Examen du projet de loi sur les changements climatiques et le Protocole de Kyoto (COP21) (n° 2943) – M. Pierre-Yves Le Borgn', rapporteur.
La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.
Nous examinons, sur le rapport de M. Pierre-Yves Le Borgn', le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'accord entre la France et le Secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et son Protocole de Kyoto concernant la vingt et unième session de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, la onzième session de la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au Protocole de Kyoto et les sessions des organes subsidiaires (n° 2943)
Notre commission est saisie du projet de loi autorisant la ratification de l'accord entre la France et le Secrétariat de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et son protocole de Kyoto.
Il s'agit d'un accord principalement technique qui précise les modalités concrètes d'organisation et de déroulement de la 21e session de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, de la 11e session de la Conférence des Parties agissant comme réunion des parties au Protocole de Kyoto et des sessions des organes subsidiaires.
Cet accord reprend pour l'essentiel la structure et le contenu d'un accord-type proposé par le secrétariat de la conférence aux pays hôtes successifs.
Avant de vous présenter le contenu de l'accord, je souhaiterais revenir brièvement sur les enjeux de cette 21e session.
Depuis l'adoption en 1992, lors du sommet de Rio, de la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique, les négociations climatiques internationales ont connu des hauts et des bas.
L'adoption à l'unanimité en 1997 du protocole de Kyoto, premier accord international incluant des objectifs légalement contraignants de limitation des émissions de gaz à effet de serre, mais qui mettait en place des mécanismes relativement souples pour les atteindre, a été une étape essentielle.
Les conférences annuelles successives visant à en prolonger les ambitions n'ont, en revanche, pas toujours été des succès. La conférence de Copenhague, lors de laquelle les États participants n'ont pu s'accorder que sur des engagements volontaires non contraignants, a été pour beaucoup une déception.
Faisant suite à cet échec, les conférences de Durban, en 2011, et de Doha, en 2012, puis de Varsovie, en 2013, ont visé à préparer l'adoption cette année, en 2015, d'un accord universel sur le climat devant entrer en vigueur en 2020.
La conférence de Varsovie de 2013 a notamment permis de définir un échéancier visant à ce que l'adoption d'un accord en décembre 2015 soit préparée très en amont, avec un projet de texte initial soumis dès décembre 2014, un projet de texte officiel élaboré avant mai 2015 et l'engagement des gouvernements à présenter leurs contributions nationales à l'avance.
La conférence de Paris est donc celle qui doit réparer l'échec de Copenhague. Il s'agit d'aboutir à l'adoption d'un accord ambitieux, juridiquement contraignant et applicable à tous les États, dont l'objectif sera de maintenir le réchauffement mondial en deçà de 2° Celsius. L'accord devra par ailleurs prendre le relais du Protocole de Kyoto à compter de l'année 2020 et poser les jalons d'une transition vers des économies bas-carbone.
Tel sont les enjeux de cette conférence qui se tiendra du 30 novembre au 11 décembre prochain au parc des expositions du Bourget.
L'objet de l'accord dont je vous inviterai à approuver la ratification concerne son organisation matérielle. Cette tâche n'est pas mince puisque la « COP21 » sera l'un des plus importants événements diplomatiques jamais organisés à Paris, avec environ 40 000 participants, parmi lesquels 20 000 personnes accréditées par l'ONU et 3000 journalistes internationaux, pour un coût d'environ 187 millions d'euros.
L'article 11 de l'accord prévoit le versement d'environ 6 millions d'euros au secrétariat de la conférence afin de compenser le surcoût dû au fait que la conférence se tient à Paris et non à Bonn, siège du secrétariat, mais l'organisation de la conférence est à la charge du pays hôte. Ainsi, selon les documents budgétaires du projet de loi de finances pour 2015, le coût de la préparation et du suivi de la COP21 s'élève à 20,5 millions d'euros, tandis que 151 millions d'euros doivent financer l'ensemble des dépenses nécessaires au bon déroulement de la manifestation, qu'il s'agisse de la location du parc des expositions du Bourget, des aménagements du « Village de la conférence », du fonctionnement des espaces, des frais de transport, de voyage et d'hébergement qui sont détaillés dans le rapport. Le mécénat privé prendra également sa part, avec des contributions financières qui devraient atteindre 3 millions d'euros ainsi que des contributions en nature, comme des billets d'avion gratuits ou la mise en place d'une flotte de véhicules électriques avec chauffeurs. Au 18 juin dernier, 14 entreprises avaient signé des conventions de mécénat avec le secrétariat de la conférence.
Les aspects sécuritaires d'un tel événement ne sont pas à négliger. Outre le nombre important de participants, la multiplicité des initiatives de la société civile qui se tiendront dans les espaces « Génération climat » ainsi que dans beaucoup d'autres endroits en France appellent un dispositif de sécurité adapté, dont l'accord prévoit certaines des modalités.
Le dispositif s'organisera en effet en trois zones. La zone 1, ou zone « bleue » comprendra les locaux de la conférence, les espaces « Génération climat » et le Musée de l'air où aura lieu un salon privé. La zone 2 est une zone de sécurité renforcée dont l'objet sera d'assurer la liberté d'accès au site de la conférence par des mesures garantissant la fluidité de la circulation tout en sécurisant les immeubles alentour. Enfin, dans la zone 3, une surveillance accrue devra déceler tout rassemblement ou mouvement suspects autour du site de la conférence.
L'accord qui doit permettre l'organisation de cet événement comprend seize articles et douze annexes, parties intégrantes de l'accord. Son contenu est détaillé dans le rapport. En voici un résumé.
L'accord contient tout d'abord des dispositions relatives à l'organisation matérielle de l'événement. Parmi ces dernières, l'article 1er précise la date et le lieu de l'événement ainsi que de certaines réunions d'avant-session. L'article 3 et les annexes I, II et III définissent les moyens logistiques que le gouvernement français met gratuitement à la disposition du Secrétariat.
