COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mercredi 7 novembre 2012
La séance est ouverte à dix heures.
(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)
La Commission des affaires culturelles et de l'éducation examine, pour avis, les crédits pour 2013 de la mission « Culture » sur le rapport de Mme Colette Langlade sur les crédits de la création et de la transmission des savoirs et de la démocratisation de la culture et de M. Gérald Darmanin sur les crédits des patrimoines.
Je rappelle que les crédits de la mission « Culture » font l'objet d'une procédure d'examen en commission élargie. La commission élargie a eu lieu lundi dernier ; à cette occasion, Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, a déjà répondu à de nombreuses questions, non seulement sur le projet de budget pour 2013, mais aussi sur les perspectives pour 2014.
L'éducation artistique et culturelle constitue une priorité du budget du ministère de la culture et de la communication, ce qui se traduit par des crédits supplémentaires dès cette année ; elle fait en outre l'objet de nombreuses réflexions, dans le cadre tant de la concertation sur l'avenir de l'école lancée par le ministère de l'éducation nationale que du chantier national en faveur de l'éducation artistique et culturelle ouvert par le ministère de la culture. C'est pourquoi j'ai souhaité dresser aujourd'hui un bilan de la mise en oeuvre de l'enseignement obligatoire d'histoire des arts, de l'école primaire au lycée.
C'est dans la lettre de mission adressée en 2007 par le Président de la République et le Premier ministre à la ministre de la culture et de la communication et au ministre de l'éducation nationale que figure la création d'un enseignement d'histoire de l'art, mis en place à la rentrée 2008.
La réforme a été imposée d'en haut, sans aucune concertation, voire sans aucune réflexion ; il y eut bien un rapport proposant un nouveau plan en faveur de l'éducation artistique et culturelle, mais qui ne fut réalisé que dans un second temps, après l'annonce de la création de l'enseignement obligatoire. Cette méthode contestable a suscité des malentendus, donc des déceptions, et a contribué à donner le sentiment que le nouvel enseignement constituait une cote mal taillée.
L'objectif était triple : l'acquisition d'une culture générale artistique, le développement d'un rapport plus familier des élèves avec les institutions culturelles, l'information sur les débouchés professionnels offerts par le champ artistique et culturel. Un programme extrêmement ambitieux a été élaboré, reposant sur des périodes historiques – de la préhistoire jusqu'à nos jours –, sur des thématiques – comme « art et économie » ou « art et sacré » – et sur des domaines artistiques – couvrant l'ensemble des modes d'expression artistique. Toutefois, on a pris le parti de ne pas créer une nouvelle discipline, afin de ne pas ajouter à des emplois du temps déjà surchargés et de ne pas organiser des concours de recrutement spécifiques.
L'ancien Président de la République avait pourtant annoncé la création d'un enseignement de l'histoire de l'art, discipline à part entière, ce qui pouvait augurer qu'une réponse serait apportée à une revendication ancienne des historiens de l'art : la création d'un CAPES et d'une agrégation spécifiques. Il n'en a rien été : toutes les disciplines existantes doivent faire une place à l'histoire des arts, à charge pour les professeurs de mettre en oeuvre le programme et d'établir des ponts avec leur discipline. C'est pourquoi l'appellation « histoire de l'art » a finalement été délaissée au profit de celle d'« histoire des arts ».
La chose a été mal perçue par les historiens de l'art, qui y ont vu le témoignage d'un manque de considération pour leur discipline, mais aussi par les professeurs des autres disciplines, notamment ceux d'éducation musicale et d'arts plastiques : l'histoire des arts est censée occuper la moitié des programmes d'éducation musicale et d'arts plastiques au collège ! Les professeurs se sont sentis déconsidérés ; ils ont critiqué le fait que ce nouvel enseignement, visant à compléter l'éducation artistique et culturelle existante par des connaissances théoriques, venait tailler des croupières aux seuls enseignements pratiques proposés aux élèves. Les fédérations de parents d'élèves se sont jointes à ces critiques.
Plus généralement, il s'est avéré difficile de mettre en oeuvre un enseignement interdisciplinaire dans un système fortement disciplinaire. À l'école primaire, la contradiction était plus aisée à surmonter, dans la mesure où chaque professeur des écoles assure seul l'enseignement de toutes les disciplines ; d'ailleurs, beaucoup d'initiatives existaient déjà en matière d'éducation artistique et culturelle et, sur le terrain, la réforme de 2008 n'a pas changé grand-chose – Marie-Odile Bouillé l'avait déjà souligné dans son rapport sur le projet de budget pour 2011.
Au lycée également, les effets ont été inexistants – sauf dans certains établissements, notamment des lycées agricoles et des lycées professionnels –, car la préparation du baccalauréat monopolise les efforts des enseignants. Alors qu'au collège, le déploiement de la réforme s'est appuyé en grande partie sur les professeurs d'arts plastiques, seule la moitié des lycées propose des enseignements optionnels d'histoire des arts : il n'y a pas partout de personnel susceptible de piloter cet enseignement.
Au collège, la perspective d'une évaluation au diplôme national du brevet a constitué un aiguillon indiscutable ; pourtant, le principe d'un enseignement « porté par tous les enseignants » fut difficile à mettre en oeuvre. La bonne volonté des uns et des autres a permis des réussites ponctuelles, mais les conseils pédagogiques, instances de consultation des enseignants sur la politique éducative de l'établissement, ne se sont pas toujours saisis d'une question que, faute de temps, il était de toute façon difficile de traiter de manière satisfaisante.
Quant à l'épreuve elle-même, elle a été mise en place, après une expérimentation lors de la session 2009-2010, sans qu'aucun des textes publiés en 2008 ne précise son organisation. Ce n'est qu'en 2011 qu'une nouvelle circulaire est venue indiquer qu'une décision du conseil d'administration devait fixer, au plus tard à la fin de l'année scolaire précédente, les modalités d'organisation de l'enseignement de l'histoire des arts et de l'épreuve orale. Elle prévoit que le jury est constitué de deux professeurs, devant évaluer les élèves, soit individuellement, soit en groupe, sur le fondement d'un exposé, puis d'un entretien portant sur un sujet choisi parmi une liste de cinq objets d'étude, validée par le ou les professeurs encadrant la préparation, et sur lesquels les élèves ont pu préparer des dossiers.
