbon en particulier, pour une même quantité d’énergie produite. Par conséquent, l’objectif de réduction de la consommation d’énergie fossile en 2030 doit être différencié pour tenir compte des spécificités respectives des énergies.
Il propose, dans le même esprit, une modulation en fonction du contenu carbone de chacune des énergies fossiles. Par exemple celui du gaz est inférieur de 12 % à 20 % à celui du pétrole. Je sais bien que l’article 49 prend en compte cette dimension, mais je souhaite être un peu plus précis. J’attends donc les explications de Mme la rapporteure et Mme la ministre.
Ces amendements sont satisfaits par l’alinéa 9 de l’article 49 et par un amendement adopté en commission à l’initiative de M. le rapporteur.
Même avis.
Je ne suis pas persuadé que mon amendement soit satisfait, madame la rapporteure. J’aimerais d’ailleurs que nous ayons un débat transparent, comme celui que nous avons eu tout à l’heure à propos de l’agriculture et de certaines professions. Personne ne veut prononcer les mots « gaz naturel » au détriment de l’adoption d’une position claire et transparente. Que Mme la rapporteure, Mme la ministre et M. le président de la commission s’expriment sur ce point !
Nous aimerions tous, dans un monde idéal, voir disparaître d’un claquement de doigts toutes les énergies fossiles, mais en attendant le gaz naturel, en milieu urbain particulièrement, comporte aujourd’hui des avantages qu’aucune autre énergie fossile ne présente. L’un d’eux, dont je n’ai pas encore parlé ce soir, me tient particulièrement à coeur : la qualité de l’air. Comme vous le savez, mes chers collègues, madame la ministre, dans le monde urbain, où la situation est une véritable catastrophe, le gaz naturel est la seule énergie fossile qui n’émet pas de particules fines. Il nous est facile de remplacer à court terme, dans les zones fortement urbanisées, le chauffage au fioul par le chauffage au gaz naturel.
La majorité et le Gouvernement ont-ils donc la volonté de prendre en compte les avantages indéniables du gaz naturel ? En attendant le jour où on pourra totalement le remplacer, il apparaît aujourd’hui qu’il reste une énergie extrêmement intéressante et alternative à court et moyen terme aux énergies fossiles beaucoup plus polluantes et beaucoup moins efficaces sur le plan énergétique, en particulier en matière de qualité de l’air.
Je rappelle que nous avons en France trente-trois zones identifiées et environ onze soumises au contentieux européen dans lesquelles la source principale d’émission de polluants, contrairement à ce qui a souvent été avancé, n’est pas uniquement le transport, mais bien le chauffage domestique où le fioul prend toute sa part ainsi que les poêles à bois qui ne sont pas aux normes ou consument du bois défectueux.
Peut-on donc obtenir confirmation que le texte n’est pas une attaque en règle contre le gaz naturel et que celui-ci peut très rapidement constituer une énergie intéressante, en particulier dans les zones urbaines ?
Pour être plus précise, monsieur Saddier, vous souhaitez compléter l’alinéa 26 par les mots « en modulant cet objectif par énergie fossile en fonction du facteur d’émissions de gaz à effet de serre de chacune ». L’alinéa 9 de l’article 49 dispose que « ce volet peut identifier des usages pour lesquels la substitution d’une énergie à une autre est une priorité et indiquer des priorités de baisse de la consommation d’énergie fossile par type d’énergie en fonction du facteur d’émissions de gaz à effet de serre de chacune ». Il me semble donc que votre demande est totalement satisfaite.
La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement no 447 .
La parole est à M. Alain Leboeuf, pour soutenir l’amendement no 1 147 .
Avis défavorable. Ces amendements sont contraires aux engagements européens de la France.
Même avis.
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous, madame le rapporteur. En effet, lors de la dernière négociation du paquet « énergie-climat », l’Union européenne a bien fixé un objectif en matière de carbone, mais elle est en train d’abandonner l’idée d’un objectif contraignant en pourcentage d’énergies renouvelables sous la pression de nombreux pays, le Royaume-Uni en particulier, qui préfèrent fixer d’abord un objectif global et ensuite les moyens d’y parvenir. Les études sur le pourcentage naturel de progression des énergies renouvelables montrent qu’il est beaucoup plus facile de respecter l’objectif de 20 %. L’objectif de 23 % provient du Grenelle, mais il faut aussi apprendre à s’adapter.
Il s’agit d’un vrai sujet de stratégie. Vous établissez des PPE, madame le ministre, donc des objectifs et des rendez-vous réguliers destinés à faire le point. Si ces rendez-vous réguliers n’ont d’autre issue possible que l’élargissement des objectifs, il ne s’agit pas véritablement de pilotage. Lorsque l’on s’aperçoit qu’un objectif, disons de 40 %, est hors d’atteinte pour telle et telle raison, il faut s’adapter en réduisant la voilure et en essayant de compenser par ailleurs ou de lisser. En l’occurrence, dès lors que l’étau européen se desserre sur ce point, il serait dommage de ne pas prendre le train en marche.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement no 348 .
Cet amendement est la transcription de l’une des propositions de l’Autre Débat sur la transition énergétique animé par notre brillant collègue Julien Aubert. Au cours des auditions, il est apparu opportun de fixer une trajectoire de développement des énergies renouvelables selon un objectif non contraignant de 15 % à 20 % en 2020, en simplifiant les règles existantes pour le déploiement des énergies renouvelables matures, en laissant le marché arbitrer le prix des énergies et en privilégiant fiscalement les énergies vertes qui s’intègrent le plus harmonieusement au réseau existant de manière à limiter les perturbations.
En raison des intermittences de production liées à l’absence de soleil pour le solaire et à l’absence de vent ou à des tempêtes pour l’éolien, la capacité d’accueil d’électricité d’origine renouvelable dans le réseau électrique est actuellement limitée à 30 %. Ainsi, fixer un premier objectif de 20 % offrirait aux différents acteurs le temps nécessaire pour réaliser leur transition technique et technologique et ainsi développer de nouvelles structures capables d’accueillir plus de 30 % d’électricité d’origine renouvelable sans mettre en danger le réseau électrique français qui est au centre du réseau électrique européen.
Avis défavorable, car l’amendement est totalement contraire aux engagements européens de la France d’atteindre 23 % en 2020.
Même avis.
L’amendement no 348 n’est pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 94 , 448 rectifié et 1148 rectifié .
La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement no 94 .
Il s’agit d’un point essentiel sur lequel nous essayons de provoquer le débat. Vous avez fait le choix, chers collègues de la majorité, d’augmenter la part des énergies vertes. Dont acte – vous aurez bien compris qu’il s’agit ici d’amendements de repli dès lors que vous tenez absolument à conserver l’objectif de 23 %. Dans ce cas, essayons de mener une réflexion. Devons-nous développer toutes les énergies vertes ? Ou bien certaines sont-elles plus adaptées au profil énergétique de ce pays ?
Loin de nous l’idée que l’éolien ou le photovoltaïque n’ont pas leur place dans ce pays – les gens travaillant dans ces secteurs doivent se sentir aidés et encouragés, et ces énergies à présent matures doivent s’intégrer dans une logique de marché –, mais demeure le problème de la gestion d’un réseau électrique qui sera ainsi partagé entre le réseau nucléaire et le réseau délocalisé, girondin et décentralisé des énergies vertes.
Pour le résoudre tout en conservant l’objectif très ambitieux que vous venez d’adopter, nous proposons de développer principalement les énergies renouvelables non électriques, ce qui signifie que l’État met le turbo sur la biomasse et la géothermie en essayant de développer ces énergies vertes renouvelables. Il ne s’agit pas de s’interdire de réfléchir sur l’éolien et le photovoltaïque, mais de donner la priorité à la biomasse et la géothermie. Tel est le sens de l’amendement.
La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement no 448 rectifié .
La parole est à M. Alain Leboeuf, pour soutenir l’amendement no 1148 rectifié .
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?
