Commission des affaires étrangères

Réunion du 3 février 2016 à 9h45

Résumé de la réunion

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La réunion

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Audition de Mme Kareen Rispal, Directrice des Amériques et des Caraïbes au ministère des Affaires étrangères et du développement international, sur les relations bilatérales entre la France et les Etats-Unis.

La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.

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Nous accueillons aujourd'hui Mme Kareen Rispal pour une réunion consacrée à la politique étrangère des États-Unis et aux relations bilatérales entre nos deux pays. Sur les dossiers de politique internationale, les convergences avec ce grand pays allié sont nombreuses, ce qui n'interdit pas toutefois des divergences.

Pouvez-vous dresser un bilan de la politique étrangère de M. Obama qui fait l'objet de critiques contradictoires ? Alors qu'il a été élu pour mettre fin aux guerres, son action a suscité des déceptions. Peut-on parler d'un désengagement américain ? Le ministre des affaires étrangères, lors de sa dernière audition, a tenu des propos assez critiques sur le processus de décision du président américain.

Nous souhaiterions connaître votre sentiment sur l'attitude des États-Unis au Moyen-Orient. La coopération entre nos deux pays a connu des améliorations sur le plan diplomatique et militaire. Mais, après l'accord nucléaire avec l'Iran, nous sommes préoccupés par la concrétisation des perspectives, au demeurant prometteuses, pour nos entreprises.

Sur le conflit israélo-palestinien, malgré l'activisme de John Kerry, l'engagement du président américain a été faible.

Quant à la Syrie et à la Libye qui nous préoccupent particulièrement, j'ai entendu des critiques très fortes émanant de nos partenaires de la région vis-à-vis des États-Unis, à l'égard desquels la défiance semble s'être installée, en particulier de la part de l'Égypte et de l'Arabie saoudite.

Vous nous parlerez enfin de la politique asiatique, ainsi que des relations entre M. Obama et M. Poutine qui sont très tendues sur l'Ukraine, mais le sont moins sur la Syrie.

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Kareen Rispal, directrice des Amériques et des Caraïbes au ministère des affaires étrangères

Afin de dresser un tableau de la politique étrangère de M. Obama, j'aborderai trois chapitres : d'abord, la politique étrangère de Barack Obama est-elle le signe d'un désengagement américain ou d'une realpolitik avec laquelle il nous faut composer ? En deuxième lieu, quel est l'effet de cette évolution sur la politique étrangère française ? Je terminerai enfin par quatre points qui méritent une attention particulière dans nos relations avec les États-Unis.

Il existe de nombreuses critiques aux Etats-Unis à l'égard de la politique étrangère de M. Obama, jugée faible, mais il est aussi possible d'y voir non pas de la faiblesse mais du pragmatisme. Les États-Unis sont-ils arrivés à la conclusion qu'ils ne veulent plus, ou ne peuvent plus, agir seuls ? M. Obama privilégie-t-il l'entremise diplomatique ? Il faut en premier lieu remettre en perspective cette question avec la scène politique intérieure américaine. M. Obama a été élu alors que l'opinion publique américaine ressentait les effets d'une « war fatigue », après une décennie d'interventions armées. En outre, l'autosuffisance énergétique programmée des États-Unis accroît leur indépendance vis-à-vis du Moyen-Orient et de la Russie, qui disposent de moins en moins de ce levier d'influence auprès des Etats-Unis. Ensuite, à l'instar d'autres pays soumis aux contraintes budgétaires, les États-Unis appellent aujourd'hui à « partager le fardeau » de la sécurité mondiale. Enfin, la révolution technologique — les drones, la cyber-technologie, les télécommunications — leur ouvre de nouvelles perspectives et les conduit à envisager leur rôle différemment.

Sur le plan extérieur, les États-Unis ont pris en compte la nouvelle donne internationale : le monde est devenu multipolaire — selon une expression que le président américain reprend lui-même désormais dans son discours. La Chine requiert une attention accrue : en témoignent les efforts de l'administration pour conclure le Partenariat Trans-Pacifique, l'activité chinoise en mer de Chine ainsi que les tentatives pour s'entendre sur les questions cyber.