Chaque établissement étant peu ou prou renvoyé à lui-même, les parents d'élèves éprouvent un sentiment de grand arbitraire. Si le principe d'une épreuve orale est jugé positif, car elle permet aux élèves ayant des difficultés avec les modalités classiques d'évaluation de se valoriser, l'inégale implication des équipes pédagogiques dans sa préparation a sans doute contribué à en faire un instrument de reproduction des inégalités. Dans certains cas, la liste d'oeuvres établie par le conseil pédagogique ne fait l'objet d'aucune préparation en cours d'année, et les élèves sont évalués sur le fondement de dossiers préparés à la maison, avec les parents. La nature de l'épreuve est révélatrice de l'échec de la réforme : 90 % des élèves ont été interrogés sur « Guernica » !
L'autre cause d'échec est l'insuffisante formation des enseignants. La réforme fut engagée concomitamment avec celle de la formation des enseignants et de la mastérisation. Or les masters n'intègrent pas d'histoire des arts ; le ministère doit remédier à cette lacune dans la maquette des masters professionnels.
Quant à la formation continue, si des actions nationales ont été mises en oeuvre à partir de 2009, elles ont reposé pour l'essentiel sur les ressources de l'Institut national d'histoire de l'art et de l'Association des professeurs d'archéologie et d'histoire de l'art des universités, ce qui est en contradiction la volonté de ne pas réduire l'enseignement à une seule discipline. En outre, ces formations étant destinées aux « cadres » de l'éducation nationale, on peut se demander si les enseignants ont pu en retirer quelque bénéfice ; à en juger par les réactions des syndicats, cela paraît douteux.
Au niveau académique, tous les enseignants relèvent le manque de formations par rapport aux besoins. Dans la plupart des cas, les enseignants doivent prendre sur leur temps libre pour se former. Les formations sont le plus souvent organisées à l'extérieur des établissements, alors qu'elles devraient être conduites sur site, au bénéfice des équipes pédagogiques. En outre, les enseignants ne disposent pas d'interlocuteurs au sein des corps d'inspection, organisés par discipline – un inspecteur général a bien été nommé, mais sa tâche est immense.
D'autre part, les textes de 2008 encourageaient le développement de partenariats avec les institutions culturelles. Or l'accès des élèves aux ressources culturelles territoriales dépend non seulement de la densité des équipements culturels, mais aussi des moyens disponibles pour financer des déplacements potentiellement coûteux – ce qui n'est pas toujours le cas, notamment dans les zones rurales. En outre, les institutions culturelles risquent de souffrir d'un certain engorgement, puisque 12 millions d'élèves sont concernés par cet enseignement obligatoire et que les enseignants, privés de véritable formation, sont amenés à se tourner vers elles. Les responsables des services éducatifs que j'ai rencontrés m'ont déclaré devoir faire preuve d'une certaine sélectivité dans le traitement des demandes de partenariat.
Dans ce contexte, la qualité des ressources pédagogiques mises à la disposition des enseignants est essentielle ; en particulier, les ressources numériques sont un moyen de compenser les inégalités d'accès aux institutions culturelles. Le ministère de la culture met en exergue le portail de l'histoire des arts sur internet, mais je n'ai pas l'impression qu'il se soit imposé comme une référence auprès des enseignants.
Il reste que les difficultés rencontrées dans la mise en place d'un tel enseignement interdisciplinaire ne doivent pas conduire à une remise en cause globale du projet. Lors des auditions que j'ai menées, tant les syndicats d'enseignants et de personnels de direction que les fédérations de parents d'élèves ont jugé positive la décision de faire de l'histoire des arts un enseignement mobilisant toutes les disciplines.
Pour maintenir cet acquis, tout en facilitant l'appropriation du nouvel enseignement par les enseignants et par les élèves, certains suggèrent de lui consacrer un horaire dédié. Il s'agit d'une base de réflexion intéressante, à condition que cet horaire ne vienne pas s'ajouter à un emploi du temps déjà chargé, et que chaque discipline et chaque enseignant donne un peu de son temps pour l'aménager.
Les réflexions en cours dans le cadre de la concertation sur l'avenir de l'école ne doivent pas éluder ce sujet, et le rapport rendu public au début du mois d'octobre esquisse à cet égard quelques pistes intéressantes.
Je conclus en vous demandant d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 131 « Création » et 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».
Je ne m'attarderai pas sur la première partie du rapport, qui a déjà été longuement débattue en commission élargie, me contentant de rappeler que les crédits du programme « Patrimoines » diminuent de 10 % cette année. Je passerai tout de suite à la deuxième partie, consacrée à la gratuité d'accès et à la déconcentration des collections nationales, dans le but de démocratiser l'accès à la culture.
Tout d'abord, il serait plus exact de parler des « gratuités », au pluriel, plutôt que de la gratuité, au singulier. En effet, outre la gratuité pour les jeunes de 18 à 25 ans instaurée par le Président de la République Nicolas Sarkozy en 2008, on recense diverses politiques de gratuité en fonction des horaires, des établissements et des expositions.
Or, hormis quelques études du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC) et une étude du département des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la culture, citées dans mon rapport, il existe peu d'évaluations de ces dispositifs, ni même d'outils statistiques permettant de juger des effets de la gratuité sur l'accès des classes populaires et moyennes aux collections nationales.
Pour ce que l'on en sait, l'élargissement de la gratuité aux jeunes de 18 à 25 ans a eu un effet favorable. Le dimanche gratuit au Louvre est également le seul jour où le nombre de visiteurs nationaux est supérieur à celui des visiteurs étrangers : les Franciliens sont trois fois plus nombreux que les autres dimanches, les provinciaux 1,4 fois ; le nombre de jeunes issus des classes populaires et moyennes est également plus important.