Il contient ensuite des dispositions qui intéressent plus particulièrement les participants à la conférence, notamment l'article 2, « Participation à la conférence », qui dresse la liste des personnes auxquelles elle est ouverte. L'article 5 traite du dispositif médical mis à leur disposition, l'article 6 de leur hébergement.
Concernant les privilèges, immunités et autres facilités, l'article 10, « Privilèges et immunités », précise le degré des privilèges et immunités dont jouissent les participants à la conférence, conformément à la convention des Nations Unies de 1946 qui doit s'appliquer aux réunions d'avant-session aussi bien qu'à la conférence proprement dite. Ces privilèges et immunités consistent en une immunité de juridictions ainsi qu'en diverses facilités, notamment pour l'entrée sur le territoire français. Elles ne sont ici accordées qu'aux personnes accréditées, c'est-à-dire officiellement invitées par le Secrétariat de la Convention-cadre.
Sur cette question, la France a obtenu que soient insérées trois clauses visant à prévenir d'éventuels abus :
- La première précise qu'ils ne sont accordés que « pour assurer le bon déroulement de la conférence » ;
- La deuxième prévois l'établissement d'une coopération entre les parties afin « d'éviter tout abus » ;
- La troisième permet la levée de l'immunité dès lors qu'elle serait susceptible « d'entraver le cours de la justice ».
L'article 10 confère également aux locaux de la conférence le statut de locaux de l'Organisation des Nations unies. Ils sont donc inviolables pendant la durée de la phase préparatoire et des sessions.
L'accord comprend également des dispositions sur la sécurité. L'article 9, « Protection policière et sécurité », précise notamment les modalités de coordination entre le gouvernement français et le département de la sûreté et de la sécurité de l'ONU, et répartit les responsabilités dans ce domaine entre l'ONU, pour ce qui concerne les locaux eux-mêmes, et le gouvernement français à l'extérieur des locaux. L'annexe XII de l'accord précise les modalités matérielles de la coordination en matière de sécurité entre la France et l'ONU, tandis que l'annexe II précise les moyens matériels et humains mis à la disposition de la conférence.
L'article 11, « Dispositions financières », traite de la compensation par le gouvernement français des dépenses supplémentaires qu'entraîne le déplacement de certains fonctionnaires du siège du secrétariat de la conférence situé à Bonn, vers Paris. Aux termes de l'article 12, il incombe au gouvernement de traiter toute action, réclamation ou autre demande à l'encontre du secrétariat, de l'ONU ou de leurs fonctionnaires, découlant de préjudices corporels, dégâts ou pertes matérielles survenus dans les locaux de la conférence. Le règlement des différends relatifs à l'application de l'accord est régi par l'article 13, qui met en place une procédure arbitrale conforme aux règles de la cour permanente d'arbitrage relatives à ce type de litiges. L'article 14 précise que les annexes font partie intégrante de l'accord. Les articles 15, « Documents et informations confidentielles » et 16, « Dispositions finales », n'appellent pas de commentaires particuliers.
L'accord qui vous est soumis est indispensable à la tenue au Bourget de la conférence des Nations unies sur les changements climatiques que notre pays est chargé d'organiser.
Je vous invite par conséquent à l'approuver en adoptant le projet de loi présenté par le gouvernement.
Je vous remercie.
Je souhaiterais avoir des précisions sur l'article 10 relatif aux immunités et privilèges. Toutes les délégations qui viendront pourront-elles obtenir des visas ? Je pense à des pays comme la Russie dont certains représentants sont non grata. L'union interparlementaire organise en amont de la conférence un grand rassemblement de parlementaires. Le principe de l'UIP est qu'on accorde des visas à tous les participants et un pays ne peut organiser une réunion s'il fait des dérogations à ce principe. Je voulais savoir ce qu'il en était.
Il y a quelque chose dans les coûts qui n'ont pas été prévus et qui sera pourtant vital. Il faudra qu'on débouche les avaloirs sur l'autoroute A1 ! Quand il y a de l'orage, tout est bouché par la montée des eaux et il est impossible de se rendre au Bourget. J'ai raté plusieurs avions à cause de ça. Ne pas régler ce problème, surtout au mois de décembre, c'est prendre le risque de déconvenues.
Par ailleurs, je suis un peu étonné par certains coûts pris en charge. Que l'on accorde des immunités et privilèges, soit. Mais j'ai entendu dire qu'on allait payer le voyage de certaines délégations. Ce n'est pas normal. On peut prendre en charge les frais d'hébergement, mais la règle veut que les délégations paient leur voyage.
Le choix a été fait de passer un accord avec le Secrétariat général des Nations-Unies. On aurait pu imaginer que l'organisation relève dudit secrétariat et que la France le rembourse les frais. Le choix inverse a été fait. Dont acte.
Enfin, dans un accord de cette nature, on a prévu une clause de règlement des différends. Je suis un peu surpris car en général on ne va pas à l'arbitrage avec les Nations-Unies. Ce n'est pas comme ça que ça se passe. Ça ne mange pas de pain, mais je trouve cela difficile à comprendre.
En réponse à Chantal Guittet, les personnes qui bénéficient de visa sont des invités du Secrétariat. Des dispositions prévoient leur accès à l'ensemble des locaux et aux débats.
Concernant les avaloirs, je ne manquerai pas de faire remonter la question soulevée à qui de droit.
Je n'ai pas la liste des délégations pour lesquelles la France prend en charge les coûts de venue ; je vous la fournirai.
Concernant la clause de règlement des différends, elle peut paraître un peu pessimiste mais il est toujours utile d'avoir ce type de précisions.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi sur les changements climatiques et le Protocole de Kyoto (COP21) (n° 2943)
Projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme (n° 1096) – M. Pierre-Yves Le Borgn', rapporteur.
Nous poursuivons, avec l'examen sur le rapport de M. Pierre-Yves Le Borgn', du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme (n° 1096).
Notre commission est saisie du projet de loi autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme, adoptée le 16 mai 2005.
