Réunion avec Son Exc. M. Ehab Badawy, ambassadeur en France de la République arabe d'Egypte.
La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.
Nous avons le plaisir et l'honneur de recevoir Son Excellence M. Ehab Badawy, ambassadeur d'Égypte à Paris, qui va nous donner son éclairage sur les évolutions intérieures et la situation régionale.
L'Egypte a désormais un nouveau Parlement, comme le prévoyait la dernière phase de sa transition politique. Les échanges parlementaires vont donc pouvoir reprendre, ce qui est évidemment positif. Vous savez que nous sommes très attachés à la qualité des relations entre la France et votre pays, et au rôle qu'il joue et doit continuer à jouer dans la région.
Pourriez-vous faire le point sur le chemin parcouru depuis juillet 2013 ? Selon vous, que reste-t-il à faire ? Il y a la situation économique et sociale, qui ne peut pas s'améliorer du jour au lendemain, bien sûr, et la question des droits des personnes sur laquelle nous sommes régulièrement alertés, vous le savez. Par ailleurs, quelle analyse faites-vous de la menace terroriste dans le Sinaï ? L'organisation « Province du Sinaï » aurait fait allégeance à Daech et serait à l'origine de nombreux attentats.
Au plan régional, comment l'Égypte a-t-elle accueilli la proposition française d'une conférence internationale sur le processus de paix au Proche-Orient ? Notre nouveau ministre des affaires étrangères a confirmé hier, lorsque nous l'avons reçu, son intention de continuer dans cette direction. Comment avancer ? J'en viens à l'Arabie saoudite, qui est un allié important de l'Egypte. Ne peut-on avoir quelques inquiétudes sur ses évolutions internes et sur la guerre au Yémen ? S'agissant de la Syrie, comment garantir l'application de la cessation des hostilités et la poursuite des discussions ? Comment percevez-vous l'action de Staffan de Mistura et de la Russie, avec laquelle votre pays a des relations très étroites ? La Libye nous inquiète aussi beaucoup. Le gouvernement d'union nationale n'est toujours pas approuvé par le Parlement. Votre pays a été un des acteurs du dialogue, notamment avec le Parlement de Tobrouk, et un soutien du général Haftar dont on dit qu'il continuerait à poser quelques problèmes.
Je voudrais tout d'abord vous prier, de vive voix, de m'excuser pour le report de cette réunion. Nous devions nous rencontrer il y a quelque temps, mais j'ai malheureusement été confronté à un cas de force majeure.
Je suis un ambassadeur heureux d'être à Paris, en raison des relations bilatérales extraordinaires qui existent entre nos deux pays. Je crois que votre ambassadeur au Caire en est tout aussi heureux que moi. Il est vraiment très agréable de travailler dans de telles conditions.
Que s'est-il passé en Egypte ? Il y a eu deux révolutions en moins de trois ans. Celle du 25 janvier 2011 pourrait sembler logique, car on ne peut pas rester trente ans au pouvoir sans finir déconnecté de la réalité. A titre personnel, je crois que si M. Moubarak avait eu la sagesse de se retirer en 2005, on verrait aujourd'hui des statues de lui un peu partout en Egypte. On le considèrerait comme une sorte de Mandela égyptien. Nous avions par ailleurs une croissance de 7 à 8 % à cette époque, ce qui fait rêver maintenant, même s'il y avait un vrai problème de distribution. Cette croissance ne bénéficiait qu'à une certaine partie de la population égyptienne.
Un processus démocratique exemplaire s'est déroulé après la révolution de 2011. Il a conduit au pouvoir ceux qui étaient les mieux organisés, c'est-à-dire les Frères musulmans. Pendant un an, ils ont alors tout fait pour que les Egyptiens ne veuillent plus d'eux. Sans énumérer toutes les fautes graves commises par le pouvoir islamiste, je voudrais rappeler les deux principales raisons qui ont conduit à son rejet. Tout d'abord, il était clair que les Frères musulmans se considéraient d'abord comme tels et non comme des Egyptiens. Leurs intérêts venaient avant ceux du pays. Si les Frères du Hamas rencontraient une difficulté à Gaza, les Frères musulmans au pouvoir au Caire étaient prêts à faire un geste en leur faveur au détriment de l'Egypte. Il y a eu aussi un amateurisme incroyable, qui s'est notamment traduit par la diffusion en direct d'une réunion organisée autour du président de l'époque, avec des conseillers et des dirigeants de partis politiques, sur la question du barrage que les Ethiopiens sont en train de construire au risque de nuire aux ressources en eau de l'Egypte. On a pu entendre le président de la République proposer de bombarder ce barrage et un de ses interlocuteurs lui répondre qu'il fallait plutôt demander aux services secrets de le dynamiter en passant par l'Erythrée.
L'Egypte est certes un pays tiers-mondiste, mais elle a une longue histoire dont elle a hérité de vraies traditions étatiques. Pour beaucoup d'Egyptiens, tout cela était simplement hallucinant. Trente millions de personnes, soit près d'un tiers de la population, sont donc descendues dans la rue pour demander le départ du pouvoir islamiste. L'Egypte est le pays qui a donné au monde arabe sa culture contemporaine, qu'il s'agisse du cinéma ou de la chanson. Pour les Egyptiens, il n'était pas concevable que leur pays, source de culture et de lumière dans la région, soit influencé par un islam wahhabite qui n'est pas nécessairement dans nos moeurs.
J'en viens à ce qui a été qualifié de « coup d'État ». J'ai fait mes études dans des établissements français et ma famille a des liens anciens avec la France. Je dois dire que j'ai été déçu par l'emploi de cette expression. Ce que faisaient les frères musulmans était-il ce que vous souhaitiez pour l'Egypte ? Cela correspondait-il à nos valeurs ? Je rappelle le rôle joué à ce moment-là par le recteur d'Al-Azhar et le patriarche copte. Des élections anticipées avaient été mille fois demandées et refusées et il n'y avait pas dans notre Constitution de procédure d'impeachment à l'américaine.
L'Egypte est aujourd'hui confrontée à plusieurs défis.
Le premier est posé par ce projet de barrage que l'Ethiopie a développé pendant cette période où nous étions affaiblis. Le projet de retenue est passé de 14 à 74 milliards de mètres cube, ce dans une zone sismique ! Nous avons donc dû rappeler à nos amis éthiopiens que le Nil représentait la vie pour les Egyptiens. Il a été calculé qu'un effondrement du barrage provoquerait en quelques heures une montée des eaux de 27 mètres à Khartoum. Il y a aussi des inquiétudes sur l'alimentation en eau pendant la période de remplissage du nouveau barrage : si celle-ci devait durer douze ans, cela pourrait aller ; six ans, nous pourrions encore nous adapter en abandonnant par exemple la culture du riz ; trois ans, cela provoquerait de très grandes difficultés. Nous avons donc des discussions difficiles avec l'Ethiopie en ce moment, d'autant que cette question entraîne aussi des tensions politiques internes.