Avis défavorable. Sous couvert de mettre l’accent sur le développement des EnR non électriques, cet amendement supprime l’objectif de porter la part des EnR à 32 % de la consommation finale brute d’énergie en 2030, puisqu’il disparaît de l’alinéa. S’agissant de la typologie des EnR à développer, la rédaction actuelle ne privilégie pas les EnR électriques : elle fait référence à l’ensemble des EnR. Il ne paraît pas pertinent de prévoir dans la loi les modalités de l’atteinte de ces objectifs, qui seront de la responsabilité de la programmation pluriannuelle de l’énergie – la PPE.
Même avis.
Dont acte pour l’effet collatéral sur les 32 %. Mais il y a tout de même quelque chose que je voudrais comprendre – et il me semble que la remarque a déjà été faite par Noël Mamère, qui a raison à cet égard. Nous consacrons des heures et des heures à cette discussion sur la transition énergétique, et nous refusons de débattre des choix énergétiques de ce pays ! Nous parlons de développer les EnR ; nous nous donnons de grands objectifs, que nous savons difficilement réalisables. Pourquoi ne voulez-vous pas entendre l’argument que je vous ai opposé, à savoir qu’en développant plutôt des énergies électriques, nous créerons un problème sur le réseau, alors qu’en mettant l’accent sur d’autres énergies vertes…
…nous obtiendrons le même résultat sur le CO2, mais sans rencontrer de problèmes sur les réseaux, et sans vivre les mêmes difficultés que l’Allemagne, à savoir le côté « centrale à charbon ».
Vous me répondez que notre proposition n’est pas pertinente, madame le rapporteur. Il ne m’a pas échappé qu’aucune différenciation au sein des énergies vertes n’apparaît dans votre texte. Souffrez néanmoins que nous contribuions au débat…
…pour vous proposer d’affiner l’analyse.
S’il y a quelque chose que nous n’avons pas compris, parce que nous sommes moins spécialistes que vous, ou parce que nous sommes élus depuis moins longtemps que vous, président Brottes, faites-nous donc profiter de votre science ! Au moins aurons-nous un vrai débat !
Ne voyez là aucune obstruction de notre part, mais honnêtement, il est dommage de passer des heures à discuter de la transition énergétique sans même entamer un débat de fond ! Nous avons eu ce débat sur les gaz de schiste – pas totalement, mais nous l’avons eu ; nous pouvons dire que nous avons eu un début de conversation sur le sujet. Ayons aussi celui-ci : pourquoi ne pas identifier de priorités dans les énergies vertes ?
La longévité de la présence dans cet hémicycle ne donne ni qualification ni expertise particulière, je le reconnais bien volontiers. Si je me suis permis de faire une remarque tout à l’heure, monsieur Aubert, c’est parce qu’il s’agissait d’une loi antérieure à votre élection, et non pour revendiquer une expertise.
Sans me prévaloir, donc, d’une quelconque expertise, vous savez qu’il existe aujourd’hui un dispositif, le powertogaz, qui permet de transformer de l’électricité en gaz. Il constitue justement l’une des solutions – via l’électrolyse et l’hydrogène – pour utiliser une énergie électrique surabondante dans des périodes de fort soleil ou de fort vent au profit du réseau de gaz.
Voilà.
Il existe donc une passerelle – qu’il va falloir développer. J’ai d’ailleurs déposé un amendement pour nous permettre de travailler sur le modèle économique de cette disposition. Ne cédons pas à la facilité d’opposer les uns et les autres. Il se trouve que sur le plan technologique, les énergies peuvent se parler intelligemment – et de façon tout à fait décarbonée.
Sourires
Je vois apparaître un début de débat ! Je m’y agrippe donc, tel la vérole sur le bas clergé.
Pourquoi ne suis-je pas d’accord avec vous, président Brottes ? Ce que vous avez dit est très intelligent. Aussi y a-t-il deux choses que je ne comprends pas. Lorsque nous avons défendu un amendement pour dire qu’il était très important – parce que cela fait partie de notre diagnostic – de mettre l’accent sur les technologies qui permettent la flexibilité entre le fossile et l’électricité, comme l’hybride ou le powertogaz, vous l’avez écarté. Si vous partagez l’objectif de développer ces énergies flexibles, ou ces dispositifs qui permettent d’amortir les chocs énergétiques, il fallait le voter !
Par ailleurs, ne vendons pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué.
Sourires
Sur le powertogaz, les experts nous disent qu’il y a une probabilité, un potentiel ; mais ils appellent aussi notre attention sur le coût économique de l’opération. Peut-être les auditions ici ont-elles été conduites un peu rapidement,…
…mais nous, nous avons pris le temps pour les auditionner. Ils nous ont donc bien expliqué, et à de très nombreuses reprises, tout l’intérêt du powertogaz. Mais ne faites pas croire aux Français que c’est une solution pour gérer directement votre problème électrique dans les années à venir…
…ni que cela ne renchérira pas le coût. En effet, c’est une technologie qui reste chère. La stratégie en est encore au stade expérimental. De mémoire, ils nous avaient parlé de 10 % à 30 % maximum – plutôt de l’ordre de 10 %, d’ailleurs – du total des gaz.
Je sais que nous avons un désaccord ; je serai ravi d’avoir ce débat avec vous.
10 %, c’est ce qui peut être injecté sur le réseau. Mais la « productivité » de la transformation de l’électricité en gaz est beaucoup plus importante, par le biais de l’hydrogène. Il est vrai que le modèle économique n’est pas encore trouvé, mais les réseaux de haute tension, comme les réseaux de distribution, investissent chaque année entre 600 millions et un milliard pour faire face à l’intermittence des énergies renouvelables. Si nous réglons demain le problème de l’intermittence par le biais du stockage, ce surinvestissement n’aura plus de raison d’être. Les investissements pourraient ainsi être reportés sur le stockage. Nous avons là une démarche qui permet d’accélérer l’avènement d’un stockage vertueux.
Nous sommes là dans un débat passionnant, qui mérite que nous y passions un peu de temps.
Je répondrai comme mon collègue Aubert : dont acte sur les effets collatéraux – que je n’avais personnellement pas vus. En tout cas, ce n’était vraiment pas l’intention de l’opposition et du groupe UMP.
Permettez-moi de développer un autre argument : cet amendement est un amendement territorial. La ministre ne peut y être insensible, tant nous la savons attachée à la pérennité du système énergétique français, auquel le président Brottes tient pour sa part plus qu’à la prunelle de ses yeux. Je partage avec la ministre – nous en avons longuement débattu en commission et ici même – l’idée que nous pouvons à la fois respecter le modèle énergétique français, celui de 1946, et parier sur nos territoires, et que les énergies renouvelables passeront en partie par la confiance que la représentation nationale saura mettre dans ses territoires. Or en rappelant qu’une partie des énergies renouvelables ne sont pas nécessairement électriques, cet amendement fait confiance aux territoires et envoie le signal – notamment à travers le biogaz – qu’une partie de la solution du mix énergétique passera au plus près des territoires – pour éviter la surcapacité de nos réseaux, qui est limitée à 10 %, comme vient de le rappeler François Brottes, et pour être au plus près des consommateurs.
Quant à transformer l’électricité en gaz, vous avouerez que dans les zones de montagne, où il n’y a pas de soleil, cela risque d’être limité.
Ce n’est donc pas à vous que j’apprendrai que nous sommes un peu courts au niveau des unités solaires…
Nous voulons préserver un équilibre entre le modèle qui a fait notre force et la production d’une part des énergies renouvelables au plus près des consommateurs. Lorsque nous parlons des énergies circulaires, ou de faire confiance aux territoires, nous sommes au coeur de cette problématique ; lorsque vous défendez le modèle des entreprises locales de distribution, les ELD, madame la ministre, nous sommes au coeur de cette problématique. C’est aussi l’esprit de cet amendement, sur lequel nous pouvons nous retrouver.
Je siège dans cet hémicycle depuis presque aussi longtemps que le président Brottes. Je le vois sourire : c’est reconnaître que nous n’avons pas forcément tort… Nous avons besoin que toutes les EnR ne soient pas tournées vers l’électricité.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, chers collègues qui êtes membres de la commission de l’aménagement du territoire ou de la commission spéciale, ayons confiance dans la capacité de nos territoires à nous aider à relever les défis du réchauffement climatique et du mixte énergétique !