Toutefois, il convient de souligner un défaut de communication de la part des musées à destination des publics éloignés de la culture. Celui-ci tient par exemple à la difficulté de nouer des partenariats avec les réseaux de transport en commun ; par exemple, certains établissements parisiens nous ont fait savoir que la RATP ne souhaitait pas communiquer fortement sur la présence ou la gratuité des musées en Ile-de-France. Surtout, tous les musées ne suivent pas la même politique en matière de démocratisation de leur accès ; certains grands musées ne veulent pas donner un trop grand retentissement aux mesures de gratuité, afin d'éviter les effets d'aubaine, car ils estiment que la compensation versée par l'État ne leur permet pas de rentrer dans leurs frais. Le Louvre dénonce en outre l'utilisation par certains tours opérateurs étrangers des jours de gratuité pour faire un profit facile, au détriment de leurs clients, à qui ils font payer les entrées.
Dans l'attente d'études plus abouties, mon rapport ne recommande ni l'abandon, ni la généralisation du dispositif. Je propose que le ministère de la culture fixe aux musées des objectifs à la fois de démocratisation des collections nationales et de construction d'outils statistiques fiables, de manière à pouvoir évaluer l'efficacité des mesures de gratuité, qu'elles soient destinées aux jeunes, aux publics du « champ social » ou à ceux éloignés de la culture.
J'en viens aux expériences de déconcentration – et non de décentralisation, puisqu'il s'agit de la circulation en région d'une partie des collections nationales.
Partant du constat que beaucoup de Français ne peuvent pas, pour des raisons financières, sociales ou psychologiques, accéder aux musées, le Centre Pompidou a décidé de rendre mobile une partie de ses collections. Ce « Centre Pompidou mobile » prend la forme d'une présentation itinérante, sous une structure circassienne, de quinze oeuvres, avec une médiation culturelle gratuite, dans le but de provoquer un « choc culturel » – pour paraphraser Malraux.
Néanmoins, comme quinze oeuvres seulement sont exposées, on peut craindre que les visiteurs n'en ressortent déçus. En outre, le coût restant à la charge de la collectivité d'accueil est élevé : 200 000 euros – sachant que le budget annuel du musée de Cambrai, par exemple, est de 715 000 euros, et de 80 000 euros pour les expositions temporaires.
Cette expérience, toujours en cours, est cependant intéressante ; j'ignore si elle aura une suite et si d'autres musées s'en inspireront. Ses promoteurs assurent qu'elle a provoqué une augmentation de la fréquentation des musées et des expositions locaux – que ses détracteurs estiment insuffisante. Il faudra dresser un bilan complet dans un an.
Il existe d'autre part des musées déconcentrés « en dur » : le Centre Pompidou-Metz et le Louvre-Lens – dont la région Nord-Pas-de-Calais attend avec impatience l'ouverture. Il ne s'agit pas à proprement parler de nouveaux musées, mais de la présentation dans de nouvelles structures d'une partie des collections nationales. Toutefois, un pourcentage important, de l'ordre de 10 %, de la population du bassin minier déclare ne pas souhaiter aller au Louvre-Lens, tout en pensant que c'est une bonne chose pour leurs enfants. Il y a donc un travail énorme de pédagogie, de médiation culturelle et de communication à mener pour abattre cette barrière psychologique.
Le rapport de la Cour des comptes de 2011 sur les musées nationaux soulignait que 26 des 37 musées nationaux se trouvaient en Ile-de-France. Toutefois, étant donné leur coût, ces expériences de démocratisation culturelle ne pourront pas être étendues à toute la France : le budget total de l'opération du Centre Pompidou-Metz s'élève ainsi à près de 70 millions d'euros. Il faudra là aussi dresser un bilan dans les années à venir.
J'en termine en vous demandant d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme 175.
Je remercie les deux rapporteurs pour leurs présentations, qui s'avèrent complémentaires. À travers l'enseignement de l'histoire des arts, on s'attache en effet à créer un désir, sans lequel aucune politique publique de démocratisation culturelle, notamment tarifaire, ne peut donner de fruit, que ce soit à l'échelle de l'État ou à celle des collectivités territoriales – 75 % du financement public de la culture étant désormais assuré par les collectivités territoriales.
Ainsi, la gratuité des expositions permanentes mise en oeuvre depuis une dizaine d'années par la Ville de Paris provoque indéniablement un effet d'aubaine ; ce type de mesure touche d'abord le public habituel des institutions culturelles, et non les personnes qui en sont éloignées. Pour éviter cela, il importe de susciter l'envie de culture dès les années de formation.
Si le ministère de la culture et de la communication participe bien à l'effort de redressement des finances publiques, on ne peut que se féliciter de la priorité accordée par le gouvernement aux actions culturelles structurantes. Il nous faut sauvegarder, protéger, mettre en valeur notre patrimoine culturel dans toutes ses composantes et, surtout, le rendre accessible à tous. De ce fait, nous saluons le progrès que constitue la budgétisation de la gratuité d'accès aux collections permanentes – ce que n'avait pas fait la précédente majorité.
La politique patrimoniale pour 2013-2015 se déploie autour de deux grandes orientations que le groupe SRC soutient.
Il s'agit tout d'abord de conforter le patrimoine dans ses missions fondamentales. Cette année verra ainsi l'achèvement de plusieurs grands projets, dont le nouveau centre des archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine, le musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée de Marseille, la réouverture à Paris du musée Picasso rénové, l'installation à Charenton de la médiathèque de l'architecture et du patrimoine et la rénovation de plusieurs centres d'archives départementaux et communaux, tandis que les moyens des services à compétence nationale seront maintenus.
