Commission des affaires européennes

Réunion du 8 juin 2016 à 9h15

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Audition, conjointe avec la commission des Finances, de M. Pierre Moscovici, commissaire européen en charge des questions économiques et financières, de la fiscalité et des douanesmercredi 8 juin 2016

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 8 juin 2016

Audition, conjointe avec la commission des Finances, de M. Pierre Moscovici, commissaire européen en charge des questions économiques et financières, de la fiscalité et des douanes

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Monsieur le commissaire, nous nous voyons très souvent et vous êtes toujours le bienvenu ici : nous sommes heureux de vous recevoir, car nos discussions s'avèrent toujours intéressantes.

Nous en arrivons à un moment crucial du semestre européen, deux mois après l'examen, en avril dernier, du programme de stabilité. J'exprime à nouveau ma frustration quant à l'absence de vote sur ce document, pourtant extrêmement important. La Commission européenne a examiné ce programme et a formulé des recommandations que le Conseil s'apprête à adopter. Nous souhaitons d'autant plus vous entendre sur ce sujet capital que notre pays a engagé, depuis le début de l'année, des dépenses supplémentaires, qui ne figurent ni dans le programme de stabilité ni dans la loi de finances pour 2016, et que notre rapporteure générale évaluait à 4 milliards d'euros il y a un mois et demi quand je les estime aujourd'hui à 5,5 milliards, soit près de 0,3 point de PIB.

Nous devons retrouver de la croissance pour que nos finances publiques se redressent ; nous dépendons pour partie de la conjoncture générale, mais également de notre capacité à conduire des réformes permettant de rendre notre économie plus performante et plus compétitive. Nous aimerions connaître vos vues dans ce domaine.

Nous recevons régulièrement M. Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement, et son adjoint, M. Thierry Francq, pour suivre la mise en oeuvre du « plan Juncker ». Où en est-on dans le déploiement de ce plan et qu'en attendez-vous ?

Certains aspects de la lutte contre l'évasion fiscale relèvent de l'échelon de l'Union européenne (UE) et de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Le programme de l'OCDE de lutte contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (ou Base Erosion and Profit Shifting – BEPS) se décline d'ailleurs dans l'UE. Ce champ concerne également l'harmonisation de la fiscalité des entreprises et la communication de données – ou reporting – public. Quelques membres de notre commission sont persuadés de la lumière que porte l'exemple français à travers le monde et n'hésitent pas à prendre des initiatives unilatérales pour mettre en oeuvre le reporting public en France au plus tard au moins de juillet 2017, quoi que puisse décider l'UE. Nous avons pourtant été instruits par les discussions autour de la taxe sur les transactions financières (TTF), dont on nous disait qu'elle serait adoptée dans l'enthousiasme par les pays européens une fois que la France aurait montré la voie : on attend toujours ! La France peut-elle vraiment se permettre de partir toute seule, sabre au clair, et de créer ainsi des problèmes à ses entreprises alors que le chômage atteint 10 % de la population active ?

Ces jours derniers, un accord a semblé intervenir sur la Grèce, mais il a été remis en cause par le gouvernement grec : où en sommes-nous dans ce dossier ?

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À mon tour de souligner à quel point nous sommes heureux de vous recevoir régulièrement, monsieur le commissaire. Ces auditions correspondent aux différentes étapes du semestre européen, ce qui permet à l'Assemblée nationale d'être mieux éclairée sur la complexité et les résultats de celui-ci. Les Français doutant profondément de l'UE, il est toujours utile de fournir des éléments et des explications. Nous vous avions reçu, monsieur le Commissaire, au moment du lancement du semestre 2016 et vous avions interrogé sur l'approche de la Commission européenne sur le pacte de stabilité et de croissance (PSC), au moment où l'Europe fait face à la crise des réfugiés et à la menace terroriste.

En 2016, le cadre financier pluriannuel sera révisé à mi-parcours ; il importe de prendre en compte les défis que l'UE devra affronter, et nous devons réfléchir aux moyens que les États membres sont prêts à lui accorder pour qu'elle atteigne ses objectifs et soit à la hauteur de ses ambitions.

Quels enjeux la Commission européenne a-t-elle identifiés pour les années à venir ? Comment l'augmentation des ressources de l'UE, qui semble plus que jamais nécessaire, peut-elle s'articuler avec les priorités politiques de la Commission et avec les recommandations adressées à chaque pays, qui comprennent souvent une demande de réduction des dépenses publiques ?

Avant que les recommandations adressées à la France ne soient formellement adoptées par le Conseil, nous souhaiterions vous entendre, monsieur le commissaire, sur les cinq points retenus par la Commission. Le troisième d'entre eux, qui préconise de renforcer les liens entre le secteur de l'éducation et le marché du travail, s'avère particulièrement important dans un contexte où les performances de la France en matière d'inégalités à l'école et de dualité du marché du travail restent insuffisantes. Le plan Juncker, en soutenant l'investissement, représente un outil primordial.

La commission des affaires européennes a récemment travaillé sur le « paquet » relatif à lutte contre l'évitement fiscal, présenté en janvier dernier. Si l'ensemble des mesures, notamment législatives, reposent sur des initiatives encourageantes et nécessaires, il semble que les négociations s'avèrent difficiles. Monsieur le commissaire, peut-on espérer un accord sous la présidence néerlandaise, c'est-à-dire avant la fin du mois ? Un tel accord constituerait la pierre angulaire du paquet contre l'évitement fiscal et assurerait la transposition dans le droit de l'UE de certaines recommandations formulées par l'OCDE dans son plan d'action anti-BEPS, présenté en 2015. Où en sont les travaux d'élaboration de la liste européenne des juridictions fiscales non coopératives ?

Peut-on espérer, dans un futur proche, des avancées sur la mise en oeuvre de la TTF ? La France est peut-être partie seule, mais d'autres pays ont déjà exprimé leur volonté de l'adopter ; nous sommes cependant inquiets, car cette affaire s'apparente de plus en plus à une Arlésienne. J'ai commencé à travailler sur la TTF en 1999, et j'aimerais bien que cette taxe soit instaurée de mon vivant à l'échelle européenne ! Est-ce un souhait réaliste ? Tant que l'UE n'a pas de budget propre suffisamment significatif, de nombreuses politiques – en matière de développement ou de défense – ne peuvent se déployer dans de bonnes conditions.

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Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques et financières, à la fiscalité et aux douanes

Le dialogue avec les représentations nationales est particulièrement important pour la Commission européenne, et il entre dans les attributions du vice-président Valdis Dombrovskis et moi-même de faire la tournée des capitales pour débattre des questions ayant trait au semestre européen. Lorsque l'on présente des recommandations aux États membres, le système ne peut fonctionner que si un processus d'appropriation se développe, le Gouvernement devant avoir à coeur de mettre en oeuvre les recommandations et la représentation nationale devant jouer son rôle, à nos yeux essentiel. Il est donc opportun que je puisse m'exprimer devant vous deux fois par ans, suivant en cela le cycle du semestre européen, voire plus si cela s'avérait nécessaire.

La dernière fois que vous m'avez reçu, le 25 novembre dernier, le climat était empreint des attentats barbares qui avaient, à nouveau, frappé Paris. J'avais alors dit que la France n'était pas seule, que l'Europe était avec elle et que les Européens avaient besoin d'elle. Le contexte est heureusement moins dramatique aujourd'hui, mais ces paroles gardent tout leur sens. En France, nous ne sommes conscients ni du besoin d'Europe que nous éprouvons, ni du besoin de France ressenti par nos partenaires. La France ignore à quel point elle est un pays central dans l'UE et dans la zone euro, et combien ses idées sont attendues puis bien accueillies.