La situation en Libye constitue un deuxième défi. Nous avons 1200 kilomètres de frontière commune et il y a dans ce pays un niveau extraordinaire d'activités terroristes, qui suscitent pourtant un désintérêt total. Les terroristes sont tranquilles en Libye car la communauté internationale ne semble pas s'en préoccuper.
Le Sinaï est notre troisième défi. Il reste un petit triangle entre El-Arich, Sheikh Zuweid et Rafah où les terroristes ont été repoussés mais qui reste très dangereux. Il est toujours plus difficile de débusquer les derniers 10 % de terroristes que les premiers 90 %, d'autant qu'il y a des complicités dans les populations locales. Notre action a toutefois mis fin aux attentats de masse, qui tuaient 50 ou 100 personnes, mais nos militaires et nos policiers continuent à payer un prix élevé. Environ 750 ont été tués et 750 familles les pleurent. Ceci pour dire que la réconciliation, à mon avis, ne se fera pas avant deux décennies. Son prix politique sera énorme et je ne sais pas quel dirigeant sera prêt à le payer. Le Président a déclaré que c'était au peuple et non à lui-même d'engager la réconciliation. Les Frères musulmans sont de toute façon devenus très minoritaires. Ils ont certes recueillis la majorité des suffrages il y a quelques années, mais ils sont aujourd'hui réduits à un noyau dur de peut-être 500 000 fidèles.
On pourrait estimer a priori que la situation est stabilisée, voire normalisée. Evidemment, dans le chaos général de la région, on peut dire que cela va dans le bon sens. Je voudrais pour ma part vous poser une question sur le fait que la lutte, nécessaire, contre le terrorisme, les excès de l'islamisme, conduit les autorités égyptiennes à étendre la répression à des forces démocratiques : des journalistes, des bloggeurs, des intellectuels, des étudiants sont traqués, je dirais même persécutés. Qu'est-ce qui peut justifier cette répression vers des personnes qui seraient plutôt en principe des alliés de l'Egypte vers un développement démocratique ?
Je ne m'étendrai pas sur la situation politique. J'ai eu l'honneur, en février dernier, à l'invitation du Free Egyptian Party, d'être dans votre pays et de constater le fort soutien populaire du gouvernement actuel. Ma question porte sur le problème de Christophe Naudin. Pour avoir travaillé avec lui pendant plus de vingt ans à la commission des lois, je le connais bien. C'est quelqu'un de fortement engagé contre le terrorisme, qui était dans votre pays pour présenter du matériel à votre ministère de l'intérieur, une personne dont la santé et fragile et, de surcroît, en l'absence de convention d'extradition entre l'Egypte et la République dominicaine, la demande d'extradition s'appuie sur la convention de Palerme qui concerne la traite d'êtres humains et le trafic illicite des migrants. Vous disiez qu'il faut regarder la situation en Egypte avec les yeux de la réalité, ne faut-il pas aussi dans ce dossier avoir aussi les yeux de la réalité, se rendre compte que le motif d'extradition ne tient pas la route ? Vous allez me dire que la justice égyptienne est en train de faire son travail, mais pourriez-vous me faire savoir où on en est exactement dans ce dossier ?
Merci de votre exposé. Je voulais vous interroger sur la Libye avec deux questions. Est-ce que vous considérez que la coopération franco-égyptienne est bonne aussi dans ce domaine-là, c'est-à-dire que les analyses diplomatiques et militaires sont totalement convergentes entre nos deux pays. Ma deuxième question concerne la situation intérieure libyenne. Quelles sont selon vous les chances de réussite d'un gouvernement d'union nationale dont l'histoire commence à trainer et commence à laisser perplexe de nombreux observateurs internationaux dans la mesure où la mission de l'ONU visant à fondre deux gouvernements en un seul a abouti à l'existence de trois gouvernements ? Pensez-vous que la structure d'émiettement du pouvoir en Libye permette un jour d'avoir un gouvernement d'union nationale ? Sinon, est-ce que vous pensez qu'il y a une chance qu'un pouvoir stable et fort s'impose en Libye, non pas par une intervention internationale que personne ne peut souhaiter, mais par l'émergence d'une force politique ? Je pose cette question car je sais que les relations entre l'Egypte et le général Hafter sont étroites et que ce général pourrait pour certains, même s'il n'y est pas parvenu jusqu'à présent, imposer une unification de l'intérieur qui n'arrive pas à se faire de l'extérieur.
Nous sommes actuellement en France et en Europe en guerre aussi contre le terrorisme. Quel conseil auriez-vous à donner à la France si vous en aviez un ? On est passé près d'une catastrophe, avec toutes les erreurs commises par les Américains qui en ont fait beaucoup et qui ont lâché l'Egypte qui fut leur allié pendant des années, et les Frères musulmans sont arrivés au pouvoir. Le drame est qu'à chaque fois qu'il y a une élection, les islamistes gagnent. Les Frères musulmans ont gagné les élections. Je suis député des Français de huit pays dont Israël et il est un point qui m'est très cher : c'est la paix entre Israël et l'Egypte. J'ai rencontré Benjamin Netanyahu la semaine dernière et il m'a dit à quel point la relation avec l'Egypte était bonne. Le premier ministre Sissi a fait des compliments appuyés au premier ministre israélien. Malgré cela, un député égyptien qui avait rencontré l'ambassadeur d'Israël au Caire a pris une chaussure dans la figure et 100 députés égyptiens lui sont tombés dessus. Tout le monde souhaite la paix. Les relations ne sont-elles bonnes que dans les élites – je sais notamment que la coopération sécuritaire est très forte entre Israël et l'Egypte ? Mais si c'était le cas aussi au niveau de la masse de la population cela pourrait avoir des répercussions sur tout le monde arabe. Il y a des relations entre les Saoudiens et les Israéliens, entre les Israéliens et le monde sunnite au sujet de l'Iran. A cet égard – et ce sera ma dernière question, - je voulais que vous nous parliez du rôle de l'Iran dans la région et de l'avenir de la Syrie et de son éventuelle partition ?
Je voudrais vous interroger sur la question de l'eau, qui est évidemment essentielle pour l'Egypte, avec la construction de cet énorme barrage sur le Nil, qui va contingenter davantage la ressource en eau de l'Egypte. C'est une vieille histoire mais on semble aujourd'hui dans l'impasse, dans un contexte de la sous-région en outre particulièrement délicat. Quelles sont les initiatives que compte prendre l'Egypte ? Pensez-vous que l'organisation qui avait prévalu depuis 1999 au sein de l'Initiative du Bassin du Nil est toujours pertinente ou souhaitez-vous une médiation internationale ? Je voudrais aussi vous interroger sur l'impact de l'agrandissement du Canal de Suez. Beaucoup d'espérance se fondaient sur les ressources financières que pourrait apporter l'augmentation du trafic. Cela vous parait-il aujourd'hui effectif, en termes de ressources, mais aussi de création d'emplois.