Permettez-moi d’apporter un complément, qui concerne le signal que nous pourrions adresser en faveur des EnR non électriques. Il pourrait être le pendant du fait que l’État conserve la main sur le prix de rachat de l’énergie électrique produite localement ou par des particuliers. Il y a là un risque d’effet d’aubaine – que nous avons déjà connu pour le photovoltaïque – important, que nous pourrions contrer en envoyant un signal fort sur les autres EnR. Si l’on continue à pratiquer ces prix d’achat attractifs, on peut envisager le développement de photovoltaïque au profit des propriétaires de grandes toitures, au détriment de ceux qui n’en ont pas… Si un signal n’est pas envoyé au profit d’autres énergies auto-consommées, en co-production ou en co-génération, nous nous focaliserons définitivement sur l’électricité et la production électrique, et cela en raison de ce signal prix fort sur le photovoltaïque.
C’est un débat intéressant, ne serait-ce que parce que pour le moment, monsieur le président Brottes, nous n’avons pas de divergence. Vous m’avez parlé du powertogaz ; je vous ai dit qu’il y avait un modèle économique à définir ; vous l’avez reconnu. Vous avez également reconnu que cela représentait 10 % de l’injection : ne disons donc pas que cela va résoudre toutes les surconsommations électriques.
Vous me parlez du stockage. Fort bien, mais avouez qu’en l’état de la science, le stockage électrique n’est pas pour demain !
Les horizons diffèrent. Certains experts nous disent que l’on pourrait aller vers des solutions très rapides de stockage électrique dans quelques années, d’autres sont plus prudents. Vous savez comme moi que le problème du stockage électrique…
…c’est que si les charges et les décharges sont longues, on arrive rapidement à des problèmes de gestion des batteries.
Aujourd’hui, tous les experts vous diront que le stockage électrique est le grand problème de l’intermittence. Donc, si je résume, vous misez sur l’intermittence électrique sans avoir la solution : le powertogaz est encore un modèle expérimental ; quant au stockage, il n’existe pas de solution.
Notre solution consiste à appliquer le fameux principe de précaution, si cher à la majorité – et à l’opposition. Il s’agit de développer des énergies qui ne posent pas ce problème électrique, ne serait-ce que pour remplir votre objectif de réduction de la part du nucléaire. J’ai fait le calcul : 10 Gigawatts de nucléaire produisant 70 Térawatts heure d’électricité, cela représente 35 Gigawatts d’éolien, soit 20 000 éoliennes, ou encore 657 kilomètres carrés de panneaux photovoltaïques. Bref, avec la meilleure volonté du monde, nous n’y arriverons pas !
Dans dix ans, lorsque nous aurons résolu le problème du stockage électrique, le calcul sera peut-être différent : nous pourrons développer moins le non-électrique et davantage l’électrique, parce que le problème de l’articulation – qui a été excellemment souligné par notre collègue Laurent – ne se posera plus.
Nous devons avoir ce débat. Cet amendement n’est donc pas un amendement de pure forme ; il y a derrière une véritable réflexion sur la stratégie, et je vous remercie d’avoir accepté le débat.
Les amendements identiques nos 94 , 448 rectifié et 1148 rectifié ne sont pas adoptés.
La parole est à M. Jean-Paul Tuaiva, pour soutenir l’amendement no 1681 .
Cet amendement a pour objet d’inscrire dans la loi que 40 % de la production électrique devra émaner de l’énergie renouvelable.
Cet amendement est satisfait par l’amendement no 892 du Gouvernement, qui a été adopté tout à l’heure.
Même avis.
L’amendement no 1681 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Cécile Duflot, pour soutenir l’amendement no 2110 .
Avis défavorable. Nous pensons qu’il faut être réaliste afin de rester crédible. L’objectif de 32 % est d’ores et déjà ambitieux.
Même avis.
L’amendement no 2110 n’est pas adopté.
La séance, suspendue à vingt-trois heures cinquante, est reprise à minuit.
suite
Depuis le début de nos débats, nous avons beaucoup parlé d’électricité et des gaz à effet de serre. Il me semble que nous avons insuffisamment porté notre attention sur un point : la chaleur renouvelable. Nous proposons donc d’ajouter après l’alinéa 27 une mention toute particulière à ce domaine énergétique, sur lequel nous allons devoir porter nos efforts.
L’objectif global de 32 % d’énergie renouvelable doit être complété par des objectifs ciblés à des grands domaines afin de donner un signal fort aux porteurs de projets actuels.
Il est précisé dans l’exposé des motifs du présent projet de loi qu’il faudra porter au minimum la part de la chaleur renouvelable à 38 % de la chaleur consommée, la part des biocarburants à 15 % de la consommation finale des transports et la production d’électricité renouvelable à 40 % de la production totale d’électricité.
Il me paraît important d’inscrire le présent alinéa dans le projet de loi.
La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement no 1505 .
Cet amendement étant identique au précédent, je considère qu’il a été défendu, monsieur le président.
L’avis de la commission est défavorable pour les mêmes raisons que précédemment : la programmation pluriannuelle de l’énergie est l’outil qui permet de fixer les trajectoires d’évolution de manière plus souple et de les adapter aux variations.
Nous avons là toute une série d’amendements qui visent à ajouter des normes au texte. Cette accumulation de normes ne cadre pas avec la visée de ce projet de loi, qui est au contraire de simplifier les objectifs, de simplifier les normes ; un chapitre est d’ailleurs consacré à ce dernier sujet. En accumulant ainsi les normes, les contraintes, les obligations, les contrôles, vous prenez le risque d’étouffer nos entreprises, d’étouffer la croissance verte, d’assommer les investisseurs et les innovateurs de normes supplémentaires inextricables et impossibles à appliquer, ce qui m’étonne de votre part, messieurs les députés de l’opposition.
Je n’ai pas souhaité développer mes propos sur l’amendement précédent, mais ceux que vous venez de défendre sont du même acabit. Le fait d’accumuler les normes, de privilégier la production de chaleur sur la production d’énergie renouvelable électrique revient à supprimer plus de 50 000 emplois dans les secteurs de l’éolien et du photovoltaïque, ce que nous ne pouvons accepter. Cela n’entre pas du tout dans le cadre du nouveau modèle énergétique français que ce texte veut promouvoir.
Je fais donc cette observation une fois pour toutes : trop de normes tue les normes, trop de normes étouffe l’économie, trop de normes désespère les investisseurs et les innovateurs, trop de normes ferait reculer le pays.
Avec ce projet de loi nous voulons au contraire aller de l’avant, anticiper, déployer et libérer les énergies, donner envie d’avancer.
Nous ne voulons pas que ceux qui vont dans cette direction tombent à chaque pas sous les coups de bâton des normes que vous voulez inscrire dans cette loi.
Madame la ministre, avec tout le respect que je vous dois, je ne peux pas accepter que vous vous défendiez de cette façon. Vous nous accusez de vouloir insérer des normes supplémentaires quand nous essayons de fixer quelques pourcentages, alors que de votre côté vous fixez depuis le début de l’examen de ce texte un certain nombre d’objectifs chiffrés du même type qui, eux, seraient toujours bien fondés.
Ce ne sont pas des normes !
Ne confondons pas normes et objectifs ; voilà qui, au moins, serait objectif.
J’entends bien vos explications, madame la ministre, mais sur le sujet de la multiplication des normes et de la complexification de la vie de notre pays, votre majorité a beaucoup à se faire pardonner. Je pense notamment à la récente loi Duflot, dont vous avez vous-même reconnu qu’elle était mauvaise ; on pourrait également mentionner la loi relative à l’économie sociale et solidaire. Chaque fois qu’une loi est votée, elle rend la vie des entreprises et de nos concitoyens plus compliquée. Il est donc malvenu de votre part de nous donner des leçons de simplification.
Par ailleurs, pire que la loi trop bavarde, il y a la loi imprécise, qui peut comporter un certain danger. En la matière, ce que mes collègues et moi-même reprochons à ce texte, et c’est le sens des amendements qui ont été déposés, c’est qu’il est flou, insuffisamment précis. Or, si la transition énergétique n’est pas pilotée suivant des objectifs précis, nous risquons d’aboutir à la même situation qu’en Allemagne, où les prix de l’énergie augmentent tant pour les particuliers que pour les entreprises, et où on recourt au charbon.