Cette évolution correspond aux convictions de M. Obama. Il établit une distinction entre les « intérêts stratégiques » ou existentiels, pour reprendre son expression, et les autres, secondaires. Il considère qu'il n'incombe pas aux États-Unis d'assumer seuls la charge de la sécurité et de la paix internationales et que son pays ne peut pas reconstruire l'ensemble des Etats faillis et des sociétés qui s'effondrent, tâche qui incombe aux acteurs locaux. Les États-Unis sont prêts à apporter leur appui à leurs alliés, mais pas, ou plus, à faire les choses à leur place.

A cette fin, les États-Unis disposent d'une palette d'instruments — militaire, diplomatique et commercial — sur lesquels ils peuvent jouer pour exercer ce smart power — ou « puissance intelligente ». M. Obama est resté fidèle à cette approche depuis 2009, qu'il a définie comme une utilisation sage de la puissance militaire, cherchant à rallier le plus grand nombre aux causes « justes » du monde.

On trouve une illustration de cette politique au Proche et au Moyen-Orient : dans son dernier discours sur l'état de l'Union, le président américain a affirmé que Daech ne représentait pas une menace existentielle pour les États-Unis. Dans cet usage raisonné de la puissance, les opérations de précision sur le terrain prennent une part grandissante, avec l'utilisation de drones, de forces spéciales ou d'attaques ciblées. Il serait toutefois faux de dire que les États-Unis ne prennent pas leur part dans la coalition internationale : sur les 9 000 frappes de cette dernière, ils en ont réalisé 7 000.

Cette politique constitue-t-elle un succès ou un échec ? Dans le discours sur l'état de l'Union, M. Obama a souligné plusieurs succès de son mandat, en premier lieu l'aboutissement des négociations sur l'accord nucléaire iranien dans lequel l'administration s'est fortement impliquée pour parvenir à l'Implementation Day. Il a également cité la COP 21 et l'accord de Paris, dont le résultat — sans l'engagement des États-Unis — n'aurait pas été du niveau que l'on connait. Le président Obama a également souligné le succès de l'aboutissement des négociations du Partenariat Trans-Pacifique - bien que la ratification par le Congrès ne s'annonce pas facile - ; le succès de la lutte contre le virus Ebola ou encore la reprise des relations diplomatiques avec Cuba.

Ce discours laisse apparaître en creux les dossiers qui restent difficiles. Le premier est évidement celui du processus de paix au Proche-Orient sur lequel les Etats-Unis se sont toutefois mobilisés : John Kerry a rencontré M. Abbas à quarante reprises et M. Netanyahou soixante fois en l'espace d'un an et demi. Il est urgent d'élargir le cadre des discussions.

Avec la Russie, en dépit des efforts déployés en début de mandat, le « reset » — le redémarrage — n'a pas fonctionné ; les « irritants » persistent. Concernant la crise syrienne, les États-Unis continuent de privilégier la coalition arabo-occidentale, en formant et en armant les troupes locales, en conduisant des frappes aériennes, en cherchant à tarir les sources de financement de Daech et en surveillant la frontière turco-syrienne.

Les États-Unis défendent de grandes causes et de grands principes — par exemple la non-prolifération —, mais ils ont aussi en parallèle le souci de leurs intérêts, comme de nombreux pays. Il est manifeste que leur politique étrangère est devenue plus prudente et plus économe. C'est une politique étrangère qui est aussi sensible aux évolutions de l'opinion publique américaine. On notera qu'au début du second mandat de M. Obama, elle recueillait 50 % d'opinions favorables ; ce pourcentage est aujourd'hui de 33 %.

J'en viens à mon deuxième chapitre. Quelles peuvent être les conséquences de la nouvelle approche américaine sur la politique étrangère de la France ? En effet, cette position en retrait des Américains ouvre la possibilité de coopérations étroites avec leurs partenaires. Parmi ceux-ci, la France est un élément essentiel, reconnu pour sa contribution diplomatique et militaire : elle est le seul pays de l'Union européenne à disposer de tous les outils de l'autonomie stratégique ; elle s'engage sur le terrain, elle soutient des positions diplomatiques fermes et défend des valeurs similaires.

La relation franco-américaine connaît ainsi une dynamique exceptionnelle. La lutte contre le terrorisme est le meilleur exemple de cette coopération sur le plan diplomatique — on l'a vu avec la résolution 2178 sur les combattants terroristes étrangers ou avec le Comité des sanctions créé par le Conseil de sécurité des Nations unies à la suite de la résolution 1267.

