Commission élargie : finances - affaires étrangères

Réunion du 19 octobre 2015 à 21h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • AFD
  • climat
  • climatique
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La réunion

Source

COMMISSION ÉLARGIE

(Application de l'article 120 du Règlement)

Lundi 19 octobre 2015

Présidence de M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, et de Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères

La réunion de la commission élargie commence à vingt et une heures.

projet de loi de finances pour 2016

Aide publique au développement.

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Madame la secrétaire d'État au développement et à la francophonie, nous sommes heureux de vous accueillir pour la première réunion d'une longue série. La mission « Aide au développement » est en effet la première à être examinée.

Nous aurons vingt-six réunions en commission élargie d'ici au 5 novembre prochain, au cours desquelles nous étudierons les crédits de trente et une missions budgétaires et 120 programmes, sans compter les budgets annexes et les comptes spéciaux.

Pour l'organisation de la discussion, la conférence des présidents a reconduit les règles adoptées l'an dernier : les rapporteurs des commissions sont les premiers à s'exprimer, pour une durée maximale de cinq minutes chacun ; puis le ministre présent intervient aussi longtemps qu'il le souhaite, en s'efforçant de répondre aux observations des rapporteurs ; enfin, chacun d'entre nous, en commençant par les représentants des groupes, peut intervenir pour une durée de deux minutes. La durée des interventions est limitée pour permettre à chacun de s'exprimer, sachant que ce n'est pas parce que les crédits sont examinés en commission élargie qu'ils ne le seront pas à nouveau en séance publique.

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Je suis très heureuse que la session budgétaire commence par l'examen de la mission « Aide au développement ». Cela marque sans doute l'intérêt particulier du Gouvernement pour ces crédits. De son côté, la commission des affaires étrangères y accorde toute son attention, surtout cette année, en raison de trois événements politiques très importants : le sommet d'Addis-Abeba sur le financement du développement, qui s'est tenu en juillet ; l'adoption des nouveaux objectifs de développement durable par l'Assemblée générale des Nations unies, qui a eu lieu au mois de septembre ; la prochaine conférence de Paris sur le climat. Ces trois événements ont redéfini assez largement les objectifs de l'aide au développement pour le XXIe siècle, en y intégrant des problématiques qui n'étaient pas habituelles, telles que le climat et l'égalité entre hommes et femmes.

Voici plusieurs années que nous inquiétons de l'évolution du budget consacré à l'aide au développement. Dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2016, les crédits qui y sont consacrés sont en diminution de 177 millions d'euros, soit moins 6,4 % par rapport à l'année 2015. Cela m'a amenée, avec plusieurs de nos collègues, à demander au Gouvernement que soient revus certains arbitrages.

Le Gouvernement a répondu à nos attentes en déposant deux amendements : le premier, qui a été adopté vendredi, a porté le plafond des recettes de la taxe sur les transactions financières (TTF) consacrées à l'aide au développement de 140 à 260 millions d'euros, au lieu des 160 qui étaient prévus par le projet de loi de finances ; le second permettra de consacrer 50 millions supplémentaires, au titre du programme 209, à l'aide aux réfugiés à travers l'augmentation de la contribution française au budget du Haut-commissariat aux réfugiés et du Programme alimentaire mondial.

Ensemble, ces deux amendements contribuent à stabiliser le budget de l'aide au développement. Celui-ci devait subir une baisse de 170 millions, hors dépenses de personnels, en partie compensée par les recettes du Fonds de solidarité pour le développement (FSD), évaluées à 20 millions d'euros. En ajoutant à ces 20 millions les 150 millions apportés par les deux amendements, on obtient bien la compensation de la diminution de 170 millions initialement prévue. Nous espérons que ces amendements du Gouvernement laissent présager, après cette stabilisation, la reprise de l'augmentation de l'aide au développement sur une trajectoire plus favorable que celle des dernières années, conformément aux engagements pris par le Président de la République, que je rappelle brièvement : augmentation de 4 milliards d'euros des sommes consacrées à l'aide au développement d'ici à 2020 ; adossement de l'Agence française de développement (AFD) à la Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui devrait donner à l'AFD les moyens de cette promesse.

Madame la secrétaire d'État, vous vous êtes beaucoup battue dans le même sens que nous, et vous allez pouvoir nous éclairer davantage sur ces points.

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Madame la présidente, vos voeux sont exaucés puisqu'il y a à peine une heure, en séance publique, a été adopté, contre l'avis du Gouvernement, un amendement visant à affecter à l'aide au développement une part plus importante de la taxe sur les transactions financières. Je ne sais pas s'il fera l'objet d'une seconde délibération, mais ce n'est pas impossible. Pour être fixés, il nous faudra attendre que la séance reprenne.

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Monsieur le président, pourrons-nous bénéficier d'une suspension de séance pour aller voter cet amendement ? Il permettrait d'affecter à l'aide au développement 225 millions d'euros supplémentaires, soit une somme très supérieure à celle que le Gouvernement propose.

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Rien ne vous interdit de vous rendre dans l'hémicycle pour voter. Mais je ne sais pas du tout à quelle heure ce vote interviendra.

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Depuis maintenant trois ans, en tant que rapporteur spécial, je tire la sonnette d'alarme devant l'effondrement de l'aide publique au développement. Heureusement, je ne suis pas seul à le faire ; je suis soutenu par des députés de gauche comme de droite. Je rappelle qu'au niveau mondial, la part consacrée à l'aide publique au développement devrait atteindre 0,7 % du revenu national brut (RNB). Or nous étions à 0,46 % en 2011 et nous sommes tombés à 0,36 % en 2014. La mission « Aide publique au développement » a baissé de 14,6 % en 2015 par rapport à 2011, et elle aurait encore dû baisser de 6 % cette année si le Gouvernement n'avait déposé deux amendements, l'un en première lecture, l'autre en seconde lecture, qui sera examiné tout à l'heure.

Par ailleurs, les économies qui ont été imposées ont été plus fortes pour l'aide publique au développement que pour d'autres missions. C'est une injustice notoire au détriment de l'APD, dont la part dans le budget de l'État a beaucoup baissé au cours des quatre dernières années, passant de 0,90 % à 0,68 %.

À l'étranger, les Anglais caracolent en tête, au-delà des 0,7 % du RNB. Les Allemands viennent de nous dépasser en passant à 0,41 %. Et les Italiens, malgré leurs difficultés, sont en train de remonter fortement le niveau de leur aide publique au développement.