J'ai deux questions. La première est d'ordre général : parmi les puissances potentielles de l'Orient compliqué, comment se situe l'Egypte par rapport aux autres : Arabie Saoudite, Turquie et Israël notamment, pour établir un réseau solidaire ? Ma seconde question est la suivante : combien de Français radicalisés ont trouvé refuge en Egypte ?
Je voudrais moi aussi faire part de notre attachement à la question des droits de l'Homme, en particulier concernant les organisations qui ne sont pas fondamentalistes. Ma question concerne ce qui se dit au sujet de manoeuvres militaires conjointes en Libye entre des forces françaises et égyptiennes. Est-ce une réalité et votre pays est-il en faveur d'une intervention ? Je voudrais aussi vous interroger sur vos relations avec la Syrie, dans la mesure où l'Egypte a des relations privilégiées avec le régime saoudien, d'une part, est confrontée à des problèmes communs avec la Syrie, par rapport aux Frères musulmans, à Al-Nosra et à l'Etat islamique, d'autre part.
Notre collègue Meyer Habib a parlé d'Israël et de l'Egypte. J'aurais pour ma part une question sur la Palestine et en particulier la bande de Gaza. Comment cela se passe-t-il aujourd'hui, quel sont les contacts, y a-t-il des transferts d'armes, bref quelle est la situation avec cette « prison à ciel ouvert » pour reprendre l'expression d'un ancien ministre ? Par ailleurs, qu'en est-il du tourisme, qui procurait à l'Egypte une part importante de ses ressources ? Les étrangers sont-ils revenus ?
Il y a deux conflits qui actuellement posent problème, indépendamment de la Libye qui est un sujet spécifique : c'est le conflit israélo-palestinien et la situation en Syrie. Mes questions sont simples. Quelle est la position de l'Egypte quant à la création d'un Etat palestinien ? Comment voyez-vous l'évolution en Syrie, compte tenu du fait que ce n'est plus une guerre civile mais une guerre par procuration, une guerre quasi internationale du fait de l'Etat islamique mais aussi de l'intervention directe de plusieurs Etats de la zone, comme la Turquie et l'Arabie saoudite ?
Nous nous voyons régulièrement avec l'Ambassadeur dans le cadre du groupe d'amitié. Un élément me parait essentiel : pouvez-vous développer votre propos sur la situation économique de l'Egypte, dont on sait qu'elle sera une des clés de la réussite du pouvoir ? Si la situation économique va mieux, la situation sociale sera plus sereine et la stabilité politique sera plus établie. Cela inclut la question du tourisme, celle de l'industrie aussi puisque l'Egypte est un des rares pays de la région à disposer d'une véritable base industrielle et celle du canal de Suez et du projet d'investissement du côté de Port Saïd.
Vous avez évoqué le triangle de tous les dangers autour notamment d'Al-Arish. Pouvez-vous en dire un peu plus : cela représente combien d'hommes, avec quel type d'armements et quels sont les moyens mis en oeuvre pour réduire cette poche qui représente un danger majeur ?
Il y a dans ce triangle (Al-Arich, Rafah et Cheikh-Zoueid) entre 700 et 1 000, voire 1 200 terroristes, très bien armés. Ils ont une très grande connaissance des explosifs, y compris pour piéger les véhicules, et même le ciment ou les routes, ce qui rend la détection très difficile.
Dans la lutte qu'elle mène contre eux, l'Egypte souhaite éviter que les populations civiles ne basculent ainsi que les pertes inutiles. La réussite est une question de temps, en suivant le principe « lentement mais sûrement ».
Sur le plan économique, l'Egypte se situe à la base de la hiérarchie des besoins définie par Maslow. Elle veille à assurer à sa population les besoins essentiels, notamment en alimentation, et assure aussi le besoin de sécurité. Le pays s'est heurté à des difficultés immenses ces deux ou trois dernières années. Le doublement du Canal de Suez n'est qu'un élément d'un projet de développement plus global de l'ensemble de sa zone économique. C'est l'infrastructure nécessaire. La situation géographique de la zone est exceptionnelle, au confluent de l'Afrique et du Monde méditerranéen. Selon un schéma similaire à Singapour, c'est le développement industriel qui est visé. Les produits égyptiens entrent sans droits de douanes en Afrique. Le chef de l'Autorité économique du canal de Suez, un ancien ministre, doit se rendre bientôt en France. Il est essentiel que les entreprises françaises puissent tirer parti des relations excellentes entre nos deux pays.
Il faut espérer que ce projet soit un succès. La création d'environ deux millions d'emplois est en jeu. Il faut à l'Egypte une forte croissance pour que la situation s'améliore.
L'Egypte s'est toujours intéressée à la Syrie sans prendre part à cette guerre par procuration. Certains dans le pays pensent qu'elle a une diplomatie un peu trop sage. Toutefois, il n'appartient pas à un grand pays de 90 millions d'habitants de prendre un tel risque politique. Son économie est très dépendante des revenus du tourisme et du canal de Suez. La division de la Syrie serait la pire des options dans une telle situation. Il est clair que les frontières dans l'ensemble de la région ne sont pas des plus logiques, mais aussi que c'est le seul dénominateur commun. Si on les modifie, la situation sera insoluble. C'est ouvrir une boîte de Pandore qui va concerner jusqu'à l'Afrique.
Il est donc essentiel de préserver l'intégrité territoriale de la Syrie et l'intégrité de ses institutions, ainsi que de s'assurer que le pays ne deviendra pas une « deuxième Libye » et qu'un autre pouvoir est là pour prendre le relai. La région ne peut vivre de nouveau une telle situation. Elle a déjà beaucoup souffert à cause de l'idée que les islamistes s'en font. On ne teste pas de telles théories, on ne mène pas de telles expériences lorsqu'il s'agit de peuples entiers, de millions de gens.
La Libye est le principal danger dans la région. Elle doit faire l'objet de la plus grande attention de la part de la communauté internationale. C'est un concentré de toutes les difficultés, du fait de sa situation en bordure de Méditerranée, de la question des réfugiés et du terrorisme qui s'y installe. La France fait partie de la minorité de pays qui s'en préoccupe. Il y a clairement un manque d'attention et de leadership mondial sur ce dossier. En Syrie, le vide a été comblé par l'intervention russe. En Libye, il y a actuellement un vide.
Il faut se méfier de l'expression « islamistes modérés ». Il y a des musulmans modérés, mais il ne peut y avoir d'islamistes modérés, car les islamistes sont des idéologues. Si des islamistes semblent modérés, c'est comme en Tunisie pour des raisons tactiques. La stratégie reste inchangée. Leurs objectifs sont les mêmes : être à la droite de Dieu, bâtir un Etat islamique, établir un califat. C'est sur ce dernier point qu'il y a divergence, car chacun des chefs islamistes a une définition du califat qui lui est propre.
La situation en Libye est très difficile, mais il est clair qu'il ne peut pas y avoir d'exception pour ce pays en ce qui concerne l'islam politique.
Contrairement à ce que véhiculent les médias, l'Egypte ne souhaite pas intervenir en Lybie car la Cyrénaïque n'intéresse pas les autorités égyptiennes. Tout ce qui nous intéresse c'est notre sécurité. On espère qu'il y ait un jour une démocratie en Libye mais on ne souhaite pas avoir un pays morcelé.