En ce printemps 2016, le tableau économique est clair : la reprise économique en Europe se poursuit, mais dans un contexte mondial devenu moins favorable. Les efforts déployés par les pouvoirs publics nationaux pour créer de l'emploi et pour soutenir l'investissement portent leurs fruits ; ainsi, les moteurs endogènes de la croissance européenne ont pris le relais des exogènes, ces derniers ayant tendance à faiblir. Selon nos prévisions de printemps, la croissance dans la zone euro atteindra 1,6 % en 2016 et 1,8 % en 2017.

Bien que le taux d'endettement de la zone euro décline légèrement depuis 2014, les taux nationaux restent encore à des niveaux élevés. C'est notamment le cas de la France, où la dette publique ne recule pas. Nous continuons d'encourager des politiques budgétaires favorables à la croissance, tout en insistant sur le nécessaire respect des règles budgétaires. Ce policy mix est au coeur de notre action.

En ce qui concerne le semestre européen, mon objectif est de renforcer son appropriation à l'échelon national. Ceux qui voient la main de Bruxelles dans toutes les décisions prises à Paris mentent. La Commission européenne pose les questions, avance des suggestions ou des recommandations, mais c'est vous qui apportez des solutions. Nous voulons simplifier le processus complexe du semestre européen, et renforcer la transparence et la comparaison entre les États membres. L'exercice 2016 est marqué par un approfondissement du dialogue avec le Parlement européen, les parlements nationaux et les partenaires sociaux.

Les recommandations que j'ai présentées le 18 mai dernier visent à adresser aux États membres des orientations économiques pour les douze à dix-huit prochains mois. Nous avons tourné une page le 18 mai, celle de la crise. Le temps où les déficits publics s'élevaient à plus de 6 % est révolu : la zone euro passera sous les 2 % cette année et sera à 1,6 % en 2017. La contribution agrégée des politiques budgétaires à la croissance est devenue très légèrement favorable, pour la première fois depuis 2008, notamment grâce aux dépenses publiques engagées par l'Allemagne pour affronter la crise des réfugiés.

La reprise est là, puisque cela fait maintenant quatre ans que la croissance est positive. La tendance européenne s'établit entre 1,5 et 2 %. Ce niveau n'est pas extraordinaire, mais il est consolidé. Le chômage recule, mais à un rythme dont personne ne peut se satisfaire, les créations d'emplois demeurant insuffisantes.

L'amélioration des finances publiques européennes trouve sa traduction dans nos décisions. Nous avons tenté de démontrer l'intelligence des règles du PSC. Nos décisions budgétaires sur l'Italie, le Portugal et l'Espagne ont donné lieu à débat, mais nous avons voulu faire respecter les règles sans briser la croissance. Le pacte ne s'oppose pas à la croissance, ses règles ne freinant pas la reprise.

La Commission a adressé cinq recommandations à la France contre six l'an dernier, cette diminution étant un bon signe, même si la France reste en procédure de déficit excessif. Tout d'abord, le déficit budgétaire français doit absolument passer sous la barre des 3 % en 2017. Cet objectif constitue l'une de nos recommandations, après que la Commission a donné deux délais de deux ans pour y parvenir. La France se situe dans le rythme prévu par les recommandations qui lui ont été adressées : 3,5 % en 2015, 3,2 % en 2016, selon nos prévisions, et 2,7 % ou 2,8 % en 2017 – le programme de stabilité retenant le premier chiffre et la Commission le second. La Commission sait que des dépenses supplémentaires sont actuellement engagées, mais son rôle n'est pas de les commenter. En revanche, il faudra tenir le cap et passer en deçà de 3 % en 2017. Les nouvelles dépenses devront donc être équilibrées par des économies correspondantes, et la croissance devra générer les recettes nécessaires à la réalisation de cet objectif. Le ministre des finances a répété son engagement en la matière, et le président de la République se trouve dans le même esprit. La Commission jugera les actes, et la présentation, au mois d'octobre, de l'avant-projet de budget pour 2017 constituera un rendez-vous très important. La Commission dispose de prérogatives particulières qu'elle exercera. Atteindre moins de 3 % de déficit en 2017 est faisable, car il ne requiert pas d'efforts considérables, et impératif. Le budget 2017 devra être sérieux et équilibré. Le Parlement devra continuer d'évaluer, avec le Gouvernement, les dépenses publiques et leur qualité.

Aux yeux de la Commission, la lutte contre le chômage s'avère prioritaire. Nos recommandations soulignent la nécessité de renforcer les liens entre le secteur de l'éducation et le marché du travail. Une réforme du marché du travail est nécessaire en France, ses modalités étant du ressort du Gouvernement et du Parlement. Les comparaisons se révèlent implacables : les pays ayant réformé leur marché du travail pour que d'autres personnes que les insiders y aient accès et que la sécurité des salariés soit suffisante obtiennent de meilleurs résultats en matière d'emploi. L'immobilisme mène obligatoirement au chômage de masse. La Commission plaide pour des contrats à durée indéterminée, pour une réforme ambitieuse du marché du travail et pour une sécurité des personnes qui dépend de l'éducation.

La Commission estime également que la compétitivité française doit encore s'améliorer, et elle recommande d'éliminer les obstacles à l'activité dans le secteur des services, en poursuivant le programme de simplification, notamment celle du système fiscal français.

Globalement, la situation de la France s'améliore, mais elle ne doit sous aucun prétexte relâcher ses efforts. Sa performance budgétaire, macroéconomique et en matière de chômage reste légèrement inférieure à la moyenne de la zone euro, ce qui ne peut être satisfaisant.

L'approfondissement de l'Union économique et monétaire (UEM) me tient à coeur. Il est indispensable que nous poursuivions nos travaux en ce sens. L'UEM ne pourra être parachevée sans instaurer de contrôle parlementaire ni sans renforcer l'appropriation du semestre européen par les États membres. Le rôle des parlements nationaux est, là encore, tout à fait essentiel. À titre personnel, je milite depuis longtemps pour la création d'un ministre des finances de la zone euro, qui, membre de la Commission européenne, serait responsable devant le Parlement européen ou devant une chambre dédiée. Je plaide également pour la création d'un budget et d'un Trésor de la zone euro, outils indispensables d'action et de légitimité démocratique.

La révision à mi-parcours du budget européen n'entre pas dans mes compétences, mais elle devra être ambitieuse et profonde. Le budget européen s'avère soumis à des sollicitations toujours plus nombreuses pour affronter des crises sécuritaires ou les problèmes posés par l'afflux de réfugiés, alors qu'il ne possède évidemment pas la taille pour répondre à ces demandes. Nous devons donc nous pencher sur les ressources, mais également sur l'affectation des dépenses, et la contribution des parlements nationaux sera bienvenue et nourrira les réflexions de la Commission et du Conseil.