Il était vraiment temps de réagir ! Nous le demandions depuis des années, et je regrette que nous ne nous réveillions que maintenant, et encore insuffisamment. C'est la raison, pour laquelle, madame la secrétaire d'État, je souhaite vous poser une première série de questions à propos des engagements pris par le Président de la République de 20 milliards d'euros supplémentaires pour l'Afrique, annoncés en novembre 2013, et de 4 milliards d'euros supplémentaires pour l'aide publique au développement d'ici à 2020.

Quelle est, dans ces sommes, la part d'apport net à l'aide publique au développement ? N'est-ce pas l'addition successive de crédits qui étaient prévus depuis longtemps ? S'agit-il de prêts, de dons ou de subventions ? Enfin, quand verrons-nous apparaître les moyens nouveaux sur lesquels s'est engagé le Président de la République ? Ces questions concernent l'ensemble de la mission et, par voie de conséquence, l'évolution de l'aide publique au développement dans les prochaines années.

Ensuite, nous croyons savoir que la France ne tiendra pas ses engagements à l'égard de GAVI Alliance, qui procède à l'achat groupé de médicaments. L'accord qui avait été signé en 2011 avec l'Alliance portait sur 100 millions d'euros. Or, d'après nos informations, il manquerait aujourd'hui 27,5 millions d'euros qui risqueraient de ne pas être versés, comme prévu, le 31 décembre le prochain. Cela voudrait dire que la France ferait défaut, et que ce serait le premier pays à se mettre dans une telle situation. Qu'en est-il ?

Par la même occasion, pouvez-vous nous dire ce qu'il en est du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (FMLSTP) ? On peut nourrir quelques inquiétudes du fait des confusions qui peuvent exister entre versements, contributions, engagements et crédits de paiement. Il y a, notamment chez les organisations non gouvernementales (ONG), beaucoup d'inquiétudes à ce propos.

Ensuite, comment allez-vous faire pour que les pays les plus pauvres, et notamment les pays africains généralement francophones, puissent bénéficier d'une part plus importante du soutien de l'aide publique française ? Actuellement, celle-ci n'est pas suffisante.

Enfin, peut-on espérer moins d'opacité dans l'aide publique au développement, de façon à pouvoir mieux suivre l'évolution des crédits qui lui sont affectés ? Par exemple, on nous dit que l'année dernière 20 millions supplémentaires ont été transférés au Fonds de solidarité pour le développement. Or nous ne sommes pas parvenus à retracer le chemin suivi par ces 20 millions.

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Notre politique d'aide au développement est paradoxale, voire schizophrénique. D'un côté, la France entend s'imposer comme le principal promoteur d'une politique d'aide au développement novatrice, inclusive et stratégique. Novatrice, parce que depuis dix ans, sous l'impulsion de Jacques Chirac, nous nous sommes faits les promoteurs, avec d'autres, de taxes innovantes, qui devaient être additionnelles et ne pas se substituer aux crédits budgétaires – cela n'a pas toujours été le cas, quels qu'aient été d'ailleurs les gouvernements. Inclusive, parce qu'elle entend répondre à de nouveaux objectifs, à savoir la lutte contre le réchauffement climatique et l'égalité entre hommes et femmes. Stratégique, parce que certaines remises en ordre ont eu lieu ces dernières années, avec la création de l'agence Expertise France et les annonces d'adossement de l'Agence française de développement à la Caisse des dépôts et consignations. Voilà pour l'ambition.

Mais de l'autre côté, la dure réalité, c'est l'attrition des moyens affectés à l'aide publique au développement, que tout le monde déplore sur tous les bancs de l'Assemblée nationale. Et ce n'est pas pour rien que l'amendement dont nous parlions tout à l'heure a été adopté contre l'avis du Gouvernement.

Ce constat étant établi, j'ai quelques questions à poser à Mme la secrétaire d'État.

Quelle est la feuille de route de l'aide publique au développement française, si l'on veut atteindre l'objectif de 0,7 % du RNB ?

Dans l'hypothèse où cette trajectoire serait rétablie, dans quelle mesure le Gouvernement entend-il orienter l'aide au développement vers les pays les moins avancés, conformément aux priorités définies par le sommet du G7 de juin 2015, ainsi que plus récemment à Addis-Abeba ?

La part des dons-projets est-elle appelée à augmenter dans l'avenir ? La part des financements sous forme de dons est ridicule pour un grand État comme le nôtre. Elle doit représenter l'équivalent d'une fois et demie le budget d'investissement du conseil départemental que j'ai l'honneur de présider.

Nous devons encore à GAVI, l'Alliance du vaccin, 22 millions d'euros que nous devrions lui verser d'ici à la fin de cette année. Or il semble que ce ne sera pas le cas, et que nous serons déclarés en défaut de paiement. Pour un grand pays comme le nôtre, c'est tout à fait fâcheux, surtout quand on connaît l'excellent travail de GAVI pour la vaccination dans les pays en développement.

Je terminerai sur l'adossement de l'AFD à la CDC. Nous savons que l'AFD a un problème de fonds propres, notamment en raison des règles prudentielles qui s'appliquent à une banque – puisque tel est son statut. D'ailleurs, il y a deux ans, le Gouvernement a dû mettre, de mémoire, 200 millions supplémentaires de capitaux propres pour accroître l'effet de levier de l'AFD. L'idée d'un adossement de l'AFD à la Caisse des dépôts et consignations est donc considérée avec faveur par les observateurs. Mais nous savons bien que le diable se niche dans les détails. Une mission de préfiguration a été confiée à Rémy Riou, qui connaît parfaitement ces questions. De votre côté, madame la secrétaire d'État, pourriez-vous nous en dire davantage ?

Quel est le calendrier prévu ? En quoi l'adossement à la CDC permettra à l'AFD d'intervenir davantage ? Autrement dit, envisage-t-on de modifier le statut bancaire de l'AFD ? Est-ce que la singularité et l'autonomie de l'AFD seront préservées au sein de ce nouveau grand ensemble ? Cette maison a une excellente réputation. Il ne faudrait pas qu'elle soit dissoute dans la grande Caisse des dépôts et consignations, même si elle exerce ses activités sous le contrôle de la foi publique et du Parlement.