La PPE est justement plus souple pour permettre l’adaptation des objectifs ! Si le texte est trop précis, il sera trop contraignant !
Le manque de précision d’un texte de loi et le caractère bavard d’une loi sont deux caractéristiques qu’il ne faut pas confondre, qui n’ont rien à voir l’une avec l’autre. Si nous devons légiférer, appuyons-nous sur de vrais objectifs ; ce n’est pas ce que vous faites dans ce texte. L’imprécision du projet de loi rend celui-ci dangereux.
La parole est à M. Jacques Krabal, pour soutenir l’amendement no 1997 .
Madame la ministre, je crains le pire quant à nos attentes en termes d’objectifs, s’agissant de déterminer la part d’énergies renouvelables dans le cadre du mix énergétique.
Dans l’étude d’impact du projet de loi, il est précisé : « la part du nucléaire est ramenée à 50 % à l’horizon 2025, la part des énergies renouvelables atteint 40 % de la production d’électricité à l’horizon 2030. »
Il est en outre établi dans l’exposé des motifs que les énergies éolienne, solaire et hydraulique doivent fournir 27 % de notre électricité en 2020, et 40 % en 2030, soit deux fois plus qu’aujourd’hui.
Le présent amendement vise à apporter plus de visibilité et un signal clair aux acteurs du secteur des énergies renouvelables en transposant ces objectifs précis dans le texte de la loi. Il permettra aux opérateurs concernés de mieux prévoir leurs projets d’investissements et au Parlement d’orienter précisément les travaux de rédaction de la programmation pluriannuelle de l’énergie.
Même avis.
L’amendement no 1997 n’est pas adopté.
Je vous ai bien entendue, madame la ministre : je vous propose de simplifier le texte en supprimant l’alinéa 28 de l’article 1er.
Cet amendement vise ainsi à supprimer la limitation de la part du nucléaire dans le mix électrique français. En effet, limiter celle-ci est un non-sens à la fois économique et stratégique, car cela affaiblira notamment notre indépendance énergétique.
Ainsi, l’Autre débat sur la transition énergétique propose à l’inverse du projet de loi d’acter le principe d’une stabilité du potentiel nucléaire français, symbole d’une énergie « sociale » car protectrice du pouvoir d’achat des Français.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement no 349 .
Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 28 de l’article 1er, c’est-à-dire la limitation de la part du nucléaire dans le mix électrique français. En effet, limiter celle-ci est un non-sens à la fois économique et stratégique, car cela affaiblira notamment notre indépendance énergétique et la compétitivité de nos centrales à l’exportation.
Ainsi, nous proposons à l’inverse du projet de loi d’acter le principe d’une stabilité du potentiel nucléaire français, symbole d’une énergie « sociale » car protectrice du pouvoir d’achat des Français, principe hérité de la vision stratégique du général de Gaulle en matière de politique énergétique.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 1581 .
Je reprendrai les propos que j’ai tenus sur l’article 1er concernant la référence à l’horizon 2025, dont on aimerait connaître l’origine. Est-ce le résultat de quelque tergiversation ou de discussions qui auraient eu lieu à une certaine époque ? Sur quoi s’appuie cet horizon temporel alors que l’horizon de réalisation des autres objectifs est fixé à 2030 ou 2050 ? Je qualifierais ce choix d’arbitraire.
Par ailleurs, il s’agit, dans l’alinéa que nous souhaitons supprimer, de réduire la part du nucléaire dans le mix énergétique à 50 % sans tenir compte de l’évolution des consommations électriques. En effet, quel sera en 2025 le niveau de croissance de l’économie ? Quel sera en 2025 le poids de l’activité industrielle ? Quelle sera en 2025 la part du report de l’énergie carbonée dans le mix électrique ? Quels seront en 2025 les résultats des efforts consentis en matière d’efficacité et de sobriété énergétique ?
Le choix arbitraire de cette date n’est rien d’autre que la mise en oeuvre d’une technique employée voilà quelques années dans certains pays : le Gosplan, tout simplement.
Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Parole d’expert !
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?
Même avis.
Nous sommes face à un cas d’école. Il s’agit sans doute de l’un des articles les plus contestés, les plus critiqués, les plus attaqués de ce texte de loi.
Alors que, vers minuit dix, un débat s’ouvre enfin sur une industrie, une filière qui emploie directement environ 200 000 Français et 400 000 de manière indirecte, Mme le rapporteur et Mme le ministre nous apportent pour toute réponse : « avis défavorable ».
Nous avons eu le débat en commission !
Si on fait tout en commission spéciale, il n’y a aucun intérêt à travailler dans l’hémicycle ! En tout cas, on ne peut pas discuter en à peine trois minutes de l’avenir de la principale filière industrielle et d’excellence de ce pays et clore la discussion avec un simple avis défavorable ! Ce n’est pas digne sur le plan intellectuel.
J’en profite pour rappeler nos points de convergence et de divergence, qui ont été très précisément résumés par l’excellent camarade M. Chassaigne. Celui-ci a en effet fait allusion au Gosplan : votre loi est un gosplan. Vous fixez des objectifs quinquennaux, le nucléaire remplaçant le blé, et l’intendance suivra.
Vous essayez d’induire en erreur les Français en affirmant que l’UMP est pro-nucléaire et refuse de réduire la part du nucléaire dans le mix énergétique, mais c’est faux. Nous soutenons qu’il faut diversifier le mix énergétique français en diminuant la part des énergies fossiles et diversifier les sources électriques sans provoquer la hausse du coût de l’énergie.
À cet égard, nous critiquons la date de 2025, qui nous paraît un horizon bien trop proche. La loi devrait être votée en 2015, ce qui laisse dix ans pour fermer dix-neuf centrales ; il faudrait fermer deux centrales par an ! Qui dans cet hémicycle peut croire qu’il est possible de fermer deux centrales par an et d’y substituer, dans le même laps de temps, l’énergie équivalente en éolien et en photovoltaïque ?
Vous avez raison, dix-neuf réacteurs.
Qui peut croire que nous y arriverons dans les dix ans ? Personne ! Notre interrogation est donc la suivante : qu’est-ce qui justifie la date de 2025 ? Pourquoi ne pas fixer la date de 2050, quitte à donner une clause de rendez-vous en 2030 ? Pourquoi ne pas desserrer le calendrier ? Qu’est ce qui justifie cette volonté de sortir du nucléaire de façon si pressée, sans d’ailleurs se préoccuper de l’évolution de l’environnement international sur dix ans, et alors même que ce secteur devrait précisément faire l’objet de toutes nos attentions ?
Pour ma part, je souhaiterais que nous ayons un vrai débat car, au rythme de nos discussions, j’ai bien peur que nous n’examinions jamais l’article 55, qui est un autre point de divergence entre nous. Ce débat sur le nucléaire, nous le devons aussi à tous ceux qui travaillent et qui ne comprennent pas pourquoi ils sont sacrifiés sur l’autel d’un accord idéologique au sein de la majorité.
Monsieur le député, vous êtes en quelque sorte démasqué, puisque vous vouliez tout à l’heure interdire les énergies renouvelables électriques, ce qui est cohérent avec le monopole de production de l’électricité que vous voulez donner à l’énergie nucléaire. Mais laissez-moi vous dire que l’objectif de ramener la part du nucléaire dans la production de l’électricité à 50 % à l’horizon 2025, c’est un objectif de diversification !
Aucun pays au monde ne dépend à 75 % d’une seule source d’énergie pour son électricité ! D’ailleurs, les travaux qui ont accompagné le lancement du programme nucléaire français montrent que l’objectif était de produire 50 % de l’électricité, non 75 % ! Nous avons atteint 75 % car, en l’absence de débat démocratique, il y a eu un surinvestissement dans la filière nucléaire, aux dépens d’ailleurs des énergies renouvelables.