Cette convention remplace, la convention de 1990 dont le titre ne mentionnait pas le financement du terrorisme et qui n'en traitait pas. C'est principalement pour cette raison que ce texte devait être complété, mais compte tenu de l'importance des évolutions qui ont eu lieu depuis 1990 dans ces domaines, il a été jugé préférable de remplacer la convention de 1990 par une nouvelle convention plutôt que de la compléter par un avenant ou un protocole additionnel.
Il s'agit en effet prendre en compte non seulement l'importance croissante prise par la lutte contre le terrorisme, notamment depuis 2001, mais également le lien qui est apparu entre le blanchiment, qui vise à recycler l'argent issu d'activités illicites, et le financement du terrorisme, qui fait pareillement usage de circuits financiers complexes et difficiles à tracer, mais cette fois-ci afin d'utiliser des sommes d'argent qui ont pu être acquises légalement à des fins illicites. Si les deux activités ne sont pas identiques, elles sont cependant liées et peuvent s'appuyer sur des mécanismes similaires.
Cette convention vise donc à rassembler dans un seul texte les aspects préventifs et répressifs de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
L'évolution dont elle résulte a été rapide. Le GAFI, Groupe d'action financière, structure ad hoc créée en 1989 pour émettre des normes en matière de lutte contre le blanchiment, a étendu à partir de 2001 son champ d'action à la lutte contre le financement du terrorisme. Le groupe Egmont, structure d'échange entre cellules de renseignement financier des principaux États, où la France est représentée par Tracfin, a également été créé en 1995.
Sur le plan juridique, les Nations Unies ont adopté en 1999 une convention sur la répression du terrorisme. Le Conseil de sécurité a pour sa part adopté plusieurs résolutions sur ce sujet, dont la résolution 1373 du 28 septembre 2001, dix-sept jours après les attentats de New York et Washington.
De son côté, l'Union européenne a adopté en octobre 2005 une directive relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, qui s'applique notamment aux établissements financiers et de crédit, modifiée en mai 2015 par un accord interinstitutionnel approuvé par le Parlement européen.
La France s'est, quant à elle, dotée d'un dispositif à la fois préventif, comportant des obligations particulières de vigilance s'appliquant aux acteurs du secteur monétaire et financier, et répressif, en assimilant désormais le financement du terrorisme à des actes de terrorisme. Ce dispositif devrait être renforcé par une série de mesures annoncées à la suite des attentats de janvier 2015.
Tel est le contexte dans lequel s'inscrit la convention du Conseil de l'Europe sur laquelle notre commission est appelée à se prononcer.
La convention se décompose en sept chapitres. Le premier contient des définitions visant à réduire le risque d'erreurs d'interprétation. Le second oblige les parties à adopter les mesures législatives nécessaires à son application.
Le chapitre III évoque la qualification pénale des infractions de blanchiment et prévoit la responsabilité des personnes morales. Le chapitre IV détaille les règles de la coopération internationale en matière d'investigation concernant la communication d'informations et le suivi des comptes bancaires.
Le chapitre V traite plus particulièrement de la coopération entre les cellules de renseignement financier. L'article 47 prévoit notamment la possibilité de suspendre en urgence une transaction en cours à la demande d'une cellule de renseignement financier étrangère, ce qui impliquera de la part de la France une modification du code monétaire et financier, lequel prévoit bien, à son article L. 561 25, la possibilité pour TRACFIN de s'opposer à une opération ayant fait l'objet d'une déclaration de soupçon prévue à l'article L. 561 15, mais ne prévoit pas à cette fin de procédure d'urgence.
Pour le reste, l'ensemble de la convention se trouve déjà dans le droit positif français.
Les chapitres VI et VII traitent du suivi de la mise en oeuvre de la convention, du règlement des différends, et des modalités d'entrée en vigueur, d'amendement et de dénonciation de la convention et n'appellent pas de commentaire particulier.
Je ne voudrais toutefois pas terminer cette présentation sans aborder un aspect à mes yeux essentiel.
L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe avait souhaité, au début de l'année 2005, que le texte final de la convention fasse mention de certains aspects touchant au Droits de l'Homme, comme le principe de proportionnalité et de respect des droits des tiers ou la question des garanties procédurales adéquates compatibles avec les obligations des États Parties au titre de la Convention européenne des Droits de l'Homme. Elle demandait ainsi que soit précisé qu'« Aucune des dispositions de la présente convention ne doit être interprétée de manière à porter atteinte ou à permettre de porter atteinte aux droits de la Convention européenne des Droits de l'Homme et des protocoles additionnels auxquels l'État est partie. ».
Elle n'a pas été entendue et le texte final de la convention n'a pas repris ses suggestions. On peut le regretter.
Au terme de cette présentation, je vous invite naturellement à approuver le projet de loi autorisant la ratification de cette convention qui aura pour effet de consolider la coopération internationale en matière de lutte contre le blanchiment et de financement du terrorisme.
Je vous remercie.
Il s'agit d'un texte très important car il élargit le champ d'application du dispositif, déjà adopté dans notre droit interne, mais qui s'appliquera à l'échelle de l'Europe. Il couvre toutes les activités criminelles, dont le financement du terrorisme, question évidemment très importante. Si l'ensemble des Etats membres du Conseil de l'Europe adopte ce dispositif, on a des chances d'être plus efficace. Je voudrais connaître l'état des ratifications.
J'attire l'attention du rapporteur et de la Commission sur une directive européenne en date d'avril 2014 qui complète ce texte et porte sur la réutilisation des biens confisqués. Il s'agit d'inciter les États membres à mettre en oeuvre des dispositifs, car les biens confisqués sont confiés à une agence en France – et je suppose qu'il en est de même dans les autres pays. L'Italie a des programmes depuis 1996, fortement liés à la lutte contre la mafia. Il s'agit d'affecter ces biens à des entreprises à finalité sociale, ou oeuvrant pour le bien commun, pour réhabiliter aussi des quartiers ou des zones fortement touchés par la criminalité. Il y a des propositions qui émanent de plusieurs acteurs et il pourrait y avoir un texte mettant en oeuvre cette action, encouragée donc par l'Union européenne au travers de la directive de 2014.