S'agissant de l'entretien et de la restauration des monuments historiques, actions capitales pour développer le tourisme et l'activité économique dans les territoires, le Gouvernement souhaite consolider l'emploi dans les PME travaillant pour ce secteur, grâce au maintien des autorisations d'engagement au même niveau qu'en 2012, soit 322 millions d'euros ; plus des deux tiers seront exécutées en région. Seront également maintenus, pour une dépense totale de 149 millions d'euros, plusieurs dispositifs fiscaux, dont le dispositif « Malraux » et les aides accordées aux propriétaires pour protéger le patrimoine culturel. Cela montre l'engagement fort du ministère aux côtés des acteurs du patrimoine.
Je salue également la progression de 75 % des crédits de fonctionnement consacrés à l'attribution du label « Ville ou Pays d'art et d'histoire » (VPAH), ainsi que le financement de la politique de l'archéologie via les opérations programmées, dont les crédits sont augmentés.
La promotion de la qualité architecturale tient une place importante dans le programme. L'enjeu est de faire émerger une véritable culture architecturale, grâce à la poursuite d'événements tels que le grand prix national d'architecture, à la relance du label « Patrimoine du XXe siècle » et à la sensibilisation du public scolaire par des actions ponctuelles. Nous ne pouvons que partager cette préoccupation.
La seconde orientation est de renouer avec l'accompagnement du développement économique et culturel. Le poids économique de la culture est largement sous-estimé : 157 000 entreprises et 700 000 salariés ont contribué à produire 28,7 milliards d'euros de valeur ajoutée en 2010. Il s'agit d'un secteur essentiel pour l'économie de notre pays. La fréquentation de nos musées, la qualité de nos festivals, la diversité de notre patrimoine et de notre création sont autant de sources d'innovation et de croissance, et de facteurs d'attractivité touristique pour les territoires. Aux côtés de la promotion de la diversité et de l'accessibilité des oeuvres et du patrimoine, l'accompagnement du développement est une des missions fondatrices du ministère ; il faut persévérer dans cette voie malgré la crise.
Il convient pour finir de rappeler l'héritage du précédent gouvernement. Nombre de projets n'avaient été ni très bien conçus, ni budgétés. Comme il fallait réaliser 1 milliard d'économies sur les trois prochaines années, il était juste de permettre aux seuls projets budgétés de voir le jour. Même si les crédits du patrimoine sont en baisse, afin de participer à l'effort général, il n'y a ni victimes, ni perdants, et les missions fondamentales du ministère sont préservées. Tout démontre qu'il existe une véritable ambition pour le patrimoine en France.
En 2013 sera présentée la grande loi d'orientation sur le patrimoine ; en attendant, le groupe SRC soutiendra ce projet de budget à la fois rassurant et combatif.
Je remercie Mme Colette Langlade d'avoir rappelé que la précédente majorité, tant vilipendée par les collègues de son groupe, a institué l'enseignement artistique obligatoire. À M. Gérald Darmanin – dont j'ai apprécié le rapport –, je voudrais, étant membre du conseil d'administration du Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou, confirmer que le Centre Pompidou mobile est une expérience particulièrement intéressante ; son arrivée constitue un événement artistique et culturel important, notamment pour les jeunes, les scolaires et les publics qui ne fréquentent pas habituellement les musées. Il conviendra d'en faire le bilan après une année d'expérience, mais il semble que ce musée mobile provoque une augmentation non seulement de la fréquentation des musées en province, mais aussi du Centre Pompidou à Paris – les visiteurs désirant prolonger ce premier contact avec les oeuvres à l'occasion d'une venue à Paris.
Le groupe UMP ne votera pas le projet de budget, qui présente un recul historique, inédit depuis le début de la Ve République. Lorsque le candidat Hollande avait promis que le budget de la culture serait sanctuarisé, préservé et protégé, nous n'avions pas compris que cela se traduirait par une baisse de plus de 4 % de ses crédits ! Mme Martine Aubry, alors première secrétaire du parti socialiste, avait même proposé d'augmenter le budget de la culture de 50 % sur 5 ans : on est loin du compte ! Quant à Mme Aurélie Filippetti, elle affirmait que le budget de la culture était le disque dur de la politique : force est de constater que celui-ci a été écrasé… La rumeur qui s'élève des rangs de la majorité prouve que j'ai touché juste ! Et si la mémoire était restée dans l'ordinateur, nul doute que Mme Filippetti aurait rappelé que nous, nous avons, même en temps de crise, non seulement préservé et maintenu, mais augmenté le budget de la culture !
Lundi, la ministre a d'ailleurs avoué qu'elle aurait besoin du soutien des parlementaires pour les prochains budgets : comment mieux faire comprendre que le budget en baisse de cette année n'est que le premier d'une longue série ?
La liste des projets abandonnés est impressionnante : abandonné, le projet de maison de l'histoire de France ; annulé, le projet de musée de la photographie à Paris ; enterré, le projet de centre de réserve et de restauration à Cergy-Pontoise ; abandonnée, la nouvelle salle de la Comédie française ; annulée, la contribution de l'État à Lascaux IV ; enterré, le projet de Centre national de la musique ; en sursis, le projet de tour Médicis à Clichy-Montfermeil ; ajournée, l'exposition Monumenta. Ajoutons à cela les réductions budgétaires au Palais de Tokyo, qui remettent en cause son programme et jusqu'à son ambition.
Même s'il est normal que le budget de la culture participe au redressement des finances publiques, tout ne peut pas être mis sur le compte de la crise – et il semble difficile d'utiliser la sempiternelle ritournelle de « l'héritage », puisqu'en l'espèce la précédente majorité avait accru le budget ! Tout ce qui reste, ce sont des projets qui avaient été lancés par le précédent gouvernement et que vous ne pouviez pas annuler : le musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée à Marseille, le nouveau centre des archives nationales à Pierrefitte, la Philharmonie de Paris, la poursuite du plan musées en régions, la gratuité de l'accès aux musées pour les jeunes, la rénovation du musée Picasso, l'installation de la médiathèque de l'architecture et du patrimoine à Charenton. En vérité, la culture ne fait pas partie des priorités du Président de la République et du Gouvernement ; force est de constater que le ministère de la culture a été transféré à Bercy, au ministère du budget !