En effet, dans les années 1970 et 1980 – et même avant –, la France était déjà très performante dans les énergies solaires, avec le prototype de Font-Romeu. Mais l’absence d’investissement dans l’énergie solaire et dans les sources d’énergie renouvelables a fait perdre à la France son avance technologique dans ce domaine. C’est vrai aussi pour l’éolien, qui a été inventé dans un laboratoire français – à Poitiers, figurez-vous !
La France était donc pionnière dans les domaines de l’éolien, du solaire, du photovoltaïque, de la biomasse, de la voiture électrique. Il y a quinze ans déjà, Peugeot produisait une voiture électrique. On a perdu cette avance technologique dans ces secteurs car deux ou trois personnes ont décidé que l’investissement de la France serait orienté vers le tout nucléaire.
Pour l’heure, la question de la durée des centrales va effectivement se poser. La nation aura des décisions cruciales à prendre sur les investissements, donc sur les meilleurs choix énergétiques au regard de critères comme le rapport qualité prix, la diversification énergétique et l’indépendance énergétique du pays, mise à mal aujourd’hui par les importations d’uranium. Je ne parle même pas de la gestion des déchets nucléaires et du coût des investissements pour garantir la sûreté nucléaire de centrales qui approchent de leur fin de vie.
Il est donc impératif de construire un mix énergétique qui ramène à une part déjà considérable, 50 %, la part du nucléaire dans la production d’électricité.
C’est une première étape qui sert bien évidemment les intérêts de la France, l’objectif de diversification du mix énergétique et, surtout, le besoin de visibilité des investisseurs sur la rentabilité des énergies alternatives au nucléaire.
Je le répète, cet objectif correspond à l’esprit du programme électronucléaire français, qui n’avait jamais prévu que la part du nucléaire atteigne 75 % – telle n’a jamais été la volonté du Général de Gaulle. C’est la surévaluation de la consommation d’électricité et le surinvestissement dans cette filière, aux dépens des filières alternatives, qui a conduit à la situation d’aujourd’hui, que nous payons chèrement. Il ne faut pas reproduire cette erreur.
Des choix cruciaux d’investissement vont être faits, motivés par la recherche de la meilleure allocation des ressources publiques et du meilleur investissement des factures qui pèsent lourdement sur les Français : j’estime que, sur de tels sujets, la représentation nationale doit débattre indépendamment des clivages politiques.
Sur le plan de la raison, de l’avenir, de la dynamique économique des filières d’énergie du futur, il est absolument indispensable – et non, comme vous le dites, extravagant ou impossible – de fixer cet objectif qui est déjà, je le répète, très important. Atteignons-le, essayons même de le dépasser, et nous défendrons le nucléaire pour la production d’électricité de base tout en favorisant l’émergence des énergies alternatives.
Les énergies renouvelables ne posent pas les mêmes problèmes que le nucléaire et permettent de parvenir à un mix équilibré, qui tient compte de notre modèle énergétique d’origine. En outre, elles contribuent à nous rendre offensif dans la conquête de technologies, dans notre propre intérêt et dans le contexte de la montée en puissance des marchés étrangers. En effet, tous les pays sont en recherche de technologies de production à partir d’énergies renouvelables et de performance énergétique.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la ministre, vous disiez à l’instant qu’aucun pays n’a une part du nucléaire dans la production d’électricité qui dépasse les 70 %. Mais, dans le même ordre d’idée, aucun pays n’a adopté les 35 heures !
Pendant les auditions, un expert a annoncé la croissance de notre consommation d’électricité dans les années qui viennent en se fondant sur des éléments simples. Premièrement, notre démographie, qui est la plus dynamique d’Europe. Or, l’augmentation de la population conduit à une augmentation des besoins. Deuxièmement, le développement des outils de communication et des véhicules électriques. Dans nos villes et nos villages sont installés aujourd’hui des prises électriques pour promouvoir ces véhicules qui consomment de l’énergie. Troisièmement, la domotique, dont je constate tous les jours la progression dans ma commune. Enfin, j’espère que la reprise de l’économie française conduira à l’augmentation de la consommation électrique, et ce malgré les économies que nous souhaitons réaliser.
Il me semble – nous en reparlerons peut-être plus tard – qu’en 2025 nous atteindrons naturellement l’objectif de 50 %, sans amputer davantage notre capacité de production d’énergie nucléaire.
Madame le ministre, vous ne répondez pas, alors même que vous souhaitez un débat démocratique. Vous m’avez dit que j’avais mal compris l’objectif, qui consiste à diversifier le mix électrique, et qu’il était déjà bien de ramener la part du nucléaire à 50 %. Or, le débat ne porte pas sur la réduction de la part du nucléaire à 50 % ! On vous le répète depuis le départ : l’objectif de diversification ne pose aucun problème. Le problème, c’est le rythme, la date de 2025, c’est-à-dire demain ! Le problème, c’est de faire cela en dix ans.
De surcroît, ne dénoncez pas les clivages partisans, car les communistes et l’UMP, qui sont a priori les deux partis les plus opposés dans cet hémicycle, en l’absence du Front national ce soir,…
Exclamations sur les bancs du groupe écologiste
Vous ne m’empêcherez de parler, chers collègues écologistes ! Il est difficile de me bâillonner !
…montrent, madame le ministre, que le clivage droite-gauche explose complètement : nous posons, au-delà du même diagnostic et de tout sujet politicien, la même question des deux côtés de l’hémicycle : pourquoi 2025 ? Or à cette question, vous ne voulez pas répondre !
Ensuite, certains de vos propos sont, à mon sens, inexacts – mais peut-être me détromperez-vous. Vous dites que quelques personnes, sous entendu au sein d’EDF que vous avez déjà attaquée en commission spéciale,…
…nous ont fait perdre notre avantage dans le domaine des énergies vertes en raison de blocages. Ce n’est pas tout à fait vrai. S’agissant du photovoltaïque, si ce sont aujourd’hui les chinois qui dominent le marché, certains pays comme l’Espagne, Israël, l’Allemagne ou les États-Unis, étaient très avancés en la matière. Mais à un moment donné, s’est posée non plus la question de l’investissement, mais celle du coût du travail. En l’occurrence, si les Chinois sont aussi forts, même avec une qualité inférieure aux produits européens, c’est que l’on ne peut pas lutter contre la concurrence d’une main-d’oeuvre à bas coûts.
N’attribuons pas notre moindre compétitivité dans le domaine des énergies renouvelables uniquement à la puissance du nucléaire en France. En tout cas, dans le domaine du photovoltaïque, tel n’est pas le cas.
La seule et vraie question, je le répète, est la suivante : pourquoi 2025 ? Pourquoi révolutionner la face énergétique de ce pays en moins de dix ans ? Que va devenir la centaine de milliers d’ouvriers et d’ingénieurs du nucléaire ?
Je veux apporter quelques précisions sur l’objectif que nous recherchions en demandant la suppression de cet alinéa. D’abord, il ne s’agit pour nous en aucun cas de remettre en cause le mix énergétique – j’insiste sur ce point.
Nous convenons évidemment de la nécessité de développer les énergies renouvelables – c’est incontestable –, mais, dans le même temps, nous considérons qu’il est impossible de se fixer un objectif artificiel de délai et de volume de réduction de la part de l’énergie nucléaire.
En effet, pour l’heure, nous ne savons par encore quels seront les résultats de la recherche sur le stockage de l’énergie. De la même façon, nous ne savons pas quel sera le développement des énergies renouvelables en 2025.
L’objectif prioritaire est la réduction massive des émissions de gaz à effet de serre. Or, nous ne sommes pas capables de dire aujourd’hui si l’objectif de réduction de la part du nucléaire à 50 % en 2025 pourrait y contribuer.
Le texte, dans sa rédaction actuelle, contient des dispositions aléatoires ou incantatoires. Surtout, il risque d’avoir des effets contre-productifs.
Je regrette l’absence d’objectifs clairs définis par le texte et présentés par la majorité. S’agit-il de lutter contre le réchauffement climatique ? Si tel est le cas, pourquoi s’en prendre au nucléaire ? S’agit-il de rendre l’énergie moins chère pour les particuliers et les entreprises ? Si tel est le cas, pourquoi s’en prendre au nucléaire ?