S'agissant des ratifications, la convention a été signée par 37 États membres du Conseil de l'Europe et par l'Union européenne. 26 États l'ont ratifiée. Ne l'ont pas encore ratifiée l'Autriche, le Danemark, l'Estonie, la Finlande, la France, la Grèce, l'Irlande, l'Italie, le Luxembourg, la Russie et la Turquie. Plusieurs États ne l'ont pas signée : l'Allemagne, Andorre, l'Azerbaïdjan, l'Irlande, le Liechtenstein, la Lituanie, Monaco, la Norvège et la Suisse.
Concernant la directive européenne de 2014, je ne traitais que du texte relatif au Conseil de l'Europe et je n'ai pas prolongé le débat en l'évoquant. Nous le ferons puisqu'elle devra être transposée.
C'est par la lutte contre la criminalité financière que l'on sera plus efficace dans la lutte contre toute forme de criminalité. C'est comme ça que l'on commence à avoir des résultats en Corse. C'est par là que cela doit passer et c'est pourquoi en tant que parlementaires, nous devons continuer à insister pour la poursuite de la lutte contre les paradis fiscaux et la criminalité financière.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (n°1096).
Projet de loi autorisant la ratification de l'accord commercial entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la Colombie et le Pérou, d'autre part (n° 2724) – M. Jean-René Marsac, rapporteur.
Nous continuons, avec l'examen sur le rapport de M. Jean-René Marsac, du projet de loi autorisant la ratification de l'accord commercial entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la Colombie et le Pérou, d'autre part (n° 2724).
Comme vous le savez, les autorités françaises ont fait de notre relation avec l'Amérique latine une priorité. M. Laurent Fabius l'a rappelé avec force lors de la dernière conférence des Ambassadeurs, nous devons avoir pour ambition d'y renforcer notre présence, qu'il s'agisse des plus grands pays - Brésil et Mexique auxquels tant de liens nous attachent - ou des néo-émergents comme la Colombie et le Pérou, auxquels nous lient des valeurs, une culture et de considérables possibilités communes.
Dans cette région du monde, l'action de la France s'inscrit dans la durée et dans une stratégie de long terme, portée par ses relations amicales avec tous les États de la zone.
Francophone et francophile, le Président péruvien Humala, dont le mandat se termine en juillet 2016, s'est attaché à développer la relation bilatérale. Sa visite officielle en France en novembre 2012 y a fortement contribué. Les deux présidents se sont à nouveau rencontrés à Paris en octobre 2013 et en juillet 2014. Ce dialogue a été prolongé lors des visites régulières des membres du gouvernement français au Pérou et leurs homologues péruviens en France. Le Président Hollande a prévu de s'y rendre en visite officielle en février 2016. La thématique de l'environnement est centrale dans la concertation bilatérale, puisque Paris succède, le 30 novembre 2015, à la présidence péruvienne de la COP20, mais d'autres domaines, tels que les échanges universitaires et scientifiques, la lutte contre la drogue ou la coopération en matière de santé sont particulièrement prometteurs.
Le dialogue politique entre la France et la Colombie a quant à lui pris une nouvelle dimension au cours des derniers mois, à l'occasion des deux visites du Président Santos à Paris en 2014 et 2015. Deux projets importants ont ainsi vu le jour en janvier : le lancement d'un Comité stratégique franco-colombien destiné à renforcer la relation bilatérale dans tous les domaines ; l'organisation de saisons culturelles croisées France-Colombie prévues en 2017. Le Premier ministre Manuel Valls a conforté cette dynamique en se rendant à Bogota le 25 juin 2015 avec la signature de plusieurs accords bilatéraux dans les domaines de la fiscalité, la culture, la recherche et les échanges universitaires, la coopération décentralisée ou l'enseignement agricole.
Voici rapidement brossées nos relations bilatérales. Mas notre dialogue avec l'Amérique latine s'appuie aussi sur une nouvelle dynamique, celle du dialogue institutionnalisé à la fin des années 1990 entre l'Union européenne et la majorité des pays d'Amérique latine. Sans sous-estimer l'influence réelle qui reste celle des Etats-Unis et en ayant à l'esprit que nombre de pays latino-américains se tourne aujourd'hui résolument vers l'Asie, les Européens ont une carte à jouer en Amérique latine. L'influence grandissante de pays émergents tels que le Brésil et le Mexique, la richesse de la région en matières premières et la place croissante de l'Amérique latine dans l'approvisionnement de l'Union en produits agricoles sont autant de raisons de renforcer le partenariat euro-latino-américain. Mais au-delà du seul volet économique et commercial, il s'agit aussi pour l'Union européenne de promouvoir son modèle.
Les relations entre l'Union européenne et le Pérou et la Colombie reposaient jusqu'au présent accord sur un accord-cadre de coopération signé avec la Communauté andine des nations (CAN) le 23 avril 1993. Cet accord, qualifié de « troisième génération », accordait une large place à la protection des droits de l'Homme et au respect des principes démocratiques tout en essayant de donner une impulsion aux relations commerciales.
Sur la base de cet accord, des négociations ont débuté en 2007 en vue de conclure un accord commercial entre l'UE et la CAN. Les négociations se sont poursuivies avec le Pérou et la Colombie pour se conclure au niveau technique en mai 2010. Le texte de l'accord commercial a ensuite été paraphé en mars 2011. C'est ce texte qui est aujourd'hui soumis à notre approbation.
L'accord est de facture classique, il est très similaire à l'accord récent avec l'Amérique centrale. Il prévoit tout d'abord une libéralisation tarifaire totale mais progressive des échanges de produits industriels et de la pêche. Dès l'entrée en vigueur de l'accord, cette libéralisation sera, pour les produits industriels, de 80 % avec le Pérou et de 65 % avec la Colombie. Pour les produits agricoles et agroalimentaires, la libéralisation comportera des exceptions.