Les choses sont très simples, pour combattre le terrorisme, il faut chercher celui qui est le plus à même de le combattre. Il se trouve qu'en Libye c'est le général Haftar et l'armée libyenne. Puisque nous, et le reste de la communauté internationale, sommes incapables d'intervenir, il faut soutenir ceux qui sont sur place et les aider à libérer leur pays du terrorisme.
Le général Haftar reste malgré tout très populaire et donc le seul à pouvoir rassembler le pays.
Actuellement un troisième gouvernement a été formé dans ce pays. Néanmoins, ce n'est pas en créant une nouvelle entité dépourvue de pouvoir que l'on pourra arranger les choses. Il faut chercher le pouvoir là où il est, et le légitimer.
S'agissant de la Palestine et de la bande de Gaza, nous faisons de notre mieux pour détruire les milliers de tunnels qui ont été creusés. Il se trouve que le meilleur moyen de est de les inonder. Les déclarations enragées du Hamas sont la preuve de l'efficacité de cette solution. En ce qui concerne le processus de paix et l'initiative française, l'Egypte a toujours été pour la paix dans la région et pense qu'une des causes majeures du terrorisme est le fait que la question palestienne n'a pas été résolue. Le seul espoir pour la région est que cette paix ait lieu un jour.
M. Okasha a été visé surtout en raison des controverses autour de sa personnalité. Notre paix avec Israël est très solide, elle a été testée à maintes reprises. Des Israéliens ont été tués aux frontières et inversement, mais les gouvernements ont toujours eu la sagesse de bien gérer ces crises. Néanmoins, après le long bombardement de la bande de Gaza et les affreuses images qui nous sont parvenues, l'opinion publique égyptienne a du mal à accepter une normalisation des relations avec Israël. Pourtant le monde arabe serait prêt à accueillir immédiatement Israël si ses dirigeants avaient le courage d'accorder aux Palestiniens leur Etat. Plus concrètement, tant que M. Netanyahu ne subira pas des pressions internes ou externes pour faire évoluer la situation, il n'agira pas. Indépendamment de la couleur politique - le Traité de paix israélo-égyptien de 1979 a été par exemple négocié avec la droite de Menahem Begin - il faut donc avant tout des pressions internes venues de la société elle-même.
S'agissant de la politique intérieure, les acteurs des deux premières révolutions ont voulu que les droits de l'homme soient respectés. Mais l'Egypte a un très mauvais héritage qui se manifeste à travers des policiers qui agissent de la même manière qu'il y a quatre décennies. Les officiers de police se moquent régulièrement par exemple de la fonction du vice-ministre de l'Intérieur pour les droits de l'homme. La situation évolue lentement et il y aura donc surement encore des bavures. Mais ceux qui commettent aujourd'hui des fautes sont punis.
Certains d'entre vous ont évoqué les droits de l'homme, en citant la situation des bloggeurs. Nos deux pays sont clairement dans une situation différente. Si un écrivain égyptien évoque, par exemple, expressément dans son oeuvre la sexualité ou les organes sexuels, une personne se dressera automatiquement contre lui et incriminera directement le Gouvernement pour avoir toléré de tels écrits. La liberté d'expression n'est pas aussi large qu'en France. Je fais partie de ceux qui considèrent qu'il faut laisser chacun s'exprimer dans la limite, comme en France, de ne pas offenser une catégorie de personne ou encore de l'interprétation de périodes de l'histoire qui peut être sanctionnée par la loi. Mais, comme je l'ai dit, la société égyptienne réagit différemment de la société française sur les questions de liberté. Nous avions déjà eu l'occasion avec Madame la Présidente d'évoquer certains dossiers individuels.
J'en viens au cas de M. Naudin. Malheureusement, il n'a donné aucune chance à la justice française ou à la justice égyptienne de pouvoir l'aider. Il a reconnu les faits, il existe des photos le montrant sur un bateau avec les deux autres personnes. La République dominicaine nous a formulé une demande. Comme il n'y a pas de plainte contre lui en France, l'Egypte ne dispose d'aucune base juridique pour l'extrader dans votre pays. Mon pays n'a qu'une seule option, même si vous savez sans doute que son avocat a déposé un recours pour renverser l'avis du procureur général.
Je me permets de vous interrompre brièvement, Monsieur l'Ambassadeur. La convention de Palerme, à laquelle se réfère la République dominicaine, concerne le trafic d'êtres humains. Cela n'a rien à voir avec les faits. La demande de la République dominicaine ne repose sur rien de sérieux.
J'avais émis les mêmes remarques. Il semble qu'en République dominicaine les agissements de M. Naudin, l'aide à la fuite de prisonniers, soient punissables en République Dominicaine en application de textes relatifs à la traite des êtres humains.
Monsieur l'Ambassadeur, je vous remercie de vous êtes exprimé devant notre commission. J'ai trouvé votre audition extrêmement intéressante car vous nous avez livré une appréciation de l'intérieur sur la situation en Egypte et au Proche-Orient, sur des questions géopolitiques sensibles.
Examen, ouvert à la presse, du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord-cadre global de partenariat et de coopération entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la République socialiste du Viêt Nam, d'autre part (n° 3379) et du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord-cadre de partenariat et de coopération entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la République des Philippines, d'autre part (n° 3378) – M. Gwenagan Bui, rapporteur.
Nous examinons, sur le rapport de M. Gwenegan Bui, les projets de loi sur des accords de partenariat et coopération avec le Viêt Nam (n° 3379) et avec les Philippines (n° 3378). Ce sera pour cette législature la dernière fois que nous verrons notre collègue avec nous, sauf imprévu, et je me fais l'interprète de tous pour dire que nous allons le regretter car il a été très actif, très présent et très imaginatif et nous étions très heureux d'avoir un jeune collègue avec nous.
Je vous remercie Madame la présidente pour ces mots très sympathiques. Je voulais moi aussi vous remercier pour la qualité des travaux, les liens que nous avons noués au sein d'un espace caractérisé par une chose assez rare qu'est la capacité qu'y ont l'opposition et la majorité à travailler ensemble. Je ne désespère pas, la vie politique étant longue, de pouvoir revenir parmi vous.
Nous sommes saisis de deux projets de loi portant ratification d'un accord cadre global de partenariat et de coopération entre l'Union européenne d'une part et, respectivement, la République socialiste du Viêt Nam et la République des Philippines. Ces accords concernent une zone géographique sur laquelle nous avons commis avec M. Guillet, pour cette Commission, un rapport d'information sur l'Asie du Sud-Est il y a un an de cela. Nous avions voulu à cette occasion attirer l'attention de la Commission sur cette région, ses enjeux économiques, démographiques, environnementaux mais aussi de sécurité. Nous souhaitions la mise en mouvement de notre diplomatie pour renforcer notre présence. On ne peut pas dire que nous ayons été beaucoup suivis ; beaucoup reste à faire.