Si vous aviez fixé des objectifs clairs et susceptibles d’être poursuivis par tous, à savoir la lutte contre le réchauffement climatique, l’amélioration du pouvoir d’achat et la compétitivité de nos entreprises, vous n’auriez pas établi cette règle arbitraire, absurde, incompréhensible. Pourquoi cette date et ce pourcentage ?
On sait très bien que cette idée a été lancée par François Hollande pendant la campagne du parti socialiste et a été reprise pour faire des concessions à certains de ses alliés. Mais la conséquence concrète des règles que ce texte impose à la filière nucléaire française sera, à coup sûr, la fermeture de Fessenheim. Nous ne pouvons pas l’accepter.
Cette unité n’est pas aujourd’hui source d’insécurité. Il n’y a de problème ni du point de vue de la sécurité, ni du point de vue du rendement. Il n’y a donc aucune raison objective de fermer Fessenheim. L’Autorité de sécurité nucléaire a rendu des avis très clairs sur ce point, et cette unité de production ne mérite aucun cas d’être démantelée.
On voit bien qu’en dehors de faire plaisir aux Verts – les députés du groupe écologiste réagissent d’ailleurs à mes propos –, il n’y a aucun intérêt à faire respecter cet objectif.
La vérité c’est qu’il faut sans doute – vous l’avez dit, madame la ministre – développer les EnR. Nous en sommes tout à fait d’accord, comme nous le sommes pour développer des filières nouvelles, mais pas au détriment, plutôt en complément, du nucléaire. Nous avons d’ailleurs, avec mon collègue Damien Abad, déposé un amendement en ce sens, que nous examinerons prochainement.
Ce développement des EnR doit se faire, surtout, au détriment des hydrocarbures qui ont, eux, un impact négatif sur notre planète et nous coûtent cher car nous les importons.
Si vous aviez fixé des objectifs clairs, vous diriez ce soir qu’il faut développer les EnR, non pas au détriment du nucléaire, mais au détriment des hydrocarbures. Le problème de votre texte est donc que vous n’avez pas fixé d’objectifs clairs dès le départ.
Chacun imagine bien que je ne voterai pas en faveur de cet alinéa 28. Je voterai même les amendements proposant sa suppression.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Ce n’est pas par caprice ni par goût pour la nouveauté, mais par constance et cohérence, au regard des choix judicieux qui ont été faits depuis plusieurs années par la France. Comme député MRC, je ne partage pas le choix idéologique qui nous est proposé de réduire la part du nucléaire, et de le faire sans d’abord faire décoller la production des énergies renouvelables.
On fait l’un en même temps que l’autre, en recherchant éperdument un équilibre qui, n’existe pas. Madame la ministre, avec le Gouvernement, je regrette que vous nous invitiez à faire un saut dans l’inconnu,
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP
car nous n’avons pas identifié précisément les évolutions à venir : on sait, sur le plan démographique, que la population de notre pays va augmenter ; nous souhaitons tous, ou à peu près tous, que la croissance revienne, et que de ce fait de nouveaux besoins naîtront ; quant à l’allongement de la durée de la vie, il entraînera la consommation de nouveaux produits fonctionnant à l’électricité. Il faut donc aller vers les renouvelables, de rechercher du mix. Encore faut-il que cela ne se fasse pas en désarmant unilatéralement, c’est-à-dire en renonçant à ce fleuron qui nous donne une énergie à bon marché.
Je ne peux donc vous suivre, madame la ministre : vous n’en serez pas surprise, puisque j’ai eu l’occasion de m’exprimer en commission spéciale. Chacun connaît la position du Mouvement républicain et citoyen, qui prend le contre-pied de ce qui a été signé entre le Parti socialiste et les Verts.
Plusieurs députés UMP s’exclament : très bien !
Je regrette, monsieur Laurent, tout en respectant vos convictions, que vous repreniez des argumentaires qui préexistaient à ce débat et à ce nouveau modèle énergétique. Vous avez en effet repris exactement les argumentaires que développe votre Mouvement depuis des années, sans tenir compte du fait que le Parlement est aujourd’hui saisi de ce nouveau modèle. Les choses changent. Pourquoi ? Parce que, pour la première fois, le Parlement est invité à débattre de notre avenir énergétique. Avant, les décisions se prenaient à quelques-uns, sans débat démocratique, sans dialogue avec le peuple français qui était juste convoqué quand il lui fallait payer ses factures d’électricité. Pour le reste, comme l’on dit, « circulez, il n’y a rien à voir » !
Aujourd’hui, nous prenons le pari d’un débat démocratique, justement parce que les décisions sont difficiles à prendre et qu’il nous faut imaginer le futur, dans l’intérêt général. Nous le faisons dans un contexte qui prend en compte l’immédiateté de la vie quotidienne des Français mais aussi les enjeux planétaires. Il nous faut avoir la capacité d’englober la totalité de ces problèmes, en pensant à la fois à la plus grande proximité avec celui qui a du mal à payer sa facture et aux enjeux planétaires dont fait partie la lutte contre le réchauffement climatique – ce qui n’est pas rien !
Nous devons construire de façon simple, visible, transparente, démocratique et en co-construction ce nouveau modèle énergétique, qui doit nous permettre de sortir de la crise. Il constitue donc à la fois une exigence et une chance, puisqu’il va nous permettre de créer des emplois et de l’activité dans toutes les filières que nous avons évoquées.
Je ne peux donc pas vous laisser dire que c’est un saut dans l’inconnu, puisque précisément nous avons une programmation pluriannuelle de l’énergie, et que pour la première fois le Parlement va être appelé à se prononcer sur celle-ci. Je ne peux pas vous laisser développer un argumentaire, au demeurant respectable, qui ne correspond plus à ce qui est aujourd’hui sur la table, c’est-à-dire avant la transparence sur les choix, avant la fixation d’objectifs, avant le mix énergétique proposé, et avant la programmation pluriannuelle de l’énergie, à laquelle, je l’ai dit, le Parlement sera associé.
L’objectif des 50 % est d’ailleurs fixé « à l’horizon 2025 » : je le dis pour répondre à tous ceux qui font des reproches de schématisme, d’effet couperet, etc. Les mots ont été pesés : le projet de loi ne fait+ pas référence « au 1er janvier 2025 », mais « à l’horizon 2025 ».
Il s’agit à la fois d’un objectif réaliste, maîtrisé, et qui sera atteint, ce que vous dites d’ailleurs vous-même puisque, d’ici 2025, il y aura la montée en puissance non seulement des énergies renouvelables, mais aussi des économies d’énergie et de la performance énergétique. Et nous aurons également réglé le problème de la fin de vie des centrales.
À un moment où de nombreux pays européens font le choix de la sortie du nucléaire, celui qui vous est proposé par le Gouvernement se révèle bien différent. Il s’agit, au contraire, du maintien d’une part très importante du nucléaire – je l’ai dit tout à l’heure et je l’assume – qui est de 50 %. Aucun modèle énergétique – la France est le seul pays au monde à le faire – ne se fonde sur une part aussi prépondérante de cette source d’énergie. Nous sommes peut-être beaucoup plus intelligents que les autres, mais cela permet peut-être de se poser des questions sur la problématique dont relève l’énergie nucléaire. C’est pour cette raison qu’il faut en réduire la part, car, ce faisant, nous réduirons également les problèmes liés au nucléaire.
L’énergie nucléaire offre de nombreux avantages, on le sait, mais aussi beaucoup d’inconvénients, notamment le fait que nous allons laisser aux générations futures, pendant des dizaines de milliers d’années, des déchets radioactifs.
J’en ai un peu assez de ceux qui défendent le tout nucléaire sans jamais poser le problème de la gestion des déchets radioactifs, comme si omettre d’en parler les ferait disparaître ! Arrêtons de faire croire que ce problème n’existe pas.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Nous en sommes en responsabilité, en transparence : c’est pour cette raison que nous le reconnaissons, avec courage.