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Annick Girardin, secrétaire d'état chargée du développement et de la francophonie

Mesdames, messieurs les députés, vous allez voter le budget 2016 alors que la période est ponctuée de grands rendez-vous internationaux dont chacun contribue à écrire une nouvelle page de l'histoire de notre monde, qui sera, en 2030, nous l'espérons, un monde « zéro carbone » et « zéro pauvreté ». Au sommet d'Addis-Abeba, l'Europe, et donc la France, s'est engagée à consacrer à l'aide au développement 0,7 % de son RNB avant 2030 – et 0,2 % pour les pays les moins avancés (PMA). À New York, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté l'agenda post-2015, avec dix-sept objectifs de développement durable qui incluent, bien sûr, les questions climatiques. Lors de la Conférence sur le climat qui s'est tenue à Lima, il y a quelques semaines, nous avons avancé sur le financement « climat » de l'après-2020. Et puis, nous sommes à la veille du sommet de Paris, « Climat 2015 », qui devrait aboutir à un accord à la fois ambitieux et contraignant, nous replaçant sur la trajectoire des deux degrés. Je vous rappelle que tous les pays se sont engagés à apporter leur contribution, non seulement à la lutte contre le dérèglement climatique, mais également à la solidarité. Ce sera l'heure de vérité : les pays industrialisés devront montrer qu'ils peuvent être au rendez-vous des 100 milliards d'euros promis à partir de 2020 lors du sommet de Copenhague.

Tel est le contexte dans lequel nous avons mené les discussions budgétaires. Elles ont été difficiles, aboutissant d'abord à la baisse des crédits de la mission. Mais vous avez été nombreux à vous mobiliser – surtout vous, madame la présidente – avec une grande énergie, ce dont je vous remercie. Nous avons fini par être entendus, et aujourd'hui, après les annonces faites par le Président de la République, le budget de la mission est stabilisé.

Ces annonces, ce sont 4 milliards d'euros supplémentaires pour les États étrangers en 2020, avec une montée en puissance progressive, comme vous le souhaitiez ; le renforcement du volet « climat » avec 2 milliards, ce qui portera le financement annuel de la France en faveur du climat de 3 à 5 milliards d'ici à 2020. En outre, le volet « dons » sera complété de façon conséquente, à hauteur de 370 millions d'euros d'ici à 2020, avec une première partie cette année. Enfin, on répondra par le développement à la crise des réfugiés.

Il y avait là un enjeu de crédibilité, et nous sommes à ce rendez-vous à travers plusieurs amendements, que je ne rappelle pas. On peut aujourd'hui s'en satisfaire.

Je vois, dans ce budget 2016, deux messages forts.

Le premier est que la baisse est stoppée. Ce n'est peut-être pas suffisant, mais nous n'avions pas connu cela depuis un certain temps. Souvenez-vous qu'en 2010, l'aide publique a plafonné à 0,5 % et que depuis, elle était en baisse régulière – plus de 500 millions d'euros sur cinq ans. Aujourd'hui, les crédits de l'aide publique au développement – programmes 209, 110 et FSD – sont stabilisés.

La trajectoire vers l'objectif de 0,7 % du RNB consacré à l'aide au développement est à nouveau d'actualité. Nous n'en sommes qu'à la première étape, mais il faut s'en satisfaire – nous avions dit que nous reprendrions cette trajectoire à partir du moment où la France connaîtrait un début de croissance.

Une action particulière pour les plus vulnérables est engagée, sous forme de dons : 150 millions d'euros supplémentaires cette année, à la fois sur la question climatique et sur la question des réfugiés.

Le deuxième message de ce budget est qu'il prend en compte les crises et leur évolution : pour réagir à l'urgence, 50 millions supplémentaires seront consacrés à la question des migrants, notamment aux réfugiés ; pour construire le monde de demain, on anticipe la mise en place des décisions climatiques dont la plupart font partie des objectifs de développement durable.

Pour ce faire, nous disposons de trois outils principaux. D'abord, la loi du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, qui devient opérationnelle, et dont les grands objectifs étaient l'efficacité, la transparence, l'évaluation et le suivi. Nous sommes au rendez-vous. Ensuite, le rapprochement entre l'AFD et la CDC, qui nous dotera d'un outil fort, plus adapté à tous les publics. Doté d'une expertise à la fois dans les secteurs sociaux et en matière d'infrastructures, cet outil sera davantage performant dans ses réponses à chacun de ses partenaires, que ce soit le Gouvernement, les collectivités, les ONG ou les entreprises. Enfin, conformément au souhait des parlementaires, l'agence Expertise France, a été installée le 1er janvier 2015 et a déjà pris toute sa place. J'ajoute qu'il est question de transférer l'intégralité des actions de gouvernance, projets et expertise, à l'Agence française de développement et à Expertise France.

Ce budget est donc adapté. Entre les missions et les financements innovants, il est aujourd'hui stabilisé. Le programme 209 perd 83 millions, soit 5,3 %, compte tenu de la baisse de 133 millions et de l'apport de 50 millions supplémentaires pour les réfugiés par voie d'amendement. Le programme 110 perd 39 millions d'euros, soit 3,8 %, mais grâce au premier amendement qui a été voté, la participation de la TTF s'établira à 120 millions de plus qu'en 2015.

Cette stabilisation est en grande partie permise par les financements innovants, notamment la TTF. Voulue par François Hollande, cette taxe, qui a été mise en place en 2012, a rapporté, la première année de son application, 60 millions d'euros. Pour 2016, le Gouvernement a décidé d'augmenter de 30 %, par voie d'amendement, la part des recettes allouée à ce budget, soit 260 millions. Grâce à cette stabilisation, nous pouvons financer deux grandes priorités : la lutte contre le réchauffement climatique, à hauteur de 100 millions d'euros, et l'aide aux réfugiés, à hauteur de 50 millions.

Certains changements dans le monde ont provoqué des modifications dans les différents programmes. Ainsi, la fin de l'épidémie d'Ebola devrait nous permettre d'économiser 40 millions, la fin de l'engagement en Afghanistan 5 millions et le Contrat de désendettement et de développement (C2D) concernant le Cameroun, qui fait l'objet d'une discussion entre le président Biya et Laurent Fabius, 34 millions.

Nous nous adaptons également aux évolutions géopolitiques et institutionnelles. La France participera, en particulier, à la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures, dont elle est membre fondateur depuis le 2 avril dernier – le projet de loi de ratification sera prochainement déposé au Parlement. Il était important que nous nous y impliquions, non seulement parce que nous avons fait en sorte que le caractère durable du développement soit inscrit dans les statuts de la banque, mais aussi parce qu'il faut accompagner nos partenaires chinois dans une participation plus active dans le cadre des enceintes multilatérales.