Le changement sera progressif, car le Pérou et la Colombie jusqu'à la signature de l'accord en juin 2012, puis de son application provisoire respectivement au 1er mars et au 1er juillet 2013, étaient bénéficiaires du système de préférence généralisé (SPG), qui prévoyait déjà des baisses de barrières tarifaires entre nos pays. Afin de faciliter la transition depuis le régime unilatéral vers l'accord, les deux pays bénéficient des deux régimes préférentiels jusqu'au 1er janvier 2016. Les opérateurs ont donc le choix d'exporter vers l'Union sous les conditions de l'accord ou du système de préférence généralisé. Je vous renvoie au rapport pour le calendrier précis de la mise en oeuvre de l'accord, détaillé par type de production.
J'insisterai ici sur les enjeux, économiques et humains de l'accord. Au plan économique, l'entrée en vigueur de l'accord de libre-échange ne devrait pas profondément bouleverser la structure des échanges de biens entre le Pérou et l'Union européenne d'une part, et la Colombie et l'Union européenne d'autre part, en raison des avantages tarifaires similaires préalablement offerts dans le cadre du Système de préférences généralisées. Sans apporter de nombreuses baisses tarifaires à court terme, à quelques exceptions près, ce nouvel accord de libre-échange devrait néanmoins permettre de renforcer les échanges.
L'accord a vocation à ouvrir de nouveaux débouchés commerciaux pour les grandes industries exportatrices de l'Union, qui bénéficieront de la suppression des droits de douane. À titre d'exemple, les économies de droits de douane atteindront plus de 33 millions d'euros pour le secteur de l'automobile et des pièces détachées automobiles, environ 16 millions d'euros pour les produits chimiques et plus de 60 millions d'euros pour les textiles. Les produits pharmaceutiques et les produits des télécommunications bénéficieront, eux aussi, de réductions significatives de droits. Cet effet devrait être particulièrement favorable aux secteurs qui exportent déjà en grande quantité vers les marchés andins.
En ce qui concerne le Pérou, les principales perspectives de développement des exportations françaises ont été identifiées dans les secteurs des produits laitiers et des vins et spiritueux. Pour les produits laitiers, l'Union et la France ont d'ores et déjà tiré profit de l'accord avec un total des ventes de 6,1M€ en 2014 contre 2,6M€ en 2013 pour la France. Il reste d'immenses marges de progression cependant, car notre balance commerciale avec le Pérou demeure négative.
Pour la Colombie, ce sont de façon générale les exportations de biens de consommation qui devraient pouvoir profiter en priorité de la mise en oeuvre de cet accord grâce à la croissance soutenue de l'économie.
L'accord établit également un ensemble de normes qui vont au-delà de ce qui a été convenu dans le cadre multilatéral, notamment pour les obstacles non tarifaires à l'accès au marché, la concurrence, la transparence et les droits de propriété intellectuelle, ce qui permettra, en particulier, d'assurer la protection de 115 indications géographiques de l'UE sur les marchés colombien et péruvien, dont 43 françaises. Ces améliorations systémiques auront un impact positif sur les exportations de produits pharmaceutiques, mais également sur la vente de dispositifs médicaux, d'instruments d'optique, de voitures et d'autres types de machines dans lesquelles l'UE est hautement compétitive, mais désavantagée par des normes locales contraignantes ou des règlements techniques.
Au plan politique, il faut préciser que l'accord contient en son article 1er une référence aux « principes démocratiques » de l'Union permettant de suspendre l'accord en cas de non-respect des droits de l'Homme par l'une des parties. Plusieurs Etats membres, dont la France, ont souhaité et obtenu que cette clause suspensive puisse s'appliquer dès l'application à titre provisoire de l'accord. En conséquence, la mise en oeuvre des articles actuellement appliqués provisoirement pourrait d'ores et déjà être suspendue si l'Union européenne constatait que la situation des droits de l'Homme venait à se dégrader de manière significative en Colombie ou au Pérou. Lorsque l'accord entrera en vigueur, il pourra être suspendu soit sur la base de l'article 1 relatif aux principes démocratiques et droits fondamentaux, soit sur celle de l'article 2 relatif au désarmement et à la non-prolifération des armes de destruction massive. L'article 2 ne fait cependant pas l'objet d'une application provisoire.
Par ailleurs, des garanties en matière sociale sont présentes dans le chapitre « développement durable » de l'accord, très explicite sur les huit conventions fondamentales de l'OIT, puisque les parties sont encouragées à les mettre en oeuvre de façon effective. L'article 269 prévoit des échanges d'information entre les parties sur la ratification de conventions prioritaires (les conventions de gouvernance) et toute autre convention. En outre, les parties reconnaissent l'importance des activités de coopération entre autres dans le domaine du contrôle, du suivi et de la mise en oeuvre effective des conventions fondamentales de l'OIT (article 286).
Pour terminer, j'aimerais souligner que la partie commerciale de l'accord est déjà mise en oeuvre à titre provisoire depuis 2013. En revanche, le volet politique de notre dialogue, dont une partie relève des Etats membres de l'Union, doit encore être développé, et manque parfois de souffle. La France pourrait être le catalyseur d'un dialogue politique plus soutenu avec ces deux pays, et selon une méthode renouvelée. Les inégalités et l'absence d'état de droit sont aujourd'hui les deux principaux obstacles au développement en Amérique latine, qui s'alimentent mutuellement. Les deux pays sont aussi confrontés à de réels problèmes environnementaux. Dans les deux cas, la France a beaucoup à apporter, que ce soit en matière de coopération dans les domaines de la santé et des politiques sociales, de la lutte contre les inégalités, de la coopération en matière de justice et sécurité, mais aussi de développement durable, sujet de préoccupation crucial pour la population de ces deux pays et dans lequel la France a une véritable expertise et pourra donner corps à cet accord.
Au bénéfice de ces remarques, je vous invite à adopter le présent projet de loi.
C'est un accord important. Je crois que nous avons intérêt à développer nos relations avec ces pays.