Ceci se traduit aussi sur le terrain. L'action de la France a été soutenue par la mise à disposition de ressources logistiques et financières exceptionnelles, en particulier au Sahel. Les États-Unis ont apporté un appui dans le domaine des transports, de la logistique, du ravitaillement en vol et du partage du renseignement. Ils nous ont accordé un droit de tirage budgétaire pour les opérations Serval et Barkhane qui a été pérennisé. La coopération en matière de renseignement est également intense.

Les États-Unis demeurent un interlocuteur incontournable pour la résolution et la gestion des grandes crises internationales. Sur le nucléaire iranien, la France a joué un rôle fondamental. Jusqu'au bout, elle a soutenu la recherche d'un accord robuste, conforme à nos exigences en matière de non-prolifération. Mais il n'y aurait pas eu d'accord sans les États-Unis.

Sur l'Ukraine, malgré des divergences, les États-Unis ont apporté leur soutien aux négociations en « format Normandie » et à la mise en oeuvre du paquet des accords de Minsk.

Enfin, sur la COP21, la collaboration a été très positive. Les États-Unis, sans lesquels l'accord n'aurait pas été possible, ont notamment joué un rôle important pour convaincre la Chine d'en être partie prenante.

Cette dynamique exceptionnelle des relations bilatérales n'interdit pas les différences d'appréciation. Les États-Unis sont, comme d'autres, soucieux de leurs intérêts. À cet égard, je tiens à appeler votre attention sur plusieurs points.

En premier lieu, la politique étrangère américaine marque désormais une distinction nette entre les dossiers dans lesquels un intérêt stratégique ou existentiel est en jeu pour les Etats-Unis et le traitement des autres crises régionales. Le président Obama a lui-même indiqué dans le discours sur l'état de l'Union que Daech ne représentait pas une menace existentielle pour les Etats-Unis, ce qui a des implications sur la façon dont Washington voit la crise actuelle en Syrie.

En deuxième lieu, chacun sait désormais que les Etats-Unis investissent massivement dans les moyens de renseignement et le traitement des données dans le but de préserver leur sécurité. Cela peut conduire à des situations de tension avec les Etats européens comme nous l'avons observé récemment l'été dernier.

En troisième lieu, dans la compétition pour le développement des nouvelles technologies, les États-Unis tiennent à garder une avance, vue comme un élément essentiel de leur puissance.

En dernier lieu, en matière économique et commerciale, chacun doit être bien évidemment attentif à ses intérêts en parallèle des grandes opportunités qui peuvent exister entre l'Europe et les Etats-Unis. S'agissant des négociations du Partenariat Transatlantique sur le Commerce et l'Investissement (PTCI ou encore TAFTA), nous avons conscience que les États-Unis sont un partenaire économique majeur pour l'Union européenne, mais nous avons des intérêts offensifs et défensifs. Ces négociations seront cruciales pour l'avenir de nos relations.

En conclusion, je ferai deux remarques : la France et les États-Unis sont des partenaires incontournables. Nous avons besoin l'un de l'autre, ce n'est pas un aveu de faiblesse que de l'admettre. Notre réponse est plus forte quand elle est commune. Cela n'enlève rien à notre liberté d'action et d'appréciation. Des différences d'appréciation demeurent sur un certain nombre de sujets : Cuba, le conflit israélo-palestinien, la réforme du Conseil de sécurité des Nations unies, les relations entre la Russie et l'Ukraine ou la Syrie.

Il faut se réjouir de la vitalité de la relation franco-américaine et ne pas seulement raisonner dans la logique d'une relation du faible au fort. Chaque pays est respectivement le premier partenaire de l'autre pour les investissements croisés ; les échanges entre les jeunes sont particulièrement dynamiques ; l'image de la France s'améliore — 79 % des Américains ont aujourd'hui une bonne image de la France, contre 39 % au coeur du différent de 2003 sur la guerre en Irak. Le groupe d'amitié avec la France au Congrès américain est celui qui compte le plus de membres, avec 110 membres.

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Les relations entre la France et les États-Unis n'ont jamais été simples. Nous sommes alliés, mais la France est attachée à son indépendance.