Nous oeuvrons également en faveur d'une plus grande efficacité en encourageant la meilleure utilisation possible des fonds publics. Nous le devons aux Français, et c'est une règle que je me suis fixée lorsque j'ai pris mes fonctions. Ainsi, la restructuration de la gouvernance et de l'expertise technique permet d'économiser 6 millions. La rationalisation des dépenses de nos opérateurs, notamment dans le domaine de la francophonie, nous a permis de diminuer de 4 % les montants alloués à la francophonie. Enfin, nous respectons la recommandation de la Cour des comptes concernant le FMLSTP, puisque 20 millions d'euros sont versés via la Banque de France pour éviter une bulle de trésorerie non efficiente, c'est le moins que l'on puisse dire, qui n'est pas acceptable dans le contexte budgétaire actuel.

Par ailleurs, nous assumons certains choix, comme la réduction de 10 millions d'euros du financement Muskoka, avec la fin de l'engagement multilatéral du G8, sans pour autant qu'il s'agisse de se désengager de la thématique santé maternelle et infantile, qui reste centrale dans nos politiques et l'action de l'Agence française de développement, ou l'effort concernant le Fonds asiatique de développement, qui se traduit par une réduction de moitié des autorisations d'engagement prévues.

Les engagements ont été tenus, notamment en ce qui concerne le maintien de l'aide projet et le renforcement de l'aide bilatérale. Cela correspond au souhait que vous avez exprimé l'an passé en transférant 20 millions du programme 110 vers le programme 209. Nous veillerons également à ce que les fonds « migration » et « climat » répondent aux besoins et permettent de mener des actions concrètes, notamment en nous aidant, lors de la négociation de la COP21, à emmener l'ensemble de nos partenaires vers l'accord ambitieux que nous appelons de nos voeux. L'aide aux réfugiés financera des actions concrètes, à travers le HCR ou les agences des Nations unies, notamment le programme alimentaire, qui sont des vecteurs efficaces et utiles.

L'allocation des fonds climatiques n'est pas encore arrêtée. Sur le plan géographique, elle devra cibler les plus vulnérables. Sur le plan thématique, elle devra permettre des actions d'adaptation : protection des forêts, lutte contre la dégradation des sols, développement des énergies renouvelables. Sur le plan tactique, nous devons mobiliser et encourager des actions concrètes de nos partenaires – dernièrement, j'ai travaillé avec l'Allemagne et la Suède. S'agissant des instruments, une part des actions climat sera portée en bilatéral, mais aussi en multilatéral. C'est une question, là encore, de levier et de force de frappe.

Dans un monde où les crises se multiplient, nous devons nous adapter aux évolutions et soutenir les fonds d'urgence. Les crédits alloués aux ONG humanitaires augmentent donc de 1 million d'euros ; les crédits de l'aide alimentaire et de sortie de crise sont stables. Quant à l'aide aux réfugiés, elle augmente de 50 millions d'euros.

Par ailleurs, nous soutenons les acteurs du développement conformément à l'esprit de la conférence d'Addis-Abeba. En ce qui concerne les ONG, une augmentation de 8 millions d'euros porte l'engagement total à 79 millions. Les crédits alloués à la coopération décentralisée restent stables, avec 9,2 millions d'euros, de même que ceux alloués au volontariat. Je précise que celui-ci fait l'objet d'une évaluation dont nous devrions connaître les résultats au mois de décembre. Le volontariat doit, en effet, être réformé, afin d'être plus lisible, ouvert à davantage de jeunes et mieux reconnu.

J'en viens maintenant à vos questions, messieurs les rapporteurs. Tout d'abord, la France est un acteur-clé de la santé mondiale depuis de nombreuses années ; elle y consacre 1 milliard d'euros d'engagements en 2014, soit 12 % de son aide publique au développement ; c'est une hausse par rapport à 2013.

En ce qui concerne le Fonds mondial, vous savez que la Cour des comptes a critiqué le mode de versement de la contribution – espèces, d'une part, bons du Trésor déposés à la Banque de France, d'autre part –, en raison du niveau élevé de la trésorerie actuellement logée à la Banque de France. Ce système a créé une bulle de plusieurs centaines de millions d'euros de trésorerie, que nous allons progressivement apurer. Mais la France – le Président de la République l'a confirmé aux ONG, il y a quelques semaines – est le deuxième contributeur au FMLSTP et elle versera, en 2016, sa contribution annuelle, qui s'élève à 360 millions d'euros.

La France est également le quatrième contributeur souverain à GAVI ; elle est engagée à hauteur de 1,7 milliard d'euros au titre de l'IFFIm (International finance facility for immunisation). Elle a annoncé, lors de la conférence de reconstitution des ressources pour la période 2016-2020, au mois de janvier dernier, une contribution additionnelle de 150 millions d'euros via l'IFFIm. En outre, nous mettons en oeuvre une initiative pilote avec la Fondation Bill and Melinda Gates, en accordant, par l'intermédiaire de l'AFD, un prêt concessionnel de 100 millions d'euros qui sera remboursé par la fondation. Nous traduisons ainsi dans les faits notre engagement en faveur des coalitions d'acteurs. Nous consentons un effort budgétaire conséquent pour la période 2016-2020, avec un décaissement de 365 millions d'euros. Pour 2015, il nous reste à verser à GAVI 22 millions, qui ne sont pas budgétés ; nous ferons tout notre possible pour que ce soit fait avant le 31 décembre prochain. À ce jour, la France a versé, au titre de la période 2011-2015, 348 millions sur 370 millions, soit 94 % de son engagement total. Notre pays reste donc très engagé dans le domaine de la santé. GAVI a, du reste, exprimé sa satisfaction pour la façon dont nous avons contribué à la reconstitution de ses ressources pour la période 2016-2020.

Vous m'avez interrogée sur l'amendement que vous avez adopté l'an dernier afin de transférer 20 millions d'euros du programme 110 « Aide économique et financière au développement » vers le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement ». Le montant effectif du transfert, en intégrant le rabot final au titre des universités, est de 17 millions d'euros – 15,5 millions une fois la réserve déduite. L'objectif était de financer des projets bilatéraux. Ces projets concernent la santé et le climat : 8 millions d'euros ont été alloués au Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM), 2 millions d'euros au Centre de crise et de soutien et 5,6 millions à l'Initiative santé solidarité Sahel (I3S).