L'investissement reste un pilier de développement majeur pour la zone euro. La Commission a adopté le 1er juin dernier une communication, approuvée par les gouverneurs de la Banque européenne d'investissement (BEI), qui constate le succès du plan Juncker, après un an de mise en oeuvre. La BEI a engagé plus de 100 milliards d'euros, et la France s'avère la championne de ce plan, avec 14,5 milliards d'euros d'investissements mobilisés et 38 000 petites et moyennes entreprises (PME) accompagnées. Ce plan fonctinne en France, car les entreprises sont à même de porter des projets dans les secteurs prioritaires identifiés par le plan – numérique, efficacité énergétique et mobilités – et les pouvoirs publics agissent dans le cadre d'un État qui reste relativement centralisé. Ces deux facteurs sont absents en Espagne, où le plan fonctionne beaucoup moins bien. En outre, les instances bancaires publiques et parapubliques se sont engagées dans ce plan ; ainsi, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) s'est engagée dans les projets d'infrastructures et BPIfrance dans ceux des PME et de la petite et moyenne industrie (PMI). Il faut continuer de promouvoir ce plan et améliorer la communication en direction des collectivités locales et des entreprises. Dans le cadre du plan Juncker, soixante-quatre grands projets européens ont été développés, dont seize français, le potentiel de création d'emplois s'élevant à 32 000 postes. Devant ce succès, il a déjà été proposé de prolonger le plan au-delà de 2018. Lorsque j'étais encore membre de votre Commission des finances, j'avais achevé ma vie parlementaire par la rédaction d'un rapport au Premier ministre, M. Manuel Valls, portant sur l'investissement ; j'y avais évalué le déficit d'investissement en Europe à 100 milliards d'euros par an pendant dix ans. Nous avons donc besoin de 1 000 milliards d'euros et non de 315, et un plan Juncker prolongé pourrait nous permettre de mobiliser 600 milliards d'euros.

Je vous apporte de bonnes nouvelles sur la Grèce : le 24 mai dernier, l'Eurogroupe a trouvé un accord global sur le mécanisme financier d'urgence et a conclu la première revue du programme. Une page de l'histoire des programmes grecs s'est ainsi tournée. La Grèce a adopté des mesures d'une ampleur sans précédent. Ce fut long, car cela ne correspondait pas au programme de M. Alexis Tsipras, mais les réformes prises en matière de retraites, d'impôt sur le revenu, de création d'une agence indépendante des revenus ainsi que d'un fonds de privatisation et d'investissement, de gouvernance bancaire et de traitement des crédits non performants constituent un programme extrêmement lourd. Ce dernier justifiait le déboursement de 10,3 milliards d'euros pour la Grèce.

La négociation a comporté des aléas, très ordinaires pour les programmes grecs. Comme toujours, on tombe vite d'accord sur 95 % du plan et le reste requiert beaucoup de temps ; aujourd'hui, nous avons résolu presque toutes les difficultés. Je suis donc confiant sur le fait que l'Eurogroupe sera, le 16 mai, en mesure de décider formellement le déboursement de 10,3 milliards d'euros en plusieurs tranches.

Nous avons discuté de l'allégement de la dette grecque : des perspectives d'accord ont émergé et devraient se concrétiser à la fin de l'année. Centrale pour les États membres est la question de la présence du Fonds monétaire international (FMI) dans ce programme. La Grèce se trouve enfin en situation de se tourner vers l'investissement et la progression de l'activité ; nous prévoyons que la croissance reviendra au second semestre et s'établira à 3 % en 2017. Nous avons évité le Grexit l'été dernier et avons fait fonctionner depuis le programme grec.

La lutte contre l'évasion fiscale, l'érosion des bases fiscales et la fraude fiscale est devenue, au fil des mois, une priorité absolue de l'action publique du fait des révélations successives et des attentes fortes de nos concitoyens. Le G20, l'OCDE, la Commission européenne et votre Assemblée, qui examine en ce moment le projet de loi dit « Sapin 2 », agissent actuellement dans ce domaine.

Nous n'avons pas attendu la publication des Panama Papers pour agir. Comme vous le savez, nous avons mis fin au secret bancaire dans les vingt-huit États membres de l'Union et avons signé des accords d'échange automatique d'informations sur les comptes bancaires entre administrations fiscales avec la Suisse, Saint-Marin, le Liechtenstein, Andorre. Nous sommes en train de finaliser l'accord avec Monaco.

Nous avons aussi réussi à faire aboutir rapidement le vote d'une directive sur l'échange d'informations entre administrations fiscales concernant les rescrits fiscaux. Après cette réforme, des affaires telles que les Lux Leaks ne pourraient plus se produire.

Nous avons proposé d'obliger les entreprises à transmettre des informations essentielles aux administrations fiscales – le reporting pays par pays –, mais, à ce stade, ces données ne seraient pas publiques, conformément au plan BEPS. Si le Conseil et le Parlement adoptaient cette mesure, nous réaliserions un progrès. La Commission souhaite aller plus loin et suggère que le reporting pays par pays soit public, comme je vous l'avais dit lors de ma précédente audition. Nous avons réalisé une étude d'impact précise et procédé à des consultations publiques, à l'issue desquelles la Commission, dans la diversité des opinions qui la traversent, a estimé que transparence et compétitivité n'étaient pas contradictoires. Mon collègue également en charge de ce sujet, M. Jonathan Hill, et moi-même avons défendu cette position. La Commission a transmis au Conseil un projet prévoyant que les entreprises multinationales, qui exercent leurs activités dans l'Union et dont le chiffre d'affaires global dépasse 750 millions d'euros par an, doivent publier leurs données comptables et fiscales pour chaque pays de l'UE et pour les paradis fiscaux, ainsi que des données agrégées pour leur activité dans le reste du monde. Si le Conseil et le Parlement avalisaient ce projet, l'Europe deviendrait la première zone économique mondiale à instaurer le reporting public pays par pays. La France doit-elle agir seule ? Il ne m'appartient pas de me prononcer, mais la Commission souhaite aboutir dans ce dossier. Lors des premiers échanges au Conseil sur ce sujet, j'ai observé les réticences de quelques États membres, et non des moindres. Néanmoins, le Royaume-Uni est devenu le héraut du reporting public pays par pays pour l'Europe et pour le monde entier, ce qui n'était pas le cas il y a un an.

Nous prévoyons également de renforcer les obligations de transparence pour les activités des entreprises exercées dans des juridictions qui ne respectent pas les normes internationales de bonne gouvernance. Notre objectif vise à responsabiliser davantage les entreprises.

Suite aux révélations des Panama Papers, la Commission examine les moyens de renforcer le cadre communautaire pour lutter contre les pratiques fiscales abusives. Dans cette optique, nous voulons accroître la portée et l'accès aux informations sur les bénéficiaires effectifs, comme l'ont demandé le G20 et le G7. Il s'agirait de développer l'échange transfrontalier de ces informations, conformément au projet pilote des cinq grands pays de l'UE, le G5. En outre, nous proposons d'examiner les options envisageables pour que l'UE crée une plus grande transparence autour des activités des conseillers fiscaux, ces professionnels facilitant parfois l'évasion et la fraude fiscales. Enfin, nous suggérerons que l'UE dresse une liste commune des JNC ; nous avons lancé le processus en janvier 2016 et souhaitons élaborer une liste commune, insérée dans la stratégie extérieure de l'UE, d'ici à 2017. Il n'existe pas de liste noire paneuropéenne, et seules des listes nationales ont été élaborées. Ces dernières s'avèrent très hétérogènes, puisque le Portugal reconnaît quatre-vingt-cinq paradis fiscaux et l'Allemagne n'en identifie aucun. Le Panama ne figure que dans neuf listes, et la France ne l'a réintroduit que très récemment. On ne peut pas agir dans un cadre aussi hétérogène. Nous aurons donc une liste commune, assise sur une méthode, des critères et des sanctions communs. Nous devons avancer avec beaucoup de résolution, et l'UE travaille déjà sur une première sélection de pays non-européens. Je m'engage à fournir nos premiers résultats cet été. Évidemment, tout cela suppose une coordination internationale dans le cadre du G20 et du G7.