Les États-Unis raisonnent en fonction de leurs intérêts, comme nous le faisons nous-mêmes. On leur reproche à la fois leur impérialisme lorsqu'ils interviennent et leur inaction lorsqu'ils n'interviennent pas.

Pouvez-vous préciser quels sont les ressorts profonds des décisions américaines et les éventuels débats internes au sein de l'administration ?

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S'agissant d'Israël et de la Palestine, le processus est en panne. Laurent Fabius a demandé la tenue d'une conférence internationale sur ce sujet, ce que M. Abbas réclame également. Quelles sont les chances, compte tenu des positions américaines, que cette conférence voie le jour prochainement ?

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La nouvelle donne internationale est une évidence. Les États-Unis l'ont analysée en constatant la perte de leur leadership. Les hyperpuissances ont cédé la place à des puissances relatives. Ils tirent en effet les conséquences de leur échec au Proche et au Moyen-Orient, mais leur retrait s'accompagne d'une forte agressivité en matière commerciale, notamment avec les lois extraterritoriales. Ils utilisent tous les moyens. Nous devons savoir nous défendre.

Je suis toujours étonné de la capacité de la diplomatie américaine à recevoir un non catégorique de notre part. Ils sont plus à même que les Britanniques de comprendre que l'on peut leur résister. Je regrette donc que nous ne leur disions pas non plus souvent.

Le président américain n'est pas le chef de la politique extérieure des États-Unis ; le Pentagone a sa propre politique, tout comme la CIA, le department of commerce ou le ministère de la justice. Le président peine à coordonner les différents acteurs et à imposer aux multiples administrations, sans parler du renseignement, une politique cohérente.

Qu'en est-il, enfin, de la querelle linguistique ? L'utilisation accrue de l'espagnol n'est pas, selon moi, sans conséquence sur l'avenir.

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L'Europe existe-t-elle encore pour les États-Unis ? Les ex-pays du bloc de l'Est peuvent-ils encore croire que ceux-ci pourraient se mobiliser pour eux ? Une intervention comme celle du Kosovo est-elle encore concevable dans la politique américaine ?

Si, demain, la France décidait de prendre son autonomie en brisant l'embargo vis-à-vis de la Russie, les États-Unis applaudiraient-ils des deux mains ?

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Quelle a été l'attitude des États-Unis lors de la réunion des cinq ministres de la défense qui sont les plus importants contributeurs militaires dans la lutte contre Daech ?

Le président français en visite à Washington en février 2014 avait évoqué une alliance transformée entre nos deux pays. Qu'en est-il ?

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Comment la politique étrangère américaine pourrait-elle évoluer à l'issue de l'élection présidentielle à venir, que ce soit avec Hillary Clinton pour les démocrates ou avec Marco Rubio pour les républicains ? Je prends le pari qu'il sera leur candidat, car il est le réel vainqueur des élections de l'Iowa.

Pour mettre en oeuvre l'accord de Paris, l'administration choisira-t-elle de s'appuyer sur le Clean Air Act ou de passer par le Sénat au risque que la majorité républicaine ne ruine l'exercice dans sa totalité ?

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On a l'impression que l'Iran a négocié directement avec les Américains tandis que la France s'agitait dans d'autres sphères. Quel a été exactement le rôle des États-Unis dans la conclusion de l'accord sur le nucléaire iranien ?

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Concernant le TAFTA, quel est le calendrier pour l'issue des négociations ? Quelle est la position du Congrès ? Quels sont les principaux points d'achoppement entre les deux parties ?

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Sur le TAFTA également, quelles sont les différences de point de vue entre la France et les autres pays européens ? Comment s'expriment-elles dans la relation avec les États-Unis ?

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Pouvez-vous préciser la position des États-Unis dans le conflit syrien ? Quelles sont les conséquences de l'accord iranien sur leurs relations avec l'Arabie saoudite ? Une distance s'est-elle installée avec leur allié traditionnel dans la région ?

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L'extraterritorialité a aussi des conséquences sur la situation de ceux que je qualifie d'Américains accidentels. À cause du Foreign Account Tax Compliance Act (FACTA), les Français, nés aux États-Unis qui n'y ont jamais vraiment vécu et ne parlent souvent pas l'anglais, se voient contraints de payer des impôts aux États-Unis. Que comptez-vous faire pour remédier à cette situation scandaleuse ?