Par ailleurs, l'engagement, pris en décembre 2013 par le Président Hollande lors du sommet pour la paix et la sécurité en Afrique, de consacrer 20 milliards d'euros au cours des cinq prochaines années au développement de l'Afrique, est mis en oeuvre par le groupe AFD-Proparco. Une recapitalisation de l'Agence a été engagée en 2014, qui lui permet notamment de renforcer son activité sur le continent africain. Les réalisations et prévisions d'engagement présentées pour la période 2014-2016 sont en ligne par rapport aux objectifs concernant l'Afrique. Le montant des engagements du groupe AFD en faveur de l'Afrique s'élève à 3,7 milliards en 2014 et à 3,8 milliards d'euros en 2015. L'objectif de l'AFD est de porter l'activité totale en Afrique à 11,5 milliards d'euros pour la période 2014-2016, dont 9,2 milliards d'autorisations de financement en Afrique subsaharienne et 2,3 milliards en Afrique du Nord. Pour les années suivantes, les résultats dépendent en partie de la situation politique et économique des différents pays. Il m'est donc difficile de vous préciser, à ce stade, l'APD nette, compte tenu du travail statistique nécessaire.

M. Gaymard m'a interrogée sur la trajectoire de l'aide publique au développement. Celle-ci, comme cela a été réaffirmé à Addis-Abeba, doit atteindre 0,7 % du RNB à l'horizon 2030. L'APD nette de la France représentait, en 2014, 0,37 % de son RNB, contre 0,45 % en 2012 et 0,41 % en 2013. Cette diminution s'explique essentiellement par une baisse des crédits des programmes 209 et 110 de la mission « Aide publique au développement », mais aussi par une moindre contribution des annulations de dettes de l'aide publique française, ce dont on ne peut que se féliciter. La trajectoire repart à la hausse puisque 4 milliards supplémentaires ont été annoncés d'ici à 2020, dont 2 milliards pour le climat, sous la forme de dons et de prêts, le montant des dons devant être abondé de 370 millions d'euros d'ici à 2020.

Je rappelle qu'en 2014, la France a gagné une place dans le classement mondial des contributeurs de l'aide publique au développement en volume, puisqu'elle occupe le quatrième rang, derrière l'Allemagne, les États-Unis et le Royaume-Uni. Cela est peut-être peu satisfaisant, mais c'est une marche supplémentaire.

L'adossement de l'AFD à la Caisse des dépôts et consignations était une nécessité pour nous permettre de répondre aux besoins et de respecter les engagements que nous avons pris à Addis-Abeba et à Lima ainsi qu'à ceux que nous prendrons à Paris dans les jours qui viennent. Le statut de cet adossement est en cours de discussion. Je ne peux pas vous apporter à ce sujet une réponse plus précise que celles que vous a faites Rémy Rioux lors de ses rencontres avec les parlementaires. Mais ces rencontres se poursuivront – il était également présent il y a quelques jours au Conseil national pour le développement et la solidarité internationale (CNDSI) –, car je tiens à ce que cette opération se fasse dans la plus grande transparence et à ce que chacun puisse donner son avis à chaque étape. Selon le calendrier fixé par le Président de la République dans la lettre de mission qu'il a adressée à Rémy Rioux, celui-ci devrait remettre un rapport avant la fin de l'année 2015. Quant à la mise en oeuvre effective du rapprochement, elle devrait intervenir dans le courant de l'année 2016, en fonction du processus législatif et réglementaire – la question se pose encore de savoir si une modification législative sera nécessaire. Quoi qu'il en soit, il serait heureux que la création de cet outil coïncide avec le bicentenaire de la Caisse des dépôts et consignations.

Encore une fois, toutes les parties prenantes au projet doivent être engagées dans la discussion. Cet outil devra être efficace, performant, à la hauteur de nos attentes et de celles de nos partenaires, qu'il s'agisse de pays amis, des collectivités territoriales, des entreprises ou des ONG. Il doit s'inscrire dans une perspective multi-acteurs car, ainsi que cela a été dit à Addis-Abeba, nous passons d'une logique d'aide publique au développement à une logique de financement du développement. Si l'APD reste un élément primordial, elle sera insuffisante et devra, pour être performante, être associée aux acteurs privés. Tel est le rôle de cet outil qui doit être celui de tous les acteurs qui consacrent leur énergie au service du grand défi que nous devons relever pour construire un monde zéro carbone et zéro pauvreté.

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L'objectif de consacrer 0,7 % du RNB à l'aide publique au développement, dont je rappelle qu'il figure dans la loi relative à la politique de développement et de solidarité internationale que nous avons votée il y a maintenant deux ans, demeure. Les engagements pris dans le cadre de cette loi portent à la fois sur le montant des crédits et sur leur affectation.

Le Groupe Socialiste, républicain et citoyen note avec satisfaction que la baisse du budget de l'ADP est enfin stabilisée ; nous en prenons acte et nous en remercions le Gouvernement. Mais cette stabilisation ne marque pas pour autant un nouveau départ. Or nous souhaiterions que le budget pour 2016 comprenne un signe supplémentaire, une petite amorce. Je défendrai donc un amendement visant, non pas à augmenter les dépenses budgétaires, mais à modifier l'affectation de certains crédits, comme nous l'avions fait l'an dernier, en proposant de réduire de 50 millions les bonifications de prêts du programme 110 au profit des dons et projets du programme 209, dont le Président de la République lui-même a souligné l'importance.

Pour ce qui est de ma question, est-il possible d'amorcer, dès le PLF 2016, un début de relance en vue de rétablir la trajectoire de 2020 ? Nous vous avons, du reste, interrogée à ce sujet, madame la secrétaire d'État, notamment sur l'échelonnement annuel, car je ne suis pas certain que nous connaissions tous les échelons. La priorité, je le rappelle, doit être accordée aux pays les moins avancés (PMA), comme cela est prévu dans la loi de 2014. Enfin, cette dernière doit faire l'objet d'un rapport d'évaluation en 2016, et j'aimerais bien que l'on puisse constater à cette occasion, non pas la fin d'une baisse, mais un réamorçage de la pompe.

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À l'instar d'Hervé Gaymard, le groupe Les Républicains juge la situation paradoxale. Il est en effet paradoxal qu'après les annonces d'Addis-Abeba en faveur des financements innovants et de leur affectation en additionnel à l'aide au développement et celles de New York concernant les objectifs de 2020 et 2030, le Gouvernement ait pu proposer un budget traduisant une telle régression. Quelle mauvaise manière faite au Président de la république ! Certes, il s'est aperçu de son erreur, et il a souhaité la corriger en déposant un amendement. Mais celui-ci ne fait que rétablir le seuil de 2015. Or nous avons des dettes, qu'il nous faudra bien honorer, envers GAVI, le Fonds mondial, Initiative Sahel… Et si nous ôtons l'ensemble de ces dettes, l'aide au développement n'est même pas au niveau qui était le sien en 2015.