Notre proposition de directive contre l'évasion fiscale se trouve sur la table du Conseil ; elle vise à instaurer un principe de taxation effective. Il ne s'agit pas d'une taxation minimale. Certains de nos partenaires européens, comme l'Irlande, redoutent que nous remettions en question la souveraineté voire la concurrence fiscales. Nous n'avons ni ce pouvoir ni cette volonté, si bien que nous poursuivons un autre but, celui d'éviter les systèmes de double non-imposition. Certaines entreprises, qui ont un siège social bien localisé et des filiales judicieusement placées, se débrouillent pour payer pas ou peu d'impôts là où elles créent des richesses. Le slogan de la taxation effective est le suivant : les entreprises paient leurs impôts là où elles génèrent leurs profits. Nous avons élaboré une batterie de propositions dans le cadre de cette directive, pour laquelle la présidence néerlandaise a consacré beaucoup de capital et d'énergie politiques. Il faut la féliciter pour le travail accompli au cours du semestre, et nous travaillons main dans la main avec M. Jeroen Dijsselbloem, qui est également président de l'Eurogroupe, cette position constituant un atout indéniable. Nous sommes dans la dernière ligne droite, puisque le dernier Conseil des ministres des finances – Ecofin – de la présidence néerlandaise aura lieu le 17 juin à Luxembourg. Je reste confiant sur la possibilité de parvenir à un accord la semaine prochaine, même s'il reste des obstacles à franchir.

J'ai présenté en avril dernier un plan d'action sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui comprend un volet important de lutte contre la fraude. Alors que 168 milliards d'euros dus ne sont pas collectés en Europe chaque année et que 50 milliards d'euros disparaissent à cause des carrousels, nous devons avancer des propositions concrètes.

Nous présenterons à la fin de l'année nos premières propositions sur les taux réduits de TVA : je souhaite que la subsidiarité joue en la matière, car le système actuel reposant sur une liste de taux réduits fixée à Bruxelles, qui s'avère vite obsolète, est très contraignant. La Commission a repris ma proposition de laisser aux États membres le soin de choisir les produits bénéficiant de taux réduits. Nous allons, dans un premier temps, élaborer une liste de produits à taux réduit, incluant notamment les publications et les livres électroniques, car un journal en ligne est un journal et un livre électronique est un livre. De la même façon, je me suis engagé à ce qu'une proposition législative sur le sujet de la tampon tax, que portent beaucoup les Britanniques en ce moment. Néanmoins, ce sont les États membres qui devraient avoir compétence dans ce domaine, faute de quoi l'établissement de ces listes à l'échelon européen donnerait lieu à des discussions sans fin.

La TTF constitue peut-être une Arlésienne, madame la présidente, mais elle continue à danser. Monsieur le président, la France n'est pas seule dans ce dossier, qu'elle porte avec l'Allemagne. Mon collègue M. Wolfgang Schäuble et moi-même, alors que nous étions ministres des finances, avions en effet rassemblé onze pays, dont les quatre principaux de la zone euro. La TTF n'a pas encore été mise en place, mais les dix pays de la coopération renforcée ont proposé son instauration, et je nourris l'espoir raisonné d'avancer la semaine prochaine à l'occasion de l'Ecofin.

Je porterai, au cours du second semestre de cette année, une proposition ambitieuse pour créer une assiette commune consolidée sur l'impôt sur les sociétés (ACCIS). Nous souhaitons faciliter la vie des entreprises et réduire le coût des activités transfrontalières, tout en luttant contre l'évasion fiscale. Le projet ACCIS existe depuis longtemps, mais il n'a jamais pu être mis en oeuvre et il faudra le reprendre différemment. La Commission commencera par proposer dans un premier temps une assiette commune, avant de suggérer ensuite sa consolidation.

Je tiens enfin à saluer la proposition de résolution de la commission des affaires européennes relative au paquet anti-évitement fiscal de la Commission européenne.

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Monsieur le commissaire, il y a un mois et demi, j'ai écrit, avec quarante de mes collègues membres de parlements d'États membres de l'UE, une lettre qui portait sur la croissance potentielle, sujet sur lequel vous ont également écrit huit ministres des finances. En effet, nous souhaitons que la méthode de calibrage de la croissance potentielle soit revue. À l'initiative de son économiste en chef, M. Olivier Blanchard, le FMI a revu en 2013 la méthode de calcul de la croissance potentielle. La demande d'effort structurel de baisses des dépenses publiques est assise sur le niveau de la croissance potentielle. La Commission européenne a choisi une méthode qu'elle est la seule à appliquer et qui repose sur un horizon temporel de deux ans, les autres calculs se fondant sur une période de quatre ans. Pourquoi la Commission européenne se distingue-t-elle dans ce domaine ? Pourquoi ne suit-elle pas la méthode qui fait consensus chez les économistes et qui retient un cycle de quatre ans ? Les députés socialistes et sociaux-démocrates ont soumis cette lettre à toutes les commissions des finances et du budget des parlements nationaux, et nous espérons obtenir une réponse.

La directive sur la TVA date maintenant de plusieurs années, et vous vous êtes déclaré ouvert à l'évolution de ce cadre. On doit maintenir la base taxable, 168 milliards d'euros de recettes de TVA manquant dans les caisses des États membres, et prévenir la concurrence entre les États sur la TVA. Avez-vous prévu des garde-fous dans ce domaine et, si oui, lesquels ?

Vous avez exprimé votre souhait d'harmoniser l'assiette de l'impôt sur les sociétés (IS) : comptez-vous étendre ce mouvement de convergence aux taux ? Comment cette réforme se mettra-t-elle concrètement en oeuvre ?

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Je note avec satisfaction que la Commission européenne reconnaît que la France tient ses engagements de trajectoire budgétaire. Les demandes de la Commission épousent d'ailleurs les orientations que l'actuelle majorité mettra en oeuvre, monsieur le président. Ainsi, soyez rassuré monsieur le commissaire, nous respecterons l'objectif d'un déficit de 3,3 % du PIB en 2016, les dépenses nouvelles étant gagées par des économies, et nous maintiendrons cette politique en 2017. La France conduit un policy mix proche des préconisations européennes et conservera ce cap.

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Monsieur le commissaire, un certain nombre d'analystes considèrent que le PSC se trouve en péril, d'autant plus que vous avez reporté de mai à juillet une décision qui devait s'appliquer aux deux pays de la péninsule ibérique. Quelles seront les orientations du choix du mois de juillet ? La plupart des économistes attachés au PSC considèrent qu'il convient d'accélérer la consolidation budgétaire dans les périodes de reprise économique – même si celle-ci s'avère modeste, puisque vous estimez la croissance dans une fourchette comprise entre 1,5 et 2 % du PIB dans l'espace économique européen. Confirmez-vous cette analyse ?