Au nom de mon groupe, je voterai contre la ratification de cet accord, qui fera sans doute les délices des sociétés multinationales, mais mettra en difficulté les peuples de Colombie et du Pérou. Le commissaire européen au commerce a d'ailleurs déclaré que cet accord permettrait d'apporter « un point d'ancrage pour l'approfondissement des réformes structurelles ». La réduction des droits de douane devrait faciliter l'exportation des produits français et européens, voire américains. Mais les ONG colombiennes et péruviennes s'inquiètent des conséquences de l'accord en matière de santé, d'environnement et de normes sociales. Nous sommes là dans la même culture que celle de l'accord TAFTA, qui va créer des conditions inégales.
Je partage nombre de ces interrogations. On a pu constater dans d'autres cas, notamment celui de la Tunisie, que ces accords sont très déstabilisateurs pour des pays qui n'ont pas notre niveau économique. J'aimerais en savoir davantage sur les délais de mise en oeuvre par produits.
Le rapporteur a évoqué une mise en oeuvre provisoire. Je ne comprends pas ce genre de stipulations que l'on retrouve dans d'autres accords, mais qui sont totalement étrangères à la logique du droit international. Un accord doit être ratifié avant d'entrer en vigueur.
Pour toutes ces raisons, je m'abstiendrai.
Je suis bien conscient de ces interrogations. L'Union européenne et la France souhaitent être présentes dans les échanges économiques et commerciaux avec ces pays, où l'influence traditionnelle des Etats-Unis reste très forte, tandis que celle des pays asiatiques s'accroît.
Il y a en effet des interrogations sur le comportement des industries extractives et sur le risque de voir nos exportations laitières ou agricoles mettre en difficulté les agricultures locales. Ces risques sont pris en compte. Le texte comporte un certain nombre de garanties, même si l'on pourrait peut-être encore les considérer comme insuffisantes, en matière de progressivité et de suivi. En ce qui concerne les produits agricoles, il n'y aura pas immédiatement une libéralisation totale. Par ailleurs, le comité de suivi pourra revenir sur certains aspects des accords si nécessaire. A nous d'en faire usage, même si je n'ignore pas les limites d'un tel exercice.
La mise en oeuvre provisoire de l'accord, pour les échanges commerciaux, est une pratique courante. Elle ne concerne qu'une partie de l'accord.
Je crois que nous devons faire attention à tous ces accords commerciaux proposés aux Parlements nationaux après avoir été négociés par la DG « Trade » de la Commission européenne, avec une vision ultralibérale. On a aussi le sentiment d'une certaine incohérence, comme si les commissaires européens ne se parlaient pas ou bien comme si les égoïsmes nationaux prévalaient en réalité. Certains accords peuvent mettre en danger des secteurs d'activité, notamment l'agriculture, bien que l'on affirme le contraire. Quand il s'agit d'agriculture, on donne d'un côté ce que l'on reprend de l'autre, avec les accords commerciaux. Nous devons donc faire preuve d'une grande vigilance.
Nous devrions également insister sur la nécessité de clauses de revoyure et de mesures de sauvegarde. Je dois dire que j'ai quelques inquiétudes, par exemple sur la question de la banane, qui n'est anodine ni pour nos régions ultrapériphériques, ni pour les producteurs locaux, ni pour ce qui est de la domination exercée par les Américains via Chiquita.
A titre personnel, je pense plutôt m'abstenir.
Le Pérou et la Colombie sont deux pays où beaucoup d'agriculteurs s'inscrivent dans des filières d'agriculture équitable, qui s'attachent à rémunérer au juste prix le travail et la production dans de nombreux secteurs, notamment le cacao et le café. Existe-t-il une évaluation de l'impact de cet accord de libre échange sur le commerce équitable ? Quels sont les risques de fragilisation de ces filières extrêmement vertueuses en matière de commerce Nord-Sud ?
Nous avons déjà eu l'occasion d'examiner des accords similaires, notamment avec les pays d'Amérique centrale. Ce sont donc des débats récurrents. Cet accord comporte des clauses de revoyure. Elles ne sont d'ailleurs pas seulement globales, mais par secteurs et par produits. La question de la banane ne se pose pas uniquement en termes de calendrier, mais aussi de volume. Une forme de protection a été intégrée, en particulier pour nos outremers. Il faudrait analyser plus en détail l'efficacité du système, mais ces aspects sont pris en compte.
Formellement, il me semble qu'il n'y a pas de référence au commerce équitable dans l'accord. C'est un sujet que nous avons intégré dans une loi que Benoît Hamon connaît bien, pour l'avoir portée. Il est en effet important que le commerce équitable soit pris en compte au plan français et surtout européen.
Le Pérou et la Colombie sont deux pays dans lesquels de nombreux paysans sont inscrits dans les filières de commerce équitable s'attachant à rémunérer au juste prix le travail et la production de ces derniers, et ce dans de nombreux secteurs (café, cacao).
Aussi, je souhaiterais savoir si une évaluation des impacts de cet accord concernant le commerce équitable a été prévue. En développant les échanges, l'accord pourrait fragiliser ce secteur vertueux notamment en matière d'échanges Nord-Sud.
Des accords similaires avaient été discutés en commission s'agissant de l'Amérique centrale et vous soulevez là des questions récurrentes. Des clauses de revoyure régulières sont évidemment prévues, secteur par secteur.
Quant aux questions soulevées sur les produits agricoles, il fallait trouver un équilibre entre la protection de notre production, notamment de nos collectivités d'outre-mer, et celle des deux autres pays signataires, qui je crois a été atteint.
S'agissant du commerce équitable, il n'y a pas formellement de références à ce type de commerce dans l'accord. C'est une problématique que l'on doit intégrer à notre réflexion et faire valoir de manière forte que le commerce équitable doit être pris en compte au niveau national et surtout européen.
Je suis très sensible aux remarques qui ont été faites.
D'un côté, nous avons un intérêt à développer ce type d'accord commercial. Non seulement pour le développement de ces pays mais aussi pour nos débouchés. Mais en même temps, il faut veiller à ce que ces accords ne se fassent pas au détriment de la partie la plus faible. C'est toujours l'équilibre qu'il est difficile de tenir.