Les crédits du patrimoine diminuent de 10 %. Cette baisse va toucher presque tous les secteurs culturels : les crédits dédiés à la création et au spectacle vivant sont réduits ; la ministre annonce une grande loi sur le patrimoine, mais elle commence par baisser ses crédits de 10 % ; quant aux crédits d'acquisition des musées, ils seront réduits de 50 à 60 % en 2013. Voilà le bilan que l'on peut dresser du premier budget de la culture du nouveau quinquennat : cela n'augure rien de bon !
Le groupe UMP s'opposera donc à ce budget, qui marque un recul sans précédent de l'action de l'État en faveur de la culture. Le pessimisme gagne d'ailleurs tous les acteurs et tous les amoureux de la culture. On peine à distinguer un quelconque projet. L'annulation des projets et la réduction des crédits budgétaires ne font pas une politique culturelle !
S'agissant du programme « Création », le groupe Écologiste apprécie la légère augmentation des crédits déconcentrés de fonctionnement, qui passent de 279 à 283 millions d'euros. Le soutien ainsi apporté aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC) nous paraît essentiel pour favoriser l'accès à la culture en régions.
D'autre part, la hausse des moyens dédiés au programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » démontre le respect des engagements pris par le Président de la République en matière d'éducation artistique et culturelle de la jeunesse. Notons néanmoins que les échanges en cours entre le gouvernement et la Commission européenne sur la validité juridique de la réforme de la taxe sur les services de télévision, la « TST distributeurs », sont susceptibles de modifier considérablement les prévisions de recettes du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) ; nous demandons donc au gouvernement de réfléchir à un aménagement de cette taxe, dont la légitimité est contestable.
S'agissant du programme « Patrimoines », en tant qu'ancienne directrice de musée, je reconnais l'importance du débat sur la gratuité que M. Gérald Darmanin a choisi comme thème de son rapport. L'exemple du musée national de Copenhague montre les limites de la gratuité totale : après un pic de fréquentation dû à l'effet de nouveauté et aux opérations de communication, les curieux sont rentrés chez eux ; seuls les habitués sont revenus. Le bilan de l'opération est une perte sèche pour le musée, sans accroissement de la fréquentation sur le long terme.
Le précédent gouvernement a accordé en 2009 la gratuité d'accès aux collections permanentes des musées et monuments nationaux pour les jeunes de 18 à 25 ans, ressortissants de l'Union européenne ou résidants réguliers sur le territoire, ainsi qu'aux enseignants. Cette décision a été imposée par l'Union européenne : si les seuls étudiants français avaient bénéficié de la gratuité d'accès, la France aurait encouru le paiement d'une amende, car cette mesure aurait été jugée discriminatoire à l'égard des autres étudiants de l'Union européenne - l'Espagne et l'Italie en ont d'ailleurs fait les frais. Nous n'avions donc pas le choix. Quant à la décision d'élargir cette gratuité à tous les jeunes de 18 à 25 ans – qui est une bonne chose –, elle visait seulement à faciliter les opérations de billetterie.
La mesure a certes provoqué un manque à gagner pour les musées, mais il faut aussi tenir compte des recettes indirectes qu'elle a engendrées. Ainsi, les visiteurs étrangers ont profité de l'économie sur le billet d'entrée pour acheter des produits dérivés. De ce fait, il serait peut-être bon d'évaluer régulièrement le montant de la compensation versée par l'État, afin de vérifier qu'elle n'est pas excessive.
Si les subventions accordées aux budgets d'acquisition des musées diminuent, il convient d'examiner l'enveloppe globale consacrée aux acquisitions par chaque musée, car les subventions de l'État ne représentent qu'une faible part de celle-ci, comparativement au mécénat et aux donations. La baisse des subventions est donc loin d'être aussi catastrophique que les collègues de l'opposition le disent.
Les ressources propres des musées sont en baisse : nous aimerions en connaître les raisons. Les produits dérivés et les services annexes nous paraissent des outils pertinents pour compenser cette diminution.
En conclusion, je remercie, au nom du groupe Écologiste, les rapporteurs pour leur travail. Nous voterons en faveur du projet de budget.
Je ne prends pas la parole pour répéter au nom du groupe UDI ce qu'a brillamment dit M. Michel Herbillon mais pour inviter chacun à un minimum d'honnêteté intellectuelle. On ne peut à la fois critiquer les projets lancés et financés par l'ancienne majorité et se féliciter des inaugurations qui, en 2012 et en 2013, en marqueront l'aboutissement ! Au long de la précédente mandature, l'opposition d'alors s'insurgeait contre toute baisse des crédits, aussi insignifiante soit-elle ; maintenant, si l'on en croit la représentante du groupe écologiste, la réduction du budget annoncée serait tout à fait raisonnable. Ce n'est pas sérieux. Dois-je vous rappeler certaines promesses de la campagne électorale ? Sans même parler cette fois de la TVA, qui n'a entendu Mme Martine Aubry, alors première secrétaire du parti socialiste, expliquer que si la gauche l'emportait, les crédits de la culture augmenteraient de moitié ? Cet argument qui avait de quoi faire rêver a dû inciter certaines personnes particulièrement attachées à la culture à voter pour M. Hollande. Ces électeurs savent maintenant à quoi s'en tenir : c'était une escroquerie intellectuelle.
En particulier, la réduction de 10 % des crédits du programme « Patrimoines » est une catastrophe pour notre patrimoine culturel et pour l'attrait touristique de notre pays. Mme Françoise Dumas peut bien se féliciter des crédits du ministère de la culture, le département du Gard, dont le patrimoine est très important, saura apprécier cette baisse. Enfin, le budget marque la résurgence du parisianisme ; les régions sont oubliées, et nous le regrettons. Bien entendu, le groupe UDI votera contre ce budget.