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Êtes-vous inquiet de l'accumulation de dépenses supplémentaires annoncées par le Gouvernement au regard de l'obligation de réduire notre déficit budgétaire en deçà de 3 % du PIB ? Ces nouvelles dépenses représentent en effet 4 milliards d'euros en 2016 et 10 milliards en 2018.

Les créanciers publics de la Grèce échapperont-ils à une annulation partielle de la dette publique de ce pays ?

Existe-t-il une chance de voir le projet de directive relative au reporting pays par pays adopté avant le 31 décembre 2016 ?

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Monsieur le commissaire, la France est engagée depuis 2012 dans de grandes opérations extérieures (OPEX) de maintien de la paix sous mandat de l'Organisation des Nations unies (ONU) ; or, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) ne prend pas en compte une donnée aussi essentielle que celle-ci. Le coût de ces opérations s'avère très élevé et l'effort de la France en matière de défense est considérable, puisqu'il dépasse 1,5 % du PIB depuis plusieurs années – le ratio est moitié moindre en Italie et s'élève aux deux tiers en Allemagne. Comme cette différence se maintient dans le temps, on peut qualifier cette inégalité de situation de structurelle. M. Harlem Désir, secrétaire d'État aux affaires européennes, m'avait répondu en octobre dernier que des efforts restaient à engager, malgré le mécanisme ATHENA qui permet de financer 10 % de la logistique des OPEX, pour que l'Europe puisse contribuer à des actions communes en matière de politique extérieure et de défense. Il avait ajouté que la sortie de ces dépenses du PSC pourrait inciter les États membres à s'engager davantage sur ce terrain. La Commission européenne devait avancer en juin 2015 : qu'en est-il un an plus tard et quelle est votre position officielle ?

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Le président Juncker, venu à l'ouverture du congrès de l'Association des maires de France (AMF), a réaffirmé à cette occasion tout son soutien aux collectivités territoriales, notamment aux plus petites d'entre elles. La France est présentée comme sachant bien recourir au plan Juncker, mais celui-ci s'avère complexe et contient un biais en faveur des plus riches. Un bilan d'étape sur cette question a-t-il été effectué ? Sait-on qui a pu utiliser le plan Juncker ? Existe-t-il des freins ? Tout le monde a des projets dans ses cartons, mais ceux-ci ne se réalisent pas faute de soutien à l'investissement.

La présidence slovaque a annoncé vouloir poursuivre la mise en place d'un fonds européen d'investissement stratégique. Pourriez-vous nous en dire davantage, monsieur le commissaire ?

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L'Europe connaît une amélioration de la situation de ses finances publiques, de sa croissance et de son chômage, mais les performances françaises restent inférieures à la moyenne de l'UE et de la zone euro. La Banque de France a annoncé ce matin une révision à la baisse de sa prévision de croissance pour le deuxième trimestre de cette année et nous devons prendre en compte cette réalité française. J'ai apprécié que vous rappeliez que le déficit budgétaire français devait impérativement passer sous la barre des 3 % en 2017. Il faudra le redire à la majorité car, comme plusieurs de nos collègues, je suis inquiète que cette période pré-électorale soit marquée par l'annonce de dépenses nouvelles dans tous les domaines, qui risquent de nous empêcher de remplir l'obligation budgétaire de 2017. Vous avez avancé le chiffre de 3,2 % du PIB pour le déficit en 2016, quand Dominique Lefebvre parle déjà de 3,3 %.

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C'est le chiffre du programme de stabilité !

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Oui, mais M. le commissaire a évoqué 3,2 %. En tout état de cause, nous jugerons les actes.

Si la simplification du système fiscal français consistait à introduire le prélèvement à la source, nous ne pourrions pas partager cette démarche ; en effet, M. le président de la commission des finances et nous-mêmes demandons plutôt une stabilisation du système fiscal.

Monsieur le commissaire, pourriez-vous nous citer un ou deux exemples de projets importants financé grâce au plan Juncker ?

Quel est votre avis sur le Brexit ?

Je ne partage pas votre optimisme sur la résolution de la question de la dette grecque. La zone euro reste en danger, et la possibilité du Brexit assombrit davantage les perspectives européennes.

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Comme chacun d'entre nous, je me réjouis des bonnes nouvelles que vous nous apportez, monsieur le commissaire.

Comment peut-on parler d'exemplarité fiscale lorsque la Commission européenne est présidée par M. Jean-Claude Juncker ? On ne connaît pas encore tous ses exploits en matière fiscale, mais ce que l'on sait de lui suffit à ne pas douter de l'immense scandale qui éclatera dans l'avenir.

Vous défendez l'approfondissement de l'intégration budgétaire et fiscale en Europe. Est-ce que quelqu'un sait comment les grands partis expliqueront cette question au peuple français – si tant est que ce dernier existe encore l'an prochain ? Les Français, pourtant jadis si enthousiastes envers la construction européenne, n'accordent plus aucune confiance à ce type de projet. On peut trouver de petits arrangements, mais arrivera forcément l'heure de la nécessaire explication : comment ferez-vous à ce moment-là ?

La République française existe-t-elle encore lorsque l'on entend un exposé comme le vôtre, monsieur le commissaire ? J'ai visité quinze pays européens l'an dernier et j'ai partout eu le même sentiment de disparition des États nationaux.

Nous n'en avons pas fini avec les paradis fiscaux et en avons même créé un il y a quatre ans en Irlande, et je peux vous assurer que les Irlandais y tiennent.

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Monsieur le commissaire, vous prônez la nomination d'un ministre des finances européen ; quelle autorité aurait-il sur les ministres des finances et les budgets nationaux ?

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Les sondages donnent pour la première fois le Brexit gagnant, si bien que sa probabilité devient maintenant élevée. Comment l'UE réagirait-elle au départ du Royaume-Uni ? Quels sont les trois principaux dossiers que nous aurions à traiter après cette rupture ?

Le réquisitoire du procureur dans l'affaire Deltour montre qu'il peut exister un obstacle à la transparence que vous semblez vouloir promouvoir. Alors que vous travaillez au projet de directive relative au secret des affaires, ce dernier pourrait-il paralyser la lutte contre l'optimisation fiscale ?

Pendant quelques années, l'UE, mais aussi certains pays dont la France, considéraient que la réduction des déficits commandait de baisser les dépenses ; on sait aujourd'hui qu'il faut consolider les recettes en garantissant l'assiette et non en augmentant les taux. Cela commande de lutter contre les paradis fiscaux. Quelle est la probabilité de voir adoptée la directive sur le reporting public ? Cette question s'avère d'autant plus importante pour nous que nous débattons actuellement du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

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Il me semble avoir lu que l'on envisageait une modification des règles de Bâle III suite à des pressions du secteur bancaire ? Qu'en est-il exactement ?

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L'évaluation de la croissance potentielle par la Commission européenne est une question très politique. J'ai été stupéfaite lorsque mes collègues italiens m'ont montré que la Commission considérait que la croissance potentielle italienne était négative. Au-delà du fait que cela n'a aucun sens économique, un tel chiffre instille le doute sur toutes les évaluations de la Commission. En s'appuyant sur sa méthode de calcul de la croissance potentielle, la Commission européenne demande à la France de réduire son déficit structurel de 0,8 point : on est en droit de se demander d'où vient ce chiffre ? A-t-il été tiré au sort ou utilisez-vous un modèle ?