Un renforcement de certains partenariats bilatéraux nous paraissait indispensable, en complément d'une politique à l'égard de l'ensemble de la région, en phase d'intégration au sein de l'ASEAN, l'Association des Nations d'Asie du Sud-Est, l'acronyme français ANASE étant celui employé dans les accords soumis. Cette politique globale passe par la coordination de nos services à l'étranger et une action en direction du secrétariat de l'ASEAN, que malheureusement on ne voit guère prendre de l'ampleur, mais aussi par le développement des relations entre l'Union européenne et les pays d'Asie du Sud-Est, dans leur ensemble et individuellement.
Tel est précisément l'objet des deux accords-cadres qu'il nous est proposé de ratifier. Ils ont vocation à structurer les relations entre l'UE et le Viêt Nam, d'une part, les Philippines, d'autre part. Ces deux pays ont pour caractéristiques communes d'avoir connu un décollage économique remarquable ces dernières années, qu'il convient d'accompagner, et de présenter certaines faiblesses dans le jeu régional du fait de leurs relations complexes et tendues avec la Chine. Ils affichent aussi de nombreuses différences, la diversité étant la marque de cette région, qu'elle soit religieuse, politique, géographique, ethnique ou économique. La similitude des accords l'emporte néanmoins sur les spécificités de chaque, justifiant un examen commun et un rapport commun, choix également effectué par le Sénat qui a ratifié les deux projets de loi le 17 décembre dernier.
Le Viêt Nam est un des principaux marchés d'Asie du Sud-Est avec 90 millions d'habitants et une croissance soutenue, qui était de 5,9 % en 2014. Son PNB a été multiplié par 5 en quinze ans, si bien qu'il fait partie des pays à revenus intermédiaires avec un revenu par habitant de 1 895 dollars en 2013. L'UE est actuellement le 2e partenaire commercial et l'un des deux grands importateurs du Viêt Nam. Le commerce bilatéral est passé de 17,75 milliards de dollars en 2010 à 36,8 milliards en 2014. En juin 2015, 23 des 28 pays de l'UE avaient investi au Viêt Nam, avec plus de 2.100 projets en cours totalisant un montant de 38,4 milliards de dollars.
Après un accord politique en août dernier, la signature effective d'un accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Viêt Nam est intervenue en décembre dernier. Il doit encore être avalisé par le Conseil et le Parlement européen. C'est le deuxième accord de ce type conclu dans la zone après Singapour en 2014. Les enjeux sont d'autant plus élevés que le Viêt Nam fait partie des douze pays du partenariat transpacifique (TPP) dont les négociations ont abouti en octobre dernier.
L'UE vient aussi de lancer des négociations pour un tel accord avec les Philippines. L'UE est le quatrième partenaire commercial des Philippines et le premier investisseur étranger pour 6,2 milliards d'euros. Les Philippines bénéficient déjà du régime spécial d'encouragement au développement durable et à la bonne gouvernance de l'Union européenne (SPG+) accordant des préférences commerciales sur un certain nombre de lignes tarifaires.
Sur le plan des aides, l'UE est le premier pourvoyeur d'aide non remboursable du Viêt Nam et allouera 400 millions d'euros d'aide publique au développement au Viêt Nam sur la période 2014-2020, avec une concentration sur le développement durable. Le montant de l'allocation attribuée aux Philippines a quant à elle été fixé à 325 millions d'euros, en forte hausse, affectés à la croissance inclusive pour 225 millions d'euros et au renforcement de l'État de droit pour 95 millions. Ce volet ciblera particulièrement le soutien au processus de paix à Mindanao. Le rôle de l'UE est apprécié dans le processus qui a mené à la signature de « l'accord de paix global sur Mindanao» signé le 27 mars 2014 par le gouvernement philippin et le Front islamique de Libération Moro. Son aide technique, financière et humanitaire constante l'est également.
Dans ces économies en pleine croissance, l'État de droit et le respect des droits humains demeurent encore largement perfectibles. On songe notamment au droit du travail, aux conditions des marins philippins, qui forment 20% des effectifs de la marine marchande mondiale, ou à la liberté d'expression et de réunion au Viêt Nam. L'Union européenne est le bon échelon pour l'approfondissement des dialogues sur ces sujets comme sur les enjeux globaux. Le contenu très centré sur les aspects économiques et commerciaux des accords existants n'était plus adapté à la nature des relations à développer.
La conclusion de nouveaux accords cadre de partenariat et de coopération traduit le souci, d'une part, de disposer d'un outil juridique dédié à chacun des pays de la zone, d'autre part, d'élargir de manière importante les champs de la coopération. Ils permettent d'accompagner les mutations politiques, juridiques et économiques, d'enrichir les liens qui existent avec l'Union européenne et de renforcer les convergences de vues par la mise en oeuvre d'une coopération plus étroite.
C'est en 2004 que l'Union européenne a proposé aux six membres fondateurs de l'ASEAN (Brunei, Malaisie, Indonésie, Philippines, Thaïlande, Singapour) de conclure des accords de ce type. Par décision du Conseil du 14 mai 2007, ce mandat a été étendu au Viêt Nam. Les négociations avec l'Indonésie ont été engagées en 2005. L'accord est entré en vigueur. Les négociations avec le Viêt Nam et les Philippines n'ont pas soulevé de problèmes particuliers. S'agissant du Viêt Nam, les négociations commencées en novembre 2007 se sont achevées en septembre 2010. L'accord cadre a été paraphé en octobre 2010, puis signé en juin 2012 à Bruxelles. S'agissant des Philippines, les négociations engagées en février 2009 se sont achevées en juin 2010. L'accord-cadre a été paraphé en juin 2010 puis signé en juillet 2012 à Phnom Penh.
Les accords de partenariat et de coopération conclus par l'UE avec les États tiers sont pour l'essentiel similaires. Les deux qui sont soumis à ratification ne se distingue pas foncièrement des accords conclus ou en négociation avec les autres États de la région. Je vous renvoie au rapport pour la présentation des différents articles qui, vous le verrez, ne sont pas prescriptif mais fixent un cadre utile au développement des relations entre l'Union européenne et chacun de ces pays, en bonne articulation avec les instances régionales et internationales et les partenariats existants à cette échelle.
L'accord conclu avec le Viêt Nam est plus dense. Il comporte 65 articles répartis en huit titres, ainsi que quatre déclarations annexées, quand l'accord avec les Philippines comporte 54 articles, également répartis en huit titres. On notera qu'un titre est dédié à la paix et la sécurité s'agissant du Viêt Nam, tandis qu'un titre est consacré à la coopération en matière de migration et de travail maritime avec les Philippines.
L'article 1er de chaque accord dresse la liste des principes généraux, au nombre desquels, les principes généraux du droit international, les principes démocratiques et des droits de l'Homme inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l'Homme de l'Assemblée générale des Nations unies. Il souligne également que les Parties s'engagent à poursuivre leur coopération sur la voie de la réalisation intégrale des objectifs de développement adoptés au niveau international et à promouvoir le développement durable dans toutes ses dimensions. S'agissant du Viêt Nam, l'article est plus étoffé dans ses références à l'État de droit et au cadre juridique et politique de l'aide au développement. Un alinéa précise également que les parties reconnaissent le rôle significatif du commerce et des programmes préférentiels en matière de commerce dans le développement. On voit bien que les deux piliers sont présents : état de droit et commerce dans cette dimension de développement.