Pendant très longtemps, la question du nucléaire a été taboue. Il était interdit d’en parler et d’en débattre. Aujourd’hui nous en débattons, en reconnaissant les apports du nucléaire, qui nous permet aujourd’hui, grâce à la sécurité d’approvisionnement qu’il nous procure, de concevoir et d’accélérer la transition énergétique. Il fait appel, de plus, à des savoir-faire et à des technologies de pointe, mises en oeuvre par des ouvriers et à des ingénieurs auxquels j’ai plusieurs fois rendu hommage. Mais notre responsabilité publique est d’engager cette énergie et ce modèle industriel vers la transition énergétique, les nouveaux métiers et les nouveaux emplois, et surtout vers la nouvelle identité des marchés mondiaux. Plus un seul pays n’est client uniquement du nucléaire : c’est fini.
« Baratin ! » sur les bancs du groupe UMP.
Alors, si on veut qu’EDF soit bien positionnée sur ces marchés, et qu’elle continue à créer des emplois, il faut encourager l’entreprise, mais pas dans le statu quo. Tous les discours pro-nucléaires qui nous disent qu’il n’y a rien à changer ni à bouger ne font du bien ni à la France ni à l’entreprise EDF.
Car la responsabilité des politiques est de tracer un horizon, un futur, de montrer la direction à prendre, et de dire ensuite comme on va y aller ensemble. Ce n’est pas de tenir des discours corporatistes pour faire plaisir en demandant de ne rien changer et de ne pas touche au nucléaire, ni de stigmatiser ceux qui mettent en cause le tabou du nucléaire ni de les faire passer pour des improvisateurs. C’est de bien poser les questions, avec détermination et transparence, afin, au contraire, d’aider le pays à s’engager dans le nouveau modèle énergétique ; à être fort grâce à une indépendance énergétique ; à donner du bien-être aux Français grâce aux choix énergétiques ; à baisser le montant de leurs factures énergétiques parce qu’ils feront des économies d’énergie ; à faire de la justice sociale en permettant aux Français d’accéder au bien-être grâce à des logements mieux construits, mais aussi à positionner notre industrie énergétique sur les marchés émergents qui veulent du mix énergétique.
Ma conviction est que, si nous arrivons à faire en sorte que nos industriels, nos laboratoires, nos innovateurs, nos inventeurs, rattrapent ce retard, – alors que nous disposions d’une avance, je l’ai expliqué tout à l’heure – et se positionnent, y compris, je le répète, en faisant des programmes européens convergents, alors, à ce moment-là, nous sortirons de la crise économique. La croissance verte est le seul levier de sortie de crise.
C’est un cercle vertueux : cette sortie de crise nous permet d’être citoyens du monde en contribuant à la lutte contre le dérèglement climatique, et aussi de créer des emplois, ici et maintenant, en redonnant du pouvoir d’achat. Allons vers ce modèle énergétique et ne restons pas immobiles pour des raisons liées à la peur de l’avenir ! Imaginons ensemble cet avenir !
Surtout, ne réutilisons pas de vieux argumentaires qui étaient valables avant que le Parlement ne soit saisi de cette réflexion de fond qui va en effet engager l’avenir du pays pour les trente ans qui viennent.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Je ne suis pas surpris de la frilosité de certains de nos collègues. Pourquoi ? Parce que c’est la première fois, en effet, que le Parlement est amené à discuter du mix énergétique. Pour la première fois, nous sommes confrontés à cette exigence qui s’impose à nous de définir une stratégie énergétique pour notre pays.
Chez certains, surpris de pouvoir enfin prendre part à la définition de cette stratégie, il y a une forme de peur ou d’hésitation. Quoi qu’il en soit, je crois que nous avons été éclairés par les discussions que nous venons d’avoir à l’instant.
La première des choses que je retiens est que personne ne peut croire qu’avec 50 % de notre production électrique issue du nucléaire notre pays ne restera pas une référence. Il n’y a en effet, en réalité, aucun autre pays au monde qui atteigne un tel pourcentage.
Après la définition de notre mix, on peut penser, et c’est une vérité, que la France restera une référence en la matière. Vous pouvez effrayer et faire peur dans les chaumières en annonçant le pire aux grandes entreprises du secteur : la réalité est toute autre.
D’ailleurs, si ces grandes entreprises sont devenues de grands énergéticiens sur le marché mondial, c’est qu’elles ont su, très tôt, pour la plupart d’entre elles, élargir leur champ de présence aussi bien que leurs sphères d’activité. Cela a été relevé tout à l’heure, notamment dans le domaine des énergies renouvelables.
Je remarque malgré tout chez nos collègues quelques nuances. Si certains sont arc-boutés sur le statu quo qui ne nous permettra pas d’atteindre les objectifs que nous nous fixons par ailleurs dans le domaine de la transition énergétique pour tenir les engagements internationaux, pas plus que de réduire les émissions de gaz à effet de serre, d’autres ne contestent pas l’objectif des 50 % mais la date qui lui est accolée. Essayez de vous mettre d’accord !
Quoi qu’il en soit, nous considérons, au groupe socialiste, que ce mix nous permet à la fois de répondre aux engagements internationaux, à l’exigence de compétitivité de nos entreprises, et aux besoins des Français en matière de pouvoir d’achat.
La boucle est bouclée. Nous avons là un mix raisonnable, objectif et pragmatique et qui en rien ne menace les grandes entreprises qui, au fil du temps, ont su faire la fierté de notre pays.
C’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas vos amendements de suppression de cet alinéa 28, considérant que le mix qui nous est proposé est un mix équilibré. C’est un mix d’avenir.
Si le groupe UMP avait encore des doutes sur la volonté de la majorité d’avoir un véritable débat sur la stratégie énergétique, il aura compris après ce pseudo-échange ce qu’il en est. En réalité, ce n’est pas un débat, c’est un dialogue de sourds, avec une majorité qui voudrait nous faire passer pour de grands méchants nucléocrates, alors que nous avons beau lui répéter depuis le départ ce que nous voulons.
Comme cela vous arrange, parce que vous aimez bien être du côté du bien, que vous avez besoin d’une espèce d’opposition dialectique manichéenne, de penser les choses sur la base d’une opposition entre droite et gauche, vous ne voulez entendre ni vos alliés électoraux, qui disent exactement la même chose que l’UMP, ni même des apparentés socialistes, qui font exactement le même diagnostic.
Cela vous permet en effet de vous focaliser sur le micro-détail et d’oublier la réalité, à savoir que l’objectif visé n’est pas d’ordre énergétique, stratégique ou industriel, mais de nature politique, né d’un accord théologique
Exclamations sur les bancs du groupe écologiste
– je voulais dire idéologique, mais je garde finalement ce terme de théologique, parce que vous mettez le but avant les moyens. D’ailleurs, chers collègues, vous qui vous y connaissez en ayatollahs, je suis certain qu’en matière de théologie, vous êtes aussi très forts !
Nous avons entendu dans les différents argumentaires toute une série d’affirmations qui ne peuvent que frapper l’honnête homme qui écouterait ce débat. Lorsque l’on vient nous expliquer que, pour le nucléaire, nous oublions de préciser qu’il y a le problème des déchets, c’est prendre les Français pour des imbéciles parce que le projet de loi qui nous est soumis ne parle pas de la filière de l’enfouissement des déchets.
S’il y a un problème avec l’enfouissement des déchets, pourquoi n’y fait-il pas allusion alors que l’on se rengorge en disant qu’on aura un grand débat sur la transition énergétique ? Pourquoi le projet Cigéo n’y apparaît-il sinon à cause de la pression de lobbies ?
Oui, c’est parce que ce sont les lobbies qui font la politique de la France à la corbeille que nous en sommes arrivés là.
Lorsque l’on nous explique que, parce que l’on réduirait le nucléaire à 50 %, cela éliminerait le problème des déchets, c’est encore prendre l’honnête homme pour un sot, parce qu’il sait que, de toute manière, quelle que soit la part du nucléaire dans le mix électrique français, nous aurons des déchets, et donc que nous devrons les traiter.
Ne venez donc pas expliquer que le nucléaire entraînerait toute une série de problèmes parce que vous refusez de les traiter dans ce projet de loi.