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Kareen Rispal, directrice des Amériques et des Caraïbes au ministère des affaires étrangères

La loi américaine de 2010 fait obligation aux établissements financiers à l'étranger de transmettre à l'IRS — l'administration fiscale américaine — des informations sur les comptes bancaires détenus par des contribuables américains. Un accord est intervenu en 2013 pour confier à l'administration américaine la transmission de ces données afin de protéger les établissements bancaires et nos ressortissants.

Certains Français, nés aux États-Unis qui n'y ont pas vécu, sont concernés. Même si leur nombre reste limité, la situation n'en est pas moins difficile pour eux. Nous répondons à ceux qui nous saisissent de ce problème, d'une part, que les conventions fiscales avec les États-Unis interdisent la double imposition et, d'autre part, qu'ils peuvent toujours renoncer à la nationalité américaine, à l'issue, il est vrai, d'un processus long et coûteux.

Pour autant, cette situation n'est pas satisfaisante. Nous dialoguons avec l'ambassade américaine à Paris ainsi qu'avec l'administration à Washington pour trouver une solution décente. Nous avons pleinement conscience de cette difficulté.

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La mission d'information sur l'exterritorialité de la législation américaine, qui vient de se constituer et qui est commune à la commission des finances et à la commission des affaires étrangères, sera offensive sur ce sujet. Peut-être pourrez-vous vous appuyer sur ses travaux pour soutenir vos démarches.

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Kareen Rispal, directrice des Amériques et des Caraïbes au ministère des affaires étrangères

Le PTCI doit aboutir à un accord entre deux partenaires commerciaux. Cet accord est voulu par les États-Unis qui savent les bénéfices qu'ils peuvent en espérer. Ce serait aussi pour eux une nouvelle forme de partenariat, intervenant après la réduction de leur présence militaire en Europe.

Le vote par le Congrès de l'autorisation de mener des négociations commerciales devrait permettre d'accélérer le rythme des négociations. La négociation comprend trois piliers : l'accès aux marchés, la convergence réglementaire et les nouvelles règles destinées à faciliter et à rendre plus équitables les exportations, les importations et les investissements.

Les deux parties ont échangé leurs offres. Sur le volet tarifaire, les négociations avancent plutôt bien, d'après ce que nous en savons. La prochaine des trois sessions - qui doivent se tenir avant l'été - aura lieu le 22 février. Elle est importante, car devraient y être abordées les questions non-tarifaires, notamment les marchés publics, qui constituent nos principaux intérêts offensifs dans la négociation. Les indications géographiques, au titre des intérêts défensifs, et les services financiers, au titre des intérêts offenifs, sont des sujets majeurs. Je rappelle qu'à notre demande les services audiovisuels ont été exclus de la négociation.

Quant au mécanisme de règlement des différends — Investor State Dispute Settlement (ISDS) — la Commission européenne, a proposé un mécanisme plus juste, dans lequel le tribunal d'arbitrage serait professionnalisé et transformé en cour permanente, avec des juges en lieu et place des arbitres.

Nous avons, à maintes reprises, exprimé notre souci quant à la transparence du processus de négociation. Nous avons ainsi demandé avec insistance à avoir accès à l'offre américaine.

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État chargé du Commerce extérieur, de la Promotion du tourisme et des Français de l'étranger, réunit tous les trois mois des représentants de la société civile pour les tenir informés de l'avancement des négociations. Il est possible de consulter les documents se rapportant à celles-ci auprès du Secrétariat Général des Affaires Européennes.

Soyez rassurés : nous tenons des positions très fermes dans cette négociation, affirmons haut et fort nos intérêts offensifs et défensifs tout en insistant, chaque fois que c'est possible, sur la nécessaire transparence.

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Les marchés publics constituent en effet un intérêt offensif. Quelles garanties avons-nous que ce qui sera négocié par les États-Unis s'appliquera aux États fédérés, dont les marchés publics nous intéressent particulièrement ? Force est de constater que, au regard des institutions américaines, ce n'est pas une évidence.