L'article 2 présente les objectifs de la coopération.
Dans l'accord avec le Viêt Nam, les Parties prévoient de développer le commerce et l'investissement entre elles et de supprimer les obstacles au commerce et à l'investissement. Nos entreprises françaises ont connu des difficultés et il est nécessaire de lever ces obstacles pour un climat serein. Les Parties annoncent également vouloir coopérer dans le domaine de la justice et de la sécurité en vue de lutter notamment contre la criminalité organisée, le blanchiment de capitaux, les drogues illicites, la prolifération des armes de destruction massive, le commerce illicite des armes légères et de petit calibre ainsi que contre le terrorisme. D'autre coopérations sectorielles, très diverses, sont également prévues notamment dans les domaines suivants : la fiscalité, la santé, l'éducation et la formation, la culture, le tourisme, les transports, l'urbanisme et l'aménagement du territoire, l'emploi et les affaires sociales, la science et la technologie.
Dans l'accord avec les Philippines, les objectifs de la coopération portent sur un très grand nombre de domaines, qu'ils soient politique, économique, social ou relatif à la justice et la sécurité. Les Parties prévoient de mettre en place une coopération en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale, dans le domaine des droits de l'homme, dans la lutte contre les crimes graves de portée internationale, contre la prolifération des armes de destruction massive et des armes légères et de petit calibre, ainsi que pour la promotion d'un processus de paix et de prévention des conflits. Les Parties prévoient une coopération dans tous les domaines d'intérêt commun liés aux échanges et aux investissements. Les Parties annoncent également vouloir coopérer dans le domaine de la justice et de la sécurité, notamment en matière de coopération judiciaire, de drogues illicites, de blanchiment de capitaux, de lutte contre la criminalité organisée et la corruption, de protection des données ainsi que des réfugiés et déplacés internes, ainsi qu'en matière de migration et de travail maritime. Enfin, la compréhension interpersonnelle, le dialogue et l'interaction efficaces avec la société civile doivent être mis en avant.
Concernant l'application des accords, le Titre VII crée un comité mixte, composé de représentants des deux Parties, afin de veiller au bon fonctionnement et à la bonne application de l'accord. S'agissant du Viêt Nam, le comité mixte se réunit « normalement » chaque année. La périodicité des réunions est d'au moins une fois tous les deux ans s'agissant des Philippines. Ces réunions ont vocation à régler les problèmes d'application.
Chaque accord entre en vigueur le premier jour du mois suivant la date à laquelle la dernière partie a notifié à l'autre l'accomplissement des procédures juridiques nécessaires à cet effet. Les deux accords-cadres se substituent à l'accord relatif à la coopération dans les domaines commercial, économique et du développement conclu en juin 1980 entre la Communauté économique européenne et l'ASEAN, ainsi qu'à l'accord de coopération CEE-Viêt Nam de 1995 s'agissant de ce dernier pays auquel l'accord de 1980 n'a été étendu qu'en 1999. Chaque accord est conclu pour cinq ans et automatiquement prorogé pour des périodes successives d'un an, sauf notification écrite emportant effet six mois après sa réception.
En conclusion, ces accords-cadres de partenariat et de coopération renforcent le partenariat économique tout en élargissant le champ de la coopération, notamment en intégrant des questions politiques. Peu contraignants, ils manifestent essentiellement la volonté des parties de s'engager dans une relation globale qui ne se limite pas à la seule dimension économique et commerciale. À ce jour, la France est un des derniers États européens avec la Grèce et l'Italie et, s'agissant des Philippines, l'Irlande, à ne pas avoir ratifié ces accords. La ratification par la France est donc très attendue. Le Viêt Nam a notifié sa ratification le 20 décembre 2013 ; les Philippines n'ayant à ce jour pas procédé à cette notification.
Les accords-cadres ne faisant qu'accompagner des évolutions positives en matière de développement économique et de progression de l'État de droit, je vous propose d'en autoriser la ratification.
Merci beaucoup cher collègue. Il est très important d'intensifier nos relations avec cette région du monde, ce que vous n'avez cessé de nous rappeler. La France y dispose toujours de larges capacités d'influence que nous devrions cultiver davantage.
Cet accord est effectivement très important, car le Viêt Nam est en plein développement, avec un boom économique surprenant. La France y jouit toujours d'un large capital de sympathie. Je ne me fais pas trop d'illusion sur les effets de ce texte sur les droits de l'homme, mais l'enjeu est ailleurs. Il faut autoriser la ratification de ce texte pour de multiples raisons. Je ne suis pas sûr que les Vietnamiens nous attendent. Mais je suis persuadé que le progrès économique aura inévitablement des conséquences sur l'évolution des droits de l'homme.
Des conventions similaires ont-elles été signées avec d'autres Etats de la région, que sont le Cambodge et le Laos ?
La question des droits de l'homme est une figure imposée mais nécessaire quand les signataires d'un accord sont la France ou l'Union européenne. Le dialogue existe. Comme le souligne notre collègue Jean-Paul Bacquet, cet accord est important. Si j'ai insisté en indiquant que la France était l'un des derniers pays européens à le ratifier, ce n'est pas parce que c'est un problème en soi, mais c'est une question de symbole. J'ai été reçu par l'Ambassadeur du Vietnam qui attendait cette ratification. C'est parce que la signature de notre pays revêt une grande valeur, tant d'ailleurs pour les autorités vietnamiennes que pour l'homme de la rue. La France a une image positive au Viêt Nam. Sa signature signifie qu'il y a une volonté réelle de mettre en oeuvre cet accord et que la France attache de l'importance aux liens avec le Viêt Nam.
J'ajoute qu'au Viêt Nam comme partout en Asie du Sud Est, la France n'agit pas de manière cohérente et manque de volontarisme. Nous sommes présents grâce à nos entreprises et à nos communautés d'expatriés, mais il n'y a pas assez de stratégie d'Etat. Je compte beaucoup sur M. Jean-Marc Ayrault, qui, à la suite de M. François Fillon, a bien compris l'importance de cette région et s'y était rendu comme Premier ministre. Mais il n'y a toujours pas eu de visite du Président de la République. La Présidente de notre Commission s'y est rendue récemment, car précisément il faut cultiver notre place et qu'il y a urgence en la matière. Il est important de maintenir notre influence, sinon d'autres pays prendront notre place. Il faut que les parlementaires s'y rendent et entretiennent les liens d'amitié.
En réponse à M. Michel Terrot, j'indique qu'il n'y a pas pour l'heure d'accord similaire avec le Cambodge et le Laos, la Commission européenne n'ayant pas reçu mandat pour en négocier. Ces deux pays sont en revanche membres de l'accord passé par l'Union européenne avec la région. Des négociations sont en cours avec les membres fondateurs de l'ASEAN. Je pense que le Cambodge et le Laos n'ont pas exprimé cette demande et veulent aussi observer l'effet des accords que nous discutons.