Monsieur le commissaire, vous venez de nous annoncer qu'une réunion décisionnaire des ministres aura lieu la semaine prochaine sur la TTF. Avec mon collègue du Bundestag Carsten Schneider, nous avons demandé aux ministres des finances français et allemand de prendre une position officielle sur cette question. Combien de pays font-ils encore partie du groupe de coopération renforcée ? Quelles recommandations ce groupe formulera-t-il, en vue de la réunion des ministres la semaine prochaine, en matière de taxation des produits dérivés et des produits souverains ? La France semble s'opposer à la taxation des produits dérivés et l'Allemagne à celle des produits souverains. Un accord a-t-il été trouvé entre ces deux pays ? Le groupe de coopération renforcée recommande-t-il d'intégrer ces deux produits dans l'assiette de la TTF ?

Nous examinons actuellement le projet de loi dit « Sapin 2 », dont beaucoup de dispositions concernent votre portefeuille. Le plan BEPS comporte quinze recommandations ; selon mes dernières informations, transmises par l'OCDE, la Commission européenne ne prévoyait d'intégrer que trois ou quatre de ces recommandations dans ses directives. L'OCDE dit-elle vrai ou se montre-t-elle trop prudente ? Qu'en est-il exactement ?

Nous avons adopté la nuit dernière en séance publique une mesure prévoyant la mise en place d'une transaction pénale pour les entreprises européennes afin de lutter contre l'extraterritorialité du droit américain. Tout le monde s'accorde à penser que c'est à l'UE de mettre en place ce type de protection : la Commission européenne l'envisage-t-elle ?

Une disposition du projet de loi « Sapin 2 » technique mais cruciale, concerne le mécanisme de résolution des assurances et fait écho aux travaux conduits par la Commission européenne depuis trois ans. Elle a imposé dans l'UE des mécanismes de résolution bancaire : avez-vous l'intention de déployer des mécanismes de résolution d'assurance, sachant que la France est en train d'avancer avec ce projet de loi ?

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Avec le projet de directive relative aux nouvelles règles de transparence fiscale publique pour les multinationales, nous avons noté la volonté de l'UE d'accroître la transparence en matière d'IS par l'introduction d'obligations de déclaration pour les grandes entreprises exerçant des activités dans l'Union. Comment peut-on mesurer l'impact en France de ce projet ? Où en sont les autres États dans les procédures de transposition ? Cette question est importante pour que l'on s'assure du non-isolement de la France dans cette démarche. Connaissez-vous le nombre d'entreprises qui seraient concernées en France et dans l'UE ? Ce dispositif serait-il contraignant ou non ? Il apparaît que la directive européenne n'impose pas de référentiel précis d'indicateurs, mais la France souhaiterait que le système soit plus contraignant. Quel est votre point de vue sur cet aspect ?

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La TVA représente un élément de compétitivité. Dans le domaine agricole, le forfait de TVA est une survivance en France qui ne bénéficie qu'à de toutes petites et peu nombreuses exploitations ; en Allemagne, la situation diffère, puisque le forfait de TVA s'avère sensiblement plus élevé et profite systématiquement à des exploitations moyennes, certaines d'entre elles se divisant pour pouvoir en bénéficier. Qu'envisagez-vous de faire pour mettre un terme à cette distorsion de concurrence ?

Les « fonds vautours » rachètent des créances de pays impécunieux à vil prix et les placent dans des pays développés comme les nôtres en sollicitant des entreprises françaises ou européennes qui travaillent avec ces pays désargentés. Ces entreprises paient deux fois, aux pays concernés et aux fonds. À ma connaissance, il n'existe pas de position européenne sur ce sujet, si bien que les États membres adoptent des positions différentes à l'égard des fonds vautours. Nous allons aborder cette question lors de l'examen du projet de loi « Sapin 2 ».

Si l'on parle beaucoup des pays comme le Panama, on parle moins du Luxembourg – même si Jean Lassalle l'a évoqué. On a récemment appris que les bénéfices de l'entreprise McDonald's France étaient reversés au Luxembourg ; ce sujet peut être délicat pour un commissaire européen, mais je vous remercie, monsieur Moscovici, des précisions que vous voudrez bien nous apporter dans ce domaine.

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Monsieur le commissaire, on connaît maintenant votre proposition en matière de reporting, qui sera soumise au Conseil avant la fin de la présidence néerlandaise, c'est-à-dire avant la fin du mois. L'étude d'impact avait jugé neutres ou marginaux les effets d'un reporting public limité aux pays de l'UE et à un certain seuil d'activité. Elle avait d'ailleurs porté le même jugement sur un reporting des entreprises qui dépasserait le cadre des pays de l'Union. Pourquoi avoir circonscrit votre proposition aux pays européens et aux États non coopératifs, dont la liste reste à arrêter ? Quelles seraient les conséquences d'un élargissement de ce reporting public pays par pays à l'échelle mondiale ?

Je souhaiterais prolonger la question posée par Joël Giraud sur la prise en compte des efforts budgétaires de la France dans le domaine de la défense. Il y a lieu de constater qu'un certain nombre d'États européens délèguent à la France la mission de tenir le rang de l'Europe et d'assurer sa sécurité.

Mes chers collègues de l'opposition, je comprends vos inquiétudes sur notre capacité à tenir l'engagement de maîtriser les déficits publics. Pendant des années, vous avez appartenu à des majorités qui affichaient des objectifs qui n'étaient jamais atteints. Vous avez face à vous des élus et un Gouvernement responsables qui réduisent les déficits après l'avoir annoncé. Nous allons continuer en 2016 et en 2017, comme depuis 2012, à respecter nos engagements pris à l'égard de l'Union et, surtout, à l'égard des Français, car la maîtrise des déficits est un enjeu de souveraineté.

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D'aucuns disent, monsieur le commissaire, que le mois de juin est celui de tous les dangers. La Réserve fédérale (Fed) américaine prendra des décisions qui auront un impact sur le taux de change entre l'euro et le dollar, et le Royaume-Uni quittera peut-être l'UE. En outre, la Chine dévaluera peut-être sa monnaie, et le Japon pourrait la suivre dans cette voie. Le risque de déflation existe toujours, et les banques centrales n'ont pas atteint leurs objectifs. Que pensez-vous de ce tableau ? Peut-on se montrer positif, comme vous l'avez été dans votre exposé ?

Si une assiette commune de l'IS était définie à l'échelle de l'UE, parviendrions-nous à harmoniser les taux ?

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Monsieur le commissaire, dans l'hypothèse où le reporting pays par pays prendrait les contours que vous avez dessinés, comment serait fixée la liste des pays non coopératifs ? Certains pays ne risquent-ils pas d'échapper au radar du reporting ?

L'Assemblée nationale a voté l'année dernière l'instauration de la TTF pour la seule France à la condition que les autres pays participant à la coopération renforcée la rejoignent. Le Conseil constitutionnel a déclaré cette disposition contraire à la Constitution pour des raisons de procédure, mais M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, a pris l'engagement que serait conclu un accord avec nos partenaires avant le mois de septembre de cette année. Pourriez-vous nous confirmer cet agenda et nous rendre compte de l'état de la négociation ? Une réunion est prévue la semaine prochaine, mais si elle devait n'être pas conclusive, quelles seraient les prochaines étapes ? Vous avez affirmé être animé d'un « espoir raisonné » dans ce dossier : pourriez-vous préciser votre pensée ?

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Monsieur le commissaire, un auditeur vous a récemment interrogé sur France Inter sur le lien existant entre la « loi travail » et les recommandations formulées par la Commission européenne à l'issue de la négociation ayant abouti à accorder à la France un délai jusqu'en 2017 pour remplir son obligation de faire passer son déficit budgétaire sous le seuil de 3 % de son PIB. Vous lui avez répondu qu'un lien existait bien entre vos recommandations et leurs conséquences sur la réforme du code du travail ; confirmez-vous ces propos devant la représentation nationale ?

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Si le Royaume-Uni décidait par référendum de quitter l'UE, les autres pays seraient impuissants pendant deux ans, période pendant laquelle la sortie est négociée. Quelles sont les réflexions de la Commission européenne sur cette hypothèse, qui devient malheureusement de plus en plus envisageable ?

Vous êtes un commissaire européen de nationalité française, mais il ne vous est bien entendu pas demandé de défendre tout le temps la France, d'autant plus que l'on accuse trop facilement l'Europe de problèmes qui résultent bien souvent de notre propre fait. La faiblesse avec laquelle notre pays mobilise les financements européens m'inquiète. Ainsi, on n'utilise toujours pas bien les fonds pour la recherche contenus dans le programme Horizon (H) 2020, car les procédures nous paraissent trop complexes ; cependant, les autres pays européens, y compris les plus petits, parviennent à se saisir de ces fonds. Je nourris également quelques craintes pour la mobilisation des crédits du Fonds européen de développement économique régional (FEDER) ; certaines régions vont même devoir rembourser par du dégagement d'office, parce que les fonds ne sont pas utilisés correctement et dans des délais raisonnables, les récentes élections régionales pouvant expliquer en partie ces lacunes. Je ne vous demande pas d'organiser des passe-droits pour la France, mais pourriez-vous insister sur le fait que l'UE se trouve au rendez-vous, auquel nous ne nous rendons parfois pas ?

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Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques et financières, à la fiscalité et aux douanes

Mesdames Rabault et Berger, la Commission européenne répondra officiellement à la question portant sur la croissance potentielle, dont l'importance et la pertinence ne m'ont pas échappé. Nous avons commencé à en parler lors de l'Eurogroupe informel tenu à Amsterdam il y a un petit mois ; le président de l'Eurogroupe et moi-même faisons confiance aux travaux d'un groupe technique sur la croissance potentielle, qui doit rendre ses conclusions à l'automne prochain, et nous agirons. Lorsque nous avons examiné le budget de l'Italie dans le cadre du semestre européen, nous avons calculé la croissance potentielle à partir d'un cycle de quatre ans et non de deux. Je suis favorable à une révision de nos règles, dans le sens d'une simplification, d'une plus grande lisibilité – si nous avions décidé de lancer une procédure de déficit excessif contre l'Italie sur le fondement de son endettement, personne n'aurait compris notre décision, pourtant légitime, puisque son déficit s'élèvera à 1,8 % de son PIB l'an prochain – et d'une meilleure prise en compte du cycle économique. J'ai de la sympathie pour votre démarche, qui est considérée avec beaucoup de sérieux.

Je suis également sensible aux remarques sur la base taxable en matière de TVA, mais les États devront être responsables s'ils recouvraient la compétence dans ce domaine, en ne décidant pas d'un taux réduit généralisé. On définirait d'ailleurs des critères pour encadrer l'inscription des produits sur la liste de ceux bénéficiant d'un taux réduit.

Dans le dossier de l'ACCIS, nous commencerons par définir une assiette commune avant de lancer le processus de consolidation. Il ne s'agit pas d'un projet nouveau, puisqu'il se trouve sur la table du Conseil depuis 2010, même s'il a été retiré pour obsolescence. Les Irlandais s'opposent à la consolidation, car de nombreux sièges sociaux sont implantés dans leur pays. Une période d'acclimatation serait pertinente, d'où notre volonté d'avancer en deux étapes.

Monsieur Lefebvre, je vous remercie de m'avoir rassuré sur la trajectoire des finances publiques ; je ne suis pas inquiet, mais je reste vigilant comme l'exige mon travail de commissaire européen. Le programme de stabilité de la France affiche une prévision de déficit budgétaire de 3,3 %, et les prévisions officielles de la Commission s'avèrent légèrement plus optimistes et évaluent le déficit budgétaire français à 3,2 % cette année. Le passage de 3,2 % à 2,8 %, scénario que nous avons retenu alors que le programme de stabilité annonce que le déficit budgétaire ne sera que de 2,7 % en 2017, constitue un pas qu'il n'est pas impossible de franchir. Encore faut-il que la politique budgétaire soit conduite avec sérieux et que les dépenses supplémentaires soient compensées par des économies correspondantes – si possible intelligentes, monsieur le président ! La Commission recevra en octobre 2017 l'avant-projet de budget de la France et exercera ses prérogatives en la matière. J'espère que nous constaterons que les engagements pris ont été tenus.

Monsieur Hetzel, le pacte n'est pas en péril : nos décisions sur l'Espagne et le Portugal répondent à notre désir de ne pas briser la reprise dans des pays qui ont consenti des efforts, mais où la situation du chômage reste préoccupante. Nous avons un nouveau rendez-vous début juillet, après les élections espagnoles, où nous prendrons nos responsabilités. Je ne partage pas votre analyse économique, et la plupart des instituts non plus d'ailleurs. On n'a pas besoin en ce moment de plus de consolidation budgétaire ; le FMI et l'OCDE demandent une contribution plus positive des finances publiques à la croissance. La croissance reste inférieure à 2 % dans la zone euro et les taux d'intérêt restent faibles, si bien que l'objectif ne doit pas être d'atteindre partout l'équilibre budgétaire ! Ce débat sera probablement le vôtre en 2017 et il a lieu en Allemagne, mais il convient de prendre en compte des paramètres démographiques et économiques qui s'avèrent subtils.

Monsieur de Courson, la Commission veut que la dette grecque se réduise significativement, mais aucun État membre n'est prêt à accepter une décote – ou haircut – de la dette grecque. Ce sujet n'existe pas à la table de l'Eurogroupe.

Il est déjà très ambitieux de vouloir appliquer le reporting pays par pays aux pays européens et aux paradis fiscaux. Je comprends que certains veuillent aller plus loin, mais ceux-là font fi des débats au sein de la Commission européenne et des positions exprimées au Conseil. Si nous envisagions d'accroître le champ de la réforme, un problème de légitimité et de réciprocité des législations se poserait, et notre volonté ne pourrait se concrétiser puisque nous n'avons pas de capacité d'action majeure en la matière. Nous nous en tenons donc à ces deux zones, et nous serions la seule entité économique du monde à mettre en oeuvre une telle obligation. La liste des paradis fiscaux sera européenne, si bien qu'une connexion existe entre le reporting pays par pays et la liste paneuropéenne, puisque nous demanderons des données comptables et fiscales exhaustives pour les activités exercées dans ces pays-là – ainsi que dans l'ensemble de l'UE. J'ignore si cette réforme peut être adoptée – et encore moins avant le 31 décembre prochain – car des débats ont lieu au Conseil. Je souhaite une adoption rapide, mais l'horizon de la fin de l'année s'avère bref à l'échelle de l'UE.

La France n'a pas demandé à ce que ses dépenses de défense soient traitées à part dans le cadre du PSC, mais il est implicitement tenu compte de cet effort. Le problème relève de la mutualisation, et il sera plus simple de traiter ces questions le jour où une défense européenne sera mise en place. Pour des dépenses européennes, la prise en compte du point de vue européen doit prévaloir. La France joue un rôle pour le compte de l'Europe, mais elle agit aussi pour elle-même, et il est difficile d'opérer le partage de ces deux dimensions.

Monsieur Vergnier, le plan Juncker fonctionne concrètement pour les entreprises. Il soutient ainsi, par exemple, une coopérative agricole dans le Cotentin, la rénovation énergétique de logements privés en Île-de-France et la rénovation de friches industrielles ; l'ensemble de ces actions pourraient créer 32 000 emplois. Il y a deux semaines, je me suis rendu en Lorraine, où j'ai visité une PME de 60 employés spécialisée dans l'ingénierie acoustique, qui a bénéficié d'un prêt de 600 000 euros du Fonds européen d'investissement. Il existe certes un problème de système d'information présentant les démarches pour monter les projets, mais les projets doivent préparer l'économie de demain et ce plan n'a pas vocation à financer tous les investissements. Je n'ai pas connaissance du texte slovaque, mais le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) existe déjà et il porte le plan Juncker.

S'agissant du Brexit, il n'y a pas de « plan B », car l'expérience montre que l'élaboration d'un plan B fait disparaître le plan A. Les Britanniques vont choisir, et nous espérons qu'ils resteront dans l'Union. Si l'on commence à envisager la gestion d'un vote de sortie, on se place dans une position difficile. Le président Juncker s'est exprimé la semaine dernière de manière très claire en disant que si l'on reste, on reste et si l'on sort, on sort. Cela me paraît la bonne attitude à adopter.

Cher Jean Lassalle, comme commissaire chargé de la fiscalité, j'ai le soutien total de M. Juncker. Il ne freine jamais la lutte contre l'évasion fiscale et arbitre positivement en la matière. Nous avons besoin de voix pro-européennes pour contrer les anti-européens, et je connais les positions de votre famille politique d'origine, monsieur Lassalle. Je souhaite que l'échéance électorale française de 2017 soit l'occasion de beaucoup entendre les positions pro-européennes.

Il convient d'avancer dans le dossier du budget européen.

Monsieur Alauzet, il n'y a pas de contradiction entre le secret des affaires et la lutte contre la fraude fiscale. Nous ne voulons pas mettre en danger la compétitivité de l'économie européenne, mais nous souhaitons fixer des règles permettant d'éviter la fraude.

Monsieur Goua, je n'ai pas d'informations sur la réforme de Bâle III ou la perspective d'une résolution dans le secteur des assurances, ces sujets ne faisant pas partie de mon portefeuille. À ma connaissance, ni l'un ni l'autre de ces projets n'existent.

Madame Berger, dix États membres participent au processus de mise en place de la TTF, l'Estonie s'étant récemment retirée. Il en faut neuf pour la déployer, et mon espoir raisonné va de pair avec une prudence relative. Les discussions ne sont pas très dynamiques sur ce sujet en ce moment, mais j'espère que la réunion de la semaine prochaine s'avérera utile. Elle ne réglera pas tous les détails de la taxe, mais elle pourrait arrêter une maquette pertinente. Des résistances existent, et j'ignore les positions de la France et de l'Allemagne, ce projet étant désormais intergouvernemental. Je n'ai cependant pas constaté d'oppositions majeures entre ces deux pays, même si l'Allemagne se montre plus prudente ; ils restent en tout cas les moteurs de ce projet qu'ils ont lancé.

Nous n'avons pas la réponse à toutes vos questions sur l'articulation entre la loi « Sapin 2 » et les idées européennes. La Commission propose tout BEPS et même au-delà de ce programme, la directive de lutte contre l'évasion fiscale se révélant plus ambitieuse que BEPS.

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Monsieur le commissaire, nous souhaiterions vivement être destinataires d'une communication sur le sujet.

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Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques et financières, à la fiscalité et aux douanes

Bien entendu.

Madame Louwagie, le projet de la Commission contraindrait 6 500 grandes entreprises à publier leurs bénéfices et leur imposition pays par pays ; le seuil retenu de 750 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel ferait entrer dans le champ de cette mesure 90 % des revenus des entreprises multinationales en Europe. La part restante se trouve couverte par d'autres dispositions et son intégration dans le mécanisme augmenterait sensiblement les coûts administratifs de sa mise en place. Par ailleurs, nous n'avons pas souhaité revenir sur le plafond de l'OCDE pour éviter les doubles impositions.

Monsieur Le Fur, je vous répondrai par écrit sur la TVA, mais votre question sur les fonds vautours dépasse le cadre de mon portefeuille. Le Luxembourg a adopté l'échange automatique d'informations et est entré dans une démarche plus coopérative, si bien qu'il n'est pas défini comme un paradis fiscal.

Monsieur Lambert, la Commission n'est pas un super-gouvernement et l'UE n'est pas un super-État. Il est faux de croire, contrairement à ce qu'affirment tous les jours des dirigeants politiques, que toutes les décisions sont prises à Bruxelles. Nous fixons des fins car elles nous sont communes, mais les moyens restent toujours du ressort national. En matière de réforme de marché du travail, nous avons formulé des recommandations et avons affirmé qu'une réforme liée à l'éducation devait être mise en oeuvre ; ce n'est pas cependant pas à la Commission, mais au Parlement français de légiférer sur la réforme du marché du travail proposée par le Gouvernement. Arrêtons de tirer sur le pianiste bruxellois !

Monsieur Gagnaire, la France devrait en effet mieux mobiliser les fonds européens, surtout qu'elle en est capable, comme le montre l'utilisation du plan Juncker. Dans ma fonction de commissaire, j'ai un devoir d'indépendance absolue que je remplis, aucun pays, a fortiori le mien, ne pouvant bénéficier de tolérance, de dérogation ou d'indulgence. Pour le reste, Français, je visite les régions françaises, j'ai de la sympathie pour les projets français et je reçois officiellement des responsables politiques, administratifs et économiques français. Comme mes collègues de la Commission, je cherche à ce que l'Europe soit écoutée en France, bénéficie à la France et qu'en retour, la France soit écoutée en Europe car nous avons toujours besoin de voix françaises comme les vôtres.

J'ai enfin noté, monsieur le président, l'idée d'une réunion avec votre commission après le référendum britannique ; ce rendez-vous aurait sa pertinence, même si le calendrier sera resserré puisque la Commission aura des décisions à prendre. Je souhaite en tout cas revenir devant vous, car ce vote, quel qu'en soit le résultat, aura des conséquences. J'ignore si le mois de juin sera celui de tous les dangers, mais celui-ci existe réellement, nous ne devons pas le minimiser.

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Nous vous remercions beaucoup, monsieur le commissaire, pour cette audition extrêmement intéressante. Deux événements nous donneront l'occasion de vous inviter : le référendum britannique du 23 juin prochain et, à l'automne, le dépôt du projet de loi de finances pour 2017 dont vous devrez examiner la qualité. Il faudra en effet mobiliser beaucoup de compétences pour étudier ce dernier budget de la législature.

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Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques et financières, à la fiscalité et aux douanes

Ce dernier rendez-vous s'inscrit dans le cadre de nos rencontres régulières et normales, monsieur le président, et je vous présenterai les décisions de la Commission sur le projet de budget français.

La séance est levée à 10 h 48.