Si l'amendement qui doit être examiné dans les minutes qui viennent en séance publique était adopté, nous lancerions une dynamique ; ce serait un signe positif, qui permettrait d'espérer que l'objectif de 0,7 % puisse être atteint avant 2030. Je forme le voeu que l'on puisse prendre, ici, au moins l'engagement de rétablir l'aide publique au développement à son niveau de 2012. À quoi bon, en effet, se fixer des objectifs à l'horizon 2030 si nous ne sommes pas capables de maintenir ce budget le temps d'une législature ?

Par ailleurs, je constate que la baisse des crédits relatifs à la santé est particulièrement drastique. Aussi conviendrait-il d'affecter un éventuel bonus après paiement des dettes aux différents programmes consacrés à la santé, dont les crédits ont été réduits de 87 millions dans le budget initial. Si l'amendement est adopté ce soir, il faudra, du reste, discuter de l'attribution des crédits transférés.

Enfin, le Fonds social de développement est un objet non identifié dont la gouvernance est un peu obscure. Je souhaiterais que le Parlement, qui lui alloue des fonds, puisse discuter de son fonctionnement comme il le fait pour l'AFD.

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Je dois me précipiter d'aller voter en séance publique : ces manoeuvres sont choquantes ! On profite de l'examen du budget de l'aide publique au développement en commission élargie pour pilonner un amendement en séance publique…

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Je vous arrête tout de suite, monsieur Pancher. Comme je l'ai dit en préambule, nous devons examiner une trentaine de missions. Des réunions se tiennent donc matin, midi et soir ; il est inévitable que certaines d'entre elles aient lieu en même temps que la séance publique. Cette organisation a été décidée en conférence des présidents ; je me dois de la respecter. Mais, encore une fois, ne voyez aucune relation préméditée entre une éventuelle seconde délibération et l'examen de la mission « Aide publique au développement » ce soir, en commission élargie.

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Le groupe UDI juge la situation budgétaire grotesque. Le Président de la République a pris un engagement très fort lors de la conférence sur le financement du développement qui s'est tenue à Addis-Abeba, et nous y avons cru. Après une baisse drastique de 700 millions d'euros des crédits alloués à la mission « Aide publique au développement » entre 2012 et 2016 – mission qui représente 0,36 % du RNB au lieu des 0,7 % prévus par l'ONU et revendiqués par le Président de la République –, nous avons cru que le budget de la coopération allait reprendre un cours normal. Or, malgré les efforts du Gouvernement pour augmenter, par amendement, le budget d'environ 100 millions d'euros, le compte n'y est pas.

Nous sommes donc tous en droit de nous demander comment nous allons bien pouvoir arriver aux 4 milliards d'euros supplémentaires promis par le Président de la République. S'agit-il vraiment de 4 milliards d'euros, du reste, et en quoi consistent-ils ? Il semblerait qu'il s'agisse, non pas d'aides directes, mais en grande partie de prêts. Ce n'est pas ce que nous attendons ! Il en est de même pour le Fonds vert, dont tout le monde s'aperçoit, notamment nos amis africains, que la dotation nette équivaut pratiquement au montant du financement de l'organisation de la COP21. Où sont les espèces sonnantes et trébuchantes ? Je souhaiterais donc que vous nous précisiez, madame la secrétaire d'État, en quoi consistent ces 4 milliards et quel est le calendrier pour y parvenir dans les cinq années qui viennent.

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Après plusieurs années de baisse, le Gouvernement stabilise, en 2016, le budget de l'aide au développement qui, depuis 2012, a progressivement fondu de 700 millions d'euros, si bien que notre pays s'éloignait de l'objectif international de consacrer 0,7 % de son revenu national brut au développement. Cette diète générale, à laquelle d'autres dépenses publiques n'ont pas échappé, était, certes, justifiée par le contexte budgétaire contraint actuel. Le groupe RRDP avait réussi, lors de l'examen du dernier PLF, à faire gagner à ce budget 10 millions de crédits supplémentaires, non sans difficulté puisque nous avions frisé la seconde délibération ; mais il en fallait encore davantage.

Pour pallier cette baisse chronique, le Gouvernement a pris une bonne décision, en portant le plafond de la taxe sur les transactions financières affectées au Fonds de solidarité pour le développement à 260 millions d'euros en 2016, contre les 140 millions initialement prévus, et en augmentant de 50 millions les crédits de la mission. Ces 170 millions d'euros supplémentaires viendront compenser à due concurrence la baisse initialement prévue, ce dont nous nous félicitons. Sans ces mesures, ce budget aurait subi une nouvelle fois une baisse de l'ordre de 6 % par rapport à 2015. Ce relèvement reflète l'engagement pris par le Président de la République devant l'ONU, en septembre dernier, d'augmenter les financements en faveur du développement de 4 milliards d'euros en 2020, consacrés pour moitié à la lutte contre le réchauffement climatique.

La France s'engagera ainsi, avec d'autres États, à combattre la pauvreté, à lutter contre le changement climatique et à aider les populations les plus vulnérables.

Dans cette perspective, la décision salutaire de rapprocher la Caisse des dépôts et l'Agence française de développement permettra d'augmenter les volumes d'engagement, d'autant que celle-ci a vu sa capacité d'engagement s'accroître considérablement ces dix dernières années, pour atteindre 8,5 milliards d'euros en 2016. Ce rapprochement devrait également nous permettre d'avoir une véritable agence de financement, à l'instar de l'Allemagne et de l'Italie, mieux dotée et équipée, et liée aux collectivités locales et aux entreprises, comme le fait Bpifrance.

C'est pourquoi, madame la secrétaire d'État, le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste votera les crédits de l'aide publique au développement pour 2016.

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Dans quelques semaines se tiendra à Paris la 21e conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP21) ; on connaît l'implication, la mobilisation et la volonté de notre pays de faire de cette conférence un succès. Nous savons tous combien négatif peut être l'impact du dérèglement du climat : multiplication des catastrophes naturelles, accentuation de la sécheresse, avec pour conséquence de mauvaises récoltes elles-mêmes responsables de malnutrition et de famine, et la progression de maladies qui accroissent l'extrême pauvreté dans de nombreux pays.