Je note que de plus en plus de précautions ont été prises dans ce type d'accord. Nous devons cependant rester vigilants sur l'inclusion de clauses de revoyure et sur la protection des normes fondamentales que nous défendons.
Nous devons insister sur le fait que l'Union européenne ne doit pas seulement avoir une approche fondée sur le commerce mais qu'elle doit également se focaliser sur l'investissement. Nous devons intégrer les préoccupations de développement, de transfert de technologie et d'investissement, et ce particulièrement dans le domaine de l'agroalimentaire.
J'ai fait valoir cette position à plusieurs reprises au secrétariat de notre commission.
Où en sommes-nous du processus de ratification ? Au-delà de l'accord, en prenant compte les remarques qui ont été faites, nous pourrions adresser un courrier à la Commission européenne pour attirer son attention sur ces points. Nous devons étudier la possibilité d'effectuer une étude d'impact sur l'application provisoire de cet accord.
Les pays ayant enclenché le processus de ratification sont l'Estonie, la Slovaquie, la Lettonie, l'Allemagne, le Danemark, la République tchèque, l'Espagne, la Hongrie, les Pays-Bas, la Pologne, la Roumanie, la Finlande, le Royaume-Uni, Malte, le Luxembourg, Chypre, la Bulgarie, le Portugal, la Suède, l'Irlande, et la Lituanie.
Pour peser dans le sens que l'on souhaite, l'absention constitue-t-elle une bonne solution ? Ces accords sont perfectibles, et nous devons rester vigilants sur les processus de suivi et d'évaluation, mais ce sont également des outils qui nous permettent de peser dans le dialogue. Il est important de ne pas rester hors-jeu.
Je préconise donc la ratification de cet accord.
Moi aussi, en dépit de mes remarques, je crois qu'il vaut mieux peser de l'intérieur.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (n° 2724).
Projet de loi autorisant la ratification du protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac (n° 2741) – Mme Linda Gourjade, rapporteure.
Enfin, nous terminons, avec l'examen sur le rapport de Mme Linda Gourjade, du projet de loi autorisant la ratification du protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac (n° 2741).
Le programme national de réduction du tabagisme (PNRT), présenté en Conseil des ministres le 25 septembre 2014, prévoit notamment la ratification du protocole pour l'élimination du commerce illicite des produits du tabac.
C'est le projet de loi proposé par le Gouvernement pour autoriser sa ratification que je vous présente aujourd'hui. Ce protocole complètera et renforcera les actions déjà engagées dans ce domaine.
Le protocole a été adopté le 12 novembre 2012, à Séoul, par la 5e conférence des Parties à la convention-cadre de l'Organisation Mondiale de la Santé pour la lutte antitabac.
A ce jour, le protocole a été signé par 53 Etats et par l'Union européenne. La France sera, si vous l'approuvez, le 10e pays à le ratifier. Quarante pays devront l'avoir fait pour que ce texte entre en vigueur.
Le protocole permettra de lutter plus efficacement contre le commerce illicite des produits du tabac dont les conséquences sont néfastes à plus d'un titre.
Au plan fiscal, les pertes annuelles seraient de plus de 10 milliards d'euros au sein de l'Union européenne, en raison du non-paiement des droits et taxes. Au plan international, l'estimation des pertes totales de revenus était de 40 milliards de dollars en 2010.
Outre l'impact sur les finances publiques, le commerce illicite des produits du tabac entrave la politique fiscale du tabac, menée au service de la santé publique. Les enjeux sont immenses : le tabac représente un coût social de 120 milliards d'euros. Il convient de protéger les prix pratiqués en France dans le réseau des buralistes en renforçant la lutte contre les trafics et les dérives des achats transfrontaliers. Par ailleurs, s'il existe déjà des risques sanitaires très élevés pour les produits légaux du tabac, les risques sont évidemment majorés quand il s'agit de contrefaçons ou de cigarettes dont la vente n'est pas autorisée en France.
Enfin, la Commission européenne estime que les trafics sont presque exclusivement entre les mains de réseaux criminels organisés, opérant par-delà les frontières. Ce commerce illicite participe du développement de l'économie parallèle. Il enrichit les groupes criminels et contribue à financer d'autres activités relevant de la criminalité organisée, notamment les trafics de stupéfiants et d'armes, la traite des êtres humains, voire des activités terroristes.
Selon la douane, les achats hors réseau des produits du tabac représentaient en 2011 environ 20 % de la consommation, soit 15 % d'achats transfrontaliers, qui sont licites dans la limite de la consommation personnelle des particuliers, et 5 % d'achats illégaux. Les chiffres sur lesquels s'appuient les cigarettiers sont assez différents : selon eux, les achats hors réseau représenteraient 26,3 % des ventes, les achats transfrontaliers licites 11,6 % et les achats illicites 14,7 %.
Le commerce illicite peut prendre de multiples formes : la contrebande de produits authentiques du tabac, suivant diverses techniques, la contrebande de contrefaçons ou encore la distribution de marques de cigarettes licites dans leur pays de production et fabriquées par des producteurs indépendants, mais non autorisées en France, les « cheap whites » ou « illicit whites ». La marque de cigarettes « Jin Ling » serait ainsi produite à Kaliningrad, en Ukraine et en Moldavie.
Les « cheap whites » représenteraient 45 % du marché des cigarettes au Royaume-Uni et en Allemagne. En France, la douane estime que désormais le marché de la contrebande est essentiellement alimenté par des « illicit whites », plutôt que par des cigarettes authentiques ou des contrefaçons.
Le protocole qui nous est soumis comporte principalement trois séries de mesures utiles pour renforcer la lutte contre le commerce illicite des produits du tabac.
Tout d'abord, ces mesures visent à améliorer le contrôle de la chaîne logistique. Le protocole demande de soumettre à une licence ou à une autorisation un certain nombre d'activités, notamment la fabrication des produits du tabac, ainsi que leur importation et exportation. L'obligation de vérification diligente, qui s'imposera aux acteurs de la chaîne logistique, concerne notamment l'identification des clients, le contrôle des ventes afin de s'assurer que les quantités sont proportionnées à la demande sur le marché de destination, et le signalement des clients qui violeraient leurs obligations.