Monsieur Salles, il est facile mais vain de reprendre à la volée des phrases dites un jour car il en est de toutes sortes : hier soir, des amis ont ainsi cité devant moi Nicolas Sarkozy se disant extrêmement favorable au vote des étrangers… À monsieur Herbillon, qui nous a expliqué que le gouvernement précédent a maintenu et même augmenté le budget de la culture en temps de crise, j'aimerais rappeler que ce même gouvernement a aussi porté le déficit public à 700 milliards d'euros, laissant le pays dans une situation inextricable. D'évidence, des mesures devaient être prises, qui se traduisent dans ce budget.
Je félicite les deux rapporteurs, Mme Colette Langlade en premier lieu, M. Gérald Darmanin ensuite, bien que la première partie de son rapport m'ait un peu agacé. Le groupe RRDP votera ce budget. Il nous paraît être un budget de sagesse puisque tous les crédits alloués aux organismes de création artistique sont maintenus et que le programme « Transmission des savoirs » augmente de 1 %. S'agissant du budget consacré aux acquisitions, mon opinion diffère radicalement de celle de M. Malek Boutih qui, dans le rapport qu'il nous a présenté hier, préconise l'abandon du mécénat d'entreprise. Il est heureux que le mécénat d'entreprise existe ; sans cela, de nombreux musées ne pourraient enrichir leurs collections d'aucune pièce. Je conclurai en suggérant au président de notre Commission d'organiser l'audition des responsables de Marseille-Provence capitale européenne de la culture afin de connaître la programmation qu'ils ont envisagée.
Le budget de la culture est guidé par le terrible principe de réalité. Oui, il baisse de 2 % ; mais quand un pays est en crise, la solidarité n'est-elle pas le premier des devoirs, la seule manière de faire que, demain, se lèvent des jours meilleurs ? Il est vrai aussi que le ministère pourra difficilement supporter un tel effort une année supplémentaire. Nonobstant l'effort demandé, ce budget traduit un projet politique réel, une volonté d'ouverture et de démocratisation de l'accès à la culture et au patrimoine. Des priorités sont affirmées, et pour commencer celle de rendre indissociables culture et jeunesse. Priorité est aussi donnée à la formation et à la transmission des savoir-faire, à l'équilibre entre patrimoine et création – la création n'est-elle pas le patrimoine de demain ? -, à la préservation de l'exception culturelle, et aussi, quoique l'on ait pu dire, à la politique d'aménagement du territoire en matière culturelle, en concertation avec les collectivités territoriales. Priorité, enfin, aux publics les plus éloignés, géographiquement et sociologiquement, de la culture, afin que les exclus d'aujourd'hui en deviennent non seulement des consommateurs mais des protecteurs, des passeurs et des acteurs.
Oui, donc, à la culture pour tous et partout, oui à la volonté exprimée par la ministre, aux orientations qu'elle a définies, à une vision de la culture que l'on attendait.
Et parce que je n'aime pas savoir les hommes malheureux, je ne conclurai pas sans rassurer M. Michel Herbillon. Ce budget ne traduit pas un recul : la force de la ministre est d'avoir, avec moins, su faire non seulement plus mais mieux ; je l'en remercie.
Le rapport de Mme Colette Langlade fait état d'un bilan « mitigé » en matière d'enseignement obligatoire d'histoire des arts, mais j'ai eu le sentiment d'entendre une présentation à charge. Chacun, pourtant – et la rapporteure pour avis elle-même –, souhaite la perpétuation de cet enseignement qui, parce qu'il est de création récente, doit encore se roder. Il m'aurait plu que la rapporteure insistât sur le caractère novateur de la démarche entreprise. Mais, vous l'avez dit, madame, beaucoup tient à l'engagement des enseignants, qu'il faut donc stimuler. Beaucoup dépend aussi de l'implication des collectivités territoriales, dont le président de la Commission a rappelé qu'elles financent à 75 % les dépenses culturelles par le biais des fonds régionaux d'art contemporain – les FRAC –, des contrats locaux d'éducation artistique, et en organisant des expositions qui peuvent servir de support pédagogique aux enseignants. À la fin de votre rapport, vous évoquez, madame Langlade, plusieurs pistes d'amélioration possibles ; quelles sont-elles ?
À propos du programme « Patrimoines », j'appelle l'attention sur le fait que 3 000 des quelque 15 000 monuments classés sont en grand péril. Pour la plupart, ils sont situés dans de petites communes désargentées, et beaucoup appartiennent à des propriétaires privés. J'aimerais connaître l'opinion de M. Gérald Darmanin sur la proposition d'un sénateur tendant à permettre à l'État de vérifier que l'acquéreur potentiel d'un bâtiment classé a les moyens d'en assurer la restauration. Dans un autre domaine, comment conserver la mémoire des grandes filières industrielles aujourd'hui à peu près disparues ?
L'histoire de l'art est une discipline en soi. Elle ne peut être confondue avec l'éducation artistique et culturelle, qui implique des rencontres avec les artistes, l'art contemporain et le patrimoine par le biais d'une médiation entre les oeuvres et les élèves. Au cours de la précédente législature, l'histoire de l'art a été valorisée ; pourtant, les deux enseignements sont nécessaires parce que complémentaires et aucun ne doit être privilégié. Les élèves doivent sortir de leurs classes pour se frotter aux arts ; je souhaite que le ministère de l'éducation nationale et celui de la culture y travaillent conjointement, de manière que les enfants aient le plus de contacts possibles avec oeuvres et créateurs.
Que des projets aient été lancés par une précédente majorité montre que la culture n'est jamais ni de gauche ni de droite. Un changement s'est cependant produit ces dernières années, en raison, notamment, de la consultation internationale relative au projet « Grand Paris ». J'en ai été témoin dans mes anciennes fonctions de président de la Cité de l'architecture et du patrimoine, l'intérêt porté à l'architecture et à l'urbanisme s'est amplifié, et tout ce qui a été évoqué à ce sujet existe depuis plusieurs années déjà.
Parce que, chacun le sait, toute rupture dans les crédits de paiement a des répercussions pendant plusieurs années, la baisse des crédits du programme « Patrimoines » est inquiétante. Toutes convictions politiques confondues, nous devons mettre le gouvernement en garde. Des crédits suffisants doivent être consacrés au patrimoine ; il en va de l'emploi, des savoir-faire et de la préservation de la richesse patrimoniale de la France.