S'agissant du mécanisme de règlement des différends, la proposition de la Commission européenne reprend en partie la proposition française. Notre commission avait mis en exergue les dérives de l'arbitrage dès la discussion du mandat de négociation, mais elle n'a pas été écoutée.

Le dispositif proposé suscite des interrogations : il prévoit la création d'une juridiction de première instance et d'une juridiction d'appel. Or la convention de Washington pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre États et ressortissants d'autres États, à laquelle nous sommes partie prenante, interdit les recours en appel. Quelle est votre analyse de la compatibilité du dispositif proposé avec cette convention ?

Second point, le Partenariat Trans-Pacifique comporte un ISDS. Les Américains sont traditionnellement méfiants à l'égard des cours internationales. Ils n'ont de surcroît jamais été condamnés par une juridiction d'arbitrage. Quel est donc leur intérêt à accepter une telle proposition, puisque le dispositif actuel leur convient ? Si les Américains cèdent, quel sera le prix pour nous de cette concession ?

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Je reviens sur ma question sur les différences d'appréciation entre la France et ses partenaires européens.

Par ailleurs, je regrette que les agriculteurs et les ouvriers ne bénéficient pas du même traitement que les services audiovisuels au regard du traité à venir ; ils ont sans doute moins de valeur que le cinéma français.

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Les clauses ISDS ont été introduites par la convention de Washington, dite aussi convention CIRDI, pour apporter des garanties dans les négociations avec les pays dépourvus de système juridique, ce qui n'est le cas ni des États européens ni des États-Unis. Ce que vient de dire Seybah Dagoma est frappé au coin du bon sens. J'ajoute que la sentence arbitrale n'est pas forcément exécutoire dans l'ordre interne. Le contentieux peut ainsi durer des dizaines d'années. La meilleure solution consiste à supprimer cette clause d'arbitrage qui n'a pas lieu d'être dans des rapports entre États civilisés.

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La Cour de justice de l'Union européenne a invalidé la décision relative au Safe Harbor encadrant le transfert de données personnelles de l'Union européenne vers les États-Unis. Le vide juridique qu'elle a laissé est en voie d'être comblé par un prochain accord garantissant la protection des données personnelles transférées aux États-Unis. À quelle échéance peut-on espérer un accord ? Quelles assurances comportera-t-il sur la non-utilisation des données par la puissance américaine ?

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J'ai demandé à Mathias Fekl de venir devant la Commission qui consacrera une séance entière à cette question.

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Kareen Rispal, directrice des Amériques et des Caraïbes au ministère des affaires étrangères

Vous avez raison, l'accès aux marchés des États fédérés est un sujet de la négociation, sur lequel nous attendons les propositions américaines.

S'agissant de l'ISDS, de nombreux juristes se sont penchés sur le sujet, y compris l'articulation avec la convention de Washington. Par ailleurs, la réaction américaine n'a pas été de rejeter la proposition européenne : nous attendons leur réaction, ils savent l'importance que nous y attachons.

Sur l'Accord de Paris, M. Obama ayant privilégié la voie de l'executive agreement, l'accord ne devrait pas être soumis à la ratification du Congrès à majorité républicaine. L'accord pourra ainsi entrer en vigueur aux États-Unis dès qu'il aura été signé formellement par les États parties. L'ouverture à la signature est prévue le 22 avril à New York. L'accord doit recueillir la signature de cinquante-cinq États représentant au moins 55 % des émissions mondiales de CO2 pour entrer en vigueur.

Si le prochain président américain voulait revenir sur cet engagement, il ne pourrait le faire qu'au terme de son mandat, car l'accord ne peut être dénoncé qu'à l'issue d'un délai de trois ans après son entrée en vigueur ; la dénonciation elle-même ne prend effet qu'un an après sa notification.

S'agissant de l'accord Safe Harbor, l'arrêt Schrems de la Cour de justice a créé un vide juridique. Des négociations, dont nous ne connaissons pas le contenu, sont en cours sur un accord Safe Harbor II. Le vice-président de la Commission, Andrus Ansip, et la commissaire Věra Jourová ont tenu hier une conférence de presse au cours de laquelle ils ont présenté le nouvel accord conclu comme bénéficiant d'un mécanisme solide. La Commission aurait reçu des assurances du Secrétaire au Commerce américain sur les limitations applicables aux programmes de surveillance américains. Les États-Unis se seraient également engagés à nommer un médiateur spécial — un Ombudsman —, comme nous le souhaitions, et à procéder à une révision annuelle conjointe de l'accord. D'après eux, le dispositif envisagé correspond aux besoins de l'Europe, de ses citoyens et des entreprises : il est juridiquement plus contraignant et assorti de garanties écrites. Le vice-président est convaincu que ce paquet sera plus fort que le précédent.