L'article 8 du protocole demande l'instauration d'un régime mondial de suivi et de traçabilité. Les systèmes retenus au plan national ou régional n'ont pas vocation à être identiques, mais interopérables. Il en résulte d'importantes marges de manoeuvre. Des marques d'identification uniques, sécurisées et indélébiles seront apposées sur les paquets de cigarettes, les cartouches et les conditionnements extérieurs. Afin de permettre la reconstitution des mouvements des produits, de nombreuses informations relatives à leur fabrication et à leur circulation devront être enregistrées. Les données seront accessibles sur demande auprès d'un point focal mondial. Il devrait s'agir d'un portail sécurisé.
Une deuxième série de mesures est relative aux infractions. Une liste d'actes illicites liés aux trafics des produits du tabac est établie. Les Parties devront prendre leurs dispositions pour que ces actes soient effectivement considérés comme illicites en droit interne et qu'ils fassent l'objet de sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives. Ces sanctions n'ont pas nécessairement vocation à être pénales. En vue de renforcer la détection et la répression du commerce illicite, le protocole comporte aussi des stipulations relatives aux livraisons surveillées et à d'autres techniques d'enquête spéciales.
Enfin, le protocole demande le développement de coopérations internationales dans de nombreux domaines : les échanges d'informations, sous forme de données agrégées ou de données personnelles, dans le respect des législations nationales, c'est-à-dire en France la loi « Informatique et libertés » ; le renforcement des capacités, notamment par la recherche de financements pour aider les pays en développement ou à économie en transition ; l'assistance administrative mutuelle ; ou encore la coopération judiciaire.
Si l'enjeu immédiat est d'assurer la ratification du protocole en France, il convient aussi de favoriser son entrée en vigueur aussi large que possible dans le monde. Des actions de promotion du texte au plan international et de sensibilisation à ses enjeux peuvent y contribuer.
En France, le protocole consolidera la situation actuelle. La douane utilise déjà une large palette de coopérations internationales qui sont présentées dans mon rapport écrit. Notre dispositif est également très complet pour la répression des actes que le protocole demande de traiter comme illicites, à une exception près. En revanche, ce n'est pas le cas partout dans le monde. Le protocole a pour mérite de rapprocher les mesures de lutte contre le commerce illicite des produits du tabac. En ce qui concerne le dispositif de suivi et de traçabilité, la mise en oeuvre du point focal mondial nous permettra de sortir de la seule logique européenne.
Au-delà du projet de loi dont nous sommes saisis, il resterait à assurer et compléter la mise en oeuvre du protocole. Sans attendre, en France et en Europe, nous avons déjà engagé les travaux sur le système de suivi et de traçabilité. Une directive européenne de 2014 traite notamment de cette question. Cette directive a déjà été transposée dans le code général des impôts. La Commission européenne doit maintenant adopter des actes délégués et d'exécution pour compléter l'application du dispositif.
Il s'agit des normes techniques pour la mise en place et le fonctionnement au plan communautaire du système d'identification et de traçabilité. Les travaux sont en cours au sein d'un groupe d'experts au plan européen. Il faudra être vigilant sur le plein respect des stipulations du protocole, notamment en ce qui concerne le rôle de l'industrie du tabac.
Dans une communication au Conseil et au Parlement européen en date du 6 juin 2013, la Commission européenne mettait également l'accent sur l'utilité d'autres mesures qui permettraient de prolonger et de compléter la mise en oeuvre du protocole.
La Commission insistait notamment sur les différences importantes de taxation et de prix sur les produits du tabac au plan européen. Il en résulte un environnement favorable à la contrebande mais aussi au développement des achats transfrontaliers. Ces derniers sont manifestement disproportionnés. Une convergence des niveaux de taxation, par le haut, serait particulièrement utile.
La Commission européenne a également mis en lumière des lacunes dans l'utilisation et le partage des informations dans le cadre de l'analyse du risque, l'absence d'outils de contrôle, tels que des scanners ou des chiens renifleurs, en quantités suffisantes dans certains Etats membres, l'existence de marges de progrès dans les échanges de renseignements et d'informations opérationnelles entre les différentes autorités de l'Union participant à la lutte contre la fraude douanière, la criminalité organisée et la criminalité transfrontalière, le niveau de corruption qui persiste dans certaines autorités de répression, notamment douanières, alors que la corruption est l'une des principales méthodes utilisées par les trafiquants, le niveau et la qualité variables des coopérations entre l'Union européenne et les pays tiers, ainsi que le niveau très variable et parfois insuffisant des sanctions administratives ou pénales prévues contre les trafiquants de produits du tabac.
Ces différentes lacunes appellent des mesures correctrices qui ne pourront que renforcer la lutte contre le commerce illicite du tabac.
Au bénéfice de ces différentes observations, je vous invite à adopter le projet de loi autorisant la ratification du protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac.
C'est un texte particulièrement important, sur lequel je souhaite faire une simple remarque. Le prix du tabac est particulièrement exorbitant en France, quand on le compare à celui de l'alcool. Pour les publics modestes ou les jeunes, qui en font une consommation importante, ou encore pour des personnes qui se trouvent en hôpital psychiatrique, il peut donc y avoir une tentation de se procurer des produits illicites, qui présentent des risques particuliers en matière de santé publique. Je rejoins tout à fait la suggestion de notre rapporteure en ce qui concerne la convergence de la taxation, mais j'ignore si nous y parviendrons facilement.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission adopte le projet de loi autorisant la ratification du protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac (n 2741).
Informations relatives à la commission
Au cours de sa réunion du mercredi 16 septembre à 9 heures 45, la commission des affaires étrangères a nommé :
– M. Serge Janquin, rapporteur sur le sur le projet de loi autorisant la ratification du protocole facultatif à la convention relative aux droits de l'enfant établissant une procédure de présentation de communications (n° 3040).
La séance est levée à onze heures.