Membre de l'Assemblée parlementaire de la francophonie, je souhaite insister sur la situation des femmes. Alors que celles-ci constituent le premier moteur du développement, elles paient, avec leurs enfants, un lourd tribut au dérèglement climatique. Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, a lancé un appel intitulé « Soutenir les femmes face au dérèglement climatique : pourquoi nous nous engageons », que je vous invite à relayer. Dans le budget de la mission « Aide publique au développement » pour l'année 2016, nous devons déployer un engagement fort et significatif en faveur des femmes. Il s'agit de montrer la solidarité de la France envers les pays les plus vulnérables, mais aussi envers les personnes les plus fragiles. Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous apporter des précisions sur notre implication dans des projets concrets concernant les femmes et l'égalité entre les femmes et les hommes dans ces pays ?

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Vous l'avez rappelé, madame la secrétaire d'État, la France est l'un des grands pays donateurs en matière de développement, même si les crédits affectés à cette politique publique ont diminué depuis la crise de 2008, et surtout depuis 2010. L'aide publique au développement ne représente pas seulement un supplément d'âme ou de la charité, mais bien un élément fondamental de la politique étrangère française. Dans la zone sahélienne, on ne peut pas se contenter d'une action sécuritaire ou militaire, même si celle-ci s'avère nécessaire ; l'APD doit intervenir pour rééquilibrer, redévelopper et aider ces territoires en grande crise.

Notre APD repose largement sur des prêts, et l'on constate que de plus en plus d'États africains rencontrent des difficultés dans le processus d'emprunt et ont besoin de dons. Or, année après année et majorité après majorité, la part des dons diminue par rapport à celle des prêts dans notre APD. Nous ne mésestimons pas les efforts engagés par le Gouvernement pour rééquilibrer cette situation, mais nous considérons que la relation entre la France et les pays en voie de développement (PVD) ne peut pas se résumer à l'action de Proparco. Or, il y a quelques mois, lors de son audition devant la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, Mme Anne Paugam, directrice générale de l'AFD, avait expliqué en termes crus que l'Agence était « à l'os » et n'avait plus de ressources pour effectuer de nouveaux dons. Notre collègue Jean-Pierre Dufau présentera donc un amendement visant à augmenter le montant des dons inscrits dans ce PLF de 50 millions d'euros, non pas en augmentant le montant global des crédits mais en les rééquilibrant, pour se conformer à la contrainte budgétaire imposée.

Chaque année, les membres de la commission des affaires étrangères rappellent la nécessité de redynamiser notre politique de dons. Quelle est, sur cette question, la position du Gouvernement cette année ?

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Nous voterons, bien entendu, en faveur de l'accroissement des moyens consacrés à l'aide au développement, dont il faut considérer non seulement l'aspect financier mais aussi l'aspect humain. Le Président de la République a rappelé son attachement à la dimension internationale de l'engagement citoyen en France. De nombreux pays s'inscrivent dans cette démarche, qu'il convient d'accompagner en leur apportant l'ingénierie nécessaire.

Madame la secrétaire d'État, dans quelle proportion pourriez-vous augmenter les crédits dévolus au volontariat international en administration (VIA) et au volontariat de solidarité internationale (VSI) ?

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Annick Girardin, secrétaire d'état chargée du développement et de la francophonie

Monsieur Charasse, l'augmentation de 4 milliards d'euros de l'APD jusqu'en 2020 s'accompagnera d'une revitalisation des dons afin de donner une perspective à cette politique ; je regrette que l'on oublie également trop souvent les 370 millions d'euros, d'ici à 2020, de notre enveloppe consacrée aux dons.

Monsieur Dufau, je partage l'idée selon laquelle il y a lieu de consentir davantage d'efforts pour relever les défis qui sont devant nous. C'est pour cela que le Président de la République a annoncé un accroissement de nos prêts de 4 milliards d'euros et de nos dons de 370 millions pour les cinq prochaines années. Ces montants résultent d'arbitrages qui ont donné lieu à de vives luttes, mais ce ne sont pas uniquement les pressions extérieures qui ont conduit le Gouvernement à arrêter cette décision. Le choix financier pour le climat était opéré depuis quelque temps, mais il ne pouvait être annoncé qu'à New York afin de créer une dynamique pour la COP21 ; néanmoins, il est vrai que les prises de position de différents acteurs ont pesé pour renforcer la part consacrée aux dons.

Le programme 110 « Aide économique et financière au développement » contient la partie budgétaire proprement dite, mais également les bonifications des prêts des années précédentes, que l'on doit absolument honorer. Le chiffre de 2016 ne représente donc pas de nouveaux prêts, mais des anciens prêts bonifiés. Les auteurs de l'amendement qui vise ce programme doivent donc prendre en compte cette situation, car 95 % ont déjà été engagés : la marge de manoeuvre s'avère donc limitée ! Grâce à l'aide budgétaire, nous pouvons, en revanche, consentir des dons, et l'aide liée de la Réserve pays émergents (RPE) et du Fonds d'études et d'aide au secteur privé (FASEP) nous permet de soutenir des projets. Je souhaite également parvenir à allouer 0,2 % du revenu national à l'aide publique au développement des pays les moins avancés, mais ce budget reste contraint, et nous devons nous montrer prudents et responsables dans notre action. Le Gouvernement a choisi de diminuer à la fois les dépenses publiques et les impôts, si bien qu'un arbitrage interministériel en faveur d'un programme se fait au détriment d'un autre.

À New York, le Président de la République a annoncé que 4 milliards d'euros seront consacrés par la France au développement, dont 2 milliards dédiés au climat. Cette hausse englobera des prêts et des dons, notamment en direction des PMA qui constituent la cible principale de notre action et la destination privilégiée de nos dons et de nos prêts bonifiés, comme nous nous y sommes engagés à la conférence d'Addis-Abeba. Les PMA sont les plus frappés par le dérèglement climatique et doivent relever un ensemble de défis impressionnants comme le terrorisme, la guerre et la démographie.

Afin d'asseoir notre crédibilité, l'accroissement de notre aide au développement se déploiera dès 2016, à hauteur de 150 millions d'euros, ce qui permettra sinon d'augmenter le budget, du moins de le stabiliser. Il s'agit d'une première étape, qui a nécessité de longs plaidoyers et un engagement de ce gouvernement annoncé par le Président de la République.

La mise en place, notamment de la partie prêts, devra être revue en détail, puisque le rapprochement entre la Caisse des dépôts et consignations à l'AFD permet de bénéficier d'un levier plus important. D'autres priorités pourront être définies dans le courant de l'année, dans le cadre de la loi de 2014.