Enfin, je suis stupéfait de voir que, dans cet hémicycle, à l’aube du XXIe siècle, alors que nous sommes la cinquième puissance mondiale au plan économique, on veut décider de la politique stratégique d’une entreprise cotée en bourse. À force d’entendre expliquer qu’EDF devrait faire ceci ou cela, j’en viens finalement à me demander s’il ne s’agit pas en l’occurrence d’une loi de renationalisation d’EDF ! On nous explique que nous ne pouvons pas décider du parc de centrales parce que ce n’est pas au Parlement de le faire, et la plupart des arguments de Mme le ministre ont porté sur la politique stratégique d’EDF.
EDF est une entreprise cotée en bourse, il y a des actionnaires minoritaires qui ont le droit de voir cette entreprise faire des bénéfices. Tout mécanisme de destruction de la valeur enclenchée par ce Parlement aura donc des conséquences sur les comptes de cette entreprise, qui ne demande qu’à vivre.
Quoi que vous affirmiez, il n’y a pas de débat. Nous avons essayé de l’entamer sérieusement en expliquant que le vrai problème, c’était le rythme, à savoir la date de 2025. À chaque fois, vous nous avez reproché d’être arc-boutés sur la défense du nucléaire, d’être pour le statu quo. Vous ne voulez pas écouter. Et comme vous ne voulez pas écouter, vous ne voulez pas discuter. C’est pourquoi il n’y a pas de débat. La majorité monologue avec elle-même sur l’avenir de l’énergie. C’était le cas en commission. Malheureusement, c’est encore le cas ce soir dans l’hémicycle.
Quelle mauvaise foi !
Vraiment, je m’étonne qu’aucune parole n’ait été prononcée pour les 100 000 personnes qui vont tout de même payer de leur emploi
Exclamations sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Caricature !
Je tiens d’abord à remercier Mme la ministre d’avoir mis un peu de raison dans ce débat. Quand nos prédécesseurs ont décidé, sans que cela ne fasse d’ailleurs l’objet d’aucun débat parlementaire, de lancer la France dans une aventure industrielle et énergétique sans comparaison dans le monde, en faisant passer la production nucléaire de 0 à près de 80 % en quelques années, une question s’est posée tout de suite, celle des déchets. C’était en effet tout de même un peu ennuyeux de se retrouver avec des déchets radioactifs pendant des dizaines de milliers d’années. Eh bien, au moment du lancement, sans aucun débat démocratique, je le répète, du programme électronucléaire, on a rassuré les dirigeants politiques en leur expliquant qu’au moment des premiers démantèlements de centrales, la question serait réglée. Or on sait aujourd’hui non seulement que la question n’est pas réglée mais que l’on ne saura pas la régler.
Pendant toutes ces années, il y a eu un vrai mensonge d’État autour du nucléaire. Il en allait de l’indépendance énergétique, de notre fierté, l’image des centrales nucléaires se confondant avec celle de notre pays. On a ainsi emmené des générations d’écoliers visiter des centrales pour leur démontrer à quel point nous avions de la chance que pas un habitant de notre pays ne vive à plus de 300 kilomètres d’une centrale.
Et puis, il y a eu Tchernobyl – mais là bien sûr c’était encore différent : c’était la fin de l’Union soviétique, c’était mal géré, cela ne pouvait pas nous arriver. La preuve, d’ailleurs, c’est que nous étions tellement protégés que le nuage s’est arrêté à la frontière !
Mais il y a eu Fukushima. Et là, nous avons des décisions à prendre en tant que législateurs, sachant que celle que nous prenons en décidant de maintenir notre dépendance au tout nucléaire ou d’en sortir concerne une activité qui présente des dangers pour la vie humaine sans aucune comparaison avec une autre activité. La question n’est pas celle du risque, c’est celle de l’ampleur du risque et de l’irréversibilité. Je pourrais comprendre certaines interrogations s’il n’y avait pas d’alternative, mais il en existe une, et on le voit dans nombre de pays. Certains jours, le Danemark arrive à couvrir l’intégralité de ses besoins en électricité avec l’éolien.
En France, on a cultivé le gaspillage de l’électricité et alors que nous étions très en avance sur le solaire dans les années 70, on a tué tout développement des énergies alternatives parce que 99 % du budget de la recherche était consacré au nucléaire.
La question qui nous est donc posée, c’est de savoir si, oui ou non, nous voulons sortir de ce modèle, et la réponse est évidemment oui.
Vous connaissez la position des écologistes. Notre horizon, et j’aurai l’occasion de le défendre en présentant un amendement, c’est la sortie du nucléaire, parce que nous pouvons faire sans. C’est un débat qui n’est ni idéologique, ni théologique, monsieur Aubert, c’est simplement une prise de responsabilité.
Si nous avons la possibilité de produire de l’énergie sans faire courir aux populations, aujourd’hui ou dans l’avenir avec le stockage des déchets, les dangers que sont ceux des centrales nucléaires, nous préférons prendre cette décision. Elle est très simple en fait. Entre les bénéfices et les risques, la balance penche évidemment pour la sortie du nucléaire.
En attendant, je vais finir par apprécier – ce qui est rare ces temps-ci ! – l’accord, qui a l’air de vous déranger, monsieur Aubert, que nous avons passé entre nos formations politiques car il s’agit d’un compromis. Je le dis tranquillement, ce que nous allons voter, ce n’est pas la loi des écologistes, car nous aurions des propositions alternatives.
Ce qui me semble en tout cas très intéressant, c’est que ces dernières ne sont plus ni moquées ni caricaturées comme elles l’ont été – encore que vous soyez un bon représentant, monsieur Aubert, de ce qui reste encore comme dinosaures dans l’appréciation de ce genre de sujet.
C’est un compromis qui nous fait avancer parce qu’il va enfin laisser la place à l’efficacité énergétique et au développement des renouvelables, en marquant deux ruptures majeures : la division par deux de la consommation d’énergie d’ici à 2050, et le passage de 75 à 50 % de la part de l’électricité nucléaire.
C’est une vraie loi, qui trace un horizon, qui décide politiquement du chemin que nous faisons prendre à notre pays, ce qui me paraît être une bonne méthode.
Parmi les éléments de cette loi figure le plafonnement. C’est pourquoi, nous, écologistes, voterons avec une grande détermination, et même – parce que ce sera sans doute la première occasion pour les parlementaires de marquer un coup d’arrêt à cette politique qui n’a jamais été décidée démocratiquement – avec une vraie fierté contre les amendements tendant à supprimer le plafonnement de la part du nucléaire dans la production d’électricité en France.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
Je ne reviendrai pas sur les arguments que j’ai développés, en particulier le fait que vouloir supprimer cet alinéa ne remet en aucun cas en cause notre volonté d’instaurer un mix énergétique. Si nos propos sont caricaturés, c’est bien que la voie choisie provoque une certaine gêne. En tout cas, je vous appelle à faire preuve d’un peu plus d’humilité sur le plan historique
Ce n’est pas la première fois que, dans cet hémicycle, on discute de l’énergie, ce n’est pas la première fois que les députés passent des heures sur les choix stratégiques dans le domaine énergétique. On pourrait faire très facilement une petite recherche et venir demain avec des volumes complets d’échanges qui ont eu lieu ici à ce sujet.
Prétendre que la représentation nationale ne s’est jamais posée la question des déchets nucléaires, c’est absurde. Il y a eu une loi sur la question, je crois en 2006 – il suffira de demander à M. Bataille. Un travail remarquable a été réalisé sur cette question, même si l’on n’a pas trouvé de solution définitive pour traiter les 150 kilos de déchets ultimes.
Évitons donc de caricaturer par des envolées lyriques et d’occulter tout le travail de réflexion et d’élaboration qui a pu être fait dans cet hémicycle.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Nous ne sommes pas en train de découvrir les problèmes. Nous savons qu’il y a des difficultés et que l’on n’arrive pas pour le moment à résoudre la question du traitement des déchets nucléaires. Personne ne l’a caché, mais ne prétendons surtout pas que nous ne nous sommes jamais posé la question.
Il est procédé au scrutin.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Suite du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.
La séance est levée.
La séance est levée, le mercredi 8 octobre 2014, à une heure.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly