Audition, conjointe avec la commission des affaires européennes et ouverte à la presse, de M. Thierry Repentin, ministre délégué aux affaires européennes, sur le Conseil européen du 22 mai
La séance est ouverte à dix-sept heures trente.
Nous accueillons avec plaisir M. Thierry Repentin, qui s'exprime pour la première fois en tant que ministre délégué aux affaires européennes devant nos deux commissions conjointes.
Monsieur le ministre, vous allez nous rendre compte du dernier Conseil européen des chefs d'État et de gouvernement, consacré à l'énergie et à la fiscalité. Même s'il n'a duré que quatre heures, il a en effet donné lieu à des décisions substantielles, surtout en ce qui concerne l'énergie – quoique la presse ait davantage parlé de la fiscalité, sans doute parce que la discussion sur l'énergie a débouché sur des conclusions moins concrètes et moins nouvelles que celle sur la fiscalité.
Le débat public s'était jusqu'ici concentré sur l'exploitation des sources d'énergie non conventionnelles, en particulier le gaz de schiste. Le débat plus large qui s'est ouvert au Conseil européen a permis de fixer des orientations dans quatre directions : l'achèvement du marché intérieur d'ici 2014 et le développement d'interconnexions d'ici 2015, ce qui implique d'achever la transposition du troisième « paquet énergie », la poursuite des investissements, la diversification des approvisionnements et les mesures d'efficacité énergétique, qui passent par l'analyse des conséquences du niveau élevé des prix de l'énergie en Europe.
Le Président de la République a par ailleurs suscité une discussion sur les conséquences de l'exploitation du gaz de schiste par les États-Unis, qui bouleverse les prix de l'énergie dans le monde et crée une situation géopolitique inédite, qui doit nous conduire à une réflexion de fond.
Le Conseil doit rendre compte d'ici la fin de l'année des progrès qui auront été accomplis dans le cadre de ces orientations, et examiner l'évolution de la politique extérieure de l'Union européenne en matière d'énergie. Vous savez que nous plaidons depuis longtemps pour une communauté européenne de l'énergie, voire – à terme – une communauté euro-méditerranéenne de l'énergie. Cette première étape vous paraît-elle significative à cet égard ?
Des avancées concrètes ont également été obtenues en matière de fiscalité. Elles sont au nombre de quatre. La première concerne l'adoption de la directive épargne révisée, qui prévoit des échanges d'information sur les revenus de l'épargne. Le Luxembourg et l'Autriche, qui étaient depuis l'origine opposés à cette directive et ont bénéficié de dérogations, ne semblent plus lier son adoption aux délais de négociation avec les pays tiers. En ce qui concerne l'échange automatique d'informations de type Foreign account tax compliance act (FATCA) pour lutter contre l'évasion fiscale, la Commission va proposer dès juin d'élargir le champ des revenus couverts. C'est la deuxième avancée. L'échange automatique est cité comme un standard international à promouvoir ; la loi bancaire actuellement en discussion intègre d'ailleurs ces évolutions par anticipation.
La troisième avancée consiste en un « paquet » de mesures de lutte contre la fraude à la TVA, attendu d'ici la fin du semestre. Enfin, le principe de la publication d'informations pays par pays par les grandes sociétés a été retenu – c'est la quatrième avancée. Comment cette discussion s'est-elle déroulée ? Il est important pour nous d'en savoir davantage sur les positions des uns et des autres.
Nous vous entendrons également avec intérêt sur le prochain Conseil européen, qui aura lieu les 27 et 28 juin et sera de nouveau consacré à l'approfondissement de l'union économique et monétaire. La France et l'Allemagne le préparent déjà activement : elles ont publié le 30 mai une contribution commune pour le renforcement de la compétitivité et de la croissance en Europe, sur laquelle elles travaillaient depuis plusieurs mois. Cette initiative bienvenue porte sur un ensemble de progrès à accomplir, dans un délai de deux ans, dans un champ très vaste qui va du renforcement de l'union monétaire, avec la proposition du Président de la République d'instituer un président permanent de la zone euro, à des progrès en matière économique, fiscale et sociale. Tout ce que vous pourrez nous dire à ce sujet alimentera utilement notre réflexion.
Enfin, nous aimerions savoir où en sont les discussions sur la taxe sur les transactions financières (TTF), initiative française, d'autant que la taxe qui a été instaurée en France est une taxe « peau de chagrin », qui exclut les produits dérivés. J'espère que nous pourrons progresser, à la fois au niveau national et au niveau européen, de manière à obtenir une parfaite concordance entre ce qui existera à ces deux niveaux.
Mes questions sont nombreuses, mais je ne doute pas que vous saurez nous restituer la quintessence du travail déjà accompli et de celui qui nous attend dans les prochaines semaines.
Je vous remercie d'être parmi nous pour cette audition conjointe « post-Conseil européen ». Je le fais d'autant plus chaleureusement que la commission des affaires européennes a déjà eu la chance de vous recevoir avant le Conseil.
Je ne reviendrai pas sur l'utilité de ces Conseils thématiques, qui sont certes plus brefs mais permettent d'avoir une vision précise des urgences qui s'imposent à l'Union. Je souhaite néanmoins insister sur un point : il semble que le modèle économique qui a conduit à la crise actuelle, qui va bien au-delà de la seule crise financière, soit toujours à l'oeuvre et qu'une bonne partie des membres du Conseil ne soient pas prêts à l'interroger. Ce modèle, qui est somme toute celui des années 1980, se fonde sur une hypertrophie du secteur financier – et sur son irresponsabilité. Il se voit certes corrigé, mais notre prise de conscience est-elle suffisante ? J'aimerais connaître votre sentiment sur ce point.
Une ambition – qui n'est pas seulement européenne – est née en ce qui concerne la lutte contre l'évasion fiscale. En témoigne la fin du blocage sur la directive épargne et les échanges automatiques d'information à partir du 1er janvier 2015, ainsi que les progrès en matière de transparence des mouvements financiers et de ce que doivent déclarer les banques – même s'ils peuvent paraître timides au regard du débat que nous avions eu sur ce sujet en France. Quel lien maintiennent les autorités luxembourgeoises et autrichiennes entre le feu vert donné à l'adoption de la directive et les négociations avec les autres paradis fiscaux européens ? Il semble que des zones d'ombre subsistent.
Nous redoutions que le chantier de l'énergie ne soit traité de manière superficielle le 22 mai. Nous défendons pour notre part depuis longtemps l'ambition d'une Europe de l'énergie ; M. Jacques Delors nous a redit il y a peu qu'il était lui-même favorable à une Europe de l'énergie et de l'environnement. Le Président de la République affirme tout aussi clairement cette ambition. Or si le Conseil européen a prodigué des encouragements en ce sens, on ne peut s'empêcher de relever quelques contradictions. La commission des affaires européennes recevait ce matin Mme Connie Hedegaard, commissaire européen en charge de l'action pour le climat. Je me réjouis qu'elle nous ait appelés à la prudence en ce qui concerne les gaz de schiste. Elle a notamment rappelé que si les États-Unis peuvent en exploiter, c'est aussi parce qu'ils ont de l'espace, et cité l'exemple de la Pologne – d'où certaines sociétés se retirent aujourd'hui parce que l'exploitation n'est pas assez rentable. Elle a par ailleurs souligné que l'exploitation des gaz de schiste émet des gaz à effet de serre, et aggrave par conséquent le réchauffement climatique. L'efficacité énergétique – qui reste la meilleure des énergies, y compris aux yeux du président Van Rompuy – a t-elle suffisamment sa place dans les discussions au sein du Conseil européen ? Il est important que nous soyons rassurés sur ce point à l'heure où notre pays débat de la transition énergétique.
Cette audition me permet également d'évoquer mon déplacement à Dublin, où je me suis rendue la semaine dernière avec l'un de mes collègues de la commission des affaires européennes pour rencontrer notamment nos homologues irlandais. Il ressort de nos échanges avec eux qu'ils ont avancé sur le sujet de la taxe sur les transactions financières, surtout en ce qui concerne la répartition et les objectifs de celle-ci. Ils sont assez ouverts à l'idée que l'Union européenne dispose de financements propres, et nous ont encouragés à travailler sur l'idée d'une taxe écologique aux frontières de l'Europe. La décision que vient de prendre la Commission européenne à propos des panneaux solaires chinois démontre d'ailleurs l'opportunité de cette réflexion, et nos homologues du Bundestag s'étaient prononcés il y a peu dans le même sens. Le Conseil est-il prêt à l'approfondir ?
Nous avons également fait part à nos collègues irlandais des bonnes résolutions prises à l'occasion de la conférence des présidents de parlement européens de Nicosie en ce qui concerne l'application de l'article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire (TSCG), qui permet aux Parlements de traiter deux fois par an du budget, aussi en amont que la Commission elle-même. Pensez-vous que le message soit passé auprès du Conseil ?
Enfin, Mme Geraldine Byrne Nason, secrétaire générale aux affaires européennes, nous a confirmé que le gouvernement irlandais avait compris le message qui a été adressé avec la menace d'un veto français et la résolution adoptée par le Parlement européen pour défendre l'exception culturelle européenne dans la perspective de l'ouverture d'une négociation commerciale bilatérale avec les États-Unis. En va-t-il de même pour d'autres gouvernements ?
En revanche, nous n'avons pas le sentiment d'avoir progressé en ce qui concerne la défense. Qu'en est-il du côté des gouvernements ?
Je vous remercie de votre accueil. L'audition conjointe par vos deux commissions est une démarche intéressante, qui permet aux parlementaires que vous êtes de s'investir dans la construction européenne. Trop peu de vos collègues s'investissent en effet dans cette matière, dont vous mesurez néanmoins – ne serait-ce qu'à travers les textes inscrits à l'ordre du jour – l'importance dans notre législation.
Nous avons déjà eu un échange très riche lors de la séance de questions au Gouvernement du 15 mai dernier, qui était consacrée à des sujets européens – initiative que je salue et qui n'existe pas encore dans tous les parlements nationaux. Les questions qui ont été posées à cette occasion étaient d'ailleurs aussi variées que celles que vous venez d'évoquer. Cette séance a aussi permis de rappeler que tous les ministres – et pas seulement celui des affaires européennes ou des affaires étrangères – sont concernés par les questions européennes, et doivent s'investir dans les dossiers dont ils ont la charge non seulement à l'échelon national, mais aussi à l'échelon européen.
Il est vrai que le Conseil du 22 mai a été assez rapide. Néanmoins, il a arrêté des décisions effectives et des orientations qui vont susciter un travail entre États et la présentation de propositions par la Commission – dans le cadre des prochains Conseils – d'ici la fin de l'année.
Ce Conseil a donc principalement porté sur la politique européenne de l'énergie et la lutte contre l'évasion fiscale et la fraude fiscale, qui sont deux phénomènes distincts. Contrairement à certaines analyses un peu superficielles, il a permis des avancées substantielles dans ces deux domaines.
Sur le volet énergie, ses conclusions reflètent trois priorités, qui étaient celles de la France.
La première est la nécessité de garantir « la sécurité de l'approvisionnement pour les ménages et les entreprises à des prix et des coûts abordables », qui est essentielle aussi bien pour la compétitivité de notre économie que pour les consommateurs – notamment les plus vulnérables d'entre eux. Cela suppose un certain nombre de conditions, qui sont autant de chantiers à ouvrir. Tout d'abord, il nous faut assurer l'accroissement et la diversité de nos sources d'approvisionnement. L'Union européenne n'est pas suffisamment autonome vis-à-vis de ses fournisseurs pour peser véritablement sur les prix. Il nous faut donc développer nos capacités de production, mais aussi des interconnexions suffisantes pour bannir à terme les « îlots énergétiques ». La Commission évalue les investissements nécessaires en matière d'accroissement des capacités et d'interconnexions à près de 1000 milliards d'euros d'ici 2020, dont environ 600 milliards pour la distribution d'énergie. Le Conseil du 22 mai a donc demandé à ce que les fonds structurels, les financements de la Banque européenne d'investissement (BEI) et l'émergence de « project bonds » soient fléchés prioritairement vers ces investissements. Une partie de ces fonds seront trouvés au sein du cadre financier pluriannuel (CFP). Le Conseil a également invité la Commission à adapter le régime des aides d'État, notamment afin de mettre en place un régime stable et sûr pour les énergies renouvelables (ENR), car le stop and go a des effets pervers sur leur développement.
La deuxième priorité touche au potentiel industriel du secteur énergétique, qui a fait l'objet d'une attention nouvelle, avec l'affirmation claire d'une stratégie européenne en matière de recherche et développement (R&D). Les moyens de celle-ci augmentent d'ailleurs de plus de 40 % par rapport au précédent dans le CFP pour 2014-2020. Il s'agit de cibler les moyens de R&D sur les secteurs industriels énergétiques, afin de développer les technologies sobres en carbone. Il a été demandé à la Commission de présenter d'ici la fin 2013 une analyse stratégique du potentiel industriel européen sur l'ensemble du secteur de l'énergie décarbonée, où il y a des gisements de création d'emplois. Il a par ailleurs été rappelé que l'Union devait assurer des conditions de concurrence équitables à l'égard des pays tiers – la presse s'en est fait l'écho il y a quelques jours à propos des panneaux photovoltaïques et d'une grande puissance économique mondiale. La problématique des fuites de carbone devra bien sûr être traitée, de même que les situations spécifiques. C'est la première fois – et à la demande de la France – qu'une analyse spécifique est demandée sur la situation des industries électro-intensives en France et en Europe. À terme, le sort d'une partie de l'économie française dépend de l'accès à un coût de l'énergie compatible avec les coûts de production. 25 000 emplois sont en jeu.
Dans le même esprit, nous avons insisté sur l'accentuation des efforts en matière d'efficacité énergétique – pourvoyeurs d'emplois non délocalisables – dans le bâtiment. Elle répond à la troisième priorité : la politique énergétique de l'Union dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. Mme Hedegaard a sans doute évoqué devant vous le Livre vert de la Commission – Un cadre pour les politiques en matière de climat et d'énergie à l'horizon 2030 – qui est actuellement soumis aux gouvernements. La France y répondra dans le courant du mois. Il s'agit de préciser les critères que nous souhaitons voir retenir comme des objectifs – au-delà de celui des « trois fois 20 » que l'Union s'est assigné pour 2020. La France défend un objectif qui peut paraître ambitieux : une réduction de 40 % des émissions de CO2 en 2030. Nous ne désespérons pas de convaincre d'autres États. La Commission devra d'ailleurs présenter de nouvelles propositions d'ici mars 2014. Tout cela devrait favoriser la préparation de la Conférence Climat, que la France a proposé d'accueillir en 2015.
Peut-être pourrons-nous nous appuyer sur ces résultats pour commencer enfin à construire la communauté européenne de l'énergie que le Président de la République a appelée de ses voeux, notamment lors de sa conférence de presse du 16 mai, et développer une approche plus intégrée et plus structurée dans ce domaine, dans le respect des choix nationaux – puisque le mixte énergétique reste un choix national. Le Conseil a néanmoins rappelé que le choix d'un pays de s'aventurer dans la recherche d'une ressource énergétique nouvelle – comme l'a fait la Pologne avec les gaz de schiste – ou de rompre avec l'énergie nucléaire doit être discuté avec l'ensemble des autres. On ne peut à la fois en appeler à une Europe plus intégrée et plus solidaire pour peser sur les prix de l'énergie et apprendre par la presse – comme cela est déjà arrivé – qu'un pays arrête un type de production d'électricité alors que nous sommes dans un système interconnecté.
Le deuxième « paquet » de décisions et d'orientations arrêté le 22 mai a trait à la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale. Sur ce sujet, l'action de la France a fait « bouger les lignes » : presque tous les pays de l'Union s'accordent aujourd'hui sur la nécessité de faire évoluer notre cadre commun, alors même que l'échec semblait assuré. La veille du Conseil, plusieurs pays concernés affirmaient encore au Président de la République, au ministre des affaires étrangères ou à votre serviteur qu'il n'y aurait pas d'accord sur ces questions. Le Luxembourg se faisait ainsi fort de rappeler que 150 000 personnes travaillent dans la finance au Luxembourg, dont un certain nombre de Français qui passent chaque jour la frontière pour venir travailler dans ses banques…
Ceci étant, nous n'avons pas fléchi. Ceux qui souhaitaient avancer ont gagné la partie. Ce fut un mauvais jour pour les fraudeurs, mais une belle journée pour l'économie de l'Union, que la fraude affaiblit puisque ce sont autant de moyens qui manquent à nos pays respectifs.
Les décisions concrètes qui ont été prises portent d'abord sur l'échange automatique d'informations fiscales. La scission de deux dossiers qui étaient intimement liés depuis cinq ans a permis de lever une ambiguïté. Première avancée, sans doute la plus importante : le Conseil du 22 mai a permis de valider l'accord qui avait été trouvé à l'Ecofin du 14 mai sur le mandat de négociation donné à la Commission pour négocier les règles du jeu de l'échange d'informations avec cinq États souvent qualifiés de paradis fiscaux – le Liechtenstein, Saint-Marin, la Suisse, l'Andorre et Monaco. Ce dossier a été disjoint d'une autre décision : l'adoption d'ici la fin de l'année 2013 de la directive épargne, qui va donner des outils aux 27 pour lutter contre la fraude fiscale en étendant l'échange automatique d'informations fiscales entre les États membres. Jusqu'ici, les deux États récalcitrants conditionnaient l'adoption de cette directive à celle d'un accord avec les cinq pays tiers. Ce faisant, ils nous empêchaient d'avancer avec eux, puisque ces décisions doivent être prises à l'unanimité. Désormais, les choses sont claires : les deux dossiers ont été disjoints. Nous allons donc avancer sur la définition de règles du jeu internes, ce qui ne nous empêche pas de négocier avec les cinq États tiers.
Une autre grande avancée est la prise en compte au niveau européen des stratégies d'optimisation fiscale. Il s'agit de mettre un terme à une pratique de certaines grandes entreprises, qui font en sorte de ne pas payer l'impôt sur les sociétés qu'elles doivent à leur pays, là où elles font leurs affaires : elles implantent leurs filiales dans tel ou tel pays de l'Union non parce qu'elles y ont une activité économique, mais parce que la fiscalité y est moindre que dans le pays où elles ont leur siège ou réalisent la majeure partie de leur activité. Un accord a été trouvé sur le principe d'un reporting pays par pays de la part des grandes sociétés, afin de pouvoir consolider la réalité de leur activité, et de l'application de la fiscalité du pays où l'activité économique est réalisée. La fraude fiscale des particuliers et les stratégies d'optimisation fiscale des entreprises priveraient les pays de l'Union de 1000 milliards d'euros de recettes, dont 60 à 80 milliards pour la France. Bien entendu, il s'agit d'une estimation, la fraude échappant par définition à toute évaluation ; les services fiscaux ont néanmoins une certaine expertise en la matière.
La Commission a d'ores et déjà indiqué qu'elle travaillait à la concrétisation de ces mesures, en application du mandat qui lui a été donné par le Conseil. C'est une question de justice fiscale : plutôt que d'augmenter l'impôt de ceux qui le payent déjà, essayons d'y soumettre ceux qui y échappent aujourd'hui.
Nous devons maintenant inscrire notre réflexion dans la perspective du Conseil de juin, qui se tiendra sur deux jours. Il s'agit d'une échéance importante sur le plan de la politique économique de l'Union, avec l'approbation définitive des recommandations par pays et l'approfondissement de l'union économique et monétaire – sur lequel le président Van Rompuy doit présenter un rapport.
Que va-t-il se passer à ce Conseil ? La contribution franco-allemande du 30 mai fournit des indications précieuses à cet égard. Vous savez qu'elle a été présentée au terme de plusieurs semaines de travail, conformément à l'engagement pris à Berlin à l'occasion du cinquantième anniversaire du traité de l'Elysée – auquel vous étiez tous conviés. Elle met en avant trois priorités, au premier rang desquelles la croissance et l'emploi. On peut s'attendre à ce que ces idées soient reprises lors du sommet. Je pense par exemple à la mise en oeuvre rapide d'un plan pour l'emploi des jeunes : l'Allemagne nous rejoint aujourd'hui pour en faire une priorité – ce qui n'était pas sa stratégie il y a encore quelques mois. Cette conversion obéit sans doute à une analyse pragmatique, à un moment où l'Europe cherche à incarner des idées qui parlent à nos concitoyens et à trouver des solutions à la crise, en particulier pour ceux qui représentent l'espoir de notre continent : les jeunes générations. La piste évoquée est la mobilisation immédiate des 6 milliards d'euros qui sont proposés dans le CFP. L'un des enjeux du sommet de juin sera d'obtenir la mobilisation de ces 6 milliards dès le 1er janvier 2014, et sur deux ou trois ans au lieu de sept, afin d'avoir un effet de levier sur nos économies, en particulier dans les régions où le taux de chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans est le plus élevé, c'est-à-dire dépasse 25 %, ce qui est le cas des départements d'outre-mer (DOM) et d'une dizaine de régions françaises. Ces 6 milliards devront être utilisés pour soutenir des actions nouvelles, notamment en matière d'apprentissage et de formation professionnelle. Pourquoi ne pas envisager, par exemple, un statut de l'apprenti à l'échelle de l'Europe ?
Nous devons également accentuer nos efforts dans la mise en oeuvre du Pacte de croissance. J'espère que la Commission pourra nous confirmer que tout a été mis en oeuvre pour utiliser l'argent du Pacte de croissance de juin 2012. Je le dis car je mesure moi-même sur le terrain la difficulté de mobiliser de grands outils comme la BEI, qui a bénéficié dans le cadre de ce Pacte d'une recapitalisation de 10 milliards d'euros permettant de prêter une soixantaine de milliards dans les 27 pays de l'Union. La France bénéficie d'un « droit de tirage » de 7 milliards en 2013, et autant en 2014 et en 2015. Or il est sous-utilisé. Il est de notre devoir de dire à qui de droit que cet argent – dont les territoires et les entreprises ont besoin – est disponible. Une convention sera donc signée le 14 juin, à notre demande, entre la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et la BEI. Elle fera de la CDC, institution connue dans nos régions, le relais de la BEI. Nous avons également demandé à Bercy de lancer une opération de communication à destination des entreprises, pour leur dire que l'argent de la BEI peut aussi servir, via la Banque publique d'investissement (BPI) ou les réseaux bancaires classiques, à financer des prêts aux PME. La règle étant que la BEI a vocation à soutenir des projets de plus de 100 millions d'euros, une bonne partie des PME étaient de fait exclues de ces prêts.
Je ne puis pour l'instant évoquer que des pistes de réflexion, mais sachez aussi que nous avons trouvé des points d'accord qui vont nourrir la réflexion et sont autant de perspectives d'avenir pour la zone euro. Je pense à l'ambition de construire une véritable dimension sociale de l'union économique et monétaire ; c'est un changement notable de paradigme que nous constatons dans cette contribution franco-allemande. L'Allemagne reconnaît que nous devons intégrer des perspectives sociales dans la détermination de l'UEM. Cela signifie que même dans la zone euro, des critères sociaux – qui restent à déterminer – pourront être inclus parmi les critères de convergence qui seront discutés. On peut penser à des critères dans le domaine de la santé, de l'éducation, de la formation ou encore de la précarité. La gouvernance de l'UEM devra elle-même évoluer, pour que d'autres ministres que ceux de l'économie et des finances – par exemple ceux du travail, des affaires sociales ou de la recherche – aient voix au chapitre. Le spectre du débat pourra ainsi s'élargir. Nous avons également proposé qu'il y ait un président à temps plein de la zone euro, sur lequel le Parlement européen exercerait un contrôle démocratique, sous une forme qu'il lui reviendra de définir – peut-être celle d'une commission dédiée à la zone euro.
Je terminerai par l'union bancaire. Après le compromis sur le mécanisme de supervision bancaire qui a été trouvé à l'automne, nous nous sommes mis d'accord pour arrêter le calendrier de la recapitalisation directe des banques – dont les modalités devront être définies lors de ce sommet. Nous devrons également arrêter un calendrier et des modalités pour le mécanisme de résolution bancaire.
Nous vous remercions pour toutes les précisions que vous nous avez apportées, et pour votre appel – auquel je m'associe volontiers – à recourir aux possibilités de financement nouvelles offertes dans le cadre du Pacte de croissance. Nous nous félicitons que vous vous préoccupiez du suivi des décisions qui ont été prises.
Je vous poserai d'abord une question d'actualité sur un sujet que vous connaissez bien : le logement. La Commission européenne vient de décider de saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) à propos du régime des aides au logement en vigueur en France. Si le sujet n'est pas nouveau, la position de la Commission étant connue depuis longtemps, il semble que l'on passe à la vitesse supérieure. Qu'en pensez-vous ? Quelles pourraient être les conséquences de cette procédure en France ?
L'agenda du prochain Conseil est chargé. Le nôtre également : nos deux commissions recevront M. Olli Rehn, commissaire européen en charge des affaires économiques et monétaires, le 18 juin. Nous aurons l'occasion d'évoquer avec lui les recommandations par pays, et d'élaborer avec la commission des finances une position qui se traduira par une résolution. Nous aurons donc un rapport d'information et une résolution sur le « paquet » qui sera arrêté en matière de gouvernance économique de l'UEM et d'union bancaire.
J'étais hier en Allemagne pour préparer ce rapport. J'ai pu constater que la version allemande de la contribution franco-allemande du 30 mai insistait beaucoup sur la compétitivité. Par ailleurs, le discours de nos partenaires m'a paru moins ardent sur d'autres sujets. Le Conseil européen n'est donc pas entièrement « balisé ». L'idée d'une présidence permanente de l'Eurogroupe reste un sujet de débat, même si elle figure dans la contribution. En ce qui concerne l'union bancaire, et notamment la résolution bancaire, la proposition reste dans un cadre national : il s'agit d'une coordination des politiques nationales. Je reste pour ma part persuadé qu'il faut une résolution européenne, de même qu'il y a une supervision européenne. Néanmoins, j'ai senti un certain nombre de réserves. Il y a donc encore du travail pour définir une position unanime d'ici le Conseil européen.
Je vous poserai trois questions précises.
Vous avez évoqué le secret bancaire et les paradis fiscaux. Si j'ai bien compris, nous n'avons pas abouti en ce qui concerne le secret bancaire au Luxembourg et en Autriche – ce qui était tout de même l'essentiel.
D'autre part, on entend beaucoup parler de l'harmonisation fiscale. Où en est-on, notamment entre la France et l'Allemagne ? Une harmonisation est-elle prévue entre l'ensemble des pays européens, ou du moins ceux de la zone euro ?
En ce qui concerne l'Europe de l'énergie, où en est-on dans la mise en place d'une « centrale d'achat » ? La Russie – et d'autres – savent fort bien utiliser les divisions des pays européens. Il faut absolument que nous nous entendions, afin que nos fournisseurs de pétrole et de gaz n'aient plus qu'un seul interlocuteur en face d'eux.
Permettez-moi d'évoquer quelques sujets qui méritent d'être abordés dans le cadre de vos discussions avec nos partenaires européens.
Il s'agit d'abord des « trous » dans la directive sur le détachement des travailleurs. Nous avons interpellé à plusieurs reprises le Gouvernement à ce sujet, tant dans l'Hémicycle qu'en commission ; le rapport d'information sur la proposition de directive relative à l'exécution de la directive sur le détachement des travailleurs, que nos collègues Chantal Guittet, Gilles Savary et Michel Piron ont déposé la semaine dernière au nom de la commission des affaires européennes, recense avec précision les distorsions de concurrence existant entre les pays européens. Cette situation, qui perdure depuis 2007, a de lourdes conséquences : nos industries agro-alimentaires sont en cessation de paiement et risquent de licencier des dizaines et des dizaines de salariés, en raison du différentiel de coût du travail qui subsiste entre la France et l'Allemagne. À titre d'exemple, la main d'oeuvre représente 80% du coût d'une côte de porc. Or le coût de cette main d'oeuvre est de 3 à 7 euros de l'heure en Allemagne, quand c'est le SMIC qui s'applique en France.
Les professionnels de la viande ont déposé une plainte contre l'Allemagne devant la Commission européenne ; le gouvernement belge s'est saisi de cette question, les syndicats allemands et belges également ; j'ai écrit au président du Parlement européen, M. Martin Schulz, qui m'a répondu il y a quinze jours qu'il fallait saisir la Commission pour faire cesser cette situation. Nous avons reçu la semaine dernière l'ambassadrice d'Allemagne, qui conteste l'existence du problème – ses chiffres disent l'inverse des nôtres. Le rapport de nos collègues démontre pourtant les faits, les coûts et les conséquences.
N'est-il pas temps, en toute amitié avec l'Allemagne, de mettre ce point à l'ordre du jour ? Ce problème est en train de miner l'idée d'Union européenne au sein des peuples ; il fait des dégâts considérables en Bretagne. Bref, le silence de la Commission et des gouvernements est préjudiciable à l'idée même d'Union européenne.
Ma seconde question porte sur les conséquences de la directive Marpol. La décision de la Commission d'imposer le délai de 2015 à toutes les flottes de transport maritime, aussi bien de fret que de passagers, entraînera de lourdes conséquences : les bateaux ne pourront pas être mis aux normes dans les délais, et nous risquons que toutes les flottes soient mises au rebut. Où en sont les négociations avec la Commission pour repousser ce délai, afin de laisser aux industriels le temps de s'adapter ? Nous ne contestons pas que les bateaux doivent émettre moins de soufre pour assurer un développement durable, mais cela doit être fait de manière intelligente.
J'ai revu l'ambassadrice d'Allemagne après la rencontre dont vient de parler M. Bui. Je lui ai dit que nous lui communiquerions des exemples concrets par écrit ; elle est tout à fait disposée à nous répondre. Nous devons continuer à combattre ces « trous » – voire les fraudes à l'application – de la directive sur le détachement des travailleurs.
Je commencerai par un mot d'encouragement. Les résultats du dernier Conseil européen, notamment en matière de lutte contre la fraude fiscale, et les perspectives du prochain, tout particulièrement en ce qui concerne l'emploi des jeunes et cette contribution franco-allemande, qui voit pour la première fois l'Allemagne rallier les positions françaises, témoignent de l'ampleur de l'oeuvre de réorientation de la politique européenne conduite par le Gouvernement depuis un an. Seule la Commission semble ignorer que le temps de l'austérité est révolu et que nous sommes entrés dans une nouvelle ère de la construction européenne.
Je vous poserai deux questions précises sur cette contribution franco-allemande, qui constitue désormais notre feuille de route. Pouvez-vous nous donner plus de précisions sur les perspectives en matière de convergence fiscale et d'intégration de la dimension sociale – je pense au salaire minimum, mais aussi aux « trous » de la directive sur le détachement des travailleurs ? Il serait en effet intéressant d'impliquer d'autres ministres que ceux des finances dans la gouvernance de la zone euro. Comment envisagez-vous de procéder ? Il me semble qu'il faut éviter des conseils distincts : mieux vaut avoir tous les ministres autour de la même table si l'on veut permettre aux ministres des affaires sociales de peser véritablement sur les décisions.
Le Président de la République appelle de ses voeux une communauté européenne de l'énergie. À mon sens, il faut instaurer une véritable solidarité énergétique. Vous avez précisé que les choix énergétiques étaient très différents selon les États. En outre, les rapports de puissance et de ressources sont très inégaux. Il faut donc une complémentarité dans le choix des sources d'énergie et un partage des coûts dans l'intérêt mutuel. Il semble que l'Allemagne soit d'accord pour partager les coûts pour les ENR, mais pas nécessairement pour les autres énergies. Compte tenu des objectifs de réduction des émissions de CO2 et d'accès de tous à l'énergie, comment l'Union envisage t'elle de réduire le coût de la mutation énergétique en mettant en synergie les choix nationaux ?
Par ailleurs, dans la mesure où l'Union est dépendante, une politique solidaire de l'énergie passe nécessairement par une politique extérieure de l'énergie. Quid du partenariat énergétique Europe-Russie, en renégociation depuis 2008 ? Tous les États ne s'accordent pas sur la façon de négocier : certains souhaitent des contrats d'importation de long terme indexés sur le pétrole ou le gaz, d'autres défendent les modèles SPOT. Bref, il n'existe pas de politique européenne en la matière. Quel est votre avis sur ce point ? Je précise que si l'Europe a réduit ses émissions de CO2, c'est loin d'être le cas de tous les pays.
Au lendemain du Conseil du 22 mai, le Président de la République a évoqué la taxation des entreprises numériques et souhaité une harmonisation des politiques fiscales des États membres. De nombreuses multinationales comme Google, Amazon ou Apple minimisent en effet leur impôt en jouant des disparités de fiscalité entre les États membres. Le Sénat américain a lui-même mis en lumière l'optimisation pratiquée par Apple via ses filiales irlandaises. Le Président de la République estime qu'il est décisif de lutter contre l'optimisation fiscale, mais ce point n'est pas à l'ordre du jour du Conseil européen. Comment l'imposer, et de quels soutiens disposons-nous pour ce faire – sachant que l'OCDE travaille également sur la question ?
Par ailleurs, il est temps de mettre en place une stratégie du numérique à l'échelle européenne.
Je salue le rapprochement entre l'Allemagne et la France sur la coopération économique, même s'il semble que la première ne souhaite pas confier de nouvelles compétences à l'Union, tandis que la seconde en appelle à un gouvernement économique de la zone euro. En revanche, on peine à trouver des signes de la volonté de la Commission européenne d'ériger les investissements dans le domaine de la recherche et de l'innovation – qui sont une autre possibilité pour améliorer notre compétitivité – en priorité. Pensez-vous que cette question sera abordée au prochain Conseil ?
J'en viens à la lutte contre la fraude fiscale. S'il est question d'améliorer son efficacité à travers la directive sur la fiscalité de l'épargne, je ne trouve nulle part l'affirmation d'une volonté de l'Union de donner la priorité à la lutte contre les taux d'imposition qui paraissent insignifiants, qui sont l'un des critères retenus par l'OCDE pour définir les paradis fiscaux, au même titre que l'absence de transparence sur le régime fiscal et d'échanges d'information entre États.
Allons-nous vers un retour à l'intuition fondatrice qui fut celle de Jean Monnet et Robert Schuman avec la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) en 1951 ? Les avancées que vous évoquez ouvrent-elles des perspectives à moyen terme, par exemple celle de la construction d'un numéro un européen – et pourquoi pas mondial – des énergies renouvelables, à partir des atouts considérables de nos économies nationales – véhicules électriques, solaires, énergies marines, filière bois ? Peut-on espérer un succès industriel comparable à celui d'Airbus dans le domaine aéronautique, qui permettrait de donner un nouveau souffle à une construction européenne dont beaucoup doutent désormais ? Je pense par exemple au secteur de l'éolien, où on observe un mouvement de concentration en France. Sans doute faudrait-il aller un peu plus loin.
Beaucoup ici sont des Européens convaincus. Mais si nous ne renouons pas très rapidement avec un grand projet industriel, nous risquons de ne plus pouvoir défendre l'idée d'un avenir européen auprès de nos concitoyens. Saisissons donc l'opportunité de la transition énergétique pour le faire.
Enfin, aurons-nous bientôt une politique extérieure européenne de l'énergie ? Je pense en particulier aux enjeux liés au gaz. Là encore, il faut remettre l'ouvrage sur le métier.
J'ai compris que vous appeliez de vos voeux une communauté européenne de l'énergie. Tel est donc notre objectif. Reste à définir la stratégie pour y parvenir. Il semble que le Conseil ait ouvert la porte à l'exploitation du gaz de schiste, que certains pays – la Pologne, le Royaume-Uni ou l'Espagne – considèrent comme un bon moyen de réduire le coût de l'énergie. Vous dites que les choix énergétiques des États doivent être « discutés » avec les autres membres de l'Union. S'agit-il d'une simple obligation d'information, ou cette discussion doit-elle déboucher sur une position commune ? Comment concilier le principe de précaution et l'exploitation du gaz de schiste par certains États ? Et comment s'assurer qu'elle ne débouche pas sur une forme de « dumping énergétique » au sein de l'Union ?
J'ai posé la semaine dernière une question sur la taxe sur les transactions financières lors des questions au Gouvernement. Le ministre de l'économie et des finances m'a répondu que la volonté de la France était d'aller « vite » et « fort ». Depuis, différents articles de presse sont venus susciter des inquiétudes sur les débats qui ont lieu au niveau européen : j'en veux pour preuve les déclarations du président de l'Autorité des marchés financiers (AMF) et les réserves du patron de la banque centrale allemande et du gouverneur de la Banque de France. Quelle est la position de la France ? Au vu des discussions en cours, que pouvez-vous nous dire du champ et de l'assiette de cette taxe, de sa date de mise en oeuvre et de son affectation ? Le chef de l'État s'est impliqué dans ce projet dès le mois de juin 2012. J'y suis pour ma part particulièrement attentif et attaché. Ne nous heurtons-nous pas à des tergiversations ? Quels sont les éventuels obstacles à lever ? Comment la France entend-elle parvenir à la mise en oeuvre de cette coopération renforcée à 11 pays dont nous avons tant besoin ?
Vous avez évoqué l'apprentissage. Dans ses recommandations à la France sur le programme de stabilité pour 2012-2017, la Commission dénonce les inefficacités du marché du travail et les lacunes du système éducatif, notamment en ce qui concerne l'apprentissage tout au long de la vie, qui entravent la création d'emplois. Elle rappelle que le chômage de longue durée représente désormais 39,5 % du chômage total, alors que la participation de la France aux actions d'apprentissage tout au long de la vie est nettement inférieure à la moyenne de l'Union européenne. Au vu de votre expérience, quelles pistes vous semblent devoir être privilégiées et quelles réformes faut-il engager en priorité ?
Les négociations entre l'Union européenne et les États-Unis en vue de conclure un « partenariat transatlantique de commerce et d'investissement » avancent à grands pas. Si la question de l'exception culturelle a été abordée, celle de l'exception agricole reste en suspens – je parlerais même de suspense. Certains craignent que l'inclusion des produits agricoles dans le mandat de négociation de la Commission n'entraîne des conséquences dommageables pour la France en termes de concurrence, mais aussi de qualité des produits. On ne peut en effet contester les avantages comparatifs des États-Unis en ce qui concerne les prix de l'alimentation animale, le coût de la main d'oeuvre et celui de l'énergie, qui sont renforcés par des réglementations moins contraignantes que celles qui régissent l'économie européenne. Quelle est votre position sur ce point ?
Vous avez d'autre part évoqué la consommation des fonds européens disponibles. Nous recevons en effet dans nos collectivités des informations sur les niveaux de consommation de ces fonds, mais on me répond invariablement que ma commune de 380 habitants n'y est pas éligible. A-t-on fait une analyse de la capacité des petites communes à consommer ces fonds européens ? Quels sont les freins à lever et les solutions envisageables ?
Je reviens un instant sur ce qui a été dit sur la dimension sociale de l'Union. Maintenant que la conférence budgétaire qui a été mise en place en application de l'article 13 du TSCG permet aux parlements nationaux et au Parlement européen de s'emparer de ces sujets, ils y seront représentés par des représentants de toutes les commissions concernées – affaires européennes, affaires étrangères, finances, affaires économiques et affaires sociales. Cela permettra de faire pendant à l'Eurogroupe, voire à l'Ecofin. Encore une fois, c'est une bonne nouvelle que la volonté de prendre en compte une dimension sociale dans l'Union soit désormais partagée par la France et l'Allemagne.
La situation d'insurrection dans un pays qui frappe à la porte de l'Europe depuis quelques années – je veux parler de la Turquie – peut-elle avoir des conséquences économiques et politiques à court terme ? Je ne doute pas que le sujet sera évoqué lors du prochain Conseil européen.
Je vais m'efforcer de répondre précisément à vos questions, même si je demande un peu d'indulgence sur des sujets pointus, qui montrent que vous êtes aussi des élus des territoires, qui mesurent l'impact de chaque décision ou absence de décision.
Vos questions témoignent d'une certaine impatience quant à l'évolution de l'Europe. Vous avez parfois le sentiment que nos ambitions ne sont pas portées avec autant d'enthousiasme qu'elles le méritent. Je comprends et partage ces frustrations, y compris comme ministre délégué aux affaires européennes. Permettez-moi de prendre une image pour décrire la situation qui est la nôtre. Dans la vie d'une commune, le débat politique se traduit par un affrontement entre la majorité et la minorité, qui est assez facile à comprendre pour nos concitoyens. Mais dans les intercommunalités que beaucoup d'entre vous sont en train d'essayer de construire, le débat entre les représentants des communes membres est d'une toute autre nature : il faut construire des majorités sur chaque sujet, en sachant que toutes les communes n'ont pas envoyé le même nombre de représentants au conseil de l'intercommunalité. Il ne s'agit donc plus d'un débat classique entre la droite et la gauche. Les maires conviennent d'avancer ensemble, mais chacun d'eux doit s'interroger sur les effets des décisions prises sur sa commune et sur la justification de ces décisions. C'est un peu ce que nous vivons à l'échelle de l'Union européenne. Nous avons un objectif et une ambition politique, mais il faut passer pour les atteindre par des étapes pragmatiques qui nous contraignent parfois à les brider. Il peut être difficile d'expliquer que c'est sur la base du compromis que l'on avance, mais c'est ainsi que cela fonctionne. La construction européenne se fonde d'abord sur un compromis entre la France et l'Allemagne – d'où l'importance du débat préalable sur la contribution du 30 mai.
Ces considérations doivent éclairer les réponses que je vais vous apporter.
S'agissant du « partenariat transatlantique pour le commerce et l'investissement », il faut préciser que nous discutons aujourd'hui du mandat de négociation qui sera donné à la Commission pour négocier avec les États-Unis. Ce mandat devrait être arrêté le 14 juin, à l'occasion d'un Conseil commerce. La France a demandé que trois domaines soient exclus de ce mandat. Il s'agit d'abord de la défense ; les marchés de défense seront bien exclus du mandat de négociation, comme cela a été le cas pour la négociation des accords commerciaux signés avec le Japon et avec le Canada. Le deuxième domaine est le domaine culturel. C'est un sujet délicat, compte tenu de la puissance de l'industrie culturelle américaine, qui lui permet d'imposer un certain nombre de ses vues. Nous avons constitué un bloc de 13 pays pour demander l'exclusion du mandat de négociation de tout ce qui a trait à la diversité culturelle. Le Parlement européen a voté la semaine dernière une résolution appuyant notre position. Cela ne sera peut-être pas suffisant, car certains pays n'ont pas entièrement capitulé. Néanmoins, nos partenaires connaissent notre détermination sur ce sujet. L'agriculture est le troisième domaine. Il s'agit plus précisément de ce qui pourrait remettre en cause des choix de société aujourd'hui admis au sein de l'Union européenne. J'ai eu l'occasion de redire il y a quelques jours à M. Laitenberger, directeur de cabinet de M. Barroso, que nous refusions toute remise en cause de nos préférences collectives en ce qui concerne les organismes génétiquement modifiés (OGM), les hormones de croissance et la décontamination chimique des viandes, toutes pratiques acceptées par les consommateurs américains.
Nous sommes bien sûr favorables au principe d'un mandat de négociation confié à la Commission. L'Europe a un intérêt à s'ouvrir plus qu'elle ne le fait aujourd'hui – y compris en termes de création d'emplois. Mais nous resterons vigilants sur les barrières douanières non tarifaires, car c'est là que se trouve la marge pour pénétrer les marchés fédéraux et sub-fédéraux. L'un des enjeux sera d'ailleurs de s'assurer que le mandat de négociation de notre partenaire ne se limite pas à l'État fédéral – auquel cas il s'agirait d'un marché de dupes.
Une fois le mandat de négociation adopté, c'est une négociation de plusieurs années qui va s'ouvrir. Mme Bricq pourra vous fournir des informations plus précises à cet égard.
Je ne puis vous assurer que l'apport supplémentaire de 7 milliards d'euros par an pendant trois ans que j'ai évoqué bénéficiera à votre commune, monsieur Daniel. Je n'ai d'ailleurs pas parlé des fonds structurels, mais des fonds de la BEI. Votre commune peut en effet ne pas être éligible aux fonds structurels comme le Fonds européen de développement économique régional (FEDER) ou le Fonds social européen (FSE), tout en étant éligible à un financement de la BEI. Je vous invite donc à vous rapprocher de la Caisse des dépôts, qui aura bientôt mandat d'instruire des dossiers de collectivités locales pour le compte de la BEI. Nous négocions également des accords avec le réseau bancaire classique, notamment la BNP et la BPCE, qui vont se voir dotées de fonds de la BEI pour être au plus près de la demande locale. Le risque est peut-être que nul ne connaisse plus l'origine de ces fonds, mais là n'est pas l'essentiel.
Monsieur Pueyo, le Conseil du 22 mai a souligné la nécessité de répondre au défi de la fiscalité de l'économie numérique, dans le cadre des travaux réalisés par l'OCDE sur ce sujet. La Commission doit faire des propositions au Conseil européen d'octobre, qui sera consacré spécifiquement à l'agenda numérique. Je rencontre régulièrement ma collègue Fleur Pellerin à ce sujet.
J'en viens au gaz de schiste. Je le répète, le choix du mixte énergétique appartient aux États. En revanche, les choix qui ont une répercussion sur les autres États, notamment en termes de fragilisation sur l'énergie, doivent être discutés au préalable. Il est évident que l'arrêt de la production d'énergie nucléaire dans un pays a des conséquences que devront supporter les autres sur la production d'électricité, puisqu'il faudra définir une nouvelle stratégie. Cela vaut principalement pour le secteur de l'électricité, où les interconnexions sont importantes, mais peut-être aussi pour l'extraction de gaz.
Les pays qui le souhaitent peuvent donc recourir à l'exploitation du gaz de schiste. C'est un choix qui leur appartient. La position de la France n'a cependant pas varié et ne devrait pas être modifiée, sauf émergence d'une technologie nouvelle permettant de garantir l'absence de conséquences sur l'environnement.
Ce dossier n'est pas sans lien avec celui de la limitation drastique des émissions de gaz à effet de serre. Le niveau de l'objectif qui sera adopté par le Conseil européen est en effet susceptible de poser problème aux pays qui choisiront des énergies émettrices de CO2. C'est sans doute pour cette raison que la Pologne a vivement réagi à l'une des conclusions du Conseil du 22 mai, qui fait référence à des objectifs en la matière et à la préparation de la conférence Climat de 2015.
J'en viens au marché du travail. M. Daniel m'a interrogé sur les recommandations que la Commission a adressées à la France la semaine dernière, et l'analyse selon laquelle il y aurait encore des marges de progrès dans notre pays. Le Gouvernement a indiqué qu'au moins deux réformes répondraient à cette recommandation : une réforme de l'apprentissage et une réforme de la formation professionnelle. La compétitivité de notre marché du travail ne repose pas seulement sur la compétitivité coût, mais aussi sur l'employabilité de nos concitoyens. De ce point de vue, il existe en effet des marges de progrès en matière de formation professionnelle et d'apprentissage. L'objectif est d'ailleurs de passer de 430 000 à 500 000 apprentis d'ici 2017. Une partie des 6 milliards du CFP que j'évoquais tout à l'heure pourront être mobilisés à cette fin, par exemple pour améliorer la mobilité des apprentis – puisque nous envisageons d'étendre le dispositif ERASMUS aux apprentis – ou définir un statut de l'apprenti qui soit reconnu dans tous les pays de l'Union. Nous proposerons également que la taxe d'apprentissage aille davantage à la formation des apprentis qu'aujourd'hui. Bref, la réforme est devant nous.
La réforme de la formation professionnelle est annoncée pour la fin de l'année. 31,5 milliards d'euros sont consacrés chaque année à la formation professionnelle en France ; il existe certainement des marges d'amélioration, tout particulièrement en faveur de ceux qui n'ont pas d'emploi ou qui n'accèdent pas à la formation aujourd'hui.
Les recommandations par pays nourrissent un dialogue, puisqu'il appartient à chaque pays de dire comment il prend ces orientations en compte. Je vous indique d'ailleurs que la seconde conférence sociale, qui aura lieu les 20 et 21 juin, reprendra toutes les thématiques de l'an dernier – auxquelles s'ajoutera celle de l'Europe sociale. Il y aura donc un débat sur ce sujet avec les partenaires sociaux.
J'ajoute que le plan d'investissements d'avenir est également mobilisé pour le développement de la formation en alternance.
J'en viens à la taxe sur les transactions financières, dont le principe n'est désormais plus remis en cause. Cette avancée peut paraître modeste, mais il faut rappeler que ce n'était pas le cas il y a un an. Nous essayons aujourd'hui de mesurer, à partir d'une évaluation des bases sur lesquelles elle se fonderait, les effets de cette taxe pour chacun des 11 pays qui ont accepté de jouer le jeu – sachant que d'autres regardent l'initiative de près.
Les discussions portent aujourd'hui sur l'assiette de la taxe, et non sur son affectation. Les questions relatives aux ressources propres sont quant à elles débattues dans le cadre du CFP. On peut en effet imaginer qu'une partie des recettes de la TTF viennent abonder un budget propre de l'Eurogroupe ou des 11 pays concernés.
Les débats portent sur les produits qui feront l'objet d'une taxation. La France souhaite une assiette la plus large possible, incluant non seulement les devises, mais aussi certaines transactions sur les produits dérivés, qui sont souvent des opérations à visée spéculative qui ne contribuent en rien au financement de l'économie réelle. Nous espérons que les discussions aboutiront rapidement à la mise en place effective de cette taxe, qui contribuera aussi à une régulation financière au service de la croissance. L'objectif qui a été fixé est d'aboutir fin 2014. L'accord est délicat à trouver, puisque les conséquences du choix qui sera fait ne seront pas les mêmes d'un pays à l'autre. Par exemple, nous avons beaucoup d'obligations d'État en France – ce qui n'est pas le cas d'autres pays. L'objectif de fin 2014 peut paraître éloigné, mais il faut comprendre que cette taxe représentera un changement substantiel pour les économies des pays concernés.