En matière de transmission des savoirs, la réforme de 2008, difficilement imposée, est un acquis, et le rapport de Mme Colette Langlade est en effet trop à charge. Quelles propositions permettraient d'améliorer ce qui peut l'être ? Actuellement, dans le premier degré, l'enseignement artistique dépend essentiellement de la bonne volonté des enseignants et, pour ce qui est des rencontres avec les artistes, de l'implication des collectivités territoriales ; le risque est que toute la charge finisse par reposer sur elles, qui n'en peuvent plus. La gratuité de l'accès aux musées a permis aux institutions d'accueillir de nouveaux publics, je l'ai constaté. Mais, là encore, il faut un professeur passionné. Comment généraliser cette médiation ?
Enfin, M. Gérald Darmanin a justement souligné les efforts qui ont été faits en faveur de la déconcentration. Bien des musées de province ont des richesses extraordinaires ignorées, qui devraient être durablement mises en valeur.
Le débat sur la gratuité de l'accès des jeunes de moins de 26 ans au musée est loin d'être tranché. M. Henri Loyrette, président-directeur du musée du Louvre, m'avait ainsi indiqué qu'en utilisant différemment les ressources allouées à cette fin il pourrait accueillir au Louvre trois fois plus de classes que le musée n'en accueille actuellement. Autant dire que la gratuité n'est pas forcément la meilleure solution pour démocratiser l'accès aux collections.
L'enseignement de l'histoire des arts n'est qu'un avatar des engagements de M. Nicolas Sarkozy, qui portaient sur les pratiques. Il est temps d'en revenir à l'essentiel, l'ouverture que permet l'éducation artistique et culturelle, en se fondant sur le plan Tasca-Lang de développement des arts à l'école.
Je salue enfin le courage des décisions prises par le Gouvernement à propos des investissements projetés dont M. Michel Herbillon a dressé la liste. Ces investissements représenteraient les charges de fonctionnement de demain, pour des budgets contraints. Je rends hommage à la ministre, qui a sanctuarisé le programme « Création », comme il le fallait.
Il est vrai que vouloir assurer l'enseignement transversal de l'histoire des arts, des sciences et des technologies est un programme très ambitieux et compliqué à mettre en oeuvre. Quelles pistes, madame Langlade, devraient être explorées en priorité ? Monsieur Darmanin, vous recommandez la conduite d'études visant à évaluer les politiques de gratuité d'accès aux monuments et musées nationaux ; la gratuité est-elle, selon vous, une condition suffisante pour permettre l'accès à la culture au plus grand nombre ?
Le budget de la culture participe à l'effort national de réduction des dépenses mais j'observe que notre patrimoine littéraire, dont La Princesse de Clèves, n'est pas menacé… Plus sérieusement, Mme Colette Langlade a fait état, à propos de l'enseignement obligatoire de l'histoire des arts, d'un projet « ambitieux » mais à la définition « laborieuse » et d'application difficile ; qu'en est-il plus précisément ? Pour sa part, M. Gérald Darmanin souhaite subordonner l'octroi des aides à la création accordées par le ministère de la culture aux artistes à l'obligation pour ces derniers de participer à des actions de médiation culturelle ; quelle forme prendrait cette obligation ?
Dans le dossier de presse qu'il a diffusé, le ministère du budget affirme que la politique d'investissement de l'État en matière culturelle sera rééquilibrée en faveur des régions. L'intention est louable, mais la lecture des documents budgétaires fait sérieusement douter de sa mise en oeuvre. Les rapporteurs pourraient-ils nous indiquer quels leviers traduisent cette orientation ?
Des moyens supplémentaires sont alloués à l'éducation artistique et culturelle, priorité nationale ; je m'en réjouis. Elle demande que, hors temps scolaire, des partenariats soient noués avec les collectivités territoriales et les autres acteurs concernés, ce qui permettrait de décloisonner les dispositifs et de favoriser l'accès des jeunes à l'art, singulièrement à l'art contemporain. Cette approche serait d'un intérêt particulier pour les territoires ruraux, à partir desquels l'accès aux collections permanentes est très compliqué – la préparation de telles sorties mobilise couramment les enseignants pendant un an.
La nécessité d'approfondir et de formaliser la notion de « parcours » a également été évoquée, pour favoriser la concertation entre tous les acteurs d'un territoire. Cette démarche a donné lieu à la création d'un groupe de travail et au lancement d'une expérimentation dans sept régions en 2012 ; certaines conclusions sont-elles déjà connues ?
Ce budget présente des incohérences dont la moindre n'est pas que l'on dit souhaiter favoriser l'accès à la culture tout en définissant une politique frileuse. Le gouvernement axe sa communication sur la jeunesse. Certes, les crédits des écoles d'art augmentent de 6 millions d'euros, mais le plan d'éducation artistique et culturelle destiné à favoriser l'accès des jeunes à la culture, qui devait être financé à hauteur de 15 millions d'euros d'ici 2015, dont 3 millions en 2013, n'est pas défini ; qu'en penser ? Sur le fond, comment soutiendra-t-on la création dans les années à venir si le budget de la culture pour 2013 et les suivants sont en baisse ?
L'établissement public de coopération culturelle du Pont du Gard, que je préside, reçoit chaque année plus de 1,3 million de visiteurs, dont 40 000 élèves. Il dispose d'une salle d'exposition de 700 m². Nous y présentons en ce moment une exposition de culture scientifique itinérante intitulée « Ma terre première pour construire demain », fruit du partenariat noué avec la Cité des sciences et de l'industrie. Je prendrai langue avec le Centre Pompidou mobile pour envisager la signature d'une convention entre nos deux institutions.