J'insiste sur l'attente du Viêt Nam. Je m'étais rendu dans ce pays en qualité de président du conseil général du Val d'Oise et député il y a quelques années pour effectuer une visite sur le thème du développement économique. J'avais été frappé par l'attente des Vietnamiens vis-à-vis de la France, alors même qu'il n'existait aucun rapprochement entre les deux autorités gouvernementales de nos deux pays. Je l'ai d'ailleurs fait remarquer à Philippe Douste-Blazy, alors ministre des affaires étrangères, à mon retour. Devant ce manque de relation au plus haut niveau de l'Etat, j'avais d'ailleurs été reçu en province presque comme un représentant de l'Etat français.
Il a été fait allusion à ma visite au Viêt Nam et en Birmanie avant Noël dernier. Je l'ai faite à la demande du Président de la République ; j'ai d'ailleurs remis à cette occasion une lettre de François Hollande aux plus hautes autorités de ces pays. J'étais effectivement été reçue au plus haut niveau de l'Etat et pas uniquement par nos homologues parlementaires. Dans la lettre du Président de la République, il annonçait qu'il se rendrait dans ce pays cette année. Je crois savoir que cette visite est prévue pour le début de l'été, après le renouvellement des instances dirigeantes du parlement.
Lors de mes entretiens, j'avais indiqué que je proposerai que cet accord soit ratifié avant cette visite d'Etat car c'était un élément important pour mes interlocuteurs. Si le calendrier est respecté, le projet de loi sera examiné en séance publique le 17 mars. J'informerai alors par courrier les personnes qui ont bien voulu me recevoir, en particulier les parlementaires, du vote de l'Assemblée nationale. Par ailleurs, je m'associe à toutes les remarques qui ont été faites sur les attentes existant au Viêt Nam à l'égard de la France.
L'absence de la France au Viêt Nam est inacceptable, d'autant plus que les Vietnamiens n'ont aucun ressentiment vis-à-vis de notre pays contrairement à d'autres pays colonisés par la France. Les Vietnamiens ont même oublié leur ressentiment vis-à-vis des Etats-Unis. Ce qu'ils veulent à présent est ne pas être dépendant vis-à-vis de la Chine et des Etats-Unis. Ils sont d'ailleurs conscients de leur position stratégique. Je veux également souligner l'intérêt du Viêt Nam en matière d'aide au développement pour le choix de ses investissements. La France pourrait chercher à renforcer la coopération avec le Viêt Nam en la matière. La question de l'aide déliée se pose à nouveau.
François Scellier a raison d'insister sur le poids de la coopération décentralisée. Nombreuses sont les collectivités françaises qui ont établi des liens avec des municipalités ou régions vietnamiennes. Celle-ci est cependant insuffisamment coordonnée en France, ce qui ne permet pas d'optimiser les actions.
Je rappellerai que la France est le deuxième pays donateur d'aide au Viêt Nam après le Japon.
Enfin, je regrette de manière générale que la France n'utilise pas ses atouts, à commencer par l'existence de 700 à 800 000 Français d'origine vietnamienne, dont je suis. Cette ressource n'est absolument pas exploitée alors que les histoires personnelles, familiales, de ces personnes, leurs liens affectifs, culturels et économiques avec le Viêt Nam , constituent autant de ponts entre nos deux pays.
Mais il n'y a pas de stratégie portée par notre diplomatie. En fait, nous ne sommes pas capables de mobiliser ces Français d'origine vietnamienne. Cela me laisse pantois. Ma remarque est également valable pour les Français d'autres origines.
Le second atout dont dispose la France au Viêt Nam est la langue française. Pouria Amirshahi a produit un rapport très intéressant sur le sujet pour la commission des Affaires étrangères. Cependant, au Viêt Nam, l'usage du français se délite et le nombre de locuteurs baisse considérablement. Bientôt, le français représentera une histoire et non un vécu.
Le Viêt Nam est confronté à une situation très compliquée en mer de Chine. L'Australie augmente considérablement son budget militaire, renforce sa marine et son aviation. La mer de Chine est devenue une zone de tension et les Vietnamiens ne veulent pas être pris dans un étau entre la Chine et les Etats-Unis et ses alliés. C'est une opportunité pour la France, dont les intérêts sont par ailleurs concernés. Je pense que la France peut jouer la stratégie du petit caillou en se positionnant au milieu du jeu, afin de compliquer la partie et de limiter les risques d'affrontement. Mais il faut, de grâce, que tout cela soit coordonné.
Je ne serai plus dans cette commission et je souhaite qu'elle continue, je ne doute pas que Jean-Jacques Guillet le fera, à plaider pour que France ait une attention et une action plus forte dans cette partie du monde.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte les deux projets de loi (n° 3379 et n° 3378) sans modification.
Examen, ouvert à la presse, du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'amendement à la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, pris par décision II1 adoptée dans le cadre de la deuxième réunion des Parties à la convention (n° 3148) –M. Jean-Paul Bacquet, rapporteur.
Nous poursuivons nos travaux avec l'examen, sur le rapport de M. Jean-Paul Bacquet, du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'amendement à la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, pris par décision II1 adoptée dans le cadre de la deuxième réunion des Parties à la convention.
Ce projet de loi, qui vise à autoriser l'approbation par la France de l'amendement dit « OGM » (organismes génétiquement modifiés) à la convention d'Aarhus, a été adopté par le Sénat en octobre dernier, sur le rapport de M. Cédric Perrin, sénateur.
Il concerne un sujet important, celui des OGM, sur lequel notre pays, parmi d'autres au sein de l'Union européenne, a une approche plutôt restrictive. La France a, en effet, demandé à bénéficier de la clause de retrait, dite d'opt out, adoptée l'année dernière, après des années de débats, au niveau de l'Union européenne, et qui permet à un Etat membre de ne pas autoriser la mise en culture d'OGM pourtant autorisés par les instances européennes.
L'amendement à la convention d'Aarhus a toutefois un objet différent, puisqu'il vise à y intégrer le dispositif spécifique au droit du public à l'information en matière d'OGM.
Émanation directe du principe n°10 de la convention de Rio adoptée lors du Sommet de la Terre en 1992, la convention d'Aarhus, repose sur trois actions : l'accès à l'information détenue par les autorités publiques ; la participation du public à la prise de décision lorsqu'il y a des incidences sur l'environnement ; l'extension des conditions d'accès à la justice en matière d'environnement. Elle a été ratifiée par notre pays, ainsi que par l'Union européenne.
La question des OGM, et plus précisément de leur dissémination volontaire et de leur mise sur le marché pour la culture ou la consommation, notamment l'alimentation, n'a pas été traitée par la convention initiale. Elle l'a été ultérieurement, par un amendement adopté le 27 mai 2005 lors de la deuxième conférence des Parties, à Almaty (Kazakhstan).