La France ne peut-elle, comme elle l'a fait sur l'échange automatique d'informations dans la loi bancaire, acter dans sa propre législation que l'assiette de la taxe française sera aussi l'assiette la plus large qu'elle vise au niveau européen ? À ma connaissance, ce n'est pas le cas. Je souhaiterais que l'on puisse indiquer notre préférence par anticipation.
C'est une discussion qu'il serait intéressant d'avoir avec le ministre de l'économie et des finances et le ministre du budget. M. Cazeneuve est sans doute bien placé, compte tenu des fonctions successives qu'il a occupées au sein du Gouvernement, pour vous présenter une synthèse des évaluations du produit de la TTF en fonction de l'assiette retenue. Je ne m'aventurerai donc pas plus avant sur ce sujet.
Vous aurez noté que la contribution de M. Hollande et Mme Merkel évoque également la création d'un fonds propre, ce qui est aussi une avancée. On peut imaginer qu'il soit alimenté par la TTF ou par l'instauration d'une taxe carbone. Tout cela est soumis aux 27 à travers la proposition franco-allemande, dont tout l'intérêt est de faire avancer la réflexion, même s'il ne s'agit parfois que d'orientations.
S'agissant de l'harmonisation fiscale, j'appelle votre attention sur l'invitation du chef de l'État et de la chancelière allemande à oeuvrer ensemble à une harmonisation de l'impôt sur les sociétés. Cette avancée nous permettrait de lutter contre l'optimisation fiscale, mais aussi contre le dumping économique.
Vous ne m'avez pas bien compris, monsieur Lequiller. La décision prise le 22 mai lie le Luxembourg et l'Autriche sur le principe de l'adoption de la directive à la fin de l'année. Nous avons en effet disjoint cette avancée d'une autre à laquelle nous oeuvrons, à savoir trouver un accord avec les cinq « paradis fiscaux ».
M. Bui a évoqué les « trous » dans la directive sur le détachement des travailleurs. Je l'invite à interpeller directement la Commission ; cela aidera le Gouvernement à agir. J'ai moi-même rencontré le commissaire Laszlo Andor la semaine dernière, pour lui rappeler quelles étaient les attentes de la France sur ce sujet très sensible, notamment pour le secteur du bâtiment et le secteur agricole et agro-alimentaire. Il faudra nécessairement trouver un compromis, car tous les États ne mettent pas la même ardeur que la France à assurer l'équité des règles du jeu et à faire en sorte que le service rendu ou les travaux effectués sur leur sol par des entreprises implantées dans d'autres pays soient soumis à leur législation sociale, et non à celle du pays du siège de l'entreprise. Il en va de même pour la TVA, qui doit être payée en France, sous peine de distorsions de concurrence.
Deux autres directives importantes sont en négociation : la directive marchés publics et la directive concessions. Nous voulons faire en sorte que la Commission exerce un rôle de gendarme à l'égard des pays qui ne respectent pas notre législation et viennent nous concurrencer sur notre marché, sans pour autant ouvrir leurs marchés publics à nos entreprises. Je pense par exemple au marché de l'eau : le système complexe des Stadtwerke fait que le marché de l'eau allemand n'est pas ouvert à nos entreprises, alors même que les marchés de nos collectivités locales sont très ouverts.
Nous devons avancer sur ces trois directives en même temps. Soyez assurés que ce sujet mobilise pleinement notre représentation permanente à Bruxelles.
Je ne suis pas en mesure de vous répondre dès aujourd'hui sur les délais d'équipement des bateaux en pots catalytiques, monsieur Bui, et vous prie de m'en excuser.
J'en viens à la Turquie. Contrairement au gouvernement précédent, nous avons rouvert les discussions pour que ce pays – qui est une grande puissance économique – n'ait pas le sentiment que la France lui tourne le dos. Nous sommes d'accord pour ouvrir les discussions sur le chapitre 22, qui concerne les politiques régionales, à condition que la Turquie donne elle-même des signes sur la confortation de l'État de droit et de la liberté d'expression politique et sur ses relations avec Chypre.
Quant aux évènements qui se déroulent depuis quelques jours, nous avons dit notre inquiétude sur la façon dont les forces de l'ordre se manifestaient à l'égard de ceux qui expriment une opinion. À l'heure où je vous parle, je ne pense pas que ce soit de nature à remettre notre dialogue en cause. Je note d'ailleurs que M. Erdogan vient de prendre la décision de partir trois jours en déplacement à l'étranger, estimant sans doute que les choses seraient rentrées dans l'ordre à son retour. Nous suivons bien sûr les évènements de près, et entretenons un dialogue permanent avec nos amis chypriotes. Je recevrai la semaine prochaine mon homologue turc chargé de ce dossier, et lui redirai ce que je viens de vous dire sur les signes que nous attendons en matière de respect des droits de l'Homme et d'expression du débat politique.
La Commission a en effet saisi la CJUE au sujet des aides françaises au logement, monsieur Caresche. Mais ce recours ne remet pas en cause le dispositif Duflot. La Commission estime que certaines aides au logement prévues par la législation française sont contraires au droit de l'Union, dans la mesure où elles donnent droit à une défiscalisation à nos concitoyens qui investissent dans du logement défiscalisé en France, mais pas à l'étranger, ce qui fait obstacle à la libre circulation des flux financiers. Sachez cependant que ce recours vise des produits qui sont passés de mode – il s'agit des produits Périssol, Besson et Borloo. Les dispositifs Scellier et Duflot ne sont pas menacés. Contrairement aux précédents, ils sont en effet ciblés sur des zones géographiques.
La recherche et l'innovation constituent en effet un axe de développement de l'activité économique et d'accompagnement des entreprises, madame Karamanli. Je rappelle que les fonds dédiés progressent de 40 % dans le CFP 2014-2020, avec une priorité accordée au développement des technologies clés numériques et des nano-technologies.
En conclusion, je vous invite à user de la procédure des questions écrites. Le ministre des affaires européennes est l'un des moins sollicités par ce biais. Je suis conscient qu'il y a des délais de réponse, mais il ne faut pas hésiter à y recourir.
Permettez-moi de porter une information à votre connaissance. Nous avons voté la semaine dernière une résolution sur la proposition de révision de la directive sur le détachement des travailleurs qui fait des propositions tonitruantes qui vont au-delà de la simple résolution. Après analyse et de nombreuses auditions, y compris de terrain, le dispositif actuel nous semble insuffisant car incontrôlable. Nous vous adresserons très prochainement le texte de cette résolution, et envisageons un débat en séance publique sur ce sujet, si M. Sapin en est d'accord. Le Premier ministre, à qui j'ai remis notre rapport de façon informelle, souhaite que ce débat ait lieu après la conférence sociale. Nous voterons la semaine prochaine une autre résolution sur la directive concessions.
Le travail continue, puisque j'ai demandé la constitution d'un groupe d'études sur le travail mobile. Tous ceux qui souhaitent s'y associer sont les bienvenus.
Monsieur le ministre, nous vous remercions infiniment pour la qualité et la précision de vos réponses.
La séance est levée à dix-neuf heures trente