Le budget qui nous est présenté ne peut que susciter des craintes supplémentaires sur l'évolution des crédits déconcentrés, dont l'expérience montre qu'ils subissent l'essentiel de la baisse lorsque les crédits d'un ministère diminuent. Dans ma circonscription, une église doit être rénovée. La dépense prévue est de 2 millions d'euros, et la part de l'État devait être comprise entre 65 000 et 70 000 euros ; qu'en sera-t-il maintenant ? Plus généralement, quelle sera l'évolution des crédits déconcentrés ?
Ma seconde observation n'a pas trait au budget mais au rôle, souvent critiqué par les élus locaux, des architectes des Bâtiments de France. « Heureusement qu'ils sont là », viens-je d'entendre dire dans la salle. Certes, mais ils font souvent preuve d'un interventionnisme qui empêche les collectivités locales de mener à bien certains projets. Un équilibre doit être trouvé entre leur interventionnisme et la liberté d'agir des collectivités.
Je ne retiendrai de ce qui a été dit sur le budget que les aspects positifs : la volonté d'ouverture, le respect des engagements du Président de la République, le recentrage sur l'humain et la jeunesse. Lundi dernier encore, devant la commission élargie, la ministre a réaffirmé la mise en oeuvre, dans le cadre du débat sur la refondation de l'école lancé par le ministre de l'éducation nationale, d'une démarche partenariale et interministérielle en vue de généraliser l'éducation artistique et culturelle.
Que celles et ceux qui s'interrogent se rassurent : comme je l'ai indiqué devant la commission élargie, l'éducation artistique et culturelle bénéficiera de 2,5 millions supplémentaires en 2013, puis de 5 millions en 2014 et de 7,5 millions en 2015.
Monsieur Herbillon, le financement de l'État prévu pour le projet Lascaux IV, un temps menacé, a été confirmé.
La mise en oeuvre de l'enseignement obligatoire d'histoire des arts a été laborieuse en raison du manque de formation des enseignants. Pour surmonter ces difficultés, le rapport indique les pistes à privilégier. Il conviendrait d'améliorer la formation initiale des enseignants en introduisant l'histoire de l'art dans le programme des masters professionnels ; de suivre l'une des préconisations du rapport de la concertation sur l'avenir de l'école tendant à regrouper les horaires pour offrir des plages plus longues d'éducation artistique et culturelle ; de repenser la formation pédagogique au sein des établissements ; de favoriser une plus grande concertation avec les directeurs d'académie et les recteurs ; de renforcer les partenariats avec les collectivités territoriales.
Le rééquilibrage en faveur des régions est une réalité : pour ne citer qu'un seul exemple, les crédits déconcentrés de fonctionnement inscrits au programme 131 en faveur du spectacle vivant s'élèveront à 283 millions d'euros en 2013 contre 279 millions en 2012.
Il est indispensable que tous les établissements, de l'école au lycée, continuent de s'approprier l'enseignement artistique pour garantir l'égal accès de tous les enfants à la culture, sur l'ensemble de nos territoires, ruraux et urbains.
Madame Dumas, ce que vous avez dit de la compensation de la gratuité d'accès aux musées n'est pas exact. Non seulement elle a toujours été faite mais, dans son rapport thématique de 2011, la Cour des comptes indiquait qu'étant donné l'incertitude sur la perte de recettes réelle, il y a eu une surcompensation de 11,3 millions d'euros en 2010. Le trop perçu n'a pas été récupéré, un accord étant trouvé dans certains cas pour que les sommes considérées soient utilisées par certains musées, dont le Louvre, pour réaliser des travaux sans abondement par l'État de sa subvention.
L'exemple que vous avez donné, madame Attard, du musée national de Copenhague incite à s'interroger sur l'impact de la gratuité sur la structure des publics, une fois passée la curiosité initiale. Pour moi, la question de fond est celle de la communication et, plus précisément, des publics ciblés par la communication relative à la gratuité : si l'on ne s'adresse qu'à ceux qui vont habituellement au musée, on ne suscite qu'un effet d'aubaine. Il faut viser les publics éloignés de la culture, et favoriser la médiation des professeurs. C'est pourquoi, vous l'aurez lu, je recommande à la ministre de la culture de fixer aux présidents des grands musées nationaux des objectifs de démocratisation des publics plus précis.
M. François de Mazières, M. Patrick Hetzel et M. Gwenhaël Huet se sont inquiétés à juste titre de la baisse des crédits de restauration. Elle est de 13 % pour les monuments historiques appartenant à l'État et de 11 % pour ceux qui ne lui appartiennent pas.
Vous m'avez interrogé, madame Genevard, sur la proposition d'un sénateur tendant à ce que l'État contrôle la capacité financière d'un acquéreur potentiel de monument classé à l'entretenir. Le sujet est compliqué. L'État détient 4 % des 14 000 monuments classés et des 27 000 monuments inscrits ; les communes en possèdent 44 %, les autres collectivités publiques 6 % et les propriétaires privés 46 %. Étant donné cette répartition, si, faute de ressources suffisantes, des communes se délestent de monuments classés ou inscrits et que des personnes privées les reprennent, il faudra leur faire confiance. Outre que les personnes privées, bien souvent, restaurent formidablement leurs propriétés, je ne suis pas certain que les crédits existent pour aider à la restauration de ces bâtiments.
Comme vous, monsieur Hetzel, je me suis étonné du décalage entre les affirmations contenues dans le dossier de presse du ministère du budget et des documents budgétaires qui, selon moi, traduisent bien davantage une répartition de la pénurie qu'une ventilation de crédits supplémentaires.
Je recommande, madame Martinel, que les créateurs aidés par l'État offrent quelques heures de médiation au bénéfice des publics éloignés des pratiques artistiques et culturelles. J'ai fait cette proposition au conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, qui aide beaucoup les artistes locaux et dont la majorité est d'une autre sensibilité politique que la mienne ; elle a été acceptée et généralisée. Ainsi, chaque troupe subventionnée pour se rendre au festival d'Avignon a fait cinq représentations gratuites dans des lycées, des écoles ou des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Tel est le sens de ma proposition.
La Commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits pour 2013 de la mission « Culture ».
La séance est levée à onze heures quarante.