Nous disposons d'une palette variée d'outils de financement du développement – subventions, dons, contrats de désendettement et de développement (C2D), aides budgétaires globales, financements aux ONG, prêts aux conditionnalités différenciées selon les pays –, que nous devons utiliser en totalité. Je constate sur le terrain que les pays du Sud privilégient de plus en plus les prêts, assortis de fortes bonifications, afin de se responsabiliser ; ils souhaitent également être accompagnés, recevoir des transferts de compétences et des soutiens en expertise, mais également accueillir nos entreprises, bien plus que percevoir des dons. C'est une réponse globale qu'il convient d'apporter aux enjeux du développement.

En 2014, 83 % de notre APD était constituée de dons et 17 % de prêts. Nous concentrons la moitié de nos subventions sur les seize pays pauvres prioritaires (PPP), comme le dispose la loi de 2014.

Madame Imbert, la France s'est beaucoup battue sur la question du genre ; d'ailleurs, nous avons ardemment défendu le maintien de l'objectif consacré au genre et à l'égalité entre hommes et femmes, alors que certains voulaient le supprimer de la liste des dix-sept objectifs de développement durable. Les politiques de genre se trouvent au coeur des priorités de notre action diplomatique et financière, puisque 350 millions d'euros par an sont consacrés à l'égalité entre les femmes et les hommes, soit 35 % de notre APD en 2014. Il s'agit là d'un domaine essentiel, car ce sont les femmes et les enfants les plus touchés par le dérèglement climatique et par les catastrophes naturelles. Voilà pourquoi le ministre des affaires étrangères et du développement international, Laurent Fabius, a annoncé, lors de la troisième conférence mondiale des Nations unies sur la réduction des risques de catastrophe tenue à Sendai en mars dernier, le déploiement d'un projet d'alerte précoce des populations en cas de catastrophe naturelle. L'idée c'est que, d'ici à 2020, chaque personne puisse être informée de l'arrivée d'une catastrophe et du lieu où se protéger. De nombreux enfants et femmes sont morts aux Philippines, car cette population vulnérable s'était réfugiée là où la catastrophe a le plus frappé. Il importe aussi de disposer d'une information météorologique, dont plusieurs pays africains sont privés. Là encore, ce sont les femmes les plus touchées par les phénomènes naturels ; la désertification a un impact sur leur travail de la terre et les oblige à parcourir de plus longues distances pour trouver de l'eau.

Nous travaillons à la montée en puissance des services civiques, réformons le VSI et conduisons une réflexion sur le VIA et sur le volontariat international en entreprise (VIE). À partir de l'an prochain, nous souhaitons amorcer une trajectoire débouchant sur une augmentation de 30 % de notre volontariat. Nous réfléchissons également sur la durée et sur les besoins financiers correspondants.

La France participera à hauteur de 1 milliard de dollars à l'alimentation du Fonds vert pour le climat, l'ensemble des contributions devant représenter 10 milliards de dollars. La France assurera notamment 489 millions d'euros de dons et 285 millions de prêts.

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Tout ne dépend pas du niveau budgétaire de l'engagement de l'État, et l'utilisation des moyens affectés s'avère cruciale. Hervé Gaymard a souligné que l'AFD était essentiellement une banque, mais elle est également un opérateur de solidarité internationale dans lequel les capacités d'expertise et d'accompagnement dépassent celles du seul financement. Et l'adossement de l'AFD à la CDC à lui seul ne suffit pas, même s'il représente effectivement un gain en termes de solidité financière.

On ne met pas assez en valeur ce qui se fait sur le terrain. Avec Jean-Marie Tetart, nous nous sommes rendus à Kinshasa en République démocratique du Congo, où nous avons rencontré des équipes formidables : heureusement qu'elles sont là, car tout ne se décrète pas à Paris. L'État n'est pas le seul décideur en matière de gouvernance, et les collectivités locales, les entreprises, les ONG et les associations doivent jouer un rôle plus important et mieux articulé qu'il ne l'a été jusqu'à présent.

On peut intervenir dans tous les champs – économique, social, éducatif et de la santé – qui intéressent les pays sous-développés et les plus pauvres, mais comme nous ne pouvons pas tout faire nous-mêmes, n'aurions-nous pas intérêt à définir des priorités ? Celle de l'urbanisation, par exemple, car ce phénomène mondial et irréversible affecte sévèrement les pays les plus pauvres. C'est, en outre, dans les villes que 80 % des gaz à effet de serre (GES) sont émis.

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Annick Girardin, secrétaire d'état chargée du développement et de la francophonie

La meilleure articulation des actions des acteurs que vous invoquez est précisément le but du rapprochement de la CDC et de l'AFD ; l'Agence travaille davantage avec les ONG et les gouvernements, quand la CDC jouit d'une importante expérience en matière d'accompagnement des collectivités locales. Ces dernières pourront se rapprocher de groupements d'ONG et d'entreprises afin d'intervenir, si elles le souhaitent, de façon plus globale et cohérente dans les pays du Sud. Il convient également de favoriser le développement des relations entre les pays du Sud.

Monsieur Destot, vous réclamez une action assise sur des priorités, mais cela correspond exactement à ce que nous faisons. Nous mettons ainsi cette année l'accent sur le climat et les réfugiés, alors que nous nous étions concentrés sur la lutte contre l'épidémie d'Ebola l'année dernière. Face aux migrations économiques, nous devons apporter une réponse de long terme qui provienne des pays d'origine.

Dans le domaine du climat, nous avons défini des priorités qui concernent les systèmes d'alerte, les énergies renouvelables et les villes durables dans lesquelles nous nous focalisons sur les transports. En outre, les parlementaires, lors de l'adoption de la loi de 2014, avaient rappelé les priorités géographiques et sectorielles de l'action de notre pays, et c'est dans ce cadre que nous arrêtons des choix. Nous devons insister sur l'adaptation, question qui ne touche pas que le climat, mais également la lutte contre la pauvreté. Nos objectifs dans ces deux domaines, couplés à ceux du développement durable, convergeront en 2016, ce qui renforcera notre efficacité.

Nous travaillons actuellement à la préparation du sommet sur la migration, qui se tiendra en novembre prochain à La Valette. Nous ne pourrons pas nous contenter d'une réponse sécuritaire, et nous proposerons, avec l'Allemagne et la Suède, des initiatives en direction de la jeunesse. En outre, le Fonds pour le Sahel sera abondé de 1,8 milliard d'euros, et nous préciserons ses interventions. L'ensemble des actions européennes de soutien devront, en tout état de cause, être cohérentes avec nos opérations bilatérales.

La réunion de la commission élargie s'achève à vingt-deux heures vingt.

Le Directeur du service des comptes rendus des commissions,

Nicolas VÉRON© Assemblée nationale