Concernant l'extraterritorialité des sanctions, nous connaissons le problème depuis 2005 et la condamnation d'ABN AMRO. La mission d'information que vous constituez permettra de rassembler des analyses et propositions. Dans la perspective de la levée des sanctions en Iran, dès le mois de juillet, le ministre des affaires étrangères, avec ses homologues allemand et britannique, a demandé à John Kerry de fournir, le moment venu, des documents explicatifs à destination des entreprises pour savoir précisément quelles sanctions seraient effectivement levées. Nous avons reçu une première réponse, montrant une bonne volonté des Américains, même si quelques questions techniques demeurent et font l'objet d'échanges entre Européens et Américains — par exemple dans le domaine de l'aviation civile. Ces sanctions freinent les entreprises qui hésitent à prendre le risque. Le même problème se pose pour Cuba.

En matière de politique intérieure, le premier caucus de l'Iowa a été très médiatisé, mais il faut savoir que cet État compte seulement 3 millions d'habitants et 150 000 électeurs environ participent effectivement aux primaires ; c'est un Etat divisé, à la fois très conservateur et très progressiste — 43 % des électeurs démocrates s'y disent socialistes. Chez les républicains, Donald Trump n'a pas capitalisé son avance dans les sondages, tandis que Ted Cruz a bénéficié du soutien des évangélistes et d'un appareil partisan plus efficace. Dans un caucus, il faut aller chercher les électeurs un par un pour qu'ils votent dans les 1 600 collèges. Chez les démocrates, Hillary Clinton a réussi à sauver cette première étape ; sa courte victoire face à Bernie Sanders ne me semble pas de nature à remettre en cause son avance au niveau national.

L'accord sur le nucléaire iranien suscite de l'inquiétude dans les pays du Golfe. C'est pourquoi les États-Unis se sont employés à rassurer leurs partenaires, au premier rang desquels l'Arabie saoudite, qui a d'ailleurs salué publiquement l'accord. La relation stratégique entre les deux pays demeure solide.

S'agissant des sanctions vis-à-vis de la Russie, il convient de rappeler qu'elles sont décidées au niveau de l'Union européenne pour une période déterminée, renouvelable. Pour les Européens, ces sanctions sont un moyen de pression en vue de la mise en oeuvre des accords de Minsk. Le renouvellement automatique ne laisserait pas de place au dialogue.

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Pouvez-vous nous en dire plus sur le processus de décision sous la présidence de M. Obama ? Comment le président s'accommode-t-il des positions contradictoires que défendent les différents services, et qui nous laissent parfois perplexes ?

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Kareen Rispal, directrice des Amériques et des Caraïbes au ministère des affaires étrangères

Il n'est pas évident de s'y retrouver dans le labyrinthe des agences américaines, malgré les efforts entrepris pour coordonner leur action. Le National Security Council joue un rôle croissant, notamment dans cette coordination. Ce qui est clair, c'est qu'in fine, c'est le président qui « siffle la fin de la partie ».

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Madame la directrice, je vous remercie. Vous avez bien souligné les points sur lesquels nous devons approfondir notre travail.

L'imperium américain ne s'exprime peut-être plus en matière diplomatique ou militaire, mais il se manifeste sur d'autres sujets. Il nous faut conserver à l'esprit que les États-Unis sont un grand allié avec lequel nous avons intérêt à trouver des points de convergence, tout en étant très fermes.

La commission des affaires étrangères essaiera d'apporter sa contribution à vos propres travaux.

Information relative aux missions d'informations

Création d'une mission d'information :

• Mission d'information sur l'extraterritorialité de la législation américaine

Membres :

SRC : Mme Estelle Grelier, Mme Marie-Line Reynaud

LR : M. Pierre Lellouche, M. Jacques Myard

La séance est levée à onze heures.