Cet amendement prévoit plusieurs obligations pour les Etats.
D'abord, il crée une obligation générale d'assurer une information et une participation du public précoces et effectives, avant de prendre des décisions autorisant, ou non, la dissémination volontaire dans l'environnement comme la mise sur le marché d'OGM.
Ensuite, il prescrit que certaines informations ne doivent en aucun cas être considérées comme confidentielles.
La transparence est assurée à deux niveaux. A un premier niveau, le dispositif prévoit l'obligation d'assurer au public l'accès aux informations de procédure pertinentes. A un second niveau, est prévue l'obligation d'informer le public ex post : la décision prise par l'autorité publique doit être rendue publique ; ses motifs également.
Enfin, le dispositif précise la portée de ce droit d'expression du public : les États ont l'obligation de prendre en considération les résultats de la procédure précitée, lorsqu'il y a délivrance d'une autorisation de dissémination ou de mise sur le marché.
Selon le Gouvernement, l'approbation de ce dispositif est d'autant plus justifiée que plus de dix ans après l'adoption de cet amendement, le droit européen et le droit national sont conformes à ses prescriptions.
Le rapport le montre en effet. Tant les directives et règlements européens, que les lois et règlements nationaux qui sont nécessaires à une mise en conformité, sont intervenus. L'amendement « OGM » n'apporte donc rien.
On peut ainsi être d'un autre avis : pourquoi approuver un texte qui n'ajoute rien au droit, mais nous lie les mains pour l'avenir ?
Le seul enjeu d'autoriser l'approbation est de se rapprocher du nombre des Etats dont la ratification est nécessaire pour que l'amendement entre en vigueur et soit intégré au dispositif de la convention. Ce n'est pas un enjeu mineur, car en l'état, il manque quatre ratifications pour que l'amendement entre en vigueur et soit intégré à la convention.
En l'absence de disposition spécifique, s'il faut revenir en arrière, il n'y aura pas d'autre solution que la dénonciation de la convention, en bloc, tant de la part de l'Union européenne, qui a ratifié, que de la France.
La question posée à notre commission est donc simple : notre droit étant d'ores et déjà conforme à l'amendement « OGM » à la convention d'Aarhus, souhaitons-nous compliquer toute remise en cause de ce droit ou bien laisser ouverte la possibilité de le modifier ? On ne peut pas partir du principe que les accords internationaux ne doivent jamais entraver le législateur, car cela reviendrait à rejeter tout traité dès lors qu'il aurait une incidence dans le domaine législatif. Cependant, quand il s'agit d'un droit régissant un domaine encore sujet à des nombreuses interrogations, on peut se demander s'il convient d'en contraindre les éventuelles évolutions, notamment sur une question aussi difficile que l'expression du public sur les progrès de la science.
Ayant présenté ces éléments, je m'en remets à la sagesse de la commission.
Comme notre rapporteur en appelle à la sagesse de la commission, je vais exprimer mon avis. Il est vrai que l'amendement à la convention dont il est question n'apporte rien sur le plan législatif et réglementaire. Faut-il alors autoriser son approbation ?
Plusieurs raisons conduisent à le faire.
D'abord, ratifier consolidera notre droit national et empêchera un éventuel retour en arrière. Par ce vote, il ne s'agit pas de se prononcer pour ou contre les OGM, mais seulement de prendre position sur la transparence et le droit à l'information sur un sujet certes sensible, mais sur un sujet environnemental comme il y en a d'autres.
Ensuite, la convention s'étend au-delà de l'Union européenne, aux pays du Causase et de l'Asie centrale. Nous avons intérêt à ce que ces pays aient les mêmes normes que la France, notamment pour harmoniser les règles de concurrence.
Par ailleurs, sur le plan politique, ne pas autoriser la ratification donnerait l'impression que la France a changé d'avis sur la question de l'accès à l'information sur les OGM.
Le projet de loi fera l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, si le rapporteur en est d'accord, le 17 mars, en séance publique.
Je ne souhaite pas de discussion en séance publique, car ce serait donner une tribune pour des interventions à caractère médiatique, qui ne traiteraient pas le problème de fond. Je ne suis pas opposé à la ratification de l'amendement, mais je suis un peu mal à l'aise : d'un côté, la mise en culture des OGM est interdite ; d'un autre côté, on accepte l'entrée sur marché français de produits alimentaires à base d'OGM. Je n'ai pas voté le principe de précaution, car il peut être un obstacle au progrès médical. Sur les OGM, la réflexion scientifique va encore durer pendant plusieurs années et peut-être des décennies.
J'ai préféré pendre ce rapport en exprimant non pas mon opposition, mais mes interrogations, pour éviter de le laisser faire l'objet d'un rapport militant. Je veux exprimer ma difficulté face à la question qui nous est soumise. Ce n'est pas un engagement pour ou contre le projet, et quel que soit le résultat du vote, il ne me créera aucun problème. Cette non-prise de position exprime l'ambigüité et la difficulté de la situation.
Votre précision est importante. Il est essentiel que nous ayons ce débat. J'ai compris que votre souhait est d'être beaucoup plus vigilant et strict sur les composants OGM dans les produits commercialisés en France, notamment par l'exigence d'un étiquetage plus précis, comme le demandent nos agriculteurs. Le projet de loi va en ce sens. Par ailleurs, je rappelle que si nous ne l'approuvons pas, il y aura un débat en séance publique
Je m'exprimerai à titre personnel. J'ai beaucoup de réticence à voter ce texte. J'ai voté le principe de précaution par discipline, mais j'ai beaucoup regretté de le faire et j'ai l'impression d'avoir un peu failli dans mon rôle de constituant en votant une telle disposition pour des motifs purement contingents. Il ne faut pas mettre de verrou à la recherche. On ne sait ce que l'on pourra penser des OGM dans dix ou quinze ans. Il faut aussi être réaliste. Interdire les OGM en Afrique à des agriculteurs soumis au changement climatique, dont les champs ne reçoivent plus de précipitations ou n'ont plus d'irrigation, et qui doivent faire appel à des semences nouvelles, c'est les condamner à mort sur le plan économique. Je n'entre pas dans le débat pour savoir si les OGM, c'est bon ou c'est mauvais, mais je me méfierais à priori de toute initiative qui conduirait à arrêter toute recherche, laquelle pourra d'ailleurs conclure dans plusieurs années à la non nocivité des OGM. En l'état, je ne voterai pas le projet. A partir du moment où le texte sera voté, il nous engagera et nous ne pourrons pas revenir en arrière.
Les opinions exprimées sont tout à fait respectables et légitimes. Il ne s'agit cependant pas d'un texte pour ou contre les OGM, mais sur l'information du public. Toute convention engage la France par principe.
La commission adopte le projet de loi (n° 3148) sans modification.
Information relative aux missions d'informations
Au cours de la séance du mercredi 2 mars 2016 à 9h45, la commission a nommé :
• M. Jean-Louis Destans, membre de la mission d'information sur l'extraterritorialité de la législation américaine.
La séance est levée à douze heures.